Déclaration de Roberto Peci lors de son interrogatoire

DÉCLARATION No 2, FAITE PAR R. PECI AU COURS DE L’INTERROGATOIRE AUQUEL IL A ÉTÉ SOUMIS DANS LA PRISON DU PEUPLE

     Je suis Roberto Peci. Je suis dans une prison du peuple pour les erreurs que j’ai commises. J’ai décidé de tout expliquer en cherchant à faire la clarté. Je sais très bien qu’en ce moment je suis gênant pour les carabiniers, et je suis sûr qu’ils préféreraient que je sois mort. En lisant les journaux, on voit clairement que l’on veut mon silence, mais au contraire, non, je me rebelle et je dis la vérité, parce que ceci est l’unique geste de dignité et de bon sens. Même si je comprends qu’après cette lettre, je serais définitivement abandonné par l’État, je ne ferais pas marche arrière.

     Je veux cependant dire que la tentative politique de faire conclure rapidement ce procès par mon exécution est vraiment répugnante. Les masques commencent à tomber, et je reconnais maintenant très clairement le pouvoir et ceux qui le gèrent. Je remercie ma femme qui dans sa lettre, m’a fait comprendre qu’il était l’heure de rendre à chacun sa part de responsabilité.

     Les choses se sont déroulées ainsi :

     Mon frère téléphonait parfois à la maison. De telle manière que vers mai 1979, un dimanche, aux environs de 9 heures, il téléphona et dit à ma mère qu’il était fatigué, qu’il en avait marre et qu’il se sentait à la dérive. Il pleura plusieurs fois en disant toutes ces choses. Les carabiniers interceptèrent la communication et la passèrent à un psychologue, qui l’analysa. Il conclut que Patrizio était entrain de lâcher prise et était en pleine crise. Il ne téléphona plus durant 4 ou 5 mois. Vers les débuts d’octobre 1979, il retéléphona chez ma sœur Ida, je crois un après-midi, et lui dit, toujours avec un air très abattu, qu’il était las, et que tôt ou tard il serait arrêté et qu’il n’attendait que cela. Ma sœur chercha à le tranquilliser, mais remarqua très bien sa faiblesse et la crise profonde qu’il était en train de vivre. Vers la fin octobre 1979, je fus arrêté pour l’histoire de la Confapi d’Ancona. Alors, mon frère téléphona chez ma sœur pour savoir comment j’étais, faisant les habituels discours et pleurent. À la prison de Fossombrone, j’eus plusieurs crises de nerfs, il me fallait tous les jours beaucoup de tranquillisants. Quand je fus interrogé, je niais tout. Mais, une fois terminé l’interrogatoire, trois carabiniers d’Ancona, parmi lesquels le capitaine Tucci Nicola, voulurent parler avec moi. Ils voulaient savoir où se trouvait Patrizio, mais je répondis que je ne le savais pas. Ils me dirent qu’ils savaient que mon frère téléphonait parfois chez nous, et qu’il était en crise, ils me dirent qu’il valait mieux qu’ils l’arrêtent tout de suite, parce que sinon il mourrait dans une quelconque fusillade, vu qu’il n’avait plus tout son sang-froid et sa lucidité.

     Je répondis que je verrais ce que je pourrais faire, et suite à cette approbation tacite, je sortis le 2 décembre 1979.

     Patrizio téléphona vers le 10 décembre. Je lui racontais ce que m’avaient dit les carabiniers. Il me dit qu’il rappellerait le lendemain chez un parent et que nous en parlerions. Le parent était un oncle. Le jour suivant, il nous appela ponctuellement et nous fixa un rendez-vous pour le 13 à 9 heures, à la gare de Turin, à côté des taxis. Nous en discutâmes à la maison et nous décidâmes que ma sœur Ida et moi, nous irions voir le maréchal Ceneri à San Benedetto pour obtenir des garanties et que nous ferions arrêter mon frère. Ceneri nous dit de repasser quelques heures plus tard, car il devait donner des coups de téléphone avec Dalla Chiesa, qui me dit que nous avions sa parole d’honneur qu’il arrêterait mon frère vivant, et que sa parole était reconnue même par ses ennemis. Alors, nous lui donnâmes le rendez-vous.

     Deux ou trois jours passèrent, et vu que nous ne savions rien, nous téléphonâmes à Ceneri qui nous dit : il est en prison, ne vous préoccupez pas, il est bien, mais pendant quelques temps vous ne pourrez le voir, c’est la pratique. Nous attendîmes presque un mois avant de repartir à l’attaque. Suite à quoi, vers le 15 janvier, jle téléphonai à Turin au juge Caselli, et lui dit : je voudrais avoir des nouvelles de Peci, je voudrais avoir une rencontre, cela fait maintenant plus d’un mois qu’il est arrêté. Caselli me répondit : je ne sais rien des choses dont vous me parlez, je ne suis pas au courant. Je lui dis alors que mon frère avait été arrêté à la gare de Turin sur nos indications. Il me dit que cela lui semblait étrange et qu’il n’en savait rien. Je me retrouvais très mal, et je donnais d’autres coups de téléphone à Turin. Je cherchais Bernardi, Griffei, Lauda, mais ils se dérobèrent toujours. Je téléphonais alors à Ceneri, qui me dit de rester calme que notre famille pourrait bientôt rencontrer Patrizio. Nous nous tranquillisâmes un peu. C’est alors que, vers la mi-février, la radio annonça l’arrestation de Patrizio. Je téléphonais à la caserne de via Valfrè à Turin, où la radio avait dit que se trouvait Patrizio, mais ils me répondirent qu’ils ne pouvaient rien me dire. Je téléphonais à Caselli, qui me dit que mon frère n’avait besoin de rien, qu’il avait choisi l’avocat Arnaldi. Et il ne me dit rien de plus, prenant l’air de rien sur l’autre coup de téléphone. Nous téléphonâmes à Arnaldi et lui aussi nous dit que les visites étaient impossibles, et qu’il nous avertirait au cas où il y aurait des possibilités. Comme l’instruction se faisait à Turin, nous y allâmes, ma sœur Ida et moi, emportant une valise avec des affaires pour mon frère. Puis, nous allâmes chez Caselli, qui nous refusa encore une fois une visite. L’unique chose que je puisse vous donner, nous dit-il, est un permis pour remettre cette valise à Cuneo, ce que nous fîmes. Nous réussîmes à faire la première visite à Pescera tout de suite après Pâques.

     Les choses s’étaient déroulées ainsi :

     Mon frère fut arrêté autour du 13 décembre, vers 9 heures du matin, alors qu’il se trouvait vers la balustrade des taxis à la gare de Turin, par 6 ou 7 carabiniers. Ils lui sautèrent dessus et l’emmenèrent dans un appartement civil de Turin, où il fut maltraité. Vers midi, il se déclara disposé à parler. Deux ou trois heures plus tard, Dalla Chiesa arriva avec un carabinier des Marches qui le reconnut formellement. Plus Dalla Chiesa commença à traiter avec lui. Il lui dit que s’il disait tout, il sortirait dans peu de mois, avec de l’argent et un travail à l’extérieur. Ce jour-là, Patrizio dit tout sur la colonne turinoise. Une fois l’interrogatoire terminé, Dalla Chiesa lui dit : retourne faire ce que tu faisais avant, cherche à rencontrer le plus de gens possible, nous te suivrons. Patrizio lui dit alors : et si je devais faire quelque action ? Ils lui répondirent : fais-la et ne te préoccupes pas, ce que nous faisons est beaucoup plus important. Nous te ferons savoir quand nous devrons t’arrêter officiellement. Ils le suivirent et, vers le 10 février, un carabinier s’approcha de Patrizio et lui dit qu’ils devaient absolument l’arrêter très rapidement, parce qu’à Rome, on avait sû qu’il avait été intercepté et que l’on voulait qu’il soit arrêté. Patrizio lui répondit qu’il avait rendez-vous trois jours plus tard avec Micaletto, et que pour lui ça irait bien.

     Je voudrais faire une remarque sur le juge Caselli de Turin. Peut-être que lorsque je lui ai téléphoné, il ne savait rien de l’arrestation de Patrizio, mais, ensuite, il était clair qu’il s’était renseigné, et, selon moi, il a voulu lui aussi gérer la chose. Ce n’est pas une donnée certaine, mais c’est la logique qui me conduit à le penser. Après le coup de téléphone que je lui passai, il a certainement tout su, et il a géré la chose au niveau politique. Aussi, parce qu’il a toujours été très compréhensif à l’égard de Patrizio, et qu’il lui a souvent donné des conseils sur comment il devait se comporter dans certaines situations.

     Quand il a été arrêté, Patrizio a été emmené à la caserne des carabiniers de via Valfrè, où il a été mis dans une cellule de sécurité. Ils ne le laissèrent pas dormir. Quand ils voyaient qu’il fermait les yeux, ils commençaient à faire du bruit. Quand ils lui portaient à manger, ils crachaient dans son plat. Puis, à chaque fois qu’ils entraient dans la cellule, ils lui pointaient un pistolet au front et lui disaient : maintenant, nous tirons. Ceci durant une semaine, durant laquelle il demanda à parler avec Dalla Chiesa, qui ne vînt pas. Il fut emmené à Cuneo, où il réclama encore Dalla Chiesa, qui ne vînt pas. 25 jours environ après son arrestation, après qu’il ait subi le procès pour détention d’armes, il demanda le général qui vînt en lui disant qu’il avait des problèmes politiques et qu’il avait besoin de quelque chose de gros, pour aller trouver les politiciens à Rome et entamer les tractations. Patrizio lui dit que via Fracchia, il trouverait des éléments importants des B.R. Le général lui dit qu’il fallait faire du bruit si l’on voulait que les politiciens donnent des garanties, à la suite de la collaboration de Patrizio avec les carabiniers. Et aussi que, en faisant une opération aussi importante seulement à ce moment, personne ne se douterait des deux arrestations.

     Dalla Chiesa prépara l’opération de via Fracchia. À peine fut-elle terminée qu’il alla à Rome parler avec Cossiga et Pertini, lesquels s’employèrent à faire rapidement une loi sur les repentis. Cossiga et Pertini dirent aussi qu’ils étaient d’accord pour faire avoir à Patrizio un travail à l’extérieur, avec de l’argent pour se ranger.

     Dalla Chiesa retourna voir Patrizio et lui dit que tout était au point, que les politiciens étaient d’accord. C’est ainsi que commencèrent les confessions-fleuve de Patrizio, d’abord aux carabiniers, puis au juge Caselli. À un moment où mon frère n’était pas interrogé, trois personnes se présentèrent, disant appartenir à la D.I.G.O.S. Ils dirent à Patrizio que, s’il leur disait les choses qu’il savait, ils le feraient évader le lendemain avec 500 millions. Mon frère refusa, parce qu’il était convaincu qu’ils l’auraient tué lors qu’il s’enfuyait.

     Il raconta tout au capitaine Pignero, qui se mit vraiment en colère, tant et si bien qu’il partit immédiatement en disant : maintenant que j’y pense, c’est trop facile, c’est nous qui travaillons et les autres arrivent et veulent tout prouver sur un plateau. Patrizio sut ensuite qu’il y a eu à cette époque une certaine tension entre les sommets de la D.I.G.O.S. et les carabiniers. Patrizio fut géré par Dalla Chiesa, le capitaine Pignero et Caselli, qui sont souvent allés le trouver ensemble pour lui donner des conseils sur comment justifier son repentir. Patrizio ne m’a jamais dit s’être repenti, mais que c’étaient ces trois personnes qui voulaient qu’il se donne cette étiquette. Toutes les interviews et les choses qu’il a dites aux journaux sont passées à travers Dalla Chiesa et Caselli, qui y ont souvent apporté des corrections, particulièrement à l’interview à Panorama. Immédiatement après Pâques, Patrizio fut emmené à Pescara, où nous allâmes tout de suite le voir, moi, ma mère et mon père. Nous discutâmes et il me demanda un service, celui de téléphoner à sa ex-copine et de lui dire de quitter Turin, dans la mesure où, si lui ne l’avait pas accusée, il y avait des raisons de penser que quelqu’un s’apprêtait à parler. Chose que nous fîmes, moi et ma sœur Ida. Nous lui téléphonâmes et nous la fîmes venir à Ascoli Piceno. Nous lui expliquâmes la chose, mais elle dit ne pas être d’accord et préférer se constituer prisonnière, ce que nous lui conseillâmes.

     J’eus d’autres discussions avec d’autres camarades, en restant toutefois sur des positions prudentes. Bien sûr, j’étais pessimiste sur le fait que la lutte armée puisse continuer, mais évidemment, je me suis complètement trompé. Je n’ai jamais donné ou autorisé, ou signé une quelconque interview, ni même celle au Corriere della Sera.

     Je suis sorti de la lutte armée il y a cinq ans, parce que je ne pouvais plus continuer, et parce que, étant donné que j’avais un frère en fuite, j’avais peur d’être arrêté de nouveau, comme me l’avaient dit les carabiniers quand j’avais été arrêté pour l’histoire de la Confapi, et aussi parce qu’à chaque perquisition qu’ils faisaient à la maison, les carabiniers menaçaient, même devant ma mère, d’abattre mon frère dès qu’ils le trouveraient. Puis aussi parce que, quand il nous téléphonait, lui aussi avait dit plusieurs fois qu’il attendait son arrestation comme une libération.

     Je me rends compte que je me suis trompé, et pour cela, je m’en remets au jugement du prolétariat, j’espère en sa magnanimité, qui a déjà été démontrée plusieurs fois. Toutefois, je me rends aussi compte que tout ce que j’ai fait a suivi un plan scientifique, mis au point par Dalla Chiesa, Pignero, Caselli, un plan monstrueux, un plan qui a été étudié, calculé et mesuré.

     Les vrais coupables sont ces personnes, qui ont joué avec le cerveau de quelques camarades plus faibles. J’ai été instrumentalisé sans m’en rendre vraiment compte. Il y a seulement peu de temps que je me suis aperçu des jeux politiques qu’il y avait derrière nous. Les repentis n’existent pas, il s’agit seulement de camarades plus faibles qui ne veulent pas assumer leurs responsabilités, et qui se sont fait manœuvrer comme des marionnettes, moi y inclus. Cependant, les marionnettistes sont rusés, c’est un trio qui travaille en parfait accord, et c’est peut-être pour cela qu’ils ont réussi à obtenir quelques résultats. « La lutte armée est battue » est un slogan des carabiniers, qui ont obligé les traîtres à le diffuser dans tout le prolétariat, en cherchant à créer la confusion parmi les camarades qui luttent encore.

     C’est pour cela que j’ai parlé, que j’ai décidé tout dire, et aussi parce que, à travers les campagnes de presse et par mes déductions personnelles, je me suis aperçu qu’il aurait été pratique que je sois mort tout de suite. Je sais très bien que même ma famille, ma femme comprise, aura quelques difficultés à m’aider, parce qu’elle devra admettre une vérité brûlante et scandaleuse.

Peci Roberto

>Sommaire du dossier

Prima Linea : Véhicules de la mémoire et nouvelle organisation de la subjectivité (1983)

[Document de Diego Forastieri et Sergio Segio, membres de l’ex-direction historique de Prima Linea puis des Noyaux Communistes Combattants.]

Reprendre aujourd’hui le fil du débat politique, donner une nouvelle finalité et perspective à la confrontation, à l’analyse, signifie en premier lieu rechercher et définir les causes qui nous ont conduit à ce qui peut sembler un cul-de-sac.

     La question que chacun de nous et le mouvement révolutionnaire dans son ensemble se posent en un moment de défaites tactiques lourdes et répétées est en quoi et où nous sommes-nous trompés pour être arrivés à ce point ?

     Pourquoi ? La question est dramatique, mais ne pas chercher à y répondre, continuer en feignant qu’il ne soit rien arrivé, que rien ne se soit modifié, peut être encore plus et irrémédiablement nuisible pour les perspectives du processus révolutionnaire dans ce pays.

     Les réponses que nous saurons donner sans feintes, hypocrisies et fausses illusions seront autant de points de départ pour une capacité renouvelée de projets et de prévisions, pour une capacité nouvelle et multiforme d’adhérence dialectique avec la réalité, ses dynamiques et ses mouvements.

     Il est nécessaire d’ouvrir une phase de profonde critique et autocritique, hors de tout conformisme, qui, en fouillant comme un bistouri au plus profond des déchirures produites par des maux antiques comme le subjectivisme, le militarisme et le mécanisme, réussisse à redonner intelligence au travail révolutionnaire, à nous rendre informés et adéquats.

     Ceux qui, aujourd’hui, ne se situent pas dans cette perspective, reproduisent un dangereux continuisme avec des dispositifs, des projets, des méthodes et des pratiques qui portent le signe de la défaite. Ils ne comprennent pas que les schémas d’analyse et les grilles d’interprétation avec lesquels nous nous sommes rapportés à la réalité et aux mouvements antagonistes portent en eux des vices de fond, que seule une rupture radicale — non formelle — avec le passé dans l’analyse et dans la pratique sociale peut permettre de dépasser, et d’ouvrir des processus novateurs.

     Cela ne peut vouloir dire liquider dix années de lutte, de pratique combattante, de développement de la lutte armée, avec tout ce qui en découle : patrimoine d’analyse, d’expérience, de modification de la réalité, mémoire historique sédimentée.

Non, nous ne jetterons par le bébé avec l’eau sale, nous n’avons rien à voir avec les dissociés et le « parti de la reddition ». Il s’agit au contraire, en recomprenant les motivations historiques et sociales de la révolution, de réaffirmer — tout en en critiquant l’absolutisation — la validité stratégique de la lutte armée, en tant qu’instrument adéquat au développement des contradictions sociales, dans son devenir guérilla métropolitaine, guerre civile déployée.

     Une première considération doit être faite c’est la constatation de la défaite de phase que la lutte armée a subi. L’accepter comme une donnée de fait, mise en évidence par l’arrestation de centaines de camarades au cours des derniers mois, avec la mise en doute de pans organisés entiers du mouvement révolutionnaire, est nécessaire pour porter jusqu’au bout l’autocritique sans s’arrêter aux aspects secondaires et les plus apparents.

     La bourgeoisie a introduit de profonds éléments de transformation dans l’ensemble du tissu social et, donc, dans les figures qui le composent, à travers de gigantesques processus économico-productifs de restructuration et le déploiement massif et capillaire du contrôle social. Chaque aspect de la vie et de la journée est tendu, orienté, modelé et rapporté à une série de valeurs, de comportements, de manières d’être, appuyés et sollicités par des campagnes d’« opinion » massives et par les mass-média.

     Chaque plan régulateur de la vie sociale, formalisateur des rapports de force entre les classes, s’en trouve bouleversé — les plans juridique et syndical sont parmi les plus chamboulés.

Chaque hypothèse de transgression de la règle est violemment refoulée, frappée à travers l’imposition déployée des idées-guide, des valeurs « dominantes », qui ne sont autres que la reproposition, à l’intérieur de la crise et de la restauration, de toute la merde idéologique, des conceptions productivistes, hiérarchiques et disciplinaires de la bourgeoisie impérialiste, à travers les nouveaux habits du développement de la crise, de la rupture de l’égalitarisme, de la « responsabilisation », du primat à l’initiative privée et, au centre du gâteau, l’« appel aux armes » dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité. De ce dernier point de vue, il faut aussi relever la tentative de donner une substance morale et civile, dans toutes les couches sociales, à la pratique de l’infâmité.

     Aujourd’hui, ces tentatives (qui tendent à s’accompagner de la tentative générale de désolidarisation à l’intérieur de la classe) ont des manifestations toujours plus visibles dans la « nouvelle organisation du travail » et dans la présumée co-responsabilisation aux intérêts économico-productifs.

     Contrôle et infâmité, coercition et imposition de l’éthique capitaliste, semblent être les aspects cardinaux sur lesquels l’État tend à redéterminer les rapports sociaux.

     Le capital a aussi appris à s’approprier la culture, l’idéologie, les dynamiques internes au prolétariat en en faisant un double usage comme fonction antiguérilla et, en les corrigeant, pour les introduire dans le cycle de valorisation. L’aspect le plus visible et le plus dangereux est la capacité qu’a acquise la bourgeoisie, dans des temps relativement brefs, de s’adapter aux dynamiques réelles de la guérilla et des mouvements de lutte.

     Cette capacité a engendré deux lignes directrices stratégiques « gagnantes » pour le capital : la différenciation et le repentir. Différenciation dans le prolétariat prisonnier et individualisation du traitement et différenciation sociale, c’est-à-dire des tactiques différentes d’approche et d’attaque des différents comportements antagonistes. Cela a créé une déshomogénéité profonde et complexe de la réalité sociale, dans les comportements individuels et dans les comportements collectifs.

La tactique est ainsi devenue (chose par ailleurs toujours vraie) un élément fondamental de l’initiative ennemie. Le magma social est toujours moins réductible à une stratégie unique, les degrés de l’antagonisme sont multiples, les « figures-guides » se sont décomposées et ont disparu ?

Elles ne peuvent donc, matériellement et objectivement, être reproposées, la faculté de communiquer entre les pans du prolétariat métropolitain s’est réduite, la communication entre ce dernier et la guérilla s’est réduite à une faible lueur.

     Et, ici, nous entrons dans le champ de ce que sont les contradictions qui ont accompagné le parcours de la lutte armée au cours de ces années.

     Repentis, dissociés, rendus, réfugiés divers…

     À quelques années de distance de l’explosion du phénomène de la délation et de la trahison — et dans sa reproduction et sa reproposition constante — l’élément qui saute le plus impérieusement aux veux est la sous-évaluation du problème par le mouvement révolutionnaire et, par conséquent, son incapacité à le battre, en en comprenant pleinement les causes.

     Un des premiers motifs de cette incapacité a été une logique, qui a existé dans une partie du mouvement révolutionnaire, qui liquidait le problème comme manifestation de l’infiltration de l’idéologie bourgeoise à l’intérieur du mouvement et du fait que des lignes politiques erronées prévalaient à l’intérieur des entités organisées. Le problème était donc simple et pouvait se résoudre par l’affirmation de la ligne « juste » (la sienne, évidemment).

     L’histoire de ces années a tragiquement fait justice de cette manière de voir, tout comme de la logique totalisante des lignes « correctes » et « erronées », vu que les infâmes continuent d’exister — dans toutes les réalités organisées — et que les soi-disant lignes « justes » ont produit les plus grands actes de démence et de bestialité des dernières années (voir l’opération à la Banque de Naples à Turin et l’affaire Ligas).

     Le problème est donc plus complexe et sa solution n’est pas principalement une question militaire, même s’il reste clair que le rapport entre traîtres et mouvement révolutionnaire se pose, aujourd’hui comme toujours, en termes d’anéantissement. Un problème qui trouve ses racines, et donc sa clé de lecture, dans les erreurs, les limites et les contradictions qui ont accompagné et traversé le développement de la guerre sociale dans ce pays.

     Face à l’incapacité du mouvement révolutionnaire à régler ses comptes avec ses propres limites, à se rénover en se transformant, l’État a eu l’intelligence et la capacité de s’approprier les contradictions internes à la subjectivité communiste et au corps social prolétarien lui-même, pour les utiliser comme un coin, véritable tête de pont qui déchire en profondeur, qui détermine des processus irréversibles de destruction des liens éthiques et politiques internes au prolétariat.

Ce projet, cette stratégie — désormais substantiellement érodée, faillie, par-delà les campagnes publicitaires — a maintenant besoin de s’affiner, de trouver de nouvelles figures, de nouveaux instruments de division/infiltration.

     Et, là, un nouveau type d’ordures entre en scène, que malheureusement chaque processus révolutionnaire a connu : les soi-disant « dissociés », c’est-à-dire ceux qui, ayant vécu des expériences de lutte armée ou, en tous cas, d’antagonisme radical, acceptent aujourd’hui, en plus de brader les identités collectives et les parcours historiques, de se faire les instruments actifs de la propagande et de la division, et d’assumer à la première personne la campagne pour la désolidarisation, pour la critique non seulement de la lutte armée, mais aussi de toute forme de lutte et de conflictualité non médiée, non régulée par la confrontation/tractation avec les institutions.

     Dans l’analyse de ce nouveau phénomène (nouveau en ce qu’il est actuellement la carte principale que la bourgeoisie entend jouer pour battre la subjectivité et l’antagonisme), les généralisations simplificatrices doivent cependant être évitées. L’aire qui se retrouve sous le nom de « parti de la dissociation et de la reddition », tant en prison qu’en dehors, est un ensemble composite, par certains côtés hétérogènes, dans lequel il faut opérer des distinctions et appliquer des tactiques et des réponses différenciées.

     Nous estimons que la lutte armée, l’internité à la militance révolutionnaire, est le fruit de et est porté par des analyses politiques précises. Elle est donc un choix et n’est une obligation morale pour personne. D’autant que, contrairement à ce que disent aujourd’hui les poux savants, chacun a toujours été parfaitement libre de sortir des organisations combattantes lorsqu’il l’a voulu.

     Pour cela aussi, pour rejeter l’image de la militance comme une chose imposée, un chantage, parce que nous ne sommes pas musulmans, nous estimons dangereux de ne pas opérer de distinctions et de séparations. Nous déterminons, schématiquement, trois catégories de dissociés :

     1) ceux qui, par fatigue, par manque de confiance ou pour des motifs « personnels », ont simplement abandonné la militance et se sont consacrés à l’élevage des moutons ou à un quelconque métier ou pratique individuelle ;

     2) ceux qui, critiquant ou jugeant dépassée la lutte armée, voient — plus ou moins tactiquement — la solution à une série de limites et de nœuds politiques (y compris la libération de tous les prisonniers politiques) dans une médiation avec les institutions ;

     3) ceux qui bradent des parcours collectifs pour des profits individuels — c’est-à-dire qui posent le problème de leur propre libération — et, en même temps et par voie de conséquence, se font l’instrument actif de la division et de la différenciation, et donc l’engrenage conscient du processus d’extermination et d’anéantissement des prisonniers communistes et des prolétaires antagonistes.

     Il est clair qu’il existe une « contiguïté » et une sorte d’affinité d’analyse entre ces catégories, mais il est aussi vrai que la critique révolutionnaire doit être capable de distinguer entre nature ennemie et nature externe, entre ce qui peut être récupérable ou en tout cas indifférent et ce qui est irrémédiablement de l’autre bord.

     Si la première catégorie n’est pas substantiellement intéressante, n’ayant pas d’épaisseur politique, la seconde a au contraire un certain type d’importance, étant porteuse de certaines propositions, en particulier celle de la « solution politique » — aussi appelée amnistie — pour les prisonniers politiques.

Nous n’aborderons pas ces propositions, tant parce que le discours qui nous intéresse est celui de la libération non des seuls « prisonniers politiques », mais de l’ensemble du prolétariat prisonnier comme partie intégrante et référée à l’ensemble du processus de libération sociale, que parce qu’elles sont manifestement et matériellement sans fondements, en ce qu’elles sont déliées des lois des rapports de force et des dynamiques sociales qui les produisent et les mettent en mouvement — les discours sur les « pré-conditions » sont de pures abstractions — et, par conséquent, à la fin de la foire, une misérable, inutile et transparente d’une aire de se mettre en paix avec le peu de conscience qui lui reste et de se reproposer comme classe politique.

     Si cela est vrai, si l’opportunisme et la mauvaise foi sont évidents, il est aussi vrai que cette aire ne peut être tout simplement classifiée comme interne à l’État, à ses logiques, ses tendances et ses programmes.

     Par rapport à la troisième catégorie, nous ne pouvons que réaffirmer que la libération est un processus social et collectif. Celui qui pense pouvoir la réaliser individuellement, en plus d’être un idiot plein d’illusions, choisit précisément son camp et doit assumer les lourdes responsabilités de ce choix.

     L’unique rapport possible entre la révolution et celui qui se fait sujet actif, engrenage conscient de la différenciation qui vise à l’extermination des communistes et du prolétariat prisonnier antagoniste est la guerre et l’anéantissement !

Sur ce terrain, le mouvement révolutionnaire devra s’exprimer et se mesurer concrètement.

     La question de la trahison représente seulement une excroissance, le sommet de l’iceberg, sous lequel vit la montagne de nos contradictions. Dans la classe, celles-ci ont mené à une crise de légitimité et de crédibilité sans précédents, dont le dépassement a les rythmes du saut de la lutte armée à la guérilla métropolitaine déployée, de la reconstruction de l’internité, de la dialectique entre subjectivité communiste et mouvements de lutte.

     Nous sommes convaincus que la racine de nos erreurs doit être recherchée dans la perte progressive d’enracinement, c’est-à-dire dans l’absence du rapport dialectique d’entrelacement, de complémentarité entre l’initiative des communistes et les mouvements de l’antagonisme social.

À partir d’un certain point, les dynamiques de lutte et d’organisation prolétariennes et celles internes à la guérilla se sont séparées, en produisant des parcours en ciseaux que l’ennemi a su rendre toujours plus séparés.

     Dans ce cadre, un vrillage en spirale s’est déterminé dans la pratique sociale de la lutte armée, ainsi que dans le débat, qui est allé jusqu’à trouver sa fin, plus que dans la transformation, dans la survie gangrenée, politique et matérielle, du dispositif et de l’appareil.

     Une conception militariste de l’affrontement a ainsi prévalu sur la nécessité historique de transformer, massifier la pratique de la lutte armée en guerre sociale déployée, dans laquelle la lutte armée représente l’aspect stratégique et gagnant mais ne renferme pas en elle toutes les pratiques sociales antagonistes qui renvoient à un processus de libération.

     Ont ainsi été donnés pour acquis des rapports de guerre qui, objectivement, ont été produits par l’ennemi, mais qui, subjectivement, ne sont pas encore un patrimoine conscient, recueilli et transformé en pratique sociale adéquate par la classe. On a confondu le fait objectif et le fait subjectif.

Le rapport de guerre qui vit objectivement entre la bourgeoisie impérialiste et le prolétariat métropolitain a été la rampe de lancement de théories et de pratiques militaristes et subjectivistes. Et, au même moment, le fait d’être externe aux dynamiques et problématiques prolétariennes n’a pas permis de percevoir que se déroulait désormais une sorte de « guerre de bandes », un affrontement entre appareils.

     Dans cette dégénérescence, d’amples espaces ont été trouvés par des analyses et des conceptions mécanistes du développement du processus révolutionnaire, une tentative d’enfermer le réel dans des schémas d’interprétation pré-établis.

     Et là, libre cours a été donné à la fantaisie, en s’inventant des organismes de masse « virtuellement actifs », des masses à l’assaut et des guérillas à l’offensive, dans laquelle la recomposition prolétarienne devenait un pur fait arithmétique et la guérilla se réduisait à une somme d’opérations militaires.

     Ce type d’approche renversée du problème de l’analyse des mouvements de la réalité, cet usage des lunettes de l’idéologie, massif et coutumier, a surtout représenté un décollement, arrivant à produire une opération comme celle de la Banque de Naples à Turin, dont l’unique mérite a été d’ouvrir les yeux, à ceux qui en avaient encore besoin, sur la profonde séparation entre les dynamiques réelles et la « synthèse de Parti ». La bourgeoisie a eu beau jeu de ressortir les thèmes de la folie et des bêtes féroces assoiffées de sang.

     Il n’y a pas eu une capacité d’articuler la tactique révolutionnaire, de construire l’assonance, la liaison dynamique, l’interaction, l’interdépendance des rythmes avec les mouvements de masse, avec les pratiques d’antagonisme social diffus, avec les exercices de la lutte et du pouvoir par le prolétariat. La lutte armée a été rendue absolue, comme unique élément valide d’affrontement avec l’État, comme unique instrument de lutte politique et de transformation. Le concept de subversion et d’antagonisme social, de guerre sociale déployée, s’est enfermé dans la seule pratique combattante.

     En attribuant la centralité absolue à l’explicitation des aspects stratégiques du projet, à la nécessité de provoquer des ruptures dans le cadre politique, de déstabiliser, désarticuler le cœur de l’État, aucune importance n’a été accordée aux multiples pratiques antagonistes qui ont vécu et se sont exprimées dans les dynamiques de lutte du prolétariat métropolitain.

     À l’intérieur du fluide magmatique du tissu social soumis à de constantes mutations, dans un cadre complexe, où rien n’est plus réductible à une synthèse et à une centralité, l’initiative ennemie s’est faite guerre totale, accélérant les processus, affinant les instruments.

La cybernétique, l’électronique, l’industrie guerrière, le nucléaire, s’ils sont des secteurs stratégiques de la restructuration impérialiste, et donc de décomposition/transformation, deviennent aussi des vecteurs moteurs du processus d’enrégimentement, de mise au pas et de militarisation des rapports dans la société, de la domination déployée sur la métropole et sur l’individu social. L’initiative révolutionnaire n’a pas encore été en mesure de se rapporter à cet ensemble de questions, en se complexifiant à son tour.

     Certaines forces révolutionnaires sont restées attachées de manière fétichiste à une culture de la « centralité » de la classe ouvrière d’usine sans voir les bouleversements sociaux qui se sont produits au cours de ces années et sans lire les contenus nouveaux que le mouvement de 77 avait exprimés et qui ne pouvait pas, par la radicalité et la globalité de la critique à tous les aspects de la vie sociale, être synthétisés en un seul sujet prolétarien.

     À l’opposé, ceux qui en avaient saisi la « modernité », les éléments novateurs, ont pensé pouvoir les fixer, les bloquer, les enfermer dans quelques schémas, les ramener à une projetualité asphyxiante et misérable, privée d’articulations et riche de représentations à base de slogans, de mots d’ordre abstraits. À tous a de toute manière manqué la capacité, nécessaire et fondamentale, à donner équilibre et stabilité, dans un rapport d’enrichissement réciproque, aux tensions, aux aspirations, aux besoins matériels et vitaux que cette minorités sociale manifestait.

     Derrière les vagues que le magma social produit, et qui est sa manière d’être, il était — et il est — absolument nécessaire de donner un centre. Celui-ci se présente comme nécessité-capacité de faire lire et de faire vivre, à travers la pratique sociale, les éléments de communisme qui vivent souterrains dans les luttes que, de temps en temps, des couches du prolétariat métropolitain réalisent.

     Il s’agit de réaliser un entrelacement, le plus riche et articulé possible, entre la subjectivité communiste et l’antagonisme social, dans une dynamique constante avec les mouvements de masse, dans une pratique sociale attentive aux programmes de phase, dans un calibrage d’initiatives qui libèrent des espaces matériels et politiques.

     À partir de cela, nous pouvons avoir la mesure des pas et des efforts à accomplir.

     Europe et alentours…

     Une autre illusion sur laquelle a vécu le mouvement révolutionnaire dans ce pays a été de croire pouvoir faire avancer le processus de libération en dehors du — ou en oubliant le — contexte international, c’est-à-dire sans prendre beaucoup en compte, dans l’analyse et la pratique, les tendances, les tensions et les ruptures qui se développaient au niveau mondial.

     Là-dessus, la réflexion et le débat ont toujours eu un caractère marginal. Nous avons grandi en pensant — dans une dimension somme toute inconsciente et pour cela doublement erronée — pouvoir réaliser des ruptures en dehors des équilibres et des rapports de force définis internationalement.

     Aujourd’hui, plus que par le passé, les grands processus de restructuration économico-sociale répondent à deux exigences de fond : la première est l’exigence de soutenir la concurrence sur le plan international, c’est-à-dire de faire face à une véritable guerre économique qui se développe tendanciellement, où l’unité du monde capitaliste occidental n’est plus qu’un pâle souvenir.

Les signes de ces contradictions nouvelles et plus aiguës sont sous les yeux de tous et la crise structurelle en accroît la lourdeur : depuis désormais des années, la C.E.E. ne réussit pas à accoucher d’un bilan et d’une répartition des charges et des richesses qui satisfasse tout le monde. Depuis des années, la politique sidérurgique, agricole, énergétique de chaque pays de la Communauté déchaîne des conflits toujours moins médiables.

Chaque État-nation a ses problèmes, ses propres intérêts, ses propres corporations toujours plus tenaillées, aux prises avec la crise, d’entiers secteurs productifs nationaux au bord du collapsus, une inflation et un chômage en augmentation constante et exponentielle. Et puis, le chômage a atteint des chiffres astronomiques de l’ordre de 10-12 %, avec des pointes de 14-15 % dans certains pays de la C.E.E.

Et les perspectives sont plus sombres que jamais, surtout dans une conjoncture où la crise n’est pas un élément de tassement-dépassement des étranglements du cycle, mais a un caractère endémique et permanent.

     La réduction du volume du commerce et de l’échange international, les mesures protectionnistes envahissantes, les économies soutenues par une intervention étatique massive rompent les règles du jeu, faussant la concurrence, produisant des contre-mesures et des « sanctions », en une spirale et un mouvement de vrille sur soi-même du système, qui ne peut que mener à la crise générale.

     Le système bancaire et financier international lui-même, véritable axe portant de l’économie mondiale, commence à se lézarder. La crise de solvabilité de nations entières du Tiers-Monde, qui ne survivent que par les prêts internationaux — et sont politiquement orientées par ceux-ci — commence à mettre en cause la tenue globale du système bancaire, sa capacité de régulation, de planification, d’équilibre et d’harmonisation des économies.

     Dans ce cadre, la poussée et la tendance à l’armement et à la confrontation directe inter-impérialiste n’est pas tant dictée par des intérêts économiques immédiats (développement de l’industrie guerrière et des productions apparentées et complémentaires, comme l’électronique, la chimie, l’informatique, etc…), qui sont d’ailleurs toujours présents, que par l’impossibilité de résoudre la crise qui est devenue structurelle, de reproposer le développement — même à l’intérieur de la permanence de la crise —, par l’impossibilité de trouver de nouveaux marchés à conquérir dans le cadre d’une concurrence enflammée. Désormais, les quotas de pénétration sur les marchés sont de l’ordre de très peu de points ou même moins ; trop peu pour assurer sa propre économie.

     Même la tendance à l’armement n’est pas un fait homogène et provoque des déséquilibres à n’en plus finir dans les différents camps : les contradictions d’ordre économique s’entremêlent aux choix militaires, les intérêts tactiques divergent, et les choix sont toujours plus imposés par les deux impérialismes que par une réelle homogénéité (à ce propos, l’affaire du pipe-line est tout à fait éclairante).

     D’amples secteurs du prolétariat, du travail dépendant coopté, d’intellectuels, ouvrent de nouveaux fronts de lutte comme riposte de masse à la tendance à la guerre et au contrôle militaire. Le cadre interne de chaque nation se fait plus précaire, riche et articulé.

     En soi, cela est déjà une raison d’ordre politique pour commencer sérieusement à user d’intelligence et à réfléchir, afin d’analyser et d’évaluer les questions et les rapports internationaux.

     L’autre motif est le fait que les caractères de la crise, au moins dans leurs principales motivations, se présentent sous des formes à peu près similaires. En conséquence, les recettes — les moments de restructuration — que le capital multinational propose présentent toujours plus d’éléments d’homogénéité.

     Il suffit de lire les rapports annuels des diverses commissions de la C.E.E. ou les déclarations d’intention du F.M.I. lorsqu’il s’apprête à aire des prêts à des secteurs du capital en crise aiguë, et l’on y entrevoit des analyses de la crise et des hypothèses de solutions qui ont de fortes analogies.

     En d’autres mots, même avec des disparités plus ou moins accentuées, avec des temps de mûrissement et des phases critiques différentes, avec un mélange différent des facteurs de déchirement, nous assistons, dans l’occident capitaliste, au déploiement du caractère homogène de la crise structurelle du système, avec des réponses, d’une part du capital, de l’autre du prolétariat, qui sont tendanciellement similaires.

     Ce fait a exprimé une tendance qui pousse à la recomposition qualitative et en termes de points de programme des mouvements de lutte du prolétariat international. La crise devient un élément unifiant de tout le prolétariat occidental, elle véhicule la circularité du débat, des expériences et des contenus de lutte.

Des luttes pour les droits civils à celles contre l’inflation et le chômage, à la nouvelle vague de lutte contre la guerre inter-impérialiste qui menace, contre le nucléaire, jusqu’aux nouvelles expériences de lutte et d’organisation de contre-sociétés, communautaires, les besoins se massifient, une exigence générale d’une nouvelle qualité de la vie, de l’ouverture d’une phase nouvelle, radicalement nouvelle, dans l’histoire de l’humanité apparaît.

     L’Italie est, de tous les points de vue, un anneau fondamental.

     Pour l’État impérialiste multinational, elle est un gigantesque porte-avions, insérée au cœur de l’échiquier stratégiquement le plus important. Elle est un territoire de frontière qui dispose des bases de missiles les plus importantes d’Europe. Elle est un allié parmi les plus précieux et fidèles de l’impérialisme américain. Son appareil économique, comme son appareil militaire, est totalement complémentaire à celui de l’occident capitaliste.

     Il ne peut donc y avoir de croissance et de développement des contradictions dans ce pays sans que n’en soient aussi investis les autres pays. Compter sur un développement des mouvements de libération en Italie, hors et au-dessus du contexte international, sans tenir compte de ses degrés d’intégration, de l’interaction et de la réciprocité objectives des mouvements révolutionnaires et de libération, est pure cécité. C’est en ce sens que le mot d’ordre « détacher l’anneau Italie de l’O.T.A.N. » est erroné 1, qu’il révèle une logique troisième internationaliste du développement du processus révolutionnaire.

     La puissante poussée de l’Occident à résoudre de manière définitive et stratégique le problème énergétique avec le nucléaire tend à l’affranchir de sa dépendance des luttes des mouvements révolutionnaires et de libération du Tiers-Monde, en fonction d’un éventuel conflit mondial dans lequel les réserves énergétiques revêtiront une importance vitale.

     Là-dessus, il n’y a pas beaucoup d’illusions à se faire : la tendance est celle-là, la technologie impérialiste est, théoriquement et opérationnellement, en mesure d’affronter une guerre nucléaire à caractère local, comme terrain de confrontation et de vérification réciproque, en plus que de rééquilibre des rapports de force et de débouché aux contradictions économiques et sociales qui tenaillent l’Occident et, de manière mineure, l’Est.

     Que cela arrive ou non dépend de multiples questions, mais, parmi celles-ci, la principale est sûrement dans la capacité qu’auront les prolétaires, les mouvements sociaux antagonistes, de faire mûrir et exploser les contradictions, en catalysant le processus révolutionnaire. Il devient vraiment exact de dire, sans crainte d’être dogmatiques ou emphatiques, que la perspective se résout toujours plus à une alternative : communisme ou barbarie.

     L’extension et l’approfondissement en qualité et en contenu des luttes et des mouvements de libération en Italie, le patrimoine et la mémoire sédimentée au cours de ces quinze dernières années, l’expérience de combat et le mûrissement des motivations sociales de la lutte armée ; sa massification, font du prolétariat italien, tant objectivement que subjectivement, une pointe avancée de l’affrontement.

L’actualité de notre histoire présente des spécificités uniques dans les sociétés capitalistes. Les réponses que le segment Italie du capital y a donné sont tout aussi spécifiques et exemplaires, comme le sont, par d’autres côtés, celles de l’Allemagne et de l’Espagne.

     Pour tout cela, et pour d’autres raisons encore, il est essentiel d’ouvrir une confrontation internationale avec toutes les forces révolutionnaires et les mouvements de libération, avec leurs expériences de lutte, pour dialectiser les programmes, les dispositifs et les stratégies qui les soutiennent, les visions respectives du monde, de la modification dans un sens général du rapport entre révolution et contre-révolution. Un jugement sur ce rapport ne peut plus se soustraire àune capacité de vision et de connaissance globale.

     Ceci ne veut évidemment pas dire fuir, éluder ou considérer comme secondaire la tâche principale des révolutionnaires dans notre pays : faire mûrir les conditions pour la libération.

     Si les sauts de phase, si les profondes variations de l’ordre social, la croissance et la radicalisation des comportements antagonistes, la détermination d’une composition de classe stratégiquement projetée vers la guerre sociale, si un rapport de guerre explicite ne peut qu’avancer par ruptures, l’adéquation de la théorie et de la pratique révolutionnaire ne peut que suivre ces sauts, les fractures profondes que le processus nous impose.

     Le moment est arrivé de faire l’inventaire du bagage que nous portons avec nous et de jeter à la mer tout ce qu’il s’y trouve de dépassé et d’inutile. La rupture avec les hypothèses, les visions déformées de la réalité, les dispositifs politico-organisationnels inadéquats, doit avoir comme débouché une manière d’être complètement nouvelle, adaptée à la complexité du social et à ce que les mouvements de lutte et de libération expriment.

     La fracture que cela suppose doit aussi se faire en nous qui sommes le résultat de cette histoire. Notre agir dans la réalité, en la modifiant, nous a modifié. Les superstructures que nous nous sommes construites dans la tête, en produisant des fétiches, sont profondes, enracinées.

     Nous sommes le résultat du comment nous avons conçu et vécu le rapport avec la richesse de la lutte de classe, mais aussi celui d’une longue confrontation, souvent idéologique, sur la projetualité, le programme communiste, les hypothèses de construction du Parti, les formes de militantisme, etc. Serons-nous en mesure de changer, de nous ouvrir au nouveau, en nous renouvelant, d’éloigner dans la militance concrète les schémas et les méthodes idéologiques et/ou morales de jugement ?

     Ce débat, cette transformation — étant une rupture, un passage historique, une refondation — ne peut se contenter de n’impliquer, de n’être l’œuvre que d’entités organisationnelles particulières et limitées, de telle ou telle formation, d’une aire « movimentiste » ou « partitiste », plutôt que d’une autre.

Ce débat est un processus qui est — qui doit être — nécessairement collectif, adressé à l’ensemble du mouvement révolutionnaire, dans ses caractérisations passées et présentes, puisqu’il ne peut que s’adresser à une multiplicité/contradictoriété de comportements et de thématiques sociales antagonistes.

     Aujourd’hui plus que jamais, comprendre le « nouveau », se rendre instruits et adéquats, veut dire dépasser, enterrer définitivement les logiques et les pratiques sectaires, la fragmentation/circonscription du débat. Et, aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de mettre en crise les identités statiques, l’attachement fétichiste au résiduel.

     Il en découle que face et à partir d’une multiplicité, d’une pluralité de langages, de comportements, de formules d’expression et de communication de l’univers social prolétarien, de l’antagonisme social, il ne peut y avoir de présomption de synthèse, d’homologation, d’imposition de codes et de centralité. Comprendre cela veut dire, d’une part, mettre en crise les formes historiques d’agrégation et de centralisation — le Parti — et, de l’autre, ouvrir et s’ouvrir à une phase de rénovation/refondation de la militance révolutionnaire, de ses formes et de ses déterminations organisationnelles.

     Seule la dialectique entre les hypothèses et les analyses développées jusqu’ici peut nous mener à redéfinir un projet et des programmes qui s’insèrent dans les lignes directrices, dans des stratégies communes, en mesure de remodifier les rapports de force, de donner une valeur stratégique à l’actuelle composition du prolétariat métropolitain.

     Là-dessus, nous ne reconnaissons de « clés en mains », de solutions pré-établies, à personne. Les autocritiques non plus ne valent pas si elles ne s’accompagnent pas et ne produisent pas une modification réelle dans la pratique sociale.

Nous insistons donc pour nous confronter avec tous les tronçons organisés du mouvement révolutionnaire qui partent d’une révision critique de l’histoire passée et qui sont prêts, à travers un effort d’autodétermination et de renouvellement, à trouver des solutions collectives à l’étendue des problèmes que la situation nous pose.

     Le rapport que, subjectivement, en tant qu’entité, nous avons construit l’an passé avec d’autres forces révolutionnaires, même s’il est en soi positif et correct dans les intentions (c’est-à-dire dans la recherche de terrains unitaires de pratique sociale, pour le dépassement, à travers celle-ci, des divergences politiques, pour aboutir à des niveaux supérieurs d’analyse et de science), nous a trouvé dans une attitude subalterne et acritique. Nous n’avons pas développé une bataille politique suffisamment profonde et un effort théorique adéquat.

Même si la déviation mécaniste et militariste de certaines positions nous était claire, nous avons confondu l’attitude unitaire avec l’unité au-dessus de tout, nous n’avons pas établi la clarté nécessaire et explicite sur les questions que nous estimions stratégiquement perdantes.

À côté de cela, notre intervention, centrée sur le carcéral et complètement détachée des autres couches du prolétariat métropolitain, hors d’une vision globale de l’avancée du rapport révolution/contre-révolution, s’est référée de manière trop superficielle et peu analytique à des corps de thèses non dialectisées, en produisant à son tour schématisme et sectarisme.

     Nous entendons travailler à reconstruire les canaux de la communication interne et externe. Ce débat ne doit pas concerner les seuls « préposés aux travaux ».

Il doit traverser l’ensemble du mouvement et des secteurs du prolétariat métropolitain, parce que les solutions ne peuvent que venir de celui-ci et de ses tensions souterraines, comme des puissants mouvements de lutte qui, ces mois-ci, interdisent à la bourgeoisie des solutions définitives. La nouvelle manière d’être, la modernité de ce prolétariat, doit être comprise, analysée et mise en relation une fois pour toutes, dans ses pluralités, dans ses caractéristiques et tendances qui se recoupent.

     Un langage doit être construit, une manière de communiquer les expériences, les luttes, les besoins, les tensions entre la subjectivité et les diverses couches sociales prolétariennes, qui ne soit plus celui du passé, obscur et abstrait. Communiquer dans la confrontation, dans le langage et dans la — avec la — pratique sociale.

     Le procès de lobotomisation du prolétariat métropolitain, le refoulement de la mémoire historique que la bourgeoisie tend à approfondir, doit être battu, avec tous les instruments à notre disposition, y compris ceux que l’extrémisme nous a fait abandonner. Nous devons transmettre ce qui nous appartient, qui est à cette classe et à son histoire : le sens des choses qui sont arrivées, le sens des luttes, les sens de la révolution. Nous pouvons et nous devons recommencer d’être le véhicule de la mémoire de ces années. C’est là l’une de nos tâches.

     L’autre est celle à laquelle nous faisions allusion au début, c’est-à-dire de ne pas jeter le bébé avec l’eau sale. S’il est vrai que les éléments de rupture avec le passé prévalent dans cette situation, il est tout aussi vrai que doivent être sauvegardés les aspects de continuité et les propositions stratégiques qui ont donné un sens à ce passé.

     Nous n’avons pas de certitudes statiques et encore moins de solutions stratégiques à proposer : nous estimons cependant que certains éléments communs du débat collectif sont en train d’apparaître et commencent à se montrer à l’horizon.

Les langages commencent à s’entremêler. Cette tendance doit être forcée, les lignes directrices principales sur lesquelles progresser dans la définition d’un cadre général doivent être découvertes. Un cadre général dans lequel les forces révolutionnaires puissent se mouvoir en harmonie, même en partant des divergences d’analyses et de pratiques qui caractérisent actuellement les secteurs du mouvement révolutionnaire.

     Aujourd’hui, la possibilité que s’ouvrent des parcours unitaires, réels et profonds, entre les révolutionnaires n’est plus tant liée à des opérations subjectives que portée par le processus de compréhension du « nouveau », du fait réel.

     Compréhension qui renvoie au passé toute « disposition » et toute opposition possible.

     Lire et comprendre la complexité des comportements, des problématiques, des besoins et des pratiques dos divers sujets sociaux antagonistes veut dire reconnaître comme dépassée, inactuelle, comme ne répondant plus, toute attribution possible de « centralité » à telle ou telle figure sociale.

     À côté de cela et à partir de cela, un modèle de centralisation tel que pouvait l’être la forme-Parti léniniste s’avère épuisé. Celle-ci devient, rapportée au développement et au bariolage des sujets, une antiquité, propre à une composition de classe morte et enterrée.

     À la richesse contradictoire qui vit dans le prolétariat métropolitain, dans le prolétariat moderne, on ne peut apposer aucune présomption de synthèse et de représentation univoque.

     C’est à partir de, et dans, cette richesse que doivent être recherchées, définies et expérimentées de nouvelles formes d’organisation de la subjectivité communiste, de nouveaux modèles de rapports capables de promouvoir, de catalyser et d’organiser les parcours de libération sociale.

     C’est clairement une phase préalable de vérification et d’expérimentation. Si les vérifications opérées jusqu’ici du vaste corps de thèses et d’hypothèses mûries en 10 ans ne sont certainement pas réconfortantes, il reste un immense bagage d’histoire et d’expérience politique, sociale et combattante, une mémoire sédimentée et inaliénable.

     Les contradictions de la bourgeoisie impérialiste, destinées à s’aiguiser, restent un terrain fertile sur lequel travailler. Il y a une capacité historique des communistes à lire ces contradictions et il y a de vastes mouvements de lutte qui, ponctuellement, se présentent à l’horizon.

     C’est à ceux-ci que nous devons nous référer c’est avec eux que nous devons reconstruire le fil rouge, rétablir le contact, le code de réciproque appartenance.

     Ne pas compter sur ce qui et sur qui reste, mais travailler dans et pour le futur, dans le mûrissement et l’explosion du nouveau, afin que celui-ci ne nous trouve pas, une fois encore, interdits, à côté de la plaque et retranchés.

     En cette période do revérifications totales, il y a certaines questions fondamentales qui pressent fortement et impérieusement, Nous voulons parler de la question de la prison et de la libération. La centralité de ce terrain ne découle pas d’un problème moral à l’égard des prisonniers : elle est une question politique.

Nous ne voulons pas ici refaire l’analyse de ce qu’est le projet de différenciation/anéantissement et du saut que représente l’article 90, et de comment celui-ci est intégré — comme terrain de vérification et d’expérimentation — à l’offensive en cours contre tout le prolétariat. Nous renvoyons à nos précédents textes et à tout le matériel produit par le mouvement des prolétaires prisonniers.

     Ce qui doit être clair, c’est que le rapport de force entre le prolétariat prisonnier, en tant que couche du prolétariat métropolitain, et la bourgeoisie impérialiste ne peut descendre au-dessous d’une certaine limite sous peine d’irréversibilité de la tendance, du processus d’extermination. Sur ce véritable banc d’essai, la plus grande capacité d’initiative politique, sociale et militaire des révolutionnaires doit tout de suite être investie.

     Empêcher par tous les moyens l’anéantissement des communistes et du prolétariat prisonniers !

     Fermer Voghera et tous les centres de torture, d’anéantissement psychophysique et d’avilissement de la dignité des prisonniers !

     Mettre en action tous les instruments — des représailles à la propagande — pour bloquer le processus d’extermination et modifier les rapports de force !

     Organiser et diffuser la libération !

P.S.

     Ces derniers temps, une campagne de contre-guérilla psychologique est en cours, qui met en relation certains sujets communistes et certaines réalités organisées — les ainsi-nommés « Noyaux communistes » et les « Communistes organisés pour la libération prolétarienne » — avec une sale histoire — un triple homicide intervenu dans un bar de Milan, le 1er décembre 1978 — et de tout aussi sales et louches individus, tels Baldasseroni Maurizio et Tagliaferri Oscar.

     L’impudence de cette provocation, orchestrée par l’habituel Spataro et autres porcs semblables, et qui est aujourd’hui assumée par le tout aussi habituel — et aspirant porc — Crico, est parvenue à formaliser en une même instruction de tels faits répugnants et. la pratique combattante exprimée par la subjectivité communiste organisée au cours de ces dernières années à Milan.

     La limpidité et la correction de la pratique sociale et combattante que nous avons produit durant ces années n’a pas besoin d’être illustrée et documentée. Cela n’ôte pas que nous n’entendons pas subir de telles manœuvres.

     Il n’est pas de notre habitude de perdre notre souffle et notre temps en d’inutiles et rituelles menaces. Nous disposons d’autres instruments, bien plus pesants et « incisifs », pour répondre aux provocations et à toute tentative de souiller la dignité et la transparence de notre militance communiste.

     En tous cas, le mouvement révolutionnaire devra, même avec un coupable retard, assumer la tâche de faire la clarté, et de prendre les mesures voulues, sur ceci, de même que sur d’autres répugnants événements qui sont utilisés pour discréditer la lutte révolutionnaire.

Janvier 1983.

Diego Forastieri
et Sergio Segio

Notes :

1. Le mot d’ordre « Détacher l’anneau Italie de l’O.T.A.N. » a été lancé par les Brigades Rouges en 1980 et explicité dans l’ouvrage des « prisonniers communistes des B.R. du camp de Palmi », L’Ape e il Comunista (L’abeille et le Communiste).

2. Il s’agit de deux formations nées après la décomposition de Prima linea. Les « Noyaux communistes » ont revendiqué l’exécution de Francesco Rucci, vice-brigadier des surveillants de la section de haute sécurité de la prison milanaise de San Vittore, spécialiste des tabassages, le 18 septembre 1981, lors d’une importante lutte dans la maison d’arrêt, de même que plusieurs attentats contre des prisons.

Les « Communistes organisés pour la libération prolétarienne » se sont fait connaître surtout par l’assaut à la prison de Rovigo, le 8 janvier 1982, au cours duquel quatre militantes furent libérées : Marina Premoli, Suzanna Ronconi, Loredana Biancamano et Federica Meroni.

>Sommaire du dossier

Collectif Wotta Sitta: Crise et guerre (1992)

[Le collectif wotta sitta regroupe des prisonniers politiques italiens venant de différentes organisations, principalement le parti-guérilla du prolétariat métropolitain qui a été une scission ultra-gauchiste des Brigades Rouges du dé »but des années 1980. Le document est de 1992.]

 » Notre époque, l’époque de la bourgeoisie, se distingue plus des autres pour avoir simplifié les antagonismes de classe. L’entière société se scinde toujours plus en deux grands ennemis, en deux classes directement opposées l’une à l’autre: bourgeoisie et prolétariat  » (Marx et Engels).

Ces dernières années ont vu s’intensifier la domination de classe de la bourgeoisie impérialiste dans le monde entier, sous la poussée du capital monopoliste qui essaie de supérer la crise, non résolue depuis les années 70, dans l’accélération du processus de concentration, de centralisation et d’internationalisation des capitaux.

Ce processus qui porte en lui une profonde mutation des formes de la domination de classe, génére d’un côté des contradictions croissantes et explosives entre les capitaux eux-mêmes déjà multiproductifs et multinationaux, entre les Etats, entre des zones économiques, en mettant à nu les limites intrinsèques de l’époque de la globalisation et de l’interdépendance économique.

De l’autre côté, ce processus avance dans une attaque directe contre les conditions de vie de milliards de prolétaires et des peuples entiers dans le monde, à travers la politique impitoyable décidée et contrôlée par les organismes supranationaux du capitalisme, du G7 à l’O.N.U., au FMI, de la banque mondiale jusqu’à l’O.T.A.N..

La guerre dans le Golfe fut la plus claire et la plus visible démonstration de cette domination de classe intensifiée, et celle de la détermination impérialiste à ne plus accepter aucune mise en discussion quant à ses intérêts et son ordre de pouvoir international.

Les années 90 se sont ouvertes avec le scénario le plus logique et le plus concret de l’impérialisme de nos jours: la guerre et le rapport de guerre qui caractérise l’affrontement aujourd’hui, et en conséquence les effets tragiques de la domination de la barbarie sur la vie humaine.

La puissance de l’Occident ne s’est pas traduite en un  » nouvel ordre mondial « , mais en une période de grands bouleversements, de conflits et d’instabilités croissantes. La fin de l’ordre établit à Yalta se révèle plus traumatique et complexe et prévu.

Si l’ordre de Yalta a coûté les morts de la seconde guerre mondiale, il semble que celui que les puissances impérialistes, USA en tête, cherchent à imposer, n’exigera pas un coût minime.

Le penser serait idéaliste; d’autre part, laissons aux réformistes et révisionnistes leurs dangereuses illusions et leurs blagues, en préférant nous remémorer les leçons de l’histoire qui a toujours démontré que, quand un équilibre de pouvoir s’écroule, pour en construire un autre, une nouvelle guerre est inèvitablement nécessaire.

De Versailles à Yalta, jusqu’à…

L’impérialisme c’est la guerre, la guerre a toujours été le moyen par lequel la bourgeoisie a tenté de résoudre ses crises, en se déchargeant de forme destructive sur le prolétariat, des coûts de sa reproduction.

Il convient d’ajouter aujourd’hui que la guerre ne peut pas être comprise comme épuisée avec la victoire de la coalition occidentale dans le Golfe, car cette dernière décennie du siècle a déjà vu l’explosion incessante d’une multitude de guerres dans les différentes zones géopolitiques du monde.

La guerre est également à nouveau revenue en Europe avec d’importants et croissants conflits armés et des guerres civiles, qui secouent en particulier l’ex-territoire yougoslavee et celui de l’ex-Union Soviétique.

Ce scénario qui défile devant nous tous [toutes], avec sa quotidienneté tragique, a une physionomie précise et un développement propre dans cette zone qui constitue le véritable centre nerveux de l’ensemble de la planète, parce qu’il est parcouru par toutes les contradictions actuelles.

De la principale contradiction, aujourd’hui dominante, entre prolétariat et bourgeoisie, à celle explosive entre le Nord et le Sud, à celle générée par les conflits économiques et politiques inter-impérialistes déjà existants et qui tendent à se développer entre les puissances mondiales dans la partition et la domination de la planète.

La bourgeoisie impérialiste européenne accélère les pas nécessaires et indispensables, même si cela est contradictoire dans leur réalisation, pour faire avancer le processus d’intégration économique, politique et militaire des Etats européens et  » faire bloc « , c’est-à-dire en arriver à un sujet politique capable d’établir des politiques homogènes liants ses parties internes, et de se projeter significativement dans le reste du monde.

 » 1992  » ne veut pas être la simple célébration formelle de la naissance de  » l’Union Européenne « , mais le moment de la réalisation pratique de l’ensemble des pas fondamentaux, et un non-retour, pour l’être concrétement.

Dans cette voie,  » l’Union Européenne  » est une avancée de la domination de classe sur tout le territoire continental, et de ses projections impérialistes dans les autres zones du monde, à commencer par celle contingüe et indissociable de la Méditerrannée et du Moyen-Orient, comme son engagement actif lors de la guerre du Golfe l’a déjà démontré.

L’Europe participe et veut participer comme protagoniste au  » nouvel ordre mondial  » (…). Les prolétaires en Europe et dans le monde entier ont perçu depuis longtemps la nouvelle qualité de l’affrontement et leur résistance contre les stratégies capitalistes, toujours plus dirigées vers les profits et toujours plus destructives, n’a jamais cessé.

Les luttes prolétariennes, les processus d’émancipation et de libération doivent se mesurer à l’avancée meurtrière de la contre-révolution préventive qui a pesé lourdement sur de nombreuses expériences révolutionnaires, et qui tente de frapper par avance l’agrégation des nouvelles.

Cependant il est déjà possible de dessiner de nombreux caractères du passage à une nouvelle époque révolutionnaire, marquée par un affrontement plus profond dans lequel les luttes prolétariennes dans le monde sont toujours plus connexes et liées contre l’ennemi commun.

La mobilisation de masse et les initiatives des forces révolutionnaires des zones des centres impérialistes et celles de la périphérie durant la guerre du Golfe ont sans aucun doute contribué à renforcer le terrain de l’anti-impérialisme et de l’internationalisme prolétarien.

Les multiples formes de résistance prolétarienne et les diverses initiatives révolutionnaires progressent dans la même voie, et commencent à frapper et saboter l’ensemble des procès caractérisant  » 1992 « , compris par le prolétariat comme un tournant capitaliste dans la signe de la  » dérégulation  » et de la réaction.

Une tendance qui voit l’intensification de l’exploitation prolétarienne, l’amplification du chômage et de la marginalisation, l’effondrement des conditions de vie, l’affirmation d’une existance toujours plus aliénée dans les centres métropolitains et l’imposition de politiques toujours plus répressives, racistes et fascistes contre les peuples qui poussent à la frontière de la  » forteresse Europe « .

Il y a 500 ans la  » conquête de l’Amérique  » fut le commencement d’une nouvelle époque et d’une politique européenne d’oppression à l’encontre des pays et des peuples possesseurs des ressources et des richesses, qui permit au capitalisme naissant et à la classe émergeant qui le soutenait d’établir une colonisation et une domination mondiale.

Et ce n’est pas tout.

L’appauvrissement progressif de ces peuples – base du progrès de l’Europe civilisée et développée – s’est accompagné de leur extermination même.

Comme Marx l’écrit dans Le Capital,  » la découverte des terres aurifères et argentifères aux Amériques, l’extermination et l’asservissement à l’esclavage de la population indigène, l’ensevelissement dans les mines, la conquête initiale et le saccage des Indes occidentales, la transformation de l’Afrique en une réserve de chasse commerciale des nègres, sont les marques qui caractèrisent l’aube de la production capitaliste.

Ces méthodes idylliques sont des moments fondamentaux de l’accumulation originale « .

Les données de la recherche historique mesurent la qualité de ces  » méthodes idylliques « : en 1500, la population du globe était de l’ordre de 400 millions, dont 80 en Amérique. Cinquante années plus tard, de ces 80 millions il n’en subsistait plus que 10. En limitant le propos au Mexique: à la veille de la conquête la population représentait 25 millions d’habitants, en 1600 il n’en restait plus qu’un million.

C’est le message historique du processus que le capitalisme souhaite célèbrer avec les manifestations sans fin du  » cinquième centenaire de la découverte de l’Amérique « .

Si les pays européens sont encore une fois à la tête de ces initiatives, ce n’est pas simplement pas esprit célébratif, mais pour relancer les rapports actuels de l’accumulation capitaliste en faveur des grands monopoles mondiaux.

Un néo-colonialisme dont la C.E.E. est protagoniste dans l’effort à s’approprier encore plus de ressources et d’espaces dans l’exploitation de la tricontinentale (Asie, Afrique, Amérique latine), en compétition avec les capitaux US et japonais.

La pénétration des capitaux européens est la forme actuelle de la  » Conquista « : le nouveau partage du monde.
Le fil des luttes prolétariennes contre l’impérialisme US-européen-japonais, qui se tisse dans les diverses zones géographiques, concrétise un nouvel internationalisme prolétarien qui met radicalement en cause et combat les présupposés de fond sur lesquels la formation sociale capitaliste est apparue et s’est développée.

Les stratégies économiques et politiques, qui depuis des années guident la restructuration capitaliste, produisent des contradictions de classes et des contradictions sociales croissantes, qui définissent et dessient la guerre de classe de nos jours.

Un processus de prolétarisation de dimension énorme, du fait de la modification de la division du travail au niveau planétaire, caractérise la seconde moitié du siècle.

L’avancée du capitalisme a réduit à la condition de prolétaire la majorité de la population mondiale, à qui est progressivement enlevé toute possibilité de substance non-capitaliste.

Dans les zones du centre comme dans celles de la périphérie, du Nord au Sud comme à l’Est.

Plus encore, chaque être humain se trouve directement face à la  » pure loi du profit « , aux effets inhumains d’un processus d’oppression et de destruction de l’Homme [et de la Femme], de la nature et de l’environnement dans des proportions jamais atteintes, parce que le capitalisme intervient désormais directement sur eux à partir des nécessités de valorisation, de reproduction et d’expansion.

Cet ensemble de facteurs arrivés à maturation complète, à ce stade de développement avancé du capitalisme métropolitain, ne fait qu’élargir et approfondir les tensions et les conflits sociaux, projetant toujours plus de femmes et d’hommes dans la dimension immédiate de la lutte de classe.

Simultanément, il établit un terrain de connexion objective des luttes des prolétaires et des peuples du monde, celui contre le système économique, politique et militaire qui s’est historiquement affirmé et qui s’axe autour des USA et du nouveau déploiement qui le caractérise ces dernières années.
Lutter en Europe contre l’ensemble des politiques qui poussent en avant la dynamique d’intégration européenne et qui simultanément étendent sa projection impérialiste dans le monde, signifie comprendre qu’en Europe occidentale -aujourd’hui plus qu’hier- convergent de nombreuses lignes d’affrontement entre impérialisme et révolution, entre néocolonialisme et luttes de libération dans le monde (…). 

>Sommaire du dossier

Biographie de Walter Alasia

Le 15 décembre 1976, Walter Alasia, membre des Brigades Rouges, fut tué lors d’une fusillade nocturne avec la police italienne dans un quartier ouvrier de la banlieue milanaise, Sesto San Giovanni. 

Quinze   membres   d’une   escouade   «   anti­terroriste   »   étaient   venus l’arrêter dans l’appartement de ses parents. Walter a répondu à leurs tirs en en tuant deux, s’échappant par une fenêtre et se faufilant jusque dans la cour de l’immeuble, où il fut blessé aux jambes par un tri de mitraillette de la police. Alors qu’il gisait là, en sang, un membre de l’escouade « anti­terroriste » l’abattit froidement. Walter avait vingt ans.

L’année   de   sa   mort,   Walter   avait   déjà   mené   un   raid   brigadiste contre l’état­major de « Nouvelle Démocratie », un parti de la droite démocrate-­chrétienne. Il était de la deuxième génération des BR ; des jeunes   prolétaires   qui,   trop   jeunes   pour   avoir   participé   aux mouvements de masses de  la révolte étudiante et ouvrière de 1968-­69, sont venus à la conscience politique au début des années 70 alors que l’affrontement avait déjà franchi le cap de la militarisation. 

Depuis les débuts de la brève vie politique de Walter Alasia, la lutte armée était une dominante, et la vie et la mort une question politique pour lui et ses   pairs.   Alasia   était   l’enfant   d’ouvriers   d’usine communistes. Il a grandi à Sesto San Giovanni, le « Stalingrad italien », une rude banlieue ouvrière   de   80   000   travailleurs à la périphérie de Milan. 

Son père, Guido, était un ouvrier qualifié, travaillant à Ortofrigor, une usine d’équipements   de   réfrigération.   Sa   mère,   Ada   Tibaldi,   était aussi ouvrière d’usine. En 1962, elle a commencé à travaillé sur la ligne d’assemblage à l’usine SAPSA, une petite usine de pneus qui dépendait de la compagnie Tirelli. Elle était communiste, devint vite une  activiste  syndicale  et prit  une  part  active pendant  « l’automne chaud », la révolte ouvrière de 1969, quand Walter avait 13 ans. Elle resta à SAPSA pendant 10 ans.

Walter   était   un   enfant   espiègle   et   plein   d’énergie.   A   l’école,   il manifestait des talents artistiques, mais à part en dessin, il avait des notes très   moyennes. Walter ne s’est jamais fait à   l’atmosphère académique, stérile, autoritaire, « 19è siècle », du système scolaire italien des années 1960.

A   l’âge   de   quinze   ans,   en   1971,   parce   que   ses   talents   en   dessin étaient prometteurs, ses parents l’envoyèrent au lycée technique Itis pour garçons, qui venait d’ouvrir près de Sesto. Son entrée à Itis fut un virage   majeur dans son   existence.   Les   lycéens d’Itis n’étaient quasiment   que des jeunes de la classe ouvrière,   drainés depuis le quartier de Sesto. Beaucoup d’amis de Walter y étaient. Ils furent vite pris dans la tornade de la révolte lycéenne qui se répandait dans toutes les lycées techniques autoritaires de l’Italie de 1971.

Walter   et   d’autres   organisèrent   une   collectif   «   autonome   »   lycéen, et   au   bout   de   deux   ans,   ils   libérèrent   l’école.   Les   professeurs étaient   obligés   de   donner   à   tous   les   élèves   les   notes   suffisantes pour   passer   en  classe   supérieure.   Les   professeurs   et   l’encadrement réactionnaires   furent   harcelés   et   jetés   dehors.   Les   lycéens transformèrent   leurs   cours   en   séminaires   politiques   qui   abordaient un vaste panorama de sujets.  

Les   cours   réguliers   disparurent,   l’administration   ayant   perdu   le contrôle   physique   de   l’école.   Itis   devint   pour   un   temps   une   zone libérée (ce que les BR désignaient comme des « zones de pouvoir rouges ») au sein d’une série d’autres écoles à Milan et dans les autres villes  du  Nord,  qui  étaient  des  bases  d’où les  collectifs  de  lycéens révolutionnaires partaient pour combattre la police et les fascistes et pour organiser les quartiers et les usines.

Alasia   fut   recruté   dans   les   forces   de   sécurité   des   collectifs   car il   était   digne   de   confiance   et   savait   garder   son   sang   froid   dans moments de crise.

En   1973,   le   collectif   autonome   d’Itis   entra   dans   Lotta   Continua.

Désormais, Itis s’était transformé en un bastion de la gauche révolutionnaire à Sesto. La section de Sesto de Lotta Continua, avec le collectif de Walter à sa tête, était aux avant­postes dans les combats urbains   qui   opposaient   les   fascistes   et   la   police   à   la   gauche révolutionnaire tout au long de 1973 et 1974, alors que l’Etat jouait l’escalade   dans   ses   efforts   pour   écraser   militairement   la   gauche révolutionnaire milanaise. 

Partout où il y avait des batailles de rue, Walter et ses camarades les révolutionnaires de l’Itis étaient au cœur du combat. Walter faisait un bon  mètre   quatre­-vingt,   et   avait   la   réputation   d’être   un  dur   qui   ne détestait pas prendre des coups quand il pouvait les rendre.

Le   collectif   d’Itis   contribua   à   défendre   victorieusement   un   des principaux   bastions   de   la   gauche,   le   lycée   technique   Politechnico, face   à   un   assaut   fasciste   en   avril   1973,   lors   d’une   journée   de grande   mobilisation   nationale   des   fascistes.   Cinq   cents   lycéens autonomes   s’alignèrent   autour   de   l’établissement   Politechnico.

Walter Alasia était là, avec le groupe d’Itis. 

Au bout de la rue, les fascistes apparurent. Ils avançaient vers l’école pour casser du gauchiste. Toute la force de défense, les 500 autonomes, se prit fermement par le bras et avança droit devant, d’un pas rapide et rythmé. Rapidement, le pas se transforma en une course, une charge massive.   Têtes   casquées,   visages   couverts   et  battes   à   la   main.   Les fascistes en furent quittes pour la peur ; effrayés, ils se sont dispersés sur le champ et ont fui à toutes jambes. Les habitants du quartier, qui regardaient la scène   depuis   le   leurs   fenêtres,   applaudirent   les révolutionnaires lycéens.

Alasia   était   très   actif   dans   les   manifestations   milanaises   de   Lotta Continua,   il   était   responsable   de   la   sécurité.   Tout   le   monde   se souvient de lui comme quelqu’un de mesuré qui maîtrisait ses nerfs dans les moments difficiles. 

Après le massacre de Brescia, quand les fascistes tuèrent 8 personnes en attaquant à la bombe une manifestation de la gauche, la Nouvelle Gauche   attaqua   le   quartier   général   fasciste   de   Milan.   Pendant   la bagarre, le leader de la section de Sesto de Lotta Continua fut perdu dans le chaos de la bataille. Walter s’en aperçu, rassembla ses troupes et dirigea l’assaut de sa section pour aller récupérer le camarade. Il avait 18 ans, avec trois ans d’expérience dans la lutte.

Les   membres   du   collectif   d’Itis   avaient   commencé   à   mettre   en question   le   noyau   familial   et   les   rôles   sexuels   traditionnels   en combattant pour construire un nouveau mode de vie non­-oppressif. La lecture   favorite   de   Walter   en   ce   temps­là   étaient   une   revue   bien délurée   de   la   contre­-culture,   appelée   Bread   and   Roses.   Walter distribuait Bread and Roses à côté de Lotta Continua dans son lycée.

Bread   and   Roses   était   une   revue   publiée   de   façon   irrégulière,   à destination des jeunes. Il attaquait sans répit la famille nucléaire, critiquait l’incapacité de la gauche   révolutionnaire   à   répondre   aux   problèmes   personnels   des jeunes,   attaquait   le   carriérisme,   l’égoïsme   et   le   comportement machiste   des   leaders   masculins   du   mouvement   étudiant.   Sa   satire portait sur le caractère hypocrite et inconsistant de la sous­-culture du mouvement étudiant qui parlait d’engagement révolutionnaire mais qui continuait   à   vivre   des   mensonges   et   de   l’hypocrisie   de   l’ancienne culture.

Bread and roses mettait en avant la thèse selon laquelle l’approfondissement de l’engagement   politique   dépendait   de   la tournure que prenait la vie au niveau personnel et privé, qu’il était donc   incorrect   de   séparer   la   conduite   personnelle de la   conduite politico­-sociale.   Toutes   les   répressions   et   les   tabous   de   la   société capitaliste se reflètent dans la vie quotidienne, dans la famille et les relations personnelles. Bread and Roses était très critique envers la famille prolétarienne, vue comme une « vile relation d’argent ».

Il appelait   à   l’indépendance   économique   de   tous   les   membres   de   la famille, enfants compris, comme la seule solution progressiste.

La revue abordait aussi d’autres aspects, comme l’économie souterraine,   les   drogues   et   le   sexe.   Le   problème   des   rôles   et   des relations sexuelles était un thème central dans chaque numéro. Bread and Roses   était   très   populaire   à   Itis,   et   Walter   avait   la   collection complète dans sa chambre.

Walter   n’était   pas   intéressé   par   la   perspective   de   devenir   un leader, de faire beaucoup de discours, de devenir une « superstar » du   mouvement.   Son   style   politique   était   calme   et   mesuré.   Ses  camarades lycéens le respectaient. Lorsqu’on était accaparé par des affaires et des crises, il ne perdait pas le goût de la taquinerie ni son sens de l’humour subtil et ironique.

Sa   chambre,   qu’il   partageait   avec   son   frère   Oscar   qui   était   plus âgé, était toute  couverte  de posters de Lénine, Ché, Angela Davis, Staline   et   Ho   Chi   Minh   souriant.   Sur   les   murs   il   avait   aussi   des photos   de   Sacco   et   Vanzetti   (deux   anarchistes   italo-­américains exécutés   par   l’Etat   du   Massachusetts   dans   les   années   1920),   des photos   de   partisans   italiens   de   la   deuxième   guerre   mondiale,   de femmes   vietnamiennes   fusil   à   l’épaule.   Il   y   avait   aussi   une   photo d’une foule riant autour d’une statue de marbre géante de Mussolini sans tête,   et   une   photo   de   soldats   de   l’armée   rouge   chinoise   en costume mao.

Walter   aimait   porter   ses   cheveux   bruns   très   longs,   parfois   il   se faisait   une   queue   de   cheval.   Il   se   laissait   pousser   la   moustache.

Il   aimait   porter   des   pantalons   blancs   à   pattes   d’éléphant,   des baskets   et   des   chemises   indiennes   en   coton,   serrées   à   la   poitrine.

Il   aimait   la   musique   rock,   Jimi   Hendrix,   Vanilla   Fudge,   Jethro Tull,   il   avait   commencé   à   se   mettre   à   la   guitare.   Il   lui   arrivait de   passer   des   heures   à   écouter   de   la   musique   des   heures   dans   sa chambre.

Au   début   de   l’année   1974,   il   devenait   de   plus   en   plus   clair   que l’Etat   forçait   la   gauche   révolutionnaire   à   faire   le   choix   entre   la lutte   armée   et   l’extinction   passive.   Lotta   Continua,   incapable d’imprimer   une   direction   politique   au   mouvement,   scissionna   sur cette question de la lutte armée. L’ensemble de la section de Sesto de   LC   se   rangea   avec   la   faction  pro-­lutte   armée   de   l’organisation.

Walter   et   un   petit   groupe   de   4   ou  5  amis   ne   participèrent   pas   au combat   de   la   faction,   préférant   abandonner   l’organisation. Après son départ de LC et du lycée technique, Walter, qui na jamais  été   un   intellectuel,   entrepris   des   lectures   sérieuses   :   des   œuvres  choisies de Lénine, une série de six volumes sur les sciences et la philosophie,   qu’il   avait   dû   acheter   à   crédit,   les   livres   de   George Jackson « Devant mes Yeux la Mort » et « Les Frères de Soledad », ainsi   que   le   roman   de   Gabriel   Garcia   Marquez,   «   Cent   ans   de Solitude. »

Les   camarades   qui   travaillaient   avec   lui   à   ce   moment   ont   dit   que l’action  réussie   des   Brigades   Rouges  contre  Sossi  fit  une  profonde impression   dur   lui,   ainsi   que   sur   d’autres étudiants révolutionnaires. Les   communiqués   brigadistes   faisaient   l’objet   de nombreuses   discussions   entre   Walter   et   ses   amis.  

Il   était particulièrement   d’accord   avec   les   BR   sur   l’analyse   selon   laquelle la   vraie  ligne   de   démarcation  dans   la   mouvement   était   la   question de la lutte armée. Walter commença à travailler avec les BR quelque temps   après   l’action   contre   Sossi,   fin   74 – ­début   75.

Sa vie fut parcourue de changements en entrant dans les Brigades.

Après quelques emplois d’ouvrier spécialisé à tourner des vis dans de  petites  usines  pour  150  dollars  le   mois,   puis   comme   technicien dans   la   téléphonie,   Walter   trouva   un  emploi   à   la   poste   centrale.   Il rompit   ses   relations   avec   la   plupart   de   ses   vieux   amis.   Lorsqu’il en   rencontrait   un   par   hasard,   il   lui   disait   qu’il   avait   laissé tomber   la   politique.   Sa   famille   remarquait   qu’il   passait   beaucoup de temps à lire Les frères de Soledad et Devant mes Yeux la Mort de George Jackson. 

Son   attitude   changea,   il   devint   beaucoup   plus   calme e t plus discipliné, il commença à aider sa mère pour les tâches du foyer.  

Parfois,   il   passait   des   nuits   entières   dehors,   pour   des histoires   de   cœur.   Sa   tenue   était   plus   soignée,   et   Walter   coupa même sa queue de cheval chérie. Sa famille remarqua qu’il évitait de se faire photographier avec sa nouvelle coupe. En octobre 1976, la police fit un raid contre un appartement conspiratif loué par Alasia sous un faux nom. Selon la version policière, Les lunettes d’Alasia y furent trouvées, qui les dirigèrent vers un opticien. Mais la police ne l’arrêta pas tout de suite. A la place, il fut filé et ses communications écoutées.

Après le 1e décembre 1976, les BR firent un raid contre le quartier général   de   Nouvelle   Démocratie   ;   là,   les   occupants   du   lieu identifièrent   Alasia   comme   un   des   membres   du   commando.   Juste avant le lever du jour du 15 décembre 1976, une unité spéciale de la police   encercla   un   immeuble   du   quartier   de   Sesto.   Dix   policiers gardaient la rue, alors que des flics munis de pistolets mitrailleurs, de gilets pare­balles et de casques enfonçaient la porte des Alasia.

La   nuit   qui   suivit,   Walter   Alasia   était   devenu   un   héros   du   peuple aux   yeux   de   la   jeunesses   prolétarienne   de   Sesto.   De   nombreuses personnes   vinrent   saluer   sa   tombe   dans   le   cimetière   voisin.   Les Brigades Rouges lui rendirent un dernier hommage en appelant de son nom leur colonne milanaise.

>Sommaire du dossier

BR – Colonne Walter Alasia: Encore un pas (1983)

 (Milan, Janvier 1983)

En champs
les oranges éparpillées
En groupe
les étoiles ordonnées
En tas
les prolétaires attendent
Derrière l’angle
passe
le drapeau rouge.
(Sante Notarnicola)

Préambule.

La nouvelle conjoncture, caractérisée par le passage à la guerre totale, nous impose des tâches qualitativement nouvelles.

Il ne s’agit pas en effet, d’un passage linéaire, mais d’une rupture, et surtout d’une rupture avec notre passé : il s’agit en un mot du saut de Organisation communiste combattante à Parti.

Si l’on ne construit pas le saut au Parti, on ne se donne aucune possibilité concrète de faire face aux tâches de conjoncture.

De plus, on ne se donne aucune possibilité que le prolétariat métropolitain gagne la guerre sociale totale, mais seulement qu’il la subisse.

Assumer les tâches que la conjoncture nous impose comme centrales, et donc travailler avec toutes les forces pour la construction du Parti, implique cependant que toute notre expérience d’Organisation communiste combattante soit remise en discussion.

Il s’agit, en d’autres termes, de saisir, potentialiser et développer de manière adéquate tous les aspects de notre pratique sociale qui, depuis le début, tendaient à l’agir en Parti, même de manière encore partielle, et d’enterrer sans pitié les aspects de notre théorie-praxis qui nous retenaient (et nous retiennent encore) rigidement enracinés dans l’agir en Organisation communiste combattante.

En ce sens, il faut opérer une rupture avec le passé, il faut « regarder le passé avec les yeux du futur ».

1. Construire le Parti signifie avant tout de comprendre les caractéristiques générales qui configurent l’actuelle conjoncture.

Le passage de l’Organisation communiste combattante à Parti n’est pas en effet un simple développement quantitatif (conception qui est soutenue par les subjectivistes-militaristes).

L’Organisation devient Parti en se niant comme Organisation communiste combattante, en niant les pratiques d’Organisation communiste combattante et en développant les pratiques de Parti : en effectuant ainsi un saut politique.

Ce saut politique est caractérisé par une rupture : en cela, la construction du Parti est un processus continu et contradictoire, un saut, et non un passage linéaire. Le Parti se construit, il ne se fonde pas.

Avec quoi faut-il rompre ? Principalement avec tous les aspects de la pratique d’Organisation communiste combattante qui tendent à reproduire la formule adoptée dans la phase précédente, celle de la propagande armée.

Dans la phase de propagande armée, un rapport parti / masses totalement déséquilibré du point de vue du Parti s’est imposé, inévitablement et indépendamment de la volonté des camarades.

Nous disons inévitablement parce que le principe même de la propagande armée et ses objectifs (enraciner l’idée-force de la justesse et de la nécessité de la lutte armée dans le prolétariat métropolitain) suppose que l’accent soit plus mis sur l’activité consciente de l’Organisation que sur celle des mouvements de masse.

La propagande armée effectuée par l’Organisation et les mouvements de masse, c’est presque toujours le premier terme qui prévalait. L’Organisation remplissait ainsi une fonction dans le même temps pédagogique et de soutien / stimulation aux mouvements de masse.

Dans le contexte du rapport organisation-masses qui caractérisait la phase de la propagande armée, l’aspect principal était la fonction pédagogique.

Les exigences de la conjoncture actuelle imposent au contraire de rompre complètement avec cette configuration : il ne s’agit plus aujourd’hui de sensibiliser les masses et d’organiser les avant-gardes dans l’Organisation sur le terrain de la lutte armée ; il s’agit aujourd’hui d’organiser les masses sur le terrain de la lutte armée.

2. D’autre part, l’élément qui caractérisait l’agir en Organisation communiste combattante était l’agir dans le « politique ».

C’était dans la sphère du politique que l’Organisation communiste combattante recrutait ses militants, en s’adressant aux couches de classe les plus conscientes et à leurs avant-gardes de lutte.

Elle effectuait ainsi une scission de fait entre le politique (même correctement étendu comme politico-militaire) et l’économique, entendu au contraire comme terrain de lutte privilégié des masses.

La lutte armée pour le communisme était ainsi une pratique pour l’avant-garde, mais pas encore une pratique sociale des masses.

Il est aujourd’hui plus que nécessaire de dépasser cette conception : organiser les masses sur le terrain de la guerre sociale totale signifie en effet les organiser tout au long de la sphère économico-sociale traversée par la contradiction entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat métropolitain (dans l’économique, le politique, le culturel, etc… en un seul mot dans le « social ») et construire une ligne de masse qui sache agir dans chaque interstice de la société.

Le caractère total de la guerre ne vient pas, en effet, de sa destructivité ou du niveau militaire plus ou moins élevé qu’elle exprime.

Dans les communiqués du procès Moro, les camarades observent justement que les guerres inter-impérialistes, même si elles ne laissent pas un seul brin d’herbe debout dans la nation vaincue, n’en sont pas pour autant des guerres totales.

Le caractère total de la guerre vient au contraire du fait que celle-ci investit la totalité des rapports sociaux capitalistes.

La tendance à la guerre vit dans chaque aspect des rapports sociaux capitalistes jusqu’à arriver sous une forme contradictoire, dans la conscience même des prolétaires.

Lorsque les théoriciens américains de la contre-révolution globale affirment que « la guerre contre le communisme est surtout une guerre pour la conquête des consciences », ils démontrent qu’ils ont parfaitement compris cet aspect qualitativement nouveau du rapport révolution / contre-révolution.

Nouveau en ce qu’il ne commence à recouvrir l’importance actuelle qu’avec le passage de la domination formelle à la domination réelle du mode de production capitaliste sur tous les rapports sociaux. (cf. à ce propos Forcer l’horizon).

Cet aspect pourra peut-être sembler « secondaire » ou « superstructurel » aux camarades qui ne parviennent pas encore à se libérer du passé, alors qu’il s’agit d’une thèse fondamentale pour le saut au Parti.

En plus du fait matériel que si l’on n’assume pas à ce niveau d’analyse, il est impossible d’expliquer des phénomènes comme celui de la trahison, par exemple.

De même que la guérilla a rompu avec le passé du mouvement ouvrier et communiste en affirmant l’unité du politique et du militaire contre les théories troisième internationalistes qui effectueraient cette scission depuis toujours (bras armé et distinction entre parti et armée), en reproduisant ainsi en leur sein la division entre pensée et action, entre travail intellectuel et travail manuel, de même il est aujourd’hui nécessaire de rompre avec les positions qui séparent l’économique, perçu comme base qui détermine plus ou moins mécaniquement tout le reste (le politique et le culturel, la conscience).

Ces positions ne tiennent pas compte du fait qu’entre la structure (base économique) et la superstructure (organisation politique, juridique et sociale, etc.), il y a un rapport dialectique : c’est-à-dire que l’un influence l’autre et vice-versa.

Et c’est précisément ce vice-versa qui n’est pas compris, et de cet unilatéralisme naissent ensuite les tendances révisionnistes qui nient dans les faits la nécessité de la révolution culturelle dans la métropole ou la font passer après la prise du pouvoir, en la renvoyant à une phase à venir.

En second lieu, ces positions ne réussissent pas à voir que nous évoluons dans la phase historique de la domination réelle du capitalisme : c’est-à-dire que le capitalisme, même on coexistant, à l’échelle mondiale, avec des moyens de production pas encore capitalistes, a en réalité assujetti tout le globe, y compris les zones dans lesquelles survivent des moyens de production non-capitalistes.

Mais, et c’est encore plus grave, elles ne réussissent pas à comprendre que la domination réelle du mode de production capitaliste dans les métropoles se traduit par une domination sur tous les aspects des rapports sociaux, et que sa crise se traduit par une exaltation précisément de ces aspects qu’une analyse mécaniste considérerait comme « secondaire » et « superstructurel ».

C’est pour cela qu’il est aujourd’hui d’une importance fondamentale pour le saut au Parti de reconnaître qu’il n’y a pas de séparation entre révolution culturelle dans les métropoles et guerre civile, ni en termes de temps (c’est-à-dire comme deux phases séparées), ni en termes d’espace.

Guerre civile et révolution culturelle sont simplement deux aspects d’un même processus : la guerre sociale totale.

C’est en posant cette considération au centre de l’activité du Parti que l’on jette les bases correctes pour la construction du système de pouvoir rouge et, dans le même temps, que l’on pose à l’ordre du jour la guerre pour la transition au communisme.

Œuvrer pour le saut au Parti signifie pour nous taire le bilan critique de toute notre expérience d’Organisation communiste combattante.

Naturellement, il ne s’agit pas d’annuler tout le patrimoine d’expérience de la Colonne Walter Alasia, ni du reste de la conserver tel quel.

Le saut au Parti implique la nécessité de mettre continuellement en discussion le travail effectué, de le soumettre continuellement à la vérification, c’est-à-dire de faire constamment autocritique. L’autocritique est le point de départ pour relancer l’intervention à un niveau plus élevé : elle sert à aller de l’avant, pour éliminer à chaque fois toutes les erreurs évitables que le Parti commet.

Nous voudrions ici soulever trois aspects de ce problème :

a) Les communistes ne doivent pas avoir peur d’avoir commis des erreurs. Le Parti naît et se développe justement en apprenant de ses erreurs qu’il est possible de dépasser et de faire ainsi effectuer un saut de qualité à toute notre pratique sociale.

Là aussi, il faut rompre avec l’idéologie révisionniste et troisième internationaliste qui a toujours présenté l’histoire du Parti comme un processus de croissance linéaire, dans lequel la ligne correcte a triomphé des lignes erronées, par une sorte de métaphysique droit historique, niant ainsi dans les faits la lutte entre les deux lignes au sein du Parti.

Un bon exemple de cette conception est donné par le livre Histoire du Parti communiste (bolchévick) — bref cours, ainsi que, de manière plus générale, tous les écrits de Staline.

À plus forte raison faut-il rompre avec la conception togliattienne, reprise ensuite par Berlinguer, et qui constitue la base du « continuisme » révisionniste selon laquelle le Parti, de fait, ne se trompe jamais, mais s’adapte à chaque fois à la situation et aux conditions objectives.

En suivant cette théorie, le P.C.I. a justifié tous les nombreux retournements stratégiques de son histoire en les déguisant en astucieux choix tactiques (des années 30 au retournement de Salerno, et jusqu’au compromis historique).

D’autre part, le P.C.I. a aussi établi la mystification historico-politique de la continuité de la ligne de Parti, selon laquelle le parti du compromis historique et du pacte corporatif serait l’héritier naturel, dans la situation actuelle, du parti révolutionnaire fondé à Livourne en 1921.

Pour avancer aujourd’hui, il faut au contraire dire clairement où, quand, comment et pourquoi nous sommes-nous trompés et, surtout, ne pas entendre l’autocritique comme une exception (un point de retournement politique), mais la considérer dorénavant comme partie intégrante de tout notre travail et de notre pratique sociale.

b) Il ne suffit cependant pas d’admettre avoir commis des erreurs pour les dépasser dans la pratique.

En se limitant à cela, on tombe dans l’opportunisme : c’est-à-dire qu’on transforme l’autocritique en une pratique totalement formelle, qu’on lui ôte toute vie et, de fait, qu’on finit par la nier.

Il ne s’agit pas, en d’autres termes, de se faire une espèce de mea culpa, en se limitant par exemple à reconnaître comme fondées les critiques que nous avaient adressées, en leur temps, les camarades des Brigades du camp de Palmi.

Il s’agit au contraire d’aller aux racines des erreurs et de débusquer, critiquer, détruire les positions politiques, les lignes erronées qui ont influencé négativement notre analyse et notre pratique sociale.

Pour ce faire, il est nécessaire de soumettre l’ensemble de notre analyse et de notre pratique sociale à un réexamen scrupuleusement critique, étant donné que la lutte entre les deux lignes a traversé l’ensemble de notre histoire, sans exceptions.

Le problème n’en consiste pas pour autant à séparer mécaniquement ce que nous avons fait d’erroné de ce que nous avons fait de juste.

Il faut réexaminer globalement toute notre praxis et saisir ce qui, en elle, préfigurait la ligne révolutionnaire, en enterrant en même temps ce qui, en elle, renforçait la ligne révisionniste.

C’est seulement en menant jusqu’au bout l’autocritique qu’il est possible de récupérer le véritable patrimoine révolutionnaire de la Colonne Walter Alasia dans les Brigades Rouges.

c) Le Parti commet toujours et inévitablement des erreurs. Commettre des erreurs est inévitable !

Il y a cependant deux types d’erreurs qui sont commises dans chaque phase : celles qui sont évitables et celles qui sont inévitables. Les erreurs évitables sont celles que le Parti commet subjectivement.

Les erreurs inévitables sont objectivement déterminées par les caractéristiques de la phase.

Les erreurs inévitables d’une phase se transforment toutefois en erreurs évitables dans la phase suivante. En cela, le procès de critique-autocritique recouvre une signification stratégique (et permanente) dans le saut au Parti.

La colonne Walter Alasia a eu, dans sa théorie-praxis, de nombreuses limites et a commis, dans la phase précédente, de nombreuses erreurs, certaines évitables, d’autres inévitables.

Aujourd’hui, ces erreurs sont évitables et doivent donc être évitées !

Le développement théorique et celui de la pratique sociale ont aujourd’hui apporté une plus grande clarté sur les thèmes centraux du saut au Parti.

Le fait que cela constituait alors des erreurs inévitables ne doit en aucun cas servir d’alibi à des positions justificationnistes qui aboutissent à reproposer le schéma « continuiste » et « néo-révisionniste » selon lequel les erreurs du Parti sont la conséquence des conditions objectives dans lesquelles il doit œuvrer.

Nous aussi, nous devons aujourd’hui, et ce sans pitié, refuser ce type d’erreurs, justement parce qu’il existe aujourd’hui les conditions pour les dépasser.

Une bonne part des erreurs de Staline était alors inévitable, même si, aujourd’hui, nous critiquons ces erreurs sans pitié, en allant à leurs racines.

Nous faisons peut-être un tort personnel à Staline (et au Parti bolchévik d’U.R.S.S.) en le critiquant avec le bon sens d’aujourd’hui, mais cela est cependant indispensable (et possible) aujourd’hui pour faire un pas en avant vers la transition au communisme. C’est avec le même esprit que nous devons faire une sérieuse autocritique par rapport à la théorie-praxis de notre colonne, pour jeter les bases du saut au Parti.

Crise du mode de production capitaliste. Centralité ouvrière.

On peut, directement ou indirectement, ramener toutes nos limites et toutes nos erreurs de cadrage dans l’intervention politique à la partialité de notre analyse de la crise du mode de production capitaliste.

À la base de cette partialité, il y avait une grave erreur : la séparation mécaniste entre structure et superstructure, c’est-à-dire entre économique d’une part et toutes les autres sphères de la formation économico-sociale d’autre part.

Dans le contexte de cette séparation, nous avons rendu absolu le caractère dominant de la production par rapport à tous les autres secteurs de la société.

S’il est vrai, en effet, que la production de marchandises représente toujours l’aspect dominant, celui sur lequel se fonde l’extorsion de la plus-value et la valorisation du capital, il n’en est pas moins vrai qu’elle fait toutefois partie d’une totalité plus complexe : la métropole.

Au contraire, même en comprenant justement la centralité de la production, nous avons réduit schématiquement toute la totalité des rapports sociaux à ce seul aspect.

La complexité dialectique qui existe entre la partie et le tout a ainsi été aplatie à un rapport automatique de cause à effet : la production détermine mécaniquement tout le reste.

Cette simplification nous a empechés de voir la qualité nouvelle qui caractérise le rapport production / consommation dans la phase de la domination réelle totale du mode de production capitaliste.

Forcer l’horizon dit à ce propos :

« … La production de plus-value relative (domination réelle) exige la production d’une nouvelle consommation : elle exige donc que le cercle de la consommation à l’intérieur de la circulation s’élargisse de la même manière qu’avant s’élargissait le cercle de la production (…).

Dans la phase de la domination réelle totale, le capital, ayant déjà occupé tout l’espace géographique (création du marché mondial) doit, pour continuer à s’étendre, et donc pour élargir ultérieurement le marché, révolutionner sans cesse la sphère de la consommation.

La consommation, comme la production, est maintenant aussi sujette à des procès de restructuration continuels, en devenant un élément dynamique, actif, strictement et rigidement intégré au procès de production / reproduction. »

Et plus loin :

« Maintenant, dans la domination réelle totale, [le capital] soumet toutes les qualités de l’homme social, en le produisant comme homme du capital, fonctionnalisé aussi à la réalisation de la plus-value relative (…).

Une nouvelle branche de production naît ainsi, l’ »usine de la conscience », avec les fonctionnaires qui lui sont relatifs : usine de « modèles de consommation », de « systèmes idéologiques », visant à la production / reproduction de la plus-value relative, du rapport social dominant.

La production n’est plus seulement production indirecte de consommation (dans le sens que toute production présuppose une consommation) mais se constitue aussi, aujourd’hui, comme « production directe de consommation » : à côté de la production d’objets-marchandises, il y a la production de plus-value relative, il y a la production spécifiquement capitaliste de ses conditions de réalisation.»

De ce nouvel et plus intime rapport entre production et consommation, entre production de marchandises et production d’idéologie, naît la métropole, comprise comme une usine totale.

C’est la métropole dans son ensemble, donc, qui constitue l’unité minimale qui doit être analysée pour obtenir un cadre global.

La production de marchandises et, par conséquent, l’usine, constituent donc seulement une partie, quand bien même centrale, de cette totalité.

En se limitant seulement à cet aspect, ou en lui subordonnant mécaniquement tous les autres aspects, on tombe inévitablement dans la partialité.

Les camarades disent :

« La composition de classe, le prolétariat, doit aussi alors être caractérisé non seulement en relation à l’ »usine partielle » mais aussi à l’ »usine totale », à la métropole dans sa globalité.

Il doit être vu non seulement en tant que force de travail, capacité de travail, mais aussi comme consommateur conscientisé, idéologisé. Toute distinction mécaniste entre force de travail et formes de sa conscience tombe donc d’elle-même : le prolétariat dans la métropole est en même temps force de travail du capital et consommateur conscient de celui-ci, son produit programmé et finalisé. »

L’analyse développée par la Colonne Walter Alasia au cours des deux dernières années, en restant au contraire dans ce mécanisme, ne réussissait pas à dépasser les grilles des usines : elle saisissait le particulier, mais pas le général.

De plus, en ne reliant pas la partie au tout, elle ne réussissait pas à voir stratégiquement comment le général vivait aussi dans le particulier.

En rendant absolue la production de marchandises et en ne saisissant pas l’aspect d’usine totale qu’assume aujourd’hui la métropole, nous avons limité le centre de l’affrontement de classe à l’usine partielle.

Dans ce cadre, même en mettant au premier plan l’aspect crise-restructuration que recouvre la crise actuelle, on donnait une interprétation partielle du procès de restructuration productive (accroissement de l’exploitation, de la nocivité, réduction de la base productive par l’atteinte à l’emploi, etc.), sans réussir à évaluer totalement ses conséquences sur la composition de classe du prolétariat métropolitain aussi hors de l’usine.

On saisissait ainsi la signification particulière de la réduction de la base productive de la classe ouvrière (accroissement de l’exploitation et réduction de l’emploi), mais non la signification stratégique générale : décomposition de la classe ouvrière et interchangeabilité avec d’autres figures sociales du prolétariat métropolitain.

On ne réussissait pas, de cette manière, à avoir une vision claire du prolétariat métropolitain en tant que classe, et l’on ne comprenait pas, en particulier, que le prolétariat métropolitain est le fruit même de la décomposition de la classe ouvrière.

Il ne s’agit donc pas de classes différentes, parfois réunies par des intérêts immédiats communs, mais d’une classe unique, stratifiée et décomposée en différentes figures sociales, réunies par un intérêt stratégique unique : la transition au communisme.

L’aspect stratégique du projet de la bourgeoisie impérialiste se fonde en effet sur l’anéantissement, la stratification et la différenciation du prolétariat métropolitain : l’objectif général du projet impérialiste de conjoncture est le maintien par la force des rapports de production actuels, qui sont désormais objectivement en décomposition sur le plan historique du fait de la crise générale du mode de production capitaliste, mais qui ne peuvent être complètement détruits que par l’édification subjective, par le prolétariat métropolitain, du système de pouvoir rouge.

À partir de là, l’anéantissement ne se manifeste pas comme anéantissement direct et matériel de couches entières du prolétariat métropolitain (on ne peut mettre sur le même plan X milliers de licenciements et l’anéantissement matériel de X milliers de licenciés, ou tout bonnement de la classe ouvrière dans son ensemble).

Anéantissement, au contraire, veut surtout dire destruction des liens entre les diverses déterminations du système du pouvoir rouge et destruction, dans la conscience de couches prolétaires entières, de la possibilité même de construire une alternative collective à la crise du mode de production capitaliste.

C’est là que le projet de différenciation et de décomposition construit ses fondements, en jouant sur différents niveaux et en cherchant à opposer entre elles les diverses couches du prolétariat métropolitain, et en divisant en leur sein les prolétaires entre eux, en les opposant les uns aux autres.

La condition fondamentale pour y parvenir est la destruction de l’alternative collective, tant dans le sens matériel (détruire et anéantir physiquement les organisations de masse révolutionnaires en construction et les mouvements de masse révolutionnaires) qu’au niveau de la conscience même des prolétaires (en anéantissant la « mémoire » de la nécessité / possibilité de s’organiser collectivement pour la transition au communisme).

En limitant de fait la contradiction à la sphère de la production et en la concentrant dans l’usine, l’objectif politique de notre intervention était la recomposition de la classe ouvrière et non la recomposition du prolétariat métropolitain.

Nous percevions au contraire cette dernière comme un système d’alliance sous l’hégémonie de la classe ouvrière et de son parti.

Dans ce cadre, la polémique sur le « peuple » (catégorie que nous avons utilisée dans toute notre production écrite et en particulier dans l’auto-interview) ne naissait pas dune simple équivoque sur les mots, mais cachait une grosse confusion de notre part.

Les camarades des Brigades du camp de Palmi observaient justement :

« Le centre qui manque dans cette contribution [notre auto-interview] est la reconnaissance du caractère historique général de la crise du mode de production capitaliste, comme processus irréversible et générateur tant de la réduction-restructuration de la base productive et des modifications de la composition de classe que de la crise sociale. »

C’est justement le caractère irréversible de la crise qui détermine une décomposition de la classe ouvrière : les figures sociales « ouvrières » se réduisent, tandis qu’augmentent les figures « marginales » et « extralégales ».

Il ne s’agit naturellement pas d’un processus automatique : par exemple, l’ouvrier licencié ne devient pas immédiatement et nécessairement un prolétaire extralégal.

Cependant, la tendance globale à une augmentation proportionnelle des figures marginales et extralégales par rapport à la classe ouvrière, en stricte relation avec la même décomposition (restructuration productive et réduction de la base productive), est indiscutable.

Il ne s’agit pas là d’un processus transitoire, mais bien d’un processus irréversible : c’est-à-dire qu’il est appelé à s’accentuer toujours plus avec l’approfondissement de la crise, en accentuant toujours plus la mobilité et l’interchangeabilité des diverses figures sociales du prolétariat métropolitain.

De ce fait, les vieilles catégories de « classe ouvrière », « sous-prolétariat », « semi-prolétariat », etc.. ne tiennent plus. Aujourd’hui la domination réelle totale du mode de production capitaliste a définitivement prolétarisé toutes ces couches.

Nous n’avons donc affaire qu’à une seule classe : le prolétariat métropolitain.

En effet, les camarades de Palmi poursuivent :

« C’est le caractère irréversible, général de la crise qui fonde l’intérêt irréversible et prolétaire de toutes les figures du prolétariat métropolitain: renverser l’actuel mode de production capitaliste.

Ce qui n’ôte pas qu’à l’intérieur du prolétariat métropolitain, le travail productif conserve objectivement sa position centrale et que c’est donc au travailleur productif qu’incombe une centralité politique et de direction révolutionnaire dans le processus de recomposition de classe.

Il s’ensuit que les autres figures prolétaires (marginales, improductives, etc.), en tant que fragments de la décomposition de la classe ouvrière dans le devenir de la crise, ne se situent pas en fait comme ses alliés extérieurs mais bien comme stratification interne d’une classe unique : le prolétariat métropolitain. »

Et plus loin :

« C’est justement ceci que nous nions aujourd’hui (que la classe ouvrière et les autres couches de classe aient des intérêts de classe différents) lorsque nous affirmons que le prolétariat métropolitain est une unité des multiples à ominante ouvrière, lorsque nous affirmons donc que celui-ci comprend tous les ouvriers prolétarisés et en voie de prolétarisation et que, de ce fait, il constitue l’immense majorité de la population de notre pays.

En conclusion, la recomposition du prolétariat métropolitain autour de la figure de l’ouvrier-masse métropolitain ne peut avoir lieu sans que les diverses couches qui le composent se nient et dépassent leurs particularités.

De même, la classe ouvrière ne peut être la direction de cette recomposition qu’en se niant comme force de travail qui valorise le capital. »

Reconnaître aujourd’hui que ces critiques sont fondées ne signifie pas accomplir un acte formel, mais jeter les bases pour dépasser nos limites d’analyse.

Il s’agit en effet d’un saut non seulement essentiel sur le plan stratégique, mais aussi urgent.

Ces limites d’analyse nous ont menés, dans le passé, à reprendre de manière acritique des positions erronées (comme, par exemple, la théorie révisionniste des forces productives, sur laquelle nous reviendrons de manière plus approfondie par la suite) et ont négativement influencé toute notre pratique sociale (par exemple, les programmes politiques immédiats).

Il est aujourd’hui nécessaire de rompre définitivement avec nos limites passées et surtout avec le particularisme.

C’est seulement en mettant au centre de notre activité la recomposition politique du prolétariat métropolitain en tant que classe qu’il est possible de comprendre la dialectique correcte entre programme politique général de conjoncture et programmes politiques immédiats, entre Parti et masses, et entre Parti, mouvements de masse révolutionnaires et organisations de masse révolutionnaires.

Il existe en effet un rapport dialectique entre théorie et praxis : l’une influence l’autre, et vice-versa.

Nos limites pratiques ont négativement influencé notre analyse, en l’enfermant dans le particularisme et en laissant place à des productions néo-révisionnistes.

À leur tour, celles-ci, en se consolidant comme lignes politiques erronées, ont empêché notre pratique sociale de faire le saut politique que la conjoncture exigeait.

De ce fait, il s’agit de redéfinir à tous les niveaux notre théorie-praxis, d’aller au nœud des problèmes et, de là, de revoir toute notre expérience jusque dans les moindres détails, en la reliant aux fils conducteurs principaux. C’est de là seulement que peut partir une relance de notre pratique sociale à un niveau plus élevé.

Parti et programmes.

Nos limites d’analyse et, en particulier, l’interprétation schématique que nous faisions de la centralité ouvrière et l’incompréhension de la nature de classe du prolétariat métropolitain nous ont menés à une vision réductive du saut au Parti.

C’est-à-dire que l’on ne comprenait pas que la construction du Parti et la recomposition politique du prolétariat métropolitain vivent un strict rapport dialectique : l’un n’existe pas sans l’autre, et vice-versa.

C’est seulement de cette thèse fondamentale que peut découler la construction de la ligne de masse du Parti, et donc un cadrage correct du programme politique général de conjoncture et des programmes politiques immédiats.

En effet, l’agir en Parti se fonde précisément sur la capacité de relier le général au particulier dans le cadre de la dialectique destruction / construction qui caractérise la contradiction entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat métropolitain.

Agir en Parti signifie faire vivre l’attaque au cœur de l’État, c’est-à-dire l’attaque au cœur du projet de conjoncture de la bourgeoisie impérialiste, dans toutes les déterminations du pouvoir rouge en construction ; lancer contre les nœuds centraux du projet de la bourgeoisie impérialiste toute la force concentrée du Parti, des organisations de masse révolutionnaires et des mouvements de masse révolutionnaires.

Dans le cours de ce processus, destruction et construction vivent un rapport qui ne permet pas de séparations : détruire et désarticuler le projet de la bourgeoisie impérialiste est la condition indispensable pour construire le système de pouvoir rouge ; construire le système de pouvoir rouge est la condition indispensable pour désarticuler le projet ennemi.

Dans le cadre de la tendance à la guerre sociale totale, deux systèmes de pouvoir se confrontent : celui du système impérialiste des multinationales a pour objectif le maintien par la force des rapports de production et des rapports sociaux capitalistes, celui du pouvoir rouge a pour objectif le renversement de ces rapports sociaux et la révolution sociale totale dans la métropole.

La crise historique, époquale, du mode de production capitaliste sert de fond à cette confrontation et sanctionne par la force des faits et des données économiques l’inimitié absolue entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste.

La survie de la bourgeoisie impérialiste comme classe dominante passe à travers l’anéantissement, la stratification et la différenciation du prolétariat métropolitain et, en particulier, passe à travers l’anéantissement de son système de pouvoir : le système de pouvoir rouge.

D’autre part, l’affirmation du système de pouvoir rouge passe à travers l’anéantissement du projet de la bourgeoisie impérialiste et la recomposition politique du prolétariat métropolitain. Entre ces deux systèmes de pouvoir, comme entre les intérêts de classe dont ils sont l’expression, il ne peut aujourd’hui y avoir d’autre rapport que la guerre.

La centralisation et l’exécutivisation sont l’exemple. central du projet de refondation du système impérialiste des multinationales par la guerre civile déployée.

Dans le même temps, le projet de la bourgeoisie impérialiste se propose de décomposer et différencier le prolétariat métropolitain.

Recomposer et centraliser le front bourgeois d’une part, décomposer et différencier le prolétariat métropolitain d’autre part : c’est là l’aspect dynamique du projet impérialiste dans cette conjoncture.

Et c’est là le niveau d’affrontement que le projet ennemi impose au prolétariat métropolitain et à son avant-garde révolutionnaire.

Le saut au Parti et la construction du système de pouvoir rouge constituent la riposte possible et nécessaire du prolétariat métropolitain à ce projet.

Le projet de la bourgeoisie impérialiste part du général pour s’articuler dans le particulier : dans le particulier vit le général.

C’est-à-dire que la globalité du projet ennemi vit dans chacune de ses articulations particulières et périphériques.

De la même manière, le projet du prolétariat métropolitain, la construction du système de pouvoir rouge, doit, en partant du particulier, arriver au général, en déclenchant une offensive globale contre le projet ennemi et en construisant contemporainement une alternative globale à celui-ci, sur tous les terrains.

Ainsi, le saut au Parti fait justice de tout localisme ou particularisme et impose de faire vivre le général même lorsque l’on opère dans le particulier.

Si le projet de conjoncture de la bourgeoisie impérialiste se base sur la décomposition et différenciation du prolétariat métropolitain, le programme du Parti se base sur la recomposition politique du prolétariat métropolitain contre le projet ennemi.

L’aspect stratégique qui est au centre du saut au Parti est donc la recomposition du prolétariat métropolitain : c’est précisément cet aspect qui doit vivre aussi dans le particulier, qui doit traverser toutes les déterminations du système de pouvoir rouge, du Parti aux organisations de masse révolutionnaires, aux mouvements de masse révolutionnaires.

Tout ceci doit trouver son moment de synthèse au niveau le plus élevé possible dans le programme politique général de conjoncture : coexistent donc dans le programme politique général de conjoncture tant le plus haut niveau de désarticulation / destruction du projet ennemi que le plus haut niveau de recomposition du prolétariat métropolitain, et donc de construction du système de pouvoir rouge, possibles dans cette conjoncture.

En ce sens, le programme politique général de conjoncture doit recomposer les différentes couches du prolétariat métropolitain dans l’attaque conjointe au cœur de l’État.

Les programmes politiques immédiats représentent au contraire l’articulation du programme politique général de conjoncture dans les différentes couches de classe du prolétariat métropolitain : ils doivent recomposer chaque couche de classe particulière sur des besoins qui se relient à l’aspect stratégique do la recomposition du prolétariat métropolitain et de l’attaque au cœur de l’État.

C’est justement cela que signifie faire vivre le général dans le particulier : fonder les programmes politiques immédiats sur les besoins des masses qui contiennent en eux l’aspect stratégique qui domine la conjoncture.

C’est seulement à partir de là qu’il est possible do comprendre la dialectique qui lie entre elles les lignes directrices sur lesquelles se construit le saut au Parti, et, en même temps, se concrétise le système de pouvoir rouge : organiser les avant-gardes communistes combattantes dans le Parti, activiser les mouvements de masse révolutionnaires, organiser les avant-gardes de lutte dans les organisations de masse révolutionnaires.

Dans nos campagnes sur les usines et les services, même en analysant jusqu’au bout la restructuration des moyens de production jusque dans ses moindres détails, et même en saisissant les intérêts les plus urgents et les plus ressentis par les masses, nous ne réussissions pas à déterminer l’aspect stratégique de ces besoins.

De cette manière, nous ne réussissions pas à cadrer dans une dimension stratégique ni les mouvements de masse révolutionnaires dont nous suscitions la mobilisation, ni les organisations de masse révolutionnaires en construction, en les renvoyant ainsi à leur particulier.

Tant à Sesto qu’à l’Alfa, nous avons mis en avant un programme politique immédiat largement partagé et pratiqué par la classe ouvrière puisqu’il synthétisait par des mots d’ordre clairs les besoins de cette couche de classe : «Aucun licenciement ne doit passer, même déguisé», « Toutes les conditions nocives doivent être supprimées », «Aucun accroissement de l’exploitation ne doit passer».

Le problème n’est pas tant dans les mots d’ordre lancés que dans les contenus qui les font vivre, que dans la manière dont ces programmes politiques immédiats sont reliés au général.

En effet, lorsque l’on dit : « Aucun licenciement ne doit passer », on n’avance pas une simple revendication : il ne s’agit pas simplement de maintenir le poste de travail ni de travailler tous et travailler moins dans l’immédiat, mais de comprendre que la décomposition de la classe ouvrière vit comme aspect stratégique dans tous les aspects de la restructuration productive.

D’une part comme rétrécissement de la base productive (expulsion de la force de travail de l’usine) et donc comme réduction de la figure ouvrière dans le cadre de la décomposition plus générale de tout le prolétariat métropolitain.

D’autre part comme décomposition et différenciation au sein de la classe ouvrière, qui passe par l’expulsion des avant-gardes de lutte, par la mobilité, par les figures professionnalisées, etc.

C’est seulement en mettant cet aspect stratégique au centre des programmes politiques immédiats de la classe ouvrière que l’on peut relier aux programmes politiques immédiats des autres couches du prolétariat métropolitain, et donc au programme politique général de conjoncture.

Le retrait de la cassa integrazione à l’Alfa. comme articulation pratique du mot d’ordre « Aucun licenciement ne doit passer » contenait cet aspect stratégique.

C’était sur ce point stratégique du programme politique immédiat que notre intervention dans les usines devait canaliser tout ce qui s’était exprimé dans la Campagne Usines : les organisations de masse révolutionnaires en construction, les mouvements de masse révolutionnaires qu’elle avait activés.

En saisissant cet aspect stratégique, le programme politique immédiat effectue dans le même moment la désarticulation du projet ennemi et la recomposition de la classe ouvrière.

C’est dans le rapport construction / destruction qu’il est possible de concrétiser la recomposition de la classe ouvrière en son propre sein et dans le prolétariat métropolitain.

Recomposer la classe ouvrière ne signifie pas seulement empêcher les licenciements ou s’opposer aux effets matériels de la restructuration, mais surtout la réunifier dans la lutte offensive, jusqu’au bout, contre tous les aspects de la restructuration qui contiennent en eux la décomposition et la différenciation.

Décomposition et différenciation n’opèrent pas seulement au niveau matériel mais, au contraire, ont un objectif beaucoup plus ambitieux : transformer l’ouvrier en « homme du capital », pur appendice, sans vie et sans histoire, de la machine. Et cela n’est possible qu’en anéantissant la mémoire historique collective de la classe ouvrière.

La mobilité, l’augmentation de l’exploitation et de la nocivité ne peuvent s’installer que si, dans la conscience de la classe ouvrière, le je bourgeois réussit à prévaloir sur le nous prolétaire.

Accepter de monayer la nocivité, les licenciements avec primes à la clé, etc., alors qu’ils sont la base même de la différenciation, la flèche empoisonnée de la bourgeoisie impérialiste qui vise la conscience de chaque ouvrier individuel en cherchant à le séparer de et à l’opposer à ses propres camarades de lutte et de travail.

Par conséquent, la lutte contre la mobilité, contre l’augmentation des rythmes et des charges de travail, la lutte pour les pauses contiennent en elles l’aspect stratégique de reconquérir la socialité dans l’usine, de reconquérir une collectivité de classe.

L’intervention du Parti doit reprendre ces moments particuliers de lutte de la classe ouvrière, en les mettant au centre du programme politique immédiat.

Par exemple, nous devons assumer aux luttes des cassa integrati de l’Alfa le caractère d’une lutte offensive contre l’une des articulations du projet de la bourgeoisie impérialiste de décomposition différenciation et anéantissement.

En comprenant ces aspects stratégiques de sa lutte quotidienne, la classe ouvrière se trouve, en partant de la pratique particulière de son secteur, face à la globalité de l’ensemble du rapport qui existe entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste dans cette conjoncture : un rapport d’anéantissement, un rapport de guerre.

C’est sur ce terrain qu’il est possible d’organiser les masses dans la lutte armée pour pratiquer la transition au communisme, qu’il est possible de lier la lutte particulière dans les usines et le programme politique immédiat de la classe ouvrière à ceux des autres couches du prolétariat métropolitain.

C’est dans cette compréhension que la classe ouvrière se nie comme classe à part, en se coagulant dans le prolétariat métropolitain.

Par exemple, en mettant au centre l’aspect de la différenciation / décomposition / anéantissement, le programme politique immédiat de la classe ouvrière rend compréhensible aux ouvriers les mêmes aspects stratégiques qui animent les programmes politiques immédiats des autres couches du prolétariat métropolitain (ex. : les luttes et les programmes politiques immédiats des prolétaires prisonniers contre la désolidarisation / anéantissoment…, pratiquer la libération comme stratégie de recomposition des prolétaires prisonniers dans le prolétariat métropolitain).

De plus, c’est en mettant cet aspect au centre du programme politique immédiat de la classe ouvrière que l’on se noue directement à l’ensemble de la contradiction entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste, non plus seulement entre classe ouvrière et capitalistes (patronat), que l’on fait vivre le programme politique général de conjoncture dans le particulier, en recomposant la classe ouvrière dans le prolétariat métropolitain pour la transition au communisme.

« Cette conjoncture de transition dépend. en effet, tant de l’évolution structurelle de la crise capitaliste / impérialiste que de la capacité subjective du prolétariat métropolitain à se constituer en Parti combattant et à condenser son antagonisme en un système de pouvoir rouge, autonome, articulé et diffusé dans tous les secteurs de classe et dans tous les pôles.

Le problème central de la conjoncture actuelle est la conquête des masses à la lutte armée, et cela pose avant tout la question des organisations de masse révolutionnaires. »

C’est ainsi que les camarades des Brigades Rouges, dans L’Ape et il Comunista, indiquaient l’anneau manquant pour la construction du système de pouvoir rouge : les organisations de masse révolutionnaires.

Le système de pouvoir rouge ne se définit qu’en faisant vivre et croître dialectiquement toutes ses articulations, Parti / mouvements de masse révolutionnaires / organisations de masse révolutionnaires.

Les organisations de masse révolutionnaires, comme articulations du système de pouvoir rouge, se construisent avec les éléments les plus avancés et les plus combatifs du prolétariat, dans tous les secteurs de classe où le Parti a fait vivre le programme politique général de conjoncture en des programmes politiques immédiats de combat, où son intervention a saisi et frappé l’aspect stratégique du projet ennemi dans tel secteur, en s’adressant aux luttes et en les guidant, en amenant le prolétariat métropolitain à s’organiser consciemment sur le terrain de la lutte armée.

Les organisations de masse révolutionnaires ne sont et ne peuvent être le fait des cadres du parti, qui sont, eux, organisés à l’intérieur du Parti en brigades, fronts et direction.

Les organisations de masse révolutionnaires sont une organisation du prolétariat métropolitain à laquelle le Parti donne des indications de combat et dans laquelle il vérifie et détermine sa ligne de masse.

« Même le Parti et la classe sont une contradiction, une unité des contraires, deux faces d’un même procès. Ils ne peuvent être séparés, ils ne peuvent se résoudre l’un dans l’autre. » (L’Ape e il Comunista.)

Donc, renforcer les brigades d’une part, construire les organisations de masse révolutionnaires de l’autre sont des tâches actuelles et urgentes !

Ce sont des tâches dont nous n’avons pas su nous acquitter jusqu’ici et le fait de ne pas les avoir exécutées a impliqué de graves retards et de lourdes défaites de la guérilla.

Nous répondons aux camarades de Palmi qui ont écrit le document Ce n’est que le début que nos défaites ne sont pas dues aux dispositions politico-militaires que nous nous sommes données, que nous tendions à nous donner en perspective, à savoir le Parti, mais bien à la ligne de masse erronée qui a été développée cette année et qui a empêché la construction des organisations de masse révolutionnaires.

C’est là que se trouve le nœud fondamental avec lequel toutes les forces révolutionnaires qui ont travaillé dialectiquement ensemble pour le saut au Parti doivent régler les comptes, et surtout :

1) Le fait d’avoir saisi exactement le projet global de la bourgeoisie impérialiste dans cette phase de dominaion réelle totale du Capital, phase objective de guerre sociale totale, mais de n’avoir pas su saisir l’aspect polyédrique et multiforme de ce projet dans divers secteurs de classe, de n’avoir pas fait vivre le programme politique général de conjoncture dans toutes les couches de classe, en faisant vivre le général dans le particulier et vice-versa, pour recomposer les figures sociales bigarrées du prolétariat métropolitain, mot d’ordre qui caractérise la conjoncture actuelle.

2) Le fait d’avoir compris l’état objectif de guerre qui existe dans cette phase (« Comment est-il possible de soutenir qu’il n’existe pas un état objectif de guerre dans les métropoles où les ouvriers sont mis en cassa integrazione, où il y a des expulsions, des affrontements avec le syndicat, des milliers de drogués, des vols à main armée avec des fusillades dignes du Far West, des désastres écologiques, etc. », Fraction communautaire, Trani) a cependant mené certaines forces révolutionnaires (en particulier le Parti-guérilla) à croire le prolétariat conscient et organisé pour soutenir maintenant, tout de suite, la guerre civile déployée.

« Nous soutenons avec force que, si divers secteurs du prolétariat métropolitain sont impliqués dans cette guerre et ont recours à la violence et même aux armes, les analyses triomphalistes ou les thèses extrémistes, comme celles qui affirment que la classe est à l’offensive et à l’attaque, n’on sont pas pour autant justifiables.

En réalité, pour soutenir une telle thèse, il faudrait démontrer l’existence dans cette guerre d’une autodétermination prolétarienne riche et forte, tant dans les comportements, les contenus, les objectifs, que dans le système de relations et dans les formes d’organisation. Nous nous limitions donc à constater la présence de potentialités considérables dans quelques luttes, qui ne nous permettent cependant pas de définir le degré d’autonomie que l’on peut rencontrer comme riche et fort dans l’ensemble de l’antagonisme. » (Fraction communautaire, Trani.)

Le passage d’un état objectif de guerre à un état de guerre civile déployée, état subjectif de guerre révolutionnaire pour la transition au communisme, n’est pas automatiquement donné, mais ne peut l’être qu’à travers le dépassement de nœuds stratégiques de la conjoncture actuelle, dans la dialectique destruction / construction qui voit d’une part l’élargissement de la pratique sociale antagoniste qui frappe et désarticule les centres vitaux du système impérialiste des multinationales et, de l’autre, le saut au Parti, le développement du système de pouvoir rouge dans ses articulations Parti / mouvements de masse révolutionnaires / organisations de masse révolutionnaires.

Et donc une pratique sociale qui sache interagir dans ces deux moments fondamentaux et qui trace dans son agir les fils qui recomposent les figures du prolétariat métropolitain.

Les descentes rapides et les remontées…

Pour une critique qui enterre définitivement le subjectivisme et le militarisme.

Brèves allusions de débat sur ce qui est arrivé, pourquoi c’est arrivé, pour que ça n’arrive plus.

1) L’action de Turin. Ses présupposés.

Comme nous le soulignions ci-dessus, l’état objectif de guerre qui se répand sur notre territoire, dans ses centres moteurs, les métropoles, ne s’est pas jusqu’ici caractérisé par une attaque offensive de classe autonome et organisée.

Cela signifie que nous ne sommes pas encore dans la phase de la guerre civile déployée, même si l’accélération de la crise du mode de production capitaliste nous met sous les yeux que ce moment approche toujours plus.

Dans la construction du Parti, dans le developpement du système de pouvoir rouge, notre tâche est de déterminer les rythmes de la guerre.

Mais déterminer les rythmes de la guerre signifie dépasser cette phase, c’est-à-dire atteindre les objectifs suivants : construction du Parti, construction des organisations de masse révolutionnaires dans tous les secteurs de classe, recomposition du prolétariat métropolitain.

Notre pratique sociale doit donc se développer en suivant ces voies.

L’action de Turin, au contraire, a non seulement sauté ipso facto les lignes directrices de combat de la phase, mais a démontré jusq’au bout sa matrice subjectiviste et militariste.

Mais, pour comprendre Turin, il faut, selon nous, revenir en arrière, à l’action de Salerno.

Avec l’action de Salerno, le Parti-guérilla lance le mot d’ordre de porter l’attaque déployée aux forces armées, mot d’ordre qui se comprend à partir de l’analyse de la phase de guerre civile déployée que les camarades du Parti-guérilla théorisent.

Si nous sommes complètement d’accord avec la dimension de réappropriation d’armes stratégiques de cette action, nous sommes en complet désaccord avec l’analyse et les mots d’ordre qui la sous-tendent parce que :

— c’est aujourd’hui de l’aventurisme, dans une phase de transition à la guerre, mais pas encore de guerre civile, que de frapper systématiquement tous les hommes des forces armées (il faut distinguer l’officier de carrière du soldat appelé !) ;

— une analyse superficielle de ce secteur nous dessine déjà les contradictions qui y règnent : entre les sommets et les militaires, entre les différents corps qui le composent, entre les militaires de carrière et les appelés.

Nous croyons au contraire que notre tâche dans cette phase est de lancer le mot d’ordre de construction des organisations de masse révolutionnaires dans les forces armées, dans les corps, dans les casernes métropolitaines où les jeunes prolétaires vivent les plus hauts niveaux de ghettisation, d’exploitation, d’asservissement social, politique et culturel au Pouvoir.

Mais, avec l’action de Salerno, les contradictions au sein du Parti-guérilla s’ouvrent, contradictions qui loin de se recomposer dans la critique-autocritique d’une pratique sociale erronée, se déversent dans l’action de Turin et dans la provocation contre la camarade Natalia Ligas.

À Turin, siège de la multinationale Fiat, centre des stratégies patronales anti-ouvrières, où la classe ouvrière est le secteur de classe le plus représentatif et mène une bataille encore ouverte contre la restructuration impérialiste, le Parti-guérilla ouvre la campagne d’automne par une expropriation prolétarienne qui culmine dans le procès et la condamnation à mort de deux gardiens.

Nous avons tous les éléments politiques pour qualifier cette action de provocation au sein du mouvement révolutionnaire :

A. Le Parti-guérilla prétend par cette action s’adresser aux prolétaires extra-légaux.

Mais, toute pratique sociale antagoniste dans la métropole aujourd’hui doit s’adresser à toutes les couches de classe, même si elle détermine le programme politique immédiat d’une seule couche.

Par exemple, la pratique de la libération comme programme politique immédiat des prolétaires prisonniers se lie à toutes les couches de classe, puisqu’en elle vit la libération du mode de production capitaliste qui implique et enchaîne tout le prolétariat métropolitain.

B. L’expropriation prolétarienne est une action politico-militaire qui a la même dignité que les autres actions.

Mieux, elle en est le présupposé.

Elle est le juste programme de financement que la guérilla doit pratiquer pour se doter des instruments nécessaires à la reprise de l’offensive.

Le capital défend se richesse de mille manières (dispositifs, gardiens, etc.), et c’est à l’intelligence prolétarienne de savoir désamorcer les systèmes d’alarme et désarmer les gardiens, défenseurs du capital, mais qui ne sont pas spécifiquement enrôlés dans une fonction anti-prolétarienne et anti-guérilla.

Dans cette phase, il est nécessaire d’être encore sélectifs, d’être capables de repérer et distinguer, en saisissant toujours l’objectif politique que l’on veut atteindre. La condamnation à mort de deux gardiens qui sont désarmés et qui se sont rendus n’est pas aujourd’hui un objectif stratégique !

Cette action, au lieu d’éclairer dans le mouvement révolutionnaire les tâches de la phase, la signification de l’expropriation et le rôle du système bancaire, n’a apporté que désorientation, confusion et désolidarisation.

C’est objectivement une provocation contre-révolutionnaire !

2. De février à aujourd’hui. Colonne Walter Alasia, si tu es là, frappe un coup !

En février 1982, la Colonne W.A. a subi une dure attaque de la contre-guérilla, qui a mené à l’arrestation de dizaines de militants, surtout dans le Front de Masse, et qui a fait « sauter » l’opération d’assaut à la prison impérialiste de San Vittore 1, qui « aurait dû déployer force et pouvoir social, exercés dans un rapport correct Parti / mouvements de masse révolutionnaires, pour atteindre l’objectif fondamental du programme révolutionnaire : la libération des prolétaires prisonniers » (document de revendication, Lissone, juillet 1982).

Le principal artisan de cette attaque de la bourgeoisie impérialiste est un dirigeant de notre Organisation : l’infâme Galli.

Nous renvoyons à ailleurs l’analyse approfondie du phénomène des infâmes, en soulignant toutefois que les repentis sont aussi, mais non pas seulement, non pas principalement, la cause des défaites subies par la guérilla au cours des dernières années.

C’est aussi ce que disent les camarades de Palmi dans Ce n’est que le début.

Quoiqu’il en soit, pour la Colonne W.A., c’est un dur coup politique, peut être aussi parce qu’il s’agit du premier repenti de notre histoire (mais « que celui qui n’a jamais pêché nous jette la première pierre », écrivaient les camarades de la Brigade Prisons en juin 1982).

Tout de suite après février, la Colonne expulse de l’organisation quelques « camarades », coupables non de divergences politiques, mais bien de graves incorrections politiques internes qui avaient mis en cause l’opération San Vittore, avant même l’infâmité de Galli.

Nous rappelons qu’il y avait parmi ces individus l’infâme Marocco, qui a produit tant de catastrophes à l’intérieur du Parti-guérilla (et malheureusement chez nous aussi !).

À partir de février, un débat stérile et statique se déroule dans la Colonne qui, loin d’affronter constructivement la reprise du travail dans les Brigades et dans les fronts et la reprise de la pratique sociale sur le territoire métropolitain, dans tous les secteurs du prolétariat métropolitain, en dialectique avec les autres forces révolutionnaires, se fossilise sur les aspects de méthode de travail et sur la demande de la part de certains camarades d’entrer, « ici et maintenant », dans le Parti-guérilla, abandonnant complètement le patrimoine historico-politique porté jusque-là par la Colonne Walter Alasia et les divergences d’analyse politique avec le Parti-guérilla, divergences qui, de toutes manières, ne reniaient pas un rapport dialectique constant avec celui-ci.

Malheureusement, cette situation stagnante ne se débloque qu’en juin, avec la formation d’une nouvelle Direction de Colonne.

L’action de Lissone ouvre, en juillet 1982 2, la campagne de financement de la Colonne et, « même si l’objectif de financement n’a pas été atteint, la guérilla a été en mesure d’affronter victorieusement la situation, à travers la capacité collective de s’organiser sur le terrain de la guerre sociale, en déployant tout le patrimoine d’expérience révolutionnaire acquis au cours de ces années » (tract de revendication, Lissone).

Suit la chute de trois de nos camarades après une fusillade avec les sbires, et la mort de l’un d’entre eux, le camarade Rico.

La reprise du débat et du travail des Brigades, sous la nouvelle Direction de Colonne, provoque une importante croissance politique de toute l’organisation, sous la poussée du dépassement du néo-révisionnisme et de la tendance à une pratique sociale en dialectique avec le saut au Parti, dans la recomposition du prolétariat métropolitain.

C’était là la tendance qui animait toute la Colonne à l’ouverture de la Campagne d’Automne, lorsque la contre-guérilla, encore une fois par le biais d’un infâme (Marocco), inflige une nouvelle très dure attaque aux forces révolutionnaires.

Pour nous, cette attaque se concrétise par la chute de la base de Cinisello et des camarades de la Direction de Colonne et par la mort du camarade Bruno.

Face à ces graves faits, notre critique-autocritique ne peut pas être seulement « technique » et ne peut se résumer au fait d’avoir continué à utiliser une base connue de l’exclu et aujourd’hui infâme Marocco.

Il est au contraire nécessaire de faire une critique politique, dure, serrée, de la praxis politico-organisationnelle de la Colonne : la tendance acquise vers le saut au Parti et à une pratique sociale qui y corresponde, n’a pas réglé ses comptes avec la situation Iogistico-organisationnelle de la Colonne, assez précaire, assez faible, provoquant une incroyable inadéquation entre la « volonté de faire » des camarades et la « possibilité réelle » de faire dans cette situation.

On a aussi privilégié le politique sur le logistico-militaire, alors qu’une Organisation communiste combattante clandestine doit savoir équilibrer tous les aspects politico-militaires-organisationnels de sa vie, non pour survivre, mais pour croître, se renforcer, contribuer effectivement au saut au Parti.

L’ingénuité et la « jeunesse » de la Colonne ont ensuite donné la possibilité à la contre-guérilla, au moyen de se force centrale que sont les Carabiniers, d’arrêter trois autres de nos militants au milieu de la rue.

Mais les défaites militaires ne nous abattent pas outre mesure. Elles nous font plutôt réfléchir sérieusement sur la nécessité de comportements clandestins adaptés à la militarisation croissante dans la métropole : c’est l’intelligence communiste qui doit semer l’ennemi et encercler les encercleurs.

La métropole est le centre de la guerre sociale que les prolétaires, guidés par le Parti, développent quotidiennement, à travers mille comportements antagonistes, au long des mille lignes directrices de combat, en mille feux de guérilla.

C’est dans la métropole que se déchaîne la guerre sociale antagoniste : c’est là que nous sommes, présents, en reprenant l’offensive, de l’usine à la prison et au territoire, où des millions de prolétaires luttent pour la LIBÉRATION.

CONSTRUIRE LE PARTI COMMUNISTE COMBATTANT !

CONSTRUIRE LES ORGANISATIONS DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

ACTIVER LES MOUVEMENTS DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

DÉVELOPPER LE SYSTÈME DE POUVOIR ROUGE !

HONNEUR AUX CAMARADES TOMBÉS EN COMBATTANT POUR LE COMMUNISME !


Pour le Communisme

>Sommaire du dossier

Noyaux Armés Prolétaires: Déclaration au procès de Florence (1976)


Noyaux Armés Prolétaires
Nuclea Carcere (noyau prison)
Pasquale Abatangelo

Déclaration au procès de Florence (12 mars 1976)

Dans cette société composée d’exploités et d’exploiteurs, nous nous sommes rangés avec notre classe en mettant dans la lutte toutes nos capacités de militants communistes.

En tant que classe opprimée, nous considérons l’expropriation de la bourgeoisie comme une étape obligatoire dans la construction du pouvoir prolétarien.

Les expropriations, qui pour le moment sont sporadiques et liées à l’exigence de notre croissance, ne sont qu’une avance de l’expropriation totale que la révolution communiste réalisera dans les confrontations avec les patrons.

Le 29 Octobre 1974 pendant une expropriation place Alberti, les camarades Roméo et Luca Mantini sont tombés sous les balles des chiens de garde de la bourgeoisie.

Leur mort a suscité une prise de conscience et une détermination à aller jusqu’au bout dans les avant-gardes prolétariennes.

Les N.A.P. sont aujourd’hui une réalité avec laquelle les patrons et leurs esclaves devront compter ; Roméo et Luca Mantini revivent dans nos luttes et les actions les plus importantes sont signées « 29 Octobre » en leur honneur.

L’assassinat de sang-froid d’Anna-Maria Mantini (fondatrice du Noyau Armé 29 Octobre) nous a aussi définitivement convaincus de l’importance de rendre la monnaie aux tueurs à gages et à leurs représentants.

Di Gennaro, Vernich, Margarite, Tuzzolino, Dell’Anno et les attaques armées des repaires des carabiniers, sont seulement le point de départ vers l’objectif qui est d’anéantir les forces réactionnaires.

Nous nous sommes unis dans cette perspective avec les camarades des B.R. et tous les révolutionnaires et les communistes dignes de ce nom.

Les fruits de cette union seront très amers pour ceux qui sont habitués depuis 30 ans à raisonner en termes de votes en conservant intact le pouvoir délégué par les impérialistes.

En tant que révolutionnaires, le jugement des bourgeois ou celui de leurs laquais ne nous intéresse pas ; nous voulons créer une société alternative à celle-ci et nous utilisons tous les moyens que nous suggèrent les circonstances.

Votre « justice » se conduit comme une vendetta vis-à-vis des camarades et comme une récompense vis-à-vis des esclaves, c’est pourquoi elle ne nous intéresse pas, et même, c’est seulement la méthode pour la désorganiser et la démasquer aux yeux du peuple qui nous intéresse.

Les assassins de Serantini, Zibecchi, Boschi, Bruno et tant d’autres prolétaires sont connus de tous, comme il est connu que vous leur donnez votre absolution et que vous continuez à le faire par le simple fait que ces « killer » (Ndt : tueurs) sont au service de la classe dominante comme vous. Même en prison, il n’arrive jamais de voir un bourgeois ou un « boss » mafioso attaché au lit de contention ou en cellule punitive.

Sans parler de ceux qui n’y vont jamais, comme les responsables des scandales politico-financiers continuels, du scandale sur le pétrole au scandale Lockheed.

Nous assistons depuis longtemps à vos tentatives de criminaliser la lutte des classes, et si cela pouvait être dangereux il y a quelques années, aujourd’hui cela ne fait que vous démasquer chaque jour un peu plus.

Les prolétaires savent désormais de quel côté sont les vrais bandits, et l’abus de ce terme nous rappelle que les chefaillons fascistes eux aussi traitaient les partisans de « bandits ». Dans ce cas, nous acceptons d’être des « bandits » pour vous et nous ferons tout pour toujours mériter ce terme ».

La dure condamnation que vous nous donnerez montrera que les calomnies mystificatrices de votre presse ne suffisent plus pour cacher aux masses qu’existé et croît quotidiennement une gauche armée dans notre pays. C’est pourquoi nous accueillerons votre condamnation comme une victoire pour nous !

Quoi qu’il en soit Messieurs, nous voudrions vous rappeler qu’un jour prochains vous devrez rendre compte de vos actions, non pas à Dieu, mais à la justice prolétarienne. Le prolétariat n’oublie pas.

RIEN NE RESTERA IMPUNI !

LA SEULE JUSTICE EST CELLE DU PROLÉTARIAT !

TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE ARMÉ !

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Lettre ouverte à l’ex brigadiste Alfredo Buonavita (1981)

Comme tous les retournements, tes deux lettres sont en plus impromptues ; bref, un vrai choc. Ainsi, du moins, dans un premier temps.

Est-il possible, nous sommes-nous demandé, qu’Alfredo Buonavita, prolétaire, brigadiste depuis presque le premier moment, ait fait un choix aussi scélérat en douce ?

Est-il possible que celui qui a milité à nos côtés dans les années les plus dures nous ait laissé tombés comme Judas avec un baiser et une embrassade ?

Est-il possible que le camarade que nous estimions et auquel nous avons confié des responsabilités, quand bien même périphériques, de direction politique de notre militance, se soit conjuré avec les assassins de tant de nos camarades et avec les geôliers de milliers de prolétaires ?

La chose qui nous déconcerte le plus est le fait que tu n’avais jamais manifesté ta perplexité, tes doutes, tes défiances de manière aussi radicale.

Pourtant, dans les moeurs de notre Organisation, non seulement la pratique révolutionnaire de qui fait « feu sur le quartier général », naturellement avec raison, est récompensée, mais surtout la critique et la recherche de plus grands niveaux de conscience collective n’est jamais freinée.

Tu le savais très bien que dans les Brigades Rouges chaque militant est encouragé à ouvrir, lorsqu’il l’estime opportun, un processus de réflexion sur ce qui pose problème.

Tu le savais, mais tu ne l’as pas fait.

Toi, Alfredo Buonavita, lorsque tu nous disais, à nous tous, ce qu’il était juste de faire et ce qui ne l’était pas, fraternisant avec Li Lin-fu, tu étais plutôt un homme avec « le miel aux lèvres et l’assassinat au coeur ». Tu projetais de nous livrer en cadeau à l’ennemi de classe, de nous poignarder dans le dos, comme les pires tueurs à gages.

Tout cela, tu le sais, s’appelle infamie.

Combien de fois cet horrible mot est-il sorti de ta bouche, un temps autorisé, pour marquer tel ou tel autre mauvais. Aujourd’hui, il est prononcé par mille bouches prolétaires aux côtés de ton prénom. De ton prénom, Alfredo, et non de ton nom, parce que nous savons combien de honte ton comportement coûte même à certains de ta famille.

Mais ce n’est pas pour répéter une évidence que nous t’écrivons cette lettre.

Au fond, tu ne mériterais pas le temps que tu nous coûtes. Le fiel qui accompagne tes mots, ainsi que tes retournements personnels, nous pousse à chercher à comprendre, mais rien de plus. Parce que, malgré l’intention, tes piqûres sont beaucoup moins gênantes que celles des moustiques.

Il nous intéresse plutôt de mettre au clair qu’à travers toi, aujourd’hui c’est l’État qui parle, que tu es l’intermédiaire de Caselli, Pecchioli et Dalla Chiesa : leur voix.

Et ceci non seulement parce que ta prose la plus récente révèle dans le style une arrogance de caporal qui s’adapte mal aux velléités qu’il manifeste d’user sa plume sur un mode sardonique, ironique et tranchant. Mais surtout parce que ce qu’on peut y retrouver qui soit incontestablement de toi parle la langue d’une classe qui n’est certainement pas la classe prolétaire.

Tes deux interviews sont des textes intéressants dans lesquels il est possible de retrouver des mythes et idéologies dont tu n’es peut-être même pas entièrement conscient.

Dans ces textes, tu as indiqué les motivations profondes qui t’ont poussé à collaborer avec les magistrats et les carabiniers, et en faisant ainsi, tu nous as rendu un grand service. En te transformant en ventriloque de la contre-révolution, tu nous as fait comprendre combien de merde s’était, lentement mais inexorablement, déposée en toi durant ces dernières années.

De la merde, Alfredo, de la merde bourgeoise !

Justement de cette vieille merde dont parlait Marx quand il disait que la révolution prolétaire n’est pas seulement nécessaire pour abattre la classe dominante, mais aussi pour se libérer de tout ce que cette classe nous a collé d’elle ; de ce qui, en conquérant de l’espace dans notre conscience, programme pour son compte nos comportements.

Parce que, comme tu devrais le savoir, la conscience d’un prolétaire, dans la métropole impérialiste, n’est pas blanche comme un lys ni rouge et communiste par nature, mais apparaît plutôt comme un champ de bataille, un lieu d’affrontement et de lutte idéologique entre les classes.

Dans ta conscience, comme dans celle de chacun d’entre nous, l’idéologie officielle de la classe dominante et l’idéologie non officielle du prolétariat métropolitain révolutionnaire s’affrontent sans cesse pour décider quel doit être notre comportement pour chaque rapport social.

Indubitablement, dans ta conscience, les formes de l’idéologie bourgeoise ont eu le dessus depuis un certain moment.

Peu à peu, les mythes que la bourgeoisie et les révisionnistes ont édifiés sur les Brigades Rouges ont fait brèche, et tu n’as plus été capable de les affronter lucidement, de les soumettre à une critique froide et révolutionnaire. Jusqu’à ta mémoire a été effacée et reprogrammée, et aujourd’hui tu agis comme un pur vecteur, un fantoche sans âme, selon les desseins de ceux qui ont pris le contrôle de ta conscience en lambeaux.

Mais quand est-ce que s’est produit le « renversement » des rapports de force, quand quelque chose s’est rompu en toi, réduisant en miettes ta précaire identité ?

Si l’on s’en tient à tes « lettres de loin », il semblerait qu’à l’origine de tout il y ait un arrogant refus de l’Organisation d’appuyer un de tes projets d’évasion.

Le prétexte, laisse-nous te dire, est vraiment orgueilleux et misérable. Certainement, l’évasion d’Alfredo Buonavita aurait été une victoire importante, mais le doute ne t’effleure pas que, peut- être, dans cette période aussi difficile, l’Organisation pouvait avoir des difficultés et des problèmes autrement plus importants à affronter ? Sans conter le fait que si ton évasion, de Fossombrone d’abord et de Termini Imerese ensuite, n’est pas arrivée à bon terme, ce n’est sûrement pas dû au fait que l’Organisation ne te prépara « même pas une voiture ».

Au contraire, ce furent les combines et les embrouillamini que tu combinas qui réduirent en fumée tout le rôti. Cherche à te souvenir, Alfredo, combien les prolétaires de Termini Imerese étaient emmerdés par tes « entreprises ». Et à ne pas oublier que seul le prestige de l’Organisation, que maintenant tu méprises avec si peu de générosité, te sauva de soupçons et, pourquoi pas, aussi de choses pires !

Ne triche pas, Alfredo, ce n’est pas une question de voiture qui t’aurait été refusée, t’empêchant qui sait quelle évasion.

Mais surtout, ne t’invente pas une prétendue complicité du « noyau historique » avec les fantaisies qui bousculent tes pensées ravagées par l’obsession d’un perfide complot de l’Organisation externe contre les camarades emprisonnés.

Ne te rends-tu pas compte que tu te couvres de ridicule avec ces insinuations dignes de la plus pornographique diétrologie [terme italien, péjoratif : recherche des motifs et des faits occultes qui peuvent se cacher derrière un événement, une action, un discours], auxquelles malgré les efforts des révisionnistes, il n’est pas possible de s’accoutumer ?

Ne te rends-tu pas compte que le prétendu « noyau historique » est un mythe du même niveau de stupidité que cet autre du « grand vieux » qui nous a tant fait rire dans ces dernières années.

Une Organisation révolutionnaire, Alfredo, n’est pas un ensemble hétéroclite et bizarre de coteries luttant entre elles pour le contrôle de la maison et la gestion du pouvoir.

Cette image ne convient pas aux Brigades Rouges, mais plutôt à cet État dont tu représentes aujourd’hui l’une des tentacules anti- prolétaires, quand bien même insignifiante.

La trouvaille de t’accréditer comme porte-parole occulte d’une dissidence plus large qui apparaîtrait dans les rangs des Brigades Rouges dans les prisons, comme intrépide avant-garde de la dissociation, avec une fonction d’« explorateur », pour mettre au point un projet d’abandon de masse de la lutte armée, il faut le reconnaître, est digne du stratège Pecchioli.

Mais de t’être prêté à une pareille pitrerie, allons, ça ne te provoque pas un frisson de honte tardive ?

La question est peut-être superflue puisque le mécanisme de la honte règle les comportements de ces collectivités qui n’ont pas besoin du mécanisme de la peur pour faire respecter leurs codes et les interdictions relatives.

Ces collectivités, comme la collectivité prolétaire, qu’aujourd’hui tu offenses et agresses, mais de laquelle tu as néanmoins toujours fait partie et pendant longtemps. Toutefois, la capacité à éprouver de la honte lorsque sont transgressées les normes morales qui sont à la base du NOUS prolétaire est une affaire sur laquelle tu n’as pas intérêt à sourire superficiellement !

Derrière toi, Alfredo, il n’y a aucune arrière-garde.

Peut-être quelqu’autre traître potentiel, mais pour l’instant tu es seul dans ton effondrement, complètement seul ! Parce qu’il s’agit d’effondrement, dans ton cas, d’un découragement dans l’Organisation et surtout d’un découragement encore plus profond en le prolétariat et en les possibilités de la révolution.

Bien sûr, ces dernières années n’ont pas été faciles pour les Brigades Rouges ; il fallait redéfinir notre stratégie à travers un débat compliqué, une lutte politique qui, comme cela arrive toujours dans ces situations, a connu aussi des épisodes pour ainsi dire peu édifiants.

Mais un parti politique, par chance, n’est pas un collège anglais pour pensionnaires, et ce qui compte, à la fin, ce n’est pas l’épisode blâmable, mais la victoire de la juste ligne politique.

Et il y a eu cette victoire !

Cela démontre justement que par-delà les épisodes, et même par leur intermédiaire, la dialectique interne du parti s’est manifestée concrètement, sans fermer la bouche à personne, et sans empêcher personne de mûrir son expérience et sa capacité à discuter collectivement, à critiquer et à auto-critiquer les positions erronées, à se transformer, à unir ses énergies dans la réalisation des finalités communes qui ont été élaborées ensemble.

Cela est arrivé, Alfredo, dans les derniers temps : une formidable confrontation, riche de positions et de vitalité, une discussion collective qui a impliqué des milliers de camarades et de prolétaires, dans les usines, dans les quartiers, etc., et qui a finalement mené à la définition d’une stratégie unitaire qui, avec la Campagne d’Urso et l’offensive actuelle, cherche ses vérifications de masse.

Ceci, Alfredo, est le pas que tu n’as pas su faire. Là a débuté ton effondrement. Dans tes contradictions, les sirènes de la corruption bourgeoise ont commencé à hypnotiser ta fragile conscience.

De tièdes révolutionnaires qui ont d’abord combattu et qui, ensuite, aux premières difficultés objectives ou personnelles, ont abandonné le champ de bataille, il y n a eu en grand nombre dans toutes les révolutions.

Même dans ce sens, tu représentes une exception, car tu te confonds plutôt avec cette foule de renégats qu’un peu tout le monde méprise à juste titre.

Parce que, plus que tout, ton effondrement ne s’est pas limité, comme tu voudrais qu’il le soit et que tu prétends le faire croire, à te mettre de côté. Tu ne t’es pas contenté, Alfredo, de sortir du parti pour réfléchir dans et avec la classe sur les incertitudes qui sont survenues.

S’il en avait été ainsi, personne ne s’y serait opposé.

La militance communiste de parti est dure et l’expérience nous a enseigné que tous ne réussissent pas à la soutenir avec l’esprit et le même pas dans le devenir de la lutte et des transformations. Pour cela nous ne nous sommes jamais opposés à ces militants qui, après une clarification, ont décidé de quitter notre Organisation.

De plus, nous ne considérons pas la militance dans d’autres instances du pouvoir prolétaire comme « moins révolutionnaire » que l’engagement direct dans le Parti, et nous sommes les premiers à affirmer que le pacte politique qui nous lie dans le Parti est libre, volontaire, renouvelé volontairement chaque jour, et imposé par personne.

Mais, comme Peci, tu n’as jamais choisi la voie de la clarification pour manifester ce que maintenant tu prétends présenter comme « dissidence ».

Tu as comploté et tramé dans le silence et sur notre dos, et pour cela ta fuite honteuse ne mérite qu’un nom : trahison.

Aujourd’hui, tu voudrais opposer les camarades « de la première heure » aux nouveaux camarades, les camarades emprisonnés à ceux de l’extérieur… Mais ce sont justement les vieux camarades, les camarades emprisonnés, ceux que tu as trahis les premiers !

Comment peux-tu raisonnablement exiger justement d’eux une quelconque forme de compréhension ? Avec toi, il peut seulement y avoir des complices, puisque la marchandise que tu es en train de vendre est le mensonge, la misère de la collaboration et l’infamie de la trahison. Ou bien te dire en face ce que tu es devenu, parce que cela est l’unique moyen de te démontrer notre humanité et notre sensibilité de communistes.

Et puis, répétons-nous, cette distinction entre « bons » et « mauvais », entre internes et externes, ne te semble pas un mythe un peu laborieux construit par la bourgeoisie et les révisionnistes pour solliciter la vanité de quelqu’un dans le cadre d’un énième projet de corruption et de division politique ?

Tu ne te rends pas compte que, sauver les années 70/74 et condamner tout ce qui est arrivé depuis, est une autodéfense démente, inspirée par le même trop astucieux Pecchioli ?

Malgré la fausse modestie dont tu te fardes pour le lecteur de L’Espresso et de Panorama, nous sommes convaincus que tu es parfaitement conscient du fait que tes paroles servent à une énième malheureuse tentative de division politique « de l’intérieur », tentative qui s’appuie sur les autres entreprises désastreuses de la bande contre-révolutionnaire à laquelle tu t’es aussi imprudemment vendu.

Et nous disons ceci pour que les mensonges que sortent de ta bouche ne puissent en aucun cas être considérés comme innocents. Et cela vaut pour les deux.

Premier mensonge : tu parles d’« extorsion du consensus » de la part des camarades externes à propos de la « couverture politique », qu’en juillet 79, nous aurions donné à la Direction de notre Organisation sur la question Morucci-Faranda.

Mais, sur quelle « extorsion » es-tu en train de délirer ?

La décision d’écrire le document « des 17 » fut prise de manière totalement autonome, et les thèses qui y étaient exprimées ont, avec le temps, démontré leur bien-fondé.

Comme d’autres, tu n’étais pas à l’Asinara quand il fut rédigé, et ce n’est pas un mystère que, avec d’autres, tu le critiquas publiquement. Personne ne te censura pour cela, même si tes lettres circulaient sous les yeux des gardiens.

Donc, tu n’as donné aucune « couverture » et ta position non concordante, ni avec celle de l’Organisation externe, ni avec celle des 17 signataires, a pu s’exprimer librement dans toute l’Organisation, et même à l’extérieur.

Et alors ?

Second mensonge : « l’alternative d’il y a quelques mois, à Palmi, pour que nous attaquions publiquement comme traîtres les milanais qui, las de la direction (de l’Organisation), l’avaient chassée dehors à coups de pieds au cul ».

La fausseté de ta thèse se démontre d’elle-même.

1. Nous, de Palmi, n’avons jamais attaqué la colonne Walter Alasia ;

2. L’Organisation ne nous a jamais attaqué, nous de Palmi ;

3. La colonne Walter Alasia a combattu unitairement dans la récente offensive encore en cours.

Et alors ?

Le futur, Alfredo, n’appartient pas aux gros malins comme il y en a eu pour trop d’années dans ce pays, mais aux prolétaires révolutionnaires, qui, malgré les Peci et les Buonavita, et en partie grâce à eux, construisent jour après jour, même entre mille contradictions, leur conscience communiste et les instruments de leur pouvoir dans la lutte contre tes amis actuels.

Nous ne pouvons t’attribuer le mérite que d’une seule chose : de nous avoir rendus plus experts et plus méfiants par rapport aux influences de l’idéologie bourgeoise qui agissent en chacun de nous. D’une certaine manière, un Alfredo Buonavita potentiel est derrière chaque révolutionnaire et se niche précisément là où notre conscience communiste est la moins consolidée.

Pour cela, t’exorciser serait une erreur, te démoniser serait un cadeau.

Tu n’es pas un monstre créé par une force occulte et inconnue. Jusqu’à hier, tu étais avec nous, avec nous tu as lutté et vécu une bonne tranche de ton expérience politique.

C’est ainsi que, précisément grâce à toi et malgré toi, nous comprenons mieux aujourd’hui la thèse marxiste sur l’essence humaine comme ensemble de rapports sociaux.

Tous les rapports sociaux et les représentations que nous nous faisons d’eux traversent et s’interfèrent dans le processus de formation de nos décisions.

La politique est seulement l’un de ces rapports, mais ce sont justement tous les autres que, trop souvent, nous avons négligé de soumettre à une critique révolutionnaire adéquate.

La politique est au poste de commande, elle oriente et dirige un processus de transformation collective qui implique et bouleverse chaque aspect de la vie. Mais, c’est avec l’ensemble unitaire des rapports sociaux que la lutte révolutionnaire doit savoir se mesurer, en opposant à la représentation bourgeoise de chacun d’eux le point de vue prolétaire.

La révolution sociale, en définitive, veut justement dire cela : porter la critique communiste dans tous les rapports sociaux, combattre sur tous les fronts l’idéologie bourgeoise, prendre acte de ce que cette bataille ne se déroule pas seulement à l’extérieur de nous, mais aussi dans notre conscience.

La formation sociale capitaliste bourgeoise est en mesure de reproduire ses rapports d’exploitation à la seule condition de reproduire les idées de la domination, ce qui veut dire les idées de la classe dominante, dans la conscience de la grande majorité des prolétaires.

À cette fin, la classe dominante ne regarde pas à la dépense et arme d’innombrables appareils idéologiques, à travers lesquels ses idéologues actifs élaborent, font circuler et fixent dans la mémoire collective l’ensemble des codes de comportement officiels pour chaque rapport social, pour chaque groupe et pour chaque classe sociale.

Le contrôle de ce cycle est une caractéristique fondamentale de l’État impérialiste qui par là aspire à la domination de toutes les formes et de tous les langages par lesquels se réalise le processus de la communication sociale, et se sert de cette domination pour décomposer le prolétariat en figures séparées et jusqu’en monades [NdT : Cf. le système de Leibniz] isolées, afin de les rendre incapables de tisser un réseau articulé de communication transgressive et antagoniste.

Mais, malgré les équipements techniques sophistiqués, malgré le grand nombre de parasites qui les font fonctionner contre le prolétariat métropolitain, c’est la nature même de la formation sociale capitaliste qui donne en général sans cesse des raisons à la transgression révolutionnaire.

Certainement, la transgression de l’idéologie dominante expose à un rapport de rupture avec le code linguistique, logique, social, représenté par l’idéologie institutionnalisée.

Justement pour cela, la pratique du comportement transgressif qui explore, touche, regarde, retourne chaque chose en tous sens, et la pose en relation à chaque autre chose, en se déplaçant dans le lieu de l’« interdit », de l’extra- officiel, du non prévu et du non accepté par la classe dominante, est toujours une pratique critique, transformatrice, révolutionnaire.

C’est la lutte pour une projetualité sociale qui ne craint pas les latences et les possibilités contenues dans la réalité objective environnante, mais plutôt les recherche et les combine selon les intérêts de libération de la classe révolutionnaire.

C’est la transgression qui désacralise et relativise toutes les configurations idéologiques dominantes, formelles et moisies, des rapports sociaux, et en fait la critique « des armes » du point de vue de la classe sociale antagoniste.

En ce sens, elle est le creuset des idéologies révolutionnaires, ses raisons étant sans cesse engendrées par le processus de la vie matérielle d’une classe émergente entière, et ont face à elles un « futur social » qui peut être conquis seulement à travers une pratique, qui, dépassant la peur de la sanction, transgressant les interdictions de l’idéologie institutionnalisée, communique cette transgression, en la légitimant progressivement, dans une aire sociale toujours plus vaste.

Étendre cette communication transgressive jusqu’à impliquer chaque aspect de la vie quotidienne est la condition de la croissance d’une révolution culturelle dans la métropole qui n’attende pas la conquête du pouvoir politique pour commencer à transformer la gamme entière des rapports sociaux.

Parce que c’est dans la communication idéologique quotidienne que le caractère actif des formes idéologiques démontre jusqu’au bout son pouvoir.

Mais le démontre aux prix d’un affrontement qui se reproduit comme un écho dans la gamme entière des rapports sociaux et dans chacun d’entre eux.

Personne n’est exclu de cette gigantesque et inexorable bataille où l’on peut être victime ou vainqueur, mais jamais, en aucun cas, spectateur neutre.

Dans les rapports homme-femme, comme dans les rapports récréatifs, dans les réunions politiques, comme sur les lieux de travail, partout, les idées de la domination cherchent une trouée pour pénétrer dans les consciences et programmer, contrôler, de cet avant-poste, les comportements. Parce que « c’est seulement dans la mesure où une forme idéologique cristallisée peut entrer dans ce type de rapport organique et intégral avec l’idéologie quotidienne d’une période donnée, qu’elle est vitale pour cette période, et évidemment, pour un groupe social donné ».

Dans cette zone précaire et mouvante de la vie sociale où, aux niveaux les plus bas, s’étendent des fragments d’expérience, des initiatives souvent inconcluantes, de vagues vicissitudes, des paroles fortuites… les idées de la domination tendent leurs embuscades et leurs assauts.

Mais dans ce « creuset de tous les changements », se nichent aussi, aux niveaux les plus consolidés, ces énergies créatives à travers l’action desquelles « a lieu une restructuration partielle ou radicale des systèmes idéologiques cristallisés. De nouvelles forces sociales trouvent une expression idéologique et prennent forme pour la première fois dans ces strates supérieurs de l’idéologie quotidienne, avant de pouvoir réussir à dominer le terrain d’une certaine idéologie officielle organisée ».

Il s’agit d’une lutte où aucun coup n’est épargné, une lutte dans laquelle chaque classe joue son destin.

Une lutte qui, en promouvant ou en empêchant d’imperceptibles mais continuelles transformations de ton dans les signes idéologiques, prépare ou résiste à l’apparition de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles transformations.

Dans une telle lutte se forme ou se restructure aussi l’horizon social de chaque groupe, de chaque classe, en entendant par là l’ensemble de toutes les choses qui entrent dans la sphère consciente de ses intérêts.

Même l’expansion de cet horizon d’évaluation, naturellement, est une forme de l’idéologie de classe. Étendre la sphère des intérêts pour le monde naturel ou social environnant, et donc accroître la capacité à établir de nouveaux rapports sociaux, implique en fait toujours une restructuration qualitative de sa propre disposition dans le procès de communication sociale, et avec cela un affrontement avec le « vieil horizon », avec sa présence visqueuse.

La pénétration progressive des intérêts et des représentations du prolétariat métropolitain dans la formation idéologique est donc un processus de lutte de classe dans le cours de laquelle le nouveau chasse l’ancien, le démolit, se substitue à lui.

Ce n’est peut-être pas là une condition pour qu’une classe puisse regarder son présent avec les yeux de l’avenir, pour que le prolétariat puisse agir consciemment sur son présent et le transformer radicalement ?

Notre réponse, Alfredo, se termine là. Des choses plus importantes nous attendent.

Mais, avant d’ôter l’épine, une dernière chose : tu es victime, Alfredo, une victime des idées de la domination de cette classe qui t’a exploité avant-hier, que tu as combattu mais pas jusqu’au bout et pas en toi-même hier, et qu’aujourd’hui tu sers comme un zombie hébété auquel ils ont volé et substitué la conscience. Classe qui t’a démonté, fragmenté, scindé, divisé, et qui aujourd’hui a sur toi une domination pleine et articulée. Ta voix raisonne de mille voix de la bourgeoisie, tes phrases livides sont celles des « fonctionnaires honnêtes » desquels tu chantes péniblement les louanges aujourd’hui.

Tu es un esclave, Alfredo, un esclave métropolitain avec les chaînes aux pieds et les cadenas dans la tête.

Pauvre Alfredo, ainsi réduit à être un signifiant sans signification, tu ne réussis à susciter en nous qu’une haine encore plus terrible contre la classe qui tire tes fils. Classe qui est incapable d’humanité et donc, aussi de justice.

Tout a été dit. Mais, avant de te renvoyer au silence, souviens-toi : pour toi, il n’y a pas de futur.

Palmi, juillet 1981,
Collectif des prisonniers communistes des Brigades Rouges.    

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Noyaux Armés Prolétaires: Communiqué du 5 mai 1976

Aujourd’hui 5 Mai à 8 heures, un noyau armé a frappé le vice-procureur Paolino dell’Anno.

L’activité de ce porc contre les camarades révolutionnaires et contre tous les prolétaires est trop connue pour que cela vaille la peine de s’y arrêter.

Il suffit de rappeler qu’en qualité de juge d’instruction, il fournit la couverture légale à l’assassinat de la camarade Anna-Maria Mantini.

Ses activités lui ont valu le surnom : « le roi de la perpète ».

Paolino dell’Anno a été un précurseur et reste, à l’heure actuelle, le représentant principal de ce type de magistrature qui, en oeuvrant aux c8tés des organismes militaires spécialisés dans la répression, fournit, en employant les instruments législatifs que la démocratie bourgeoise met à leur disposition (loi Reale et code Rocco), la couverture légale au processus de répression aujourd’hui en cours en Italie.

Ces magistrats liés directement à l’appareil militaire de la répression sont indispensables au développement et à l’efficacité du projet répressif, en laissant intactes formellement les garanties légales dont se couvre l’actuel ordre bourgeois pour frapper les prolétaires.

Il faut donc les frapper le plus durement possible, aussi bien pour entraver la structure répressive que pour provoquer une séparation de plus en plus importante d’avec les magistrats « normaux » et augmenter la possibilité d’individualisation pour tout le mouvement révolutionnaire combattant.

Du reste ces magistrats sont pleinement conscients du rôle qu’ils jouent et des risques que ce rôle comporte (à côté d’avantages considérables) : Paolino dell’Anno, du mois d’Octobre 1975 au mois de Février 1976, a constamment voyagé avec deux flics de l’anti-terrorisme dans une Fiat 500 blanche, voiture-piège du district P.S. de St-Lorenzo in Lucino ; en dernier, alors que ses maîtres lui avaient été l’escorte, il se déplaçait en changeant très souvent de voiture et de parcours.

Tout cela n’a pas servi à grand-chose. Pour les camarades révolutionnaires qui pratiquent la lutte armée » il est capital de comprendre qu’il faut porter l’attaque aux centres du pouvoir économique et aux centres de l’appareil répressif.

D’autres objectifs et d’autres formes de lutte comme le sabotage et la destruction des appareils de production ne frappent pas l’axe important du projet des multinationales de répression contre-révolutionnaire et de répression productive anti-prolétarienne, donnent place à la calomnie réformiste et aux provocations bourgeoises et surtout ne représentent pas un terrain réel de croissance politique et organisatrice pour les prolétaires et leurs avant-gardes armées.

Il est nécessaire de bâtir des formes d’organisation et de lutte qui fassent progresser le processus de maturation et d’unification du mouvement combattant.

Cette tâche est d’autant plus importante en ce moment où sévit une crise profonde de l’appareil politique de la bourgeoisie, en conséquence l’efficience et la stabilité de l’Etat bourgeois sont confiées essentiellement au chantage du chômage et de la faim contre les prolétaires et à la violence de l’appareil militaire de répression contre ses avant-gardes communistes.

LUTTE ARMEE POUR LE COMMUNISME

VIVE L’UNITE DU MOUVEMENT COMBATTANT !

CRÉER ET ORGANISER
10 1000 NOYAUX ARMES PROLETARIENS !

EN FRAPPER UN POUR EN ÉDUQUER CENT !

>Sommaire du dossier

Sommaire de L’ape e il comunista

L’ape e il comunista – l’abeille et le communiste – est le document le plus approfondi des Brigades Rouges, écrit par le Collectif des prisonniers révolutionnaires des Brigades Rouges et publié en décembre 1980. Il fait approximativement 300 pages, consiste en 13 chapitres, conclu par un document résumant la conception idéologique.

1. Du début à la fin

2. Forme et contenu

3. Circulation des marchandises et monétaire

4. La production de la plus-value

5. L’accumulation capitaliste

6. Théorie sur la crise

7. Du capitalisme… au communisme

annexe a : l’économie politique marxiste

annexe-b : brève exposition historique de la théorie économique bourgeoise

8. Sur la crise

9. Sur la structure productive

10. Sur les classes

11. Sur l’État

12. La Démocratie-Chrétienne ou le Parti-Régime

13. Le Parti Communiste italien ou le parti de l’État à l’intérieur de la classe ouvrière

LES VINGT THESES FINALES

>Sommaire du dossier

PCP-M – La révolution est nécessaire, la révolution est possible (2008)

Texte des militants du Parti Communiste Politico-Militaire (PCP-M) au procès de Milan – automne 2008

Préambule

De la position où nous sommes, comme militants communistes prisonniers, nous nous sommes demandé quelle contribution donner au processus révolutionnaire, dans la perspective de la relance du mouvement révolutionnaire mondial, qui va en se développant, comme unique issue positive à la crise de l’impérialisme.

La condition de prisonnier est une limite précise à notre possibilité d’action, mais c’est aussi une inconfortable tribune pour faire entendre la voix de notre camp, le camp de la classe ouvrière, du prolétariat qui lutte pour le pouvoir. En de telles conditions, le champ de relation dialectique que nous pouvons investir, du point de vue de la pratique, est forcément restreint par la réalité carcérale.

Depuis le moment de l’arrestation nous nous sommes constamment mesurés avec les vexations de la prison. En particulier avec les longues périodes d’isolement, avec l’éloignement de plusieurs centaine de kilomètres des proches et de nos lieux d’appartenance, avec l’administration pénitentiaire intervenant même dans la dynamique du procès en imposant des transferts fatigants, entravant ainsi la relation avec les avocats, nous empêchant d’amener les documents politiques au tribunal, abusant de toutes sortes de censure.

Contre l’isolement, nous avons mené quelques grèves de la faim qui ont eu des résultats positifs; ce faisant nous nous sommes mis en relation soit avec d’autres mobilisations similaires au niveau européen, soit avec les détenus antagonistes dans les prisons italiennes, par exemple dans la mobilisation pour l’abolition de la peine à perpétuité. De cette façon s’est développée aussi la relation du mouvement extérieur, qui s’est exprimé en différentes formes de solidarité, avec nous et avec tous les prisonniers révolutionnaires.

Du point de vue politique plus général, par contre, c’est principalement l’essence même des révolutionnaires dans les prisons de pays impérialistes qui pose un problème de relation dialectique à l’ensemble du mouvement communiste international. Une relation dialectique que nous entamons, pour ce qui nous est possible de promouvoir. Conscients des problématiques qui se présentent dans la condition d’otages aux mains de l’ennemi de classe, mais surtout conscients que la fonction coercitive de la répression et de la prison, on ne peut l’affronter qu’en se repositionnant en tant que militants prisonniers à l’intérieur de la dynamique du processus révolutionnaire. La contradiction entre la condition de prisonniers et l’être des militants communistes actifs, s’ajoute aux autres contradictions de la lutte révolutionnaire dans la phase impérialiste.

Ce que nous voulons apprendre à traiter en développant un rôle et en élaborant une contribution utile pour alimenter la lutte des avant-gardes politiques de notre classe, pour atteindre l’objectif principal de cette phase dans notre pays: la construction du parti communiste, en tant que organisation principale de la lutte pour le pouvoir de la classe ouvrière et du prolétariat.

C’est le sens de la réflexion qui suit. Une réflexion que nous proposons à la lecture critique de chaque camarade intéressé de manière conséquente au développement du mouvement révolutionnaire, de ceux qui veulent comprendre qui nous sommes, et de toutes ceux et celles qui ont réchauffé nos cellules par leur solidarité au cours de notre emprisonnement.

Pourquoi luttons-nous?

L’analyse des caractères fondamentaux de l’impérialisme fournie par Lénine, avant la Révolution d’Octobre, est encore correcte.

Nous assumons la thèse selon laquelle le monde se trouve aujourd’hui encore à l‘époque de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne.

Dans le monde actuel il y a quatre types de contradictions principales :

1. Contradiction entre bourgeoisie et prolétariat

2. Contradiction inter-impérialiste pour les profits et les ressources

3. Contradiction entre impérialisme et les peuples opprimés

4. Contradiction entre système capitaliste et système socialiste.

La révolution socialiste dérive de la première contradiction.

La deuxième contradiction amène à la guerre mondiale pour le partage du monde, elle ne peut se résoudre de manière définitive dans le capitalisme. Selon la formule de Mao, le prolétariat doit essayer de prévenir la guerre mondiale, mais s’il échoue, il doit viser politiquement à transformer la guerre en révolution mondiale.

La troisième contradiction conduit aux mouvements de libération nationale et se résout avec leurs succès.

La quatrième n’a pas émergé aujourd’hui mais nous devons toujours l’avoir présente en tant qu’expérience passée et garantie du futur.

Parmi ces contradictions, nous estimons que celle entre impérialisme et peuples opprimés et pour le moment, la principale contradiction, tout en considérant l’important approfondissement de la contradiction inter-impérialiste, que l’on voit se déployer si largement aujourd’hui.

Tout cela n’est pas une analyse nouvelle, cela provient de ce que le mouvement communiste international à jusqu’ici élaboré et cela appartient à tous les partis communistes qui développent des guerres populaires dans les pays du Tricontinent. Que le contexte international ai toujours pesé en déterminant les possibilités révolutionnaires est un fait avéré. Et il est clair qu’aujourd’hui cette dimension est déterminante.

Pratiquement, comment peut-on envisager une voie crédible visant à l’ouverture d’un processus révolutionnaire ici, dans un pays comme l’Italie?

Où pour mieux dire dans notre aire géopolitique euro-méditerranéenne?  — puisqu’il est clair qu’il est bien plus difficile de penser détacher un seul pays de la chaine impérialiste à laquelle il est rattaché.

Ce fut aussi un des facteurs qui pesa après la deuxième guerre mondiale, pour freiner la voie révolutionnaire et faire prévaloir le révisionnisme dans le PCL, nonobstant la force du mouvement communiste, si grande à l’époque, tant sur le plan national qu’international.

Aujourd’hui en Italie, et dans toute l’aire géopolitique, il s’agit de combler la distance entre les réelles potentialités révolutionnaires, latentes dans les très vives contradictions de classe et la réalité arriérée des forces révolutionnaires.

En entendant par « forces révolutionnaires » non seulement les organisations constituées, mais aussi les niveaux de conscience révolutionnaire de la classe.

Il s’agit de se focaliser sur l’essence de la question sociale :

Pourquoi luttons-nous?

Pourquoi la révolution est elle nécessaire?

Quelles sont les étapes concrètes qui la rendent possible?

Les raisons de la lutte révolutionnaire résident dans la nécessité d’en finir avec le mode de production capitaliste qui s’alimente de la misère, de l’exploitation des larges masses, et qui, en amenant à la catastrophe, à la guerre et aux destructions sociales, environnementales toujours plus fréquentes, révèle sa nature destructrice et antisociale.

Cette nécessité ne peut se concrétiser que par la prise du pouvoir par la classe ouvrière et par l’instauration de la dictature du prolétariat.

D’autre voies sont révélées historiquement illusoires, inefficaces et perdantes, comme cela a été démontré encore par le dernier tour électoral ou toute hypothèse réformiste à trouvé sa fin, s’effondrant misérablement face à l’impossibilité de produire des ‘améliorations’ pour les masses dans le contexte de la société capitaliste en crise. Une nouvelle leçon amenant à la conclusion que le capitalisme ne peut être réformer, mais seulement renversé.

La nécessite de la révolution et de la prise de pouvoir, comme unique solution positive à la crise du système capitaliste, se reflète dialectiquement dans toute situation sociale, où les masses sont obligées à se battre sur les innombrables contradictions propres au mode de production capitaliste.

En assumant, comme base fondamentale, la contradiction entre forces productives et les rapports sociaux de production capitaliste, et en assumant la nécessitée de son dépassement par la révolution socialiste; il en découle que :

– Du perpétuel conflit capital/travail, des luttes pour les salaires et les horaires, émerge l’objectif historique: fin de l’exploitation, suppression du capital et travail salarié.

– De la rébellion contre le travail aliénant, émerge la nécessite de la suppression du travail salarié, du dépassement de sa base matérielle: la division entre travail manuel et travail intellectuel, entre travail d’exécution et travail de direction ; pour la recomposition de l’individu social.

– Des affrontements continuels aux effets violents et dévastateurs de la loi du marché, émerge la nécessité de leur dépassement. Seulement l’appropriation collective, sociale, de moyens et de l’organisation de la production, donc le saut au socialisme et en conséquence, la transition au nouveau mode de production peut résoudre cette source inépuisable de violence sociale qui est la loi de marché.

– Ainsi, les innombrables luttes pour le droit au logement, à la santé, à l’instruction et contre la privatisation des services publics ne peut trouver solution que dans le démantèlement de la marchandisation! Tant que les besoins fondamentaux seront transformés en marchandises (en moyen de profit), la grande partie de la population ne sera jamais satisfaite. De plus, cela asservit les besoins, les transforme en objets, les dégrade. Là aussi, seul le saut socialisme a démontré qu’il pouvait résoudre la question.

– Des luttes pour la libération de la femme, des aspirations à la libération sexuelle,  émerge la nécessite du déracinement de sa base matérielle, c’est-à-dire à nouveau de la propriété privée, dont la famille et la domination masculine dérivent (se rappeler que Marx et Engels indiquent dans l’asservissement familial de la femme une étape fondamental dans la formation de la société divisée en classe)

– De l’intensification de luttes écologiques, territoriales, de la mise en questions du « modèle de développement » émerge la nécessite d’un nouveau mode de production qui élimine la logique de l’exploitation capitaliste qui conduit à une dérive destructrice pour la planète même.

– Des luttes de libération nationale contre l’oppression impérialiste et des luttes contre la guerre et en soutien à la résistance des peuples opprimés, émerge le nécessite de la fin de l’impérialisme et de la construction de relations communautaires entre les peuples sur la base de la solidarité et de l’internationalisme prolétarien.

Seul le développement de la ligne de la révolution prolétarienne pour arracher le pouvoir à la bourgeoisie, permet au sens profond et substantiel de ces grandes transformations sociales de devenir réalité.

Ce n’est qu’à la lumière de la révolution prolétarienne que l’on peut jeter des ponts entre les luttes immédiates, présentes et l’embryon de futur qu’elles recèlent: l’embryon d’un nouveau monde. Ainsi comme cela est déjà défini concrètement et historiquement dans la praxis et dans la théorie du mouvement ouvrier révolutionnaire et communiste; il faut reprendre la bataille, politique et idéologique pour affirmer la nécessité et la possibilité de la transformation sociale, contre les tentatives de la bourgeoisie d’en détruire l’idée même (ainsi leur haineuse campagne sur la « fin des idéologies » et sur la disparition de la classe ouvrière).

La nécessité de la révolution peut se dégager de plus en plus au sein des mouvements qui se battent contre les aberrations du capitalisme, puisque celui ci s’étale dans tout son caractère tyrannique et qu’en même temps, les marges de médiation sur lesquelles s’est fondée l’illusion réformiste se sont fort réduites. En fait, nombre des mouvements de lutte même puissants et exemplaires (NO TAV, contre les dévastations du territoire, contre les bases militaires etc.) démontrent leur limite face à la machine capitaliste qui mobilise tout l’appareil économique et institutionnel, en présentant ces luttes comme corporatistes vis-à-vis des intérêts du développement économiques, de « l’entreprise Italie » ou des impératifs du « monde moderne », ou de la « globalisation » etc…

C’est seulement en concrétisant un plan de lutte révolutionnaire que les communistes peuvent développer une dialectique correcte avec la classe prolétarienne, visant au renversement du système capital impérialiste. Une dialectique impulsée entre deux entités: le Parti et la classe. La classe, par ses luttes, impulse des mouvements qui vont en se développant sur base des contradictions générées par le capitalisme. Pour développer un rapport dialectique correct avec la classe et ses mouvements l’organisation des révolutionnaires en parti est fondamentale. Le Parti est l’instrument principal pour pouvoir transformer les idées en vraies luttes révolutionnaires, pour concrétiser la perspective de la prise de pouvoir, et pour donner l’envoi à la transformation socialiste de la société.

Un parti qui en sachant tirer les conséquences logiques de tout cela, doit nécessairement se constituer dans l’unité politico-militaire. 

Considérations sur la crise générale du capitalisme

Les faits économiques ne sont jamais innocents, ils ne sont pas neutres. C’est l’intérêt de classe qui est la base de leur interprétation et surtout de leur utilisation. Au fond, la prétendue « science économique » est une grande imposture: comment peut-on considérer comme scientifique une discipline qui nie les piliers sur lesquels se fonde le capitalisme, comme par exemple la loi de la plus-value, extorquée par l’exploitation de la force du travail?

Prenons le grand fait économique que ces experts et intellectuels bourgeois affirment être aujourd’hui dominant, la soi-disant mondialisation. Les impostures, ici sont énormes. Primo parce que le caractère mondial du capitalisme ne date pas d’aujourd’hui hui mais bien depuis sa naissance. Secundo, parce que par les termes de « mondialisation », de « globalisation » etc. on veut escamoter le caractère impérialiste auquel le développement du capitalisme est arrivé. On veut cacher l’unique vraie source des maux qui affligent l’humanité: le mode de production capitaliste et ses lois économiques présentées comme neutres, naturelles, supérieures, auxquelles on ne peut qu’obéir.

L’impérialisme (ou, comme ils l’appellent « la mondialisation ») n’est jamais pensé comme l’accomplissement, le résultat d’un mode de production bien précis, d’intérêts sociaux déterminés qui, au cours des siècles, ont façonnés les grands sauts de la dynamique économique générale.

Un mode de production précis, des forces de classes précises, non pas des cataclysmes naturels à subir avec patience et philosophie. La classe dominante mystifie la substance du système économique dont elle est l’expression, à travers le langage, en utilisant des catégories et des termes à prétention neutre, technique, et en tant que tels contraignant pour tout le monde.

Ils veulent cacher le caractère objectif des contradictions que le mode de production capitaliste porte en lui, et ils autant font de même avec les sujets, les institutions et la classe dirigeante qui en sont les expressions.

Prenons par exemple les « critères de Maastricht » qui sous-tendent et façonnent les politiques économiques des Etats Européens: comment sont-ils formulés et par qui? Si il y a une institution d’élite opaque, c’est bien est la Commission de Bruxelles, le vrai exécutif européen. C’est elle qui, au fil des années, a fixé les critères, les normes, les coefficients, les objectifs, les plans de restructuration, pour le nouvel impérialisme européen dans le monde. Cette commission, composée par une poignée de membres, une vingtaine, est l’expression de ladite « technocratie » à prétention neutre justement, et qui est au contraire la vraie interprète de la logique capitaliste de la bourgeoisie impérialiste. Ainsi on se retrouve dans une réalité économique façonnée, réglée, déterminée par un cadre imposée et soustrait aux instances démocratiques de décisions.

Enfin, toute une série de mystifications qui servent à déguiser la vraie nature de l’impérialisme et les contenus de sa crise: poursuite acharnée au meilleur taux d’exploitation du travail, développement de guerres impérialistes pour le pillage des ressources de la planète, énième descente dans la spirale de contradictions déterminées par la concurrence. Le tout s’est encore accéléré avec l’ouverture des immenses marchés à l’Est, par la pénétration de type néocolonial et avec l’émergence de nouvelles bourgeoisies locales et des nouveaux impérialismes (Chine, Inde, Russie, Brésil)

Et contrairement à ce que chante la belle littérature bourgeoise sur la prétendue possibilité pour tout le monde (que cela soit des citoyens ou des nations) de devenir des heureux capitalistes, le système international est au contraire toujours et seulement une pyramide économico-sociale. L’émergence de nouvelles puissances se fait toujours aux dépens de la grande partie de la pyramide.

Voyons le cas chinois. Le grand potentiel de cet impérialisme émergent était aussi dans la taille énorme de la population qui a été jetée dans la fournaise capitaliste instaurée après le défaite (momentanée) de la voie socialiste, en transformant au fur et à mesure cette population immense de protagoniste de sa propre émancipation et de la construction communautaire en masse de marchandise « force de travail », en concurrents atomisés et pour la plus petite partie en consuméristes abrutis. Enfin le capitalisme chinois profite d’une base d’exploitation énorme. Depuis deux décennies on en voit les résultats: des taux de croissance industriel et financier exceptionnels. Aujourd’hui parmi les 10 premières compagnies au monde par capitalisation, cinq sont chinoises (même si c’est une donnée à relativiser avec d’autres, comme le volume de production, le chiffre d‘affaire, etc.) Cette croissance a été accompagnée de désastres sociaux et environnementaux tout aussi spectaculaires. Qu’il suffise de penser aux 10.000 ouvriers environ qui meurent chaque année au fond des mines de charbon: mines fermées sous le socialisme puisque vétustes et maintenant rouvertes puisque rentables. Des dizaines de milliers d’ouvriers morts, tués pour la suprême nécessité des ressources énergétiques pour l’industrie en développement.

Ce nouvel impérialisme est toujours plus écrasant non seulement à l’intérieur, mais aussi par rapport à la pyramide mondiale, aux formations sociales dominées. L’irruption sur le marché mondial des marchandises chinoises a signifiée une véritable ruine pour l’industrie de centaines de ces formations. C’est le cas du Bangladesh, qui a vu s’effondrer littéralement de moitié ses exportations textiles en 2005/2006. Exportations textiles qui pèsent de manière prépondérante sur sa balance commerciale. Le gouvernement, dans une tentative de rétablir les marges de compétitivités en intensifiant l’extraction de plus value absolue, a porté le temps de travail hebdomadaire à … 72 heures!

Une classe ouvrière déjà épuisée par des niveaux d’exploitation écrasant jusqu’à ce moment, s’est insurgée, en démarrant un cycle de luttes violentes contre les patrons, les usines, et la troupe envoyée pour les réprimer.

En revenant à la situation de pays impérialiste comme le notre, selon Montezemolo (un des patrons de Fiat et chef de file de l’Association Industrielle, la part du coût de travail dans le coût final d’une voiture tourne autour de six/sept pourcents. Malgré l’ »autorité » de la source, il faudrait vérifier si dans les 93% restant ne sont pas aussi compris le coût du travail de logistique, transport, marketing et vente, que les tricheurs bourgeois liquident comme « tertiaire » dans leur stratégie politique de réduction de la classe ouvrière. Mais, tout en tenant compte d’un probable défaut du calcul en ce sens, il est clair que ce pourcentage n’augmenterait que de peu.

Du point de vu marxiste, cette réalité est la confirmation du cours historique du capitalisme et de ses lois: la loi de l’augmentation constante de la composition organique du capital et de la chute tendancielle du taux de profit.

La première signifie que la proportion entre « capital variable » (à savoir la marchandise force de travail) et  « capitale constant » (machines, installations, matières premières) est toujours plus déséquilibré vers ce dernier; chaque salarié met en œuvre une masse grandissante de moyens de production favorisant une augmentation momentanée de plus value relative. Cette loi est fortement contradictoire: si, dans un premier temps, l’avantage technologique appliquée par les groupes capitalistes qui le détiennent amène des surprofits, ensuite, avec la généralisation de l’innovation, on a un nivellement des prix vers le bas en raison de la réduction généralisée de valeur dans chaque produit.

Si ce mouvement s’associe à une phase d’expansion insuffisante ou pire de stagnation du marché, il est clair que très rapidement les résultats deviennent négatifs. Pour obtenir le même niveau de profits et pour les augmenter, le capital doit à nouveau produire plus de marchandises en mettant en mouvement des nouvelles et bien plus importantes masses de capital constant pour chaque salarié. C’est en fait un cercle vicieux qui amène à la deuxième loi, celle de la chute tendancielle du taux de profit.

Quand ces mouvements se produisent pendant des longues années, les effets cumulatifs pèsent et se manifestent justement dans cette marge serrée du 7% que nous évoquions.
L’acharnement que le capital met sur cette marge, son obsession pour le coût du travail dévoile tout son mensonge sur le dépassement/disparition de la classe ouvrière, tandis que continue pleinement la loi de la valeur: seule l’exploitation de la force de travail est source de profit.

Pour cela, le capitalisme arrive à faire tourner la roue de l’histoire à l’envers: c’est ce que signifie l’exemple cité de 72 heures hebdomadaire au Bangladesh, extorqué dans des véritables usines-bagnes.

Avec les niveaux de richesse existants et le rythme incessant de développement de forces productives, le capitalisme impose des souffrances énormes aux peuples du monde pour extorquer même quelques minutes de plus-values en plus!

Ce que nous voulons mettre en évidence, c’est que si le capitalisme, nonobstant développement technologique et grandes progrès productif, s’acharne de la sorte sur le ‘facteur travail’, c’est le symptôme d’une crise profonde et irrésolue. Par crise nous n’entendons pas seulement crise économique, au sens courant du terme. Nous entendons ce phénomène global, économico-social-politique ayant son origine dans les lois de fonctionnement du mode de production capitaliste (parmi lesquelles ’la loi de la plus-value’ c’est à dire la loi de l’exploitation de la force de travail et qui, comme par hasard, ne figure dans la « science économique » officielle, à savoir à l’idéologie dominante). Nous parlons de crise générale de surproduction de capital (et donc aussi de marchandises) qui est chronique à l’échelle mondiale: il y a trop de capitaux à la recherche de valorisation et pas assez d’occasions d’investissement. La concurrence est toujours plus féroce, et dégénère souvent en affrontements armés.

Une surproduction qui détermine ce phénomène fou et criminel par lequel « on est mal parce qu’on produit trop »!

La surcapacité productive est relative aux exigences et possibilités capitalistes de réinvestissement rentable de la plus-value, et certainement pas par rapport aux besoins sociaux. Ce qui s’explique, en termes marxistes, par la contradiction entre le développement des forces productives et les rapports sociaux de productions capitalistes.

En outre, la crise de surproduction pousse à la recherche de marchés d’écoulement des marchandises et pour les capitaux en excédant. Cette recherche est poursuivie avec des repartages périodiques du monde par la guerre. Sur cette base, avec en conséquence la destruction d’excédents: les groupes impérialistes et les Etats vainqueurs pouvant relancer l’accumulation. C’est l’histoire des USA en Europe et en Asie après 1945 et c’est le cas actuel avec l’Irak et l’Afghanistan.

Le capitalisme ne sort pas de ce genre de crises générales avec des moyens ordinaires. Voyons se qui se passe.

Un regard sur la barbarie : l’actualité de la crise

Le processus de répartition du monde, qui est la base de toutes les transformations actuellement en cours, est déterminé par le mouvement d’approfondissement de la crise générale du capitalisme. La crise, en fait, comme les phases de développement, est caractérisées par une dynamique inégale entre les différentes aires, les différentes formations économico-sociales dans le monde. Cette dynamique dans laquelle coexistent situations d’expansion, de stagnation et de récession. Ce caractère de toutes les phases historique du mode de production capitaliste à l’époque impérialiste, aiguise fortement les contradictions entre les différents groupes impérialistes. Ceux qui régressent économiquement ne veulent pas et ne peuvent pas perdre du terrain à l’avantage de ceux qui progressent. Surtout parce que la revalorisation globale du capital est toujours plus difficile et les faillites sont à l’ordre du jour.

C’est l’histoire de ces dernières années et de l’actualité internationale.

La crise financière des ‘subprimes’ aux USA a montré la profondeur et la gravité de la crise générale. Elle a éclairé le gigantisme de la bulle financière sur laquelle l’économie globale et sa hiérarchie impérialiste se sont appuyées dans les dernières décennies.

Le marché des dettes a créé une expansion de ‘paperasse’, équivalente à 16 fois le PIB mondial. C’est ce qui a alimenté le processus de valorisation capitaliste dans cette phase dite de ‘financialisation’. Un château de carte. Il a suffit que quelques dizaines de milliers de titulaires de subprimes deviennent insolvables (à cause des conditions de paupérisation que la bourgeoisie impérialiste impose aux masses au cœur même de ses métropoles) pour que se produise, par un effet de dominos, un véritable effondrement. D’abord aux USA et puis dans le reste du monde (pour l’été 2008, on estime les pertes mondiales de cotations en Bourse à environ 10. 000 milliards de $) !1

La donnée historiquement nouvelle, c’est que  pour la première fois une crise financière de cette ampleur a éclatée directement au cœur des USA. C’est un signe clair de faiblesse. Jusqu’ici, en fait, l’enchaînement des crises financières correspondait à la hiérarchie impérialiste. On peut même dire qu’il y a eu une utilisation « disciplinaire » de crises, déchargées sur les formations les plus appétissantes du point de vue financier où qui devaient être ramenées à une stricte subordination. Ce fut le cas des effondrements qui ont marqué le long cours de la crise générale: depuis ceux qui ont touché l’Amérique latine, de la moitié des années ‘70 (Chili, Brésil, Bolivie, Mexique etc.) à celui, plus récent, de l’Argentine. En passant par ceux de la Pologne de Solidarnosc, les Tigres asiatiques (Corée du Sud, Thaïlande, Indonésie etc.) et de la Russie de Elstine, pour ne citer que les situations plus significatives.

Pour résumer la crise générale a obligé le système à des corrections de ce type, et le groupe dominant, les USA, armé de l’idéologie néolibérale, et par le truchement d’institution telles le FMI, la BM, pilotait le déchaînement de ces catastrophes économiques là où se présentaient les meilleures conditions pour que la ‘remise à zéro’ puisse ensuite favoriser le rétablissement des marges de rapine et d’exploitation impérialiste.

C’est une vraie guerre économique, tous azimuths, menée sans scrupule à travers toute sorte de batailles, un vrai Blitz autour du monde.

Aujourd’hui, par contre, la superpuissance USA a un peu perdu le contrôle de la situation: une bataille s’est déroulée et elle a été perdue sur son propre terrain. Ce tournant à ses racines dans la transformation des rapports de forces économiques qui se produisent, et se produiront, comme le résultat de la crise générale.

Le taux de croissance chinois à deux chiffres cette dernière décennie a produit entre autres effets des réserves (principalement en $) qui, à la fin 2007, atteignaient 2.228 milliards de $. Et cela, conjointement au financement chinois de la dette fédérale US, à travers les investissements en Bons d’Etats (montant actuellement  à 402 milliards de $), crée une situation de dépendance financière de l’économie US. Ne serait-ce que déclarer l’intention de vendre ces titres provoquerait un séisme.

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1Comme comparaison, le PIB des USA est d’environ 13.500 milliards de $ et celui de l’Italie environ 1.800 milliards.

La projection future de cette dynamique éclaire la situation à venir. La hiérarchie économique en sort secouée. Selon les hypothèses les plus modérées en 2025 l’économie chinoise devancera les USA, la Russie rejoindrait France et la Grande-Bretagne, tandis que l’Indonésie et Mexique rattraperait l’Italie.

Voici les facteurs des conflits qui s’accumulent :

1. L’accès aux ressources d’énergie et de matières premières (la demande, dans ce même laps de temps, augmenterait de 50%)

2. Les déséquilibres sur le marché des capitaux (les opportunités de réinvestissements productifs seront de plus en plus convoités et disputés).

Sur le champ de bataille de cette guerre « économique » un arsenal de nouveau type est entré en scène: les fonds souverains. Il s’agit de capital financier récolté et géré par les états, et utilisés principalement par les puissances émergentes pour soustraire de considérables masses monétaires au contrôle direct des colosses monopolistes des anciennes puissances impérialistes, particulièrement des USA.

La Chine a, à elle seule, un fond souverain de plus de 1.000 milliards de $. Les fonds souverains sont, au niveau mondial, en pleine expansion et ils gèrent environ 3.000 milliards de $.

Au sein de l’UE également, il y a une tendance à en constituer un, basé sur les réserves officielles de pays de l’Euro-système. Ce patrimoine, actuellement estimé à environ 285 milliards de $, a le potentiel pour attirer des crédits jusqu’à réaliser une disponibilité de 1.000 milliards de $.

La nouvelle donnée, sur ce champ de bataille, c’est que pour la première fois le jeu des marchés a renversé les rôles, les facteurs de crises se manifestant dans les centres impérialistes et pas seulement dans les formations « périphériques ». Cela en raison de l’énorme endettement intérieur et extérieur des USA. Rien qu’en 2007, le déficit commercial nord-américain a été de 750 milliard de $.

Dans cette situation, les impérialistes US qui contrôlent les autorités monétaires internationales (FMI, BM, OMC, etc.) refusent de reconnaître la nécessité d’un nouveau système monétaire international, un rééquilibrage qui les pénaliseraient en mettant une limite à leur liberté d’endettement. Pourtant, les créanciers ne sont plus disposés à se faire racketter sans fin.

Ne citons qu’ une donnée macroéconomique, qui bizarrement a précédé de peu la crise des subprime, entre janvier et août 2007: les bons du trésor US détenus par le Japon (principal détenteur) sont descendus de 627 à 585 milliards de $. Une vente qui peut avoir eu son effet sur l’effondrement de la finance US.

En fait, les USA et le Japon se renvoient la balle de la récession.

Toutes deux, les principales économies mondiales, ont vu tomber à zéro leurs taux de croissance en 2007. Dans les perspectives de récession généralisée, la tendance à la guerre, conséquence à la crise, se concrétise toujours plus en guerre préventive sur les opportunités de développement.

Guerre et contradictions

« Quand il y a la guerre, c’est de la guerre qu’il faut partir pour expliquer la réalité! » (Mao Zedong) Pour la crise aussi! Il faut identifier le caractère de la guerre, les contradictions qui la génèrent, les objectifs poursuivis par les belligérants (groupes impérialistes, classes, peuples).

« La guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens » (von Clausewitz)

Moyens qui, comme on le verra, sont militaires, mais pas seulement.

Il faut partir de la guerre puisque c’est ce qui détermine radicalement le fait que la situation n’est plus celle d’avant.

Même si les contradictions semblent pareilles, il arrive souvent que leurs réalisations, leurs intensités est leurs ordres ne soient plus pareils.

La contradiction principale elle-même trouve sa propre définition plus précise dans l’analyse de la guerre, telle qu’elle se caractérise précisément (analyse concrète de la situation concrète)

La guerre, en fait, se réalise dans une situation concrète, entre les pôles opposés de la contradiction principale. Guerre inter-impérialiste, guerre de colonisation ou recolonisation, guerre de libération, guerre de classe: ce sont toutes des guerres qui sont historiquement produites, par une contradiction principale sous-jacente, déterminée soit au niveau mondial, soit au niveau local.

Donc à partir des analyses des contradictions de l’époque impérialiste, nous pouvons comprendre les termes dans lesquels se produira la guerre, et à partir de l’analyse de la guerre, nous pouvons actualiser et développer notre analyse des contradictions. Ainsi une contradiction n’est pas indéfiniment « principale » et il arrive même qu’une contradiction le devienne à la place d’une autre. Et ce sont souvent les guerres qui, justement, enregistrent ces changements. A l’aube de l’époque impérialiste, la dernière période coloniale montre encore des guerres qui ont pour base la contradiction entre puissances colonialistes et peuples à un degré de développement plus arriéré.

La saturation de la phase coloniale amena au premier plan la contradiction sous-jacente entre puissances impérialistes, ce qui déboucha sur la première guerre mondiale. Les deux contradictions étaient présentes tout le long du processus colonial mais dans les différentes guerres coloniales, la première était prédominante, tandis qu’à la fin, c’est la deuxième qui deviendra principale.
Le changement de contradiction principale peut se produire au cours même de la guerre. Ainsi justement la première guerre mondiale se termina rapidement quand, suite à la révolution Russe, c’est la contradiction entre bourgeoisie et prolétariat qui devenait principale.

La deuxième guerre mondiale fit surgir comme principale la contradiction inter-impérialiste, après cela une série de guerres contre-révolutionnaires dans les années 20/30, conduites par les états impérialistes contre le premier état socialiste (les guerres blanches) et contre la possibilité d’internationalisation de la révolution (Espagne ’36-39). La base de ces guerres était la contradiction entre socialisme et capitalisme. Ce fut, à son tour, cette même réaction qui par la constitution des dictatures nazi-fasciste jeta en fin de compte les bases pour un nouveau éclatement de la contradiction inter-impérialisme en tant que contradiction principale ; ce qui fut aussi possible par la capacité tactique de la politique soviétique à aggraver les oppositions entre impérialistes (pacte de non-agression Molotov-Ribbentrop).

Ensuite, avec la défaite des nazi-fascisme et l’avancée de l’Armée rouge jusqu’en Allemagne, c’est la contradiction capitalisme/socialisme qui reprit le dessus et démarra alors la longue période de la guerre froide.

Avec la chute du socialisme, entretemps dégénéré en révisionnisme en ‚89 cette contradiction se trouva momentanément résolue et celle entre l’impérialisme et les nations opprimées émergea à nouveau. Sous le drapeau du « nouvel ordre mondial » l’impérialisme US lança la « guerre infinie contre le terrorisme ».

Mais la contradiction entre puissances impérialistes reste sous-jacente à cette contradiction. Ces deux contradictions interagissent et, avec l’aggravation de la crise générale, la première tend à redevenir principale.

Guerre multidimensionnelle

L’idée de fond qui revient explicitement dans les manuels stratégiques des principales puissances impérialistes (USA et Chine) est celle d’une dilatation du concept de champ de bataille. Une extension de la sphère belliqueuse: des opérations de guerre non militaire — comme les blocus économiques, les crises financières provoquées, le contrôle monopolistique et terroriste de ressources stratégiques — aux opérations militaires non belliqueuses, comme par exemple les soi-disant opérations humanitaires ou de protection civile, ou encore les plans de reconstruction et développement imposés et protégés par la force militaire dans des régions déterminées. En passant pas le contrôle des technologies et des flux d’information, par les attaques qui peuvent être conduites avec les instruments de l’espionnage et du hackage .2

Tout ca en n’écartant pas évidement les attaques militaires destructrices classiques.

Cette innovation de la pensée militaire impérialiste résulte des conséquences du point culminant atteint avec l’introduction de l’arme nucléaire, l’arme qui est en condition de balayer l’humanité entière, avec le paradoxe que détruire l’ennemi signifie se détruire soi-même.

Quand un processus atteint son point d’arrivée, il reprend son mouvement en direction opposé. Dès « l’équilibre de la terreur » sur lequel s’est joué la guerre froide, la tendance à l’invention et à la production d’armes « moins dévastatrices » s’est développée. Des armes capables de frapper directement les centres névralgiques ennemis en limitant les soi-disant « dégâts collatéraux ». Les armes de précisions ont succédées aux armes de destructions massives. Des armes avec laquelle la guerre peut à nouveau être engagée et gagnée: bombes atomiques tactiques, missiles de précisions (parfois carrément guidé par des téléphones mobiles), armes à technologie laser ou électromagnétique etc.

Le problème, en définitive, c’est la  praticabilité de la guerre nucléaire, c’est-à-dire reconduire les modalités de la guerre et donc la mise au point d’armements répondant à cette nécessitée. Là, l’objectif poursuivi par les impérialistes US depuis des années est la mise à point de bombes atomiques de petite taille. C’est-à-dire utilisables!

Ce projet démarra après la rupture unilatérale des accords SALT 2, à savoir le cadre plus précis et le plus restrictif défini avec l’URSS en 1972. En 2002 (comme par hasard) les USA ont rompu ces traités et relancé leur propre prolifération nucléaire.

A cette occasion il y a eu une de leur définition doctrinaire-programmatique d’une gravité inouïe et pourtant inconnue du grand public: «Nous emploierons l’arme atomique non plus comme dissuasion dans le contexte de « l’équilibre de la terreur » (désormais dépassé avec l’éclatement de URSS), mais bien comme arme offensive de première frappe, également contre des pays ennemis ne disposant pas de la même arme. »

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2 On peut signaler l’activité du Joint Task Force Global Network, branche du Strategic Command US qui remonte à 1998, quand le Pentagone réalisa l’importance de la guerre informatique. Sas tâches: tant protéger les ordinateurs du Pentagone (environ 5 millions dans le monde) que perpétrer des infiltrations et des incursions dans les systèmes adverses (en particulier ceux des Russes, des Chnois et d’Al-Qaeda). Les impérialistes russes ont lancé des attaques contre les sites séparatistes tchétchènes et contre l’Estonie. Les Chinois ont fait de même avec le système US — une offensive connue sous le nom de  « Tribu Rain ».

Voilà ce à quoi ils sont prêts! Voilà ce à quoi travaillent ces criminels, tout en criant au loup contre ceux qui ne dispose pas de l’arme atomique (Iran). La dissuasion nucléaire comme base d’une paix armée s’est transformée en arme statégique régissant une forme de conflit qui préserve la nécessité de ne pas détruire soi-même et le butin en même temps que l’ennemi, qui détruit la puissance de l’ennemi sans détruire son territoire ni possibilité d’accéder à ses ressources.

La guerre multidimensionnelle est la réponse à ce problème.

Une guerre où l’affrontement militaire de type classique n’est qu’une des modalités utilisées ;  où les attaques financières deviennent des véritables batailles du conflit plus général avec autant de destructions et des butins qui n’ont rien à envier aux attaques de types classiques ; où à coté des états-majors impérialistes comme le FMI ou la BM, des véritables corsaires tel Georges Soros3  entrent en scène. La nouvelle guerre impérialiste se dessine comme guerre totale multidimentionelle, coordonnant différentes typologies d’action.

1- Totale, puisque elle concerne outre la sphère militaire, la sphère civile. Les populations dans leur ensemble sont devenues objets ou sujets, otages ou résistants. C’est une tendance qui c’est affirmé dans la deuxième guerre mondiale. (guerre de propagande, guerre de résistance, guerre civile) et qui a eu son expression la plus claire, d’un côté dans les attaques par les bombardements indiscriminés (dont Hiroshima, Nagasaki, Dresde sont les cas les plus cruels), de l’autre côté dans la résistance populaire armée et dans le conception-pratique de la guerre populaire prolongée.

2- Multidimensionnelle, jusque dans les différentes dimensions économiques, militaires, technologiques, informatiques etc. qui sont coordonnées dans le développement des plans et des actions offensives et défensives. Cette coordination concerne différentes formes des combats: outre les classique opérations combinées (terre-air-mer), les attaques informatiques (comme par exemple durant la guerre du Golfe), les opérations militaires « chirurgicales » en forme de blitz ou les attaques ciblées (tels le récent bombardement israélien d’octobre 2007 en Syrie), ou les différentes opérations de guerre ouverte dans le monde entier. Parmi celles-ci, les soi-disant opérations de maintien de paix (Peace Keeping), d’étouffement des révoltes (Peace Enforcing), de protection des civils, de lutte contre la culture des drogues, et les infiltrations opérées par le truchement de l’ingérence humanitaire des ONG.

Dans cette configuration une place particulière est prise par la privatisation. 40% des quelques 500 milliards de $ officiellement dépensés par les USA pour la guerre en Irak (officieusement 3000 milliards de $) ont été versés à des agences privées de « contractors » militaires. A elle seule, Blackwater en a récolté 700 millions de $. En Irak, il y a plus de 100 agences qui y emploient environ 150.000 « contractors ». Un effectif pratiquement équivalent à celui de soldats « réguliers ».

Tout le cycle des guerres qui accompagne le dynamique en spirale de la crise générale du capitalisme qui a démarré au milieu des années ’70, a tendu à cette nouvelle économie de fonctionnement multidimensionnelle: des Balkans au Moyen-Orient, de l’Asie à l’Amérique latine. La conception stratégique qui en est la base consiste à « poursuivre des objectifs limités avec des moyens illimités ». L’objectif limité peut être quelques gisements pétroliers ou quelques positions géostratégiques, la colonisation économique de certaines aires ou le remplacement de régimes. Les moyens illimités, c’est toute la puissance offensive multidimensionnelle, coordonnée, économique-technologique-militaire d’une puissance et de son système d’alliance.

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3Celui-ci est un des grands financiers US, capable de mettre en mouvement des masses de capitaux (les siens et ceux d’autrui) à travers les marchés monidiaux, et d’impulser des attaques même contre des monnaies nationales, en provoquant des crises telle celle qui secoua les « Trigres asiatiques » en 1997-98, ce qu’il revendiqua personnellement.

Phase de guerre mondiale montante

L’effondrement des régimes révisionnistes en ‘89 à donné le coup d’envoi à la nouvelle partie de repartage du monde que la crise générale exige. C’est un énorme affrontement d’intérêts, aiguisé par la restriction des espaces de valorisation du capital, et par l’ouverture des nouvelles possibilités dans l’ex-camp socialiste. Voici ce qui a provoqué un bond en avant dans la tendance à la guerre impérialiste, sur les lignes directrices des politiques impérialistes imposées par les groupes dominants USA et UE :

1. Pénétration à l’Est ;

2. Approfondissement de l’exploitation du Tricontinent avec une nouvelle poussée au processus de recolonisation.

En général ces lignes directrices impérialistes se concrétisent en une série d’actions et de réactions: la compétition stratégique avec la Russie et la Chine, l’expansion subséquente de l’OTAN à Est avec l’installation des systèmes anti-missiles en République Tchèque et en Pologne, la pénétration US en Asie Centrale (Géorgie, Kirghizstan, Ouzbékistan, Afghanistan). Et en réaction, la dénonciation des traités de limitation des armes conventionnelles (CFE) et le nouveau développement des arsenaux russes et chinois, la menace russe de pointer des missiles nucléaires vers l’Europe occidentale, la constitution d’une alliance stratégique centre-asiatique (Russie, Chine, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan, avec l’Inde et l’Iran en tant qu’observateurs): l’Organisation pour la Coopération de Shanghai (SCO). La SCO unit en fait des pays avec des grandes ressources énergétiques (pétrole et gaz) à leur client qui en est le plus assoiffé: la Chine.

Dans ce contexte, les USA sont en train de renverser le programme de réduction de leurs forces armées en Europe. Elles s’élevaient à 62.000 hommes en 2004, aujourd’hui à 43.000 entre l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Kosovo. Ce changement de programme est motivé, outre par la « résurgence russe », par la nécessitée de faire face à de nouveaux conflits dans la région s’étendant des Balkans à l’Asie centrale, avec une référence spécifique aux tensions autour de ce nœud qu’est le Kosovo.

C’est dans ce cadre que s’est intégré la construction de la base US à Vicenza (en Vénétie) ainsi que l’élargissement de l’OTAN à l’Est avec l’entrée de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovénie, des pays baltes et, en perspective, de l’Ukraine et de la Géorgie. Le fleuron de ce projet est l’installation d’un système défensif anti-missile US en Pologne et en République tchèque, ridiculement justifié par la nécessitée de se protéger de « probables » attaques iraniennes. Le plan US d’installation de ce système prévoit, outre les 10 rampes en Pologne et la station radar en Tchéquie, d’autres rampes en Ukraine et en Italie.

Il existe déjà à ce propos un accord secret signé par le sous-secrétaire à la défense Forcieri (de l’ex-gouvernement Prodi) annoncé le 27 mars 2007 par le général H. Obering, directeur de l’agence de défense anti-missile US. Cet accord n’a jamais été démenti par le gouvernement Prodi et il pourrait faire partie du même paquet que celui de la base de Vicenza.

La réponse russe est articulée. Le 17 août 2007, les bombardiers stratégiques russes armés chacun de 12 missiles nucléaires et capables d’atteindre toutes les latitudes ont repris leurs vols au-dessus des régions considérées comme stratégiques. Toujours le 17 août 2008, les autorités russes ont communiquées que la BBC ne pourrait plus transmettre en Russie. En outre, des excitations militaires conjointes (6.500 hommes) de l’Organisation pour la Coopération de l’Asie Centrale (SCO) se sont déroulées en Russie centre-orientale et dans la province chinoise du Xinyang.

Le SCO se profile comme un rassemblement anti-OTAN et anti-USA en Asie. L’Iran, invité comme observateur aux exercices, a exprimé sa volonté de participer à plein titre au SCO. Cela acquiert une signification particulière compte tenu de l’encerclement dont l’Iran fait l’objet à cause de sa prétendue volonté de développer le secteur nucléaire.

Le 11 décembre 2007, Poutine a signé les lois déjà approuvées par le parlement russe pour le retrait unilatéral du traité CFE sur le désarmement des forces conventionnelles en Europe. De plus la riposte russe au système anti-missile US déjà mentionné comprend aussi la mise à point d’un nouveau missile intercontinental. Il s’agit du RS-24 qui remplace les SS-18 et SS-20 et qui serait capable (au dire de Poutine) de transpercer le bouclier US. Et il y a aussi le nouveau système de défense anti-aérien et anti-missile S-400, déjà opérationnel pour défendre Moscou et la Russie centrale. La Russie a également menacé de pointer ses propres missiles nucléaires non seulement sur la Pologne et la Tchéquie, mais aussi sur l’Europe occidentale. Parallèlement, cette menace a été adressée à l’Ukraine, au cas où elle ferait adhésion à l’OTAN et accepterait des rampes US.

Mais, outre les menaces, les deux dernières décennies de crise générale sont caractérisées par une rapide succession d’ouverture des véritables fronts de guerre: Balkans, Irak, Afghanistan et Liban. Une série de guerres de pénétration et de recolonisation, conduite par les USA et leurs systèmes d’alliances, pour la conquête de positions stratégiques principalement liées à l’extraction et au transport du pétrole, pour en déterminer le contrôle monopolistique et son utilisation comme arme contre l’impérialisme concurrent.4

Sur le front irakien, nonobstant les massacres et les opérations de guerre sale visant à fomenter l’affrontement interethnique, la difficulté des USA à stabiliser la situation est désormais déclarée. Deux contradictions de type inter-impérialiste émergent comme résultats de la perspectives de balkanisation de l’Irak. La première contradiction est liée aux rapports avec la Turquie au Kurdistan irakien. En fait ici, l’intérêt US de favoriser un régime d’autonomie kurde entre en conflit direct avec l’intérêt turc d’expansion de sa propre influence économique, politique et militaire, en utilisant comme vecteur la minorité turcomane sur le territoire qui s’étend jusqu’à la ville de Kirkouk et qui est liée aux gisements pétroliers. Cette opposition a été mise en relief par les opérations du PKK de l’automne 2007 sur le territoire turc à partir du Nord de l’Irak (des dizaines de militaires d’Ankara ont été tués) et par la motion au Congrès US sur le génocide arménien de 1915, qui a beaucoup irrité les Turcs. Un autre acte de cette tension a été l’accord énergétique entre Ankara et Téhéran (qui prévoit l’achat de 30 millions de mètres cubes de gaz iranien) en violation ouverte des dispositions étasuniennes.

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4 Avec celles-là, on voit s’aguiser l’affrontement en Afrique où les puissances se sont déjà affrontées par tiers interposés, c’est-à-dire à travers les régimes fantoches et autres milices: au Congo, dans la région des lacs, au Sierra Leone, au Nigéria, etc.

La deuxième contradiction concerne l’influence iranienne dans le Sud de l’Irak par le biais de la population chiite, chiites en quelque sorte favorisés par les USA afin d’isoler la guérilla « sunnite ». Les USA et l’Iran ont passé un compromis (le couteau à la main) s’exprimant dans le gouvernement fantoche d’Al Maliki, qui est un chiite philo-iranien, ainsi que dans les milices paramilitaires dirigées par le ministre de l’intérieur.

Tous les deux sont intéressés par le désagrégation/diminution de l’Irak mais restent ennemis. Ainsi les USA soutiennent la guérilla kurde iranienne qui tient ses bases au Nord de l’Irak. Ce  sont les principaux facteurs de l’opposition, mais il y en a d’autres, moins importants: les USA soutiennent une organisation extrémiste sunnite « Jund Allah » (les « soldats d’Allah ») qui, partant de le région pakistanaise du Béloutchistan, perpétue des attentats dans les territoires orientaux de l’Iran où vivent un millions de Baloutches. En février 2007 par exemple, l’attaque d’un autobus de « pasdarans » iraniens s’est soldée par la mort de onze soldats et 31 blessés.

Actuellement, le contentieux USA- Iran prend la forme d’une sorte de guerre froide: bras de fer sur le programme nucléaire et relative sanction de blocus économique, champ de bataille principal en Irak et secondaires de Palestine au Liban, du Kurdistan au Béloutchistan. Les troupes US et britanniques patrouillent à vue des frontières iraniennes, tant du territoire irakien qu’afghan, ce qui rend toujours présents les risques d’escalades, comme cela a été le cas avec la séquestration des marins britanniques par des bateaux des « pasdarans » iraniens (par ailleurs déclarés organisation terroriste par les USA). L’escalade a été non seulement été constamment agitée par l’administration US, avec le support du gouvernement français, elle est prévue par les plans détaillés du Pentagone, en envisageant aussi une action nucléaire d’Israël.

La situation au Liban après la guerre de 2006 est caractérisée par l’émergence encore plus forte du Hezbollah, vainqueur et légitime en tant que force populaire et anti-impérialiste. Une situation qui montre une fracture persistante dans le camp philo-impérialiste et son incapacité à y venir au bout après le retrait syrien. Dans tous les cas, on attribue toujours à la Syrie l’origine des maux libanais. Les 5 et 6 septembre 2007 des avions israéliens ont effectués un bombardement sur des bases en territoire syrien sous prétexte de détruire un fantomatique laboratoire atomique installé avec technologie nord-coréenne.

L’objectif était peut-être, en réalité, de tester la couverture radar et les temps de réponse du système aérien et anti-aérien de Damas.

La Syrie en fait se dote d’un système de missiles de courte portée, fourni par les Russes (batteries nommées Pantsyr S1E, sur plateformes mobiles portées sur des véhicules blindés). Les livraisons russes prévoient 3.000 missiles tout de suite, prêts à l’emploi, et 9.000 autres en réserve. Ce Pantsyr est un missile antiaérien d’une portée de 20 km en rayon et de 1 km en d’altitude, et il est source de grands soucis pour les bellicistes sionistes.

En se qui concerne l’Afghanistan suite au développement vigoureux des opérations de la guérilla talibane, la contradiction entre « mission de paix » et mission de guerre se manifeste clairement. Cette contradiction touche les puissances européennes (France, Allemagne, Italie) qui continuent à envoyer des systèmes d’armes, comme les chasseurs-bombardiers Tornado allemands ou les hélicoptères Mangusta, les drones Predator italiens, mais qui n’ont pas le courage (à cause des équilibres politiques sur le front interne) de modifier les mandats parlementaires pour participer explicitement et massivement aux combats et aux missions offensives. Cette contradiction a déjà donné lieu à des exhortations provocatrices à surmonter ces empêchements de la part du secrétaire des Etats-Unis et du Conseil européen pour les affaires étrangère (auquel participe l’ancien ministre allemand J. Fisher).

Une véritable guerre mondiale montante, destinée à se développer suivant l’approfondissement de la crise générale et l‘insolubilité de ses causes structurelles. Une crise qui dure désormais depuis 30 ans, la plus longue de toute l’époque impérialiste, et que ni les attaques continuelles contre les conditions de vie et de travail de centaine de millions de prolétaires (avec une énorme intensification de l’exploitation), ni l’innovation technologique (avec l’énorme intensification de productivité), ni la victoire dans la guerre froide (avec l’invasion économique de l’ex-camp socialiste), ni les nombreuses guerres chaudes de ces décennies autour du Tricontinent (avec le pillage des matières premières), n’a pu résoudre, en recréant des conditions nouvelles pour relancer un vrai cycle. 

Crise et lutte de classe en Italie

La crise générale se répercute évidemment sur les contradictions de classes et sur leur gestion en Italie comme dans les autres pays impérialistes. La conscience de la part de la bourgeoisie qu’on aille vers une aggravation de la situation et des contradictions pousse la classe exploiteuse à adapter son appareil de contrôle et de commandement. Les réformes institutionnelles infiniment débattues au sein de la classe dirigeante ont justement cette finalité. La chute du gouvernement Prodi, le résultat électoral d’avril, la réduction drastique de la « gauche radicale » et la montée de la vague réactionnaire, sont des évènements qui se produisent dans la nécessité d’un gouvernement fort.

Cela tant sur le front extérieur, où l’on voit la mystification de « mission de paix » céder la place à la réalité de mission de guerre, que sur le front intérieur où l’attaque contre les conditions de vie de travail du prolétariat doit s’intensifier toujours pour en réduire les capacité de résistances et de riposte, et lui ôter toute représentation politique. Le bipartisme rigide, forgé avec les élections d’avril, est l’aboutissement de la concentration tendancielle des pouvoirs aux mains des partis bourgeois de gouvernement et de la tendance à l’exclusion, à la marginalisation jusqu’aux instances réformistes issus des secteurs populaires.

Ce qui n’est qu’un aspect secondaire de la vraie attaque contre l’instance politique de la classe ouvrière, à savoir la révolution, contre laquelle la bourgeoisie opère depuis des décennies, et sur différents plans: l’attaque économico-sociale, la liquidation conduite par le révisionnisme, le terrorisme d’Etat et la répression.

La subalternité et les ambiguïtés de la gauche bourgeoise ont ouvert la voie à un régime solidement réactionnaire, parce qu’adhérant de manière cohérente aux intérêts immédiats et stratégiques de la bourgeoisie impérialiste. La « réforme » institutionnelle de la P2 (centre occulte de pouvoir) de Licio Gelli est ainsi réalisée.

La concertation, pivot de l’offensive anti-ouvrière

En entrant dans le détail, pour ce qui concerne le front ouvrier, déjà depuis les années ’70, avec l’éclatement de la crise de surproduction de capital, les centrales syndicales et les partis réformistes révisent leurs stratégies. Avec la contraction des marges réformistes, ils adoptent la politique des sacrifices, en s’associant au démantèlement progressif des conquêtes sociales contractuelles et normatives, en attaquant l’autonomie d’organisation et de lutte du mouvement ouvrier.

Toujours dans ces années, les plus grand syndicats italien mit fin aux politiques salariales en tant que « variable indépendante » de la dynamique économique. Le rattrapage automatique sur l’inflation sera graduellement supprimé, en provocant ainsi une baisse progressive du salaire réel. Ce processus aboutira en 1984 avec l’élimination définitive de l’échelle mobile sur les salaires (le plus efficace système d’indexation ayant jamais existé).

Depuis lors s’est déployé une attaque incessante tout azimuts, visant à éroder tout ce que le mouvement ouvrier avait arraché en termes de droits, de salaires, de conditions de vie sociales et de travail. Accords de juillet 93, précarisation du marché du travail, flexibilisation des horaires, contreréformes successives du système des retraites, démantèlement et privatisation de l’état social: le capitalisme a avancé presque sans opposition vers son objectif d’augmentation des profits en intensifiant l’exploitation du travail.

Et cela jusqu’aux étapes récentes: les lois n°30 et n°66 ont élargi encore la jungle des typologies de précarité et des instruments disponibles pour le patronat pour moduler l’horaire de travail, jusqu’à la dernière directive européenne qui introduit les 65 (!) heures hebdomadaires. Tandis que la « réforme Maroni » a allongé l’âge de la retraite et en a réduit les montants jusqu’à 50 à 60% du précédent montant. Le gouvernement Prodi à confirmé cette même orientation en approfondissant l’attaque contre le prolétariat avec « l’accord sur le welfare » de juillet 07 et avec le démarrage définitif des fonds de pensions qui, loin d’être un instrument fiable de couverture  de la retraite par l’investissement de la prime de fin de rapport, sont par contre un des plus gros vols perpétrés par le capital financier en utilisant gouvernement et syndicat.

Politiquement c’est une grande démonstration de la manière dont les réformistes et révisionnistes agissent pour asservir le prolétariat au capital, à ses lois de marché. La dernière fournée d’accord sur les Conventions nationales catégorielles exprime aussi clairement le caractère offensif du patronat, notamment avec la fragilisation de cette structure contractuelle et avec des augmentations salariales ridicules.

Les accords de ’93, c’est-à-dire la politique de revenus opérée par la tristement fameuse ‘concertation’, étaient devenus en réalité le principal instrument de limitation et de réduction des salaires, à travers leur mise sous contrôle par le système de l’inflation programmée. Cette politique trompeuse s’est révélée maintenant avec le constat officiel de l’érosion salariale cumulée cette décennie (et qui au-delà des différents chiffres, est une érosion importante reconnue de toute part).

Et pourtant, face à la pression de la crise, même ces accords sont dépassés! Maintenant précisément, on porte aussi la main sur les modèles contractuels. Et par la trompeuse promesse d’améliorer les salaires à travers des mesures de défiscalisations des heures supplémentaire et des primes, on vise à rallonger les horaires de travail et à subordonner encore plus les salaires à la productivité de l’entreprise, dont les indices sont contrôlés par les patrons qui peuvent les manipuler à loisir.

De cette façon la Cofindustria (l’association patronale industrielle) et le gouvernement opèrent pour pousser au plus loin l’attaquer contre les acquis historiques du mouvement ouvrier, jusqu’à l’élimination des convention nationales catégorielles, ce qui concrétise actuellement en prolongeant leur validité de deux à trois ans, en réduisant leur portée normative ; et en déséquilibrant les négociations salariales vers les accords locaux (d’entreprise et territoriaux).

C‘est pourquoi le patronat veut subordonner fortement des quotes-parts du salaire à la productivité et à la compétitivité.

On n’est pas encore arrivée à la réalisation de cette attaque, mais les objectifs poursuivis sont bien clairs ; d’un côté on vise carrément la plus-value absolue par l’allongement du temps de travail et l’érosion salariale, de l’autre on vise à déséquilibrer encore plus les rapports de forces entre les classes.

C’est par rapport à cet objectif que se révèle encore plus l’unité de fond de la bourgeoisie et ses serfs: les appareils syndicaux et les partis. Les centrales syndicales se révèlent complètement des subalternes organiques à ces logiques patronales, bien synthétisées par la ligne du P.D. : « D’abord la productivité et la compétitivité. Ensuite… ».

Une telle sujétion organisée ne s’explique pas dans le « champ des idées », mais bien dans la matérialité des compromis avec les structures capitalistes à tous les niveaux ; participation, appui aux banques, aux sociétés financières et aux groupes capitalistes « amis » jusqu’à l’actuelle entrée dans la cogestion des fonds de pension.

Cela, c’est le processus qui à transformé, avant l’Italie, les syndicats américains, anglais et allemands en piliers de capitalisme et en intermédiaires de la force du travail.

Tandis qu’au niveau des politiques du travail l’idée progresse d’un nouvel encadrement contractuel, qui en voulant légiférer sur la précarité pour la règlementer, finit justement par la généraliser encore plus. Une idée qui en une première étape se concrétiserait en une sorte de CPE contre lequel on a vu se battre avec acharnement la jeunesse française, jusqu’à en obtenir le retrait. Et il faut dire que depuis quelques années l’offensive sur ce terrain est incessante et répétée par les deux pôles de gouvernement (la droite et gauche bourgeoise), au point que l’on a une forte homogénéité même dans le personnel politico-technique chargé de la mise à point des lois successives.

Morts blanches? Meurtres de l’exploitation!

Dans la course au profit et à l’augmentation de l’exploitation, un chapitre particulier va à la soi-disant « sécurité sur les lieux de travail ». Les soucis pour la vie des travailleurs constituent ni plus ni moins un coût à limiter.

Cela est parfaitement logique et conséquent pour un système qui met au centre certainement pas la personne, mais sa réalité de marchandise force de travail. Au-delà des ignobles et hypocrites lamentations auxquelles nous devons assister quand la question remonte à la une dans toute sa brutalité, la réalité est faite du plus complet désintérêt ou de mesures inefficaces, puisqu’ on se garde bien de toucher aux causes de ce massacre.

La sécurité comporte des coûts qui pèsent sur les profits ; et combien de fois nous voyons que la tendance est plutôt à la compression de ces coûts, notamment par le biais du système de sous-traitance. Tandis qu’à l’appareil d’état, à la classe politique, revient la tâche de mystifier, cacher, comptabiliser le phénomène. Un exemple parmi tant d’autres: l’exemplaire sentence d’acquittement envers les dirigeants assassins de Porto Marghera (le grand complexe pétrochimique aux portes de Venise).

Les chiffres, déjà, sont toujours falsifiés: les 1200/1300 morts au travail par accident chaque année ne sont en réalité que la pointe de l’iceberg. A cela faut rajouter les morts de travail au noir, qui pèse 25% de la masse de la force travail, ce qui signifie probablement 200/300 ouvriers morts en plus. Un chiffre qui n’apparait pas dans les statistiques officielles, vu que les patrons du travail noir, souvent des véritables négriers, s’illustrent dans une des pratiques les plus immondes: celle de jeter les ouvriers morts ou gravement accidentés aux bords des routes en les faisant passer pour des accidents de la route.

Mais surtout on ne parle jamais, et on ne tient jamais le compte des ouvriers qui chaque année meurent des suites de maladies professionnels, particulièrement du cancer. Et ils sont des milliers!

Pire encore: L’INAIL, l’agence préposée par l’état comme assurance sociale, fait tout pour ne pas reconnaître les maladies ni leurs conséquences, en se comportant comme des épiciers mesquins au moment d’ouvrir la caisse!

Il faut considérer que beaucoup de ces maladies ont souvent une longue latence et qu’elles ne se manifestent donc que des nombreuses années après, ce qui end difficile la reconnaissance du rapport de cause à effet. Parfois telle usine, ou tel autre cycle productif se sont transformés, sont partis ailleurs ou n’existent plus ; et souvent la période d’exposition aux produits toxiques a été relativement brève (quelques années au cours de toute une vie). Et on n’y pense plus. Et quand on arrive à obtenir la reconnaissance, il faut faire les comptes avec les coupes dans les dépenses sociales et avec les différentes lois au service des patrons. Et pourtant certains estiment à environ 6000 (!) le nombre d’ouvriers qui meurent chaque année à cause de cancers et de tumeurs d’origine professionnelle.

Rien que le mésothéliome, la tumeur de l’appareil respiratoire causée par les fibres d’amiante, en tue un millier. Ce chiffre d’ailleurs en constante augmentation étant donné la très longue période d’incubation (jusqu’à 30/40 ans) ; c’est dans la prochaine décennie qu’on touchera au pic de cette courbe.

Dans bien d’autres pathologies cancéreuses, il y a une relation causale évidente avec des processus productifs spécifiques, à ce point que dans les différentes usines, on est frappés toujours par l’une d’elle précisément (au nez, au larynx, aux poumons, à la vessie, aux reins etc.) ; et pourtant les gros têtes de médecins et hauts fonctionnaires ne le comprennent pas …

Aux maladies mortelles faut rajouter les maladies graves, invalidantes. Par exemple, celles qui frappent le squelette, les articulations, les mains, les bras, le dos, sur lesquels se décharge la violence des cadences et de répétitivité. Pathologies usantes, très présentes dans le secteur manufacturier, où se trouvent beaucoup de cycles à haut niveau de risque et de répétitivité. Les ouvrières sont tout particulièrement touchées en raison de la surcharge de travail auquel elles sont soumises, avec l’addition des tâches ménagères.

Là aussi, il n’est pas évident de les faire reconnaître en tant que maladies professionnelles. De plus, ces maladies provoquent une détérioration immédiate et tangible de la qualité de vie, elles empêchent le travail, et obligent à des interventions chirurgicales et à de longues absences. C’est la raison pour laquelle on finit par être licencié(e), pour « incapacité à la tâche », ou parce que les absences, pourtant fortement motivées, dépassent le quota toléré. Le tout étant aggravé dans le cas des petites entreprises où, pratiquement, le Code du travail n’entre pas.

Les dommages que ces travailleurs subissent ne seront jamais réparés. Violenté(e)s dans leur corps et humilié(e)s dans leur dignité, utilisé(e)s et puis jeté(e)s comme des charges, condamné(e)s à une condition de marginalisation et d’humiliation sociales. Tout cela se passe à l’ombre de ce territoire social « off limit » qui est l’usine, le chantier, les lieux de production où n’entrent ni camera ni journaliste. Seuls les plus grands accidents rompent le silence, tout en donnant lieu à la gestion manipulatrice et réductrice dont nous avons parlé. Et les différents gouvernements de jouer la comédie en concédant quelques durcissements pénaux (ne passant jamais le seuil des amendes), tout en élargissant les mesures libérales pour le patron, comme la récente loi qui a raccourci les temps de prescriptions pour les infractions et délits de type capitaliste.

La question environnementale et écologique

Historiquement, nombre de luttes se sont développé sur la santé et contre « la mort par capitalisme ». Les contenus de ces luttes ont débordés le périmètre de l’usine et été appropriés par un front social plus large, pour la défense de la vie et de l’environnement, contre l’utilisation destructrice du territoire et le développement porteur de mort qui est désormais devenu un caractère tragiquement distinctif du mode de production capitaliste.

Tout en voulant éviter l’erreur de catastrophisme, on ne peut pas ne pas constater que chaque symposium international de scientifiques et autres savants est justement malgré par le catastrophisme.

Que ce soit le problème du réchauffement planétaire et des altérations climatiques qui en découlent, que ce soit la mort des grands fleuves (par la pollution et la sècheresse) ou la croissante pénurie de l’eau ; que ce soit la bataille énergétique ou la progression exponentielle de la pollution industrielle/urbaine ; que ce soit la déforestation/désertification ou la disparition prévue des poissons de tous les océans (vers 2050), dans tous les domaines les évaluations et les prévisions scientifiques sont catastrophiques.

Or, les scientifiques, même s’ils sont eux aussi formatés par les logiques du système, par les lois du mode de production et par l’idéologie dominante, sont en un certain sens plus « exposés à vérité », en ce sens que la recherche scientifique met en contact avec l’élément de vérité, avec les lois de la nature et de la société, avant qu’elles soient appropriées, assimilées, mystifiées par la domination capitaliste. Nous ne disons que la science est neutre, mais nous relevons plutôt que, fonctionnellement, dans l’histoire, elle est devenue aussi force de vérité et de subversion (que l’on pense seulement à son rôle contre la tyrannie religieuse.)

Ce qui est intéressant, c’est que les analyses et les prévisions scientifiques confirment pleinement la vision historico-dialectique sur la trajectoire du mode de production capitaliste. Cette vision qui en a toujours indiqué son caractère destructeur inhérent, la voracité démentielle et criminelle qui étendra d’autant plus ses effets que ses contradictions internes s’approfondissent  (l’attitude arrogante des USA qui se foutent de tous les dégâts provoqués en est seulement la pointe de l’iceberg).

Rappelons-nous la première législation du travail, en Angleterre, vers 1830-40. Ce fut non seulement le résultat des premières vagues de révoltes et de luttes ouvrières, mais aussi de la « prise de conscience » de la part de secteurs bourgeois que le capitalisme était trop destructeur quand il est laissé à lui-même. C’est la raison pour laquelle on risquait de tuer au travail des générations entières d’ouvrièr(e)s. A terme, on risquait de ne plus disposer de l’indispensable objet de l’exploitation.

La tendance destructrice du mode de production capitaliste recommence à se déployer largement quand se manifeste une « crise générale historique par surproduction de capital », comme l’actuelle qui a démarré dans les années 70 et qui n’a pas encore trouvé solution. Ces crises de caractère historique sont telles parce que le mode de production capitaliste se trouve face au cumul de ses contradictions fondamentales: contradiction entre le développement de forces productives et le maintien des rapports sociaux de production capitalistes, et chute tendancielle du taux de profit.

Les nombreuses contre-mesures mises en œuvre, et surtout le rapport de pillage et d’exploitation intensif de la périphérie impérialiste, permettent des taux de croissances suffisant à la perpétuation du système (quoique non comparables à ceux de véritables phases de développement capitaliste, comme entre 1945 et 1970), mais ne résolvent pas les causes de la crise qui au contraire, explose périodiquement de manière dévastatrice. Elle trainera, irrésolue et létale, jusqu’à déboucher dans l’unique solution possible en termes capitalistes ; l’énorme destruction de capital excédentaire par la guerre! Cela, ce furent les deux grandes boucheries mondiales. Et c’est l’actuelle « guerre infinie » de l’impérialisme, qui débouchera sur l’affrontement entre les grands bandits pour le repartage du monde  et  pour la destruction des excédents.

Unique alternative possible: la révolution prolétarienne qui balaie l’unique vrai excédent, le mode de production capitaliste!

Vues sous cet angle, les destructions environnementales et sociales en cours se révèlent comme des effets, des manifestations concrètes des lois susmentionnées, agissant de manière virulente dans la persistance de la crise générale historique.

La virulence du capitalisme chinois, par exemple, est lourde d’incommensurables dévastations. D’un côté, la mise sous servitude salariale de la grande masse de la population (à des taux d’exploitation destructeur, justement), d’un autre côté le développement d’une classe moyenne de « citoyens consommateurs ». Ce qui signifie, à la taille chinoise environ 200/300 millions de consommateurs démentiels des stupidités polluantes les plus variés. A commencer bien entendu par le délire automobile. Mais que l’on pense, par exemple, à la chasse avide de toute matière première, comme le bois, et donc à l’impulsion donnée aux déforestations sauvages (comme celle de Bornéo) et ça pour produire du mobilier bon ton pour les nouveaux petits propriétaires de pavillon.

Il y a longtemps déjà, des scientifiques avaient relevé comme inconcevable un développement capitaliste « égal pour tous », parce que si d’autres aires du monde rattrapaient les niveaux de production/consommation/pollution des USA, ce serait la mort assurée de la planète! Et en fait, on voit bien quel cataclysme cela est devenu, même pour la production et gestion des ordures.

Face à un tel cadre il y a de quoi se demander comme on peut penser corriger quoique se soit en restant dans les limites du système qui en est la cause.

La question est tout simplement et uniquement: le mode de production.

Les migrations: produit et nécessité du capitalisme

Un autre aspect de la crise dans la phase impérialiste du capitalisme, c’est la dimension atteinte par les migrations humaines à la recherche du travail, impulsées par la paupérisation de régions entières de la planète, causée par le pillage impérialiste. Cela qui correspond aussi, sous une forme actuelle, à une des lois fondamentale du capitalisme: avoir à disposition une armée industrielle de réserve.

Depuis toujours le capitalisme, pour s’affirmer et s’étendre, doit littéralement secouer, envahir et dévaster les formations économiques et sociales précapitalistes qu’il trouve sur son chemin. Il doit briser la résistance des populations à se faire dominer par un mode de production imposé. Il écrase les économies de subsistance, appauvrit et exproprie des populations entières en leur volant leurs ressources, en créant des réserves de force de travail « disponible ». Cela se passe dès le début du capitalisme et dans sa phase impérialisme cela prend des proportions géantes. Des millions et des millions de personnes, au risque de leur vie, abandonnent leurs terres pour franchir les frontières à la recherche de travail et de bien-être.

Et si la grande partie des masses migrantes provient du Tricontinent,  on ne peut pas négliger non plus l’incessant flux Sud-Nord interne à notre pays même. Cette migration étant d’ailleurs en forte reprise ces dernières années. C’est un énorme armée industrielle de réserve sur l’importance de laquelle Marx et Engels ont beaucoup insisté: le capitalisme a besoin d’un terrain de misère et de précarité pour exercer son chantage sur les travailleurs qui doivent voir qu’ils sont pas indispensables qu’il y a « la  queue au portillon », qu’il y en a toujours plus d’autres prêts à se faire exploiter (à l’aide de toute l’ordure idéologique bourgeoise: racisme, esprit colonialiste prétention civilisatrice fascisme).

Utiliser les chômeurs contre les occupés, ceux qui on moins de droits contre ceux qui en ont plus, c’est une arme historique de la bourgeoisie pour contenir le salaire et les droits, pour augmenter les niveaux d’exploitation.

Les charlatans de la classe politique et médiatique radotent quand ils disent vouloir résoudre les problèmes d’immigrations, de chômage, de précarité et de misère. Ce qui compte, ce sont les faits: leur système économique produit et se nourrît de ces plaies, systématiquement et nécessairement. Au contraire de résoudre les problèmes, on reproduit et élargit les mécanismes du chantage vers les immigrés avec les différentes lois pareillement promues par les deux alliances de gouvernement (droite et « gauche »). Dans le genre: « ou tu te fais exploiter et tu te tiens bien, ou pour toi c’est la misère, la clandestinité, l’expulsion, les camps de concentrations comme les CPT »

Pour les jeunes aussi, l’avenir c’est l’armee industrielle de reserve

Si cette armée industrielle de réserve est à coup sûr constituée en grande partie par la force de travail immigrée, il ne faut pas négliger qui il y aura toujours plus les jeunes à la recherche d’un premier emploi.

La nécessite de pays impérialiste (comme le notre) de « maîtriser les dépenses publiques » pour en dégager des ressources destinées aux entreprises et pour secourir un système économique qui se défait, implique des mesures qui aggraveront inévitablement le chômage des jeunes.

La prolongation constante de l’âge de retraite et la récente disposition du gouvernement Berlusconi qui rétablit le cumul entre revenu de travail et retraite, ce sont des mesures qui pèsent directement sur les possibilités d’emploi pour les jeunes. Déjà aux prises avec les vexations de la précarité (il y a désormais un pourcentage de 40% d’embauche en CDD parmi les 15-25 ans) ces jeunes doivent aussi faire face au développement du chômage.

Dans le système capitaliste en crise les jeunes ne sont pas une ressource, ils sont un problème.

Un problème à affronter en les dominant encore plus, en les exploitants, en les grugeant comme cela a été le cas avec l’institution des fonds de pensions. Ceux-ci furent présentés comme la meilleure solution pour leur garantir la retraite, désormais compromise par la suite de « réformes », et ce sont en réalité le meilleur instrument aux mains du capitalisme financier pour voler légalement les indemnités de fin de contrat des travailleurs.

Arnaques désormais évidentes, avec la publication des premiers rendements ; qui étaient meilleurs avec le système classique.

Enfin entre précarité, chômage, sombres perspectives futurs, les jeunes sont pris dans la nasse  de la misère et des dettes.

Il est à remarquer que les jeunes ont carrément été habitués à vivre le concept de « dettes » à partir de l’école où, avec les dernières « réformes », on a introduit les « dettes de formations ». Comment ne pas penser que les récentes « réformes » du système scolaire ne donnent pas priorité à la création de l’élite de la futur classe dirigeante, élevée dans les écoles privées, au détriment de la grande majorité de jeunes qui se trouvent dans une école défavorisée, que l’on devine à nouveau n’être qu’un simple parking, un amortisseur social du chômage.

L’histoire a une dynamique en spirale, les évènements ont tendance à se représenter à un niveau chaque fois supérieur. Ainsi grâce à la tabula rasa des conquêtes du passé, un véritable saut générationnel est en train de se produire. Dès les années ‘80 le mouvement ouvrier et étudiant s’est défendu contre l’érosion de conquêtes. Maintenant que se processus a touché son point culminant, avec la dernier attaque contre la structure des conventions nationales catégorielles, on peut dire qu’ils ont brisé les plus important instruments de protection des droits et des salaires, et qu’il se développe un scenario où se représente la lutte pour reconquérir ces même droits et pour relancer l’autonomie organisationnelle et de lutte du mouvement ouvrier.

Un emploi fixe, un salaire décent, la sécurité sur le travail, une retraite digne, l’éducation, le logement et un service de santé public, comme structures du bien-être collectif, ce sont tous des thèmes sur lesquels les jeunes doivent encore et toujours plus se battre ; non pas dans des termes de défense, mais de conquête — et dans un contexte diffèrent de celui de leurs parents.

Un contexte dans lequel la crise générale empêche une issue positive aux « luttes économiques », raison fondamentale de la réduction drastique du réformisme, et qui en même temps pousse les luttes à se lier plus facilement à la critique radicale du mode de production capitaliste, ayant pour fin sa destruction. En sachant développer l’autonomie ouvrière au-delà de la carte syndicale, ce qui doit prévaloir c’est l’intérêt matériel et politique des travailleurs. Les jeunes, perçus toujours plus comme un problème, des excédants à gérer, chair à exploitation, sont au contraire contre la meilleure ressource de la révolution, la plus énergique, la plus en phase avec leur temps.

Oppression de genre : la lutte pour la libération ne peut être que révolutionnaire!

Là aussi une vague de dégradation sociale s’est abattue, portée par les politiques d’intensification de l’exploitation et les formes d’idéologies réactionnaires qui leur correspondent. C’est une tendance vive en tous les champs de rapports sociaux et en premier lieu, bien sûr, les rapports de production. Dans chaque champ social (et partout dans le monde capitaliste) la condition de la femme est repoussée en arrière, de pair avec la résurgence des pires instincts machistes et de l’obscurantisme religieux.

Certain(e)s s’étonnent de tout cela, comme si progrès et acquis sociaux avaient été enregistrés pour toujours dans le château en papier des lois et des constitutions. C’est la « candeur » réformiste, selon laquelle on croit résoudre le problème sur le plan formel des règles juridiques, sans en toucher ni en attaquer la substance, la cause.

Au contraire, la substance, la cause est toujours là, active et agissante: la société de classe, basée sur la violence et l’oppression! On peut regarder avec horreur la burqua ou la lapidation dans les états capitalistes-féodaux (valets de l’impérialisme, qui se garde bien de soulever là la question des droit de l’homme), par exemple et il existe sûrement des différences dans le pire. Pourtant, si l’on considère les dizaines de femmes tuées chaque année dans le foyer, en Italie, et le million (à peu près) qui sont battues, on se rend compte que la substance est très semblable! Globalement, l’offensive réactionnaire (avec à sa tête le Vatican et autres coteries religieuses, avec sa forme spécifique à chaque pays) poursuit le même objectif: réaffirmer la domination masculine, maintenir les femmes en état d’infériorité, et cela en rapport aux exigences de l’organisation économique de l’exploitation sociale capitaliste.

Pour cela par exemple, l’occupation féminine (ouvrière et employée) aux plus bas niveaux, corresponde à la plus grande fragilité contractuelle, à la plus grande précarité (la grande majorité des temps partiel), au fait d’être exposé la première à l’expulsion du cycle productif. Et donc toujours à cheval avec le ghetto domestique, toujours sous la chantage d’y être renvoyée — ghetto domestique qui reste une des pires formes de servitude encore existante.

Cette condition d’oppression économique, sociale et culturelle des femmes est accompagnée à l’époque impérialiste de l’utilisation instrumentale de l’émancipation elle-même. L’impérialisme est aussi, par rapport à la contradiction de genre, un maître expert dans l’impulsion d’un secteur ou groupe social coopté et utilisé comme appât pour diviser, confondre et enfin aller s’opposer à l’intérêt général des masses. Les exemples les plus clairs sont la formation de « l’aristocratie ouvrière » et des bureaucraties politiques et syndicales, par lequel entretien l’opportunisme au sein de la classe ouvrière, du prolétariat.

Dans le même but, le féminisme bourgeois, qui oriente les luttes contre l’oppression de femmes vers des solutions individuelles, est utilisé. L’impérialisme s’intègre la conception du féminisme bourgeois qui soutient la participation individuelle aux positions de pouvoir dans la société de classe. Et c’est ainsi que l’on a des femmes qui occupent poste de présidente de l’Association patronale, de magistrate, qui dirigent la police, qui sont gradées dans l’armée, directrice de prison, ministre de la défense, dirigeantes de multinationales et jusqu’au plus haut niveau, celui de premier ministre.

Le féminisme bourgeois soutient que l’accession de quelques femmes à des positions de pouvoir est une victoire des femmes en tant que catégorie, tandis qu’en réalité, cela est utilisé comme arme pour repousser en arrière la grande majorité des femmes. La carrière de ces quelques femmes, leur possibilités d’accéder à certains privilèges dans une société qui reste marquée par le machisme, se convertit inévitablement en action pour reproduire ces privilèges dans l’unité avec toute la classe des oppresseurs et contre les femmes de la classe ouvrière et des masses populaires.

L’exemple le plus clair de l’action corporatiste-impérialiste dans cette contradiction est l’utilisation qui en est faite pour supporter les guerres de conquête et d’occupation. La « libération » de la femme opprimées par des rapports féodaux, comme propagande pour soutenir le renforcement de l’oppression de peuples entiers, et donc aussi des femmes qui en constitue « l’autre moitié du ciel ».

Pour une compréhension plus approfondie il peut être utile de relire Engels qui écrivait en 1884: « le mariage monogamique fut la première forme de famille qui ne fut pas fondé sur des conditions naturelles, mais sur les conditions économiques. Et plus précisément sur la victoire de la propriété privée contre la propriété commune, originaire et spontanée. La domination de l’homme sur la famille et la procréation de fils étant incontestablement de lui, furent les buts uniques et exclusifs du mariage monogamique. La monogamie n’apparaît ainsi, en aucune façon dans l’histoire comme la réconciliation de homme et de la femme, et encore moins comme la forme la plus élevée de cette réconciliation. Cela apparait au contraire comme la soumission d’un sexe à l’autre, comme l’affirmation d’un conflit entre les sexes jusqu’alors inconnu dans toute la préhistoire (…). La première opposition de classe qui apparaît dans l’histoire coïncide avec le développement de l’antagonisme homme-femme au sein du mariage monogamique, et la première oppression de classe coïncide avec celle de la femme de la part de l’homme (…).

Dans l’organisation sociale communiste primitive, l’activité domestique confiée aux femmes était une activité économique de caractère public, socialement nécessaire, égale à l’activité avec laquelle les hommes se procuraient les aliments. Avec la famille patriarcale, et encore plus avec la famille monogame, la direction de l’activité domestique perdit son caractère public. Devenue service privé, la femme devint la première servante, exclue de la participation à la production sociale (…).

La famille moderne est fondée sur la servitude domestique, ouverte ou masquée, de la femme. Dans la famille, l’homme représente le bourgeois, la femme le prolétaire (…)

Dans l’industrie, le caractère spécifique de l’oppression économique sur le prolétariat ressort dans toute sa force seulement après que se soit éliminés tous les privilèges particuliers de la classe capitaliste, après qu’aient été établie la pleine égalité en droit entre les deux classes sur le plan juridique. La république démocratique n’élimine pas l’antagonisme entre les classes ; au contraire elle lui offre, la première, son terrain de lutte. Et ainsi aussi le caractère spécifique de la domination masculine sur la femme dans la famille moderne et la nécessité, sinon la manière d’instaurer une égalité sociale effective entre les deux sexes, apparaîtront sous leur lumière la plus crue quand tous les deux seront pourvus de droits parfaitement égaux, sur le plan juridique. Il apparaîtra alors clairement que l’émancipation de la femme a pour première condition sa réintroduction dans l’activité productive, et que cela requiert à son tour l’élimination de la famille monogamique en tant qu’unité économique de la société. » (F. Engels: Origine de la famille, de la propriété privé et de l’état).

Tout ce passage est d’une incroyable puissance, tant pour l’époque à laquelle il a été écrit que par la capacité d’anticipation sur les étapes à franchir vers la libération sociale. Dans l’orgie de mystification que le capitalisme produit et impulse dans tous les rapports sociaux, dans tous les espaces socio-économiques, il faut comprendre aussi le déferlement et la banalisation de l’attitude de prostitution (« toute personne à son prix »).

Comme on sait, cette vague de dégénération sociale a touché des fonds inégalés en ces années de réaction libérale-obscurantiste. Parce qu’au delà des polémiques, la société bourgeoise s’arrange bien du rôle réactionnaire des religions… Leur double morale, sociale et sexuelle fait partie du jeu, elles sont spéculatives et complémentaires (« la femme mère ou pute ») et enfin, toute la classe politique bourgeoise s’agenouille, révérencieuse.

Cette vague a acquis encore plus de vigueur avec l’effondrement du mur et le déferlement du capitalisme le plus sauvage et le plus criminel à l’Est. Une conjonction particulièrement abominable s’est formée entre la néo-colonisation de la part du grand capital multinational, la formation du grand capital local et le pillage effréné de toutes les ressources sociales, l’appauvrissement brutal de masses prolétariennes, des véritables formes d’esclavagismes et déportation vers l’Ouest. Le tout avec le concours et la protection, dans les zones de crises comme les Balkan, des « armées humanitaires » qui accompagne cette belle modernisation. Il y a des témoignages d’ouvrières rebelles en Albanies qui décrivent les liens existants entres les usines  de la superexploitation par les capitalistes italiens(ou autres impérialiste), les milices qui les servent et qui font partie de la bourgeoisie maffieuse, propriétaires de bordels alimentés en parties avec les ouvrières de ces même usines ; et enfin les « braves soldats » qui disent ne rien voir de ces trafics (sauf pour en profiter), tandis que leur héroïque hiérarchie collaborent fructueusement avec de telles « forces de l’ordre ».

Ces conditions, cette militarisation des usines et des contextes sociaux environnants, sont très répandues dans le Tricontinent, particulièrement dans les « zones économiques spéciales ». Que l’on pense aux maquilladoras mexicaines, toutes près des USA (avec le cas de Ciudad Juarez où des centaines de jeunes ouvrières ont été enlevées et assassinées), au Nigeria, à l’Inde ou à la Chine. Cela se propage aussi dans les métropoles du centre, impliquant un important recul sur le terrain de l’oppression de genre. Pour ses nombreux implications sociales et culturelles, par le fait même que cela pèse sur la moitie du prolétariat, c’est un terrain fondamental déterminant dans les deux sens: ou, comme la précarisation, cela tire vers le bas toute la condition sociale prolétarienne ou cela devient un terrain d’affrontement, et donc de libération d’énormes forces pour la révolution.

Et c’est la grande leçon qui nous vient de régions du Tricontinent où la révolution, la guerre populaire progresse: partout la participation de femmes est de très haut niveau et leur lutte de libération est centrale dans le processus révolutionnaire en cours. De leurs expériences, on tire aussi des indications fondamentales sur les raisons pour lesquelles ce processus est inséparable de son caractère politico-militaire, inconcevable sans lui. Partout les premiers pas consistent en l’armement des revendications principales, dans ce sens précis que les structures et les figures de l’oppression sexiste et de classe (de cette classe qui souvent se présente comme une classe de capitalistes maquereaux) doivent être combattues.

D’où venons-nous?

Marx a dit que l’Etat était une bande armée composée de la police, de la magistrature et de quelques annexes. Lénine, en développant la théorie et praxis de la révolution comme processus de lutte pour le pouvoir ayant pour fin l’extinction des classes et donc de l’Etat, a toujours combattu les velléités réformistes.

L’Etat est une machine d’oppression de classe et la solution du problème ne réside que dans le processus révolutionnaire qui pourra conduire à l’extinction des classes et au communisme, à une réelle communauté humaine. La praxis du mouvement communiste a disqualifié pour toujours celui qui s’abaisse au compromis sur cette simple question: L’Etat bourgeois, on ne le change pas, on l’abat. Depuis, la bataille fondamentale a toujours été celle contre les différentes formes de concessions, compromis et de défiguration de la lutte prolétarienne révolutionnaire.

Nous, comme partie du mouvement révolutionnaire actuel, nous descendons de cette histoire. Quels ont été les passages qui nous ont conduit jusqu’ici?

Historiquement, c’est dans la dialectique de la lutte de classe, et entre révolution et contre-révolution, où déferlent les vagues d’offensives révolutionnaires et de contre-offensives réactionnaires, cette dernière se caractérisant aussi comme reprise d’influence, parfois d’hégémonie, au sein du camp prolétaire. Cela se réfléchît dans la bataille politico idéologique en déterminant l’émergence de positions et, au fur et à mesure, de lignes orientées vers la conciliation de classe, c’est à dire à la soumission du prolétariat au système capitaliste et à son cadre institutionnel.

Au cours des premières grandes vagues de révolutions de 1800 (particulièrement celle de 48’ qui secoua toute l’Europe), le mouvement ouvrier fut ascendant et atteignit des étapes supérieurs, jusqu’à la formation des grands syndicats et partis ouvriers. Sur cette lancés (marqué par des répressions sanglantes) il arriva jusqu’à la fondation de la première International qui fut un progrès énorme en faisant entrer sur la scène historique l’idée et la praxis vers un monde sans frontières, vers une authentique communauté humaine.

Mais pour quelque puissant que fut le mouvement ouvrier à ses origines, il ne pouvait être épargné par l’émergence des contradictions ni par la dialectique, déjà mentionnée, de la lutte des classes. Ce fut en particulier autour du plus grand épisode de lutte révolutionnaire du siècle, à savoir la Commune de Paris, que se révéla une première grande fracture interne: celle entre anarchistes et socialistes.

La Commune fut la première tentative de prise de pouvoir. Défaite rapidement et de manière barbare, surtout à cause des conditions objectives immatures (comme le relèvera Marx) et de certaines limites intrinsèques dû à un développement encore primitif des forces révolutionnaires, elle reste tout de même la glorieuse annonce du monde nouveau. Cette expérience s’imposera par la suite à toute l’histoire révolutionnaire du prolétariat.

La principale contradiction tournait autour de la question « Que faire du pouvoir, une fois celui-ci conquis? » Et avant tout, comment le défendre? Ainsi, l’esprit anarchiste influent de l’époque s’affirma dans la limite la plus importante de la Commune, à savoir dans l’incapacité à maintenir le pouvoir, dans l’incapacité à concevoir le processus révolutionnaire aussi comme guerre révolutionnaire ayant pour but d’attaquer et de briser l’appareil militaire de l’état bourgeois.

Tandis que les anarchistes concevaient le processus révolutionnaire comme démolition immédiate et continue du pouvoir, comme possibilité d’y substituer des formes organiques d’auto-organisations sociales, les communistes voyaient la nécessite de passer par une phase de transition dans laquelle, nécessairement il fallait remplacer l’Etat de la dictature bourgeoise par un système de pouvoir défini comme dictature du prolétariat, qui peux, sur une base de classe précise, mener à son terme le complexe et difficile processus révolutionnaire.

L’histoire a ensuite largement démontrée (et jusqu’à aujourd’hui) que la transformation socialiste adviendra, pour longtemps encore, dans le vif des contradictions de classe (qui ne disparaissent pas « par décret » dans la phase insurrectionnelle). La transformation des rapports sociaux de production est le terrain décisif, mais ce sera justement compliqué avant tout par les différentes résistances et résurgences du vieux monde. Cela ne se nourrit pas seulement des « résidus » des vieilles classes exploiteuses, mais aussi de l’héritage culturel des siècles de société de classe: la force de l’habitude, les instincts égoïstes de l‘exploitation et d’oppression, la mesquinerie mercantile. « L’hydre aux mille têtes de la petite propriété à laquelle, sans cesse, quotidiennement, s’alimente la tendance au capitalisme » (Lénine).

Cela veut dire que la société révolutionnaire sera encore pour longtemps un champ de bataille — et aussi vers l’extérieur puisque l’impérialisme agresse dès le premier moment toute tentative révolutionnaire: seule la dictature du prolétariat peut garantir les conditions essentielles pour progresser dans le processus de transformation sociale, dans l’édification socialiste. La vision anarchiste, en ce sens, pêche par présomption idéaliste en regardant les protagonistes de l’insurrection comme à des acteurs complets et capables de résoudre tous les problèmes. Non seulement ils ne le sont pas, mais en plus il y a toute une réalité, également populaire, à tendances conservatrices, subordonnées aux forces réactionnaires.

L’absence de volonté d’affronter la complexité du processus révolutionnaire et certaines étapes désagréables mais fondamentales, amène la position anarchiste à une sorte d’impuissance: soit à un extrémisme sans perspective, soit à la capitulation dans la culture du ghetto. Donc, la rupture avec les anarchistes fut nécessaire, comme à chaque nouvelle expérience révolutionnaire la redéfinition d’une ligne politique correcte surgit toujours dans « la lutte entre deux lignes ».

Mais d’autres ruptures seront bien plus graves, puisque les anarchistes resteront quand même une composante révolutionnaire.

L’affirmation du mouvement ouvrier entre la fin du XIXe et le début du XXe amena la création de grands partis et à la conquête des premiers droits politiques, sociaux et civiques importants, dont l’entrée au parlement bourgeois. Mais l’affirmation électorale fut si forte en nombre de pays européen qu’elle engendra une déviation nouvelle et bien plus grave: l’illusion de la voie parlementaire, du passage pacifique et progressif au socialisme.

La tendance au compromis, à la liquidation des objectifs historiques du mouvement ouvrier, devint une véritable force politique et idéologique, la dégénération, dans la pratique, d’une partie de ces partis prit forme d’une position et ligne politique. Naquit ainsi le révisionnisme marxiste. Bernstein en premier, puis Kautsky, à savoir deux des plus éminents dirigeants de la social-démocratie allemande, lui donnèrent sa forme idéologique organique. Ils réalisèrent ce qui était une tendance existant au sein de la pratique du mouvement ouvrier depuis des décennies.

Marx et Engels menèrent des luttes virulentes contre la corruption de dirigeants des Trade Unions (les syndicats anglais), contre la tendance à embourgeoiser les ouvriers (esprit de petits propriétaires, actionnariat populaire, chauvinisme et racisme… comment dire… nos problèmes ne sont pas si nouveaux que ça!).

Ce tournant négatif est la matrice des vagues successives de capitulations et de dégénérations internes au mouvement ouvrier et à ses partis — ces vagues qui se déterminent dans le vif de la lutte de classe au moment où la tendance révolutionnaire s’affaiblit ou se défait. Le révisionnisme arrive alors à se propager, à s’acquitter de son rôle de « cheval de Troie » de la bourgeoisie et de son idéologie dans le camp prolétarien en dénaturent la lutte, en la rendant inoffensive et subordonnée au système. Pire encore, en transformant le prolétariat en masse de manœuvre pour les politiques de l’Etat bourgeois et du capitalisme: chair à canon dans la compétition commerciale mondiale comme dans les guerres impérialistes. Ce fut la grande leçon de la plus complète trahison révisionniste: quand au déclenchement de la « grande guerre » (1914-18), les révisionnistes, hégémoniques en la majorité des partis socialistes/social-démocrates, votèrent les crédits de guerre et participèrent à la mobilisation des masses pour la grande boucherie!

Les révisionnistes eurent la responsabilité de détruire l’unité internationale des ouvriers et des peuples: le Deuxième Internationale s’écroula.

La reconstruction du mouvement révolutionnaire et d’authentiques partis ouvriers (qui dorénavant s’appelleraient communistes) se fit en rupture avec cette infâme trahison. Ce sera en même temps justement le développement de la guerre qui, aiguisant les contradictions de classe, dévoilera la nature immonde de cette guerre entre bandits impérialistes (quelle « défense de la patrie »!), qui amènera à maturité les conditions de la puissante vague révolutionnaire commençant démarrer avec la révolution russe.

Il faut avoir à l’esprit les niveaux de mobilisations réactionnaires et hystériques des masses avant 1914 et durant les débuts de guerre (avec un véritable lynchage politique et parfois physique, des rares révolutionnaires qui s’y opposaient) pour comprendre que rien n’est jamais perdu, que le jeu des contradictions peut transformer radicalement la situation. Et alors la grande tromperie devient la grande colère des masses. Nous disons en analogie précise avec la situation actuelle, apparemment obscure, dominée par le déferlement réactionnaire et les vents de la guerre. La puissante vague partie de Russie se concrétisa aussi en la formation de la nouvelle Internationale Communiste. Véritable quartier-général qui coordonna et soutint les tentatives de luttes révolutionnaires partout dans le monde, en donnant un élan inimaginable jusqu’alors à la révolte anticoloniale parmi les peuples opprimés par l’impérialisme.

Ce fut ainsi que montèrent en puissance certaines révolutions de libération nationale, dirigées par les PC locaux. Celle de la Chine en sera la plus importante, tant par le poids spécifique de ce pays soit par les grands apports théorico-pratiques offerts par cette révolution — apports se résumant dans le maoïsme, comme développement du marxisme-léninisme. Le premier et plus important de ces apports fut celui qui permit PCCh. de mener et gagner une guerre révolutionnaire très longue (pratiquement 30 ans), contre des ennemis très puissants, ce qui fut synthétisée par Mao dans la théorie de la « guerre populaire ». Les nombreuses expériences de guerre de libération nationale qui suivirent en confirmèrent la validité.

Dialectiquement l’insuccès d’autres modèles, leurs défauts de vision, et enfin leur échecs, même héroïques (comme le foquisme guevariste), finirent par mettre en valeur le caractère de validité universelle, historique, de la guerre populaire prolongée — avec cette réserve que, dans le centre impérialiste, on n’a pas encore vu aboutir un processus révolutionnaire. Disons carrément que c’est le grand défi de notre temps: conjuguer les enseignements du caractère universel de la guerre populaire prolongée aux caractères spécifiques de centres impérialistes.

La force et l’avancée pratico-théorique réalisées par Mao et le PCCh leur permirent d’affronter la deuxième grande vague révisionniste. Celle là émergea dans les contradictions de la 2ème guerre mondiale et des résistance au nazi-fascisme: prévalèrent alors les tactiques de compromis avec les fractions bourgeoises et le bloc impérialiste à direction US jusqu’à la pleine collaboration dans l’instauration de régimes de « démocratie formelle » bourgeoise.

Le PCI de Togliatti fut un des protagonistes de ce tournant pas du tout pacifique, puisque jusqu’en 1948/49, la tendance révolutionnaire s’imposa à plusieurs reprises à différents moments de durs affrontements politico-sociaux, parmi lesquels le plus aigu fut celui de juillet 48, suite à l’attentat perpétré contre Togliatti, et qui provoqua un véritable mouvement insurrectionnel (d’ailleurs endigué par Togliatti lui-même) et dans la poursuite d’une lutte armée déterminée contre fascistes, patrons et cléricaux (la « Volante rouge »). Finalement, l’œuvre de compromission des néo-révisionnistes s’imposa: « épuré », le PCI remplit les prisons (vidées de fascistes grâce à une amnistie conciliatrice) de partisans. Le PCI démarra son chemin institutionnel qui, de repentir en repentir, devait l’amener à se transformer en pilier de l’ordre capitaliste-impérialiste.

Cette affirmation du révisionnisme fut avant tout rendu possible par les insuffisances de la ligne de gauche interne au PCI. Elle ne réussit pas, à vrai dire, à se constituer en véritable, en ligne organique, à faire un travail de fraction (selon la conception léniniste) et en préparant ainsi la reconstitution du parti par la rupture inévitable, en développant le formidable potentiel révolutionnaire exprimé par la Résistance. Plusieurs facteurs accumulés des années durant avaient pesé sur ce résultat, en particulier le poids du dogmatisme, c’est-à-dire de cette tendance qui, s’enfermant dans la défense des principes idéologiques, n’arrive pas à les traduire, dans une articulation politique vivante, en une ligne et une stratégie adéquates à la situation, en praxis révolutionnaire.

Il n’y a pas eu la capacité d’agir, d’articuler la lutte entre deux lignes (selon la conception maoïste) ; il y a eu par contre subordination à la dérive bureaucratique du centralisme démocratique, par laquelle la direction révisionniste arrivait à contrôler le PCI. Mais les ambiguités programmatiques de la Résistance pesèrent aussi (et cela dans toute l’Europe occidentale). Elles amenèrent à l’abandon de l’objectif de la révolution socialiste, à la faveur du « compromis démocratique ». Sur ce nœud fondamental, la gauche avait été incapable de se constituer en tant que telle.

Ainsi, une grande bataille pour la reconstruction du mouvement communiste démarra dans les années ’60 et aboutit à la reprise révolutionnaire en 1968/69. Cette reprise dans les pays impérialistes gravitait autour de l’épicentre  révolutionnaire de ces décennies là, déplacé dans les périphéries opprimées par le colonialisme. Ici, la lutte révolutionnaire s’embrasait et les avancées furent historiques: Chine, Vietnam, Algérie, Cuba, etc.

Tandis que le révisionnisme et le réformisme, dans les pays impérialistes, trouvaient une base matérielle importante dans le puissant développement capitaliste qui suivi les colossales destructions de la deuxième guerre mondiale, dans les surprofits du pillage colonial et dans le consumérisme de masse.

Les forces révolutionnaires, réduites au minimum, commencèrent à se reconstituer dans les années ’60, en osmose avec la nouvelle vague internationale mentionnée. Mao et le PCCh ne menèrent pas seulement une bataille ouverte contre la vague révisionniste déclenchée par Khrouchtchev en URSS, ils lancèrent aussi la Révolution Culturelle Prolétarienne qui fut un pas énorme pour dépasser les limites et les contradictions de l’édification socialiste, et la prise en compte du fait que la lutte de classe continue aussi dans ce cadre et qu’il fallait avancer en s’appuyant sur la mobilisation des masses, sur leur protagonisme conscient et critique. Ce fut un grand pas en avant par rapport à la vision « économiste » qui avait prévalu en URSS. Le développement de forces productives est surement fondamental, mais conjointement à la transformation des rapports sociaux de production.

Enfin, la révolution en Chine rétablissait qu’il ne peut pas y avoir de « coexistence pacifique » avec l’impérialisme et que l’unique perspective était l’internationalisme prolétarien en soutien à toutes les révolutions dans le monde.

Ce furent ces précieux apports qui permirent de retrouver des points de repère et un élan, en confirmant que la révolution est mondiale dans sa substance et sa dynamique et qu’elle est nationale dans sa forme spécifique.

La Révolution Culturelle en Chine et les mouvements de libération nationale anti-impérialiste à l’offensive sur une grande partie du Tricontinent, exercèrent une influence positive aussi sur la situation politique du pays impérialiste. Ils contribuèrent en particulier à la caractérisation anti- révisionniste et anti impérialiste du tissu d’avant gardes qui allait en se formant dans les mouvements de masses surgis des contradictions du mode de production capitaliste, contradictions qui se représentaient dans la crise latente, depuis la deuxième moitié des années ‘60.

En Italie, au cours des années 1968/69, la soudure entre la partie prolétarienne du mouvement étudiant (qui, à partir de la critique de « l’école des patrons », a fait murir la détermination à se libérer de la tutelle révisionniste) et l’avant garde ouvrière qui expérimentait la trahison syndicale des intérêts de classe, se confirma.

Il se forma ainsi un grand camp prolétarien révolutionnaire au sein duquel se développa la conscience que l’émancipation de classe, dans le contexte de la crise générale montante du système ne pouvait plus se développer uniquement sur le terrain de luttes économiques, mais qu’il fallait poser à nouveau la question politique: la nécessité d’arracher le pouvoir des mains de la bourgeoisie. La révolution prolétarienne redevint une perspective praticable pour une partie significative de l’avant-garde de la classe. Et un débat et une opposition entre groupes révolutionnaires se développa sur les parcours à entreprendre. La phase de « l’assaut du ciel » comme présupposé le débat sur l’utilisation de la force et de la violence prolétarienne, d’où découleront parcours d’organisation de l’offensive et de la lutte armée. Les mouvements de masse comme celui de 1977 se posèrent sur ce terrain. Les organisations d’avant-garde, dont les Brigades Rouges furent le principal exemple, se mesurèrent à la tâche de rassembler et développer cet élan prolétarien, en arrivant à poser une véritable hypothèque sur la question de la prise du pouvoir.

Retraite stratégique et redéfinition dans les annees ‘80

Dans ce processus, en Italie, les forces révolutionnaires se sont définies au fur et à mesure en opposition aux différentes dérives révisionnistes: définition des BR et de l’aire de l’Autonomie Ouvrière, (par rapport à la dérive des groupes extraparlementaires inconséquents sur le plan de la stratégie révolutionnaire et, finalement, résorbés dans l’orbite institutionnelle) ; redéfinition des B.R. et des autres rares forces après la défaite de la phase de 1980/82 vis-à-vis de la dérive repentiste-dissociative ; redéfinition ces dernières années par rapport au « mouvementisme » prévalent et à un certain « marxisme-léninisme-maoïsme » inconséquent.

Pour notre part, à l’intérieur de l’aire révolutionnaire, en tant que parcours de construction, où le sigle PCP-M, plus qu’un nom formel, est un objectif concret à atteindre, nous provenons de ces différentes étapes et essayons d’en récupérer le meilleur, de le ré-élaborer dans des formes adéquates au présent.

1982 a été une année historique. C’est l’année où se sont révélés tous les nœuds politiques irrésolus du mouvement révolutionnaire, à l’apogée du grand cycle des années ‘70. La lourde défaite tactique imposa la fameuse « retraite stratégique ». Il n’était plus possible de continuer comme avant: il fallait réorganiser les rangs sur des positions soutenables.

Ce furent des années de grandes débandades: dissociation et capitulation se confondaient avec le recul général de la classe et avec l’émergence correspondante des phénomènes sociaux négatifs qui feront la nouveauté des années ‘80.

Un des facteurs qui a pesé sur la débandade des forces révolutionnaires a été les restructurations et fermetures d’usines. Ce fut la grande occasion pour le patronat d’expulser les secteurs plus avancés dans la classe ouvrière. Le PCI et la CGIL se mobilisèrent aux côtés du patronat dans le travail de criminalisation des instances de classe avec le fichage massif des avant-gardes ouvrières, avec l’intoxication et les divisions au sein du mouvement ouvrier.

La bourgeoisie, après la phase de défensive des années ’70, déploya ses contremesures de caractère répressif: lois spéciales, militarisation du territoire, arrestation en masses et torture des militants(e)s capturé(e)s.

Ce furent des années de réaction bourgeoise. La bourgeoisie qui avait tant maudit les années ‘70 exaltera ces années de désagrégation sociale croissante et de retour de pires instincts égoïstes et concurrentiels.

La réflexion, le débat les tentatives de redéfinition au sein du mouvement révolutionnaire furent difficiles et se prolongèrent dans le temps. Un moment important fut le débat interne aux B.R., qui aboutit à la séparation de ladite « deuxième position ». Tandis que les B.R. proposaient une continuité substantielle et cohérente, la « deuxième position » voulait surmonter les limites évidentes qui étaient apparues dans le cycle qui s’était terminé.

Les limites de subjectivisme, c’est-à-dire d’une stratégie qui se démontra insuffisante à conduire un processus révolutionnaire, en tant que processus qui doit réussir à impliquer les masses, et cela en apprenant à agir sur les différents plans: stratégique et idéologique avant tout, en tant que moteurs fondamentaux, mais aussi sur les plans de la tactique, de l’expérience et de l’organisation des masses, des luttes économiques et mêmes culturelles, en sachant les ramener à une unité de buts et d’étapes politiques — en tant qu’unité tendancielle et non immédiate.

Ces limites sont aussi dues aux inévitables approximations de l’affirmation novatrice et historique de l’élément stratégique de la lutte armée. Cette affirmation essentielle qui redonnait corps à la voie révolutionnaire ici, dans les pays impérialistes, mais qui paya précisément le prix de sa jeunesse, des débuts.

Les limites du cadre international et de la phase. Dans la foulée de succès locaux, on a négligé la dimension internationale du processus révolutionnaire et le fait que ce n’est qu’en sachant apprécier les possibilités et les contraintes posée dans don aire géopolitique (mais aussi internationale), que l’on peut penser, sinon vaincre, du moins à un développement dans toute l’aire – en préparant le terrain pour des succès peut-être plus lointains mais plus sûrs.

C’est une question vitale, de première importance, pour toute tentative révolutionnaire. Il suffit de mesurer le poids qui cela prend aujourd’hui au Népal, comme celui que cela a pris hier au Pérou. Cela signifie, pour synthétiser à l’extrême, qu’il ne faut pas foncer tête baissé, mais savoir manœuvrer en passant aussi par des phases de replis et de préservation des forces, en sachant gérer la confrontation politico- militaire sur le long terme et en évitant les dérives militaristes.

Cela se fut la grande erreur après l’enlèvement d’Aldo Moro: se retrouver avec une force grandissante mais sans la capacité politico-stratégique de la projeter sur une longue phase d’accumulation de forces et de développement de l’autonomie de classe. C’est pour cela que le saut au Parti, objectif toujours poursuivi mais jamais réalisé, était nécessaire.

C’est d’ailleurs autour de ce nœud décisif que l’on pouvait mesurer les différentes limites des stratégies que l’on suivait depuis les débuts. Surtout les limites du subjectivisme: on s’attardait trop au développement de l’affrontement, en espérant que la solution aux problèmes se trouvent dans l’élévation du niveau de l’affrontement, même si la conception selon laquelle on avance en développant la praxis dans le vif de la lutte est positive, alors que le progrès est aussi question de définition politico-idéologique à approfondir et à élargir.

Faire le saut du Parti cela signifie aussi: réaliser un saut décisif de qualité dans la définition politico-idéologique, en élargir l’horizon (historique et international), élaborer un projet stratégique capable de tenir sur une longue période. Au lieu de cela s’imposa l’escalade militaire, avec les résultats que l’on connaît. Sur ce point, la « deuxième position », en allant à fond dans l’analyse de forces actuelles dans le camp révolutionnaire international et en revenant aussi à la valorisation des références MLM, en tirait les conclusions sur le plan de la dynamique du processus révolutionnaire dans les centres impérialistes.

Et avant tout, la distinction entre phase non-révolutionnaire, phase révolutionnaire en développement et phase de crise révolutionnaire. Cette distinction fondamentale signifie fonder objectivement, c’est-à-dire sur les possibilités matérielles d’une situation donnée, le processus révolutionnaire, et non le fonder sur les forces accumulées dans un cycle de lutte comme celui allant de ’68 à ’80.  Ces forces, pour considérables qu’elles soient, ne peuvent suffire si la situation n’est pas révolutionnaire. Comme Lénine a dû le définir :

« Pour un marxiste, il est hors de doute que la révolution est impossible sans une situation révolutionnaire, mais toute situation révolutionnaire n’aboutit pas à la révolution. Quels sont, d’une façon générale, les indices d’une situation révolutionnaire? Nous sommes certains de ne pas nous tromper en indiquant les trois principaux indices que voici :

1) Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée; crise du « sommet », crise de la politique de la classe dominante, et qui crée une fissure par laquelle le mécontentement et l’indignation des classes opprimées se fraient un chemin. Pour que la révolution éclate, il ne suffit pas, habituellement, que « la base ne veuille plus » vivre comme auparavant, mais il importe encore que « le sommet ne le puisse plus ».

2) Aggravation, plus qu’à l’ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées.

3) Accentuation marquée, pour les raisons indiquées plus haut, de l’activité des masses, qui se laissent tranquillement piller dans les périodes « pacifiques », mais qui, en période orageuse, sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par le « sommet » lui-même, vers une action historique indépendante.

(…) C’est l’ensemble de ces changements objectifs qui constitue une situation révolutionnaire. (…) la révolution ne surgit pas de toute situation révolutionnaire, mais seulement dans le cas où, à tous les changements objectifs ci-dessus énumérés, vient s’ajouter un changement subjectif, à savoir: la capacité, en ce qui concerne la classe révolutionnaire, de mener des actions révolutionnaires de masse assez vigoureuses pour briser complètement (ou partiellement) l’ancien gouvernement, qui ne « tombera » jamais, même à l’époque des crises, si on ne le « fait choir ». » (Lénine : La faillite de la IIe Internationale).

C’est donc la détermination concrète d’une situation révolutionnaire, le moment où l’initiative subjective du Parti peut se poser comme objectif concret le renversement de l’Etat bourgeois, la prise du pouvoir et sa défense (plus ou moins prolongée) par la guerre civile.

L’importance de ces précisions de Lénine consiste à avoir distingué le rôle et le poids des forces, parmi lesquelles les forces objectives recouvrent un rôle fondamental. En absence de ces conditions objectives tout « assaut au ciel » ne serait fondé que sur la volonté, sur la détermination subjective. Et c’est ce qu’on pouvait conclure comme évaluation générale sur les coups de forces opérées en Italie entre ’78 et ’82. Autant cela a été une bataille juste que d’affirmer la lutte armée comme forme concrète de la politique révolutionnaire aujourd’hui, autant une situation révolutionnaire n’était par encore déterminé. L’affrontement et la construction politico-militaire devaient s’articuler et s’étaler sur des temps plus longs, en considérant la manière dont la crise générale capitaliste traine.

Il fallait plus précisément comprendre la grande différence dans le développement du processus révolutionnaire dans les pays du centre impérialiste et dans les pays de la grande périphérie, opprimés par l’impérialisme. Pour ces derniers, on peut dire que les conditions objectives sont fréquemment proches de la situation révolutionnaire, tant s’y produisent régulièrement des explosions populaires et des insurrections armées. Tandis qu’à l’évidence, dans les centres impérialistes, la richesse accumulée par le pillage mondial et historique, la force économique qui en résulte, la solidité et la présence de l’Etat sur le territoire, déploient des capacités bien autres de prévention et de contrôle du conflit social.

La force économique a permis l’élargissement des classes moyennes et même d’un minimum de bien-être aux couches supérieures de la classe ouvrière, en diluant ainsi la contradiction de classe, et en permettant un contrôle social plus « pacifique », diffus et efficace. Cela a aussi permis la transformation de la collaboration de classe, conduite par les révisionnistes et les réformistes, sous les formes et structures de cooptation corporative. C’est notamment le cas des couches supérieures des institutions du vieux mouvement ouvrier qui se sont intégrées au système de pouvoir économique et politique (que l’on ne pense qu’aux coopératives).

Cela, ainsi que d’autres phénomènes, ont formé la substance de « l’Etat de contre-révolution préventive », ajoutant à la répression et à la prévention les contrôle/cooptation/corruption servant à s’opposer préventivement à la tendance révolutionnaire propre à la classe. La « situation révolutionnaire » murit beaucoup moins fréquemment et suite à une longue gestation.

La distinction des facteurs et des forces déterminant la « situation révolutionnaire » a permis une autre réflexion fondamentale: celle de la relation entre la dynamique de masse et la dynamique subjective des forces révolutionnaires (du Parti). Puisque sur ce plan également, la confusion avait été considérable. On tendait à la confondre, à l’aplatir, à voir le processus révolutionnaire comme une accumulation linéaire de forces de masse et d’avant-garde.

La « deuxième position » critique la « stratégie guérillera » selon laquelle tout tourne autour de la construction de l’Organisation, « en relation avec les instances de l’autonomie de classe » bien entendu, mais sans entrer à fond dans les problématiques de la dynamique de masse, sans considérer que l’organisation de masse n’est pas seulement terrain de soutien et alimentation pour l’organisation, mais qu’elle doit être une force en tant que telle, « indépendante », capable de devenir sujet révolutionnaire lors de la « phase de crise révolutionnaire ». C’est à dire de devenir ce « soviet » qui comme l’histoire nous l’a appris, sont protagonistes essentiels, avec le Parti, de la victoire. Le développement de cette thématique  — le rapport Parti/masse — deviendra extrêmement intéressant au fil des années parce que, comme on sait, les évènements internationaux (‘89…) ont été un séisme qui a obligé à reconsidérer à fond notre histoire. Le recul idéologique global sur des positions spontanéistes- mouvementistes a obligé à considérer plus scientifiquement le rôle du Parti.

En tant que dialectiques, il faut développer le rapport de réciprocité :

1- le rapport Parti/masse est entre deux sujets et non pas entre sujet (actif) et objet (passif).

2- Dans ce rapport, le Parti est l’aspect principal parce qu’il est le porteur d’idéologie, de programme, de stratégie et de ligne politique qu’en tant sujet qui élabore et synthétise l’expérience historique des masses. Il est le porteur des objectifs et du projet révolutionnaire. Pourtant les masses en sont les protagonistes sans lesquelles aucun processus révolutionnaire n’est concevable. Protagoniste qui prendra au fur et à mesure plus de conscience et de rôle en portant l’élan social qui concrétise l’intérêt antagoniste de la classe prolétarienne.

3- Le contenu de la transition révolutionnaire au socialisme consistera aussi en la progressive accession à toutes les fonctions sociales de la part des masses organisées. Ce qui n’adviendra pas facilement, mais dans le vif de la lutte de classe et sous la forme de révolutions culturelles successives, ce que permettra  de fonder matériellement et dialectiquement le processus d’extinction de l’Etat et du Parti.

Finalement, à la fin des années ’80 et ensuite dans les années ’90, la « deuxième position » développa une élaboration et amorça une pratique en dépassement de la « stratégie guérillera » qui, trop centrée sur le fait organisationnel, s’interdit une authentique dialectique avec les masses.

Nous croyons que cela a été une étape politique juste et nécessaire, parce qu’elle permet de réactiver une dynamique et un enracinement au cœur de la classe ouvrière, du prolétariat. En rendant compte du rôle de chacun, en construisant de façon que puisse s’exprimer une véritable dialectique, il sera aussi possible de surmonter le préjugé et méfiance anti-parti (aujourd’hui diffuse) — justement parce qu’il faut dépasser certaines erreurs du passé, en particulier l’arrogance dogmatique et idéaliste.

Enfin la question de la lutte armée. Comment fallait-il la requalifier suite à la lourde défaite des années ’80? La grande erreur, qui fut d’absolutiser une instance correcte, était induite par les différentes erreurs que nous avons traitées: incompréhension du caractère objectif des phases et du cours prolongé de la crise générale capitaliste, et donc des possibilités et des limites matérielles pour le processus révolutionnaire ; surévaluation de la dynamique des masses et du rapport parti/masses.

Essayer d’approfondir ces questions a signifié avant tout refuser les différents liquidationnismes et le retour en arrière aux petits partis « marxistes-léninistes » légalistes et purement idéologiques,  signifia affronter que même dans les phases non révolutionnaires il est nécessaire et possible de greffer l’emploi de la lutte armée, à des degrés et intensité bien différentes naturellement, parce que une politique révolutionnaire est, en contenu et forme, une politique armée. Par ailleurs il fallait décidément remoduler son utilisation.

Et précisément, pour toute la phase de démarrage et d’affirmation du processus révolutionnaire, il faut bien éclaircir que « l’utilisation des armes est pour faire de la politique ». Alors que dans les phases montantes de ce processus, la lutte armée répond aussi à des exigences proprement militaires (attaque et désagrégation des forces réactionnaires), dans la phase de démarrage, la grande exigence est politico-idéologique. C’est ce qui est aussi défini comme la phase de la « propagande armée ».

A l’époque de l’impérialisme, l’affrontement des classes s’approche toujours plus du moment décisif et, logiquement, la contre-révolution élève le niveau de violence en essayant de prévenir l’offensive prolétarienne (et pas seulement épisodiquement, comme conséquence des attaques subies).

La « théorie de deux temps » – accumulation de forces par des méthodes pacifiques, ensuite insurrection – qui eut grand cours dans la phase de développement capitaliste de l’après-guerre est absolument hors jeu. Il faut en prendre acte, en tirer les conséquences. Il ne s’agit pas seulement, ni principalement de répondre (c’est-à-dire de réagir à une répression sophistiquée), mais de tenir ce terrain qui logiquement et inévitablement doit être tenu étant donnée l’actuelle forme du conflit de classe.

Ces postulats, fruits de la réélaboration de l’expérience du cycle précédant, vont s’intégrer à ceux provenant des pointes avancées du processus révolutionnaires dans le monde. Tant le Parti péruvien (le PCP-SL) que le népalais (PCN-M) ont revu certaines interprétations maoïstes, très sceptiques sur les possibilités révolutionnaires dans les centres impérialistes et qui confinaient les communistes à une phase indéterminée d’accumulation pacifique de forces. Tout particulièrement Gonzalo (dans une fameuse interview de ‘88)  reconsidérait certaines évaluations liquidatrices fournies par le MRI sur la lutte armée en Europe.

Tout en gardant la critique aux différentes limites de subjectivisme et d’éclectisme, il réévaluait ces expériences de lutte armée dans le but d’arriver à déclencher un processus révolutionnaire, en considérant notamment l’approfondissement de la crise générale historique du capitalisme et la nécessité de trouver une perspective pour la vague révolutionnaire à venir, dans les centres impérialistes également. Dans ceux-ci, évidement, il s’agit encore de trouver la voie concrète, l’articulation spécifique pour la GPP: pour cela, les expériences de luttes armées ont été en quelques sortes une anticipation concrète où puiser et apprendre.

Bien entendu, ces expériences sont à considérer à l’aune de la stratégie de la GPP en tant que doctrine générale, synthèse des acquis de caractères universel du mouvement communiste international, jusqu’à aujourd’hui. Il faut considérer que les marges d’applications sont bien différentes de région à région et que les expériences de luttes armées se sont démontrées fort utiles pour concrétiser la voie révolutionnaire dans les centres impérialiste. Les deux partis sont revenus sur cette réélaboration en d’autres occasions, au cours des dernières années. Comme le disent les camarades népalais: « En outre, après 1980, il y  a eu un significatif changement dans la conception prévalente du modèle révolutionnaire.

Aujourd’hui, il est devenu essentiel de concevoir la stratégie de l’insurrection et celle de la GPP comme fortement liée en un modèle unique. Si nous ne les comprenons pas en ces termes, une vraie révolution est presque impossible dans n’importe quel pays » (Le grand saut en avant: une inévitable nécessité de l’histoire, PCN-M, février 2001).

Enfin, un passage formel a été le passage de la référence historique au PCC (Parti Communiste Combattant) à cette nouvelle formulation: PCP-M (Parti Communiste Politico-Militaire). Formulation qui rend compte, en un certain sens, du chemin fait, de la différence de conception dépassant la matrice originelle « lutte-arméiste » de type subjectiviste. En fait, le PCC est la forme exprimée par la « stratégie de la lutte armée », par la « stratégie guérillera ».

Du point de vue de la substance, PCP-M veut dire: mettre l’accent sur la dimension globale de l’affrontement, sur la synthèse nécessaire de différents éléments, sur le fait que sans cette synthèse ne peut exister ni de Parti, ni de politique révolutionnaire — et sur le fait que la politique prime sur le militaire. Cela veut dire mettre en évidence les rapports dialectiques internes qui régissent cette entité: le Parti. Soulignons encore que ce sigle trouve sa signification en tant qu’il explicite un objectif fondamental à atteindre, c’est-à-dire la nature et le caractère du Parti et de sa stratégie. C’est surtout une question de substance, au-delà de la forme nominale que cela pourra prendre dans le parcours à venir.

Centralité de la définition idéologique

Restituer avec plus d’exactitude l’expérience dans le contexte international et historique, ramenait aussi à une définition théorico-idéologique plus précise. En considérant qu’au cours des années ’70 un certain éclectisme idéologique s’était affirmé.

Il avait été important, au début, de savoir regarder les expériences différentes et actuelles du mouvement communiste international, en visant une synthèse originale et critique par rapport aux erreurs du passé. Mais on a fini par puiser indifféremment à des apports contradictoires, en opérant des combinaisons improbables. Parmi bien d’autres, celle entre le foquisme guévariste et la théorie de la GPP de Mao.

Comprendre l’apport utile et dynamique de certaines expériences était sans aucun doute juste, mais à condition d’en discerner aussi les limites et les erreurs de conception, surtout idéologiques. Ce fut le cas avec les Tupamaros d’Uruguay et d’autres guérillas latino-américaines dans lesquelles était présente, à des degrés différents, une veine subjectiviste, en particulier militariste. Cette veine subjectiviste s’amplifia sur notre terrain de formation sociale impérialiste. La jeunesse du parcours et l’expérimentation nécessaire exposaient aussi aux risques de déviation, ce qui traversa les différentes composantes révolutionnaires. Ce sont sur ces déviations et glissements que la vague de dissociation prendra ensuite appui, en profitant et en approfondissant le défaut d’homogénéité et la fragilité idéologique.

La redéfinition idéologique devint ainsi un passage très important pour la réorganisation des rangs révolutionnaires durant les années ’90: reprise (critique) du patrimoine du mouvement communiste international et, en particulier, reconnaissance de sa synthèse assumée au niveau international, c’est-à-dire le marxisme-léninisme-maoïsme. Le rôle assumé par le processus révolutionnaire au Pérou, par la GPP que le PCP-SL a réussi à impulser et à développer avec une remarquable efficacité, a été fondamental en ce sens.

C’est justement dans les terribles années ’80, années de contre-offensive réactionnaire virulente dans le monde, que le PCP-SL et sa GPP ont relevé le drapeau de la Révolution mondiale et fournit un grand apport idéologique en réélaborant et en relançant le M-L-M.
La rigueur et la clarté idéologique avec lesquelles le PCP-SL a assumé cette tâche est un mérite indiscutable, une contribution certaine à la reprise du mouvement communiste international.

Cette nouvelle avancée confirmait d’ailleurs également que l’épicentre révolutionnaire est encore aujourd’hui la grande périphérie des peuples opprimés et dépendant de l’impérialisme — le Tricontinent — et que la contradiction principale est celle qui oppose peuples opprimés et impérialisme. Ce qui renvoie à la grande question déjà traitée sur les temps de maturation de la phase révolutionnaire dans les centres impérialistes, et à la capacité de développer la stratégie spécifique durant ces temps, et de façon organique, en fonction de la centralité de la Révolution dans les périphéries.

Disons que le nouvel apport péruvien, et la redéfinition M-L-M plus générale, ont donné lieu à des résultats différents: à de nouvelles formes de dogmatisme par exemple, à des triomphalismes déplacés, à de l’idéalisme. Cela est encore compensé par la réalité révolutionnaire dans certains cas (dans les aires où la GPP est enracinée), mais ici, cela a donné lieu à des résultats grotesques de groupes aussi grandiloquents qu’opportunistes dans la pratique.

Ces groupes qui se sont bien gardés de toute pratique armée et qui font véritablement œuvre d’imposture, en arrivant à proclamer la GPP, au moment de la constitution de leurs soi-disant partis: (n)PCI, Parti des CARC, PCM d’Italie… pour révéler une GPP menée à coup de bulletins électoraux!

Modestement, nous pensons que — surtout après les mésaventures qui ont suivi la dégénérescence définitive de l’ex-camp socialiste — le mouvement communiste doit récupérer un style plus modeste et scientifique. Scientifique, cela veut dire justement le contraire de ces attitudes triomphalistes, arrogantes, de prétendue supériorité. Cela veut dire assumer les différentes contradictions et limites héritées du passée, les affronter, essayer de les comprendre et, avec une approche scientifique précisément, trouver des solutions. En sachant aussi que la méthode scientifique comporte aussi beaucoup d’expérimentations, qu’elle approche de la vérité par approximations. L’apport même de la révolution chinoise et du maoïsme connaissent des limites: la révolution culturelle n’a-t-elle pas été défaite?

Cette question de « méthode » nous ramène à une précédente: le rapport parti/masses. Il faut cesser de se présenter, en tant que parti, comme protagoniste exclusif, dirigeant toujours et partout. Il faut aussi permettre à la dynamique de masse de trouver sa place dans une dialectique authentique et saine: le Parti s’affirme quand il en est capable (et pas par droit statutaire), dans la mesure où il sait s’acquitter de son rôle (et qui ne peut l’être au niveau des masses), sinon l’on risque les notoires dérives autoritaires/dogmatiques.

Avec ceci d’aggravant qu’aujourd’hui la méfiance envers ces dérives est bien plus présente et qu’il faut, justement, savoir y répondre si l’on prétend être Parti. Il faut la conscience que le rôle dirigeant ne se proclame pas, mais qu’il est le résultat de la vérification concrète, dans la praxis, et qu’il n’est pas acquis de manière permanente. Sur toutes ces questions, l’apport actuel des partis népalais et indien est très intéressant, autant que celui du péruvien qui a du surmonter une phase de graves difficultés dues, en partie, à des problèmes de cet ordre.

Dans notre situation actuelle d’otages aux mains de l’ennemi de classe, nous ne sommes sûrement pas dans la condition de pouvoir donner à notre réflexion une synthèse en forme d’indications conclusives qui, nécessairement, plus que d’autres choses, demandent une vérification pratique et un bilan concret du travail d’enracinement et de construction organisationnelle. Pour cela, nous nous limitons à des considérations de caractère général, et à des éléments méthodologiques utiles au développement correct du travail.

Quelques considérations provisoires en conclusion

La révolution est mondiale dans son contenu et sa dynamique générale, elle est nationale dans sa forme spécifique. Cette thèse est notre boussole. Plus encore aujourd’hui, tandis que l’approfondissement de l’intégration mondiale entre les différentes aires s’accentue et impose une dynamique d’ensemble. Depuis les années ’80, la crise générale capitaliste a donné l’impulsion à une énorme relocalisation de cycles productifs selon les critères du taux d’exploitation maximal possible — jusqu’à arriver à la situation actuelle où de nouveaux impérialismes se sont affirmés, et une classe ouvrière géante est présente sur tous les continents.

L’actuelle géographie du mouvement révolutionnaire international est clairement en correspondance avec cette nouvelle situation. Il traverse tout le Tricontinent, y compris les nouveaux impérialismes, tandis que dans les vieilles aires impérialistes comme la nôtre, la dynamique est encore différente et, dans une certaine mesure, séparée.

Ce qui pourtant ne doit pas nous empêcher d’évaluer les expériences avancées et d’en reconnaître les apports de caractère international et universel. Le principal en est: la voie révolutionnaire est possible et la GPP est la stratégie universellement valable pour les peuples et les classes opprimées. Bien que complexe, et alors que son articulation en formes spécifiques aux vieilles aires impérialistes soit à « expérimenter », cette stratégie est possible, et sa concrétisation est l’élément de force qui peut nous unir au puissant fleuve du mouvement révolutionnaire internationaliste.

Aujourd’hui, en Italie, dans l’aire euro-méditerranéenne, on commence à distinguer les prémisses de la vague révolutionnaire, mais les prémisses seulement. Cela signifie que l’on peut travailler aux conditions subjectives, qu’il faut apprendre, dans toutes les directions.

Justement parce que la révolution, ici, est encore arriérée, la solution de problèmes et de définitions politico-idéologiques doivent être affrontée de la manière la plus scientifique possible. Une conséquence de cette situation arriérée des forces révolutionnaires, c’est l’hégémonie révisionniste/réformiste sur la classe. Cette hégémonie est le reflet superstructurel du rapport de domination impérialiste. Sur cette vérité, nous devons développer une conception classiste de la contradiction impérialisme/nations opprimées.

Il faut comprendre à quel point ce nœud est lié à la contradiction de classe dans les pays impérialistes, et comment les deux contradictions, en se développant, se nourrissent réciproquement. Dans notre situation spécifique, la synthèse que nous pouvons essayer d’opérer se base sur les apports précédents et sur les possibilités nouvelles que la phase historique nous présente.

Les communistes disposent de certains éléments fondamentaux de compréhension de la réalité du mode de production capitaliste, et donc du possible parcours pour parvenir à son renversement. Il y a des éléments importants, mais qui ne doivent pas être contemplés de façon idéalistes comme le font les dogmatiques. Contre ces derniers, il faut développer la lutte idéologique, en posant la nécessité de la praxis comme vérification suprême.

Donc la chose la plus importante est de réussir à formuler et indiquer dans la praxis quelques pas à faire dans cette phase et affronter la définition de stratégie et ligne politique. S’il est difficile d’imaginer quelle sera la concrétisation spécifique de la GPP dans les vieux pays impérialistes (puisqu’il n’y a pas de précédant historique suffisant) et donc si c’est de l’idéologisme creux (et de l’opportunisme concret) de proclamer la GPP comme pure scénographie imaginaire, il est par contre possible et nécessaire d’indiquer dans la pratique à la classe quelques pas de démarrage, d’ouverture du chemin.

Dans cette perspective, il est alors utile d’analyser la situation et les expériences révolutionnaires de notre aire géopolitique pour en récupérer le fil rouge. Par exemple, il semble acquis qu’ici la dynamique de maturation de la phase révolutionnaire est bien différente que dans le Tricontinent, où la somme de l’oppression nationale de la part de l’impérialisme et de l’oppression de classe, a déterminé une situation sociale moyennement critique et chargée de développement révolutionnaire.

Historiquement cela a impliqué que l’apport théorico-pratique relatif à la construction concentrique des « trois instruments » de la révolution — Parti, Armée, Front — tout en étant de caractère universel, est marqué du fait qu’il a été forgé et qu’il s’est développé dans les expériences concrètes et spécifiques de GPP du Tricontinent.

A la double oppression dans le Tricontinent, correspond, en conséquence, une très large disponibilité populaire à l’action révolutionnaire, favorisée aussi par la moindre représentativité et solidité de l’Etat sur le territoire. Tout ce qui, historiquement et actuellement, favorise la construction de zones libérées par les forces révolutionnaires. Dans ce contexte, la possibilité de construire des zones libérées est décisive tant pour la GPP que pour sa phase préparatoire. La possibilité concrète de développement de la GPP, dirigée par les partis communistes, amène aussi à façonner quelques formes de l’organisation des masses. C’est-à-dire qu’elle met le Parti en condition d’agir efficacement sur la dialectique entre les formes stratégiques et les formes tactiques, de diriger la guérilla et façonner les organismes de masses, en alimentant ainsi le processus jusqu’à la construction d’embryons de nouveau pouvoir populaire et d’armée populaire de libération.

Ce processus de construction d’un nouveau pouvoir se caractérise par l’existence d’un large éventail social intéressé par l’objectif de la libération national contre l’oppression impérialiste et les rapports sociaux semi- féodaux qu’il entretient. Un front dans lequel convergent également des forces de types bourgeois, et qui peut être dirigé par les communistes selon la conception maoïste de Révolution de Nouvelle Démocratie (révolution démocratique bourgeoise dirigée par la classe ouvrière, à travers le PC).

Pour nous, dans les vieux centres impérialistes, le problème se pose différemment. Ici, il est immédiatement question de révolution prolétarienne socialiste, et les problèmes à résoudre concernent la concrétisation de ses formes et parcours sans pouvoir compter sur les « avantages » relatifs présents dans les formations sociales de la périphérie. Ici, le parcours à faire est entièrement interne aux dynamiques politico-sociales métropolitaines. Il ne peut pas s’appuyer sur la formation d’un nouveau pouvoir, sinon compris comme force grandissante de l’autonomie de classe et de la disponibilité à l’affrontement.

Le développement politico-organisationnel est coude à coude avec la contrerévolution, dans une situation d’encerclement visant à des ruptures et à des sauts en avant de maturation d’ensemble de la classe — jusqu’au passage décisif, à savoir la précipitation d’une phase révolutionnaire où apparaît la disponibilité de secteurs importants des masses à l’affrontement pour arracher le pouvoir à la bourgeoisie impérialiste.

A la différence de la forme de GPP pratiquée dans le Tricontinent, dans les métropoles impérialistes, le caractère politique de l’affrontement et de la construction organisationnelle sera dominant, et c’est la précipitation de la phase révolutionnaire qui déterminera les conditions objectives pour le saut subjectif à la véritable guerre révolutionnaire. En ce sens, l’exemple plus proche de nous reste celui de la Révolution russe où le caractère classiste fort, centré sur les agglomérations urbaines-industrielles, détermina un déroulement de la GPP à l’envers, avec en premier la maturation de l’affrontement politico-militaire dans les villes (avec y compris, justement, une pratique armée de Parti), ensuite l’insurrection, et enfin trois années de guerre civile avec la conquête des campagnes et du pays.

La Révolution russe a également suivi les étapes d’une GPP, bien que ce fut une GPP pas encore formulée théoriquement (ce qui sera mérite spécifique de Mao et du PCCh), mais bien réelle dans sa substance.

Dans les anciennes métropoles impérialistes même la distinction même en trois phases prendra des caractères différents que dans le Tricontinent. On peut supposer que l’équilibre s’efface largement, que la défensive très prolongée, marquée par l’accumulation de forces révolutionnaires, se transforme rapidement en offensive caractérisée par des assauts de type insurrectionnel.

Dans ce schéma, l’initiative d’attaque se qualifie en tant que trait constitutif, en tant qu’instrument essentiel du Parti prolétarien qui lutte pour le pouvoir, mais dans une dimension d’affrontement politique entre les classes tendant à la guerre.

Mais pas encore « guerre »! Car on ne peut pas parler de guérilla comme de « guerre de basse intensité », mais bien plutôt d’initiative d’attaque comme moyen de lutte politique, de politique avec les armes.

Dans l’expérience italienne du cycle 70/80, un grand saut en avant du mouvement révolutionnaire consista dans l’inversion du schéma lutte économique/lutte politique, dans la compréhension qu’il faut se donner les moyens pour « faire de la politique » pour poser concrètement le terrain de l’affrontement classe/Etat. Cela en valorisant le plan de la lutte économique, capital/ travail ; justement dans la mesure où on le synthétise sur le plan supérieur général ; et en dépassant l’écueil économiste/syndical au sein de la classe ouvrière.

Faire de la politique au sens léniniste, ce n’est pas une agitation générale de principes idéologiques, mais bien plutôt savoir les traduire entre une stratégie et une praxis qui pèsent concrètement sur le rapport de force général entre les classes. Sans l’élément stratégique, l’accumulation de forces est sans base matérielle de construction, elle tourne à vide, et finit par tomber dans l’économisme et/ou se subordonner à la politique institutionnelle bourgeoise. On peut dire que l’enracinement du parti au sein de la classe n’est pas le présupposé pour « faire de la politique », il en est plutôt un de ses objectifs.

L’avant garde communiste organisée n’arrive à exprimer la direction politique dès le début de son activité qu’à la condition de développer ce rôle, de poser le terrain stratégique.

Dans les phases non-révolutionnaires précédentes, la direction politique ne peut être comprise que comme orientation générale vers la classe, et pas encore comme vraie capacité de mobilisation des masses. Ce qui n’est pas moins important. C’est ce qu’on peut faire dans les limites et conditions objectives données et préparer le saut qualitatif subjectif possible de la phase révolutionnaire, en suivant le principe léniniste, selon lequel le parti « profite » des phases non révolutionnaires pour s’organiser. Dans ce contexte le travail d’enracinement de masse finalisé au processus révolutionnaire (et non finalisé sur soi-même), et donner des éléments d’orientation et maturation, n’est pas non plus possible si le Parti ne se constitue pas autour du pivot politico-militaire, porteur du terrain stratégique de l’affrontement.

Cette conception correspond par ailleurs également aux actuelles conditions socio-économiques de la composition de classe, de la fragmentation croissante de la réalité métropolitaine. En fait la division sociale du travail plus complexe et la mondialisation des cycles productifs ont, entre autres, déterminés la segmentation et l’isolement de différents intérêts immédiats. La recomposition de classe est devenue bien plus difficile, agissant seulement en suivant des lignes internes aux luttes de masse.

Celles-ci, bien entendu, constituent une base essentielle, mais le poids spécifique, le rôle de l’avant garde politique dans le développement de la dialectique entre parti et masses, a sûrement augmenté. Face aux conditions de fragmentations, et même d’opposition entre les intérêts immédiats, seule une action politique qui pose l’intérêt général de classe peut essayer de renverser cette faiblesse, en ouvrant le terrain d’affrontement politique entre les deux classes. C’est-à-dire, ce n’est qu’en conjuguant défense et attaque, qu’en posant une stratégie d’attaque aux forces bourgeoises et à l’Etat, que l’on peut penser recomposer les forces de classe, construire une unité substantielle et authentique.

Le Parti communiste, basé sur l’unité politico-militaire, signifie construire le rapport parti/masses en termes concrets. Parce que cela signifie que le parti offre dans cette relation dialectique, d’unité et de distinction, des instruments que les masses et leurs mouvements ne peuvent pas se donner spontanément. Donc le parti est le pôle principal d’une relation dialectique, d’une contradiction qui voit, à l’autre pôle, l’action irremplaçable des masses: voilà la substance même du processus révolutionnaire, l’axe porteur, le moteur de toute révolution.

L’histoire est pleine d’erreurs et de déviations sur cette relation décisive: erreurs et déviations qui ont mené à la faillite nombreuses expériences révolutionnaires. Les plus importantes sont le subjectivisme et le dogmatisme, toutes deux formes de l’opportunisme. Ils ne voient pas la dialectique et tendent à l’absolutisation, à l’exaltation idéaliste d’un des aspects: soit sous la forme du mouvementisme spontanéiste, soit sous celle du fidéisme partitiste.

Aujourd’hui, comme conséquence de ces sous-produits du révisionnisme, la méfiance vis-à-vis de l’exigence du Parti prévaut, tout comme prévalent le mouvementisme et un pluralisme hypocrite, qui se traduisent par une subordination à l’idéologie bourgeoise qui maintient les mouvements cloués au cadre institutionnel et aux « revendicationisme ». A cela s’ajoute le renoncement à un niveau supérieur d’affrontement, conséquence du recul idéologique sur la question du pouvoir (éludée et/ou diabolisée) et ainsi prévaut le pacifisme hypocrite, cultivé par toutes les composantes réformistes qui sont parties intégrantes du système militariste-faiseur-de-guerre.

De l’autre côté la tendance idéalisant le Parti doit aussi être critiquée, déviation qui a provoqué pas mal de dégâts dans le passé, nourrissant en plus la dégénération révisionniste.

Le Parti n’est pas le protagoniste exclusif de la révolution, il en est protagoniste qu’en unité et qu’en fonction de la mobilisation révolutionnaire des masses. Parti et masses sont essentiels dans la dialectique de rôles qui sont distincts et nécessairement liés. Quand l’un des deux fait défaut, cette intégration vitale du parcours révolutionnaire ne fonctionne pas. Les révolutions russe et chinoise restent, à ce titre, des exemples historiques de l’interaction Parti/masses.

Bien entendu, la phase de transformation des organismes de masses en « soviets » est celle où se détermine une précipitation révolutionnaire, le passage de secteurs décisifs de masses à la lutte pour le pouvoir. Mais, évidement, tout le travail précédent d’accompagnement et de maturation de niveau d’auto-organisation de masses il est important. Seules la prise du pouvoir et le démarrage de la transition socialiste initieront l’authentique transformation sociale, qui fonderont matériellement la possibilité d’approfondissement de plus vastes formes d’auto-gouvernement, d’auto-organisation sociale.

Cela n’a pas été et cela ne sera pas un processus linéaire, simple, mais il sera plutôt caractérisé par des sauts dans la lutte de classe sous la forme de révolutions culturelles ; dans un mélange démolition/construction dans le champ décisif des rapports sociaux de production et dans la conduite de la guerre contre l’impérialisme.

La réalité du confit social suivant la prise du pouvoir et le développement de la dialectique entre les objectifs de la transformation sociale et le mode organisationnel pour les réaliser, rend nécessaire ce qui a été défini comme « dictature du prolétariat ». La dictature du prolétariat est nécessaire à la destruction du pouvoir de la bourgeoisie, à la naissance de l’Etat socialiste — forme institutionnelle de la transition au communisme.

Dans cette transition, parallèlement à l’élimination de la division en classes, se réalise aussi l’extinction de l’Etat en tant qu’instrument de domination d’une classe sur une autre, en tant que machine d’oppression de classe. Et au même moment, la nécessité du Parti, en tant qu’instrument de la lutte pour le pouvoir du prolétariat, devient moindre.

La force de la classe se construira aussi dans cette situation, à partir de la capacité de poser les objectifs généraux dans le contexte des luttes pour la résolution de questions immédiates.

Comme Marx l’a dit dans Misère de la philosophie :

« Dans le principe, un portefaix diffère moins d’un philosophe qu’un mâtin d’un lévrier.
C’est la division du travail qui a mis un abîme entre l’un et l’autre ».5

Aujourd’hui, si nous ne luttons pas pour le pouvoir, nous sommes chiens à la chaîne de la division du travail capitaliste.

Dans le socialisme, nous devrons tracer concrètement le parcours pour éliminer la division sociale du travail, pour devenir manœuvre et philosophe, réunis dans chaque personne, libre finalement des chaînes de l’oppression du salariat.

Dans cette plénitude, être partie prenante du nouveau système de production sociale, consciement et collectivement organisé, finalisé au bien être et à la libération sociale.

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52e partie, chapitre 2.



LA CRISE CAPITALISTE AMÈNE LA GUERRE ET LA MISERE

CONSTRUISONS LES TERMES POLITICO-ORGANISATIONNELS DE LA RÉVOLUTION

CONSTRUISONS LE PARTI COMMUNISTE DE LA CLASSE OUVRIÈRE DANS L’UNITÉ DU POLITICO MILITAIRE!

TRANSFORMER LA GUERRE IMPÉRIALISTE EN GUERRE RÉVOLUTIONAIRE DE CLASSE!

MORT À L’IMPÉRIALISME, LIBERTÉ AUX PEUPLES!

LUTTER POUR L’EXTINCTION DES CLASSES, LUTTER POUR LE COMMUNISME!


Les militants pour la constitution du Parti Communiste Politico-Militaire:

Bortolato Davide, ouvrier métallurgiste
Davanzo Alfredo, ouvrier électricien
Latino Claudio, employé
Sissi Vincenzo, ouvrier dans la chimie

et les militants communistes révolutionnaires:

Gaeta Massimiliano, ouvrier métallurgiste
Toschi Massimiliano: ouvrier métallurgiste

Automne: 2008
Procès de Milan 

>Sommaire du dossier

Collectif Wotta Sitta: Une perspective révolutionnaire en Europe (1993)

Les notes suivantes définissent la position de notre collectif sur la voie prise par la RAF depuis avril 1992, et, avec cette position, forcément, notre point de vue sur certaines questions que nous considérons comme fondamentales pour l’initiative révolutionnaire des communistes en Europe.

Il s’agit là de notes élaborées depuis longtemps dans leurs contenus de fond.

Les motifs pour lesquels nous ne les proposons qu’aujourd’hui à l’attention et à la discussion des camarades sont très simples et nous les expliquons brièvement.

TOUT d’abord, disons avec clarté que pour nous le retournement de la RAF est apparu, dès le début, comme une manifestation d’une crise politique dans laquelle se nourrissaient dangereusement les germes clé violents procès de désagrégation.

À l’énoncé des raisons de leur « césure  » avec le passé, le groupe de militants clandestins constituant aujourd’hui la RAF non seulement ne proposait aucun élément valable pour une nouvelle perspective, en s’embourbant dans une épaisse « bouillie populiste  » pangermanique, mais ouvrait les portes à la pénétration impérialiste en acceptant déjouer le jeu de Kinkel.

Pour nous, prendre nos distances ou jeter l’anathème, surtout au nom du viol des sacro-saints principes, n’avait pas grande importance.

La RAF enfonça profondément un coin dans le camp antagoniste européen, amplifiant ainsi le manque de perspective déjà existant.

Le nœud était et est la reconstruction stratégique de la politique révolutionnaire et celle-ci ne se réalise que dans l’avancée de la lutte et du débat consciemment orientés sur des terrains réellement centraux.

Par son initiative, la RAF a fermé cet espace bien qu’il ait été maintenu ouvert péniblement après le coup d’arrêt de l’expérience du front en 1988, en catalysant l’attention et les énergies de parties considérables du mouvement en Europe (et en particulier en Allemagne) sur des questions erronées et secondaires, et en en écartant de nombreuses autres de la dimension continentale de la lutte (spécialement en Italie).

Dès lors la crise devait se consumer jusqu’au bout.

De nombreuses choses devaient acquérir une clarté tangible.
Et, en effet, l’attaque de Weiterstadt (action contre une prison spéciale en construction) montrait combien le choix de  » s’arrêter pour réfléchir  » était fumeux ; vu que les éléments de réflexion sur lesquels cette action s’appuyait se résumaient à une condamnation de la cruauté de la prison technologique.

Cela constituait surtout et plus concrètement une pression afin que quelques bosses du « nouveau Reich  » fassent une nouvelle distribution des cartes dans la proposition Kinkel.

Mais les propositions de la bourgeoisie sont toujours truquées et le jeu réel n’est jamais celui qui est affiché.

Ainsi, Wolfgang a été assassiné (NdT : Wolfgang Grams, militant de la RAF exécuté par la police politique après son arrestation le 27 juin 1993 à la gare de Bad Kleinen). Grâce à un espion nourri dans le marécage de la fausse pratique antagoniste, privée comme elle l’est d’une quelconque perspective offensive.

Et si Kohi a chassé Von Stahl (NdT : ministre de l’Intérieur démissionné après l’exécution sommaire de Grams), c’est parce qu’il voulait l’ensemble de la RAF pieds et poings liés et demandant grâce, pour offrir en hommage à la puissance allemande le spectacle de la mort physique et politique de la résistance.

Parce que c’est précisément la politique de pacification impérialiste : anéantissement et réinsertion sont les deux faces de la même monnaie.

Après Bad Kleinen, quand tout cela est devenu clair et palpable pout tout camarade en Allemagne et en Europe, le dernier voile masquant encore l’impasse dans laquelle se sont fourrés les militants clandestins de la RAF s’est lui-même dissipé.

Le silence par lequel ils ont accepté et voulu que les affidabili (NdT : détenus de confiance, expression tirée du film américain Broobakers) de Celle se fassent dans la gauche les porte-parole de la politique de pacification de Herr Kohl les a conduits au-delà du fossé séparant révolution et impérialisme.

Un véritable coup de poignard dans le dos des camarades prisonniers alors que plus d’une fois ils ont clairement affirmé que leur vie ne passait pas par la proposition de Kinkel ou de Schnarrenberger (ministre de l’Intérieur), mais bien par le développement révolutionnaire.

Pourtant la dérive de la RAF n’est pas la seule à révéler la phase comme étant pour les communistes des temps de désorienta-tion.

En observant certaines formes grâce auxquelles d’autres camarades, à un niveau complètement différent, tentent de dépasser les difficultés objectives de cette phase historique, il en découle un cadre assez éclaté d’expériences et de réflexions pouvant être synthétisé en trois filons essentiels d’approche de la guérilla et de la stratégie révolutionnaire :
-celui privilégiant la nécessité de repartir des luttes sociales de mouvement en jugeant impossible d’agir à un niveau
politique global si celui-ci ne s’affirme pas comme un développement naturel du mouvement ; mais de cette façon on finit inévitablement par circonscrire l’horizon à
la situation spécifique que l’on vit, avec un rappel purement idéal à l’affrontement politique général ;

-celui mettant en avant la reconsidération des choix stratégiques sur lesquels s’est constituée la guérilla ; une course à reculons faite de révisions idéologiques
exacerbées et désarmantes qui éloignent d’une approche offensive de la lutte ;

– celui enfin pour qui la continuité du projet ayant guidé la guérilla dans les dix dernières années est centrale, en la jugeant immuable et en considérant les défaites et les absences d’initiatives comme des problèmes purement organisationnels qui se combleront automatiquement avec la reprise de l’attaque.

Au contraire, avec les défaites se révèlent toujours des positionnements politiques inadéquats et, en l’absence d’une clarification, elles sont vouées à se reproduire en pesant négativement sur l’ensemble des conditions politiques, parce que de ce fait le décalage entre les sédimentations de la conscience révolutionnaire et l’évolution objective de la lutte s’élargit.

Mais il faudrait être myope pour n’en rester, dans le cadre actuel de l’expérience révolutionnaire, qu’à ces seules limites de l’approche stratégique maintenant la subjectivité communiste en dessous de l’évolution de la lutte, et sans prendre en considération d’autres facteurs.

En effet, il émerge quand même de ce cadre la conscience de la nécessité d’une proposition politique d’ensemble.

Et en conséquence la possibilité concrète de sa définition.

Et ce n’est pas tout, car des indications utiles pour des étapes essentielles à atteindre pour y parvenir en émergent également.

L’expansion des luttes sociales au niveau européen est un fait indéniable aux yeux de tous.

Comme il est tout aussi indéniable que ces luttes imposent la caractérisation du terrain politique sur lequel se détermine la progression des rapports de pouvoir.

Il est clair pour tous que l’obstacle principal face auquel aujourd’hui les luttes de masse ouvrières et prolétariennes sont contraintes de reculer de plus en plus ou de négocier est l’impossibilité d’attaquer immédiatement le niveau supranational spécifiquement européen, déterminant pour beaucoup les limites et les compatibilités rigides de chaque territoire national.

En ce sens, de nombreux(ses) camarades œuvrant dans les luttes à leur politisation et à leur développement se sont déjà confrontés, même si ce n’est que partiellement, à la nécessité de rompre l’encerclement national-local des luttes.

L’autre donnée fondamentale est que les composantes les plus avancées de la guérilla et du mouvement révolutionnaire en Europe affirment, même si c’est avec plus ou moins de force, clairement, qu’aucune avancée stratégique n’est aujourd’hui possible sans un positionnement au niveau de la dimension internationale de l’affrontement entre les classes.

C’est un élément important de conscience établissant les bases d’un débat unitaire et constructif.

À partir de ces deux données, il est possible de dépasser ces difficultés et de se connecter à la complexité du cadre actuel de l’affrontement avec une vision à long terme, et de dépasser des difficultés qui en restent à une forme de faiblesse de l’iden-tité et des tâches des communistes.

En effet, ce qui définit les communistes dans les diverses phases du combat entre prolétariat et bourgeoisie a toujours été la capacité de  » soutenir l’intérêt du mouvement dans sa totalité  » (Marx).

Alors les communistes proposent dans la pratique, en termes d’organisation et de lutte, une conscience et une vision globale de l’affrontement, une stratégie afin d’affirmer concrètement les intérêts du prolétariat et d’affaiblir la bourgeoisie.

« La tâche des communistes  » n’est pas celle de rappeler aux prolétaires combien la vie dans la société bourgeoise est destructrice, et de combien de massacres la richesse du big business se nourrit. Ils le savent déjà et par eux-mêmes.

La tâche principale est d’assurer la responsabilité de dire comment l’on gagne, comment l’on obtient des changements petits ou grands au présent.

Maintenant, il pourrait sembler inutile d’aborder plus précisément les thèses sur lesquelles la RAF a basé son retournement.

Ça serait une erreur, ces thèses plongent leurs racines dans des expériences et des concepts qui ne constituent certainement pas une affaire privée de la RAF.

De nombreux(ses) camarades, même si c’est en repoussant le rapport ambigu avec la politique étatique, les considèrent encore aujourd’hui en partie ou entièrement comme des réponses valables aux problèmes d’initiative et de perspective traversant le tissu communiste européen.

De toute manière, ces thèses représentent l’aboutissement de vingt ans d’expérience révolutionnaire.

Et tous les camarades, ceux de la RAF même ou proches, qui veulent de toute façon aller de l’avant, devront régler leur compte à ces thèses.

C’est principalement à eux que nous nous adressons.

Alors, affrontons-nous à la critique des éléments généraux pouvant être extraits des positions de la RAF, car il convient de préciser quelques axes politiques par lesquels passe l’avancée révolutionnaire et remettre les pieds sur terre à quelques questions fondant la conscience politique sédimentée par la guérilla en Europe et qui ne doivent pas disparaître.

LA RAF dit : dans le changement des rapports de forces mondiaux, l’idée d’un développement révolutionnaire par la lutte internationale commune a échoué.
Une thèse aussi tranchée que superficielle parce que privée de la moindre analyse du contexte mondial de l’affrontement.

Pour eux, il n’y aurait plus ni affrontements révolutionnaires en cours dans le monde, ni énormes conflits sociaux en Europe, en Asie, aux États-Unis, à l’Est, ni contradictions interbourgeoises aboutissant à des guerres en tout genre, et, enfin, il n’y aurait pas non plus de guerre globale des États-Unis pour sauvegarder une prédominance politique et économique toujours plus en crise.

Pour la RAF c’est uniquement la référence à tout ça qui a disparu.

Le fait principal qui apparaît, c’est que la RAF ne s’est jamais détachée, dans son évaluation du cadre de références stratégiques, de l’évolution de l’affrontement Camp socialiste-Camp impérialiste.

Chaque changement de leur projet, après chaque expérience de lutte internationale commune – d’abord avec la guérilla palestinienne, puis avec la guérilla européenne -, a de toute manière toujours tourné essentiellement autour de la même vision des contradictions, des sujets et des possibilités de développement de l’affrontement mondial.

Et c’est justement cette vision qui est  » terminée « . Mais cela ne date pas d’aujourd’hui!

En effet la possibilité d’ouvrir des espaces à la perspective révolutionnaire du prolétariat en prenant comme axe stratégique le rapport de forces Est-Ouest ne certes pas achevée avec les écroulements assourdissants de 1989 !

Après la Seconde Guerre mondiale, la « défense de l’Union soviétique  » est demeurée le terrain central sur lequel se mesurait l’avancée de la perspective communiste.

Le substrat de cette position résidait dans la conception suivante : l’avancée de la perspective communiste réduite à la généralisation (plus ou moins mécanique) de l’expérience soviétique dans le monde.

En ce sens, la lutte pour la transformation révolutionnaire dans son pays et la lutte anti-impérialiste aux côtés de l’Union soviétique se complétaient et se renforçaient mutuellement.

Cette conception, même si au fond elle contient l’erreur révisionniste de réduire un mouvement mondial de transformation communiste à la généralisation de l’expérience soviétique, eut un véritable souffle stratégique lors d’une phase précise de l’affrontement mondial, parce qu’en elle convergeaient les lignes fondamentales du développement révolutionnaire :

– l’émancipation de la classe prolétarienne pour laquelle les expériences socialistes et de libération nationale constituaient une possibilité réelle de transformation
matérielle ;

– l’opposition à la ligne contre-révolutionnaire anticommuniste de contre-insurrection (counterinsurgency), attaquée par les poussées révolutionnaires de façon intégrée dans les pays occidentaux et sur les trois continents;
– la généralisation de l’affrontement politique et idéologique contre la bourgeoisie dans chaque zone en une ligne unique de développement mondial qui se matérialisait comme mouvement communiste international et avancée de la perspective communiste.
C’est le contenu qui rendait central l’affrontement Est-Ouest.

Progressivement, l’éclatement du « camp socialiste » en tant qu’alignement unitaire et homogène (qui commence dans les années soixante avec la critique maoïste de l’Union soviétique), l’impossibilité clé transformation révolutionnaire des formations économiques occidentales en suivant le modèle soviétique et la modification de la nature de la contradiction Est-Ouest en un affrontement – à l’échelle mondiale – entre deux systèmes de domination impérialiste (quelles que fussent leurs différences) ont progressivement rompu cette convergence, réduisant à néant sa portée stratégique pour le développement révolutionnaire.

En ce sens, l’avancée de la perspective communiste nécessitait un terrain différent de généralisation internationale qui reflète l’intérêt prolétarien de négation des rapports capitalistes d’exploitation du travail et de la vie, et cela ne pouvait être que la contradiction entre prolétariat international et bourgeoisie impérialiste qui, avec les nouveaux mouvements révolutionnaires et les expériences guérilleras des années soixante-dix, se traduisit en premiers éléments de conscience communiste.

Centralité stratégique de la contradiction prolétariat international / bourgeoisie impérialiste en tant que projection au plan politique général, c’est-à-dire celui de l’affrontement à tous les niveaux contre le système de pouvoir politique de la bourgeoisie impérialiste, et celui de la qualité homogène parcourant les luttes prolétariennes du monde.

C’est le terrain, et aujourd’hui plus que jamais à cause du degré atteint par la crise, sur lequel il faut caractériser les formes historiques d’alternative au capitalisme, leur possibilité d’édification et leurs avancées.

La dynamisation des contradictions interimpérialistes au niveau mondial inscrites par la crise ouverte depuis les années soixante-dix reproposait (dans les années quatre-vingt) une base matérielle, aussi étroite qu’elle fût, au modèle Est-Ouest en tant que clé d’approche à l’affrontement mondial.

La forte pression pour la redéfinition des positions des pouvoirs politiques et économiques se traduisait de plus en plus en une phase ouverte de guerre impérialiste avec les États-Unis et l’Union soviétique comme sujets principaux, mais non uniques (des Malouines au Golfe), et allait croiser inévitablement l’affrontement révolutionnaire international.

Du reste, c’était et c’est un des facteurs actifs de la progression-accélération de la guerre.

Donc, pour les forces révolutionnaires, il était sûrement juste de tenir compte de l’affrontement États-Unis-Union soviétique dans leur initiative politique, afin de peser dans les rapports de force mondiaux, mais tenir compte ne signifiait pas, hier et encore moins aujourd’hui, se fourrer dans un cul-de-sac.

Proposer de nouveau le vieux modèle de l’affrontement Camp socialiste -Camp impérialiste en tant qu’axe stratégique a signifié faire prévaloir ce modèle à toutes les nouvelles lignes de développement révolutionnaire qui émergeaient autour de l’axe prolétariat international – bourgeoisie impérialiste, en les appauvrissant jusqu’à ne laisser qu’un vieux philosoviétisme que la guérilla métropolitaine avait déjà chassé à coups de pied au cul comme référence politique stratégique pour la conscience du prolétariat métropolitain en même temps qu’une bonne partie de la panoplie révisionniste.

Si nous insistons autant sur la question Est-Ouest, c’est parce que en certifier formellement la fin et tourner la page sans en approfondir toutes les implications est une erreur, autant que d’y rester agrippé comme à une planche de salut lorsque les nécessités de la lutte prennent un autre chemin.

Graduellement, la nouvelle situation mondiale a placé au centre deux questions décisives pour les progrès du communisme : premièrement, la fin du système socialiste mondial et, deuxièmement, la guerre impérialiste.

De la crise de l’Union soviétique et de l’expérience de pouvoir socialiste, on peut sortir avec une conscience plus forte des potentialités de la perspective communiste, ou alors avec des régressions désastreuses qui pèseront qui sait combien de temps.

Cela dépend de comment la conscience d’un nouveau progrès de la perspective communiste est affirmée.

Une perspective non pas en tant que  » programme « , mais tel un nœud politique autour duquel s’enroule l’élaboration de la conscience de l’affrontement global entre prolétariat et bourgeoisie dans cette phase historique.

La conscience révolutionnaire qui élabore les nouvelles étapes et objectifs politiques concrétisant les intérêts généraux du prolétariat face aux contradictions et aux limites objectives du capitalisme dans cette phase historique.

Plus la crise avance et plus la société capitaliste se transforme dans son ensemble en étendant, en approfondissant, en com-plexifiant qualitativement la polarisation des conditions et des intérêts entre prolétariat et bourgeoisie, plus l’affrontement de pouvoir se catalyse également autour de la capacité à faire surgir la possibilité d’émancipation, de libération et de dépassement du capitalisme.

Un intérêt général visible qui, par la politique révolutionnaire, rend praticable la réunification des luttes et des intérêts particuliers.

Aujourd’hui, le capitalisme métropolitain a conduit au développement de forces productives fortement innovatrices et complexes immédiatement planétaires, sa crise a amorcé de grandes contradictions tout aussi planétaires.

L’étroite interdépendance des économies et des conditions sociales bloque les nouveaux développements et transformations significatives n’agissant pas sur des bases supranationales.

Tous ces procès génèrent autant la poussée vers des formes d’union supranationales qu’à l’opposé, la fragmentation des localismes.

Cela parce que nous avons atteint ce degré de développement où l’affrontement de pouvoir entre les intérêts généraux du proléta.riat et les intérêts généraux de la bourgeoisie commence à vivre, à se résoudre, au niveau immédiatement mondial.

Cela se produisit également et en partie à d’autres époques, mais c’était alors lié à un développement différent de l’économie et des rapports sociaux, et, en conséquence, l’affrontement de pouvoir ne pouvait avoir pour objet des intérêts universels pour le prolétariat comme pour la bourgeoisie.

En fait, cela se traduisait au niveau de la conscience et des objectifs matériels et politiques en avancées et transformations au plan national.

Aujourd’hui, au contraire, les avancées se mesurent surtout au niveau supranational.

Non parce que la dimension supranationale signifie nivellement ou disparition des « particularités », mais parce qu’elle s’impose comme « nécessité générale  » et donc en tant qu’élément qui détermine toute avancée quelle qu’elle soit.

Pour la bourgeoisie comme pour le prolétariat.

Et c’est cette donnée « objective  » qui a provoqué la crise du maintien et de l’édification des formes politiques du pouvoir prolétarien (des États comme des organisations) sur la seule base nationale, face à l’affrontement de pouvoir entre les classes se développant au niveau global, parce que celui-ci se renverse sur ces formes de pouvoir en rapport de forces écrasant.

Base économique et rapport de pouvoir sont étroitement liés.

La guerre du Golfe a ouvert une ère de nouveaux affrontements interbourgeois destructeurs à l’échelle mondiale sous la pression de la crise et du fait de la forte interdépendance. Une question étroitement liée à celle de la perspective.

Dans cette ère, le prolétariat doit aussi affirmer les raisons générales de son émancipation historique parce que c’est seulement ainsi qu’il peut se placer (de façon autonome et active) dans le conflit entre État et groupes bourgeois locaux en évitant de suffoquer sous les nationalismes plus ou moins masqués ou de subir passivement les conséquences sociales destructrices de ces conflits.

La crise capitaliste génère toujours la guerre. C’est vrai, mais il faut voir qu’aujourd’hui, dans cette phase historique, dans le cours de cette crise générale (spirale entre de grandes restructurations technologiques et des récessions dévastatrices) et avec son impact global dans le monde interdépendant, tel est le processus réel de généralisation de la guerre.

Face à nous, nous constatons la progression avec laquelle un nombre croissant de contradictions débouchent en guerre, progression au centre de laquelle le redéploiement belliqueux américain domine.

Après la guerre froide qui était, pour ainsi dire, une « crise de la guerre  » et donc une « détente « , aujourd’hui c’est la guerre partout, la « guerre de la crise « .

De nombreux foyers de guerre s’allument ça et là sans qu’aucun des anciens ne soit véritablement éteint.

Dans cette reproduction endémique des guerres locales se manifeste aussi la crise de la forme État national (en tant que pilier du développement capitaliste d’un territoire) déchiré entre des revendications d’autonomie interne – concurrence régionale – et une dépendance transnationale accrue.

Aucun sujet local n’a le pouvoir clé conclure définitivement les guerres, mais seul celui d’ouvrir l’affrontement et de le reproduire dans la déstabilisation généralisée et dans la destruction des forces productives matérielles et sociales.

La crise progressive de l’hégémonie économique et politique des États-Unis interagit avec divers niveaux de contradictions:

– celle surgissant de la formation progressive de trois blocs continentaux : États-Unis, Europe et Japon ;

– celle surgissant de la nécessité d’une formation de puissances régionales, en particulier Moyen-Orient, Afrique du Nord, Est et Asie;

– celle surgissant de la pression massive sur les peuples et les classes prolétariennes pour l’imposition d’une nouvelle accumulation.

Les États-Unis ont été et continuent d’être les garants de l’intérêt général de la bourgeoisie impérialiste (dans son acception la plus pure de classe supranationale), leur
crise se traduit en une crise de tout le système mondial : l’introduction d’une fragmentation implique l’accélération d’un
ensemble complexe de contradictions.

Dans le futur, l’hégémonie globale des États-Unis se fondera de moins en moins sur leur puissance économique, mais toujours plus sur leur supériorité militaire.

Et même la première dépendra de la seconde. C’est cela que signifie la guerre du Golfe.

La politique de « sécurité totale  » des États-Unis répond à cet impératif. Un modèle de guerre de domination immédiatement utilisable dans tous les territoires de la planète.

De ce fait, la Force d’intervention rapide s’est substituée à la « défense avancée « , et la guerre n’a plus un champ de bataille en fonction de l’armée ennemie, car elle suit la logique de l’extermination de masse tous azimuts.

Elle ne distingue pas le militaire du civil.

Ainsi les victimes civiles sont toujours plus nombreuses que les militaires.

En cette fin de siècle, la généralisation de la guerre sera davantage encore le terrain politique principal auquel le prolétariat international fera face pour se former en tant que classe dans les nouvelles conditions économiques et politiques.

Dans la guerre, la révolution se renforce seulement en présence d’une perspective politique claire et correspondant au niveau atteint par les contradictions.

Relancer l’alternative communiste du capitalisme métropolitain et contrer la guerre des États-Unis pour la conservation de leur hégémonie dépassent le domaine national de la lutte des communistes.

Cela requiert un saut de qualité de la lutte au niveau international. L’avancée passe exactement par une idée nouvelle de développement révolutionnaire dans la lutte internationale commune.

Pour nous, ici en Europe, cela signifie en priorité un projet et une proposition concrétisant une ligne continentale d’affrontement, parce qu’il est impensable de parler aujourd’hui d’unité mondiale si avant nous ne nous mettons pas au niveau atteint par les contradictions économiques et politiques sur le continent.

Si la RAF n’a accompli aucun pas en avant vers une nouvelle orientation – mais, au contraire, des reculs pour en finir avec sa propre histoire -, c’est parce que, également depuis 1989, elle a graduellement circonscrit ses perceptions et ses analyses des changements, autant ceux du camp impérialiste que ceux des rapports de classes, à la seule Allemagne.

Une nouvelle politique ne peut uniquement voir le jour qu ‘en se mesurant aux nouveaux problèmes, uniquement en progressant au niveau global.

Ce que la RAF n’a pas compris, c’est que la « Grande Allemagne  » ne peut exister seule sans la  » Grande Europe « . En dehors d’elle, c’est la guerre, la radicalisation des contradictions entre les fractions bourgeoises, avec le renforcement des nationalismes et des mouvements réactionnaires et avec les inévitables retombées violentes contre le prolétariat et les communistes.

Dans l’un et l’autre cas pour les communistes, la lutte pour l’affirmation des intérêts principaux du prolétariat passe par la conquête d’une vision d’ensemble de l’affrontement de classe en Europe.

Parce que le problème n’est pas celui d’empêcher un  » projet impérialiste d’unification » particulier, c’est justement le contraire. Le problème est d’acquérir la conscience et la force pratique d’agir au niveau déjà atteint par les conditions économiques, sociales et politiques grâce auxquelles la bourgeoisie impose ses intérêts au prolétariat dans chaque territoire européen particulier, du Sud au Nord.

C’est affirmer à ce niveau les intérêts généraux du prolétariat européen en tant que qualité émergeant des luttes dans leur ensemble.

Dans les années quatre-vingt, la nécessité d’affirmer une stratégie révolutionnaire internationale de dimension continentale pour contrer les projets centraux de l’impérialisme – exigence impossible à repousser et fondée sur les conditions objectives dans lesquelles doit se développer le projet révolutionnaire – a projeté la dialectique unitaire entre les forces révolutionnaires avec le mot d’ordre Lutter ensemble, et a mûri l’idée-force de la nécessité et de la possibilité de construire l’organisation révolutionnaire du prolétariat métropolitain européen.

Un processus de construction qui, dès le début, est conçu et fondé sur une étroite interaction et dialectique entre les forces d’avant-garde et les secteurs les plus avancés de la lutte prolétarienne au niveau continental.

Dans la phase actuelle, l’identité communiste révolutionnaire acquiert d’énormes possibilités de développement concret dans le rapport dialectique entre organisation communiste révolutionnaire et mouvements de masse prolétariens en Europe.

Dans cette direction, le débat et le processus mûris au milieu des années quatre-vingt autour de la construction du Front Révolutionnaire Anti-Impérialiste constituent indubitablement une avancée significative, tant parce que cela a relancé au niveau européen le patrimoine des expériences nationales que parce que cela a donné lieu à certains pas qualitatifs importants du projet international et anti-impérialiste.

Malgré ses limites, l’expérience du Front s’est affirmée historiquement comme un point de non-retour.

Elle a affirmé que le combat international et internationaliste a des implications beaucoup plus larges que la seule solidarité et une simple politique d’alliance, et elle s’est connectée avec la lutte d’émancipation prolétarienne mondiale.

II n’y a rien dans l’analyse des conditions de crises-développement du mode de production capitaliste et de l’impérialisme qui nous démontre que l’on doit revenir en arrière par rapport à cette conscience.

Au contraire, il s’agit de faire avancer la stratégie révolutionnaire internationale au niveau continental dans les nouvelles conditions d’affrontement.

La capacité de la guérilla à se positionner en tant que stratégie de pouvoir du prolétariat métropolitain européen prend corps principalement dans la capacité à savoir saisir consciemment où se jouent aujourd’hui les rapports de forces entre les classes et dans la caractérisation de l’étroite connexion existant entre le domaine national et le système de domination supranational.

Dans cette direction, il faut maintenir et développer le rapport dialectique liant l’attaque contre les projets stratégiques de la bourgeoisie impérialiste et son ordre de domination et les luttes les plus avancées du prolétariat métropolitain en termes de conscience politique, d’organisation autonome de classe, de lutte offensive et de défense des espaces et conditions de vie.

Depuis que l’unification du marché mondial a soumis, toujours plus, les formations économiques nationales, leur régulation économique, politique et sociale réalisée par les États-nations est entrée en crise et, avec elle, la possibilité d’accomplir des transformations significatives en « occupant  » les États-nations ou en « pesant  » sur eux.

N’importe quelle force politique ou sociale désirant révolutionner les rapports de domination et d’exploitation qu’elle subit doit nécessairement caractériser le pouvoir auquel elle s’affronte.

De plus en plus de mouvements révolutionnaires et de subjectivités communistes ont combattu pour le pouvoir face à des instances supranationales ou internationales ; les mêmes conditions économiques, sociales et politiques d’où surgit l’affrontement évoluent de plus en plus sous la poussée des facteurs supranationaux.

Et c’est cette base matérielle qui détermine la nécessité, dans la définition de la stratégie révolutionnaire pour le pouvoir, d’établir la prédominance de l’international sur le national, dans laquelle le territoire national et sa structure politique sont affrontés en tant que partie autonome mais intégrée d’une formation supranationale, expression du stade actuel de réunification du marché mondial.

La question fondamentale, donc, n’est pas tant de calculer combien de « pouvoir » détient encore l’État-nation ; il s’agit au contraire de bien comprendre si, en restant encore à cette central!té, on transforme-détruit ou non le capitalisme.

Si, dans ce domaine, on parvient encore à affirmer les intérêts politiques et économiques généraux et immédiats du prolétariat dans les grandes contradictions capitalistes, rendues plus complexes et accélérées par les destructions et les innovations nées de la crise.

Et c’est ce qui impose à tout communiste de réorienter sa perspective et le processus d’avant-garde sur la centralité de la contradiction prolétariat international / bourgeoisie impérialiste et de construire une ligne d’affrontement offensif qui ait la force et la capacité d’affaiblir le système impérialiste.

La crise de l’État-nation est une composante de la crise capitaliste, en tant que telle elle a une valeur générale vérifiable dans presque toutes les situations nationales, et, en conséquence, elle ne peut être ni comprise ni affrontée seulement au niveau local.

Elle est déterminée par les exigences de la grande bourgeoisie internationale qui a besoin des instruments politiques de soutien et de régulation des processus liés à l’accumulation, à la concurrence et au contrôle de la force-travail, ayant déjà dépassé le domaine national et en fonction desquels, au cours des quinze dernières années, les organismes supranationaux, leurs compétences et leurs pouvoirs se sont multipliés au détriment des États-nations.

La forme prise progressivement par les États-nations en Europe dépendra du processus de la dialectique entre eux et de la définition des nouvelles structures étatiques continentales ; ce processus d’étatisation communautaire n’est pas une transposition mécanique dans un sens élargi de l’État-nation, mais il se présente telle une interconnexion systémique d’États et d’organismes supranationaux afin d’exécuter des fonctions étatiques au niveau européen.

Chaque État européen, à divers degrés et niveaux, règle ses comptes avec la crise du système politique, qui voit l’épuisement des formes connues jusqu’à aujourd’hui de « démocratie politique  » dans le système capitaliste, et une mutation essentielle des rapports de forces dans la lutte des classes et jusque dans les appareils de l’État qui en sont complètement investis.

En Italie – mais l’essence n’est guère différente en Allemagne, en France, etc. -, c’est par une guerre sourde entre les appareils et les fractions bourgeoises depuis des années que prend corps une structuration autoritaire de la « démocratie  » dans laquelle la réadaptation et la « modernisation  » du système politique étatique se base sur l’imposition à toutes les forces politiques « historiques  » d’une série d’objectifs politiques généraux représentant « l’intérêt du pays  » afin de pouvoir être aligné sur le processus d’unification européen et d’éviter la désagrégation et l’éclatement du cadre politique régi par l’État.

Cette imposition d’une « nécessité objective  » – « Ou l’Union européenne, ou la guerre ! »- constitue le modèle par lequel la bourgeoisie tente d’échapper à sa crise politique ; son plan est de coopter dans le domaine de la gestion de l’État toutes les forces politiques, des conservateurs aux réformistes en passant par les syndicats pouvant accepter les tensions et les contradictions sociales dans ce processus totalisant de refondation de l’État.

Une étreinte mortelle dans laquelle la bourgeoisie impérialiste cherche à pulvériser la lutte de classes jaillissant des nouvelles polarisations sociales en cours dans tous les pays à capitalisme avancé ; et les avant-gardes révolutionnaires devront les démasquer et les combattre afin d’ouvrir des espaces à la lutte du prolétariat métropolitain.

La graduelle intégration continentale en Europe entraîne inévitablement une structuration politique de domination en garantissant l’existence et la reproduction suivant deux lignes de fond qui la caractérisent.

Et donc, vers l’intérieur pour gérer la restructuration et la concentration des entreprises, les nouvelles formes de concurrence et de développement inégal, le contrôle et la pression sur le prolétariat (en tant que force-travail directe et de réserve) ; vers l’extérieur en fonction du rapport de forces de la confrontation avec les autres blocs économiques régionaux (Amérique du Nord et Sud-Est asiatique) et en
direction des économies capitalistes les plus faibles du marché mondial (Tricontinent et Est) non seulement au plan politique, mais pour se positionner dans la défense de l’intérêt général du système mondial face à la crise américaine.

Une restructuration politique prenant une forme étatique car elle ne répond pas à une dynamique conjoncturelle, mais à un intérêt général de la bourgeoisie impérialiste européenne d’organisation et de reproduction de la formation économico-sociale continentale qui se réalise en un processus fortement contradictoire et à long terme.

D’autre part, en Europe, ce processus a déjà eu une incidence profonde tant dans l’économie que dans le rapport capital-travail et dans les rapports sociaux, au point que la grande bourgeoisie a désormais imposé au niveau continental tous les principaux processus de développement-accumulation-concentration de richesse : une dynamique qui requiert inévitablement une redéfinition de l’organisation des pouvoirs dépassant le cadre national.

Ce processus, guidé par les grands oligopoles multinationaux et par les fractions bourgeoises les plus puissantes, dessine la formation d’une véritable bourgeoisie impérialiste européenne s’affirmant sous diverses formes en tant que sujet porteur d’un intérêt précis de classe au niveau mondial et envers les États particuliers à partir de ses places fortes en Europe; des représentants aux sommets des différents trusts internationaux financiaro-bancaires jusqu’au personnel politique transnational lié au nouveau système de pouvoir européen exprimant principalement les intérêts des premiers.

Mais l’intégration continentale n’élimine pas la crise économique, ni le développement inégal, ni la concurrence et la compétition entre les grands capitaux.

Dans une phase capitaliste au cours de laquelle des groupes multinationaux et multiproductifs sont devenus dominants et occupent globalement les territoires, la lutte de concurrence n’est plus circonscrite aux simples entreprises et aux marchandises particulières, mais investit également les territoires désormais considérés et réduits à être une entité économique (la prétendue régie nationale), c’est-à-dire pouvant être rapprochés économiquement parce que pouvant être organisés et exploités économiquement en chacun de leurs éléments constitutifs.

La dialectique entre étatisation communautaire et États-nations se traduit par leur intégration graduelle dans cette dimension nouvelle, sans conduire toutefois à la disparition de ces derniers.

Elle apparaît avec la connexion continue et dynamique entre les différentes économies et États, puis elle œuvre de plus en plus de façon autonome, elle les conditionne et les conforme toujours plus à ses exigences dans un cadre de complémentarité encore plus étroit.
La construction européenne, à ses divers stades de développement, repose toujours plus pesamment sur les rapports de classe.

Et en tout premier lieu à l’intérieur de l’usine, car le cœur de la restructuration capitaliste reste aujourd’hui plus que jamais l’extraction de la plus-value.

La dynamique globale de l’internationalisation du rapport de capital, particulièrement avancée en Europe, et les stratégies spécifiques unifiées et homogènes guidant tous les processus de restructuration productive et de réorganisation sociale dans le cadre de la crise-développement du Capital ont impulsé la formation d’un prolétariat métropolitain européen du fait des conditions de vie tendanciellement homogènes.

De la constitution de trusts monopolistes européens de dimension supranationale et des processus de concentration-centralisation de divers secteurs productifs découlent des processus de restructuration établissant un niveau d’exploitation et une organisation du travail de plus en plus homogène de la classe ouvrière comme des travailleurs des services et des autres secteurs, jusqu’aux modèles d’enseignement, de la formation du marché du travail et de la croissance illimitée d’une armée industrielle de réserve utilisable au-delà des frontières nationales, telle une masse de manœuvre pour les politiques de restructuration productive mises en œuvre dans l’Europe entière.

Grâce à cela, le Capital cherche à libérer définitivement le marché du travail de ses limites et rigidités coûteuses.

C’est un fait démontré durant les dix années passées et encore plus ces derniers temps, les principales luttes dans chaque pays se sont vérifiées surtout sur les axes des restructurations et des « projets européens » décidés au niveau de la CEE, de même que pour l’adoption de politiques et de normes dans les services, les aides et autres secours.

À ce cadre s’ajoute la dynamique toujours plus importante des flux migratoires des pays des Trois Continents et de l’Est européen convergeant vers l’Europe occidentale.

En Europe, il est désormais impossible de sous-évaluer le fait de l’immigration, vu l’impact qu’il a dans la lutte sociale de presque tous les pays.

Pour donner quelques exemples, il suffit de penser aux mesures restrictives contre l’entrée des « étranger  » en Italie et plus récemment en Allemagne comme en général dans tous les pays européens signataires des accords de Schengen (NdT : cette analyse est antérieure à l’annulation, ou plutôt au report sine die, des accords de Schengen, le 25 janvier de cette année, mais la politique des pays européens en matière d’immigration n’en est pas sensiblement modifiée), une politique se proposant de réguler de façon rigide le marché du travail grâce à des lois communautaires précises capables d’optimiser le rapport capital/ travail à bas prix.

En réalité, les masses immigrées du Sud et de l’Est se pressant à la frontière européenne unique sont la base irremplaçable d’un développement de l’économie européenne, et l’ensemble des politiques de la CEE à leur égard ne vise qu’à garantir une planification attentive de leur exploitation et de leur contrôle.

En ce sens parler de société des deux tiers est tout à fait erroné parce que personne n’est superflu dans la formation sociale capitaliste, tant dans les pays du « centre  » que dans les pays de la « périphérie « .

La nouvelle division internationale du travail produit une nouvelle composition de classe du prolétariat dans laquelle les morts de faim des Trois Continents de même que les 10 % de chômeurs « structurels  » de la riche Europe sont le fruit de la rationalité de la plus-value et non de la méchanceté de la bourgeoisie.

Les analyses sociologiques de la « société des deux tiers » décrivent la condition de misère de vastes couches prolétariennes, mais elles ne sont absolument pas capables de saisir la substance des dynamiques capitalistes qui la produisent et retendent en permanence.

Le phénomène du « nouveau racisme » explosant en Europe (En Allemagne, en Grande-Bretagne, en France, en Espagne, en Italie…), suite à la formation d’un prolétariat multiracial et multi-ethnique, et qui préoccupe pas mal les gouvernements européens est aussi et surtout l’occasion d’introduire un cadre législatif plus ramifié et répressif partout sur le continent.

Aujourd’hui l’affrontement de pouvoir en Europe peut se comprendre seulement à partir de la formation de ces deux sujets : la bourgeoisie impérialiste européenne et le prolétariat métropolitain européen.

Cet affrontement se développe déjà objectivement au niveau continental comme le démontre la simultanéité des luttes du prolétariat métropolitain sur tout le territoire.

La majorité de ces luttes sociales et ouvrières en Italie, en Allemagne, en Espagne, en France, en Grèce… doit faire comprendre et bien réfléchir sur l’homogénéité des processus d’où elles surgissent, et sur le manque d’une référence politique révolutionnaire correspondante.

Le processus d’étatisation communautaire est la dynamique par laquelle tendan-ciellement le mouvement révolutionnaire devra vérifier la possibilité d’obtenir des améliorations concrètes des conditions de vie du prolétariat et de relancer la perspective communiste.

C’est en fait le terrain sur lequel se condensent et se condenseront toujours de puissants affrontements de pouvoir. Pour la première fois, les conditions de vie des masses ouvrières et des prolétaires dépendent étroitement des formes et des rythmes de l’unification européenne.

Cela signifie tout d’abord que l’affrontement classe / État dans chaque pays n’est compris à nouveau qu’à partir de sa dimension européenne, et ensuite que les mutations en cours entre pouvoirs étatiques et formation sociale sont saisies également dans cette dimension, tant en ce qui concerne les éléments communs rencontrés dans les principaux États européens que pour ce qui est de la dimension supranationale s’affirmant au-dessus et dans ceux-ci.

L’affrontement contre l’État dans le territoire national reste donc un élément de politisation et de recomposition des luttes locales.

L’État conserve et approfondit ses fonctions de contre-révolution interne et de contrôle de parts significatives des processus économiques ainsi que dans le domaine idéologique-culturel. Donc la de l’État entre toujours dans le projet et dans les perspectives communistes des révolutionnaires en Europe.

La construction d’une ligne d’affrontement européen est fondamentale parce que c’est la seule assez générale pour permettre la « rupture de l’encerclement  » des luttes par lesquelles le prolétariat de tous les pays réagit à l’imposition des pesantes conditions de vie constituant le cœur de la restructuration européenne de la production et du marché capitaliste.

On ne peut édifier une direction de la lutte générale qu’en construisant et en proposant avec clarté cette ligne, une direction avec laquelle les forces les plus significatives du mouvement révolutionnaire agissant déjà au niveau européen, même si c’est de façon embryonnaire et partielle, se reconnaissent et se connectent.

Aujourd’hui, les conditions pour œuvrer à la construction d’un projet révolutionnaire européen sont mûres parce que c’est le passage historique fondamental pour la relance de la perspective communiste.

À partir de celui-ci peut surgir un processus d’unification des luttes révolutionnaires au plan mondial correspondant à la réalité du capitalisme métropolitain.

Un projet révolutionnaire européen plaçant au centre l’affrontement prolétariat/ bourgeoisie dans sa dimension continentale ne peut être par ailleurs lié mécaniquement et spéculativement au procès d’unification européen et à la formation du bloc impérialiste.

Même si le bloc européen régresse sous les coups des contradictions qu’il ne réussit pas à résoudre, et qu’on assiste à une exa-cerbation de la poussée des nationalismes dans la Communauté européenne, au niveau stratégique la politique prolétarienne ne serait pas énormément bouleversée dans ses axes centraux.

Le processus d’émancipation du prolétariat ne peut avoir comme horizon les configurations que prend chaque fois le système capitaliste, mais il se fonde sur une vision universelle et internationaliste de la perspective communiste.

Ainsi, concevoir le combat en Europe en tant que partie de l’affrontement mondial entre libéralisme et révolution est le présupposé essentiel d’un projet révolutionnaire européen.

C’est la base pour construire la force révolutionnaire capable d’intervenir contre la guerre du « nouvel ordre mondial  » à travers laquelle les États-Unis défendent leur dominance, une force pouvant devenir un point de référence pour les luttes anticapitalistes et anti-impérialistes dans le monde entier.

La RAF dit : dans le nouveau processus la guérilla ne peut être le « centre  » car elle se détacherait des antagonismes de classe, et elle perdrait « la connaissance sociale ».

Il est clair que pour eux la guérilla se place au centre seulement parce qu’elle frappe « plus haut » que n’importe quel autre sujet antagoniste existant.

En se plaçant en haut – à un niveau inaccessible aux autres – la guérilla s’impose au mouvement car elle établit un seuil d’affrontement qui, de fait, est le sien propre.

De cette façon, on peut recueillir une large sympathie, mais on ne construit pas une nouvelle organisation et une conscience révolutionnaire du prolétariat.

Si l’on considère la guérilla comme un fait « militaire  » dans lequel le « politique  » réside dans le choix de l’objectif par lequel on entraîne automatiquement la croissance linéaire des niveaux de conscience révolutionnaire du prolétariat, alors tôt ou tard on cessera le combat.

La guérilla est une praxis guidée par une stratégie.

Son cœur est constitué par les contenus stratégiques lui donnant forme.

La qualité politique émise par la guérilla en Europe ne peut être réduite aux régressions militaristes (même si elles furent nombreuses).

La guérilla métropolitaine incarne la rupture révolutionnaire réalisée en Europe au début des années soixante-dix par les organisations de la lutte armée pour reconstruire la conscience de classe du prolétariat et pour rouvrir un affrontement de pouvoir dans le cœur du système impérialiste.

L’ouverture d’une lutte révolutionnaire n’ayant absolument pas épuisé sa force intrinsèque dans son devenir contradictoire. –

Un combat se poursuivant, et la bourgeoisie n’a jamais réussi à bloquer complètement son évolution qualitative au cours des années soixante-dix – quatre-vingt, et aujourd’hui encore elle tente d’en fragmenter la portée stratégique en effaçant la mémoire historique du prolétariat européen.

Aujourd’hui, le développement réel d’un processus d’organisation et de conscience révolutionnaire du prolétariat ne peut se réaliser en l’absence d’une stratégie de guérilla.

Et aucune avancée qualitative n’est possible sur le plan de la perspective comme sur celui des changements concrets.

Dans la guerre de classe de longue durée – contenu et forme historique actuels du processus révolutionnaire -, ne sont pas si remarquables les formes dans lesquelles s’expriment la lutte prolétarienne et son expansion quantitative que le développement qualitatif du processus d’organisation de classe.

En fait, même en se caractérisant avant tout comme conquête d’un terrain spécifique de l’avant-garde, la lutte de guérilla est en même temps, et à divers niveaux, politiquement diffusable dans l’ensemble du mouvement prolétarien pour en élever l’autonomie et la résistance.

Une ligne praticable à partir de chaque situation spécifique de lutte, s’imposant donc aussi tel un véhicule de communication révolutionnaire et de recomposition de classe.

De ce fait, la guérilla dans les métropoles ne s’est jamais résumée ni ne se résume qu’à « frapper l’ennemi « , mais elle est aussi et simultanément (re)construction, en diverses phases, de la conscience révolutionnaire du prolétariat à partir des luttes concrètes que celui-ci exprime, et donc ligne de masse.

La stratégie de la guérilla, en tant que moyen d’être de l’avant-garde révolutionnaire dans la métropole, ouvre donc la voie à l’ensemble des luttes prolétariennes et recompose la classe dans sa perspective d’émancipation des rapports sociaux capitalistes.

C’est une stratégie s’affirmant grâce à une ligne interne à la classe prolétarienne.

Cela est désormais un fait acquis par l’expérience révolutionnaire dans la métropole, guidée par la guérilla qui a développé ses étapes et son processus organisationnel à partir d’un enracinement dans les situations de pointe de la lutte prolétarienne au cœur des principaux pôles métropolitains.

Ce qui constitue un progrès par rapport au modèle de la Troisième Internationale du parti se plaçant tel le souteneur « extérieur  » de la conscience de classe dans le prolétariat.

En ce sens, l’organisation d’avant-garde ne peut être conçue comme unique point de départ du développement des processus de conscience, organisation et constitution en classe du prolétariat métropolitain.

Le terrain de l’avant-garde, même en ayant une particularité précise dans le contexte de la lutte de classe, se développe en termes à’unité et clé distinction avec le mouvement du prolétariat. Unité quant à l’intérêt général de la classe; distinction dans le sens où l’avant-garde remplit un rôle distinct dans le processus révolutionnaire par rapport aux autres instances du mouvement révolutionnaire, à partir des divers niveaux de conscience que ces déterminations expriment.

En ce sens l’avant-garde est parti.

Depuis toujours, ce principe fait partie des processus d’organisation du prolétariat, toutefois cela ne signifie pas, comme cela s’est souvent passé au cours de l’histoire du mouvement communiste, s’attribuer une délégation purement idéologique des intérêts de classe.

Dans le déroulement de l’affrontement, cela conduit à s’éloigner toujours plus du processus concret de la lutte de classe et à se refermer sur soi-même.

L’existence, la lutte et le développement de l’avant-garde se légitimisent clans la vérification politique qui dérive de la réalisation des intérêts généraux et particuliers du prolétariat se révélant les plus importants dans les différentes phases de l’affrontement de classe.

Le fait que l’organisation d’avant-garde, dans sa praxis, doit toujours donner corps aux intérêts généraux de la classe, en se plaçant au niveau le plus haut de l’affrontement et sur les contradictions principales qui le caractérisent, ne signifie pas que celle-ci puisse représenter seule l’ensemble et le degré de progrès des intérêts généraux du prolétariat.

Ces derniers ne peuvent être représentés que par l’ensemble des organismes qui, phase après phase, conjoncture après conjoncture, expriment le système de pouvoir prolétarien révolutionnaire dans les diverses formes qu’il assume et dont l’organisation d’avant-garde n’est qu’une partie, même si c’est la plus avancée et la plus consciente.

En tant que projection sur le terrain du pouvoir de l’ensemble des antagonismes de classe, la praxis guérillera a toujours à rôle central d’avant-garde et au fil des années elle a vérifié que le pouvoir prolétarien est un ensemble de processus-rapport-système.

C’est uniquement en faisant vivre et en renforçant toujours plus les intérêts généraux du prolétariat dans l’affrontement classe / État que l’on peut faire progresser l’ensemble du processus révolutionnaire et réaliser des avancées dans la construction du pouvoir prolétarien, mais aussi dans les conditions de vie et d’auto-organisation du prolétariat métropolitain.

Enfin en tant que prisonniers révolutionnaires et comme communistes issus de l’expérience de la guérilla italienne, nous tenons à préciser la question de la « détention politique « .

Les prisonniers de la guérilla font indubitablement partie du mouvement révolutionnaire et de l’affrontement actuel, comme tels leur contribution au débat et à la reconstruction de la perspective révolutionnaire peut revêtir une importance certaine dans les différentes phases de la lutte et en particulier dans les périodes de difficultés, telle celle que nous traversons.

De ce fait, en Italie comme dans d’autres pays européens et aux États-Unis, l’État cherche précisément à effacer les prisonniers révolutionnaires en tant que réalité politique afin d’interdire une quelconque forme de continuité entre les expériences révolutionnaires dont ils sont les expressions et les conditions actuelles du combat.

En conséquence, l’intérêt commun entre le mouvement révolutionnaire dans son ensemble et les prisonniers résistants collectivement face aux conditions qu’ils subissent n’est pas déterminé par l’exacer-bation de la contre-révolution continentale au sens strict – un aspect sûrement réel -, mais principalement par la nécessité d’une nouvelle perspective dans laquelle la « mémoire du combat passé  » est un élément toujours décisif.

Le rôle des prisonniers de la guérilla qui durant toutes ces années ont conservé leur identité révolutionnaire et ont contribué au progrès clé l’ensemble de la perspective révolutionnaire est désormais un fait historique indiscutable vérifié en Italie, en Allemagne, en Espagne, en France, en Angleterre, aux États-Unis, comme dans de nombreux pays du Tricontinent (Pérou, Salvador, Palestine occupée, Turquie, Philippines…).

Ainsi, ce n’est pas un hasard si la contre-révolution s’acharne sur eux et si elle vise, par n’importe quel moyen de répression et de collaboration, à la destruction de leur identité et de leur essence en tant que sujet politique.

Au cours de ces dernières années, précisément dans les pays où l’expérience guérillera a marqué qualitativement l’affrontement de classe, nous constatons un nouveau degré d’agressivité de la stratégie contre-révolutionnaire qui, en plus des initiatives à caractère militaire, tente de se frayer un chemin à la faveur de la crise d’identité et perspective des organisations de la guérilla métropolitaine.

Le projet de « solution politique « en Italie, d’il y a quelques années, et dans laquelle l’initiative de la bourgeoisie impérialiste d’attaque contre la guérilla « de l’intérieur  » a rencontré un fort soutien de nombreux prisonniers politiques devenus désormais « compatibles », a ouvert une voie et fournit un modèle d’intervention pour la stratégie intégrée de contre-révolution préventive dans l’Europe occidentale entière.

Il est clair, bien évidemment, qu’il ne s’agit jamais d’une transposition mécanique de ce modèle d’un pays à l’autre, mais même dans la diversité des contextes historiques et des conditions spécifiques des réalités particulières ce sont les mêmes contenus d’une stratégie impérialiste bien connue dans laquelle l’anéantissement et la collaboration des forces et des sujets de la subversion / transformation sociale sont les pôles de la même politique à mener à bien.

En ce sens l' »initiative Kinkel  » de « réconciliation sociale  » en Allemagne, même dans ses modalités pariculières, n’est pas si éloignée de l’initiative des partis du gouvernement italien, surtout elle a le même but : empêcher une quelconque forme de continuité entre les expériences révolutionnaires des vingt dernières années et l’affrontement actuel.

Les initiatives comme celle de Kinkel visant apparemment à donner une  » solution politique  » à la question des prisonniers politiques ont en réalité une autre portée.

Elles veulent utiliser des prisonniers comme le « ventre mou  » du mouvement révolutionnaire et comme moyen de pression contre le présent de la guérilla, en cherchant par tous les moyens à influencer et à contrôler les développements de l’affrontement révolutionnaire en Europe occidentale.

Dans ce contexte, elle nous parut tout de suite dangereuse et étrangère à la possibilité d’établir un rapport aisé et mécanique entre la question de la libération des prisonniers politiques et la possibilité de déterminer une nouvelle politique.

Elle signifie offrir à l’État allemand la capacité de mener à fond la politique des otages, en utilisant le chantage sur les prisonniers comme une arme contre le développement des processus d’organisation du prolétariat dans les nouvelles conditions.

Il s’agit surtout d’enfermer la perspective révolutionnaire dans un cul-de-sac sans aucune possibilité de débouché politique.

Elle démontre une profonde incompréhension de la dimension internationale dans laquelle les processus révolutionnaires et cette question des prisonniers politiques se situent.

La contre-révolution préventive en Europe – il est utile de le rappeler – a atteint un seuil historique déterminé par le rapport révolution / impérialisme sur tout le continent et par rapport à lui la règle valable est celle dans laquelle les niveaux acquis par la contre-révolution au niveau international s’étendent et s’articulent inévitablement dans chaque situation particulière.

Dans ce sens, l’initiative de  » réconciliation sociale  » de Kinkel n’a rien de nouveau, et il nous paraît suicidaire de croire pouvoir évaluer et jouer la question des prisonniers politiques au niveau national en pensant tirer profit des difficultés actuelles et des contradictions de l’État allemand.

Le cas italien au contraire devrait enseigner de nombreuses choses aux communistes et aux prisonniers révolutionnaires désirant travailler concrètement à la relance de la perspective en Europe occidentale.

1993

>Sommaire du dossier

Collectif Wotta Sitta: Pour le communisme

 » A certains moments de la lutte révolutionnaire les difficultés prévalent sur les conditions favorables (…). Malgré cela, dans les efforts accomplis par les révolutionnaires, les difficultés sont graduellement dépassées, une nouvelle situation avantageuse apparaît et la situation défavorable cède la place à celle plus favorable  » (Mao-Tsé-Toung).

Comme nous l’avons vu, le cadre général de l’affrontement à notre époque est marqué de façon déterminante par l’accélération de la dynamique d’intégration des économies à l’échelle mondiale en de grandes zones régionales, et par l’intensification du mouvement de concentration des capitaux en de grands oligopoles multinationaux avec une extension planétaire.

Ces processus se déroulent dans un contexte dominé par la direction et les instruments capitalistes et, en conséquence, ils ne peuvent que déterminer l’explosion violente de contradictions entre toutes les forces en présence.

Nous ne sommes donc pas à l’aube de  » l’ère de la paix, de développement et de stabilisation  » dont parle la bourgeoisie occidentale en toutes occasions.

Au contraire, de  » vieux  » ou de  » nouveaux  » conflits se multiplient rapidement à chaque niveau de la formation sociale capitaliste.

Les zones métropolitaines du centre impérialiste sont traversées de long en large par des stratégies capitalistes toujours plus intégrées et homogènes: la restructuration industrielle, la redéfinition du marché du travail et la dérégulation économique et sociale accroissent comme jamais par le passé la polarisation entre richesse et pauvreté, entre développement et sous-développement dans ces zones mêmes; elles abaissent le pouvoir d’achat en augmentant le coût des services et en exacerbant globalement les conditions de vie des classes les plus défavorisées.

Dans ce contexte, les niveaux de médiation sociale explosent rapidement, et les contradictions de classes s’aiguisent.

Dans toute l’Europe et dans toutes les situations le prolétariat se heurte toujours plus à l’actuelle régimentation des pouvoirs de la bourgeoisie impérialiste.

Le déploiement des stratégies de pénétration des monopoles capitalistes occidentaux sur les trois continents génère la marginalisation d’économies préexistentes et la prolétarisation croissante de la plus grande partie de la population dans ces zones, provoquant en même temps la paupérisation et la famine dans la destruction de toutes les conditions autonomes de subsistance.

Pour les pôles capitalistes l’exigence à disposer en permanence d’une armée industrielle de réserve détermine une dislocation de la force de travail et des lignes de développement et de sous-développement, avec entre autres des mouvements massifs de migration des zones des trois continents [Afrique, Asie, Amérique latine] vers les métropoles du centre.

Ainsi les peuples des trois continents sont-ils toujours plus placés dans un rapport d’affrontement direct avec la bourgeoisie impérialiste.

Afin de déterminer la hiérarchie de pouvoir dans le système impérialiste, les grands monopoles multinationaux, les blocs impérialistes et les simples nations s’affrontent dans le cadre de la concurrence/compétition capitaliste.

Tenaillée par l’exigence des profits dans la crise capitaliste persistante, la bourgeoisie des centres impérialistes accroît son agressivité aux quatre coins des trois continents, aussi bien au niveau économique que politique, en retirant toute marge de manoeuvre et d’existence propre aux fractions des bourgeoisies nationales qui s’y reproduisent.

Le reflet politique de tout ceci étant qu’il existe aujourd’hui bien peu d’espace à des politiques et à des stratégies qui ne soient pas strictement subordonnées aux exigences du système impérialiste occidental.

C’est une conséquence directe de la dislocation du  » camp des non-alignés  » qui, dans le bouleversement du bipolarisme, n’a pas pu trouver un rôle autonome, comme cela s’est conformé très clairement lors de la guerre du Golfe.

Nous parlons bien d’explosion violente de contradictions car, aujourd’hui, elles se traduisent non seulement en termes de destruction économique, appauvrissement, aliénation et oppression de classe, mais elles se concrétisent également – et à notre épqoue davantage encore – dans des processus de guerre.

Il ne s’agit pas seulement de dénombrer la succession des guerres de  » basse  » ou  » moyenne  » intensité qui ont précédé le massacre du peuple irakien – comme le font les technocrates pourris de l’impérialisme.

En affirmant cela nous voulons mettre en évidence à quel point aujourd’hui sortir de ce cadre de crise capitaliste est de moins en moins possible en dehors d’une rupture radicale de la globalité de l’ordre capitaliste dans toutes les zones du monde, et sans la réaffirmation d’une perspective communiste de révolution mondiale, et de sa forme de guerre de longue durée.

La période des restructurations innovatrices de la formation sociale capitaliste a jeté des masses croissantes d’hommes et de femmes dans la dimension universelle de leur existence et de leur lutte, et ce en les mettant immédiatement face à la destructivité du capitalisme.

Cette nouvelle qualité de l’affrontement détermine le processus révolutionnaire à notre époque, et elle doit être portée par les forces communistes afin de susciter et de lier les énergies et les tensions émancipatrices de libération sociale dans toutes les zones du globe.

Dans la formation sociale capitaliste au niveau mondial, les mutations en cours déterminent de nouvelles configurations et conditions générales du combat avec lesquelles les mouvements et les forces révolutionnaires se mesurent dans les principales réalités de la lutte.

La fin du  » bipolarisme  » Est/Ouest est un de ces facteurs de transformation. Depuis longtemps le bloc des Etats à économies centralisées [les pays  » socialistes « ] avaient cessé de représenter un point de référence idéologique pour les processus révolutionnaires, vu la nature de classe qu’ils assumaient; mais longtemps leur opposition aux USA avaient pu de fait constituer un terrain de développement pour de nombreux mouvements révolutionnaires et de libération, surtout sur les trois continents.

Aujourd’hui les évènements vérifient combien cet espace s’est réduit pour tout le monde.

La persistance et la radicalisation de la contradiction de classes entre le prolétariat métropolitain et la bourgeoisie impérialiste dans la métropole du centre, l’effondrement du Pacte de Varsovie comme système politico-militaire et le développement d’un affrontement ouvert entre le prolétariat et lesfractions bourgeoises dans les pays de l’ex-COMECON et les processus de prolétarisation plus accentués encore dans les trois continents inscrivent toujours plus la contradiction prolétariat international / bourgeoisie impérialiste comme coeur de toute stratégie et perspective révolutionnaire de nos jours.

Ceci ne signifie pas la disparition des spécificités et des caractéristiques particulières des luttes dans les diverses zones géopolitiques, fruits des différences de composition de classe ou des conditions diverses des contradictions avec la bourgeoisie impérialiste.

Nous voulons dire que l’élément stratégique sur lequel les révolutionnaires peuvent aujourd’hui fonder leur orientation est le processus d’unité, de recomposition et de constitution en classe du prolétariat international.

La nécessité de concevoir et de construire concrètement une nouvelle dimension de l’internationalisme prolétarien vit depuis longtemps dans la pratique des forces révolutionnaires les plus avancées.

Les développements de ces dernières années dans l’affrontement général avec la formation des zones régionales intégrées (comme en Europe et dans les autres parties du monde), la pression et l’initiative des puissances impérialistes pour subordonner les zones des trois continents – liant ainsi indissolublement les deux types de processus révolutionnaires, dans le centre et la périphérie -, l’unité des stratégies capitalistes que les prolétaires doivent affronter dans toutes les aires du globe et qui tend à les homogénéiser comme classe, offrent à l’exigence d’un nouvel internationalisme prolétarien les bases objectives concrètes, et une importance fondamentale dans une perspective révolutionnaire.

Dans le cadre actuel de la crise, la réduction des marges de manoeuvre des capitalistes dans la chasse aux profits, et donc la nécessité qui est leur à coloniser toujours plus tout le domaine de la vie sociale, et la dynamique violente des contradictions qui risquent de mettre en question leur régimentation et leur pouvoir, oblige l’impérialisme à déchaîner une contre-révolution aussi bien ouverte que préventive.

Ce n’est certainement pas un fait nouveau. Depuis 20 ans en effet la lutte de classe doit affronter la contre-révolution préventive. Mais il est évident que nous sommes face à un saut de qualité dans les formes et dans l’intensité des instruments mis en oeuvre.

De la militarisation croissante du conflit social, déterminée par le rétrécissement des marges de compromis et de médiation entre le prolétariat et le pouvoir bourgeois, à la dépolitisation, c’est-à-dire l’oeuvre systématique d’élimination des contenus de classe dans tout mouvement social et toutes luttes sociales, à la destruction de tout les mouvements et forces de classe qui maintiennent une identité antagoniste et qui rompent le cadre de l’intégration sociale.

A tout cela il faut ajouter la capacité acquise depuis longtemps par la contre-révolution d’anticiper les dynamiques d’organisation prolétarienne et révolutionnaire, et ce même dans la phase de faiblesse traversée par la guérilla métropolitaine.

Ces éléments sont désormais un fait permanent, et caractéristique de la gestion des conflits sociaux dans tous les Etats européens-occidentaux.

L’orientation révolutionnaire actuelle ne peut se fonder surl l’objectif d’empêcher le développement des processus d’intégration et de concentration capitalistes en cours; ceux-ci ne font qu’exprimer la tendance historique à la mondialisation des forces productives.

Au contraire, il faut que les révolutionnaires se hissent dans le combat à la hauteur de cette nouvelle qualité, pour déterminer la rupture avec un ordre impérialiste qui étrangle les forces productives et la dimension sociale de l’être humain.

Il faut donc construire les conditions pour détruire le pouvoir impérialiste, dans les contours qu’il assume à notre époque.

Adapter la  » projectualité  » révolutionnaire à ce niveau et à cette qualité n’est pas un processus simple ni cumulatif; la complexité et la profondeur même des bouleversements en cours rendent difficile aux avant-gardes la confrontation avec leurs propres tâches.

Et ce n’est pas un hasard si aujourd’hui le débat sur ce thèm est très ouvert. L’expérience de la guérilla en Europe occidentale a déjà concrètement établi les premiers éléments de cette indispensable refondation de la stratégie révolutionnaire.

De notre côté nous pensons, avec la guérillé européenne, que le positionnement dans une perspective révolutionnaire signifie toujours construire et porter les pratiques de pouvoir prolétarien au niveau réel sur lequel se jouent les rapports de pouvoir entre les classes.

En conséquence, la perspective d’un processus révolutionnaire dans notre zone ne peut que se développer en référence à la construction de l’organisation révolutionnaire du prolétariat européen et de la guérilla européenne, interactivement aux mouvements et aux processus révolutionnaires de la zone Méditerrannée/Moyen-Orient, et plus globalement du monde entier.

Non seulement parce que les révolutionnaires aujourd’hui doivent affronter une contre-révolution intégrée sur le continent européen.

Mais également parce qu’en tout premier lieu la dynamique de la lutte de classe et la composition du prolétariat – strictement intégrée et tendanciellement homogène au niveau européen – établissent la possibilité et la nécessité d’élever à ce degré et à cette qualité la dialectique avec le mouvement de lutte et de résistance et la construction et l’organisation du pouvoir prolétarien.

Parce que les processus de concentration capitaliste et les interrelations entre la dimension nationale et la dimension supranationale du système de pouvoir impérialiste rendent possible et nécessaire la mise en place de la capacité de désarticulation à ce niveau.

De nos jours les forces révolutionnaires se mesurent à ces tâches et à ces pivôts politiques, et en cela elles partent des points les plus avancés de leur expérience, celle de la guérilla et celle de l’ensemble du parcours du mouvement révolutionnaire ici en Europe occidentale.

Aujourd’hui, il est temps de pleinement valoriser les contenus qui ont caractérisé le processus de front révolutionnaire anti-impérialiste depuis son apparition et la pratique des organisations révolutionnaires qui lui donnèrent l’impulsion initiale.

Et, simultanément, les multiples expériences du mouvement de résistance révolutionnaire ont démontré combien la nouvelle qualité du combat entre prolétariat international et bourgeoisie impérialiste peut et doit être développée dans le cadre élargi des luttes de masse.

Unir les diverses luttes du prolétariat sur le continent et les amener à une stratégie contre le pouvoir impérialiste, en liant le combat ici dans le centre aux luttes des prolétaires et des peuples des trois continents, est le concept de fond qui a caractérisé la pratique du front.

Et c’est un contenu vital, car il saisit l’aspect fondamental de la lutte pour le pouvoir entre le prolétariat international et la bourgeoisie impérialiste à notre époque: la dimension internationale du processus révolutionnaire.

LUTTER ENSEMBLE!

1992

>Sommaire du dossier

Collectif Wotta Sitta: Pour l’unité des révolutionnaires dans la lutte contre l’impérialisme (1993)

L’internationalisme est depuis toujours l’élément de base de la conception révolutionnaire de la lutte de classe et de la construction du communisme.

Dans les luttes anti-impérialistes qui se sont enracinées dans les différents pôles de l’affrontement mondial, vit un même fil conducteur qui se développe en trouvant chaque fols des éléments d’originalité, de continuité et de rupture au sein des transformations qualitatives historiquement survenues dans le capitalisme.

Aujourd’hui que les rapports de forces entre prolétariat et bourgeoisie se jouent dans un cadre essentiellement international, « l’internationalisme est une nécessité élémentaire », ainsi que l’ont écrit certains camarades latino-américai ns au « mouvement anti-FMI ».

La mobilisation contre le congrès du Fonds Monétaire International-Banque Mondiale de septembre à Berlin Ouest, est un point d’arrivée et de partance en cette direction, et démontre que la phase qui s’est ouverte il y a 20 ans avec la naissance du mouvement internationaliste contre la guerre du Vietnam n’a pas tari son élan propulsif.

Elle trouve au contraire un nouveau développement dans le débat qui s’est consolidé au cours de ces dernières années en Europe Occidentale (EO) et dans le monde.

Cette nouvelle réalité qui s’est dessinée dans l’affrontement de classe, qui trouve ses éléments de force dans les expériences des guérillas et des fronts révolutionnaires, est une étape significative dans la construction d’une stratégie révolutionnaire internationale contre le système impérialiste dans son ensemble au niveau continental européen, méditerranéen et mondial.

C’est en cette direction que se situe le choix politique et opérationnel des organisations Rote Armée Fraktion (R.A.F.) et Brigate Rosse-Partito Communista Combattente (B.R.-P.C.C.) dans le cadre d’une stratégie commune contre l’impérialisme à l’intérieur de l’échéance contre le FMI/BM.

Telle est l’indication politique qui ressort avec clarté de l’attaque contre le sous-secrétaire aux Finances allemand Hans Tietmeyer.

Par ce choix, les deux organisations guérilléras entendent concrétiser « le saut nécessaire à une politique de front » en E.O., en dialectique avec les secteurs les plus avancés du mouvement révolutionnaire qui se sont activés dans cette mobilisation.

1. L’échéance contre le FMI/BM a mis en évidence certaines données politiques Importantes. Cette mobilisation a mis au centre les projets principaux de l’impérialisme -et en particulier les « politiques de développement », ainsi qu’on les dénomme- et les Institutions et déterminations supranationales qui élaborent et mettent en oeuvre les décisions stratégiques, économiques, financières, monétaires, soclaies, … nécessaires pour tenter de gouverner les contradictions croissantes Induites par la crise capitaliste.

Cela signifie affronter le caractère dlstlnctlf de l’impérialisme contemporain, son renforcement comme système supranational au niveau mondial, un système unitaire qui parcourt l’entière formation sociale métropolitaine du centre à la périphérie, en reproduisant dans chaque aire du monde la tendance historique intrinsèque du capitalisme, le développement et le sous-développement en une unité inséparable.

Un système qui, depuis 20 ans désormais, est à la recherche d’une organisation et d’une stabilisation suite à l’approfondissement de la crise mondiale du capital et de la crise du système d’hégémonie US lui-même.

Ce processus de réorganisation et réordonnement, d’autre part ne trouve pas -et ne peut trouver- de solution stable, pas même à travers le mécanisme renforcé des organismes supranationaux et des sommets périodiques entre les « 7 grands » et encore moins dans la saison d’accords stratégiques et d’entente sur les « conflits régionaux » entre U.S.A, et U.R.S.S,

Les politiques du FMI/BM elles aussi sont un produit historique spécifique du mouvement de la crise capitaliste, et sont un aspect évident de la contemporanéité et indivision de crise et développement du capitalisme.

« La grande importance de toutes les crises réside dans le fait qu’elles rendent évident ce qui est dissimulé, renvoient au loin le conventionnel, le superficiel, le secondaire, balaient les refus de la politique et révèlent les ressorts réels de la lutte de classe effectivement en cours. » (Lénine).

Au congrès de Berlin Ouest, les ministres et les gouvernants des 7 pays les plus industrialisés, se sont félicités entre eux pour la gestion de leurs économies qui croissent tout bonnement à un rythme plus élevé que celui prévu (4 %), aussi grâce à la coordination des politiques économiques établie lors du sommet de Toronto.

Ainsi que l’a dit le représentant du Trésor US:

« II me semble juste que de notre débat émerge le désir de maintenir le statu quo.

Nous devons renforcer les politiques de coordination et ne pas perdre de vue d’éventuelles améliorations des mécanismes.

Mais la voie sur laquelle nous nous trouvons est solide et nous à donné satisfaction ».

Mais face à cet optimisme capitaliste, il y a le statu quo de l’endettement et de l’appauvrissement des pays des aires dominées.

Les pays du « Tiers-Monde » sont toujours plus pauvres, et pour eux le FMI/BM est proprement une véritable machine d’exploitation et de mort.

C’est un instrument de domination directe parce qu’il organise les bases du système économique de ces pays: à travers lui, le capitalisme extorque de la richesse pour son développement.

Dans la situation qui, à ce stade de l’impérialisme s!est déterminée au niveau mondial, le FMI/BM, plus que de centraliser le rythme des flux financiers en direction des pays en vole de développement, devient toujours plus le flic du système financier au niveau mondial.

En ce sens, les différents degrés d’ingérence du FMI/BM dans l’économie de chaque pays se multiplient et s’articulent.

Un endettement de 1.200 milliards de dollars pour les pays du « Tiers Monde » est assurément une contradiction pour lféconomie mondiale, mais c!est surtout une question de survie pour les populations de ces pays.

Au début des années ’70 déjà, l’impossibilité de payer les dettes se traduit par la nécessité d’en contracter de nouvelles afin d’en payer au moins les intérêts: 75 % des nouveaux prêts étaient concédés pour le paiement des intérêts de leurs prédécesseurs.

A Berlin, aucune solution de révision des politiques de prêt n’a été adoptée, et encore moins une réduction de la dette cumulée, tandis qufa été reconfirmée la ligne hégémonique américaine du « Plan Baker », c’est-à-dire une approche au cas par cas, pays par pays, sur la base des intérêts des Etats impérialistes occidentaux les plus forts et de la politique impitoyable des multinationales.

Les politiques du FMI/BM, bien loin d’inverser le flux de capitaux du Sud vers le Nord -flux qui est aussi à la base de la restructuration et du développement du système productif dans le centre impérialiste-, ne fait que favoriser le processus d’accumulation et de concentration capitaliste.

Dans les faits, le transfert net de capitaux de ces pays vers le Nord entre 1984 et aujourd’hui, tournera autour de 87 milliards de dollars.

La « crise de la dette » a fait comprendre à tout le monde le mécanisme de domination et de dépendance à travers lequel est étranglée la majorité des populations du monde. Les politiques du FMI/BM ont agi dans l’intérêt exclusif des pays industrialisés, en intensifiant la dynamique de développement inégal à la base de la dégradation des conditions de vie des aires dominées.

Ces deux institutions supranationales se révèlent toujours plus être deux organismes d’exploitation au service des U.S.A. et du « Groupe des 7 ».

II est avéré que plus de 60 % des dettes que doivent payer aujourd’hui les « pays sous-développés » n’a pas été utilisé en faveur de la croissance économique dès-dits pays, mais a constitué une riche source de profits pour les pays industrialisés.

S’ajoutent à cela les effets tragiques des stratégies dn’austérité et ré-assainissement » imposées aux pays les plus endettés.

Le FMI a établi en ces aires une politique visant à augmenter les ressources destinées au paiement des dettes, à travers la réduction des consommations internes et l’augmentation des exportations des matières premières et des productions agricoles, au détriment de cette partie de la population qui est extérieure au marché, devenue désormais un surplus pour l’économie mondiale.

Un exemple de ce pesant mécanisme d’anéantissement nous est fourni par les évaluations faites par les experts de 23 pays réunis à Cartagène (Colombie) début septembre 88. En Amérique Latine, de 1980 à ’85 -c’est-à-dire en cinq ans seulement- le nombre des pauvres a crû de 25 %.

Payer 410 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter leurs considérables Intérêts, a signifié une chute de revenu de l’ordre de 14 % pour chaque habitant entre 1980 et ’86, la chute réelle des salaires, l’augmentation du chômage et la réduction des dépenses publiques.

Plus de 60 millions de personnes vivent en des conditions de « misère absolue ».

Cette politique d’exploitation à l’égard des peuples des aires dominées trouve des confirmations explicites dans les plans d' »a1des au développement » adoptés par les pays européens à Végard du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (au sujet desquels on nous chante l’air du « nouveau Plan Marshall » multiplicateur de profits), de l’Amérique Centrale et du Sud, et dans la construction du système productif décentralisé dans le Sud-Est Asiatique, où les usines des multinationales peuvent pousser au maximum l’exploitation de la main-d’oeuvre.

Mais le rôle du FMI/BM s’étend à la totalité du monde capitaliste, y compris dans le centre: sa fonction est de déterminer l’hégémonie des capitaux les plus forts sur les pays les plus faibles, en exerçant un contrôle général sur l’état de santé » de chaque pays.

En E.O. même par exemple, si auparavant et selon les estimations de la CEE il y avait 24 millions de « pauvres », aujourd’hui ils sont bien 62 millions, et aux aires de grand développement dans les productions à haute technologie s’opposent les « régions industrielles en déclin » et de sous-développement chronique.

Quoi qu’il en soit, il est clair que ce pesant mécanisme agit de manière totalement différente dans les pays dominants.
Le problème de la dette dans le centre impérialiste -les Etats-Unis par exemple sont le pays le plus endetté du monde- assume une importance relative par le fait même que le FMI/BM est un organisme au service de leurs intérêts surtout.

Dans ce congrès du FMI/BM qui a été une des assises les plus importantes de la bourgeoisie impérialiste depuis la 2ème Guerre Mondiale, ce qui saute aux yeux à plus de 40 années de la redéfinition du monde en sphères d’influence, c’est que le système impérialiste met toujours moins de ressources à la disposition de la plus grande partie de l’humanité.

La politique impérialiste tend à reproduire inexorablement le processus de développement/sous-développement dans toutes les aires du monde, du centre à la périphérie, et le renforcement du système impérialiste mondial ne fait qu’aggraver cette tendance.

En ce sens la loi de l’accumulation capitaliste de Marx trouve sa ponctuelle vérification à l’intérieur de duveloppement du capitalisme y compris dans son actuel développement métropolitain:

« Cette loi détermine une accumulation de misère proportionnelle à l’accumulation de capital.

L’accumulation de richesse à l’un des pôles est dans le même temps accumulation de misère, tourment de travail, esclavage, ignorance, brutalité et dégradation morale au pôle opposé, à savoir la partie de la classe qui produit son produit propre comme capital ».(K. Marx)

2. Si d’un côté la mobilisation anti-FMI/BM focalise le rapport centre-périphérie et le rôle que recouvrent en leur sein les différents organismes supranationaux de l’impérialisme, de l’autre côté elle trouve son point de force dans l’individuation et la compréhension du rôle spécifique de l’E.O. dans le système impérialiste.

Cette mobilisation est conçue comme initiative de lutte et communication à dimension continentale européenne et mondiale contre les stratégies et les projets supranationaux à travers lesquels l’impérialisme organise et impose l’exploitation du prolétariat dans le centre et dans la périphérie.

A l’intérieur de cette échéance, l’attaque à la formation du « bloc euro-occidental » est devenue un élément central.

Ce processus capitaliste est le développement d’une « contre-tendance qui vise à la relance de l’accumulation, qui tend à réaliser une réduction des coûts sur une échelle européenne » (déclaration des prisonniers de la guérilla au procès de Stammheim, 1988).

L’intégration capitaliste en E0 se base sur les processus de concentration/centralisation des capitaux, sur la restructuration et définition du système productif autour des grands projets de la haute technologie (ESPRIT, EUREKA, etc.) et sur l’intégration et coordination des appareils militaires.

Intégration qui vise à construire la base économique et sociale afin d’assurer aux capitaux multinationaux européens les conditions et le marché nécessaires pour continuer à se développer et à être compétitifs au niveau mondial.

Le complexe des initiatives d’intégration économique, financière et monétaire autour de l’échéance du « Marché Unique » de 1992 donne concrètement corps à ce projet.

A ce propos, il est bon d’avoir à l’esprit que le « bloc européen occidental » n’est pas une réalité déjà avérée, mais un processus en construction en lequel la forte poussée du capital international, qui se meut désormais dans une dimension européenne et mondiale, doit faire les comptes tant avec la conflictualité des stratégies de production et de marché des différents capitaux, qu’avec les intérêts particuliers et les politiques divergentes des divers Etats européens.

Cette dynamique, quoi qu’il en soit, conduit aujourd’hui déjà à des mutations significatives dans le positionnement des Etats européens à l’intérieur du marché capitaliste et du système de domination impérialiste.

Dans ce contexte l’état de permanence de la crise d’hégémonie US, du fait de l’impossibilité pour ce pays de soutenir seul les coûts croissants de la crise capitaliste internationale -étant donnée son actuelle complexité et sa profondeur-, fait assumer un rôle spécifique et un poids politique global plus importants à l’E.O. et au Japon.

Les Etats européens les plus forts (R.F.A., France, Grande-Bretagne, Italie) n’ont plus seulement le devoir de se positionner au côté de stratégies de l’administration américaine au niveau mondial, ils engagent aujourd’hui directement leur force économique, politique et militaire comme partie intégrante du système de pouvoir de l’impérialisme occidental.

Cette redéfinition de l’ordre capitaliste en E.O. se traduit sur le champ par une augmentation de l’exploitation et du chômage, par une dégradation générale des conditions de vie du prolétariat, en substance par une Intensification de l’aliénation dans la métropole. Un processus qui se matérialise y compris vers l’extérieur en se projetant de manière constante dans les différentes aires du monde, aussi bien comme rôle de la CEE dans les principales réglons de crise, que comme Intervention ciblée des Etats européens Isolément.

Le poids croissant de l’intervention des Etats et des capitaux multinationaux Italien et français au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, anglais dans toute l’Afrique, allemand en Afrique Australe, Amérique Latine, Sud-Est Asiatique, est la preuve la plus évidente de cette dynamique.

Encore plus évident en ce sens est le rôle de la « Convention de Lomé », entre la CEE et les pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, dans laquelle les plans d' »aides au développement » financés directement par le Fonds Européen de Développement (F.E.D.) et la Banque Européenne d’Investissement (B.E.I.) permettent toujours plus à la Communauté d!ll1nterven1r dans les processus de réajustement structurel des économies des pays bénéficiaires ».

Ces politiques se meuvent dans la même direction que celle du FMI/BM en recherchant constamment une plus grande coordination entre elles.

En définitive, nous pouvons dire que les programmes économiques « conclus » entre le pays qui accède au crédit, les organismes financiers et monétaires supranationaux (FMI/BM, FED, BEI, etc.) et le grand capital financier privé, sont tout bonnement la planification des lignes de pénétration possibles du capital impérialiste dans les aires dominées.

Mais ce mécanisme se reproduit aussi à l’égard de certains pays de l’Europe, sur la base du principe de la division des quotas à l’intérieur du FMI par rapport au pouvoir de chacun des 7 pays les plus industrialisés.

L’Italie, lors de la dernière réunion, a accru son pouvoir dans le comité exécutif du FMI en assumant la tâche de représenter outre les intérêts de la Grèce, du Portugal et de Malte, ceux aussi de la Pologne (un des pays où la pénétration de la FIAT est la plus forte!).

Et, précisément pour rendre plus efficiente cette stratégie de profit, les grands banquiers, les dirigeants des grandes multinationales, les super-technocrates des Etats et des organismes supranationaux se sont rendus en masse au Congrès de Berlin Ouest.

Les porcs impérialistes assis au grand banquet du FMI/BM étaient bien 14.000!

C’est contre ces hommes, ces projets et appareils qui tendent à renforcer ce qu’on appelle la « politique de développement » du capitalisme sur le dos du prolétariat du centre et de la périphérie, que s’est dirigée la mobilisation lors de cette échéance en établissant une connexion stratégique entre les luttes dans le « centre euro-occidental » et celles dans le « Tricontinent » (Asie, Afrique, Amérique Latine).

3. Du point de vue de la classe, la mobilisation qui s’est développée autour de cette échéance du Congrès de Berlin Ouest est partie de cette ample dimension de débat qui s’est ouverte depuis longtemps dans le mouvement révolutionnaire au niveau Internatloal.

Du Congrès de Francfort de 1986, aux « Journées Anti-Impérialistes » de Barcelone de 1987, dans lesquels les « processus de coordination de la lutte commune contre l’Impérialisme » étalent placés au premier plan.

Ce qui est mis en exergue, c’est le prolétariat International comme sujet mondial de la révolution et son processus de constitution en classe dans la lutte contre l’impérialisme dans son ensemble.

Cette Importante dynamique de lutte est une expression de l’affrontement produit par le développement historique du capitalisme, qui a désormais créé une unique formation sociale étendue au monde entier, où le processus de prolétarisation -qui revêt des caractères spécifiques dans les différentes aires- constitue la base objective mettent « en relation » les diverses fractions du prolétariat mondial, de l’Europe Occidentale aux Philippines, à la Corée du Sud, du Pérou au Salvador, des Territoires Occupés de Palestine au Liban, jusqu’à l’Afrique Australe!

On peut dire qu’il y a un saut historique qui a Internationalisé de manière Irréversible le concept de classe: à la fin des années ’70, le processus révolutionnaire mondial comme processus unitaire, est devenu d’actualité.

C’est dans la lutte contre l’impérialisme que le prolétariat International se recompose au niveau mondial et se constitue en classe révolutionnaire qui combat pour ses Intérêts propres.

« La domination du capital a crée pour cette masse (de travailleurs) une situation commune, des Intérêts communs.

Cette masse est déjà une classe à l’égard du capital mais pas encore pour elle-même.

Dans la lutte (…) cette masse se réunit, se constitue en classe pour elle-même. Les intérêts qu’elle défend deviennent Intérêts de classe ».(K. Marx)

La progressive homogénéisation des contradictions de classe dans la formation sociale capitaliste métropolitaine est la base d’où s’échappe la simultanéité des luttes dans les divers pôles révolutionnaires et qui fonde le caractère anti-Impérialiste des mouvements et de la guérilla en E.O. comme au Moyen-Orient, en Amérique Latine comme dans le Sud-Est Asiatique.

Y compris aussi dans la mobilisation contre le FMI/BM, cette qualité nouvelle du processus révolutionnaire émerge: le caractère International du sujet et de la lutte, et l’ample dialectique entre luttes prolétariennes et révolutionnaires dans les différentes aires de monde.

La mobilisation a agi comme catalyseur du mouvement de classe, tant dans le long débat préparatoire que durant l’échéance.

Sur le plan continental européen, parce que trouvant aussi dans l’initiative du mouvement allemand son point de force, il a établi un processus de communication ample entre les prolétaires de tous les pays de l’aire.

Sur le plan mondial, parce qu’il est devenu un point de référence de l’Initiative des prolétaires et des révolutionnaires en divers pays des aires dominées, activant un premier moment d’Interaction révolutionnaire.

En Amérique Latine, on a eu une mobilisation significative autour de l’échéance contre le FMI/BM avec des Initiatives en différents pays.

Certains camarades des syndicats boliviens « des paysans et des travailleurs » se sont référés directement au « mouvement anti-FMI/BM » écrivant: « La lutte Internationaliste vit dans la lutte anti-Impérialiste: personne n’a l’illusion que les réformes puissent changer la politique assassine du FMI/BM, personne ne pense sérieusement que la lutte pour la libération soit possible dans un contexte national, personne ne pense sérieusement que la lutte de libération en un cadre national puisse menacer la permanence dans le temps de la politique Impérialiste parce que cette politique est de dimension mondiale ».

A 20 ans de la mort de Che Guevara, on assiste à un réveil certain du débat et de l’initiative révolutionnaire dans toutes les aires d’affrontement, réveil qui met précisément au centre les contenus de rupture de l’internationalisme prolétarien: une seule lutte dans les diverses fractions du prolétariat International contre l’impérialisme.

« Il n’y a pas de frontières dans cette lutte à outrance, nous ne pouvons rester Indifférents face à ce qui advient en quelque partie du monde que ce soit; la victoire d’un quelconque pays sur l’impérialisme est une de nos victoires, de la même manière que la défaite d’une quelconque nation est une défaite pour tous.

La pratique de l’internationalisme n’est pas seulement un devoir des peuples qui luttent afin de s’assurer un futur meilleur, mais aussi une nécessité qu’on ne saurait négliger ». (Che Guevara, îlème Séminaire Economique de Solidarité Afro-Asiatique, Alger 1965).

4. La mobilisation contre le FMI/BM ne naît pas du néant. Elle est le résultat d’un long parcours de débat qui s’est développé dans le mouvement révolutionnaire en E.O., à partir des contenus Internationalistes et anti-Impérialistes affirmés par la guérilla dans les deux offensives de 1984 et ’86.

Dans ce contexte, durant les deux dernières années, ont été mis en exergue les noeuds fondamentaux de l’affrontement Bourgeoisie Impérialiste/Prolétariat International et de l’organisation révolutionnaire dans la métropole, et la nécessité du dépassement des luttes sectorielles dans leur caractère partiel.

Autour de ce processus s’est déterminée la convergence d’expériences de lutte, y compris très différentes, et se sont créées les conditions pour la prise de conscience de la dimension Internationale de la crise et de l’affrontement, et pour un développement plus mature du rapport entre guérilla et mouvement révolutionnaire au sein du Front Révolutionnaire Anti-Impérialiste.

La consolidation de ce processus d’auto-organisation prolétarienne, même si encore non-homogène et contradictoire, possède une portée politique Indiscutable qui dépasse le continent; elle relance les contenus stratégiques qui étalent à la base du grand mouvement anti-Impérialiste né à la fin des années ’60, en les situant à l’intérieur de l’affrontement actuel.

La donnée la plus Importante qui émerge de cette riche dimension de confrontation, lutte et organisation qui s’est affirmée autour de l’échéance, est cette conscience que les fractions les plus avancées de ce mouvement ont mûri à force de lutter contre l’ennemi commun de concert avec le prolétariat du monde entier directement contre la politique du capital et le mécanisme lui-même qui est Intrinsèque au mode de production capitaliste.

Cet ample et puissant mouvement de lutte se situe avec clarté sur le terrain de la critique révolutionnaire de l’impérialisme contemporain, en mettant en discussion la substance du rapport social capitaliste et en se mouvant en direction de la construction du pouvoir prolétarien.

L’énorme Importance de la contradiction au centre de l’échéance, et la hauteur de l’affrontement qui s’y est ouvert, ont fait en sorte que se mobilisât un très vaste éventail de sujets et d’expériences.

La manifestation des 80.000 à Berlin Ouest démontre l’ampleur de l’affrontement sur ces aspects caractéristiques de la formation économique capitaliste.

Les réformistes, anciens et néo, eux-mêmes ont dû en prendre acte en tentant d’insérer et de propager les contenus de l’Impossible « reconversion démocratique » d’une politique qui ne peut être réformée, avec pour seul résultat de révéler encore plus leur impuissance et subalternéité vis-à-vis de l’impérialisme.

Les contenus de rupture et de pouvoir consolidés au cours de ces dernières années de pratiques de la « résistance révolutionnaire » se sont traduits en cette occasion en de précises Initiatives tournées vers le développement de l’unité stratégique avec la guérilla dans le Front.

Tel est le sens des Initiatives programmées et développées contre le FMI/BM, avec les attaques Incendiaires contre les banques, contre les multinationales Siemens, Schering, Adler, avec l’irruption dans les locaux de la « Conférence de Hambourg » et le passage à tabac du directeur exécutif allemand du FMI et le « siège » du D.I.E. (Institut Allemand pour la Politique du Développement)… ainsi que de nombreuses autres Initiatives.

5. Avec l’attaque contre Tietmeyer, la guérilla reconfirme le terrain stratégique d’affrontement ouvert dans les années passées, en se positionnant comme point de référence à l’égard du mouvement de classe pour la relance de l’initiative révolutionnaire dans son complexe.

La lutte du Front Révolutionnaire dans le centre Impérialiste est aujourd’hui conçue en « unité stratégique » avec les luttes dans le « Tricontinent du Sud », pour cela est attaqué un des principaux opérateurs du management de la crise « sur le plan national, européen et International », un délégué au FMI/BM, aux rencontres du « Groupe des 5 » et du « Groupe des 7 » …parce qu’au sein de ces mécanismes est décidée, développée et accélérée la politique d’anéantissement « des masses et des peuples du Tiers-Monde ».

« La lutte contre les projets concrets de la stratégie Impérialiste doit être conduite avec le but de se situer à leurs mesures, …d’en bloquer et d’en empêcher le fonctionnement afin de briser réellement la stratégie de l’impérialisme et pour faciliter le processus d’évasion du système ».(R.A.F., 1988)

Dans cette Initiative, la guérilla a su tenir compte tant de l’ensemble des conditions Internationales, européennes et nationales qui sont en train de se déterminer dans l’affrontement, que de la nécessité de s’ouvrir à la dialectique avec les différents sujets et les luttes qui ont pris corps autour de l’échéance anti-FMI/BM pour donner le souffle stratégique adéquat à une offensive plus mâture et renforcée des forces révolutionnaires qui se « rencontrent » dans le Front.

La donnée politique qui émerge est une pratique qui situe au premier plan le processus révolutionnaire dans la métropole comme partie du processus de libération et dfémancipation du prolétariat mondial comme Guerre de Longue Durée visant à l’affaiblissement du système Impérialiste.

Un processus révolutionnaire de dimensions mondiales qui construit les conditions pour de spécifiques ruptures en de spécifiques points/aires dans le monde.

Il ne s’agit pas de suivre une conception erronée de révolution mondiale comme explosion simultanée et unique dans la totalité du monde, mais bien de placer au centre les buts universels du processus d’émancipation prolétarienne et les passages concrets qui se meuvent en sa direction à l’intérieur de l’affrontement entre bourgeoisie Impérialiste et prolétariat international dans les différentes aires.

L’affrontement entre impérialisme et révolution en E.O, a assumé au cours des dernières années une dimension plus vaste et féroce du fait de l’accélération du processus d’intégration des capitaux et des politiques des Etats européens d’une part, et de l’enracinement de l’initiative révolutionnaire dans le continent entier de l’autre.

La bourgeoisie impérialiste, dans le processus de restructuration et de « développement » capitaliste qui a pris corps à partir du milieu des années ’70 -et qui est entré dans le vif au début des années ’80- a ensuite regrignoté une grande partie des conquêtes ouvrières et sociales, et surtout a tendu à détruire tout aspect de l’autonomie et autoorganisation prolétariennes: de la FIAT dans les années ’80, à RENAULT, à VOLKSWAGEN, des massives suppressions d’emplois dans la sidérurgie à celles dans l’aire des services qui ont traversé l’Europe entière, des pôles industriels de la Ruhr, en Lorraine, en Angleterre, à ceux d’Italie.

Mais surtout, la bourgeoisie a attaqué les contenus de rupture de la pratique révolutionnaire qui s’est affirmée dans le centre impérialiste, cherchant à faire s’effondrer les organisations guérilléras et plus généralement l’expérience révolutionnaire qui, en Europe, s’est située dans la direction de la destruction de l’impérialisme et de la construction de l’organisation révolutionnaire du prolétariat, en mettant en exergue les rapports de pouvoir entre les classes.

En réalité, au cours des années ’80, l’affrontement révolutionnaire dans les Etats européens isolément s’est défi ni dans ses caractères fondamentaux en se plaçant sur le terrain des rapports de force entre bourgeoisie et prolétariat au niveau continental.

Un nouveau terrain de développement du processus révolutionnaire s’est ouvert dans la métropole, une perspective unitaire qui trouve dans l’anti-impérialisme son élément principal et qui, au cours des dernières années, s’est caractérisée par une pratique d’attaque des projets et des déterminations supranationaux de l’impérialisme et aux processus de refondation des Etats singuliers.

La guérilla comme axe central du Front, a tendu d’abord à affirmer cette perspective dans le mouvement de lutte et dans la classe, pour développer ensuite un processus d’unité des révolutionnaires et de consciente unification des luttes en les enracinant de manière définitive dans le centre impérialiste.

En ce sens, la campagne de « 85-’86 des organisations Action Directe et Rote Armée Fraktion a constitué un indubitable pas en avant de la subjectivité révolutionnaire en Europe dans le cadre de l’attaque contre les projets centraux de l’impérialisme.

Le fil conducteur qui lie les actions Audran-Zimmermann, Brana-Beckurts, Braummuhl et Besse est extrêmement clair:

« Frapper sur la ligne de démarcation et d’affrontement prolétariat International/bourgeoisie Impérialiste (…).

Organiser le Front Révolutionnaire en Europe Occidentale (en partant) des luttes à un niveau politico-militaire avec une orientation stratégique qui mette en discussion le système Impérialiste dans son ensemble et Initie le processus de reconstruction de la classe comme processus Internationaliste ». (Action Directe, 1986).

C’est cette projectualité que la bourgeoisie veut défaire, c’est cette capacité des forces révolutionnaires de situer l’affrontement dans les pays européens singuliers au niveau des rapports de force sur le plan continental qui doit être détruite.

Mais la rupture révolutionnaire opérée par la guérilla dans la métropole est un point de non-retour, c’est un processus désormais ouvert et affirmé nonobstant les attaques que la contre-révolution réussit ponctuellement à déclencher.

Elle trouve chaque fols la capacité de se relancer dans les contenus mêmes de l’affrontement entre bourgeoisie et prolétariat qui est allé en se dessinant dans cette aire, et le démontre par la capacité même des guérillas de surmonter les différentes phases critiques qui se sont succédées ces dernières années.

Telle est la clef de lecture qui peut permettre aux communistes de voir plus loin que les périodiques « raclées » que subissent les forces révolutionnaires en E.O.

Aujourd’hui, l’unité des révolutionnaires, l’unification des luttes en une stratégie commune contre l’impérialisme dans le territoire européen, reçoivent une nouvelle poussée avec le choix politique et opératlf de la R.A.F. et des B.R.-P.C.C. Cette Indication est extrêmement Importante et pose les conditions pour un avancement par rapport à la phase qui s’est close en 1986.

Le choix stratégique opéré par ces deux organisations historiques a un gros poids politique, parce qu’il met au premier plan les processus unitaires qui peuvent « développer la force politique et pratique » pour consolider la perspective du Front.

« Le saut à une politique de Front est nécessaire (…).

Les différences historiques de parcours et d’implantation politique de chaque organisation ne doivent pas être un obstacle à la nécessité de travailler et d’unifier les multiples luttes et l’activité anti-impérialiste, dans une attaque consciente et ciblée ».(R.A.F./B.R.-P.C.C., 1988).

C’est le signe d!une tendance qui s’est faite toujours plus forte et concrète, et qui aujourd’hui met au premier plan la connexion avec les luttes révolutionnaires dans l’entière aire européo-méditerranéenne et moyen-orientale.

Un processus unitaire ouvert qui construit les passages concrets pour une solide unité et coopération avec les autres forces révolutionnaires qui combattent l’impérialisme en cette aire géopolitique: de la Grèce à l’Irlande, du Portugal à l’Espagne, jusqu’au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord.

En premier lieu avec les organisations révolutionnaires et la lutte du peuple palestinien et libanais.

6. Dans le contexte spécifique de l’affrontement révolutionnaire en Italie, le parcours réalisé durant ces années par les B.R.-P.C.C. constitue une importante contribution au dépassement de la logique défensive et du révisionnisme, qui ont entravé la pratique de la guérilla et de l’expérience révolutionnaire italienne tout entière après la défaite de 1982.

Ce parcours a su replacer l’initiative révolutionnaire sur le terrain stratégique de l’attaque contre les projets et les déterminations centraux de la bourgeoisie impérialiste.

L’action contre Ruffili a mis en exergue la contradiction fondamentale de la refondation de l’Etat à un moment crucial de la redéfinition et de l’intégration des politiques impérialistes au niveau européen.

Aujourd’hui, en plaçant au centre le processus unitaire des guérillas en Europe et dans la Méditerranée à l’intérieur du Front, et en situant l’attaque sur le terrain de la dimension supranationale des politiques et des projets de l’impérialisme, cette organisation fait vivre un niveau de projectualité plus élevé et global.

L’attaque de la contre-révolution à l’égard des forces révolutionnaires durant ces derniers mois en Italie, montre comment la relance de l’initiative guérilléra et révolutionnaire plus généralement en ce pays, se meut sur un terrain particulièrement difficile et contradictoire, étant donné la dureté de l’affrontement avec lequel elle doit se mesurer, y compris aussi du fait de la politique de destruction de la subjectivité révolutionnaire soutenue par l’Etat depuis le début des années ’80 et ensuite (des opérations ciblées des carabiniers au « projet repenti », à la « solution politique », …).

Il existe aujourd’hui de toute évidence un problème de requalification des avant-gardes, de reconstitution des forces révolutionnaires et des instruments politico-organisationnels, et cela ne peut assurément trouver une solution dans une conception linéaire du processus révolutionnaire.

En ce sens, sortir de la défensive ne peut signifier partir de soi et, encore moins, des niveaux imposés par la contre-révolution.

Il est nécessaire au contraire de placer au centre la complexité de l’affrontement de classe de telle manière que Vagir de l’avant-garde soit amené à se déterminer en se reconformant à lui.

Aujourd’hui, il s’agit de relancer et de renforcer la rupture révolutionnaire ouverte par la naissance de la guérilla métropolitaine en ’70, en mettant encore une fois au centre les problèmes fondamentaux de l' »organisation », de la « théorie » et de la « projectualité révolutionnaire dans la métropole » avec une orientation stratégique capable de développer le processus global de construction de l’organisation révolutionnaire du prolétariat dans les conditions qui viennent à se créer à chaque fois dans l’affrontement.

On peut partir de là pour « développer la lutte révolutionnaire dans la métropole européenne.

Parce que c’est de cela qu’il s’agit.

Non pas tant de vaincre tout de suite et de tout conquérir, mais de croître dans une lutte de longue durée ». (Collectif Politique Métropolitain, 1970).

La requalification de la subjectivité révolutionnaire se trouve confrontée à la tâche de tracer une ligne stratégique précise capable d’enraciner le processus révolutionnaire par des lignes internes à la classe, en développant une dialectique concrète avec le mouvement révolutionnaire.

« La direction de l’affrontement ne peut se limiter à accumuler simplement les forces qui se placent spontanément sur le terrain révolutionnaire, mais implique une formation de celles-ci en termes qualitatifs en les enrichissant du patrimoine de l’expérience révolutionnaire; une direction qui implique principalement de savoir les placer à l’intérieur des objectifs politiques et du programme poursuivis: une direction qui doit tenir compte de tous les facteurs internes et internationaux qui caractérisent l’affrontement révolutionnaire ». (B.R.-P.C.C., 1988).

Le problème est de faire vivre là pratique de la guérilla dans la dialectique possible et nécessaire avec le mouvement révolutionnaire, autour d’une stratégie centrée sur les terrains principaux dans lesquels se déterminent aujourd’hui les rapports de pouvoir entre les classes, et capable en cela d’être une force propulsive et expansive de l’affrontement de classe.

En ce sens le caractère de l’avant-garde est toujours distinct et particulier par rapport à celui du mouvement, pour les tâches politiques qui se posent et pour l’affrontement mortel qui vit avec l’Etat et l’impérialisme.

Le parcours qui a commencé à prendre corps en Europe et en Italie avec l’affirmation d’une stratégie commune des forces guérilléras contre l’impérialisme ouvre une perspective révolutionnaire valide, et constitue une importante contribution à la relance de l’initiative révolutionnaire y compris dans notre pays.

Telle est la donnée politique indiscutable qui s’est affirmée dans la pratique et que la contre-révolution ne peut gommer.

Ce parcours de lutte et d’organisation doit être soutenu et développé par tous les communistes et révolutionnaires au sein d’une confrontation ouverte et responsable en laquelle doivent être mis en exergue les aspects unitaires de la lutte anti-impérialiste et internationaliste.

Une confrontation qui enrichisse et contribue a requalifier la pro-jectualité révolutionnaire en tirant sa substance des expériences diverses, des différents parcours et du débat, qui sont les éléments constituants du mouvement révolutionnaire européen considéré dans sa totalité ».

Comme communistes prisonniers, nous ne pouvons que nous situer à l’intérieur de cette puissante dynamique unitaire qui s’est développée à travers les initiatives de la guérilla, en travaillant avec détermination à construire dans cette direction un processus unitaire de lutte y compris entre les prisonniers de la guérilla en E.O.

Tel est le sens que nous conférons à notre identité de communistes en prison, et c’est par ailleurs la manière de construire notre intériorité réelle à l’affrontement en vigueur.

CONSTRUIRE L’UNITE DES REVOLUTIONNAIRES ANTI-IMPERIALISTES EN EUROPE OCCIDENTALE ET DANS L’AIRE MEDITERRANEENNE !

DEVELOPPER LA DIALECTIQUE LA PLUS AMPLE AVEC TOUS LES PROLETAIRES ET REVOLUTIONNAIRES QUI, DANS LE MONDE, COMBATTENT L’IMPERIALISME !

SOLIDARITE AVEC LA LUTTE DU PEUPLE PALESTINIEN !

1993

>Sommaire du dossier  

BR-PCC : Déclaration au procès (1998)

Communiqué des militants des BR-PCC
présenté devant les tribunaux de Venise et de Turin
les 1er et 3 avril 1998.

Devant les tribunaux de l’Etat, nous avons toujours soutenu être des ennemis politiques et des combattants ennemis. Nous ne reconnaissons à la justice bourgeoise aucun droit à notre égard. L’histoire de toutes les révolutions a démontré que l’unique rapport possible avec l’appareil judiciaire est un rapport de guerre.

L’histoire de la guérilla en Europe et en particulier en Italie l’a confirmé dans la réalité de la lutte armée. Pour cela, même en cette occasion comme en tout autre lieu, nous répétons que nous n’avons rien à justifier, contracter ou négocier avec la magistrature et le système politique qu’elle représente et défend.

C’est une position de principe qui comporte un choix cohérent : en tant que combattants communistes, nous ne devons des comptes qu’à notre organisation, les BR-PCC.

La dimension stratégique de chaque procès révolutionnaire capable d’affronter la question fondamentale de la conquête du pouvoir politique se développe nécessairernent sur le plan du rapport de force général entre les classes. Le programme révolutionnaire ne peut donc naître des prisons ou tourner autour d’elles.

Comme prisonniers, nous ne nous considérons ni ne voulons être considérés comme des sujets politiques autonomes, dégagés de la conduite complexe de la lutte, des objectifs centraux et prioritaires d’une initiative révolutionnaire qui a toujours son centre et sa direction au-delà des murs des prisons et des tribunaux.

Croire le contraire signifie se faire des illusions en valorisant sa propre partialité, sous-évaluant les limites d’une condition qui en terme politico-militaire voit les combattants tombés dans les mains de l’Etat représenter le flanc le plus faible de la guérilla.

Etre instruits de cette situation ne diminue pas les motifs de notre activité militante, au contraire elle la renforce, confirmant une ligne qui ne dépend pas d’une vision carcérale, mais en assume avec responsabilité la logique d’organisation depuis toujours caractérisée par les communistes.

Rendre politiquement vital et force de proposition notre position de militants prisonniers signifie répéter la validité de l’implantation stratégique des Brigades Rouges, en soutenir l’activité et le rôle dirigeant dans le développement du processus révolutionnaire, en en évoquant à nouveau et en entier le patrimoine de pratique combattante acquise dans la conduite de la lutte armée dans ce pays.

C’est, et cela reste une conquête décisive d’avoir compris, pratiqué et développé, la conception guerrillera de la lutte armée pour le communisme dans un Etat impérialiste, d’avoir réunifié dans le combat le niveau politique avec celui militaire, et ensemble, l’analyse de classe avec son application concrète.

Cette conquête marque une étape irréversible dans la lutte contre le système impérialiste. Sa stricte actualité politique est démontrée justement par le recul ultérieur survenu sous les coups de la contre-révolution où elle a été abandonnée, et d’où on ne la relance pas comme l’arme la plus efficace pour répéter des rapports de forces défavorables.

C’est dans une élévation de la conception guerrillera que les BR-PCC ont mesuré et continuent de vérifier le rôle d’avant-garde des communistes, leur responsabilité envers le prolétariat, la capacité politique de mener la lutte pour la destruction de l’Etat bourgeois, pour la prise du pouvoir et la dictature du prolétariat, pour la fin de toute exploitation et de la société divisée en classes.

Et c’est en se basant sur cette connaissance que comme militants des BR-PCC, nous réafirmons la nécessité et la possibilité de relance de la stratégie de la lutte armée.

Un projet d’autant plus crédible et réalisable dans la pratique que s’ouvrent les contradictions d’une situation interne et internationale marquée dans chacun de ses aspects par la crise générale du capitalisme.

>Sommaire du dossier

BR-PCC: La zone géopolitique Europe – Méditerranée – Moyen-Orient

[La zone géopolitique Europe – Méditeranée – Moyen-Orient fait partie d’un document de procès fourni en 1992 à la Xème chambre correctionnel du tribunal de Paris par les mlitantes des Brigades Rouges pour la construction du parti communiste combattant Simonetta Giorgeri et Carla Vendetti et les militants révolutionnaires Nicola Bortone et Gino Giunti.]

En même temps que le processus de cohésion européenne, une autre ligne directrice des interventions impérialistes existe – sur les plans politique, diplomatique et militaire – à savoir celle visant à la  » normalisation  » de la région méditerannéenne/moyenne-orientale.
Pour comprendre les conséquences de ce plan, il est nécessaire de bien situer notre zone géopolitique et les dynamiques qui la concernent.

Pour des raisons historiques, économiques et politico-géographiques, dans notre zone géopolitique – définie par les brigades rouges comme  » européenne – méditerannéenne – moyenne-orientale  » – se croisent et convergent tous les plans de contradiction fondamentaux typiques de cette époque historique: la contradiction principale prolétariat/bourgeoisie par rapport à l’Europe occidentale;

la contradiction est/ouest, dominante dans les relations internationales et qui, dans cette zone, a son flanc le plus sensible car il s’agit d’une  » zone frontière  » sur laquelle font pression les interventions politico-militaires impérialistes visant à la redéfinition des équilibres d’après-guerre;

et, finalement, la contradiction nord/sud qui définit la nature des relations établies par l’impérialisme avec la périphérie du système, et qui dans cette partie du monde est caractérisée par l’existence d’un contact direct entre les pays dépendants et, notamment, l’Europe occidentale. Raison pour laquelle la bande méditeranéenne – moyenne-orientale est pour l’Europe une zone d’influence  » naturelle  » sur laquelle elle a toujours essayé de mettre la main, en nourrissant par là les conflits et les poussées centrifuges qui s’échappent de la dictée économique et politique capitaliste.

En conséquence la zone en question, catalyseur des mouvements de contradictions, se présente comme un ensemble organique où il y a interaction entre chaque intervention menée sur un plan de contradiction et les autres plans, en entraînant les dynamiques qui s’y produisent.

Par rapport à l’activité révolutionnaire dans le centre, cela implique que l’affaiblissement et la réduction du pouvoir impérialiste, qui sont nécessaires au développement des ruptures révolutionnaires, doivent être poursuivis en se référant à cette zone géopolitique toute entière, et aux politiques de l’impérialisme qui s’y caractérisent comme étant dominantes (dans une conjoncture internationale donnée) dans l’ensemble de la stratégie impérialiste.

En même temps, et en conséquence, se dessinent avec clarté les termes concrets de l’internationalisme prolétarien dans la phase historique actuelle, c’est-à-dire les caractères et les lignes directrices d’une politique d’alliance finalisée au développement des processus révolutionnaires dans chaque Etat.

En particulier, la région méditeranéenne – moyenne-orientale présente des spécificités à caractère historique et politico-géographique qui, depuis plus de 40 années, font d’elle la  » zone de crise maximale du monde « , par rapport aux autres zones de crise existant dans la périphérie – des zones où la présence-pénétration économique impérialiste est le vecteur premier des conflits et de l’instabilité qui amorce les contradictions et nourrit les luttes pour l’autodétermination nationale et les processus révolutionnaires de libération.

Comme facteur fondamental qui la caractérise spécifiquement, il faut mettre en évidence tout d’abord que cette région, située géographiquement comme frontière entre les deux blocs, n’a pas fait l’objet d’une redéfinition dans les accords de Yalta après le deuxième conflit mondial (contrairement par exemple à l’Europe), et ceci pour des raisons historiques et politiques, surtout à cause des mouvements de décolonisation et d’émancipation nationale en cours; raison pour laquelle la ligne de démarcation entre l’est et l’ouest dans cette zone s’est tout de suite caractérisée comme très instable et fluide.

D’autre part, toujours en raison de sa position géographique qui en fait le point de rencontre entre trois continents, la région méditerannéenne – moyenne-orientale revêt un caractère stratégique également par rapport aux routes et aux passages qui la sillonnent, et en assumer le contrôle a une valeur particulière pour l’impérialisme.

Finalement, la présence de sources énergétiques a également un poids dans la définition de sa spécificité, et donc de l’exigence qu’a l’impérialisme de l’engloutir et de la stabiliser sous son influence directe.

D’autre part, cette zone est elle-même une source d’instabilité profonde, de conflits et de poussées révolutionnaires qui se nourrissent le long de la ligne directrice de contradiction nord/sud.

Les rapports capitalistes ont pénétré depuis longtemps la région, en instaurant les liens de dépendance typiques, finalisés au développement inégal de l’impérialisme, en refusant à ces peuples toute possibilité de réussite économique et d’autonomie politique.

La subordination aux technologies des centres impérialistes et l’échange inégal des matières premières sont les bases de ces rapports; l’endettement et la soumission aux lois du marché capitaliste se sont substitués aux protectorats de l’époque coloniale, en étouffant l’économie de la région par le chaud et le froid des prêts et des ouvertures-fermetures des marchés, pilotés ad hoc dans des buts également politiques – à savoir pour  » ramener à la raison  » les pays de la zone qui refusent de se plier à la logique de l’impérialisme, ou qui essaient d’en sortir.

Ici aussi, comme dans tous les pays dépendants de la périphérie, si le colonialisme trouvait sa raison d’être essentiellement dans le vol des matières premières et des ressources, l’impérialisme de son côté impose sa domination par le privilége et le monopole de l’exploitation industrielle, au niveau de développement inégal nécessaire à ce stade économique.

Ce cadre de relations typiques du rapport nord/sud, développement/sous-développement, n’est toutefois pas escompté ni pacifique dans cette région, puisqu’il se heurte depuis toujours à la forte résistance du peuple arabe.

Même si l’on considére seulement les quarante dernières années de l’histoire de cette région tourmentée (qui toutefois est depuis longtemps soumise à des divisions arbitraires visant à en favoriser le contrôle, et partagée d’une manière qui varie suivant les différentes phases, équilibres et alliances internationales, entre les USA, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, etc.), les divers protectorats et rois-fantoches, instaurés après la seconde guerre mondiale par la France, les USA et la Grande-Bretagne, se sont révélés incapables de garantir le contrôle stable de cette région pour les intérêts stratégiques des pays impérialistes, étant donné la poussée des révoltes et des révolutions à caractère national et/ou islamique:

de la Libye à l’Algérie, de l’Irak au Liban, de l’Iran à l’Egypte, de la Syrie au peuple palestinien.., le refus des masses arabes de se soumettre à la dictée de l’ordre économique, politique et militaire impérialiste saute aux yeux, ainsi que le caractère hautement dynamique de ses équilibres, alliances et rapports de force.

Le seul véritable point de force pour l’impérialisme, l’avant-poste politico-militaire de ses intérêts stratégiques dans la zone, est  » l’Etat  » sioniste,  » inventé  » exprès en 1948 en Palestine, en entérinant par la force l’expropriation impérialiste-sioniste de la terre palestinienne.

Cet acte de force est seulement le premiert d’une longue série de coups de force, de pressions, d’interventions de toute sorte et à tous les niveaux, visant à élargir et à stabiliser la présence et l’influence de l’impérialisme.

En quarante ans de tentatives de pénétration et de stabilisation, l’ordre impérialiste s’est sans cesse et inévitablement heurté aux poussées de signes contraires, aux mouvements et aux processus révolutionnaires irréductiblement anti-impérialistes animés par la légitime aspiration à l’auto-détermination nationale.

Première parmi toutes se place la lutte du peuple palestinien, une véritable guerre populaire de libération nationale qui – à côté de la révolution algérienne et du mouvement nassérien notamment – a donné de la substance à la qualité du patrimoine politique et révolutionnaire qui est dans son ensemble propre aux masses arabes.

Une reconnaissance due à son activité incessante contre l’invasion impérialiste-sioniste (activité de masse et d’avant-garde combattante).

Des années d’expérience, de lutte et de combat, de résistance, de guerre et de révolution, ont enraciné une forte conscience anti-impérialiste, du fait de la confrontation continuelle et constante avec la stratégie de l’impérialisme qui, dans cette région, prend obligatoirement une marque contre-révolutionnaire claire et explicite.

La contre-révolution impérialiste est ici déployée afin de contenir les conflits et de  » normaliser  » la région, en oeuvrant parallèlement pour empêcher la réalisation de l’unité du peuple arabe (dans les formes et les modalités qui lui sont propres) par des interventions déstabilisantes contre les pays arabes qui s’opposent aux projets impérialistes.

Ces contradictions typiques du rapport nord/sud, exacerbées dans cette région à cause de ses spécificités, s’entrecroisent avec le plan de contradiction est/ouest, dominant les relations internationales, et subissent son influence d’une manière particulière. Le poids des équilibres politiques et de force entre les deux blocs est ici directement proportionnel au caractére stratégique de la région, et la redéfinition, du côté impérialiste, de ces équilibres, passe aussi par la stabilisation de l’ordre qu’il impose dans la zone et par la  » normisation  » des conflits qui s’y produisent.

C’est-à-dire que les interventions impérialistes dans cette région visent surtout à établir des positions de force en faveur des intérêts stratégiques politico-militaires de l’impérialisme; la stabilisation et la réorganisation des rapports de dépendance des pays du Maghreb et du Moyen-orient sont dirigées dans le but de modifier à l’avantage de l’impérialisme les rapports de force internationaux, non seulement sur la ligne directrice nord/sud, mais surtout dans le cadre du bipolarisme.

Les temps et les modalités de ces interventions sont donc rythmés et influencés par des facteurs objectifs et subjectifs: par l’approfondissement de la crise économique qui est à la base de la progression de la tendance à la guerre et donc de l’exigence d’une réorganisation mondiale de la division du travail et des marchés; ainsi que par l’évolution du cadre historique, politique et militaire sorti de la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire par les modifications dans les équilibres est/ouest.

Dans ce contexte, il est possible de lire les diverses formes de l’intervention impérialiste et de les situer dans l’ensemble de sa stratégie.

Une intervention globale qui a vu, au cours de la deuxième moitié des années 80, succéder aux coups de force militaires US une intesne activité politico-diplomatique, spécifiquement européenne et facilitée par ses plus grandes marges de manoeuvre dans la mise en oeuvre des opérations de  » rapiécage  » des déchirures engendrées par la  » politique des cannoniers « ; en poursuivant ainsi, par des étapes sucessives et dans un processus non linéaire, l’objectif qui est de modifier les positions des pays arabes dans un sens pro-occidental.

Parallèlement à ces opérations de division – cooptation des Etats de la région (et aussi en s’appuyant sur les résultats obtenus par des pressions et des coups de force sur ce terrain) se multipliaient les tentatives politico-diplomatiques pour résoudre la  » question palestinienne « , avec d’une part la tentative de rompre la cohésion du peuple palestinien, de façon à isoler et affaiblir ses positions les plus radicalement anti-impérialistes et antisionistes, et visant ainsi à aboutir à une solution adaptée et utile aux intérêts de l’impérialisme (autonomie administrative des territoires);

d’autre part la pression militaire de l’activité sioniste en Cisjordanie et à Gaza, le terrorisme sioniste pratiqué sur une grande échelle contre un peuple tout entier (et non seulement dans les territoires occupés mais aussi dans le Sud du Liban) était le contrepoids aux manoeuvres politico-diplomatiques, montrant l’évidence qu’il n’existe pas pour l’impérialisme de solution qui ne se traduise pas de fait par le renforcement du poids politico-militaire de l’impérialisme dans la zone.

Mais, à la fin des années 80, il était déjà clair que les plans américano-sionistes avaient encore une fois lamentablement coulé, se heurtant au refus, du peuple palestinien en premier lieu, de se résigner à la présence et au diktat impérialiste.

La résistance et le caractère indomptablement révolutionnaire de ce peuple ont mené à l’impasse les perspectives d’une « normalisation pacifique  » et capitularde du conflit.

En conséquence, pour le moment la tentative de faire jouer à l’entité sioniste un rôle autre qu’essentiellement militaire a également échoué, un rôle qui la placerait au centre d’un cadre de relations intégrées (en termes économiques et de sécurité); le premier but de cette tentative était de réussir à gouverner les contradictions dans un plan de médiation politique, interne et international, où les  » règles du jeu démocratique  » s’avèrent être dominantes.

En effet, la fonction qui a toujours été celle de l’entité sioniste, à savoir celle de  » gendarme  » et d’avant-poste politico-militaire de l’impérialisme dans la région, même s’il serait réducteur de la considérer uniquement ainsi, imprègne toutefois, en substance, toute son activité (étant donné le cadre de conflictualité susdit et à partir de ses caractères), cette fonction étant malgré tout l’aspect central qui donne un sens à son existence dans la phase actuelle (et vu la façon suivant laquelle les relations avec les peuples et les pays de la zone se sont développées jusqu’à aujourd’hui ).

Cela apparaît rn analysant l’exploitation intensive des territoires occupés, menée dans le plus pur style de l’apartheid, ou en remarquant le degré de spécialisation atteint par cet  » Etat  » dans le domaine de la contre-guérilla, un domaine où le savoir-faire sioniste, en plus de démontrer son  » efficacité  » parfois plus importante que celle déjà des corps de contre-guérilla européens (avec par exemple le raid sioniste d’Entebbe ), est aussi exporté pour le soutien des régimes au prise avec la guérilla;

ou encore en constatant quel contrôle attentif il exerce sur les limites imposées au développement technologique et militaire des pays de la zone (par exemple le bombardement de la centrale nucléaire irakienne).

Ce ne sont pas des nouveautés, pas plus que ne l’est leur surarmement auquel les USA contribuent de bon gré par le flux incessant d’armements, de financements et de  » prêts  » à fonds perdus pour soutenir l’économie de guerre sioniste et l’expropriation coloniale des territoires occupés;

ou le fait qu’il est le seul  » pays  » de la zone qui posséde la bombe atomique; ou le fait qu’il a participé et participe aux recherches technologiquement plus avancées concernant le camp militaire (bien qu’il soit  » officiellement  » considéré comme un  » pays du tiers-monde « ).

Cependant, malgré les efforts des différentes diplomaties et l’acharnement sioniste dans l’anéantissement de l’Intifada, non seulement il n’a pas été possible de concrétiser un plan de « médiation  » politico-diplomatique ne tenant pas compte des questions posées par la lutte du peuple palestinien, mais la capacité même de maîtrise de  » l’Etat  » sioniste commençait à se détériorer et à paraître inapte à contrôler le conflit et ses conséquences.

D’un côté la prolongation et l’approfondissement d’une situation chargée de tensions se révélait être un facteur susceptible de remettre en question également les positions de ceux, parmi les pays arabes, qui étaient déjà alignés en sens pro-occidental – et cette réévaluation des alliances était également dûe aux poussées  » d’en-bas « , caractérisées ou pas comme étant islamiques (l’approfondissement du facteur islamique n’est qu’un aspect apparent de cette situation, dans la mesure où ce facteur assume de fait la fonction de  » ciment  » politique des masses arabes, dans le sens de l’imposition de leur propre autonomie vis-à-vis des visées occidentales, et donc à caractère anti-impérialiste).

De l’autre côté et parallélement, le refus exprimé par l’Irak de subir passivement les pressions et les impositions typiques des relations développement/sous-développement, rendait encore plus urgente pour l’impérialisme une intervention dans la région, afin de réaffirmer et de renforcer son propre poids économique, politique et militaire (…).

D’autre part, l’aggravation de la crise économique, qui serre la chaîne impérialiste, accélére le mûrissement des étapes dans la tendance à la guerre et nourrit, entre autres, l’agressivité et l’interventionnisme belliciste de l’impérialisme, des USA en premier lieu, dans toutes les zones périphériques, pour un réaménagement des équilibres politiques et des zones d’influence (…).

En résumé, les effets de l’agression impérialiste au Moyen-Orient dépassent les raisons historiques, économiques, politiques et militaires spécifiques de la région, et ils s’entrecroisent indissolublement aux événements et aux processus économiques et politiques de la chaîne impérialiste, qui placent l’Europe au centre de la redéfinition des équilibres politiques jaillis des accords de Yalta. L’offensive militaire dans le Golfe est, au fond, la conséquence des déséquilibres de l’économie capitaliste: en tant que telle elle est un autre pas en avant de la tendance à la guerre (…).

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