Résolution sur le traité de Versailles au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

La guerre mondiale s’est terminée par l’écroulement de trois puissances impérialistes: l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie. Quatre grands rapaces sont sortis victorieux de la lutte: les États-Unis, l’Angleterre, la France et le Japon.

Les traités de paix, dont celui de Versailles constitue le noyau central, sont une tentative de stabiliser la domination mondiale de ces quatre puissances victorieuses: politiquement et économiquement, en réduisant tout le reste du monde en un domaine colonial d’exploitation ; socialement en consolidant la bourgeoisie vis-à-vis du prolétariat de chaque pays et de la Russie prolétarienne révolutionnaire victorieuse, grâce à une alliance de toutes les bourgeoisies.

Dans ce but on construisit et on arma une digue de petits États vassaux autour de la Russie pour étouffer cette dernière à la première occasion. Les États vaincus devaient en outre réparer complètement les dommages matériels subis par les États victorieux.

Aujourd’hui, il est clair pour tout le monde qu’aucune des présomptions sur lesquelles étaient bâtis tous ces traités de paix n’était fondée. La tentative de rétablir un nouvel équilibre sur des bases capitalistes a échoué.

L’histoire des quatre dernières années montre un chancellement continu, une insécurité permanente; les crises économiques, le chômage et la surproduction, les crises ministérielles, les crises de parti, les crises extérieures n’en finissent plus.

Au moyen d’une série infinie de Conférences, les puissances impérialistes essayent d’arrêter la ruine du système mondial édifié par ces traités et de dissimuler la banqueroute de Versailles.

Les tentatives pour renverser en Russie la dictature du prolétariat ont échoué. Le prolétariat de tous les pays capitalistes prend de plus en plus résolument position en faveur de la Russie des Soviets.

Même les chefs de l’Internationale d’Amsterdam sont obligés de déclarer ouvertement que la chute de la domination prolétarienne en Russie serait une victoire de la réaction mondiale sur tout le prolétariat.

La Turquie, précurseur de l’Orient en marche vers la révolution, a résisté les armes à la main à l’application du traité de paix;à la Conférence de Lausanne ont lieu les funérailles solennelles d’une partie importante des traités.

La crise économique mondiale persistante a donné la preuve que la conception économique du traité de Versailles n’est pas soutenable. La puissance européenne capitaliste dirigeante, l’Angleterre, qui dépend dans la plus grande mesure du commerce mondial ne peut consolider sa base économique sans la restauration de l’Allemagne et de la Russie.

Les États-Unis, la plus forte puissance impérialiste, se sont complètement détournés de l’œuvre de paix et cherchent à fonder leur impérialisme mondial sur leurs propres forces. Ils ont réussi à gagner l’appui de parties importantes de l’Empire mondial anglais, du Canada et de l’Australie.

Les colonies opprimées de l’Angleterre, base de son pouvoir mondial, se rebellent; tout le monde musulman est en révolte ouverte ou latente.Toutes les présomptions de l’œuvre de paix ont fait défaut, sauf une: que le prolétariat de tous les pays bourgeois doit payer les charges de la guerre et de la paix de Versailles.

§1. France. — En apparence, c’est la France qui, de tous les pays victorieux, s’est le plus accru en puissance. Outre la conquête de l’Alsace-Lorraine, l’occupation de la rive gauche du Rhin, les innombrables milliards de dommages de guerre qu’elle réclame à l’Allemagne, elle est devenue en fait la plus grande puissance militaire du continent européen. Avec ses États vassaux, dont les armées sont instruites et dirigées par des généraux français (Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie), avec sa propre grande armée, avec ses sous-marins et sa flotte aérienne, elle domine le continent européen, elle joue le rôle de gardien du traité de Versailles.

Mais la base économique de la France, sa petite population diminuant de plus en plus, son énorme dette intérieure et extérieure et sa dépendance économique à l’égard de l’Angleterre et de l’Amérique ne donnent pas un fondement suffisant à sa soif inextinguible d’expansion impérialiste. Sous le rapport de la puissance politique, elle est gênée par la maîtrise de l’Angleterre sur toutes les bases navales importantes, par le monopole du pétrole détenu par l’Angleterre et l’Amérique.

Sous le rapport économique, son enrichissement en minerai de fer procuré par le traité de Versailles perd sa valeur du fait que les mines correspondantes de charbon du bassin de la Ruhr sont restées à l’Allemagne.

L’espoir de remettre en ordre les finances ébranlées de la France avec l’aide des réparations payées par l’Allemagne est apparue illusoire. Tous les experts financiers sont unanimes à reconnaître que l’Allemagne ne saurait payer les sommes dont la France a besoin pour assainir ses finances. Il ne reste à la bourgeoisie française qu’un moyen: réduire le niveau d’existence du prolétariat français à celui du prolétariat allemand.

La famine du travailleur allemand est une image de la misère qui menace pour demain l’ouvrier français. La dépréciation du franc, provoquée consciemment par certains milieux de la grande industrie française, constituera un moyen de rejeter sur les épaules du prolétariat français les charges de la guerre après que l’œuvre de paix de Versailles sera apparue impraticable.

§2. Angleterre. — La guerre mondiale a donné à l’Angleterre l’unification de son empire colonial, du Cap de Bonne-Espérance, à travers l’Égypte et l’Arabie, jusqu’aux Indes. Elle a maintenu en sa possession tous les principaux accès sur la mer.

Par des concessions accordées à ses colonies d’émigration, elle a cherché à construire l’Empire mondial anglo-saxon. Mais malgré toute la souplesse de sa bourgeoisie, malgré son effort pour reconquérir le marché mondial, il est apparu qu’avec la situation mondiale créée par le traité de Versailles l’Angleterre ne peut plus progresser. L’État industriel anglais ne peut plus exporter si l’Allemagne et la Russie ne sont pas restaurées économiquement.

Sous ce rapport, l’antagonisme entre l’Angleterre et la France s’aggrave ; l’Angleterre veut vendre ses marchandises à l’Allemagne, ce que le traité de Versailles rend impossible ; la France veut arracher à l’Allemagne des sommes colossales sous forme de contributions de guerre, ce qui ruine la force d’achat de l’Allemagne.

C’est pourquoi l’Angleterre est pour la suppression des réparations, et la France mène dans le Proche-Orient une guerre dissimulée contre l’Angleterre pour la contraindre à céder dans la question des réparations. Tandis que le prolétariat anglais supporte les charges de la guerre sous la forme du chômage de millions d’ouvriers, la bourgeoisie d’Angleterre et de France s’accorde aux dépens de l’Allemagne.

§3. Europe Centrale. Allemagne. — L’objet le plus important du traité de Versailles, c’est l’Europe Centrale, la nouvelle colonie des brigands impérialistes. Divisée en d’innombrables petits États et en une série de régions économiquement non viables, l’Europe Centrale est incapable de vie politique indépendante. Elle est la colonie du capital anglais et français. Selon l’intérêt changeant de ces grandes puissances, ses divers tronçons sont excités les uns contre les autres.

La Tchécoslovaquie, sur un domaine économique de 60 millions d’individus, est constamment en proie à la crise économique. L’Autriche a été réduite à l’état de monstre non viable qui ne mène plus, en apparence, une existence politique indépendante que grâce aux rivalités des pays voisins.

La Pologne, à laquelle des vastes régions occupées par des populations de langues étrangères ont été attribuées, est un avant-poste de la France, une caricature de l’impérialisme français.

Dans tous ces pays, le prolétariat doit payer les frais de la guerre sous forme d’une réduction de son niveau d’existence ou d’un formidable chômage. Mais l’objet le plus important du traité de Versailles, c’est l’Allemagne désarmée, privée de toute possibilité de défense.

Elle est livrée à la merci des puissances impérialistes. La bourgeoisie allemande cherche à lier ses intérêts tantôt à ceux de la bourgeoisie anglaise, tantôt à ceux de la bourgeoisie française. Elle cherche à satisfaire une partie des prétentions de la France au moyen d’une exploitation aggravée du prolétariat allemand et à assurer en même temps sa propre domination sur ce prolétariat avec l’aide étrangère.

Mais la plus forte exploitation du prolétariat allemand, la transformation de l’ouvrier allemand en coolie européen, la misère effrayante où il est plongé par suite du traité de Versailles ne donnent pas la possibilité de payer les réparations.

L’Allemagne devient donc le ballon de jeu de l’Angleterre et de la France. La bourgeoisie française veut résoudre la question par la force en occupant le bassin de la Ruhr et la rive gauche du Rhin.

L’Angleterre s’y oppose. Seule, l’aide de la plus grande puissance économique, les États-Unis, eût pu concilier les intérêts contradictoires de l’Angleterre, de la France et de l’Allemagne.

§4. États-Unis d’Amérique. — Les États-Unis se sont retirés depuis longtemps de l’œuvre de paix de Versailles, en refusant de ratifier le traité. Les États-Unis qui sont sortis de la guerre mondiale comme la plus grande puissance économique et politique, et envers qui les puissances impérialistes européennes sont fortement endettées, ne se montrent pas disposés à guérir, au moyen de nouveaux grands crédits à l’Allemagne, la crise financière de la France.

Le capital des États-Unis se détourne de plus en plus du chaos européen et cherche avec beaucoup de succès à se créer dans l’Amérique Centrale et du Sud et en Extrême-Orient un empire colonial et à assurer à sa classe régnante l’exploitation du marché intérieur par un système douanier protectionniste.

En abandonnant de la sorte l’Europe continentale à son sort, les États-Unis, tout en appliquant leur suprématie économique à la construction de navires de guerre, ont contraint les autres puissances impérialistes à accepter l’accord de désarmement de Washington.

Ils ont ainsi ruiné une des bases les plus importantes de l’œuvre de Versailles, à savoir: la suprématie maritime de l’Angleterre, et de la sorte il n’y a plus de sens pour l’Angleterre à rester dans le groupement de puissances prévu à Washington.

§5. Japon. Colonies. — La plus jeune puissance mondiale impérialiste, le Japon, se tient à l’écart du chaos européen crée par le traité de Versailles. Mais, par le développement des États-Unis en puissance mondiale, ses intérêts ont été vivement touchés.

À Washington, il a été obligé de dissoudre son alliance avec l’Angleterre, ce qui a ruiné encore une des bases les plus importantes de la division du monde faite à Versailles.

En même temps, non seulement les peuples opprimés se révoltent contre la domination de l’Angleterre et du Japon, mais les colonies d’émigration de l’Angleterre cherchent à assurer leurs intérêts au moyen d’un rapprochement avec les États-Unis, dans la lutte imminente entre les États-Unis et le Japon. Le cadre de l’impérialisme anglais se relâche ainsi de plus en plus.

§6. Vers une nouvelle guerre mondiale. — Les tentatives des grandes puissances impérialistes pour créer une base permanente à leur domination mondiale ont échoué lamentablement devant leurs intérêts contradictoires. La grande œuvre de paix est ruinée.

Les grandes puissances arment leurs États vassaux en vue d’une nouvelle guerre. Le militarisme est plus fort que jamais. Et quoique la bourgeoisie redoute anxieusement une nouvelle révolution prolétarienne à la suite d’une guerre mondiale, les lois internes de l’ordre social capitaliste poussent irrésistiblement à un nouveau conflit mondial.

§7. Les objectifs des PC. — Les Internationales 2 et 2½ s’appliquent à soutenir l’aile radicale de la bourgeoisie, qui représente avant tout les intérêts du capital commercial et bancaire dans sa lutte impuissante pour la suppression des réparations.

Comme dans toutes les questions, dans celle-ci aussi, elles marchent avec la bourgeoisie. La tâche des PC, et en premier lieu de ceux des pays victorieux, est donc de rendre clair aux masses que l’œuvre de paix de Versailles rejette toutes les charges sur les épaules du prolétariat, aussi bien dans les pays victorieux que dans les pays vaincus, et que les prolétaires de tous les pays sont les véritables victimes.

Sur cette base, les PC, et avant tout ceux d’Allemagne et de France, doivent mener la lutte commune contre le traité de Versailles.

Le PC Français doit lutter de toutes ses forces contre les tendances impérialistes de sa propre bourgeoisie, contre sa tentative à s’enrichir au moyen de l’exploitation aggravée du prolétariat allemand, contre l’occupation du bassin de la Ruhr, contre le morcellement de l’Allemagne, contre l’impérialisme français.

Il ne suffit plus aujourd’hui de combattre en France la soi-disant défense de la patrie, il faut lutter pas à pas contre le traité de Versailles.

Le devoir des PC de Tchécoslovaquie, de Pologne et des autres pays vassaux de la France, est de lier la lutte contre leur propre bourgeoisie à la lutte contre l’impérialisme français.

Il faut, au moyen d’actions communes de masses, rendre clair au prolétariat français et allemand que la tentative de réaliser le traité de Versailles réduit à la plus profonde misère le prolétariat des deux pays et avec lui le prolétariat de toute l’Europe.

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Résolution sur la Révolution russe au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Le 4e Congrès Mondial de l’IC exprime au peuple travailleur de la Russie des Soviets ses remerciements les plus profonds et son admiration sans bornes pour avoir, non seulement conquis le pouvoir au moyen de la lutte révolutionnaire et établi la dictature du prolétariat, mais pour avoir su défendre victorieusement jusqu’à aujourd’hui contre tous les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur les conquêtes de la révolution. Il a ainsi rendu des services immortels à la libération des opprimés et des exploités de tous les pays.

Le 4e Congrès Mondial constate avec la plus grande satisfaction que le premier État ouvrier du monde, issu de la révolution prolétarienne, a complètement prouvé sa force de vie et de développement au cours des cinq années de son existence, malgré des difficultés et des dangers inouïs.

L’État soviétique est sorti renforcé des horreurs de la guerre civile. Grâce à l’héroïsme incomparable de l’armée rouge, il a abattu sur tous les fronts la contre-révolution militaire équipée et soutenue par la bourgeoisie mondiale.

Il a repoussé toutes les tentatives des États capitalistes pour lui imposer, au moyen de ruses diplomatiques et d’une pression économique, l’abandon du contenu prolétarien des buts communistes de la révolution, à savoir la reconnaissance du droit de propriété privée sur les moyens de production sociaux et la renonciation à la nationalisation de l’industrie. Inébranlablement, il a défendu contre l’assaut de la bourgeoisie mondiale ce qui constitue la condition fondamentale de la libération prolétarienne, à savoir la propriété collective des moyens de production.

En s’opposant à la reconnaissance d’une dette nationale immense, il s’est opposé à ce qu’on rabaisse les ouvriers et les paysans de la République des Soviets au niveau des serfs coloniaux des capitalistes.

Le 4e Congrès Mondial constate que l’État ouvrier, depuis qu’il n’est plus obligé de défendre son existence les armes à la main, s’efforce avec la plus grande énergie de rétablir et de développer la vie économique de la République et qu’il continue à se fixer comme but l’établissement du communisme.

Les étapes et les mesures diverses menant à ce but, la «Nouvelle politique économique», sont le résultat, d’une part, des conditions objectives et subjectives du pays, d’autre part, de la lenteur du développement de la révolution mondiale et de l’état d’isolement de la République des Soviets au milieu d’États capitalistes.

Malgré les difficultés inouïes qui sont ainsi créées, l’État ouvrier peut faire des progrès décisifs dans le domaine de la reconstruction économique.

De même que les ouvriers russes ont chèrement payé pour les ouvriers du monde entier les enseignements qui se dégagent de la conquête et de la défense du pouvoir politique et de l’établissement de la dictature prolétarienne, ce sont eux encore qui font les sacrifices les plus pénibles pour résoudre les problèmes de la période de transition du capitalisme au communisme.

La Russie des Soviets est et reste le foyer le plus riche d’expériences révolutionnaires pour le prolétariat mondial.

Le 4e Congrès Mondial constate avec satisfaction que la politique de la Russie des Soviets a assuréet renforcé la condition la plus importante pour l’instauration et le développement de la société communiste, le régime des Soviets, c’est-à-dire la dictature du prolétariat.

Car, seule, cette dictature est capable de surmonter toutes les résistances bourgeoises à l’émancipation totale des travailleurs et d’assurer ainsi la défaite complète du capitalisme et la voie libre vers la réalisation du communisme.

Le 4e Congrès Mondial constate la part décisive prise par le PC russe, en tant que Parti dirigeant du prolétariat soutenu par les paysans, à la conquête et à la défense du pouvoir politique.

L’unité idéologique et organique du Parti, sa discipline sévère, ont donné aux masses l’assurance révolutionnaire du but à atteindre et des méthodes à employer, ont élevé ses qualités de décision et de dévouement jusqu’à l’héroïsme et créé un lien organique indestructible entre les masses et les chefs.

Le 4e Congrès Mondial rappelle aux travailleurs de tous les pays que la révolution prolétarienne ne pourra jamais vaincre à l’intérieur d’un seul pays, mais dans le cadre international, en tant que révolution prolétarienne mondiale.

La lutte de la Russie des Soviets pour son existence et pour les conquêtes de la révolution est la lutte pour la libération des travailleurs, des opprimés et exploités du monde entier.

Les travailleurs russes ont fait surabondamment leur devoir en tant que champions révolutionnaires du prolétariat mondial. Le prolétariat mondial devra aussi remplir sa tâche. Dans tous les pays, les ouvriers, les déshérités et les opprimés devront manifester moralement, économiquement et politiquement leur complète solidarité avec la Russie des Soviets.

Ce n’est pas seulement la solidarité internationale, mais c’est leur intérêt le plus élémentaire qui doit les décider à engager un combat acharné contre la bourgeoisie et l’État capitaliste.

Dans tous les pays leurs mots d’ordre devront être les suivants: Ne touchez pas à la Russie des Soviets! Reconnaissance de la République des Soviets! Assistance vigoureuse de toute sorte pour la reconstruction économique de la Russie des Soviets!

Tout renforcement de la Russie des Soviets équivaut à un affaiblissement de la bourgeoisie mondiale Le maintien depuis cinq ans du régime des Soviet est le coup le plus dur que le capitalisme mondial ait reçu jusqu’à présent.

Le 4e Congrès Mondial demande aux travailleurs de tous les pays capitalistes de s’inspirer de l’exemple de la Russie des Soviets, et de porter au capitalisme le coup mortel, de tendre toutes leurs forces pour réaliser la révolution mondiale.

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Résolution sur le programme de l’Internationale Communiste au quatrième congrès

§1. Tous les projets de programme seront transmis au CEIC ou à une Commission désignée à cet effet, pour être étudiés et élaborés en détail. Le CEIC est tenu de publier dans le plus bref délai tous les projets de programme qui lui parviennent.

§2. Le Congrès confirme que les Sections nationales de l’IC qui n’ont pas encore de programme national sont tenues de commencer immédiatement à en élaborer un pour pouvoir le soumettre au CEIC, trois mois au plus tard avant le 5eCongrès, pour ratification.

§3. Dans le programme des Sections nationales, la nécessité de la lutte pour les revendications transitoires doit être motivée avec précision et netteté; les réserves sur les rapports de ces revendications avec les conditions concrètes de temps et de lieu doivent être mentionnées.

§4. Les fondements théoriques de toutes les revendications transitoires et partielles doivent absolument être formulés dans le programme général. Le 4e Congrès se prononce tout aussi résolument contre la tentative de représenter l’introduction de revendications transitoires dans le programme comme de l’opportunisme, que contre toute tentative d’atténuer ou de remplacer les objectifs révolutionnaires fondamentaux par des revendications partielles.

§5. Dans le programme général doivent être nettement énoncés les types historiques fondamentaux entre lesquels se divisent les revendications transitoires des Sections nationales, conformément aux différences essentielles de structure économique et politique des divers pays, comme par exemple, l’Angleterre d’une part, l’Inde de l’autre, etc.

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Résolution sur la tactique de l’Internationale Communiste au quatrième congrès

§1. — Confirmation des résultats du 3e Congrès Mondial.

Le 4e Congrès constate avant tout que les résolutions du 3e Congrès Mondial :

1) sur la crise économique mondiale et les tâches de l’IC ;

2) sur la tactique de l’IC, ont été complètement confirmées par le cours des événements et le développement du mouvement ouvrier dans l’intervalle entre les 3eet 4e Congrès.

§2.— La période de décadence du capitalisme.

Après avoir analysé la situation économique mondiale, le 3e Congrès put constater avec la plus complète précision que le capitalisme, après avoir accompli sa mission de développement des forces productrices, est tombé dans la contradiction la plus irréductible avec les besoins, non seulement de l’évolution historique actuelle, mais aussi avec les conditions d’existence humaine les plus élémentaires.

Cette contradiction fondamentale se refléta particulièrement dans la dernière guerre impérialiste et fut encore aggravée par cette guerre qui ébranla, de la manière la plus profonde, le régime de la production et de la circulation.

Le capitalisme, qui se survit ainsi à lui-même, est entré dans la phase où l’action destructrice de ses forces déchaînées ruine et paralyse les conquêtes économiques créatrices déjà réalisées par le prolétariat dans les liens de l’esclavage capitaliste.

Le tableau général de la ruine de l’économie capitaliste n’est en rien atténué par les fluctuations inévitables qui sont propres au système capitaliste, dans son déclin comme dans son ascension.

Les tentatives faites par les économistes nationaux bourgeois et social-démocrates pour présenter l’amélioration constatée dans la seconde moitié de 1921 aux États-Unis et, dans une mesure bien moindre, au Japon et en Angleterre, en partie aussi en France et dans d’autres pays, comme un indice de rétablissement de l’équilibre capitaliste reposent en partie sur la volonté d’altérer les faits et en partie sur le manque de perspicacité des valets du capital.

Le 3e Congrès, même avant le commencement de la reprise industrielle actuelle, avait prévu cette reprise dans un avenir plus ou moins rapproché, et il l’avait définie dès lors de la façon la plus précise comme une vague superficielle sur le fond de la destruction croissante de l’économie capitaliste.

On peut prévoir nettement dès à présent que si la reprise actuelle de l’industrie n’est pas susceptible, même dans un avenir éloigné, de rétablir l’équilibre capitaliste ou même de guérir les plaies béantes laissées par la guerre, la prochaine crise cyclique, dont l’action coïncidera avec la ligne principale de la destruction capitaliste, ne fera qu’aggraver toutes les manifestations de cette dernière, et par conséquent aussi, dans une mesure extraordinaire, la situation révolutionnaire.

Jusqu’à sa mort, le capitalisme sera en proie à ces fluctuations cycliques. Seules, la prise du pouvoir par le prolétariat et la Révolution mondiale socialiste pourront sauver l’humanité de cette catastrophe permanente provoquée par la persistance du capitalisme moderne.

Ce que le capitalisme traverse aujourd’hui n’est autre que son agonie. L’écroulement du capitalisme est inévitable.

§3.— La situation politique internationale.

La situation politique internationale reflète aussi la ruine progressive du capitalisme. La question des réparations n’est toujours pas résolue. Tandis que les Conférences des États de l’Entente se succèdent, la ruine économique de l’Allemagne se poursuit toujours et menace l’existence du capitalisme dans toute l’Europe Centrale.

L’aggravation catastrophique de la situation économique de l’Allemagne contraindra l’Entente à renoncer aux réparations, ce qui accélérera la crise économique et politique de la France ou bien déterminera la formation d’un bloc industriel franco-allemand sur le continent ; et ce fait aggravera la situation économique de l’Angleterre et sa position sur le marché mondial ; il opposera politiquement l’Angleterre au Continent.

Dans le Proche-Orient, la politique de l’Entente a subi une faillite complète. Le traité de Sèvres a été déchiré par les baïonnettes turques. La guerre gréco-turque et les événements subséquents ont montré avec évidence l’instabilité de l’équilibre politique actuel.

Le fantôme d’une nouvelle guerre mondiale impérialiste est apparu clairement. Après avoir, pour des motifs de concurrence avec l’Angleterre, aidé à déterminer l’œuvre commune de l’Entente dans le Proche-Orient, la France impérialiste est de nouveau poussée par ses intérêts capitalistes dans le front commun du capitalisme contre les peuples de l’Orient.

Par-là, la France capitaliste prouve aux peuples du Proche-Orient qu’ils ne sauraient mener leur lutte de défense contre l’oppression qu’aux côtés de la Russie des Soviets et avec l’appui du prolétariat révolutionnaire du monde entier.

En Extrême-Orient, les États victorieux de l’Entente ont essayé de réviser, à Washington, la paix de Versailles, mais ils n’ont fait ainsi que se donner un répit en réduisant pour quelques années une catégorie seulement d’armements, à savoir le grand nombre des navires de guerre. Ils n’ont pas obtenu une solution de la question.

La lutte se poursuit toujours entre l’Amérique et le Japon, elle entretient la guerre civile en Chine. La côte du Pacifique reste, après comme avant Washington, un foyer de grands conflits. L’exemple des mouvements de libération nationale aux Indes, en Égypte, en Irlande et en Turquie, montre que les pays coloniaux et semi-coloniaux constituent les foyers d’un mouvement révolutionnaire grandissant contre les puissances impérialistes et des réservoirs inépuisables de forces révolutionnaires qui, dans la situation actuelle, se tournent objectivement contre toute l’existence de l’ordre bourgeois mondial.

La paix de Versailles est liquidée par les faits. Mais elle ne fait pas place à un accord général des États capitalistes, à une suppression de l’impérialisme ; elle crée au contraire de nouveaux antagonismes, de nouveaux armements. La reconstruction de l’Europe est impossible dans la situation donnée. L’Amérique donnée. L’Amérique capitaliste ne veut faire aucun sacrifice pour la restauration de l’économie capitaliste européenne.

L’Amérique capitaliste plane comme un vautour sur l’agonie du capitalisme européen dont elle sera l’héritier. L’Amérique réduira l’Europe capitaliste en esclavage si la classe ouvrière européenne ne s’empare pas du pouvoir politique et ne s’applique pas à réparer les ruines de la guerre mondiale et à commencer la construction d’une République Fédérative des Soviets d’Europe.

Les derniers événements qui se sont déroulés en Autriche sont éminemment caractéristiques de la situation politique de l’Europe. Sur l’ordre de l’impérialisme de l’Entente, salué avec joie par la bourgeoisie autrichienne, la fameuse démocratie – fierté des leaders de l’Internationale de Vienne, pour laquelle ces derniers ont constamment trahi les intérêts du prolétariat et qu’ils avaient confiée à la garde des monarchistes, des social-chrétiens et des nationalistes, qu’elle aidait à se rétablir au pouvoir –a été anéantie d’un trait de plume à Genève et remplacée par la dictature ouverte d’un simple plénipotentiaire de l’Entente.

Le Parlement bourgeois même est supprimé en fait et remplacé par un commis des banquiers de l’Entente.

Après un court semblant de résistance, les social-démocrates ont capitulé et aidé à l’exécution de ce honteux traité.

Ils se sont même déclarés prêts à entrer de nouveau dans la coalition sous une forme à peine masquée, pour empêcher une résistance du prolétariat. Ces événements en Autriche, ainsi que le dernier coup d’État fasciste en Italie, démontrent d’une manière frappante l’instabilité de toute la situation et prouvent surabondamment que la démocratie n’est qu’un simulacre, qu’elle n’est en réalité que la dictature masquée de la bourgeoisie, que cette dernière remplace, le moment venu, par la réaction ouverte la plus brutale.

En même temps, la situation politique internationale de la Russie des Soviets, le seul pays où le prolétariat ait vaincu la bourgeoisie et maintenu son pouvoir pendant cinq années contre les assauts de ses ennemis, est renforcée dans une mesure considérable.

À Gênes et à La Haye, les capitalistes de l’Entente ont tenté de contraindre la République des Soviets de Russie à renoncer à la nationalisation de l’industrie et de la charger d’un fardeau de dettes qui la transformerait, en fait, en une colonie de l’Entente.

L’État prolétarien de la Russie des Soviets fut cependant assez fort pour résister à ces prétentions. Dans le chaos du système capitaliste en cours de dissolution, la Russie des Soviets, de la Bérézina à Vladivostok, de la côte de Mourmansk aux montagnes d’Arménie, est un facteur croissant de puissance en Europe, dans le Proche et l’Extrême-Orient.

Malgré les tentatives du monde capitaliste, pour étouffer la Russie au moyen du blocus financier, celle-ci sera en état d’aborder sa restauration économique.

Dans ce but, elle utilisera aussi bien ses propres ressources économiques que la concurrence entre capitalistes, qui contraindra ceux-ci à mener des négociations séparées avec la Russie des Soviets. Un sixième du globe est au pouvoir des Soviets.

L’existence seule de la République des Soviets de Russie agit sur la société bourgeoise comme un élément de la Révolution mondiale. Plus la Russie Soviétique se relève et se consolide économiquement, et plus ce facteur révolutionnaire prédominant accroîtra son influence dans la politique internationale.

§4.— L’offensive du Capital.

Le prolétariat de tous les pays, excepté la Russie, n’ayant pas profité de l’état de faiblesse du capitalisme, déterminé par la guerre, pour lui porter des coups décisifs, la bourgeoisie put, grâce à l’aide des socialistes-réformistes, écraser les ouvriers révolutionnaires prêts au combat, consolider son pouvoir politique et économique et commencer une nouvelle offensive contre le prolétariat.

Toutes les tentatives de la bourgeoisie pour remettre en marche la production et la réparation industrielle après l’orage de la guerre mondiale furent faites aux dépens du prolétariat. L’offensive universelle et systématique organisée par le capital contre toutes les conquêtes de la classe ouvrière entraîna tous les pays dans son tourbillon.

Partout le capital réorganisé réduit impitoyablement le salaire réel des ouvriers, prolonge la journée de travail, rogne les modestes droits du prolétariat dans l’industrie, oblige dans les pays à bas cours les ouvriers, réduits à la mendicité, à payer les frais de la misère déterminée dans la vie économique par la dépréciation du change, etc.

L’offensive du capital, qui a pris au cours de ces dernières années des proportions gigantesques, oblige les ouvriers de tous les pays à mener des luttes défensives. Des milliers et des dizaines de milliers d’ouvriers ont accepté le combat, dans les branches les plus importantes de la production. Des groupes toujours nouveaux d’ouvriers entrent dans la lutte, venant des branches les plus déterminantes de la vie économique (cheminots, mineurs, métallurgistes, fonctionnaires de L’État et employés municipaux).

La plupart de ces grèves n’ont eu jusqu’à présent aucun succès immédiat ; mais cette lutte engendre dans des masses nouvelles et de plus en plus considérables d’ouvriers autrefois retardataires une haine infinie contre les capitalistes et le pouvoir d’État qui les protège. Cette lutte imposée au prolétariat ruine la politique de communauté de travail avec les entrepreneurs, menée par les social-réformistes et les bureaucrates syndicaux.

Cette lutte montre même aux couches les plus arriérées du prolétariat le rapport évident entre l’économie et la politique. Chaque grande grève devient aujourd’hui un grand événement politique.

À cette occasion, il est apparu que les partis de la 2e Internationale et les chefs syndicaux d’Amsterdam, non seulement n’apportent aucune aide aux masses ouvrières engagées dans de durs combats défensifs, mais même les abandonnent et les trahissent au profit des entrepreneurs, des patrons et des gouvernements bourgeois.

C’est une des tâches des PC de clouer au pilori cette trahison inouïe et continuelle et de l’illustrer dans les luttes quotidiennes des masses ouvrières.

C’est le devoir des PC de tous les pays d’étendre et d’approfondir les nombreuses grèves économiques qui éclatent partout et, si possible, de les transformer en grèves et en luttes politiques.

C’est de même le devoir naturel des PC de profiter des luttes défensives pour renforcer la conscience révolutionnaire et la volonté de combat des masses prolétariennes de façon que, lorsqu’elles seront assez fortes, elles puissent passer de la défensive à l’offensive.

L’aggravation systématique des antagonismes entre le prolétariat et la bourgeoisie par suite de l’existence de ces luttes est inévitable. La situation reste objectivement révolutionnaire et la moindre occasion peut aujourd’hui devenir le point de départ de grandes luttes révolutionnaires.

§5.— Le fascisme international.

La politique offensive de la bourgeoisie contre le prolétariat, telle qu’elle se manifeste de la manière la plus éclatante dans le fascisme international, est dans le plus étroit rapport avec l’offensive du capital sur le terrain économique.

Étant donné que la misère accélère l’évolution de l’esprit des masses dans un sens révolutionnaire, processus qui englobe les classes moyennes y compris les fonctionnaires, et ébranle la sécurité de la bourgeoisie qui n’a plus dans la bureaucratie un instrument docile, les méthodes de contraintes légales ne suffisant plus à la bourgeoisie.

C’est pourquoi elle s’applique partout à créer des gardes-blanches spécialement destinées à combattre tous les efforts révolutionnaires du prolétariat et qui servent en effet de plus en plus à écraser les tentatives du prolétariat pour améliorer sa situation.

Le trait caractéristique du fascisme italien, du fascisme «classique», qui a conquis pour un temps tout le pays, consiste en ce que les fascistes non seulement constituent des organisations de combat strictement contre-révolutionnaires et armées jusqu’aux dents, mais encore essaient par une démagogie sociale de se créer une base dans les masses, dans la classe paysanne, dans la petite bourgeoisie et même dans certaines parties du prolétariat, en utilisant adroitement pour leurs buts contre-révolutionnaires les déceptions provoquées par la soi-disant démocratie.

Le danger du fascisme existe maintenant dans beaucoup de pays en Tchécoslovaquie, en Hongrie, dans presque tous les pays balkaniques, en Pologne, en Allemagne (Bavière), en Autriche, en Amérique et même dans des pays comme la Norvège. Sous une forme ou sous une autre, le fascisme n’est pas impossible non plus dans des pays comme la France et l’Angleterre.

Une des tâches les plus importantes des PC est d’organiser la résistance au fascisme international, de se mettre à la tête de tout le prolétariat dans la lutte contre les bandes fascistes et d’appliquer énergiquement sur ce terrain aussi la tactique du front unique ; les méthodes illégales sont ici absolument indispensables.

Mais la folle équipée fasciste est le dernier atout de la bourgeoisie. La domination ouverte des gardes-blancs est dirigée d’une façon générale contre les bases mêmes de la démocratie bourgeoise. Les plus grandes masses du peuple travailleur se persuadent de plus en plus du fait que la domination de la bourgeoisie n’est possible que par une dictature non déguisée sur le prolétariat.

§6.— La possibilité de nouvelles illusions pacifistes.

Ce qui caractérise la situation politique internationale au moment actuel, c’est le fascisme, l’état de siège et la vague montante de la terreur blanche contre le prolétariat. Mais cela n’exclut pas la possibilité que, dans un temps assez rapproché, dans des pays très importants, la réaction bourgeoise ouverte soit remplacée par une ère «démocratique-pacifique».

En Angleterre (renforcement du Labour Party aux dernières élections), en France (prochaine période inévitable du «bloc des gauches»), cette phase de transition «démocratique pacifiste» est vraisemblable et elle peut ranimer les espoirs pacifistes dans l’Allemagne bourgeoise et social-démocrate.

Entre la période actuelle de la domination de la réaction bourgeoise ouverte et la victoire complète du prolétariat révolutionnaire sur la bourgeoisie, il y a diverses étapes, et différents épisodes passagers sont possibles. L’IC et ses Sections doivent envisager aussi ces éventualités, elles doivent savoir défendre les positions révolutionnaires dans toutes les situations.

§7.—La situation dans le mouvement ouvrier.

Pendant que, par suite de l’offensive du capital, la classe ouvrière se voit obligée de prendre une attitude défensive, le rapprochement et finalement la fusion des partis du Centre (Indépendants) avec les socialistes-traîtres déclarés (social-démocrates), s’accomplissent.

À l’époque de l’élan révolutionnaire, même les centristes, sous la pression de l’état d’esprit des masses, se déclarèrent pour la dictature du prolétariat et cherchèrent la voie menant à la 3e Internationale. Pendant la vague descendante de la révolution, qui n’est d’ailleurs que temporaire, ces centristes retombent dans le camp de la social-démocratie d’où au fond ils ne s’étaient jamais dégagés.

Alors qu’aux époques de lutte révolutionnaire de masse, ils avaient adopté une attitude sans cesse hésitante et vacillante, ils refusent de participer maintenant aux luttes défensives et retournent au camp de la 2e Internationale, qui a toujours été, consciemment ou non, contre-révolutionnaire. Les partis centristes et l’Internationale 2½ sont en cours de décomposition.

La meilleure partie des ouvriers révolutionnaires, qui se trouvait momentanément dans le camp du centrisme, passera avec le temps à l’IC Par-ci, par-là, ce passage est déjà commencé (Italie). L’écrasante majorité des chefs centristes liés actuellement à Noske, Mussolini, etc. deviendront au contraire des contre-révolutionnaires endurcis.

Objectivement, la fusion des partis de la 2e Internationale et de l’Internationale 2½ peut être utile au mouvement ouvrier révolutionnaire. La fiction d’un Parti révolutionnaire en dehors du camp communiste disparaît ainsi.

Dans la classe ouvrière, deux groupes seulement lutteront désormais pour la conquête de la majorité, la 2e Internationale, qui représente l’influence de la bourgeoisie au sein du prolétariat, et la 3eInternationale, qui a levé le drapeau de la révolution socialiste et de la dictature du prolétariat.

§8.—La division dans les syndicats.

La fusion des Internationales 2 et 2½ a indubitablement pour but de préparer une «atmosphère favorable» à une campagne systématique contre les communistes.

La scission méthodique des syndicats par les chefs de l’Internationale d’Amsterdam est une partie de cette campagne. Les hommes d’Amsterdam reculent devant toute lutte contre l’offensive du capital et continuent plutôt leur politique de collaboration avec les patrons. Pour n’être pas gênés par les communistes dans cette alliance avec les entrepreneurs, ils cherchent à supprimer complètement et systématiquement l’influence des communistes dans les syndicats.

Mais comme les communistes ont cependant, dans beaucoup de pays déjà, conquis la majorité dans les syndicats ou sont en train de la conquérir, les hommes d’Amsterdam ne reculent ni devant les exclusions en masse, ni devant la scission formelle des syndicats. Rien n’affaiblit autant les forces de la résistance prolétarienne contre l’offensive du capital que la division des syndicats. Les chefs réformistes des syndicats le savent bien.

Mais comme ils s’aperçoivent que le terrain se dérobe sous eux et que leur faillite est inévitable et proche, ils s’empressent de diviser les syndicats, ces instruments irremplaçables de la lutte de classe prolétarienne, pour que les communistes ne recueillent plus que les débris et les éclats des anciennes organisations syndicales. Depuis août 1914, la classe ouvrière n’a pas vu pire trahison.

§9.—La conquête de la majorité.

Dans ces conditions, l’indication fondamentale du 3e Congrès Mondial: «Conquérir une influence communiste dans la majorité de la classe ouvrière et mener au combat la partie décisive de cette classe», subsiste dans toute sa force.

La conception suivant laquelle, dans l’équilibre instable actuel de la société bourgeoise, la plus grave crise peut subitement éclater par suite d’une grande grève, d’un soulèvement colonial, d’une nouvelle guerre, ou même d’une crise parlementaire, garde toute sa force aujourd’hui encore plus qu’à l’époque du 3e Congrès.

Mais c’est précisément pour cela que le facteur «subjectif», c’est-à-dire le degré de conscience, de volonté, de combat et d’organisation de la classe ouvrière et de son avant-garde, acquiert une importance énorme. La majorité de la classe ouvrière d’Amérique et d’Europe doit être gagnée ; c’est la tâche essentielle de l’IC à présent comme auparavant.

§10.—Dans les pays coloniaux.

Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, l’IC a deux tâches :

1) créer un noyau de PC qui défende les intérêts généraux du prolétariat;

2) appuyer de toutes ses forces le mouvement national-révolutionnaire dirigé contre l’impérialisme, devenir l’avant-garde de ce mouvement et mettre en relief et renforcer le mouvement social au sein du mouvement national.

§11.—Le gouvernement ouvrier.

Le gouvernement ouvrier (éventuellement le gouvernement paysan) devra partout être employé comme un mot d’ordre de propagande général.

Mais, comme mot d’ordre de politique actuelle, le gouvernement ouvrier présente la plus grande importance dans les pays où la situation de la société bourgeoise est particulièrement peu sûre, où le rapport des forces entre les partis ouvriers et la bourgeoisie met la solution de la question du gouvernement ouvrier à l’ordre du jour comme une nécessité politique. Dans ces pays, le mot d’ordre du «gouvernement ouvrier» est une conséquence inévitable de toute la tactique du front unique.

Les partis de la 2e Internationale cherchent, dans ces pays, à «sauver» la situation en prêchant et en réalisant la coalition des bourgeois et des social-démocrates.

Les plus récentes tentatives faites par certains partis de la 2e Internationale (par exemple en Allemagne), tout en refusant de participer ouvertement à un tel gouvernement de coalition, pour le réaliser en même temps sous une forme déguisée, ne sont rien moins qu’une manœuvre tendant à calmer les masses protestant contre de semblables coalitions et qu’une duperie raffinée des masses ouvrières.

À la coalition ouverte ou masquée bourgeoise et social-démocrate, les communistes opposent le front unique de tous les ouvriers et la coalition politique et économique de tous les partis ouvriers contre le pouvoir bourgeois pour le renversement définitif de ce dernier.

Dans la lutte commune de tous les ouvriers contre la bourgeoisie, tout l’appareil d’État devra tomber dans les mains du gouvernement ouvrier et les positions de la classe ouvrière en seront renforcées.

Le programme le plus élémentaire d’un gouvernement ouvrier doit consister à armer le prolétariat, à désarmer les organisations bourgeoises contre-révolutionnaires, à instaurer le contrôle de la production, à faire tomber sur les riches le principal fardeau des impôts et à briser la résistance de la bourgeoisie contre-révolutionnaire.

Un gouvernement de ce genre n’est possible que s’il naît dans la lutte des masses mêmes, s’il s’appuie sur des organes ouvriers aptes au combat et créés par les couches les plus vastes des masses ouvrières opprimées.

Un gouvernement ouvrier résultant d’une combinaison parlementaire, peut aussi fournir l’occasion de ranimer le mouvement ouvrier révolutionnaire.

Mais il va de soi que la naissance d’un gouvernement véritablement ouvrier et le maintien d’un gouvernement faisant une politique révolutionnaire doivent mener à la lutte la plus acharnée et, éventuellement, à la guerre civile contre la bourgeoisie.

La seule tentative du prolétariat de former un gouvernement ouvrier se heurtera dès le début à la résistance la plus violente de la bourgeoisie. Le mot d’ordre du gouvernement ouvrier est donc susceptible de concentrer et de déchaîner des luttes révolutionnaires.

Dans certaines circonstances, les communistes doivent se déclarer disposés à former un gouvernement avec des partis et des organisations ouvrières non-communistes.

Mais ils ne peuvent agir ainsi que si des garanties sont données que ces gouvernements ouvriers mèneront vraiment la lutte contre la bourgeoise dans le sens indiqué plus haut. Dans ce cas, les conditions naturelles de la participation des communistes à un semblable gouvernement seraient les suivantes:

1) La participation au gouvernement ouvrier ne pourra avoir lieu qu’avec l’approbation de I’IC;

2) Les membres communistes du gouvernement ouvrier restent soumis au contrôle le plus strict de leur Parti;

3) Les membres communistes du gouvernement ouvrier restent en contact étroit avec les organisations révolutionnaires des masses;

4) Le PC maintient absolument sa physionomie et l’indépendance complète de son agitation.

Malgré ses grands avantages, le mot d’ordre de gouvernement ouvrier a aussi ses dangers, de même que toute la tactique du front unique. Pour parer à ces dangers, les PC ne doivent pas perdre de vue que, si tout gouvernement bourgeois est en même temps un gouvernement capitaliste, il n’est pas vrai que tout gouvernement ouvrier soit un gouvernement vraiment prolétarien, c’est-à-dire un instrument révolutionnaire de pouvoir du prolétariat. L’IC doit envisager les éventualités suivantes:

1) Un gouvernement ouvrier libéral. Il y a déjà un gouvernement de ce genre en Australie ; il est également possible dans un délai assez rapproché en Angleterre;

2) Un gouvernement ouvrier social-démocrate (Allemagne);

3) Un gouvernement des ouvriers et des paysans. Cette éventualité est à prévoir dans les Balkans, en Tchécoslovaquie, etc.;

4) Un gouvernement ouvrier avec la participation des communistes;

5) Un véritable gouvernement ouvrier prolétarien qui, dans sa forme la plus pure, ne peut être incarné que par un PC. Les deux premiers types de gouvernement ouvrier ne sont pas des gouvernements ouvriers révolutionnaires, mais des gouvernements camouflés de coalition entre la bourgeoisie et les leaders ouvriers contre-révolutionnaires.

Ces «gouvernements ouvriers» sont tolérés dans les périodes critiques de la bourgeoisie affaiblie pour tromper le prolétariat sur le véritable caractère de classe de l’État, ou même pour détourner l’attaque révolutionnaire du prolétariat et gagner du temps, avec l’aide des leaders ouvriers corrompus.

Les communistes ne devront pas participer à de pareils gouvernements. Au contraire, ils devront démasquer impitoyablement devant les masses le véritable caractère de ces faux «gouvernements ouvriers».

Dans la période de déclin du capitalisme, où la tâche principale consiste à gagner à la révolution la majorité du prolétariat, ces gouvernements, objectivement, peuvent contribuer à précipiter le processus de décomposition du régime bourgeois.

Les communistes sont prêts à marcher aussi avec les ouvriers, social-démocrates, chrétiens, sans parti, syndicalistes, etc., qui n’ont pas encore reconnu la nécessité de la dictature du prolétariat.

Les communistes sont également disposés, dans certaines conditions et sous certaines garanties, à appuyer un gouvernement ouvrier non communiste. Mais les communistes devront à tout prix expliquer à la classe ouvrière que sa libération ne pourra être assurée que par la dictature du prolétariat.

Les deux autres types de gouvernement ouvrier auxquels peuvent participer les communistes ne sont pas encore la dictature du prolétariat; ils ne constituent pas encore une forme de transition nécessaire vers la dictature, mais ils peuvent constituer un point de départ pour la conquête de cette dictature. La dictature complète du prolétariat ne peut être réalisée que par un gouvernement ouvrier composé de communistes.

§12.—Le mouvement des conseils de fabrique.

Aucun PC ne saurait être considéré comme un PC de masses véritable, sérieux et solide, s’il n’a pas de forts noyaux communistes dans les entreprises, les usines, les mines, les chemins de fer, etc.

Dans les circonstances actuelles, un mouvement ne saurait être considéré comme systématiquement organisé dans les masses prolétariennes s’il ne réussit pas à créer, pour la classe ouvrière et ses organisations, des comités d’usines comme base de ce mouvement.

La lutte contre l’offensive du capital et pour le contrôle de la production est sans espoir si les communistes ne disposent de points d’appui solides dans toutes les entreprises et si le prolétariat ne sait créer ses propres organes prolétariens de combat dans les entreprises (comités de fabriques, conseils ouvriers).

Le Congrès estime que c’est une des tâches essentielles de tous les PC de s’ancrer dans les industries bien plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent et d’appuyer le mouvement des conseils de fabriques ou de prendre l’initiative de ce mouvement.

§13.— L’IC : Parti mondial.

L’IC doit de plus en plus être organisée en un PC Mondial, chargé de la direction de la lutte dans tous les pays.

§14.—La discipline internationale.

Pour appliquer internationalement et dans les divers pays la tactique du front unique, la discipline internationale la plus stricte est plus nécessaire que jamais dans l’IC et dans ses différentes Sections.

Le 4e Congrès exige catégoriquement de toutes ses Sections et de tous ses membres la plus stricte discipline dans l’application de la tactique, qui ne saurait être fertile que si elle est appliquée dans tous les pays, non seulement en paroles, mais aussi en actes.

L’acceptation des 21 conditions implique l’application de toutes les décisions tactiques des Congrès Mondiaux et du CEIC comme organe de l’IC dans l’intervalle des Congrès mondiaux.

Le Congrès charge le CEIC de déterminer et de surveiller de la manière la plus stricte l’application des décisions tactiques par tous les partis. Seule, la tactique révolutionnaire nettement tracée par l’IC assurera la victoire la plus prompte possible de la révolution prolétarienne internationale.

***

Le Congrès décide d’ajouter comme supplément à cette résolution le texte des thèses adoptées par le CEIC, en décembre 1921, relativement au front unique, ces thèses exposant exactement et en détail la tactique du front unique.

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de l’Internationale Communiste

Résolution sur le rapport du CEIC au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Le 4e Congrès de l’IC approuve complètement le travail politique du CEIC et déclare qu’au cours des quinze derniers mois, il a bien appliqué les décisions du 3e Congrès Mondial, en tenant compte de la situation politique. En particulier, le 4e Congrès approuve complètement la tactique du front unique, telle qu’elle a été formulée par le CEIC dans ses thèses de décembre 1921 et ultérieurement.

Le 4e Congrès approuve le point de vue adopté par le CEIC en ce qui concerne la crise du PC français, le mouvement ouvrier italien et les PC norvégien et tchécoslovaque. Les questions pratiques concernant ces Partis seront traitées par des commissions spéciales dont les décisions seront soumises au vote du Congrès.

À propos des incidents qui se sont déroulés dans un certain nombre de Partis, le 4e Congrès rappelle et confirme à nouveau que le CEIC constitue l’organe suprême du mouvement communiste dans l’intervalle des Congrès mondiaux, et que les décisions de l’IC sont obligatoires pour tous les partis adhérents.

Il en résulte que la violation des décisions de l’IC, sous le prétexte d’un appel au prochain Congrès, constitue une rupture de la discipline.

Si l’IC permettait l’introduction de telles pratiques, cela équivaudrait à la négation complète de toute activité régulière de l’IC.

En ce qui concerne les doutes apparus dans le PC français touchant l’article 9 des statuts de l’IC, le 4e Congrès déclare que cet article 9 donne au CEIC le droit d’exclure de l’IC et, par conséquent, de ses Sections nationales, les personnes isolées et les groupes qui, à son avis, expriment des opinions étrangères au communisme.

Il est naturel que le CEIC soit obligé d’appliquer l’article 9 des statuts, quand un Parti est incapable de se débarrasser des éléments non communistes.

Le 4e Congrès confirme à nouveau les 21 conditions posées par le 2e Congrès et charge le prochain CEIC de veiller énergiquement à leur application.

À l’avenir, le CEIC doit plus que jamais rester une organisation internationale prolétarienne combattant énergiquement tout opportunisme, et constituée selon les principes du centralisme démocratique.

Les questions de détail pratiques découlant de cet article seront traitées par des commissions spéciales dont les décisions seront soumises au Congrès.

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de l’Internationale Communiste

Programme d’action agraire du quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Indications pour l’application des thèses du 2e Congrès Mondial sur la question agraire

Les bases de nos rapports vis-à-vis des masses laborieuses de la campagne ont déjà été fixées dans les thèses agraires du 2e Congrès. Dans la phase actuelle de l’offensive du Capital, la question agraire acquiert une importance primordiale.

Le 4e Congrès demande à tous les partis de s’efforcer de gagner les masses laborieuses de la campagne et établit pour ce travail les règles suivantes:

§1. La grande masse du prolétariat agricole et des paysans pauvres qui ne possèdent pas assez de terre et sont obligés de travailler une partie de leur temps comme salariés, ou qui sont exploités d’une manière ou d’une autre par les propriétaires fonciers et les capitalistes, ne peut être libérée définitivement de son état actuel de servitude et de guerres inévitables dans le régime capitaliste que par une révolution mondiale, une révolution qui confisquera sans indemnité et mettra à la disposition des ouvriers la terre, avec tous les moyens de production, et qui instaurera à la place de l’État des propriétaires fonciers et des capitalistes l’État Soviétique des ouvriers et des paysans et préparera ainsi la voie au communisme.

§2. Dans la lutte contre l’État des capitalistes et des propriétaires fonciers, les petits paysans et les petits fermiers sont les camarades de combat naturels du prolétariat industriel et agricole. Pour relier leur mouvement révolutionnaire à la lutte du prolétariat de la ville et de la campagne, la chute de l’État bourgeois est nécessaire, ainsi que la prise du pouvoir politique par le prolétariat industriel, l’expropriation des moyens de production ainsi que de la terre, et la suppression de la domination des agrariens et de la bourgeoisie à la campagne.

§3. Afin de gagner à une neutralité bienveillante les paysans moyens et les ouvriers agricoles ainsi que les paysans pauvres à la révolution, les paysans moyens doivent être arrachés à l’influence des paysans riches liés aux grands propriétaires fonciers.

Ils doivent comprendre qu’ils doivent lutter avec le Parti révolutionnaire du prolétariat, le PC, étant donné que leurs intérêts s’accordent, non avec ceux des gros paysans riches, mais avec ceux du prolétariat.

Pour arracher ces paysans à la direction des grands propriétaires fonciers et des paysans riches, il ne suffit pas d’établir un programme ou de faire de la propagande: le PC doit prouver par une action continue qu’il est véritablement le Parti de tous les opprimés.

§4. C’est pourquoi le PC doit se mettre à la tête de toutes les luttes que les masses laborieuses de la campagne mènent contre les classes dominantes.

Défendant les intérêts quotidiens de ces masses, le PC réunit les forces dispersées des travailleurs à la campagne, élève leur volonté combative, soutient leur lutte en la faisant appuyer par le prolétariat industriel, et les mène dans la voie conduisant aux buts de la révolution. Cette lutte menée en commun avec les ouvriers industriels, le fait que les ouvriers industriels luttent sous la direction du PC pour les intérêts du prolétariat agricole et des paysans pauvres, convaincront ceux-ci que, premièrement, seul le PC les défend réellement, tandis que tous les autres partis, tant agraires que social-démocrates, malgré leurs phrases démagogiques, ne veulent que les tromper, et servent en réalité les intérêts des capitalistes et des propriétaires fonciers, et, deuxièmement, que sous le capitalisme une amélioration véritable de la situation des ouvriers et des paysans pauvres est impossible.

§5. Nos revendications concrètes doivent se conformer à l’état de dépendance et d’oppression dans lequel se trouvent les ouvriers, les petits et moyens paysans à l’égard des capitalistes et des grands propriétaires fonciers, comme aussi à leurs intérêts réels.

Dans les pays coloniaux ayant une population paysanne opprimée, la lutte de libération nationale sera ou bien conduite par toute la population, comme c’est le cas par exemple en Turquie – et dans ce cas la lutte des paysans opprimés contre les grands propriétaires fonciers commence inévitablement après la victoire de la lutte de libération nationale –ou bien les Seigneurs féodaux s’allient avec les impérialistes étrangers, comme c’est le cas par exemple dans l’Inde, et alors la lutte sociale des paysans opprimés concorde avec la lutte de libération nationale.

Dans les territoires où il reste encore de fortes survivances du féodalisme, où la révolution bourgeoise n’a pas été terminée et où des privilèges féodaux sont encore liés à la propriété foncière, ces privilèges doivent disparaître au cours de la lutte pour la possession de la terre, qui est ici d’une importance décisive.

§6. Dans tous les pays, où il existe un prolétariat agricole, cette couche sociale constitue le facteur le plus important du mouvement révolutionnaire à la campagne.

Le Parti Communiste soutient, organise, approfondit le prolétariat pour l’amélioration de sa situation politique, économique et sociale – contrairement aux social-démocrates qui poignardent dans le dos.

Pour hâter la maturité révolutionnaire du prolétariat rural et l’éduquer pour la lutte en vue de la dictature du prolétariat qui, seule, peut le libérer définitivement de l’exploitation dont il souffre, le PC soutient le prolétariat agricole dans sa lutte pour :

• L’élévation du salaire réel, l’amélioration des conditions de travail, de logement et de culture.

• La liberté de réunion, d’association, de grève, de la presse, etc. pour obtenir au moins les mêmes droits que les ouvriers industriels.

• Journée de huit heures, assurance contre les accidents, assurance contre la vieillesse, interdiction du travail des enfants, construction d’écoles techniques, etc., et, au moins, extension de la législation sociale dont jouit actuellement le prolétariat.

§7. Le PC luttera jusqu’au jour où les paysans seront définitivement libérés par la révolution sociale contre toutes les sortes d’exploitation des petits et moyens paysans par le capitalisme, contre l’exploitation par les usuriers, qui jettent les paysans pauvres dans la servitude de l’endettement, enfin contre l’exploitation par le capital commercial qui achète à bon marché les légers excédents de production des petits paysans et les revend à des prix élevés au prolétariat des villes.

Le PC lutte contre ce capital commercial parasitaire et pour la liaison immédiate des coopératives de consommation du prolétariat industriel contre l’exploitation par le capital industriel, qui utilise son monopole pour élever artificiellement les prix des produits industriels ; pour la fourniture aux petits paysans de moyens de production (engrais artificiels, machines, etc.) à bon marché. Les conseils d’entreprises industrielles devront contribuer à cette lutte en établissant le contrôle des prix.

• Contre l’exploitation du monopole privé des compagnies de chemins de fer, comme cela existe surtout dans les pays anglo-saxons.

• Contre l’exploitation de l’État capitaliste, dont le système fiscal surcharge les petits paysans en faveur des grands propriétaires fonciers ; le Parti réclame l’exonération d’impôt pour les petits paysans.

§8. Mais l’exploitation la plus grave dont souffrent les paysans pauvres dans les pays non coloniaux provient de la propriété privée du sol des grands propriétaires fonciers.

Pour pouvoir utiliser pleinement leurs forces de travail et surtout pour pouvoir vivre, les paysans pauvres sont obligés de travailler chez les grands propriétaires fonciers à des salaires de famine ou d’affermer ou d’acheter de la terre à des prix très élevés, par quoi une partie du salaire des petits paysans est accaparée par les grands propriétaires fonciers. L’absence de terres oblige les paysans pauvres à se soumettre à l’esclavage moyenâgeux sous des formes modernes.

C’est pourquoi le PC lutte pour la confiscation de la terre avec tout l’inventaire au profit de ceux qui la cultivent réellement. Jusqu’à ce que cela soit réalisé par la révolution prolétarienne, le PC soutient la lutte des paysans pauvres pour :

1) L’amélioration des conditions d’existence des métayers, par la réduction de la part qui revient aux propriétaires ;

2) La réduction des fermages pour les petits fermiers, la remise obligatoire d’une indemnité pour toutes les améliorations apportées à la terre par le fermier au cours du contrat de fermage, etc. Les syndicats des travailleurs agricoles, dirigés par les communistes, soutiendront les petits fermiers dans cette lutte et n’accepteront de faire aucun travail dans les champs qui auront été enlevés aux petits fermiers par les propriétaires fonciers à cause de litiges se rapportant au fermage;

3) La cession des terres, de bétail et de machines à tous les paysans pauvres, à des conditions permettant d’assurer leur gagne-pain ; et non pas des parcelles de terres qui lient leurs propriétaires à la glèbe et les obligent à chercher du travail pour des salaires de famine chez les propriétaires ou paysans voisins, mais des quantité de terres suffisantes pour pouvoir employer toute l’activité des paysans. Dans cette question, il faudra avant tout tenir compte des intérêts des ouvriers agricoles.

§9. Les classes dominantes essayent d’étouffer le caractère révolutionnaire du mouvement des paysans au moyen de réformes agraires bourgeoises, de répartitions de terres entre les éléments dirigeants de la classe paysanne. Elles ont réussi à provoquer un fléchissement temporaire du mouvement révolutionnaire à la campagne.

Mais toute réforme agraire bourgeoise se heurte aux limites du capitalisme. La terre n’est donnée que contre indemnité et à des personnes qui sont déjà en possession de moyens de production. Une réforme agraire bourgeoise n’a absolument rien à offrir aux éléments prolétariens ou semi-prolétariens.

Les conditions extrêmement sévères qui sont imposées aux paysans recevant de la terre lors d’une réforme agraire bourgeoise et qui, par suite, n’ont pas pour résultat d’améliorer véritablement leur situation, mais au contraire de les plonger dans l’esclavage de l’endettement, mènent inévitablement à une recrudescence du mouvement révolutionnaire et à une aggravation de l’antagonisme existant entre les petits et gros paysans, de même qu’entre les ouvriers agricoles qui ne reçoivent pas de terre et perdent des occasions de travail par suite de la division des grandes propriétés.

Seule, une révolution prolétarienne pourra apporter la libération définitive des classes laborieuses de la campagne, révolution qui confisquera sans indemnité aucune la terre des grands propriétaires fonciers ainsi que tout l’inventaire, mais laissera intactes les terres cultivées par les paysans, délivrera ceux-ci de toutes charges, fermages, hypothèques, restrictions féodales qui pèsent sur eux, et soutiendra de toutes les façons les couches inférieures de la classe paysanne. Les paysans qui cultivent la terre décideront eux-mêmes de la façon dont la terre enlevée aux grands propriétaires fonciers devra être exploitée.

À ce sujet les thèses du 2e Congrès déclarent ce qui suit: Pour les pays capitalistes les plus développés, l’IC croit qu’il est bon de maintenir le plus possible les grandes exploitations agraires et de les former sur le modèle des domaines soviétiques en Russie.

Il faudra également soutenir la création de l’exploitation collective (coopératives agraires, communautés agricoles). Le maintien des grandes exploitations agricoles sauvegarde les intérêts des couches révolutionnaires de la population paysanne, des ouvriers agricoles et des petits propriétaires semi-prolétariens qui sont obligés de gagner leur vie en travaillant une partie de leur temps dans les grandes exploitations agricoles.

D’autre part, la nationalisation des grandes exploitations agricoles rend la population des villes, au moins en partie dans la question du ravitaillement, indépendante des paysans. Là où existent encore des survivances du féodalisme, des servitudes, ou le système du métayage, il peut être nécessaire, dans certaines circonstances, de remettre aux paysans une partie de la terre des grandes propriétés.

Dans les pays où les grandes exploitations agricoles ne jouent qu’un rôle relativement petit, et où par contre il existe une grande quantité de petits propriétaires paysans qui veulent conserver la terre, la répartition de la terre des grandes propriétés est le meilleur moyen de gagner les paysans à la révolution, tandis que le maintien des grandes exploitations n’est pas d’une importance primordiale pour le ravitaillement des villes.

Là où se produit une répartition des grandes propriétés entre les paysans, il faudra tenir compte en premier lieu des intérêts du prolétariat agricole.

***

Tous les communistes qui travaillent dans l’agriculture ou dans les entreprises industrielles liées à l’agriculture, sont tenus d’entrer dans les organisations des ouvriers agricoles, d’y grouper et de conduire les éléments révolutionnaires, en vue de transformer ces organisations en organes révolutionnaires.

Là où il n’existe aucun syndicat, c’est le devoir des communistes de travailler à leur création. Dans les organisations jaunes, fascistes et contre-révolutionnaires, ils doivent mener un travail d’éducation intense en vue de détruire ces organisations contre-révolutionnaires.

Dans les grandes entreprises agricoles, ils doivent créer des conseils d’entreprise, en vue de la défense des intérêts ouvriers, du contrôle de la production, et pour empêcher l’introduction du système d’exploitation extensive. Ils doivent appeler le prolétariat industriel au secours du prolétariat agricole en lutte et incorporer celui-ci dans le mouvement des conseils d’entreprises industrielles.

Etant donné l’importance formidable des paysans pauvres pour le mouvement révolutionnaire, c’est le devoir des communistes d’entrer dans les organisations des petits paysans (coopératives de production, de consommation et de crédit) pour les transformer, pour faire disparaître les antagonismes apparents d’intérêt entre les ouvriers agricoles et les paysans pauvres, antagonismes grossis artificiellement par les propriétaires fonciers et les paysans riches, et relier étroitement l’action de ces organisations avec le mouvement du prolétariat rural et industriel.

Seule, la collaboration de toutes les forces révolutionnaires de la ville et de la campagne permettra d’opposer une résistance victorieuse à l’offensive du capitalisme et, passant de la défensive à l’offensive, d’obtenir la victoire finale.

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de l’Internationale Communiste

Thèses sur la question noire du quatrième congrès de l’Internationale Communiste

[La traduction française du document a comme titre Thèses sur la question nègre ; le terme étant déprécié aujourd’hui, il a été considéré juste de le modifier.]

§1. Pendant et après la guerre, il s’est développé parmi les peuples coloniaux et semi-coloniaux, un mouvement de révolte contre le pouvoir du capital mondial, mouvement qui fait de grands progrès.

La pénétration et la colonisation intense des régions habitées par des races noires posent le dernier grand problème dont dépend le développement futur du capitalisme. Le capitalisme français admet clairement que son impérialisme, après la guerre, ne pourra se maintenir que par la création d’un empire franco-africain, relié par une voie terrienne transsaharienne.

Les maniaques financiers de l’Amérique, qui exploitent chez eux 12 millions de nègres, s’appliquent maintenant à pénétrer pacifiquement en Afrique. Les mesures extrêmes prises pour écraser la grève du Rrand montrent assez combien l’Angleterre redoute la menace surgie pour sa position en Afrique.

De même que sur le Pacifique le danger d’une autre guerre mondiale est devenu menaçant par suite de la concurrence des puissances impérialistes, de même l’Afrique apparaît comme l’objet de leurs rivalités.

Bien plus, la guerre, la révolution russe, les grands mouvements qui ont soulevé les nationalistes d’Asie et les musulmans contre l’impérialisme, ont éveillé la conscience de millions de nègres opprimés par les capitalistes, réduits à une situation inférieure depuis des siècles, non seulement en Afrique, mais peut-être même encore davantage en Amérique.

§2. L’histoire a dévolu aux nègres d’Amérique un rôle important dans l’affranchissement de toute la race africaine. Il y a 300 ans que les nègres américains ont été arrachés de leur pays natal, l’Afrique, transportés en Amérique où ils ont été l’objet des pires traitements et vendus comme esclaves.

Depuis 250 ans, ils ont travaillé sous le fouet des propriétaires américains: ce sont eux qui ont coupé les forêts, construit les routes, planté les cotonniers, posé les traverses de chemins de fer et soutenu l’aristocratie du Sud. Leur récompense a été la misère, l’ignorance, la dégradation.

Le nègre n’était pas un esclave docile, il a eu recours à la rébellion, à l’insurrection, aux menées souterraines pour recouvrer sa liberté ; mais ses soulèvements ont été réprimés dans le sang ; par la torture, on l’a forcé à se soumettre ; la presse bourgeoise et la religion se sont associées pour justifier son esclavage.

Quand l’esclavage concurrença le salariat et devint un obstacle au développement de l’Amérique capitaliste, il dut disparaître. La guerre de sécession entreprise, non pas pour affranchir les nègres, mais pour maintenir la suprématie industrielle des capitalistes du Nord, mit le nègre dans l’obligation de choisir entre l’esclavage dans le Sud et le salariat dans le Nord.

Les muscles, le sang, les larmes du nègre « affranchi » ont aidé à l’établissement du capitalisme américain, et quand, devenue une puissance mondiale, l’Amérique a été entraînée dans la guerre mondiale, le nègre américain a été déclaré l’égal du blanc, pour tuer et se faire tuer pour la démocratie.

Quatre cent mille ouvriers de couleur ont été enrôlés dans les troupes américaines, où ils ont formé les régiments de « Jim crow ». À peine sortis de la fournaise de la guerre, les soldats nègres, revenus au foyer, ont été persécutés, lynchés, assassinés, privés de toute liberté et cloués au pilori.

Ils ont combattu, mais pour affirmer leur personnalité ils ont dû payer cher. On les a encore plus persécutés qu’avant la guerre pour leur apprendre à « rester à leur place ».

La large participation des nègres à l’industrie après la guerre, l’esprit de rébellion qu’ont éveillé en eux les brutalités dont ils sont les victimes, met les nègres d’Amérique, et surtout ceux de l’Amérique du Nord, à l’avant-garde de la lutte de l’Afrique contre l’oppression.

§3. C’est avec une grande joie que l’IC voit les ouvriers nègres exploités résister aux attaques des exploiteurs, car l’ennemi de la race nègre est aussi celui des travailleurs blancs. Cet ennemi, c’est le capitalisme, l’impérialisme. La lutte internationale de la race nègre est une lutte contre le capitalisme et l’impérialisme.

C’est sur la base de cette lutte que le mouvement nègre doit être organisé: en Amérique, comme centre de culture nègre et centre de cristallisation de la protestation des nègres ; en Afrique, comme réservoir de main-d’œuvre pour le développement du capitalisme ; en Amérique Centrale (Costa-Rica, Guatemala, Colombie, Nicaragua et les autres républiques « indépendantes » où l’impérialisme américain est prédominant) ; à Porto-Rico, à Haïti, à Saint-Domingue et dans les autres îles de la mer des Caraïbes, où les mauvais traitements infligés aux nègres par les envahisseurs américains ont soulevé les protestations des nègres protestations des nègres conscients et des ouvriers blancs révolutionnaires.

En Afrique du Sud et au Congo, l’industrialisation croissante de la population nègre a provoqué des soulèvements de formes variées ; en Afrique Orientale, la pénétration récente du capital mondial pousse la population indigène à résister activement à l’impérialisme.

§4. L’IC doit indiquer au peuple nègre qu’il n’est pas seul à souffrir de l’oppression du capitalisme et de l’impérialisme, elle doit lui montrer que les ouvriers et les paysans d’Europe, d’Asie et d’Amérique, sont aussi les victimes de l’impérialisme ; que la lutte contre l’impérialisme n’est pas la lutte d’un seul peuple, mais de tous les peuples du monde ; qu’en Chine, en Perse, en Turquie, en Égypte et au Maroc, les peuples coloniaux combattent avec héroïsme contre leurs exploiteurs impérialistes, que ces peuples se soulèvent contre les mêmes maux que ceux qui accablent les nègres (oppression de race, exploitation industrielle intensifiée, mise à l’index) ; que ces peuples réclament les mêmes droits que les nègres: affranchissement et égalité industrielle et sociale.

L’IC, qui représente les ouvriers et les paysans révolutionnaires du monde entier dans leur lutte pour abattre l’impérialisme, l’IC qui n’est pas seulement l’organisation des ouvriers blancs d’Europe et d’Amérique, mais aussi celle des peuples de couleur opprimés du monde entier, considère qu’il est de son devoir d’encourager et d’aider l’organisation internationale du peuple nègre dans sa lutte contre l’ennemi commun.

§5. Le problème nègre est devenu une question vitale de la révolution mondiale. La 3e Internationale qui a reconnu le précieux secours que pouvaient apporter à la révolution prolétarienne les populations asiatiques dans les pays semi-capitalistes, regarde la coopération de nos camarades noirs opprimés essentielle à la révolution prolétarienne qui détruira la puissance capitaliste. C’est pourquoi le 4e Congrès déclare que tous les communistes doivent spécialement appliquer au problème nègre les «thèses sur la question coloniale».

§6.

a) Le 4e Congrès reconnaît la nécessité de soutenir toute forme du mouvement nègre ayant pour but de miner et d’affaiblir le capitalisme ou l’impérialisme, ou d’arrêter sa pénétration ;

b) L’IC luttera pour assurer aux nègres l’égalité de race, l’égalité politique et sociale ;

c) L’IC utilisera tous les moyens à sa disposition pour amener les trade-unions à admettre les travailleurs nègres dans leurs rangs ; là où ces derniers ont le droit nominal d’adhérer aux trade-unions, elle fera une propagande spéciale pour les attirer ; si elle n’y réussit pas, elle organisera les nègres dans des syndicats spéciaux et appliquera particulièrement la tactique du front unique pour forcer les syndicats à les admettre dans leur sein ;

d) L’IC préparera immédiatement un Congrès ou une Conférence générale des nègres à Moscou.

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de l’Internationale Communiste

Thèses générales sur la question d’Orient du quatrième congrès de l’Internationale Communiste

1. — La croissance du mouvement ouvrier en Orient

Se fondant sur l’expérience de l’édification soviétique en Orient et sur la croissance des mouvements nationalistes révolutionnaires aux colonies, le 2e Congrès de l’IC a fixé la position principale de l’ensemble de la question nationale et coloniale à une époque de lutte à longue échéance entre l’impérialisme et la dictature prolétarienne.

Depuis, la lutte contre le joug impérialiste dans les pays coloniaux et semi-coloniaux s’est considérablement intensifiée sur le terrain de l’aggravation de la crise politique et économique d’après-guerre de l’impérialisme. Les faits suivants le prouvent :

1) la faillite du traité de Sèvres, qui avait pour objet le démembrement de la Turquie, et la restauration de l’autonomie nationale et politique de celle-ci ;

2) une forte recrudescence du mouvement nationaliste révolutionnaire aux Indes, en Mésopotamie, en Égypte, au Maroc, en Chine et en Corée ;

3) la crise intérieure sans issue où se trouve engagé l’impérialisme japonais, crise qui a provoqué l’accroissement rapide des éléments de la révolution bourgeoise démocratique et le passage du prolétariat japonais à une lutte de classe autonome ;

4) l’éveil du mouvement ouvrier dans tous les pays orientaux et la formation, dans presque tous ces pays, de PC. Les faits précités sont l’indice d’une modification survenue à la base sociale du mouvement révolutionnaire des colonies ; cette modification provoque une intensification de la lutte anti impérialiste dont, de cette façon, la direction n’appartient plus exclusivement aux éléments féodaux et à la bourgeoisie nationaliste qui sont prêts à des compromis avec l’impérialisme. La guerre impérialiste de 1914-18 et la longue crise du capitalisme, surtout du capitalisme européen, qui s’ensuivit, ont débilité la tutelle économique des métropoles sur les colonies. D’un autre côté, les mêmes circonstances qui ont eu pour résultat un rétrécissement de la base économique et de la sphère d’influence politique du capitalisme mondial ont accentué encore davantage les compétitions capitalistes autour des colonies, d’où une rupture d’équilibre dans l’ensemble du système du capitalisme mondial (lutte pour le pétrole, conflit anglo-français en Asie Mineure, rivalité américano-japonaise pour la domination sur l’océan Pacifique, etc.).

C’est précisément cet affaiblissement de l’ascendant capitaliste sur les colonies, en même temps que la rivalité croissante des divers groupes impérialistes, qui a facilité le développement du capitalisme indigène dans les pays coloniaux et semi-coloniaux ; ce capitalisme a déjà débordé et continue à déborder le cadre étroit et gênant de la domination impérialiste des métropoles.

Jusqu’à présent, le capital des métropoles persistant à vouloir monopoliser la plus-value de l’exploitation commerciale, industrielle et fiscale des pays arriérés, tâchait d’isoler ces derniers de la circulation économique du reste du monde.

La revendication d’une autonomie nationale et économique arborée par le mouvement nationaliste colonial est l’expression du besoin de développement bourgeois éprouvé par ces pays. Le progrès constant des forces productrices indigènes aux colonies se trouve ainsi en contradiction irréductible avec les intérêts du capitalisme mondial, car l’essence même de l’impérialisme comporte l’utilisation de la différence de niveau qui existe dans le développement des forces productrices des divers secteurs de l’économie mondiale, dans le but de s’assurer la totalité de la plus-value monopolisée.

2. — Les conditions de la lutte

Le caractère retardataire des colonies s’accuse dans la diversité des mouvements nationalistes révolutionnaires dirigés contre l’impérialisme et reflète les divers niveaux de transition entre les corrélations féodales et féodalo-patriarcales et le capitalisme. Cette diversité prête un aspect particulier à l’idéologie de ces mouvements.

Dans ces pays, le capitalisme surgit et se développe sur une base féodale ; il prend des formes incomplètes, transitoires et bâtardes qui laissent la prépondérance, avant tout, au capital commercial et usuraire (Orient musulman, Chine). Aussi la démocratie bourgeoise prend-elle, pour se différencier des éléments féodalo-bureaucratiques et féodalo-agrariens, une voie détournée et embrouillée.

Tel est le principal obstacle au succès de la lutte contre le joug impérialiste, car l’impérialisme étranger ne se fait pas faute de transformer dans tous les pays arriérés la couche supérieure féodale (et en partie semi-féodale, semi-bourgeoise) de la société indigène en instrument de sa domination (gouverneurs militaires, ou toukoiuns en Chine, bureaucratie et aristocratie en Perse, fermiers de l’impôt foncier, zémindars et taloukdars aux Indes, planteurs de formation capitaliste en Egypte, etc.).

Ainsi les classes dirigeantes des pays coloniaux et semi-coloniaux n’ont-elles ni la capacité ni le désir de diriger la lutte contre l’impérialisme, à mesure que cette lutte se transforme en un mouvement révolutionnaire de masses.

Là seulement où le régime féodalo-patriarcal ne s’est pas suffisamment décomposé pour séparer complètement les hautes couches indigènes des masses du peuple, comme par exemple chez les nomades et semi-nomades, les représentants de ces hautes couches peuvent jouer le rôle de guides actifs dans la lutte contre l’oppression capitaliste (Mésopotamie, Mongolie, Maroc).

Dans les pays musulmans, le mouvement national trouve tout d’abord son idéologie dans les mots d’ordre politico-religieux du panislamisme, ce qui permet aux fonctionnaires et aux diplomates des métropoles de se servir des préjugés et de l’ignorance des multitudes populaires pour combattre ce mouvement (c’est ainsi que les Anglais jouent au panislamisme et au panarabisme, déclarant vouloir transporter le Khalifat aux Indes, etc., et l’impérialisme français spécule sur les « sympathies musulmanes » ).

Cependant, à mesure que s’élargit et mûrit le mouvement d’émancipation nationale, les mots d’ordre politico-religieux du panislamisme sont évincés par des revendications politiques concrètes. Ce qui le confirme, c’est la lutte commencée dernièrement en Turquie pour enlever au Khalifat son pouvoir temporel.

La tâche fondamentale, commune à tous les mouvements nationaux-révolutionnaires, consiste à réaliser l’unité nationale et l’autonomie politique.

La solution réelle et logique de cette tâche dépend de l’importance des masses travailleuses que tel ou tel mouvement national saura entraîner dans son cours, après avoir rompu toutes relations avec les éléments féodaux et réactionnaires et incarné dans son programme les revendications sociales de ces masses.

Se rendant fort bien compte que dans diverses conditions historiques les éléments les plus variés peuvent être les porte-parole de l’autonomie politique, l’IC soutient tout mouvement national-révolutionnaire dirigé contre l’impérialisme.

Toutefois, elle ne perd pas de vue en même temps que, seule, une ligne révolutionnaire conséquente, basée sur la participation des grandes masses à la lutte active et la rupture sans réserve avec tous les partisans de la collaboration avec l’impérialisme peut amener les masses opprimées à la victoire.

La liaison qui existe entre la bourgeoisie indigène et les éléments féodalo-réactionnaires permet aux impérialistes de tirer largement Parti de l’anarchie féodale, de la rivalité qui règne entre les divers clans et tribus, de l’antagonisme entre la ville et les campagnes, de la lutte entre castes et sectes nationalo-religieuses pour désorganiser le mouvement populaire (Chine, Perse, Kurdistan, Mésopotamie).

3. —La question agraire

Dans la plupart des pays d’Orient (Inde, Perse, Égypte, Syrie, Mésopotamie), la question agraire présente une importance de premier ordre dans la lutte pour l’affranchissement du joug du despotisme métropolitain.

En exploitant et en ruinant la majorité paysanne des pays arriérés, l’impérialisme la prive des moyens élémentaires d’existence, cependant que l’industrie peu développée, disséminée sur divers points du pays, est incapable d’absorber l’excédent de population rurale qui, en outre, ne peut même pas émigrer. Les paysans pauvres restés sur leur sol se transforment en serfs.

Si, dans les pays civilisés, les crises industrielles d’avant-guerre jouaient le rôle de régulateur de la production sociale, ce rôle régulateur est rempli dans les colonies par les famines. L’impérialisme, ayant un intérêt vital à recevoir le plus de bénéfices avec le moins de dépenses, soutient jusqu’à la dernière extrémité dans les pays arriérés les formes féodales et usuraires d’exploitation de la main-d’œuvre.

Dans certains pays, comme par exemple aux Indes, il s’attribue le monopole, appartenant à l’État féodal indigène, de la jouissance des terres et transforme l’impôt foncier en une redevance qui doit être versée au capital métropolitain et à ses commis, les«zémindaram» et «taloukdar».

Dans d’autres pays, l’impérialisme se saisit de la rente foncière en se servant pour cela de l’organisation indigène de la grosse propriété foncière (Perse, Maroc, Égypte, etc.).

Il s’ensuit que la lutte pour la suppression des barrières et des redevances féodales qui restent sur le sol revêt le caractère d’une lutte d’émancipation nationale contre l’impérialisme et la grande propriété foncière féodale. On peut prendre pour exemple le soulèvement des Moplahs contre les propriétaires fonciers et les Anglais, en automne 1921, aux Indes, et le soulèvement des Sikhs, en 1922.

Seule, une révolution agraire ayant pour objet l’expropriation de la grosse propriété féodale est capable de soulever les multitudes paysannes et d’acquérir une influence décisive dans la lutte contre l’impérialisme.

Les nationalistes bourgeois ont peur des mots d’ordre agraires et les rognent tant qu’ils peuvent (Indes, Perse, Égypte), ce qui prouve l’étroite liaison qui existe entre la bourgeoisie indigène et la grande propriété foncière féodale et féodalo-bourgeoise ; cela prouve aussi qu’idéologiquement et politiquement les nationalistes dépendent de la propriété foncière.

Ces hésitations et ces incertitudes doivent être utilisées par les éléments révolutionnaires pour une critique systématique et divulgatrice de la politique hybride des dirigeants bourgeois du mouvement nationaliste. C’est précisément cette politique hybride qui empêche l’organisation et la cohésion des masses travailleuses, comme le prouve la faillite de la tactique de la résistance passive aux Indes (non-coopération).

Le mouvement révolutionnaire dans les pays arriérés d’Orient ne peut être couronné de succès que s’il est basé sur l’action des multitudes paysannes.

C’est pourquoi les partis révolutionnaires de tous les pays d’Orient doivent nettement déterminer leur programme agraire et exiger la suppression totale du féodalisme et de ses survivances qui trouvent leur expression dans la grande propriété foncière et dans l’exemption de l’impôt foncier.

Aux fins d’une participation active des masses paysannes à la lutte pour l’affranchissement national, il est indispensable de proclamer une modification radicale du système de jouissance du sol. De même, il est indispensable de forcer les partis bourgeois nationalistes à adopter la plus grande partie possible de ce programme agraire révolutionnaire.

4. — Le mouvement ouvrier en Orient

Le jeune mouvement ouvrier oriental est un produit du développement du capitalisme indigène de ces derniers temps. Jusqu’à présent, la classe ouvrière indigène, si même on prend son noyau fondamental, se trouve traverser une époque transitoire, s’acheminant du petit atelier corporatif à la fabrique du grand type capitaliste.

Pour autant que les intellectuels bourgeois nationalistes entraînent dans le mouvement révolutionnaire la classe ouvrière pour lutter contre l’impérialisme, leurs représentants assument tout d’abord un rôle directeur dans l’action et l’organisation professionnelle embryonnaire. Au début, l’action de la classe ouvrière ne dépasse pas le cadre des intérêts « communs à toutes les nations » de démocratie bourgeoise (grèves contre la bureaucratie et l’administration impérialiste en Chine et aux Indes).

Bien souvent, comme l’a indiqué le 2e Congrès de l’IC, les représentants du nationalisme bourgeois, exploitant l’autorité politique et morale de la Russie des Soviets et s’adaptant à l’instinct de classe des ouvriers, drapent leurs aspirations démocratico-bourgeoises dans du « socialisme » et du « communisme » pour détourner ainsi, parfois sans s’en rendre compte, les premiers organes embryonnaires du prolétariat de leurs devoirs d’organisation de classe (tel le Parti Behill Ardou en Turquie, qui a repeint le panturquisme en rouge, et le « socialisme d’État » préconisé par certains représentants du Parti Kuomintang).

Malgré cela, le mouvement professionnel et politique de la classe ouvrière des pays arriérés a grandement progressé dans ces dernières années. La formation de partis autonomes de la classe prolétarienne dans presque tous les pays orientaux est un fait symptomatique, bien que la majorité écrasante de ces partis doive faire encore un grand travail intérieur pour se libérer de l’esprit de coterie et de beaucoup d’autres défauts.

L’IC a, dès le début, apprécié à sa juste valeur l’importance potentielle du mouvement ouvrier en Orient, et cela prouve bien que les prolétaires du monde entier sont unifiés internationalement sous le drapeau du Communisme.

Les Internationales 2 et 2½ n’ont, jusqu’à présent, trouvé de partisans dans aucun des pays arriérés, parce qu’elles se bornent à jouer un « rôle auxiliaire » en face de l’impérialisme européen et américain.

5. —Les objectifs généraux des PC de l’Orient

Les nationalistes bourgeois apprécient le mouvement ouvrier selon l’importance qu’il peut avoir pour leur victoire. Le prolétariat international apprécie le mouvement ouvrier oriental au point de vue de son avenir révolutionnaire.

Sous le régime capitaliste, les pays arriérés ne peuvent pas prendre part aux conquêtes de la science et de la culture contemporaine sans payer un énorme tribut à l’exploitation et à l’oppression barbares du capital métropolitain.

L’alliance avec les prolétariats des pays hautement civilisés leur sera avantageuse, non seulement parce qu’elle correspond aux intérêts de leur lutte commune contre l’impérialisme, mais aussi parce que c’est seulement après avoir triomphé que le prolétariat des pays civilisés pourra fournir aux ouvriers de l’Orient un secours désintéressé pour le développement de leurs forces productrices arriérées.

L’alliance avec le prolétariat occidental fraie la voie vers une fédération internationale des républiques soviétiques.

Le régime soviétique offre aux peuples retardataires le moyen le plus facile pour passer de leurs conditions d’existence élémentaires à la haute culture du Communisme, qui est destinée à supplanter dans l’économie mondiale le régime capitaliste de production et de répartition. Le meilleur témoignage en est l’expérience de l’édification soviétique dans les colonies affranchies de l’ex-Empire Russe.

Seule, une forme d’administration soviétique est à même d’assurer le couronnement logique de la révolution agraire paysanne. Les conditions spécifiques de l’économie agricole dans une certaine partie des pays orientaux (irrigation artificielle), entretenues jadis par une organisation originale de collaboration collective sur une base féodale et patriarcale et compromises actuellement par la piraterie capitaliste, exigent également une organisation politique capable de servir systématiquement les besoins sociaux.

Par suite de conditions climatiques, sociales et historiques particulières, un rôle important appartient généralement en Orient, dans la période transitoire, à la coopération des petits producteurs.

Les tâches objectives de la révolution coloniale dépassent le cadre de la démocratie bourgeoise. En effet, sa victoire décisive est incompatible avec la domination de l’impérialisme mondial.

Au début, la bourgeoisie indigène et les intellectuels indigènes assument le rôle de pionniers des mouvements révolutionnaires coloniaux ; mais dès que les masses prolétariennes et paysannes s’incorporent à ces mouvements, les éléments de la grosse bourgeoisie et de la bourgeoisie foncière s’en écartent, laissant le premier pas aux intérêts sociaux des couches inférieures du peuple.

Une longue lutte, qui durera toute une époque historique, attend le jeune prolétariat des colonies, lutte contre l’exploitation impérialiste et contre les classes dominantes indigènes qui aspirent à monopoliser tous les bénéfices du développement industriel et intellectuel et veulent que les masses restent comme par le passé dans une situation « préhistorique ».

Cette lutte pour l’influence sur les masses paysannes doit préparer le prolétariat indigène au rôle d’avant-garde politique. Ce n’est qu’après s’être soumis à ce travail préparatoire et après lui avoir soumis les couches sociales adjacentes que le prolétariat indigène se trouvera en mesure de faire face à la démocratie bourgeoise orientale, qui porte un caractère de formalisme encore plus hypocrite que la bourgeoisie d’Occident.

Le refus des communistes des colonies de prendre part à la lutte contre l’oppression impérialiste sous le prétexte de « défense » exclusive des intérêts de classe, est le fait d’un opportunisme du plus mauvais aloi qui ne peut que discréditer la révolution prolétarienne en Orient.

Non moins nocive est la tentative de se mettre à l’écart de la lutte pour les intérêts quotidiens et immédiats de la classe ouvrière au nom d’une «unification nationale» ou d’une «paix sociale» avec les démocrates bourgeois.

Deux tâches confondues en une seule incombent aux PC coloniaux et semi-coloniaux: d’une part, ils luttent pour une solution radicale des problèmes de la révolution démocratique-bourgeoise ayant pour objet la conquête de l’indépendance politique ; d’autre part, ils organisent les masses ouvrières et paysannes pour leur permettre de lutter pour les intérêts particuliers de leur classe et utilisent à cet effet toutes les contradictions du régime nationaliste démocratique-bourgeoise.

En formulant des revendications sociales, ils stimulent et libèrent l’énergie révolutionnaire qui ne se trouvait point d’issue dans les revendications libérales bourgeoises.

La classe ouvrière des colonies et semi-colonies doit savoir fermement que, seules, l’extension et l’intensification de la lutte contre le joug impérialiste des métropoles peuvent lui donner un rôle directeur dans la révolution, et que, seules, l’organisation économique et politique et l’éducation politique de la classe ouvrière et des éléments semi-prolétariens peuvent augmenter l’amplitude révolutionnaire du combat contre l’impérialisme.

Les PC des pays coloniaux et semi-coloniaux d’Orient, qui sont encore dans un état plus ou moins embryonnaire, doivent participer à tout mouvement apte à leur ouvrir un accès aux masses.

Mais ils doivent mener une lutte énergique contre les préjugés patriarco-corporatifs et contre l’influence bourgeoise dans les organisations ouvrières pour défendre ces formes embryonnaires d’organisations professionnelles contre les tendances réformistes et les transformer en organes combatifs des masses.

Ils doivent s’employer de toutes leurs forces à organiser les nombreux journaliers et journalières ruraux, de même queles apprentis des deux sexes sur le terrain de la défense de leurs intérêts quotidiens.

6. — Le front anti-impérialiste unique

Dans les pays occidentaux qui traversent une période transitoire caractérisée par une accumulation organisée des forces, a été lancé le mot d’ordre du front prolétarien unique ; dans les colonies orientales, il est indispensable, à l’heure présente, de lancer le mot d’ordre du front anti-impérialiste unique.

L’opportunité de ce mot d’ordre est conditionnée par la perspective d’une lutte à longue échéance contre l’impérialisme mondial, lutte exigeant la mobilisation de toutes les forces révolutionnaires. Cette lutte est d’autant plus nécessaire que les classes dirigeantes indigènes sont enclines à des compromis avec le capital étranger et que ces compromis portent atteinte aux intérêts primordiaux des masses populaires.

De même que le mot d’ordre du front prolétarien unique a contribué et contribue encore en Occident à démasquer la trahison, par les social-démocrates, des intérêts du prolétariat, de même le mot d’ordre du front anti-impérialiste unique contribuera à démasquer les hésitations et les incertitudes des divers groupes du nationalisme bourgeois.

D’autre part, ce mot d’ordre aidera au développement de la volonté révolutionnaire et à la clarification de la conscience de classe des travailleurs en les incitant à lutter au premier rang, non seulement contre l’impérialisme, mais encore contre toute espèce de survivance du féodalisme.

Le mouvement ouvrier des pays coloniaux et semi-coloniaux doit, avant tout, conquérir une position de facteur révolutionnaire autonome dans le front anti-impérialiste commun.

Ce n’est que si on lui reconnaît cette importance autonome et s’il conserve sa pleine indépendance politique que des accords temporaires avec la démocratie bourgeoise sont admissibles et même indispensables.

Le prolétariat soutient et arbore des revendications partielles, comme par exemple la république démocratique indépendante, l’octroi aux femmes des droits dont elles sont frustrées, etc., tant que la corrélation des forces qui existe à présent ne lui permet pas de mettre à l’ordre du jour la réalisation de son programme soviétique.

En même temps, il essaye de lancer des mots d’ordre susceptibles de contribuer à la fusion politique des masses paysannes et semi-prolétariennes avec le mouvement ouvrier.

Le front anti impérialiste unique est lié indissolublement à l’orientation vers la Russie des Soviets. Expliquer aux multitudes travailleuses la nécessité de leur alliance avec le prolétariat international et avec les républiques soviétiques, voilà l’un des principaux points de la tactique anti impérialiste unique.

La révolution coloniale ne peut triompher qu’avec la révolution prolétarienne dans les pays occidentaux. Le danger d’une entente entre le nationalisme bourgeois et une ou plusieurs puissances impérialistes hostiles, aux dépens des masses du peuple, est beaucoup moins grand dans les pays coloniaux que dans les pays semi-coloniaux (Chine, Perse) ou bien dans les pays qui luttent pour l’autonomie politique en exploitant à cet effet les rivalités impérialistes (Turquie).

Reconnaissant que des compromis partiels et provisoires peuvent être admissibles et indispensables quand il s’agit de prendre un répit dans la lutte d’émancipation révolutionnaire menée contre l’impérialisme, la classe ouvrière doit s’opposer avec intransigeance à toute tentative d’un partage de pouvoir entre l’impérialisme et les classes dirigeantes indigènes, que ce partage soit fait ouvertement ou sous une forme déguisée, car il a pour but de conserver leurs privilèges aux dirigeants.

La revendication d’une alliance étroite avec la République prolétarienne des Soviets est la bannière du front anti impérialiste unique.

Après l’avoir élaborée, il faut mener une lutte décisive pour la démocratisation maximum du régime politique, afin de priver de tout soutien les éléments socialement et politiquement les plus réactionnaires et afin d’assurer aux travailleurs la liberté d’organisation leur permettant de lutter pour leurs intérêts de classe (revendications de la république démocratique, réforme agraire, réforme des impositions foncières, organisation d’un appareil administratif basé sur le principe d’un large self-government, législation ouvrière, protection du travail, des enfants, protection de la maternité, de l’enfance, etc.).

Même sur le territoire de la Turquie indépendante la classe ouvrière ne jouit pas de la liberté de coalition, ce qui peut servir d’indice caractéristique de l’attitude adoptée par les nationalistes bourgeois à l’égard du prolétariat.

7. —Les tâches du prolétariat des pays du Pacifique

La nécessité de l’organisation d’un front anti-impérialiste est dictée en outre par la croissance permanente et ininterrompue des rivalités impérialistes.

Ces rivalités revêtent actuellement une telle acuité qu’une nouvelle guerre mondiale, dont l’Océan Pacifique sera l’arène, est inévitable, si la révolution internationale ne la prévient. La Conférence de Washington était une tentative faite pour parer à ce danger, mais en réalité elle n’a fait qu’approfondir et qu’exaspérer les contradictions de l’impérialisme.

La lutte qui a eu lieu dernièrement entre Hu-Peï-Fu et Djan-So-Lin en Chine, est la conséquence directe de l’échec du capitalisme japonais et du capitalisme anglo-américain dans leur tentative d’accorder leurs intérêts à Washington.

La nouvelle guerre qui menace le monde entraînera non seulement le Japon, l’Amérique et l’Angleterre, mais aussi les autres puissances capitalistes, telles que la France et la Hollande, et tout laisse prévoir qu’elle sera encore plus dévastatrice que la guerre de 1914-18.

La tâche des PC coloniaux et semi-coloniaux des pays riverains de l’Océan Pacifique consiste à mener une propagande énergique ayant pour but d’expliquer aux masses le danger qui les attend et de les appeler à une lutte active pour l’affranchissement national et à insister pour qu’elles s’orientent vers la Russie des Soviets, soutien de tous les opprimés et de tous les exploités.

Les PC des pays impérialistes tels que l’Amérique, le Japon, l’Angleterre, l’Australie et le Canada ont le devoir, vu le danger imminent, de ne pas se borner à une propagande contre la guerre, mais de s’efforcer par tous les moyens d’écarter les facteurs capables de désorganiser le mouvement ouvrier de ces pays et de faciliter l’utilisation par les capitalistes des antagonismes de nationalités et de races.

Ces facteurs sont : la question de l’émigration et celle du bon marché de la main-d’œuvre de couleur. Le système des contrats reste jusqu’à présent le principal moyen de recrutement des ouvriers de couleur pour les plantations sucrières des pays du sud du Pacifique où les ouvriers sont importés de Chine et des Indes.

Ce fait a déterminé les ouvriers des pays impérialistes à exiger la mise en vigueur de lois prohibant l’immigration et l’emploi de la main-d’œuvre de couleur, aussi bien en Amérique qu’en Australie. Ces lois prohibitives accusent l’antagonisme qui existe entre les ouvriers blancs et les ouvriers de couleur, divisent et affaiblissent l’unité du mouvement ouvrier.

Les PC des États-Unis, du Canada et d’Australie doivent entreprendre une campagne énergique contre les lois prohibitives et montrer aux masses prolétariennes de ces pays que des lois de ce genre, excitant les inimitiés de races, se retournent en fin de compte contre les travailleurs des pays prohibitionnistes.

D’un autre côté, les capitalistes suspendent les lois prohibitives pour faciliter l’immigration de la main-d’œuvre de couleur, qui travaille à meilleur marché, et pour diminuer ainsi le salaire des ouvriers blancs. Cette intention manifestée par les capitalistes de passer à l’offensive peut être déjouée efficacement si les ouvriers immigrés entrent dans les syndicats où sont organisés les ouvriers blancs.

Simultanément, doit être revendiquée une augmentation des salaires de la main-d’œuvre de couleur, de façon à les rendre égaux à ceux des ouvriers blancs. Une telle mesure prise par les PC démasquera les intentions capitalistes et en même temps montrera avec évidence aux ouvriers de couleur que le prolétariat international est étranger aux préjugés de race.

Pour réaliser les mesures ci-dessus indiquées, les représentants du prolétariat révolutionnaire des pays du Pacifique doivent convoquer une Conférence des pays du Pacifique qui élaborera la tactique à suivre et trouvera les formes d’organisation pour l’unification effective du prolétariat de toutes les races des pays du Pacifique.

8. —Les tâches coloniales des pays métropolitains

L’importance primordiale du mouvement révolutionnaire aux colonies pour la révolution prolétarienne internationale exige une intensification de l’action aux colonies des PC des puissances impérialistes. L’impérialisme français compte, pour la répression des forces de la révolution prolétarienne en France et en Europe, sur les indigènes des colonies qui, dans sa pensée, serviront de réserves à la contre-révolution.

Les impérialismes anglais et américain continuent, comme par le passé, à diviser le mouvement ouvrier en attirant à leurs côtés l’aristocratie ouvrière par la promesse de lui octroyer une partie de la plus-value provenant de l’exploitation coloniale.

Chacun des PC des pays possédant un domaine colonial doit se charger d’organiser systématiquement une aide matérielle et morale au mouvement révolutionnaire ouvrier des colonies.

Il faut, à tout prix, combattre opiniâtrement et sans merci les tendances colonisatrices de certaines catégories d’ouvriers européens bien payés, travaillant dans les colonies. Les ouvriers communistes européens des colonies doivent s’efforcer de rallier les prolétaires indigènes en gagnant leur confiance par des revendications économiques concrètes (hausse des salaires indigènes jusqu’au niveau des salaires des ouvriers européens, protection du travail, etc.).

La création, aux colonies (Égypte et Algérie), d’organisations communistes européennes isolées n’est qu’une forme déguisée de la tendance colonisatrice et un soutien des intérêts impérialistes.

Construire des organisations communistes d’après le principe national, c’est se mettre en contradiction avec les principes de l’internationalisme prolétarien. Tous les partis de l’IC doivent constamment expliquer aux multitudes travailleuses l’importance extrême de la lutte contre la domination impérialiste dans les pays arriérés.

Les PC agissant dans les pays métropolitains doivent former auprès de leurs comités directeurs des commissions coloniales permanentes qui travailleront aux fins indiquées ci-dessus.

L’IC doit aider les PC de l’Orient, au premier chef, en leur donnant son aide pour l’organisation de la presse, l’édition périodique de journaux rédigés dans les idiomes locaux. Une attention particulière doit être accordée à l’action parmi les organisations ouvrières européennes et parmi les troupes d’occupation coloniales.

Les PC des métropoles doivent profiter de toutes les occasions qui se présentent à eux pour divulguer le banditisme de la politique coloniale de leurs gouvernements impérialistes ainsi que de leurs partis bourgeois et réformistes.

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de l’Internationale Communiste

Thèses sur l’action communiste dans le mouvement syndical du quatrième congrès de l’Internationale Communiste

1. – Situation du mouvement syndical

§1. Au cours de ces deux dernières années, marquées par l’offensive universelle du capital, le mouvement syndical s’est sensiblement affaibli dans tous les pays. Sauf de rares exceptions (Allemagne, Autriche), les syndicats ont perdu un grand nombre de leurs membres.

Ce recul s’explique à la fois par les vastes offensives de la bourgeoisie et par l’impuissance des syndicats réformistes, non seulement à résoudre la question sociale, mais même à résister sérieusement à l’attaque capitaliste et à défendre les intérêts les plus élémentaires des masses ouvrières.

§2. Devant cette offensive capitaliste d’une part et cette collaboration de classe persistante d’autre part, les masses ouvrières sont de plus en plus désabusées. De là, non seulement leurs tentatives pour créer des groupements nouveaux, mais encore la dispersion d’un grand nombre d’ouvriers conscients qui quittent leurs organisations.

Le syndicat a cessé d’être pour beaucoup un foyer d’agitation, parce qu’il n’a pas su et dans bien des cas il n’a pas voulu arrêter l’offensive du capital et maintenir les positions acquises. La stérilité du réformisme s’est manifestée avec évidence dans la pratique.

§3. Le mouvement syndical porte, dans tous les pays, un caractère d’instabilité foncière ; des groupes assez nombreux d’ouvriers ne cessent de s’en détacher, tandis que les réformistes continuent assidûment leur politique de collaboration de classes, sous prétexte « d’utiliser le capital au profit des ouvriers ».

En fait, le capital a continué d’utiliser dans ses intérêts les organisations réformistes en les rendant complices de l’abaissement du niveau d’existence des masses. La période écoulée a surtout renforcé les liens qui existaient déjà entre les gouvernements et les meneurs réformistes, de même que la subordination des intérêts de la classe ouvrière à ceux de ses dirigeants.

2. – L’offensive d’Amsterdam contre les syndicats révolutionnaires

§4. Au moment même où ils cédaient sur toute la ligne à la pression bourgeoise, les chefs réformistes engageaient leur offensive contre les ouvriers révolutionnaires.

Voyant que leur mauvaise volonté à organiser la résistance contre le capital avait provoqué une fermentation profonde dans les masses ouvrières, et résolus à nettoyer les organisations de la contagion révolutionnaire, ils entreprirent contre le mouvement syndical révolutionnaire une offensive en règle tendant à désagréger et à démoraliser la minorité révolutionnaire par tous les moyens en leur pouvoir, et à faciliter la consolidation de la domination de classe ébranlée de la bourgeoisie.

§5. Pour conserver leur autorité, les dirigeants de l’Internationale d’Amsterdam n’hésitent pas à exclure, non seulement des individus et de petits groupes, mais des organisations entières ; pour rien au monde les gens d’Amsterdam ne veulent rester en minorité et, en cas de menace des éléments révolutionnaires, partisans de l’ISR, et de l’IC, ils sont décidés à provoquer la scission, pourvu qu’ils puissent ainsi conserver leur mainmise sur l’appareil administratif et les ressources matérielles.

Ainsi ont fait les chefs de la CGT française ; sur la même voie sont engagés les réformistes de Tchécoslovaquie et les meneurs de la Confédération Nationale des Syndicats allemands. Les intérêts de la bourgeoisie exigent la scission du mouvement syndical.

§6. En même temps que l’offensive réformiste se déclenchait dans les différents pays, la même offensive se déclenchait dans le monde entier: les Fédérations internationales adhérant à Amsterdam excluaient systématiquement ou refusaient d’admettre les Fédérations nationales révolutionnaires correspondantes.

Ainsi les Congrès internationaux du sous-sol, du textile, des employés, des cuirs et peaux, des travailleurs sur bois, du bâtiment et des PTT ont refusé d’admettre les syndicats russes et les autres syndicats révolutionnaires parce que ces derniers appartiennent à l’ISR.

§7. Cette campagne des gens d’Amsterdam contre les syndicats révolutionnaires est une expression de la campagne du capital international contre la classe ouvrière.

Elle poursuit les mêmes buts: consolider le système capitaliste sur la misère des masses laborieuses. Le réformisme pressent sa fin prochaine ; il veut, à l’aide des exclusions et de la scission des éléments les plus combatifs, affaiblir au maximum la classe ouvrière pour la rendre incapable de mettre la main sur le pouvoir et les moyens de production et d’échange.

3. – Les anarchistes et les communistes

§8. En même temps, une «offensive» toute semblable à celle d’Amsterdam était lancée par l’aile anarchiste du mouvement ouvrier contre l’IC, les PC et les noyaux communistes des syndicats.

Un certain nombre d’organisations anarcho-syndicalistes se déclarèrent ouvertement hostiles à l’IC et à la Révolution russe, en dépit de leur adhésion solennelle à l’IC en 1920 et de leurs Adresses de sympathie au prolétariat russe et à la Révolution d’Octobre. Ainsi, les syndicats italiens, les localistes allemands, les anarcho-syndicalistes de France, de Hollande et de Suède.

§9. Au nom de l’autonomie syndicale, certaines organisations syndicalistes (Secrétariat Ouvrier National de Hollande, IWW, Union syndicale Italienne,etc.) excluent les partisans de l’ISR en général et les communistes en particulier.

Ainsi la devise d’autonomie, après avoir été archi révolutionnaire, est devenue anticommuniste, c’est-à-dire contre-révolutionnaire et coïncide avec celle d’Amsterdam qui fait la même politique sous le drapeau de l’indépendance, bien que ce ne soit un secret pour personne qu’elle dépend entièrement de la bourgeoisie nationale et internationale.

§10. L’action des anarchistes contre l’IC, l’ISR et la Révolution russe a apporté la décomposition et la scission dans leurs propres rangs. Les meilleurs éléments ouvriers sont intervenus contre cette idéologie. L’anarchisme et l’anarcho-syndicalisme se sont scindés en plusieurs groupes et tendances qui mènent une lutte acharnée pour ou contre l’ISR, pour ou contre la dictature prolétarienne, pour ou contre la Révolution russe.

4. – Neutralisme et autonomie

§11. L’influence de la bourgeoisie sur le prolétariat se reflète dans la théorie de la neutralité, sur laquelle les syndicats devraient se proposer exclusivement des buts corporatifs, étroitement économiques et non point des visées de classe.

Le neutralisme a toujours été une doctrine purement bourgeoise contre laquelle le marxisme révolutionnaire mène une lutte à mort. Les syndicats qui ne se posent aucun but de classe, c’est-à-dire ne visent pas au renversement du système capitaliste, sont, en dépit de leur composition prolétarienne, les meilleurs défenseurs de l’ordre et du régime bourgeois.

§12. Cette période du neutralisme a toujours été favorisée par cet argument que les syndicats ouvriers doivent s’intéresser aux seules questions économiques sans se mêler de politique.

La bourgeoisie a toujours tendance à séparer la politique de l’économie, comprenant parfaitement que, si elle réussit à insérer la classe ouvrière dans le cadre corporatif, aucun danger sérieux ne menace son hégémonie.

§13. Cette même démarcation entre économie et politique est tracée aussi par les éléments anarchistes du mouvement syndical, pour détourner le mouvement ouvrier de la voie politique, sous prétexte que toute politique est dirigée contre les travailleurs.

Cette théorie, purement bourgeoise au fond, est présentée aux ouvriers comme celle de l’autonomie syndicale, et l’on comprend cette dernière comme une opposition des syndicats au PC et une déclaration de guerre au mouvement ouvrier communiste.

§14. Cette lutte contre « la politique et le Parti politique de la classe ouvrière », provoque un rétrécissement du mouvement ouvrier et des organisations ouvrières, de même qu’une campagne contre le communisme, conscience concentrée de la classe ouvrière.

L’autonomie sous toutes ses formes, qu’elle soit anarchiste ou anarcho-syndicaliste, est une doctrine anticommuniste et la résistance la plus décidée doit lui être opposée ; le mieux qu’il puisse en résulter, c’est une autonomie par rapport au communisme et un antagonisme entre syndicats et PC ; sinon c’est une lutte acharnée des syndicats contre le PC, le communisme et la révolution sociale.

§15. La théorie de l’autonomie, telle qu’elle est exposée par les anarcho-syndicalistes français, italiens et espagnols, est en somme le cri de guerre de l’anarchisme contre le communisme.

Les communistes doivent mener à l’intérieur des syndicats une campagne décisive contre cette manœuvre de faire passer en contrebande, sous le pavillon de l’autonomie, la camelote anarchiste et pour diviser le mouvement ouvrier en segments hostiles les uns aux autres, pour ralentir ou entraver le triomphe de la classe ouvrière.

5. – Syndicalisme et communisme

§16. Les anarcho-syndicalistes confondent syndicats et syndicalisme en faisant passer leur Parti anarcho-syndicaliste pour la seule organisation réellement révolutionnaire et capable de mener à terme l’action de classe du prolétariat.

Le syndicalisme, qui constitue un immense progrès sur le trade-unionisme, présente cependant de nombreux défauts et côtés malfaisants, auxquels il faut résister de la façon la plus ferme.

§17. Les communistes ne peuvent ni ne doivent au nom de principes abstraits anarcho-syndicalistes abandonner leur droit à organiser des « noyaux » au sein des syndicats, quelle que puisse être l’orientation de ces derniers.

Ce droit, personne ne peut le leur enlever. Il va de soi que les communistes militant au sein des syndicats sauront coordonner leur action avec ceux d’entre les syndicats qui y ont pris acte de l’expérience de la guerre et de la révolution.

§18. Les communistes doivent se charger de l’initiative de créer dans les syndicats un bloc avec les ouvriers révolutionnaires d’autres tendances. Les plus proches du communisme sont les « syndicalistes communistes », qui reconnaissent la nécessité de la dictature prolétarienne et défendent contre les anarcho-syndicalistes le principe de l’État ouvrier.

Mais la coordination des actions suppose une organisation des communistes. Une action isolée et individuelle des communistes ne saurait se coordonner avec qui que ce soit, parce qu’elle ne présenterait aucune force sérieuse.

§19. Tout en réalisant de la façon la plus énergique et la plus conséquente leurs principes, tout en combattant les théories anticommunistes d’autonomie et la séparation de la politique et de l’économie, idée anarchiste extrêmement nuisible au progrès révolutionnaire de la classe ouvrière, les communistes doivent, à l’intérieur des syndicats de toutes tendances, s’efforcer de coordonner leur action dans la lutte pratique contre le réformisme et le verbalisme anarcho-syndicaliste avec tous les éléments révolutionnaires qui sont pour le renversement du capitalisme et pour la dictature du prolétariat.

§20. Dans les pays où existent des organisations importantes syndicalistes-révolutionnaires (France) et où sous l’influence de toute une série de causes historiques, la méfiance à l’égard des partis politiques persiste dans certaines couches d’ouvriers révolutionnaires, les communistes élaborent sur place, d’accord avec les syndicalistes, conformément aux particularités du pays et du mouvement ouvrier en cause, les formes et méthodes de lutte commune et de collaboration dans toutes les actions défensives et offensives contre le capital.

6. —La lutte pour l’unité syndicale

§21. Le mot d’ordre de l’IC (contre la scission syndicale) doit être appliqué aussi énergiquement que par le passé, malgré les furieuses persécutions auxquelles les réformistes de tous les pays soumettent les communistes.

Les réformistes veulent prolonger la scission à l’aide des exclusions. chassant systématiquement les meilleurs éléments des syndicats, ils espèrent faire perdre le sang-froid aux communistes, les faire sortir des syndicats et leur faire abandonner le plan profondément réfléchi de la conquête des syndicats du dedans en se prononçant pour la scission. Mais les réformistes ne pourront pas arriver à ce résultat.

§22. La scission du mouvement syndical, surtout dans les conditions actuelles, représente le plus grand danger pour le mouvement ouvrier dans son entier. La scission dans les syndicats ouvriers rejetterait la classe ouvrière à plusieurs années en arrière, car la bourgeoisie pourrait alors reprendre facilement les conquêtes les plus élémentaires des ouvriers.

Coûte que coûte, les communistes doivent empêcher la scission syndicale. Par tous les moyens, par toutes les forces de leur organisation, ils doivent mettre obstacle à la criminelle légèreté avec laquelle les réformistes brisent l’unité syndicale.

§23. Dans les pays où deux centrales syndicales nationales existent parallèlement (Espagne, France, Tchécoslovaquie, etc.) les communistes doivent lutter systématiquement pour la fusion des organisations parallèles.

Étant donné ce but de la fusion des syndicats actuellement scindés, il n’est pas rationnel d’arracher les communistes isolés et les ouvriers révolutionnaires des syndicats réformistes, en les transférant dans les syndicats révolutionnaires.

Pas un syndicat réformiste ne doit rester dépourvu du ferment communiste. Un travail actif des communistes dans les deux syndicats est une condition du rétablissement de l’unité détruite.

§24. La sauvegarde de l’unité syndicale, ainsi que le rétablissement de l’unité détruite, ne sont possibles que si les communistes mettent en avant un programme pratique pour chaque pays et pour chaque branche d’industrie ; sur le terrain d’un travail pratique, d’une lutte pratique, on peut grouper les éléments dispersés du mouvement ouvrier et créer, dans le cas d’une scission syndicale, les conditions propres à assurer leur unification organique.

Chaque communiste doit avoir en vue que la scission syndicale est non seulement une menace pour les conquêtes immédiates de la classe ouvrière, mais encore une menace pour la révolution sociale.

Les tentatives des réformistes de scinder les syndicats doivent être étouffées radicalement ; or, cela ne peut être atteint qu’à l’aide d’un travail énergique d’organisation et un travail politique dans les masses ouvrières.

7. – La lutte contre l’exclusion des communistes

§25. L’exclusion des communistes a pour but de désorganiser le mouvement révolutionnaire en isolant les dirigeants des masses ouvrières ; aussi, les communistes ne peuvent pas se borner aux formes et méthodes de lutte mises en vigueur par eux jusqu’à l’heure actuelle. Le mouvement syndical mondial est arrivé à son moment le plus critique.

La volonté scissionniste des réformistes s’est exacerbée, tandis que notre volonté de sauvegarder l’unité syndicale est attestée par des faits nombreux, et les communistes doivent montrer à l’avenir, également pratiquement, la valeur qu’ils attachent à l’unité du mouvement syndical.

§26. Plus la ligne scissionniste de nos ennemis devient évidente et plus il faut montrer de vigueur à mettre en avant le problème de l’unité syndicale. Pas une fabrique, pas une usine, pas une réunion ouvrière ne doit être oubliée, partout doit se faire entendre la protestation contre la tactique d’Amsterdam.

Il faut que le problème de la scission syndicale soit posé devant chaque syndiqué et il faut qu’il soit posé, non seulement à un moment où la scission est imminente, mais alors qu’elle est à peine amorcée. La question de l’exclusion des communistes du mouvement syndical doit être mise à l’ordre du jour de tout le mouvement de chaque pays en cause. Les communistes sont assez forts pour ne pas se laisser étrangler sans mot dire. La classe ouvrière doit savoir qui est pour la scission et qui est pour l’unité.

§27. L’exclusion des communistes après leur élection à des fonctions syndicales par des organisations locales ne doit pas seulement susciter des protestations contre la violence exercée à l’égard de la volonté des électeurs ; une telle exclusion doit provoquer une résistance organisée bien déterminée. Les membres exclus ne doivent pas demeurer dispersés.

La tâche la plus importante des PC consiste à ne pas permettre aux éléments exclus de se désagréger. Ils doivent s’organiser en syndicats d’exclus en mettant au centre de leur travail politique un programme concret et l’exigence de leur réintégration.

§28. La lutte contre les exclusions est en fait une lutte pour l’unité du mouvement syndical. Ici, toutes les mesures sont bonnes, toutes les mesures qui aboutissent au rétablissement de l’unité détruite.

Les exclus ne doivent pas demeurer isolés et coupés de toute opposition, pas plus que des organisations révolutionnaires indépendantes existant dans le pays en cause, en vue de l’organisation commune de la lutte contre les exclusions et pour la coordination de l’action dans la lutte contre le capital.

§29. Les mesures pratiques de lutte peuvent et doivent être complétées et modifiées en conformité avec les conditions et particularités locales. Il est important que les PC prennent nettement une position anti-scissionniste de combat et fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour tenir en échec la politique des exclusions qui s’est sensiblement renforcée en relation avec le commencement de la fusion des Internationales 2 et 2½.

Il n’existe pas de moyens et méthodes universels et définitifs dans la lutte contre les exclusions. Sous ce rapport, les PC ont la possibilité de lutter par les moyens qui sont à leurs yeux les meilleurs pour arriver à ce but: la conquête des syndicats et le rétablissement de l’unité syndicale détruite.

§30. Les communistes doivent développer la lutte la plus énergique contre l’exclusion des syndicats révolutionnaires du sein des Fédérations Internationales par industrie. Les PC ne peuvent et ne doivent pas demeurer spectateurs passifs de l’exclusion des syndicats révolutionnaires, pour la seule raison qu’ils sont révolutionnaires.

Les comités internationaux de propagande par industrie, créés par l’ISR, doivent trouver le soutien le plus ardent de la part des PC, de façon à grouper toutes les forces révolutionnaires existantes dans le but de lutter pour les fédérations internationales uniques par industrie. Toute cette lutte doit se faire sous le drapeau de l’admission de tous les syndicats, sans distinction de tendance, sans distinction de courants politiques, dans une organisation internationale unique d’industrie.

Conclusion

Poursuivant son chemin vers la conquête des syndicats et la lutte contre la politique scissionniste des réformistes, le 4e Congrès de l’IC déclare solennellement que toutes les fois que les gens d’Amsterdam n’auront pas recours aux exclusions, toutes les fois qu’ils donneront aux communistes la possibilité de lutter idéologiquement pour leurs principes au sein des syndicats, les communistes lutteront en membres disciplinés dans les rangs de l’organisation unique, marchant toujours en avant dans toutes les collisions et dans tous les conflits avec la bourgeoisie.

Le 4e Congrès de l’IC déclare que tous les PC doivent faire tous leurs efforts pour empêcher la scission dans les syndicats, qu’ils doivent faire tout ce qui dépend d’eux pour reconstituer l’unité syndicale détruite dans certains pays, et obtenir l’adhésion du mouvement syndical deleurs pays respectifs à l’ISR.

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Thèses sur l’unité du front prolétarien du quatrième congrès de l’Internationale Communiste

§1. Le mouvement international traverse en ce moment une période de transition qui pose devant l’IC et devant ses Sections de nouveaux et importants problèmes tactiques. Cette période est principalement caractérisée par les faits suivants : La crise économique mondiale s’aggrave. Le chômage s’accroît.

Dans presque tous les pays, le Capital international a déclenché contre la classe ouvrière une offensive systématique, dont le but avoué est tout d’abord de réduire les salaires et d’avilir les conditions d’existence des travailleurs. La faillite de la paix de Versailles devient de plus en plus évidente pour les masses laborieuses elles-mêmes.

Il est clair que si le prolétariat international n’arrive pas à détruire le régime bourgeois, une ou même plusieurs guerres impérialistes ne sauraient tarder à éclater. C’est ce qu’a démontré avec éloquence la Conférence de Washington.

§2. Les illusions réformistes qui, par suite de diverses circonstances, avaient bénéficié d’un regain de faveur dans les grandes masses ouvrières, font place, en présence des dures réalités, à un état d’esprit tout différent. Les illusions démocratiques et réformistes qui, après la guerre impérialiste, avaient repris du terrain parmi une catégorie de travailleurs privilégiés, ainsi que parmi les ouvriers les plus arriérés au point de vue politique, se dissipent avant même d’avoir pu s’épanouir. Les résultats des travaux de la Conférence de Washington leur porteront le coup de grâce.

Si l’on pouvait, il y a six mois, parler avec un semblant de raison d’une certaine évolution à droite des masses ouvrières d’Europe et d’Amérique, l’on ne saurait nier en ce moment le début d’une nouvelle orientation à gauche.

§3. D’autre part, l’offensive capitaliste a suscité dans les masses ouvrières une tendance spontanée à l’unité, que rien ne saurait contenir et qui va de pair avec l’accroissement de la confiance dont les communistes bénéficient auprès du prolétariat. Maintenant seulement, des milieux ouvriers de plus en plus importants commencent à apprécier la vaillance de l’avant-garde communiste qui engagea la lutte, pour la défense des intérêts prolétariens, à une époque où les grandes masses demeuraient encore indifférentes, voire hostiles, au communisme.

Les ouvriers comprennent de plus en plus que les communistes ont réellement défendu, souvent au prix des plus grands sacrifices et dans les circonstances les plus pénibles, les intérêts économiques et politiques des travailleurs. De nouveau,le respect et la confiance vont à l’avant-garde intransigeante que constituent les communistes ; reconnaissant enfin la vanité des espérances réformistes, les travailleurs les plus arriérés se convainquent qu’il n’est, contre la spoliation capitaliste, de salut que dans la lutte.

§4. Les PC peuvent et doivent recueillir maintenant le fruit des luttes qu’ils ont naguère soutenues dans les circonstances les plus défavorables au milieu de l’indifférence des masses. Mais, portés par une confiance croissante vers les éléments les plus irréductibles, les plus combatifs de leur classe – vers les communistes – les travailleurs témoignent plus que jamais d’un irrésistible désir d’unité.

Éveillées désormais à une vie plus active, les couches les moins expérimentées de la classe ouvrière rêvent de la fusion de tous les partis ouvriers, sinon de toutes les organisations prolétariennes. Elles espèrent accroître ainsi leur capacité de résistance à la poussée capitaliste. Des ouvriers qui, jusqu’à présent, s’étaient à peu près désintéressés des luttes politiques, veulent vérifier désormais, par leur expérience personnelle, la valeur du programme politique du réformisme.

Les ouvriers qui adhèrent aux vieux partis social-démocrates et qui constituent une fraction importante du prolétariat n’admettent plus les campagnes des calomnies des social-démocrates et des centristes contre l’avant-garde communiste ; bien plus, ils commencent à réclamer une entente avec cette dernière.

Cependant ils ne sont pas encore complètement émancipés des croyances réformistes, et nombreux sont ceux qui accordent leur appui aux Internationales Socialistes et à celle d’Amsterdam.

Sans doute leurs aspirations ne sont-elles pas toujours nettement formulées, mais il est certain qu’elles tendent impérieusement à la création d’un front prolétarien unique, à la formation, par les partis de la 2e Internationale et les syndicats d’Amsterdam alliés aux communistes, d’un bloc puissant contre lequel viendrait se briser l’offensive patronale. En ce sens, ces aspirations représentent le progrès même.

La foi au réformisme est à peu près éteinte. Dans la situation actuelle du mouvement ouvrier, toute action sérieuse, même si elle a son point de départ dans des revendications partielles, amènera fatalement les masses à poser les questions fondamentales de la révolution. L’avant-garde communiste ne pourra que gagner à l’expérience des nouvelles couches ouvrières, qui se convaincront par elles-mêmes de l’inanité des illusions réformistes et des effets déplorables de la politique de conciliation.

§5. Lorsque commença la protestation organisée et consciente des travailleurs contre la trahison des leaders de la 2e Internationale, ceux-ci disposaient de l’ensemble du mécanisme des organisations ouvrières. Ils invoquèrent l’unité et la discipline ouvrière pour bâillonner impitoyablement les révolutionnaires protestataires et briser toutes les résistances qui les eussent empêchés de mettre au service des impérialistes nationaux la totalité des forces prolétariennes.

La gauche révolutionnaire fut ainsi forcée de conquérir, coûte que coûte, sa liberté de propagande, afin de faire connaître aux masses ouvrières la trahison infâme qu’avaient commise – et que continuent de commettre – des partis et des syndicats créés par les masses elles-mêmes.

§6. Après s’être assuré une complète liberté de propagande, les PC s’efforcent aujourd’hui, dans tous les pays, de réaliser une unité aussi complète que possible des masses ouvrières sur le terrain de l’action pratique.

Les gens d’Amsterdam et ceux de la 2e Internationale, eux aussi, prônent l’unité, mais tous leurs actes sont la négation de leurs paroles. N’ayant pas réussi à étouffer dans les organisations les protestations, les critiques et les aspirations des révolutionnaires, les réformistes, avides de compromis, cherchent maintenant à sortir de l’impasse où ils se sont engagés, en semant la désorganisation et la division parmi les travailleurs et en sabotant leur lutte. Démasquer en ce moment leur récidive de trahison est un des devoirs les plus importants des PC.

§7. La profonde évolution intérieure provoquée dans la classe ouvrière d’Europe et d’Amérique par la nouvelle situation économique du prolétariat, oblige même les dirigeants et les diplomates des Internationales socialistes et de l’Internationale d’Amsterdam à mettre au premier plan le problème de l’unité ouvrière.

Alors que, chez les travailleurs récemment arrivés à une vie politique consciente et encore inexpérimentés, le mot d’ordre du Front Unique est l’expression sincère du désir d’opposer à l’offensive patronale toutes les forces de la classe ouvrière, ce mot d’ordre n’est, de la part des leaders réformistes, qu’une nouvelle tentative de duper les ouvriers pour les ramener dans l’ornière de la collaboration de classe.

L’imminence d’une nouvelle guerre impérialiste, la course aux armements, les nouveaux traités secrets des puissances impérialistes, non seulement ne détermineront pas les dirigeants de la 2e Internationale, de l’Internationale 2½et de l’Internationale d’Amsterdam à sonner l’alarme et aider effectivement à l’union internationale de la classe ouvrière, mais ils susciteront infailliblement parmi eux les mêmes dissensions que dans la bourgeoisie internationale.

C’est là un fait d’autant plus inévitable que la solidarité des «socialistes» réformistes avec «leurs» bourgeoisies nationales respectives, constitue la pierre angulaire du réformisme.Telles sont les conditions générales dans lesquelles l’IC et ses Sections ont à préciser leur attitude envers le mot d’ordre de l’unité du front ouvrier.

§8. Tout bien pesé, le CEIC estime que le mot d’ordre du 3e Congrès de l’IC : « Aux masses! » ainsi que les intérêts généraux du mouvement communiste, exigent que l’IC et ses Sections soutiennent le mot d’ordre de l’unité du front prolétarien et prennent en main l’initiative de sa réalisation. La tactique des PC s’inspirera des conditions particulières à chaque pays.

§9. En Allemagne, le PC, à la dernière session de son Conseil National, s’est prononcé pour l’unité du front prolétarien et a reconnu possible d’appuyer un « gouvernement ouvrier unitaire » qui serait disposé à combattre sérieusement le pouvoir capitaliste. Le CEIC approuve sans réserve cette décision, persuadé que le PC Allemand, tout en sauvegardant son indépendance politique, pourra ainsi pénétrer dans de plus larges couches prolétariennes et y fortifier l’influence communiste.

En Allemagne plus que partout ailleurs, les grandes masses comprennent de mieux en mieux que leur avant-garde communiste avait raison de se refuser à déposer les armes dans les moments les plus difficiles et de dénoncer l’inanité absolue des remèdes réformistes à une situation que la révolution prolétarienne seule peut dénouer. En persévérant dans cette voie, le Parti Allemand ne tardera pas à rallier à lui tous les éléments anarchistes et syndicalistes qui sont restés jusqu’à présent en dehors de la lutte des masses.

§10. En France, le PC englobe la majorité des travailleurs politiquement organisés. Par suite, le problème du front unique y revêt un aspect quelque peu différent de celui qu’il a dans les autres pays. Mais en France également, il faut que toute la responsabilité de la rupture du front ouvrier retombe sur nos adversaires. La fraction révolutionnaire du syndicalisme français combat avec raison la scission dans les syndicats et défend l’unité de la classe ouvrière dans la lutte économique. Mais cette lutte ne s’arrête pas au seuil de l’usine.

L’unité n’est pas moins indispensable contre la vague de réaction, contre la politique impérialiste, etc. La politique des réformistes et des centristes, après avoir provoqué la scission dans le Parti, menace à cette heure l’unité du mouvement syndical, ce qui prouve que, de même que Jean Longuet, Jouhaux sert en réalité la cause de la bourgeoisie.

Le mot d’ordre de l’unité politique et économique du front prolétarien contre la bourgeoisie est le meilleur moyen de faire avorter les manœuvres scissionnistes. Quelles que soient les trahisons de la CGT réformiste que dirigent Jouhaux, Merrheim et consorts, les communistes, et avec eux tous les éléments révolutionnaires de la classe ouvrière française, se verront forcés de proposer aux réformistes, avant toute grève générale, avant toute manifestation révolutionnaire, avant toute action de masses, de s’associer à cette action, et, sitôt que les réformistes s’y seront refusés, de les démasquer devant la classe ouvrière.

La conquête des masses ouvrières apolitiques nous sera ainsi facilitée. Il va de soi que cette méthode n’implique nullement pour le Parti français une restriction de son indépendance et ne saurait l’engager, par exemple, à soutenir le Bloc des gauches en période électorale, ou à faire preuve d’une indulgence exagérée envers les « communistes » indécis qui ne cessent de déplorer la scission d’avec les social-patriotes.

§11. En Angleterre, le Labour Party (Parti Ouvrier) réformiste avait refusé d’admettre en son sein le PC au même titre que les autres organisations ouvrières.

Mais, sous la pression des masses ouvrières dont nous avons indiqué les aspirations, les organisations ouvrières londoniennes viennent de voter l’admission du PC dans le Labour Party.À cet égard, l’Angleterre constitue évidemment une exception. Par suite de conditions particulières, le Labour Party forme en Angleterre une sorte de coalition embrassant toutes les organisations ouvrières du pays.

Il est maintenant du devoir des communistes d’exiger par une campagne énergique, leur admission dans le Labour Party. La récente trahison des leaders des trade-unions dans la grève des mineurs, l’offensive capitaliste contre les salaires, etc., provoquent une effervescence considérable dans le prolétariat anglais. Les communistes doivent s’efforcer à tout prix de pénétrer au plus profond des masses laborieuses sous le mot d’ordre de l’unité du front prolétarien contre la bourgeoisie.

§12. En Italie, le jeune PC, qui avait eu jusqu’ici une attitude des plus intransigeantes à l’égard du Parti Socialiste réformiste et des dirigeants social-traîtres de la Confédération Générale du Travail –dont la trahison envers la révolution prolétarienne est maintenant définitivement consommée –entreprend néanmoins, en présence de l’offensive patronale, une agitation énergique en faveur de l’unité du front prolétarien.

Le CEIC approuve entièrement cette tactique des communistes italiens et insiste sur la nécessité de la développer encore davantage. Le CEIC est convaincu que le PC italien, s’il fait preuve d’une perspicacité suffisante, deviendra, pour l’IC, un modèle de combativité marxiste et, tout en dénonçant impitoyablement les hésitations et les trahisons des réformistes et des centristes, saura poursuivre une campagne de plus en plus vigoureuse dans les masses ouvrières pour l’unité du front prolétarien contre la bourgeoisie.

Il va de soi que le Parti Italien ne devra rien négliger pour gagner à l’action commune les éléments révolutionnaires de l’anarchisme et du syndicalisme.

§13. En Tchécoslovaquie, où le Parti groupe la majorité des travailleurs politiquement organisés, les tâches des communistes sont, sous certains rapports, analogues à celles des communistes français.

Tout en affermissant son indépendance et en rompant les derniers liens qui le rattachent aux centristes, le Parti Tchécoslovaque doit savoir populariser le mot d’ordre de l’unité du front prolétarien contre la bourgeoisie et mettre en lumière le rôle véritable des social-démocrates et des centristes, agents du Capital. Les communistes tchécoslovaques ont aussi à intensifier leur action dans les syndicats, restés dans une large mesure au pouvoir des leaders jaunes.

§14. En Suède, le résultat des dernières élections parlementaires permet à un PC numériquement faible de jouer un rôle important. M. Branting, leader des plus éminents de la 2e Internationale en même temps que président du Conseil des Ministres de la bourgeoisie suédoise, se trouve dans une situation telle que l’attitude de la fraction parlementaire communiste ne peut lui être indifférente pour la constitution d’une majorité parlementaire.

Le CEIC estime que la fraction communiste ne pourra pas refuser d’accorder, sous certaines conditions, son appui au gouvernement menchevique de M. Branting, comme l’ont d’ailleurs fait avec raison les communistes allemands pour certains gouvernements régionaux (Thuringe).

Mais il n’en résulte nullement que les communistes suédois doivent abandonner quoi que ce soit de leur indépendance ou cesser de dénoncer le caractère véritable du gouvernement menchevique. Au contraire, plus les mencheviks auront de pouvoir, plus ils trahiront la classe ouvrière et plus les communistes devront s’efforcer de les démasquer devant les masses ouvrières.

§15. Aux États-Unis, l’union de tous les éléments de gauche du mouvement ouvrier syndical et politique commence à se réaliser.

Les communistes américains ont ainsi l’occasion de pénétrer dans les grandes masses laborieuses et de devenir le centre de cristallisation de cette union des gauches. Formant des groupes partout où il se trouve des communistes, ils doivent savoir prendre la direction du mouvement de ralliement des éléments révolutionnaires et propager avec énergie l’idée du front unique (par exemple, pour la défense des intérêts des sans-travail).

L’accusation principale qu’ils devront porter contre les organisations de M. Gompers sera que ces dernières se refusent obstinément à constituer l’unité du front prolétarien pour la défense des chômeurs. Néanmoins, la tâche essentielle du Parti sera d’attirer à lui les meilleurs éléments des IWW.

§16. En Suisse, notre Parti a déjà remporté certain succès dans la voie que nous avons indiquée. La propagande communiste pour le front unique a obligé la bureaucratie syndicale à convoquer un Congrès extraordinaire qui doit se tenir prochainement et où nos amis sauront mettre à nu les mensonges du réformisme et développer, pour l’unité révolutionnaire du prolétariat, la plus grande activité.

§17. Dans une série d’autres pays, la question se présente, selon les conditions locales, sous un aspect plus ou moins différent. Mais le CEIC est persuadé que les Sections sauront appliquer, conformément aux conditions particulières de chaque pays, la ligne de conduite générale qu’il vient de tracer.

§18. Le CEIC stipule, comme condition rigoureusement obligatoire pour tous les PC, la liberté, pour toute Section passant une convention quelconque avec les partis de la 2e Internationale et de l’Internationale 2½, de continuer la propagande de nos idées et la critique des adversaires du communisme.

Tout en se soumettant à la discipline de l’action, les communistes doivent absolument se réserver le droit et la possibilité d’exprimer, non seulement avant et après, mais encore pendant l’action, leur opinion sur la politique de toutes les organisations ouvrières sans exception.

En aucun et sous aucun prétexte, cette clause ne saurait souffrir d’infraction. En préconisant l’unité de toutes les organisations ouvrières dans chaque action contre le front capitaliste, les communistes ne peuvent renoncer à la propagande de leurs points de vue qui, seuls, constituent l’expression logique des intérêts de l’ensemble de la classe ouvrière.

§19. Le CEIC croit utile de rappeler à tous les partis frères les expériences des bolchéviks russes, dont le Parti est le seul qui ait jusqu’à présent réussi à vaincre la bourgeoisie et à s’emparer du pouvoir. Pendant les quinze années qui s’étendent entre la naissance du bolchevisme et sa victoire (1903-17), celui-ci n’a jamais cessé de combattre le réformisme, ou, ce qui revient au même, le menchevisme.

Mais pendant ce même laps de temps, les bolchéviks ont, à plusieurs reprises, passé des accords avec les mencheviks. La première scission formelle eut lieu au printemps de 1905. Mais sous l’influence irrésistible d’un mouvement ouvrier de vaste envergure, les bolchéviks formèrent, la même année, un front commun avec les mencheviks. Laseconde scission formelle eut lieu en e janvier 1912.

Mais de 1905 à 1912, la scission alterna avec des unions et des accords temporaires (en 1906, 1907 et 1910). Unions et accords ne se produisirent pas seulement à la suite des péripéties de la lutte entre fractions, mais surtout sous la pression des grandes masses ouvrières éveillées à la vie politique et qui voulaient voir par elles-mêmes si les voies du menchevisme s’écartaient véritablement de la révolution.

Peu avant la guerre impérialiste, le nouveau mouvement révolutionnaire qui suivit la grève de la Léna engendra dans les masses prolétariennes une puissante aspiration à l’unité, que les dirigeants du menchevisme s’évertuèrent à exploiter à leur profit, comme le font aujourd’hui les leaders des Internationales «socialistes» et ceux de l’Internationale d’Amsterdam.

À cette époque, les bolchéviks ne se refusèrent pas au front unique. Loin de là, pour contrebalancer la diplomatie des chefs mencheviks, ils adoptèrent le mot d’ordre de « l’unité par la base », c’est-à-dire de l’unité des masses ouvrières dans l’action révolutionnaire pratique contre la bourgeoisie. L’expérience montra que c’était là la seule vraie tactique. Modifiée selon les temps et les lieux, cette tactique gagna au communisme l’immense majorité des meilleurs éléments prolétariens mencheviks.

§20. Adoptant le mot d’ordre de l’unité du front prolétarien et admettant des accords entre ses diverses Sections et les partis et syndicats de la 2e Internationale et de l’Internationale 2½, l’IC ne saurait évidemment renoncer elle-même à passer des accords analogues sur l’échelle internationale. Dans la question du secours aux affamés de Russie, le CEIC a proposé un accord à l’Internationale Syndicale d’Amsterdam.

Il a renouvelé ses propositions en vue d’une action commune contre la terreur blanche en Espagne et en Yougoslavie. Il soumet actuellement aux Internationales socialistes et à l’Internationale d’Amsterdam une nouvelle proposition au sujet des travaux de la Conférence de Washington, laquelle ne peut que précipiter l’explosion d’une nouvelle guerre impérialiste. Mais les dirigeants de ces trois organisations internationales ont montré que, dès qu’il s’agit d’en venir aux actes, ils renoncent entièrement à leur mot d’ordre d’unité ouvrière.

Par suite, la tâche précise de l’IC et de ses Sections sera de dévoiler aux masses l’hypocrisie des dirigeants ouvriers qui préfèrent l’union avec la bourgeoisie à l’unité des travailleurs révolutionnaires et, en restant dans le Bureau International du Travail auprès de la Société des Nations, participent par là même à la Conférence impérialiste de Washington, au lieu de mener une campagne contre elle.

Mais le refus opposé à nos propositions ne nous fera pas renoncer à la tactique que nous préconisons, tactique profondément conforme à l’esprit des masses ouvrières et qu’il faut savoir développer méthodiquement, sans relâche. Si nos propositions d’action commune sont repoussées, il faudra en informer le monde ouvrier afin qu’il sache quels sont les destructeurs réels de l’unité du front prolétarien. Si nos propositions sont acceptées, notre devoir est d’accentuer et d’approfondir les luttes engagées.

Dans les deux cas, il importera de faire en sorte que les pourparlers des communistes avec les autres organisations éveillent et attirent l’attention des masses laborieuses. Car il faut absolument intéresser ces dernières à toutes les péripéties du combat pour l’unité du front révolutionnaire de tous les travailleurs.

§21. En fixant ce plan d’action, le CEIC tient à attirer l’attention des partis frères sur les périls qui peuvent en résulter. Tous les PC sont loin d’être suffisamment affermis et organisés et d’avoir vaincu définitivement les idéologies centriste et semi-centriste.

Des excès peuvent se produire et amener la transformation des partis et groupes communistes en blocs hétérogènes informes. Pour appliquer avec succès la tactique préconisée, il importe que le Parti soit fortement organisé et que sa direction se distingue par la clarté parfaite de ses idées.

§22. Au sein même de l’IC, dans les groupements que l’on considère à tort ou à raison comme droitiers ou semi-centristes, il existe indubitablement deux courants. Le premier, réellement émancipé de l’idéologie et des méthodes de la 2e Internationale, n’a pourtant pas su se défaire d’un sentiment de respect à l’égard de l’ancien pouvoir organisateur et voudrait, consciemment ou non, rechercher les bases d’une entente idéale avec la 2e Internationale et, partant, avec la société bourgeoise.

Le second, qui combat le radicalisme formel et les erreurs d’une prétendue « gauche », voudrait donner à la tactique du jeune PC plus de souplesse et d’aptitude à la manœuvre afin de lui permettre de pénétrer plus facilement les masses ouvrières.

L’évolution rapide des PC a parfois poussé ces deux courants à se rejoindre, voire à n’en former qu’un. Une application attentive des méthodes indiquées plus haut, dont le but est de donner à l’agitation communiste un appui dans les actions des masses unifiées, contribuera efficacement à l’affermissement révolutionnaire de nos partis, tant en faisant l’éducation expérimentale des éléments impatients et sectaires qu’en les débarrassant du poids mort du réformisme.

§23. Par unité du front prolétarien, il faut entendre l’unité de tous les travailleurs désireux de combattre le capitalisme, y compris par conséquent les ouvriers qui suivent encore les anarchistes et les syndicalistes. Dans divers pays, ces éléments peuvent utilement s’associer aux actions révolutionnaires.

Dès ses débuts, l’IC a toujours préconisé une attitude amicale à l’égard de ces éléments ouvriers qui surmontent progressivement leurs préjugés et adhèrent peu à peu au communisme. Les communistes devront dorénavant leur accorder d’autant plus d’attention que le front unique contre le capitalisme est en voie de réalisation.

§24. Dans le but de fixer définitivement le travail ultérieur dans les conditions indiquées, le CEIC décide de convoquer prochainement une assemblée extraordinaire à laquelle tous les partis affiliés seront représentés par un nombre de délégués double du nombre ordinaire.

§25. Le CEIC consacrera la plus grande attention à toutes les démarches pratiques effectuées dans la voie qu’il vient d’indiquer et demande aux différents partis de l’informer par le menu de toutes leurs tentatives dans ce sens et de tous les résultats obtenus.

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de l’Internationale Communiste

Les questions non résolues lors du quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Le quatrième congrès de l’Internationale Communiste fut celui de la prise de conscience d’un retard concernant de nombreux thèmes, malgré les volontés initiales de les résoudre. Le décalage n’en fut qu’amèrement ressenti.

Il y avait ainsi déjà la question agraire. Eugen Varga fit un long rapport à ce sujet et il souligna d’autant plus l’importance de la question que, dans le contexte d’offensive du capital, il fallait renforcer le camp de la révolution, donc mobiliser les paysans.

Le problème était cependant double : d’abord, la paysannerie pauvre subissait l’influence d’une bourgeoisie agraire solidement organisée, ensuite les Partis Communistes constitués n’étaient absolument pas en mesure de mener un travail de fond en ce domaine.

Les situations étaient qui plus est très différentes selon les pays, voire au sein du pays. En Yougoslavie, l’agriculture était composée de paysans avec des terres dans un esprit assez égalitaire en Serbie, d’unité capitalistes en Croatie, d’une structure féodale en Bosnie-Herzégovine.

Il y avait là un grand défi, reflétant qu’on en était qu’au début des analyses et de la structuration des luttes.

Le quatrième congrès fut également le premier à aborder en tant que tel la question noire, soulignant la terrible situation dans les États du sud des États-Unis. Cette mise en perspective est liée à l’insistance sur la question de tous les peuples victimes de l’impérialisme.

Tan Malaka, un communiste d’Indonésie, une figure d’importance dans son pays, posa ainsi au quatrième congrès de l’Internationale Communiste la question du rapport au panislamisme. C’était une question d’importance, ouverte par l’effondrement de l’empire ottoman.

Et cela montre que, en 1922, malgré l’importance extrême accordée à la question des peuples opprimés par l’Internationale Communiste, il n’y avait pas encore d’analyses de fond de faites, pas encore de ligne stratégique de formuler, encore moins de tactiques.

Dans le contexte électrique du début des années 1920, cela va aboutir à l’espoir d’obtenir des coups de pouce historique et la question musulmane était espérée en être un.

En effet, toute une génération petite-bourgeoise, cultivée grâce à la colonisation, tout en étant empêtré dans ses propres traditions mystiques, cléricales, avait vu avec horreur tomber le dernier obstacle idéologique à la colonisation : l’empire ottoman. Ce dernier était en effet le « califat » nécessaire à tout musulman. Sa disparition bouleversait toutes les conceptions musulmanes et une immense littérature commença à naître.

Une figure importante était par exemple celle de Muhammad Asad (1900-1992), de son vrai nom Leopold Weiss. Ce Juif autrichien converti à l’Islam participa en première ligne à l’émergence de l’anticapitalisme romantique musulman, principalement depuis l’Arabie devenant Saoudite.

L’Internationale Communiste constatait le début de ce phénomène et n’avait pas encore les outils pour l’évaluer correctement. Effaçant la question féodale, elle ne retint qu’une dimension anti-impérialiste capable de mettre le feu dans l’ensemble des pays musulmans et d’ainsi contribuer à l’affirmation de la révolution mondiale lancée en Octobre 1917.

De manière pragmatique, le panislamisme était vu comme un levier possible pour la mobilisation de masses afin d’affaiblir l’impérialisme. L’Indien Manabendra Nath Roy considérait pareillement que, tout en restant prudent, il fallait soutenir de manière unilatérale le mouvement de la bourgeoisie nationale.

Comment cependant organiser une tactique adéquate depuis l’Internationale Communiste, alors que les situations étaient très différentes dans chaque pays de type colonial ou semi-colonial ?

La problématique devenait d’autant plus grave que c’était un prétexte, de la part des Partis Communiste des pays impérialiste tel en France et en Grande-Bretagne, pour ne pas affronter la question.

Cela amena plusieurs Partis à protester contre l’incapacité du quatrième congrès à accorder une grande place à la question coloniale et semi-coloniale. Le quatrième congrès ouvrait toute une série de questions ; les exigences tactiques soulignaient le besoin d’analyses stratégiques.

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de l’Internationale Communiste

Le quatrième congrès de l’Internationale Communiste et la section française

Les Français se firent encore remarquer, à leur habitude, lors du quatrième congrès de l’Internationale Communiste. Il y eut ainsi une violente polémique entre deux délégués à l’occasion du débat sur les coopératives, mais il était considéré comme normal de leur part de s’invectiver au congrès.

Le Parti français était effectivement divisé entre plusieurs tendances, qui ne cachaient nullement leur hostilité les unes pour les autres. On peut considérer qu’il y avait trois tendances majeures et deux secondaires.

À ce moment, l’Internationale Communiste les reconnaissait. Ainsi, Jean Varlet (en fait François Koral, d’origine polonaise) défendit ouvertement le point de vue de sa tendance, le congrès lui donnant trois quart d’heures pour s’exprimer. Il sera lui-même exclu du Parti en 1932, dont il restera cependant toujours proche à travers une importante action dans la CGT.

Il dit notamment la chose suivante : en France, il n’y a jamais eu de mouvement ouvrier de masse et de plus, ni les ouvriers ni même finalement les membres du Parti ne savent en quoi consistent des conseils ouvriers. Appliquer une ligne de masses, ce serait donc faire disparaître le Parti lui-même, le diluer, le dissoudre.

Ferdinand Faure tiendra pareillement un discours de remise en cause des remarques de l’Internationale Communiste au sujet du Parti français. S’il expliqua qu’il resterait toujours dans le Parti et dans l’Internationale Communiste, soulignant sa fidélité lors de sa prise de parole, il sera exclu peu après le quatrième congrès pour avoir dénoncé celui-ci dans la presse communiste et rejoindra dans la foulée les socialistes de la SFIO.

Alfred Rosmer fit remarquer au sujet de la critique de Ferdinand Faure qu’effectivement en France les interventions de l’Internationale Communiste étaient perçues comme des ingérences. Lui le regrettait et dénonça le refus du front unique, interprétant toutefois celui-ci dans un sens syndicaliste. Lui-même quittera le Parti par la suite pour prôner le syndicalisme.

Pareillement, le délégué français Émile Béron sera exclu du Parti en 1932, deviendra ensuite un député indépendant pro-Front populaire grâce au désistement du PCF, pour finalement voter les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. Le délégué français Arthur Henriet sera lui mis de côté à la fin des années 1920.

C’est la base même du Parti qui est instable, à tous les niveaux, sa base étant trop peu formée, trop peu compréhensive, trop indisciplinée, trop ancrée dans le révolutionnarisme ou le réformisme. On l’aura aisément compris, les Français s’avéraient ingérables et ne suivaient pas les consignes.

Boukharine résuma cela de la manière suivante lors du congrès au sujet de la tendance centriste :

« Les tendances centristes françaises sont les reliquats de l’ancienne idéologie social-démocrate ; elles ont également un masque blanc.

Leur masque consiste en ce qu’elles acceptent tout ce qu’on leur propose. On peut les donner 21 conditions, ces 21 conditions vont être acceptées. On peut leur proposer de très bonnes résolutions sur l’activité du Parti ; ces bonnes résolutions sont tout de suite acceptées à l’unanimité.

Il en est toujours ainsi. On approuve tout ce que veut le prétendu diktat de Moscou. Puis, évidemment, on dénonce naturellement le diktat de Moscou avec toute l’énergie communiste, mais on signe tout ce qui est demandé.

C’est tout d’abord parfaitement loyal en apparence, mais le grand danger repose en ce que tout reste sur le papier. Après la prise de telles bonnes résolutions, strictement rien n’est fait.

Les déviations, les déviations tactiques qui existent matériellement, ne sont jamais formulées. »

Les problèmes étaient innombrables. Il y avait déjà les rapports à la franc-maçonnerie, cette structure bourgeoise apolitique à prétention humaniste. Il y avait, surtout, une soumission complète au syndicalisme révolutionnaire, ce qui était d’autant plus choquant que le Parti avait 80 000 membres, par rapport aux 300 000 membres dans la CGT Unifié où est actif le Parti.

Les syndicalistes révolutionnaires avaient en fait l’hégémonie idéologique et culturelle, au point que leurs conceptions se retrouvaient même dans la presse du Parti qui, de toutes façons, n’avait rien de véritablement communiste d’ailleurs.

Ce penchant syndicaliste connaissait un pendant opportuniste, avec un ancrage dans une tradition socialiste d’avant-guerre, ce qui se formalisait par l’existence d’un forte tendance au centrisme, avec à sa tête Daniel Renoult, qui deviendra par la suite la figure de proue du « communisme municipal ».

Zinoviev n’y alla d’ailleurs pas par quatre chemins : il expliqua que si la naissance d’un Parti Communiste était difficile, en ce qui concerne la France cela l’était encore plus que prévu.

La résolution sur la question française du quatrième congrès de l’Internationale Communiste est donc très claire : désormais, c’est l’Internationale qui prend les choses en main. On y lit :

« Le 4° Congrès de l’Internationale Communiste constate que l’évolution de notre Parti français depuis le socialisme parlementaire jusqu’au communisme révolutionnaire s’opère avec une extrême lenteur qui est loin de s’expliquer par les conditions uniquement objectives, par les traditions, par la psychologie nationale de la classe ouvrière, etc., mais qui est due, avant tout, à une résistance directe et parfois exceptionnellement opiniâtre des éléments non communistes qui sont encore très forts dans les sommets du Parti et particulièrement dans la fraction du centre qui, depuis Tours, a eu, pour la plus grande part, la direction du Parti.

La cause fondamentale de la crise aiguë que traverse actuellement le Parti se trouve dans la politique d’attente, indécise et hésitante, des éléments dirigeants du centre qui, devant les exigences urgentes de l’organisation du Parti, essaient de gagner du temps, couvrant ainsi une politique de sabotage direct dans les questions syndicale, du front unique, de l’organisation du Parti et autres. Le temps ainsi gagné par les éléments dirigeants du centre a été perdu pour le progrès révolutionnaire du prolétariat français.

Le Congrès fait au Comité Exécutif une obligation de suivre de toute son attention la vie intérieure du Parti Communiste français afin de pouvoir, en s’appuyant sur la majorité incontestablement prolétarienne et révolutionnaire, le libérer de l’influence des éléments qui ont engendré la crise et qui ne cessent de l’aggraver. »

Cette situation horrifiait d’autant plus l’Internationale Communiste que ce fractionnisme au sein du Parti français existait alors qu’aucune action de masse n’avait été même encore menée. Or, c’est justement les actions de masse qui avaient été le détonateur, en Allemagne, des divergences de vue.

Cette absence d’action de masse est liée au fait que le Front unique n’avait pas été réalisé en France non plus, alors qu’on était passé de 628 000 grévistes dans la première partie de 1920 à 57 000 pour la seconde partie de la même année et 9 000 seulement en 1921.

Le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste avait pourtant, à de très nombreuses reprises, en 1921 et 1922, cherché à modifier les positions du Parti français, mais l’absence de réponses fut une sorte de règle du côté français. La situation apparaissait comme intenable et c’est le sens de la résolution sur la section française, accompagnée même d’un programme d’action formulé pour elle au quatrième congrès.

De plus, l’Internationale Communiste réorganisa elle-même le Comité Central. Au Comité Central du Parti français furent nommés 10 membres de la tendance centriste, 9 de celle de gauche, 4 de celle de droite, 1 de la tendance de Jean Renaud, la grande figure « paysanne » du Parti français historiquement.

L’Internationale Communiste exigea également que les articles de l’Humanité présentant les points de vue du Parti ne soient plus signés, que ses journalistes ne travaillent plus pour la presse bourgeoise et il fut même procédé à une répartition des postes dirigeants de la presse, des différentes commissions du Parti selon les tendances.

On a cependant là une question de fond, qui allait se poser avec d’autant plus d’acuité dans tous les Partis de l’Internationale Communiste. Fallait-il accepter ce principe de tendances ? La réponse allait être négative, avec la mise en place de la « bolchevisation ».

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de l’Internationale Communiste

Le quatrième congrès de l’Internationale Communiste et l’offensive du capital et le fascisme

Lénine intervint au congrès, à la huitième session du quatrième congrès de l’Internationale Communiste, le 13 novembre 1922, prononçant un discours en allemand au sujet des cinq ans de la révolution russe et des perspectives de la révolution mondiale. Il y raconta comment le régime soviétique organisa un capitalisme d’État, effectua un recul temporaire avec la NEP, nouvelle politique économique, avec un secteur privé encadré.

L’aspect principal était que le régime s’était maintenu, qu’il pouvait maintenant souffler et se mettre à apprendre. Cependant, apprendre devait aussi être le mot d’ordre des communistes à l’extérieur de la Russie. Alors que, selon Lénine, les perspectives de la révolution mondiale seraient excellentes.

Lénine et Staline en 1922

Lénine n’aborda que très brièvement la question du fascisme, soulignant que c’était un enseignement pour les Italiens comme quoi la situation n’était pas telle que des bandes fascistes ne pouvaient pas apparaître.

Il y a ici un aspect essentiel, mais nouveau, qui ne faisait qu’être découvert. Dans la conquête des masses, le fascisme se présentait comme un phénomène contre-révolutionnaire avec des contours qu’on ne connaissait pas.

Boukharine souligna l’importance de ne pas sous-estimer cela :

« Une seconde erreur que j’ai remarqué dans le discours de la camarade Ruth Fischer consiste en la phrase suivante : «la force organisationnelle est un reliquat de l’esprit social-démocrate».

Ce n’est en aucun cas un reliquat de l’esprit social-démocrate. Nous ne devons établir la considération politique selon laquelle l’organisation n’est pour nous quasiment rien, alors que l’ensemble de la bourgeoisie avec on organisation trouve même de nouvelles formes.

Le fascisme n’est pas une simple forme d’organisation dont la bourgeoisie disposait auparavant – elle est une forme nouvellement trouvée, qui est adaptée au nouveau mouvement avec l’intégration mobilisatrice des masses.

Entre autres : la bourgeoisie comprend que pour elle aussi un parti de masse est nécessaire, ce que malheureusement même [Amadeo] Bordiga ne comprend pas. »

Le quatrième congrès de l’Internationale Communiste ne considérait pas toutefois que le Fascisme était devenu la principale forme de contre-révolution. Il était raisonné en terme d’offensive du capital en réponse à la vague révolutionnaire.

Le capitalisme se maintenait, non pas par un nouvel élan, mais en pressurisant les masses. Le fascisme était vu comme un phénomène de révolte petite-bourgeoise venant servir d’appui au capitalisme.

C’est Radek qui se chargea d’exposer ce concept d’offensive du capital, dans un long exposé ; il résuma la situation au nom de l’Internationale Communiste de la manière suivante :

« La caractéristique de la période où nous sommes est que, malgré que la crise du capital mondial ne soit pas encore dépassé, que, malgré que la question du pouvoir soit toujours objectivement au centre de toutes les questions, les larges masses du prolétariat ont perdu la considération qu’ils pourraient conquérir le pouvoir à court terme. Elles sont poussées à la défensive. »

Dans ce cadre, le fascisme y est présenté comme un aspect illégal de la contre-révolution qui s’ajoute aux gouvernements contre-révolutionnaires encaissant l’onde de choc de première vague de la révolution mondiale.

Cela relève de la mise en place par la bourgeoisie d’opérations pour relancer l’économie, stopper le développement du communisme, alors que trois pays sont des points névralgiques de l’affrontement entre révolution et contre-révolution : l’Allemagne, la Tchécoslovaquie et l’Italie.

En ce sens, Radek résume de la manière suivante la grande réflexion que les communistes firent avec la victoire du fascisme en Italie :

« Je vois dans la victoire du fascisme non pas une victoire mécanique des armes des fascistes, mais j’y vois la plus grande défaite qu’a connu le socialisme et le communisme depuis le début de la période de la révolution mondiale, une plus grande défaite que celle de la Hongrie soviétique, car la victoire du fascisme est une suite de la banqueroute momentanée, spirituelle et politique, du socialisme italien et de tout le mouvement ouvrier italien (…).

Rosa Luxembourg a un jour dit que les meilleurs défenseurs de la bourgeoisie ont ceux qui ont des illusions.

Les illusions, seulement la petite-bourgeoisie peut en avoir, et comme le socialisme italien s’est révélé une illusion, alors les fascistes purent lui opposer l’illusion petite-bourgeoisie.

Ils ont attaqué les organisations des ouvriers et ceux-ci n’ont pas su se défendre. Dans les villes et les centres industriels, les masses restèrent unis. Mais dans les petites villes et les villages, où les ouvriers étaient dispersés, ils ont été les victimes du fascisme.

Ils les a d’abord maîtrisés avec les armes, ensuite il les a toutefois guidés. Et il n’y a aucun doute que si dans les centres industriels, les masses ouvrières n’ont intérieurement pas suivi le fascisme, celui-ci a dans les campagnes et les petites villes pas seulement gagné les ouvriers par les armes, mais aussi en partie avec sa politique démagogique (…).

Si nos amis italiens, les communistes, veulent être un Parti petit et pur, alors je peux leur dire, qu’un Parti petit et pur trouve aisément sa place en prison. »

Le Parti allemand étant, malgré sa grande qualité, en pleine reconstruction après la défaite de 1918, le Parti italien se retrouvant dans une situation terrible, le Parti tchécoslovaque ne se trouvant pas dans un pays capitaliste de faible taille, c’est ainsi le Parti français qui se voit accordé une place capitale dans le dispositif de l’Internationale Communiste.

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de l’Internationale Communiste

Quatrième congrès de l’Internationale Communiste: Parti de cadres, Parti de masse

Pour comprendre le rapport à la social-démocratie du quatrième congrès de l’Internationale Communiste, il faut bien voir que, de manière unilatérale, il était considéré que la scission avec la social-démocratie était consommée. Zinoviev se moqua par exemple de Georg Ledebour comme d’un « révolutionnaire à l’ancienne mode ».

Or, si Georg Ledebour était un centriste, il avait été un opposant à la première guerre mondiale. Il avait participé à la révolution spartakiste de 1918 ; il refusa le passage dans le camp social-démocrate des restes de l’USPD n’ayant pas rejoint les communistes et fondit en conséquence l’Union Socialiste. Il appartint ensuite au Parti Ouvrier socialiste tout en soutenant des initiatives de masse des communistes, soutenant finalement en 1948 la fusion des socialistes et des communistes dans le SED dans la partie orientale de l’Allemagne.

L’incapacité à saisir de manière dialectique une figure comme Georg Ledebour est symptomatique de tout un volontarisme, d’une posture visant à forcer le cours des choses, une attitude qui était, en fait, systématique dans les organisations de l’Internationale Communiste.

Des délégués au quatrième congrès

Cela aboutit à la formation d’oppositions internes se querellant sur les interprétation des directives de l’Internationale Communiste. Une gauche du Parti Communiste de Tchécoslovaquie avait ainsi littéralement fait sécession contre ce qu’elle voyait comme une inaction de sa direction et donc un véritable « attentat » anti-parti.

Des conflits internes ouverts s’exprimaient dans les Partis hongrois, allemand, américain, français, tchécoslovaque, etc.

L’Italien Amadeo Bordiga formulait quant à lui les thèses gauchistes antiparlementaires et ultra-centralistes, ultra-volontarisme reflétant en fait simplement le relatif recul des communistes suite au tassement momentané de la crise révolutionnaire.

Cela était d’ailleurs parallèle au gauchisme dit germano-hollandais, éjecté de tout rapport avec l’Internationale Communiste et qui désormais rejetait toute grève, au nom de la révolution imminente considérée comme seule actualité !

On avait affaire à une fuite en avant dans un radicalisme « puriste » justement fondamentalement opposé au principe de front unique mis en avant par l’Internationale Communiste pour sortir de la période de tassement. Le radicalisme « puriste » dans l’Internationale Communiste affirmait que le front unique était une bonne ligne… mais inapplicable dans le pays concerné.

Il y au, au-delà de cette question éminemment importante, une problématique de fond travaillant l’Internationale Communiste dans toute son histoire, et qu’elle ne résoudra pour ainsi dire jamais, scellant son destin.

Comment conjuguer, en effet, l’exigence d’un Parti d’avant-garde sur le plan idéologique, avec une discipline de fer, et l’exigence d’être un Parti de masse ? Toutes les options oscillaient fondamentalement dans un sens ou dans un autre, se confrontant brutalement aux choix inverses.

Radek formule cette question substantielle de la manière suivante au quatrième congrès, exprimant le point de vue des tendances « de gauche » :

« Je suis d’avis que, dans la situation où se trouve le prolétariat à l’échelle mondiale, le danger ne vient pas de gauche, mais de droite.

Le danger de droite repose avant tout en ce qu’il est très difficile, dans une période où les masses ne partent pas à l’assaut, de mener la politique communiste.

Dans une période d’assaut, chaque ouvrier sent instinctivement la nécessité de l’action révolutionnaire et le Parti est ensuite plus le régulateur que la force de mise en branle.

Dans une telle période de préparation organique entre deux vagues de la révolution, comme nous nous trouvons désormais, le communisme signifie en premier lieu un difficile travail de préparation spirituelle du Parti.

Et avec la jeunesse de nos Partis Communistes d’un côté, et avec son passé social-démocrate de l’autre, il n’est pas seulement pas facile, mais même très difficile de relier deux choses : le caractère de masse du Parti avec son caractère communiste. »

Ayant ici l’appui de Zinoviev, le point de vue de Radek pose le problème de manière technique-pragmatique et, par conséquent, les problèmes ne furent en réalité que repoussés. Tout ce qui importait, en 1922, pour l’Internationale Communiste, c’était de se tourner fondamentalement vers les masses, pour empêcher la réduction des Partis au niveau de sectes coupés de la vie populaire, et cela alors qu’une nouvelle vague révolutionnaire allait se produire.

Les soubresauts provoqués par l’émergence de tendances conflictuelles ne furent pas analysées comme un phénomène idéologique. Cela le sera lors des prochains congrès, avec la mise en place de la bolchevisation comme solution.

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de l’Internationale Communiste

La considération stratégique du quatrième congrès de l’Internationale Communiste

C’est Clara Zetkine, représentante du Parti Communiste d’Allemagne, qui ouvrit le quatrième congrès de l’Internationale Communiste, le 5 novembre 1922.

Comme c’était la règle, la marche funèbre fut jouée après une présentation des innombrables martyrs tombés pour la Cause. Cependant, cinq ans s’étaient écoulés depuis la révolution russe, 15 mois depuis le 3e congrès, et Zinoviev fut obligé de parler non plus de la révolution mondiale comme aspect principal, mais de la réussite de la mise en place de l’Internationale Communiste :

« C’est justement au cours de ces quinze derniers mois qu’est devenu assuré, en un certain sens, la prochaine destinée de l’Internationale Communiste. Il va de soi que l’Internationale Communiste, au sens historique du mot, voit sa victoire assurée.

Même si notre organisation de combattants disparaissait de la surface de la terre sous le feu de la réaction, comme cela est arrivé aux communards de Paris [en 1871] et à la première Internationale, l’Internationale Communiste renaîtrait et amènerait le prolétariat à la victoire.

Mais il en va de la question de savoir si l’Internationale Communiste, telle qu’elle existe présentement, si notre génération de combattants va parvenir à remplir la mission historique qu’a assumée l’Internationale Communiste. »

Zinoviev dit alors : puisque toutefois l’Internationale Communiste existe encore malgré quinze mois de coups de boutoir de la réaction armée et de la seconde Internationale, ainsi que de la seconde Internationale « et demie », alors l’avenir lui est assuré.

Il s’agit de présenter comme temporaire le fait que la répression a été brutale en Yougoslavie, en Roumanie, en Grèce, en Italie bien entendu avec le fascisme, mais également en Pologne, en Finlande, en Lituanie, en Estonie,aux États-Unis, alors qu’en Allemagne le président de la république est un social-démocrate.

C’est là un aspect essentiel du quatrième congrès. En effet, il apparaît clairement qu’aucune victoire à court terme n’est espérée, au sens il y aurait un prolongement direct de la vague révolutionnaire partie de Russie qui pourrait encore se dérouler. Rien que le reflux syndical le reflète – le nombre de syndiqués passant de 25 millions en 1920 à au grand maximum 18 millions en 1922.

Il s’agit désormais de construire des Partis, sur le modèle russe, afin de réaliser le second moment de la révolution mondiale, qui est considéré comme devant se produire à court terme.

Zinoviev formule cela ainsi, faisant glisser délicatement l’aspect principal de la question :

« Toutes les conditions objectives mûrissent pour la victoire de la révolution prolétarienne dans tous les pays décisifs. Toutes les préconditions économiques sont visibles.

La seule chose qui manque à la classe ouvrière du monde entier est ce qui est connu comme le facteur subjectif – l’organisation de classe qui soit suffisante, la conscience de classe qui soit suffisante. En ce sens, le rôle de la social-démocratie est très grand au moment présent (…).

La seconde Internationale est le principal pilier de la bourgeoisie. Sans l’aide de la seconde Internationale et de l’Internationale [syndicale] d’Amsterdam, la bourgeoisie ne peut pas se maintenir. »

On a ici une clef essentielle de la vie de l’Internationale Communiste. On passe de la diffusion du message (avec le premier congrès), puis des grands principes (les second et troisième congrès), au mélange de deux, c’est-à-dire à l’association de la subjectivité révolutionnaire et de l’organisation bolchevique. Le poids de la social-démocratie est présentée comme le frein essentiel au processus.

La thèse du déclin du capitalisme, avec des cycles, formulée par Eugen Varga à l’occasion du troisième congrès, est ainsi maintenue, mais ajustée dans un sens organisationnel toujours plus marqué.

C’est également un congrès de transition dans la mesure où le fascisme est un thème abordé, mais pas de manière formelle, pas comme un thème d’importance capitale. Au congrès suivant, cela ne sera déjà plus le cas, le fascisme commençant à devenir l’un des sujets majeurs, avant de devenir le thème du septième congrès en lui-même avec le principe de Front populaire.

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