L’URSS social-impérialiste et la «coexistence pacifique»

Après 1945, les thèses soviétiques étaient que les contradictions inter-capitalistes s’exacerberaient, que la tendance à la guerre deviendrait de plus en plus forte, que l’impérialisme américain était à la tête d’opérations de sabotages, d’infiltrations et d’agression contre l’Union Soviétique.

Par conséquent, il fallait mobiliser les masses sur des thèmes anti-guerre, ainsi que prôner l’interdiction de l’arme atomique. Ces considérations s’appuient sur la thèse du matérialisme dialectique comme quoi l’impérialisme est le stade suprême du capitalisme, produisant la guerre et le fascisme.

Cependant, Nikita Khrouchtchev représentait une clique de bureaucrates et de carriéristes au sein du Parti, de l’industrie et de l’armée, qui n’avaient par conséquent aucunement envie d’assumer un conflit idéologique ouvert, avec les pays capitalistes, ni de s’engager de manière militante dans le soutien à des processus révolutionnaires où les Partis Communistes s’engagent les armes à la main.

L’un des points essentiels était par conséquent non pas simplement de rejeter l’idéologie comme guide, en utilisant l’argument du « culte de la personnalité » ; il fallait également impérativement abandonner les conséquences pratiques sur le plan des rapports avec les pays capitalistes.

De là est né le concept de « coexistence pacifique », dont l’expression est trompeuse, car elle sous-tend en réalité une concurrence bien définie entre les Etats-Unis et l’URSS.

Nikita Khrouchtchev et Fidel Castro

Auparavant, cette concurrence était idéologique ; elle concernait deux visions du monde antagonistes, les critères étaient ceux de l’idéologie, de la réalisation de révolutions : l’objectif était ouvertement le renversement des régimes capitalistes.

Le principe de « coexistence pacifique » abolit cet affrontement idéologique et l’évaluation en termes de bouleversement, pour prôner une mise en concurrence URSS – États-Unis au sein de ce qui serait une hégémonie mondiale soviéto-américaine. Selon Nikita Khrouchtchev, les États-Unis et l’URSS sont en quelque sorte en « finale » d’un championnat dont les autres protagonistes doivent rester mis à l’écart, et dont le contrôle dépend du rapport de forces internes entre les deux « grands ».

Nikita Khrouchtchev justifie cela au nom de l’existence de la bombe atomique ; dans un discours de juillet 1959, il résume cela de la manière suivante :

« Votre voisin peut vous plaire ou ne pas vous plaire. Vous n’êtes pas obligé de vous lier d’amitié avec lui. Mais vous vivez côte à côte, et que faire si ni vous ni lui ne voulez quittez le lieu auquel vous vous êtes attachés?

A plus forte raison, il en est ainsi dans les relations entre les États…

Il n’y a que deux issues : ou bien la guerre –et au siècle des missiles et de la bombe à hydrogène, elle est grosse des conséquences les plus graves pour tous les peuples- , ou bien la coexistence pacifique. »

Au XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, il avait déjà affirmé cela, en les termes suivants :

« L’établissement de relations d’amitié durables entre les deux plus grandes puissances du monde, l’Union soviétique et les États Unis d’Amérique, aurait une importance majeure pour le renforcement dela paix dans le monde entier.

Si l’on faisait reposer les relations entre l’URSS et les États Unis sur les cinq principes majeurs de la coexistence pacifique: respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, non-agression, non-ingérence dans les affaires intérieures, égalité et avantage réciproque, coexistence pacifique et coopération économique, cela aurait une portée vraiment exceptionnelle pour toute l’humanité (…).

Les guerres ne sont pas inévitables, ne sont pas fatales. Il y a à présent des forces sociales et politiques puissantes qui disposent de moyens sérieux pour empêcher les impérialistes de déclencher la guerre et, au cas où ces derniers l’oseraient, pour infliger une riposte foudroyante aux agresseurs. »

Ainsi, puisque l’URSS est une grande puissance, « alliée » à de nombreux pays, et disposant de soutiens nombreux avec les Partis Communistes, alors la guerre est évitable, et même la révolution violente : on pourrait arriver au pouvoir de manière institutionnelle, le rapport de forces « pacifiant » les rapports sociaux.

Cette conception fut à la base de la polémique ouverte entre le Parti Communiste d’Union Soviétique et le Parti Communiste de Chine, de nombreux regroupements soutenant le second (il est à noter que ce n’est pas le cas en France, où les « marxistes-léninistes » quittèrent le Parti Communiste français dans les années 1960, au nom du refus du soutien à la candidature de François Mitterrand et au nom du soutien au FLN algérien).

Elle témoigne des changements profonds en URSS à l’époque de Nikita Khrouchtchev.

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L’URSS social-impérialiste et l’exposition Picasso

L’espagnol Pablo Picasso (1881-1973) est un peintre membre de « l’avant-garde » décadente du début du XXe siècle, principalement du courant cubiste qu’il a contribué à fonder, avant de participer de manière décisive à ce qui deviendra l’art abstrait.

Menant une vie de bohème à la manière d’un millionnaire, Pablo Picasso était très proche du Parti Communiste français, qui combinait thorézisme et une ligne culturelle justement tournée vers les courants cubistes – futuristes – surréalistes qui avaient été catégoriquement rejetés par le réalisme socialiste en URSS.

Pablo Picasso participa ainsi à certaines activités du Parti Communiste français, qu’il finit par rejoindre en 1946. Il dessina une colombe de la paix comme emblème du mouvement pacifique et anti-nucléaire lancé par le Mouvement Communiste International.

A ce titre, il fut arrêté pendant douze heures par les services d’immigration lors de son voyage à Londres en 1950, et il refusera par la suite de retourner en Angleterre. Pareillement fut refusée sa demande de visa pour les États-Unis où il devait remettre au congrès américain un appel à la paix et contre les armes atomiques.

Pablo Picasso était tout à fait dans la ligne élaborée par Louis Aragon et Paul Eluard au sein du Parti Communiste français : l’artiste mène une vie de Bohème totalement indépendante, mais doit prendre parti à certains moments.

Pour cette raison, Pablo Picasso peignit notamment en 1951 une fresque appelée La Guerre et la Paix ainsi que le tableau Massacre en Corée, ou de manière plus connue Le charnier en 1944 et Guernica en 1937.

Pablo Picasso, La Guerre et la Paix 

Cette démarche, aussi engagée qu’elle puisse avoir été, était en contradiction formelle avec la définition des arts et de la littérature par le réalisme socialiste. Aussi, Nikita Khrouchtchev l’utilisa directement, en organisant une grande exposition Pablo Picasso en Union Soviétique en 1956, dans le prolongement du XXe congrès.

C’est Ilya Ehrenbourg qui se chargea de la mettre en place, chose qu’il rééditera en 1963. Il avait, dès 1953, publié un article dans le quotidien du Parti Communiste italien, L’Unita, pour faire l’éloge de Pablo Picasso à l’occasion d’une rétrospective à Rome et Milan.

Cependant, officiellement, c’est le VOKS, organisme chargé des relations culturelles avec les pays étrangers, et plus précisément son « secteur des amis de la science et de la culture français », qui proposa au Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique l’exposition pour célébrer les 75 ans de Pablo Picasso, à Leningrad puis à Moscou.

C’était par conséquent une initiative ouvertement officielle, mais qui contournait le système artistique officiel en URSS, avec également, pour contourner d’autant plus les musées, une organisation extrêmement rapide en quelques semaines, et donc un personnel des musées débordé et incapable de faire face idéologiquement et esthétiquement à 38 œuvres habilement choisies et remises à l’ambassade soviétique à Paris par Pablo Picasso lui-même, qu’on ne saurait par conséquent officiellement sélectionner ou refuser.

C’était, en pratique, un coup d’État par rapport aux instances artistiques traditionnelles, et un appel d’air pour la réouverture du musée d’art contemporain occidental, fermé depuis 1941, alors qu’en même temps des cercles d’artistes moscovites appelaient à réhabiliter l’impressionnisme.

Un autre événement fut organisé pour renforcer cette tendance au libéralisme et au progressisme « bourgeois bohème », avec la tenue en URSS du Festival International de la Jeunesse, en 1957.

34 000 jeunes de 131 pays, appartenant à des structures de jeunesse liées aux Partis Communistes, vinrent à Moscou, dans une ambiance commençant déjà à célébrer le pacifisme dans le sens de la « coexistence pacifique », qui était au cœur même de l’affirmation idéologique du révisionnisme de Nikita Khrouchtchev.

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Le XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique

Le XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique (PCUS) fut un moment clef de l’histoire de l’URSS.

Normalement, les congrès possédaient une large publicité, témoignant de la vie du Parti dirigeant la société. Les délégués débattent suite au rapport fait par la direction, une ligne est votée pour le futur et des dirigeants élus pour l’appliquer.

Le XXe congrès dérogea totalement à la règle, puisque le secrétaire du PCUS prononça un « discours secret ». Ce discours ne fut pas sténographié, et il fut même demandé aux 1400 délégués de ne pas en dévoiler le contenu.

Une version écrite fut remise aux délégations étrangères, mais sans le droit de prendre des notes ni, évidemment, de l’emporter.

La tribune du XXe congrès du PCUS

Une semaine après, une version fut imprimée, puis quelques jours après transmise à certaines personnes, également pour être parfois lue lors de réunions à huis-clos, cela procédant d’une décision prise symboliquement par le Comité Central le 5 mars 1956, jour anniversaire de la mort de Staline. A la mi-avril, environ 30 000 personnes par grande ville étaient impliquées dans ces discussions lancées par en haut.

Le contenu de ce rapport se diffusa ainsi lentement ; dans ce cadre, dans le quotidien du PCUS, la Pravda, parut à la fin du mois un article intitulé Pourquoi le culte de la personnalité est-il étranger à l’esprit du marxisme-léninisme ?

Puis vint l’étape finale. En juin 1956 en effet, le département d’État américain qui s’était procuré le document commença à le publier massivement en plusieurs langues ; en France, c’est le quotidien Le Monde qui se chargea de cette besogne.

Nikita Khrouchtchev

En Union Soviétique, le rapport ne fut par contre jamais rendu public il ne sera publié qu’en 1989 puis en 2002. Avant 1989, le « rapport secret » n’existait officiellement pas ; il n’était pas possible d’y faire référence, ni même de le citer.

Pourtant, et c’est le paradoxe, officiellement le rapport secret était le fruit des travaux d’une commission d’enquête menée par Piotr Pospelov sur de prétendues actions illégales faites par Staline au sein du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik).

Il était prétendu que les résultats de la commission ne seraient arrivés qu’au moment du congrès, et qu’alors la direction du PCUS ne savait pas comment aborder la question, Nikita Khrouchtchev se « sacrifiant » pour expliquer la chose avec « émotion », de manière plus ou moins improvisée.

Le rapport consiste ainsi en une série d’accusations, Staline étant présenté comme ayant dévoyé le centralisme démocratique, organisé une terreur absurde, commis des erreurs militaires terribles pendant la seconde guerre mondiale impérialiste, pour finir en sombrant dans la paranoïa et des purges délirantes, etc.

Toutefois, le ton reste paradoxalement mesuré, car l’objectif de Nikita Khrouchtchev est très précis. Représentant des forces nées à l’intérieur du régime, même si contre lui sur le plan des idées et de la pratique, il a besoin d’en préserver le cadre.

Nikita Khrouchtchev prétend alors que Staline fait l’erreur de continuer la lutte des classes alors que ce n’était plus la peine, et que cela a provoqué une sorte de guerre civile dans le PCUS (bolchevik), Staline perdant prétendument toujours davantage pied avec la réalité dans ce processus paranoïaque et mégalomaniaque.

Le problème n’est donc pas Staline, mais l’absence de direction collégiale, c’est-à-dire en réalité – mais cela Nikita Khrouchtchev ne le dit pas – de la direction idéologique communiste, qui s’oppose aux intérêts collectifs des couches sociales représentées par Nikita Khrouchtchev.

Voici ce que dit notamment Nikita Khrouchtchev dans le « rapport secret » :

« Il faut se souvenir que le XVIIe Congrès est connu historiquement sous le nom de « Congrès des vainqueurs ». Les délégués au Congrès avaient été des artisans actifs de l’édification de notre Etat socialiste ; nombre d’entre eux avaient souffert et combattu pour la cause du Parti pendant les années pré-révolutionnaires dans la conspiration et sur les fronts de la guerre civile ; ils avaient combattu leurs ennemis avec vaillance et avaient souvent regardé la mort en face.

Comment peut-on alors supposer que ces gens pouvaient être à « double face » et avaient rejoint le camp des ennemis du socialisme à l’époque qui a suivi la liquidation politique des zinoviévistes, des trotskistes et des droitiers, et après les grandes réalisations de l’édification socialiste ?

C’était la conséquence de l’abus de pouvoir par Staline qui commença à utiliser la terreur de masse contre les cadres du Parti.

Pour quelle raison les répressions de masse contre les activistes n’ont-elles cessé d’augmenter après le XVIIe Congrès ? C’est parce que, à l’époque, Staline s’était élevé à un tel point au-dessus du Parti et au-dessus de la Nation qu’il avait cessé de prendre en considération le Comité central ou le Parti.

Alors qu’il avait toujours tenu compte de l’opinion de la collectivité avant le XVIIe Congrès, après la totale liquidation politique des trotskistes, des zinoviévistes et des boukhariniens, au moment où cette lutte et les victoires socialistes avaient conduit à l’unité du Parti, Staline avait cessé, à un point toujours plus grand, de tenir compte des membres du Comité central du Parti et même des membres du Bureau politique.

Staline pensait que, désormais, il pouvait décider seul de toutes choses et que les figurants étaient les seuls gens dont il ait encore besoin; il traitait tous les autres de telle sorte qu’ils ne pouvaient plus que lui obéir et l’encenser (…).

Prenez par exemple les Résolutions du Parti et des soviets. Elles étaient préparées d’une façon routinière, souvent sans tenir compte de la situation concrète. On était arrivé au point que les militants, même dans les réunions les moins importantes, lisaient leurs discours. Il en résultait un danger de formalisme dans le travail du Parti et des soviets, et la bureaucratisation de tout l’appareil.

La répugnance de Staline à considérer les réalités de l’existence et le fait qu’il n’était pas au courant du véritable état de la situation dans les provinces peuvent trouver leur illustration de la façon dont il a dirigé l’agriculture.

Tous ceux qui ont pris un tant soit peu d’intérêt aux affaires nationales n’ont pas manqué de constater la difficile situation de notre agriculture. Staline, lui, ne le remarquait même pas. Avons-nous attiré l’attention de Staline là-dessus? Oui, nous l’avons fait, mais nous ne fûmes pas appuyés par lui. Pourquoi? Parce que Staline ne s’est jamais déplacé, parce qu’il n’a pas pris contact avec les travailleurs des villes et des kolkhozes. Il ignorait quelle était la situation réelle dans les provinces.

C’est à travers des films qu’il connaissait la campagne et l’agriculture. Et ces films avaient beaucoup embelli la réalité dans le domaine de l’agriculture (…).

Camarades ! Afin de ne pas répéter les erreurs du passé, le Comité central s’est déclaré résolument contre le culte de l’individu. Nous considérons que Staline a été encensé à l’excès. Mais, dans le passé, Staline a incontestablement rendu de grands services au Parti, à la classe ouvrière, et au mouvement international ouvrier.

Cette question se complique du fait que tout ce dont nous venons de discuter s’est produit du vivant de Staline, sous sa direction et avec son concours ; Staline était convaincu que c’était nécessaire pour la défense des intérêts de la classe ouvrière contre les intrigues des ennemis et contre les attaques du camp impérialiste.

En agissant comme il l’avait fait, Staline était convaincu qu’il agissait dans l’intérêt de la classe laborieuse, dans l’intérêt du peuple, pour la victoire du socialisme et du communisme. Nous ne pouvons pas dire que ses actes étaient ceux d’un despote pris de vertige. Il était convaincu que cela était nécessaire dans l’intérêt du Parti, des masses laborieuses, pour défendre les conquêtes de la révolution. C’est là que réside la tragédie ! »

Cet extrait résume bien l’approche de Nikita Khrouchtchev. Mais pour bien saisir comment il tente en réalité ici une transition en douceur sur le plan culturel, il faut voir à la fois la réorganisation du PCUS à partir de 1953, mais également la signification de la grande campagne accompagnant l’exposition Picasso à Moscou en 1956.

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L’URSS social-impérialiste: le chaos à la mort de Staline

La mort de Staline s’est déroulée dans des conditions obscures ; il aurait connu une attaque cérébrale dans la nuit menant au premier mars, mais n’a pas été soigné, pour être déclaré mort le 5 mars.

Auparavant, il avait été isolé sur le plan de l’organisation. Alexandr Proskrebychev, son principal collaborateur depuis 1924, avait été mis à pied en 1952 sur la base d’une fausse accusation de vol de documents. Le responsable de sa sécurité depuis 1931, Nikolai Vlasik, fut pareillement écarté en 1952 sur la base d’une fausse accusation, cette fois de complot.

Par la suite, l’extrême confusion qui a prédominé témoigne de l’atmosphère pénible et marquée par des complots au sein du Kremlin. Elle se révèle par le conflit entre les différentes instances de l’État.

On a ainsi d’un côté Gueorgui Malenkov qui fait office de premier ministre, en étant proche de Lavrenti Beria qui est le responsable des services secrets, ainsi que de Viatcheslav Molotov comme responsable des affaires étrangères, et également Lazare Kaganovitch comme responsable des salaires et du travail.

De l’autre, on a Nikita Khrouchtchev comme dirigeant du Parti Communiste, Nikolaï Boulganine comme responsable de la Défense, épaulé par le général Gueorgui Joukov.

Nikita Khrouchtchev

Deux événements marquèrent alors le rapport de forces entre les deux fractions. Le premier fut l’arrestation dans le secret de Lavrenti Béria et de ses six collaborateurs, dès juin 1953, prélude à leur procès non public, leur exécution et leur incinération en décembre.

Le second fut la tentative de la première fraction, en juin 1957, d’expulser Nikita Khrouchtchev de la direction du Parti Communiste, ce qui échoua grâce à la mobilisation de l’armée par Joukov. A ce moment-là, les membres de la première fraction sont mis de côté, puis progressivement expulsés.

La tenue entre ces deux événements du XXe congrès, en 1956, témoignait du lent changement de rapport de force qui existait en Union Soviétique. On sait, en effet, que de nombreuses contradictions s’étaient développées à la suite de la victoire de 1945, et Staline avait rétabli la primauté du Parti Communiste où son rôle s’était effacé.

Staline en 1943

Les techniciens opportunistes, tant dans l’armée que l’économie, avaient pu prendre certains postes en raison des grandes difficultés de la période 1941-1945, mais la bataille idéologique avait ramené une situation saine. L’État soviétique mit en avant le principe de la « légalité socialiste », dans le cadre de la réalisation du quatrième plan quinquennal.

Si la thèse matérialiste dialectique est correcte, alors il faut regarder comment le régime a été attaqué précisément sur cette base. Or, on peut voir qu’alors que Staline meurt le 5 mars 1953, la légalité socialiste est remise en cause dès le 27 mars.

Sur décret, plus de 1 200 000 personnes furent libérées du goulag, soit la moitié de la population de celui-ci. Furent libérées toutes les personnes dont la sentence était en-dessous de cinq ans, tous les autres voyant leur peine divisée par deux. Furent automatiquement libérés les hommes de plus de 55 ans et les femmes de plus de 50 ans, les jeunes de moins de 18 ans, les femmes avec enfants, ceux dont la peine était liée au travail ou au service militaire, etc.

C’était ici particulièrement miner la société soviétique. La loi se voyait dévaluée, qui plus est des centaines de milliers de personnes effectuaient un retour unilatéral dans la société, provoquant une importante vague d’activités criminelles. Selon les chiffres officiels, dans les semaines et mois qui suivirent, les attaques violentes augmentèrent de 60,4 %, les meurtres de 30,7 %, les viols de 27,5 %, les vols de 63,4 %, les troubles sur la voie publique de 19,3 %.

En pratique, environ 40 % des gens arrêtés dans les mois qui suivirent, pour des activités criminelles, provenaient directement du goulag. Les réseaux criminels organisés dans le goulag s’évertuaient à s’implanter dans la société soviétique.

C’était d’une grande importance pour Nikita Khrouchtchev et la clique qu’il représentait : les troubles travaillaient l’opinion publique, sapant la légalité socialiste existant précédemment et provoquant un appel d’air pour des mesures qu’il y avait lieu, pour Nikita Khrouchtchev, de développer de telle manière que cela corresponde à ses vues.

Nikita Khrouchtchev

Le régime nouvellement installé développa par conséquent une nouvelle approche de la vie quotidienne, du style de vie (le « byt ») ; c’est dans ce cadre qu’il faut voir la publication et la promotion en 1954 d’un roman d’Ilya Ehrenbourg intitulé Le dégel, se moquant des artistes peu talentueux mais conformistes, barrant la route aux artistes authentiques mais peu soucieux de bons rapports avec la « bureaucratie ».

Deux autres ouvrages du même type seront publiés et encensés : il y eut ainsi en 1956 L’homme ne vit pas que de pain de Vladimir Doudintsev, racontant les terribles mésaventures d’un ingénieur dont l’invention est volée, lui emprisonné, dans le cadre d’une bureaucratie complète, etc.

Enfin, en 1962, il y eut Une journée d’Ivan Denissovitch, qui décrit le goulag, qu’a lui-même connu son auteur Alexandre Soljenitsyne.

Couverture originale de l’ouvrage d’Alexandre Soljenitsyne, Ivan Denissovitch

Ces trois ouvrages furent publiés directement avec l’accord de Nikita Khrouchtchev, avec également Alexandre Tvardovski jouant un important rôle par l’intermédiaire de la revue Novy Mir. Tvardovski publia également un long poème méditatif dans le même esprit, intitulé Loin, au loin…, gagnant le prix Lénine en 1961 ; toutes les années 1953-1962 sont marquées de toutes manières par une vague de romans dénonçant la bureaucratie soviétique, l’arbitraire prédominant partout, etc. etc.

Le 23 février 1956 fut, dans ce sens, fondé un Comité pour les questions des inventions et découvertes, qui devint un véritable organe de pression de la part des scientifiques et des ingénieurs contre la « bureaucratie ».

Couverture originale de L’homme ne vit pas que de pain de Vladimir Doudintsev

Pareillement, le MVD – le ministère de l’intérieur fut séparé de la sécurité intérieure, sa conférence spéciale supprimée. Les voyages à l’intérieur de l’URSS furent libéralisés, et le livret ouvrier supprimé, ainsi que la responsabilité pénale en cas d’abandon de son travail.

Le processus devait être continu, et les éléments anti-sociaux, sapant la base du régime précédent, était ici une aide précieuse. Ainsi, après l’amnistie de mars 1953, le processus de libération du goulag continua de manière progressive : en janvier 1956, le nombre de personnes au goulag n’était plus que d’un peu plus de 781 000, soit 1/3 du nombre de 1953. A partir de 1954, les opposants politiques envoyés au goulag commençaient également à sortir.

Entre 1953 et 1956, on a donc une transformation importante de la légalité. L’objectif d’éléments dégénérés au sein de l’armée et de l’industrie était de liquider l’influence du Parti, en profitant de la mort de Staline, qui formait la direction de celui-ci.

Il fallait par conséquent tout d’abord saboter les courroies de transmission du Parti dans l’armée et les services secrets, et ensuite empêcher l’émergence d’une nouvelle direction. Pour cela, il y avait la lutte contre le « culte de la personnalité », qui brisait tout débat idéologique, en déplaçant toute discussion vers un débat sur la « bureaucratie ».

Les problèmes dans la société étaient ainsi à la fois alimentés par les transformations libérales, et en même temps attribués au « stalinisme », afin de provoquer des changements dont les complications étaient elles-mêmes attribuées au « stalinisme », permettant de nouveaux changements qui eux-mêmes, etc., dans un processus s’auto-alimentant.

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L’URSS socialiste et l’approche erronée de Staline et des communistes d’URSS

Dans le combat contre les tendances erronées après 1945, les communistes d’URSS ont eu comme base non pas le matérialisme dialectique, mais la défense de la constitution de 1936, ainsi que le matérialisme historique concernant le développement économique.

Cela a eu des conséquences fatales. Comme l’avait souligné Staline, les meilleures forteresses se prennent de l’intérieur, et une clique de révisionnistes a pu réussir à placer ses membres dans l’appareil d’Etat, pour renverser l’idéologie à la direction du Parti à la mort de Staline, finalisant la démarche lors du XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, en 1956.

La conception de Staline et des communistes d’URSS était que les oppositions à la construction du socialisme en URSS, après 1945, relevaient uniquement de déviations ou d’influences externes à l’URSS. La raison fondant ce raisonnement était que l’URSS était devenue socialiste et qu’il n’existait plus de classes antagonistes ; s’il existait des restes idéologiques relevant du passé, il n’y avait plus de classes sociales réactionnaires capables en tant que telle de porter un projet de renversement.

Cela est juste, dans la perspective du matérialisme historique. Cependant, il n’y a aucune raison de couper la société humaine et son histoire de la matière en général. Les communistes d’URSS, et à leur tête le grand Staline, ont considéré que les forces productives étaient indépendantes de la réalité matérielle.

Cela va avoir deux tendances : tout d’abord, le développement d’une idéologie volontariste, caractérisé par l’anthropocentrisme, totalement idéaliste, portée justement par la clique révisionniste qui va dévier les acquis matérialistes dialectiques pour affirmer la toute-puissance de la pensée sur la matière, avec la possibilité absolue de la transformer.

Cela va se montrer dans les années 1960, avec Khrouchtchev et son soutien aux déviations de Trofim Lyssenko, dont le point de départ était pourtant scientifique, à la conquête spatiale coupée pareillement de sa base matérialiste dialectique, aux grands projets de transformation de la biosphère eux aussi coupés de leur base matérialiste dialectique, etc.

C’est alors, en pratique, l’État et l’armée qui ont pris le pouvoir sur le Parti, devenu un simple rouage du complexe militaro-industriel au cœur du social-impérialisme soviétique.

Dans les faits, la clique révisionniste a ainsi pu prendre le pouvoir en 1953 en profitant des aspects erronés du « Grand Plan pour la Transformation de la Nature » lancé en 1948, contenant plusieurs projets, dont celui de former des forêts de pratiquement six millions d’hectares dans le sud de la Russie, d’irriguer l’Asie centrale de manière généralisée, etc.

Les communistes d’URSS se sont arbitrairement restreints au matérialisme historique, faisant du matérialisme dialectique un outil du premier, sans voir que c’est l’inverse qui est vrai. Voici ce que dit Staline dans le grand classique de l’après 1945, Les problèmes économiques du socialisme en URSS :

« Le marxisme conçoit les lois de la science, qu’il s’agisse des lois de la nature ou des lois de l’économie politique, comme le reflet des processus objectifs qui s’opèrent indépendamment de la volonté humaine.

Ces lois, on peut les découvrir, les connaître, les étudier, en tenir compte dans ses actes, les exploiter dans l’intérêt de la société, mais on ne peut les modifier ou les abolir.

A plus forte raison ne peut-on former ou créer de nouvelles lois de la science. Est-ce à dire, par exemple, que les résultats de l’action des lois de la nature, des forces de la nature sont, en général, inéluctables ; que l’action destructive des forces de la nature se produit toujours et partout avec une spontanéité inexorable, qui ne se prête pas à l’action des hommes ?

Évidemment non. Si l’on fait abstraction des processus astronomiques, géologiques et quelques autres analogues, où les hommes, même s’ils connaissent les lois de leur développement, sont véritablement impuissants à agir sur eux ; ils sont en maintes occasions loin d’être impuissants quant à la possibilité d’agir sur les processus de la nature.

Dans toutes ces circonstances, les hommes, en apprenant à connaître les lois de la nature, en en tenant compte et en s’appuyant sur elles, en les appliquant avec habileté et en les exploitant, peuvent limiter la sphère de leur action, imprimer aux forces destructives de la nature une autre direction, les faire servir à la société. »

Cette position du grand Staline est erronée, dans la mesure où elle sépare l’humanité, en tant que matière, du reste de la matière ; elle pose la réalité de la biosphère comme simplement statique sur le plan général, même si obéissant à certaines lois propres.

Staline n’était pas le seul à avoir cette position ; nombreuses sont les remarques dans le même sens des immenses Maxime Gorki et Ivan Mitchourine.

Malheureusement, on s’éloigne là tant du réalisme que du matérialisme dialectique ; on en revient au matérialisme vulgaire, celui de Claude Bernard, repris par Emile Zola pour inventer le « naturalisme ».

Dans son écrit Le roman expérimental, voici comment Emile Zola nie l’importance de la philosophie – donc du matérialisme dialectique – en soulignant l’importance de la dimension « pragmatique ».

Cela pourrait être littéralement le manifeste des cliques révisionnistes apparus en URSS et en Chine populaire ! Sur tous les plans, de l’approche à la méthode, de l’idéologie à la démarche, on retrouve chez Emile Zola ce qu’ont dit Nikita Khrouchtchev en URSS et Deng Xiao Ping en Chine populaire :

« Je citerai encore cette image de Claude Bernard, qui m’a beaucoup frappé: «L’expérimentateur est le juge d’instruction de la nature.» Nous autres romanciers, nous sommes les juges d’instruction des hommes et de leurs passions (…).

Admettons que la science ait marché, que la conquête de l’inconnu soit complète: l’âge scientifique que Claude Bernard a vu en rêve sera réalisé. Dès lors, le médecin sera maître des maladies; il guérira à coup sûr, il agira sur les corps vivants pour le bonheur et pour la vigueur de l’espèce.

On entrera dans un siècle où l’homme tout-puissant aura asservi la nature et utilisera ses lois pour faire régner sur cette terre la plus grande somme de justice et de liberté possible. Il n’y a pas de but plus noble, plus haut, plus grand. Notre rôle d’être intelligent est là: pénétrer le pourquoi [ou le comment? – voir ci-dessus] des choses, pour devenir supérieur aux choses et les réduire à l’état de rouages obéissants.

Eh bien! ce rêve du physiologiste et du médecin expérimentateur est aussi celui du romancier qui applique à l’étude naturelle et sociale de l’homme la méthode expérimentale. Notre but est le leur; nous voulons, nous aussi, être les maîtres des phénomènes des éléments intellectuels et personnels, pour pouvoir les diriger (…).

Notre vraie besogne est là, à nous romanciers expérimentateurs, aller du connu à l’inconnu, pour nous rendre maître de la nature tandis que les romanciers idéalistes restent de parti pris dans l’inconnu, par toutes sortes de préjugés religieux et philosophiques, sous le prétexte stupéfiant que l’inconnu est plus noble et plus beau que le connu (…).

Nous montrons le mécanisme de l’utile et du nuisible, nous dégageons le déterminisme des phénomènes humains et sociaux, pour qu’on puisse un jour dominer et diriger ces phénomènes. En un mot, nous travaillons avec tout le siècle à la grande œuvre qui est la conquête de la nature, la puissance de l’homme décuplée. Et voyez à côté de la nôtre, la besogne des écrivains idéalistes, qui s’appuient sur l’irrationnel et le surnaturel, et dont chaque élan est suivi d’une chute profonde dans le chaos métaphysique. C’est nous qui avons la force, c’est nous qui avons la morale (…).

Si Claude Bernard se défend d’être un novateur, un inventeur plutôt qui apporte une théorie personnelle, il revient également plusieurs fois sur le danger qu’il y aurait pour un savant à s’inquiéter des systèmes philosophiques.

[Zola cite Claude Bernard:] «Pour l’expérimentateur physiologiste, dit-il, il ne saurait y avoir ni spiritualisme ni matérialisme. Ces mots appartiennent à une philosophie naturelle qui a vieilli, ils tomberont en désuétude par le progrès même de la science. Nous ne connaîtrons jamais ni l’esprit ni la matière, et si c’était ici le lieu, je montrerais facilement que d’un côté comme de l’autre, on arrive bientôt à des négations scientifiques, d’où il résulte que toutes les considérations de cette espèce sont oiseuses et inutiles. Il n’y a pour nous que des phénomènes à étudier, les conditions matérielles de leurs manifestations à connaître et les lois de ces manifestations à déterminer.»

J’ai dit que, dans le roman expérimental, le mieux était de nous en tenir à ce point de vue strictement scientifique, si nous voulions baser nos études sur un terrain solide. Ne pas sortir du comment, ne pas s’attacher au pourquoi. »

Refusant le révisionnisme, Mao Zedong défendra l’œuvre de Staline mais il verra, lors du Grand Bond en Avant et de son échec relatif, qu’il y avait là un problème dans le rapport entre matérialisme historique et matérialisme dialectique, avec la soumission du second au premier.

C’est pourquoi il va appeler à inverser ce rapport, ce qui va se réaliser avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

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L’URSS socialiste et les contradictions Parti-Etat

La victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie doit avant tout à l’Armée Rouge, qui a battu l’écrasante majorité de l’armée allemande, libérant toute une série de pays, pavant la voie aux démocraties populaires.

Cependant, après 1945, une intense lutte de classes se déroula en URSS. Celle-ci ne sera cependant pas réellement apparente, mais c’est elle qui va aboutir à un coup d’État suite à la mort de Staline, en 1953.

Cette lutte de classes n’est pas liée tant à la période d’avant 1941 qu’aux conditions provoquées par la seconde guerre mondiale impérialiste. Celle-ci a posé un problème terrible, en plus des innombrables destructions : 34,4 millions de personnes y ont participé, dans l’Armée Rouge ; 9,1 millions de personnes y ont laissé la vie, alors que dans la population civile, 15 millions de personnes ont également été tuées.

De ce fait, la guerre a coûté la vie à 2 millions de communistes. Cela signifie que toute une génération, qui a profité des expériences de lutte idéologique, a été saignée à blanc. C’est un problème pratique gigantesque pour le Parti bolchevik.

En pratique, parmi les vétérans, seulement 17 % sont membres du Parti. Les ministères, durant les urgences de la guerre, ont acquis une indépendance nette par rapport au Parti. D’une certaine manière, on est dans la situation inverse de 1923, date où le congrès du Parti bolchevik décide de former un organisme – supervisé par Viatcheslav Molotov et Lazare Kaganovitch de sélection des cadres de l’État.

Rien que pour l’année 1923, après la victoire dans la guerre civile, cela donne un choix de personnes pour à peu près 18 000 postes, à chaque fois validé (ou non) par le Comité Central.

Il est significatif que ce nombre passe, en 1946 juste après la victoire sur l’Allemagne nazie, à 46 000. C’est tout l’appareil d’État qui, en pratique, est renouvelé.

Qui dit renouvellement, dit changement générationnel. En 1946, 50 % de la population masculine est née après 1914. Elle a grandi sous le nouveau régime, mais il se pose le problème de la transmission idéologique, cassée par la guerre.

En pratique, donc, les soldats et officiers vont former rapidement la moitié des postes de responsabilité dans l’industrie, pour un pourcentage inversement faible dans le Parti et dans l’État. Il y a ainsi déjà une contradiction entre l’industrie d’un côté, le Parti et l’État de l’autre. L’urgence matérielle tend à produire une nécessité pratique mettant en danger l’idéologie.

Citons ici le principal document d’après-guerre, de février 1946, où Staline dresse le panorama de la production économique en 1940 (par rapport à 1913), mais également militaire pour les années 1943-1945. On voit bien exprimer les urgences techniques et productives provoquées par l’invasion nazie.

« En ce qui concerne 1940, notre pays a produit an cours de cette année 15 millions de tonnes de fonte, soit presque quatre fois plus qu’en 1913 ; 18 millions 300 000 tonnes d’acier, soit quatre fois et demie plus qu’en 1913 ; 166 millions de tonnes de houille, soit cinq fois et demie plus qu’en 1913 ; 31 millions de tonnes de pétrole, soit trois fois et demie plus qu’en 1913 ; 38 millions 300 000 tonnes de céréales marchandes, soit 17 millions de tonnes de plus qu’en 1913 ; 2 millions 700 000 tonnes de coton brut, soit trois fois et demie plus qu’en 1913.

Telles furent les ressources matérielles de notre pays, au seuil de la seconde guerre mondiale (…).

On sait que pendant les trois dernières années de guerre, notre industrie des chars a produit chaque année une moyenne de plus de 30 000 tanks, canons autopropulsés et autos blindées

(Vifs applaudissements).

On sait ensuite que notre industrie aéronautique a produit, pendant la même période, près de 40 000 avions par an.

(Vifs applaudissements.)

On sait de même que notre industrie de l’artillerie a produit, annuellement, pendant la même période, près de 120000 canons de tout calibre (vifs applaudissements) , près de 450 000 fusils-mitrailleurs et mitrailleuses lourdes (vifs applaudissements) , plus de 3 millions de fusils (applaudissements) et environ 2 millions de mitraillettes (applaudissements) .

On sait enfin que durant la période 1942-1944, notre industrie des mortiers a produit une moyenne de près de 100 000 mortiers par an (vifs applaudissements).

Il va de soi que, dans le même temps, on a fabriqué une quantité correspondante d’obus, de mines de tout genre, de bombes d’aviation, de cartouches à fusils et à mitrailleuses.

On sait, par exemple, que dans la seule année 1944, il a été fabriqué plus de 240 millions d’obus, de bombes et de mines (applaudissements) et 7 milliards 400 millions de cartouches (vifs applaudissements).

Tel est dans ses grandes lignes le tableau du ravitaillement de l’Armée rouge en matériel de guerre et en munitions. »

Discours prononcé à l’assemblée des électeurs de la circonscription Staline de Moscou

Très concrètement, cela signifie qu’au milieu de l’année 1946, 6000 cadres de l’appareil d’État agissent depuis une année, en étant pourtant toujours en attente d’une confirmation de leur nomination par le Comité Central. De la même manière, les ministères, pour parer à l’urgence et surtout lorsqu’ils étaient importants, avaient une marge de manœuvre par rapport à l’organisme de nomination.

Le Parti bolchevik prit alors des résolutions en faveur d’une résolution positive de ces problèmes. Tout d’abord, il procéda à la dissolution des commissions internes au Parti comme celles pour l’économie, les transports, l’agriculture. Désormais, ces commissions consisteront en pratique, en quelque sorte, directement en les cadres nommés dans les ministères concernés.

Il s’agissait de casser l’influence autonome des ministères, qui parfois firent la conquête de l’hégémonie sur le Parti, y compris par la corruption. En pratique, il existait différentes mafias en URSS, effectivement. La principale structure reposait sur des « guildes », qui utilisaient les failles de la planification.

Les guildes s’appuyaient sur des soutiens qui, dans les entreprises, trafiquaient les mesures, volant au passage différentes denrées (soit en augmentant la taille des cuves, ou bien en prétextant des dégradations, voire en modifiant les données chiffrées).

Les membres des guildes organisaient alors la répartition des biens volés dans différents commerces, s’appropriant les bénéfices. Les chefs d’entreprise, lors de la crise économique de l’URSS redevenue capitaliste des années 1960-1990, s’appuieront fondamentalement sur les guildes comme intermédiaires permettant de pallier les problèmes d’approvisionnement.

Ici, on en revient au troc, avec les responsables des guildes nommés à des postes de managers afin de toucher un salaire légal.

Les guildes ne fonctionnaient pas toutefois qu’avec les responsables d’entreprises. Elles étaient également liées à des gangs, commandés par des « frères ». Tel dans un ordre religieux strict, un frère ne devait pas se marier ni avoir de famille ; il ne devait avoir aucune éducation ni aucun emploi. Il devait ne pas servir dans l’armée, ni n’avoir aucune propriété privée.

Il y avait une trentaine de « Frères » environ dans les années 1950, chacun s’appuyant jusque sur 300 personnes, les sous-chefs étant des « frères » (au sens familial) et les éléments de base des « numéros six ». Il existe ici une gigantesque culture du tatouage propre à ces gangs, élaborée dans les camps de travail, utilisant de manière récurrente des éléments propres à l’idéologie nazie.

Bien entendu, les gangs procédaient également à des extorsions, du trafic sur le marché noir, des « protections » de commerce, la prostitution, le jeu etc. Dans les années 1980, l’autonomisation des entreprises ayant été très largement avancée, les guildes fusionneront de fait avec les gangs, annonçant la fameuse « mafia russe » des années 1990.

Dans les années 1950 cependant, les gangs ne sont qu’embryonnaires même si structurées par les « Frères » ; ce sont les « boucaniers rouges » qui priment dans la mafia, utilisant des méthodes de pirate pour arraisonner des marchandises et en tirer du bénéfice.

On put voir une même généralisation des « confréries » dans les années 1960 avec l’émergence de groupes de pression s’appuyant sur les vétérans. Après 1945, les vétérans n’auront que très peu d’avantages sociaux, consistant en des réductions, des voyages, etc., mais sans que cela aille très loin. Ces avantages furent même supprimés en 1947, même le jour de la victoire étant supprimé comme jour férié.

La conception du Parti bolchevik était que les soldats ont servi l’URSS toute entière et ne doivent pas former une caste à part. On pourra voir de fait que le régime nouveau, fondé dès la mort de Staline et la prise du pouvoir par la clique révisionniste, instaurera des associations d’anciens combattants dès 1956, faisant monter ceux-ci en puissance progressivement, le pic étant atteint sous Leonid Brejnev.

Tout cela témoigne d’une intense lutte de classes après 1945, car l’idéologie bourgeoise avait des pions dans les mafias et certains dirigeants, et la possibilité de corrompre des responsables du Parti. A cela s’ajoute un lieu central de contradiction : la commission réorganisée, juste après la guerre, de nomination des cadres.

A partir du moment où avec cette commission réorganisée et la fin de l’époque d’exception propre à la guerre, les ministères ne pouvaient plus nommer leurs cadres en dehors de l’aval du Comité Central, alors cela signifie que tous les efforts bourgeois allaient porter sur la commission elle-même.

D’intenses campagnes de rectification furent menées dans le personnel des ministères et dans le Parti lui-même. C’est Andreï Jdanov qui fut au cœur de cette bataille, menant de fait la reconquête idéologique de l’appareil d’État, dans une véritable révolution culturelle visant ceux qu’on doit considérer comme une sorte de déviation « pragmatique-machiavélique ».

La répression fut menée pour cette raison contre un nouveau « centre », basé à Léningrad et prônant des réformes où les entreprises posséderaient un grand degré d’autonomie. 2000 personnes furent pour cette raison exclues du Parti ou bien exilé de Leningrad, 213 furent condamnées dont 23 à mort. 300 professeurs furent exclus de l’université de Leningrad, ainsi que 18 recteurs d’université et 29 responsables de départements économiques.

Cela ne pouvait cependant pas suffire, en raison de l’approche même de la lutte contre la contre-révolution.

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L’URSS socialiste: «la vie est devenue meilleure»

La vie soviétique souffrait d’un manque certain de biens de consommation, en raison de la nécessaire accumulation de capital dans l’industrie lourde, qui elle seule pouvait permettre un travail au meilleur rendement et donc justement une base matérielle d’existence pour les consommateurs.

Toutefois, la vie culturelle soviétique a immédiatement pris son envol, ne cessant de progresser et d’atteindre des stades plus élevés, amenant la naissance d’une société nouvelle, naissance qui a été le socle sur lequel s’est brisé le trotskysme, qui pensait au début des années 1930 l’URSS s’effondrerait.

Suivant les propos alors très connus de Staline, « la vie est devenue meilleure, camarades ; la vie est devenue plus joyeuse. »

La société soviétique était ainsi produite par les masses, à leur propre service ; tous les aspects de la vie en témoignaient. L’un des aspects les plus frappants se produisit dans le domaine littéraire, où la Russie était de très haut niveau, comme avec Tolstoï et Pouchkine. L’écrivain Maxime Gorki participa de plein pied à la formation d’une littérature propre à la société soviétique, d’une littérature en tant que reflet de la réalité et de ses transformations.

Le réalisme socialiste devint ainsi l’approche dominante, dans la littérature et dans les arts ; les masses se lançaient dans la bataille, mais avec des exigences très strictes et très élevées. C’est également le sens du concours pour le « palais des soviets ».

Ce monument devait symboliser l’union des masses et former un lieu de réunion pour des délégués toujours plus nombreux des pays communistes membres de l’URSS, comme base de la république socialiste mondiale.

De fait, l’URSS devient un lieu permettant aux masses de se réunir, avec la construction de grandes salles de conférences et de halls pour les meetings, de bibliothèques, de cinémas, de théâtres, de lieux permettant les démonstrations de masse, de clubs ouvriers, de centres sportifs, etc.

L’un des symboles les plus connus de cette évolution fur le métro de Moscou, d’une magnificence complète, montrant que les masses servaient les masses.

Le palais des soviets, quant à lui, devait être construit sur le site de la cathédrale du Christ-Sauveur, qui fut dynamitée ; l’invasion nazie bloqua cependant les travaux (après la mort de Staline, les fondations furent utilisées pour faire une piscine découverte, et dans les années 1990 la cathédrale fut reconstruite).

Dans le palais des soviets, deux halls étaient prévus, de 20 000 et 6000 places assises ; les étages supérieurs devaient abriter une bibliothèque de 500 000 ouvrages.

Dans un même esprit, on trouve l’université Lomonossov, consistant en un bâtiment de 240 mètres, 36 étages, 33 kilomètres de couloirs, 5 000 pièces ; six autres bâtiments furent construits dans la même perspective (elle sont surnommées désormais les « Sept Sœurs de Moscou »).

Cette conquête de l’intelligence et de la collectivité s’est également exprimée dans deux domaines d’une importance capitale. Deux savants, dont les recherches avaient et ont une signification historique, ont effet rejoint l’élan de la révolution russe et de l’URSS.

Constantin Tsiolkovsky (1857-1935) fut ainsi pas moins que le fondateur du principe de la conquête spatiale et à l’origine de l’astronautique. Il théorisa le principe des fusées, avec leurs carburants, leurs différents étages, une station interplanétaire, etc.

Vladimir Vernadsky (1863-1945) fut pareillement un activiste central de la science en URSS. Il fut à l’origine de la géochimie et le premier à développer la conception de « biosphère », comprenant que la matière vivante sur la planète devait être considérée comme un ensemble.

L’ensemble du territoire soviétique était ainsi conquis intellectuellement et physiquement. Le 30e anniversaire de la révolution d’Octobre fut ainsi notamment célébré par une course automobile (ainsi que de motos) de 6000 kilomètres, avec point de départ et d’arrivée Moscou.

L’un des grands événements fut également le sauvetage par avion en 1934 des marins du Tcheliouskine, un navire pris dans les glaces qu’il étudiait (et dont le nom vient de l’explorateur russe Semion Tcheliouskine, du 18e siècle).

Un être humain, soviétique, se produisait lui-même, dans une bataille pour une vie meilleure et rationalisée. Il devenait un « organisme perceptif extrêmement complexe », comme le souligna Jdanov, dans des remarques sur la musique, en 1948 :

« C’est ici qu’on commence à sortir des limites du rationnel, des limites non seulement des émotions humaines normales, mais aussi de la raison de l’homme normal.

Il y a, il est vrai, aujourd’hui des « théories » à la mode qui prétendent que l’état pathologique est une forme supérieure de l’humanité et que les schizophréniques et les paranoïaques dans leur délire peuvent atteindre à des hauteurs spirituelles où n’atteindra jamais un homme ordinaire dans son état normal.

Ces « théories » ne sont évidemment pas accidentelles, elles sont très caractéristiques de l’époque de pourriture et de décomposition de la culture bourgeoise. Mais laissons toutes ces « recherches » aux fous, exigeons de nos compositeurs une musique normale, humaine.

Quel a été le résultat de l’oubli des lois et des normes de la création musicale ? La musique s’est vengée des efforts faits pour la dénaturer.

Quand la musique perd tout contenu, toute qualité artistique, quand elle devient inélégante, laide, vulgaire, elle cesse de satisfaire les besoins pour lesquels elle existe, elle cesse d’être elle-même.

Vous vous étonnez peut-être qu’au Comité central du Parti bolchevik on exige de la musique beauté et élégance. Qu’est-ce qui se passe encore ?

Eh bien, non, ce n’est pas un lapsus, nous déclarons que nous sommes pour une musique belle et élégante, une musique capable de satisfaire les besoins esthétiques et les goûts artistiques des Soviétiques, et ces besoins et ces goûts ont grandi incroyablement.

Le peuple apprécie le talent d’une œuvre musicale dans la mesure où elle reflète profondément l’esprit de notre époque, l’esprit de notre peuple, dans la mesure où elle est accessible aux larges masses. Qu’est-ce donc qui est génial en musique ?

Ce n’est pas du tout ce que ne peuvent apprécier qu’un individu ou un petit groupe d’esthètes raffinés ; une œuvre musicale est d’autant plus géniale que le contenu en est plus riche et plus profond, que la maîtrise en est plus élevée, qu’est plus grand le nombre de ceux qui la reconnaissent, le nombre de ceux qu’elle est capable d’inspirer.

Tout ce qui est accessible n’est pas génial, mais tout ce qui est vraiment génial est accessible, et d’autant plus génial que plus accessible aux larges masses du peuple.

A. N. Sérov avait profondément raison lorsqu’il disait : « Contre la beauté vraie en art le temps est impuissant, autrement on n’aimerait plus ni Homère, Dante ou Shakespeare, ni Raphaël, Le Titien ou Poussin, ni Palestrina, Haendel, ou Glück ».

Une œuvre musicale est d’autant plus haute qu’elle fait entrer en résonance plus de cordes de l’âme humaine.

L’homme du point de vue de sa perception musicale est une membrane merveilleusement riche, un récepteur travaillant sur des milliers d’ondes – on peut, sans doute, choisir une meilleure comparaison – et pour l’émouvoir il ne suffît pas d’une seule note, d’une seule corde, d’une seule émotion.

Si un compositeur n’est capable de faire vibrer qu’une ou que quelques-unes des cordes humaines, cela ne suffit pas, car l’homme moderne et surtout le nôtre, l’homme soviétique, se présente aujourd’hui comme un organisme perceptif extrêmement complexe. »

L’être humain, dans le socialisme, connaissait un saut qualitatif. Le déclenchement de la seconde guerre mondiale impérialiste va bouleverser cette réalité, faisant de l’URSS un pays assiégé par les troupes nazies barbares et meurtrières, mais suffisamment puissant pour résister et vaincre.

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L’URSS socialiste et le trotskysme comme sabotage

Le trotskysme, à partir de 1934 en tant que tel, n’est plus du tout un courant d’opposition, mais un magma de structures clandestines, liées à l’étranger à tout ce qui était favorable à un changement de régime en URSS, donc notamment aux services secrets étrangers ayant des visées impérialistes sur des parties du territoire soviétique (Allemagne, Japon, mais également Grande-Bretagne par rapport à l’Asie centrale).

Staline notait ainsi, en 1937 :

« Dans la lutte qu’ils mènent contre les agents trotskistes, nos camarades du Parti n’ont pas remarqué, ont laissé échapper le fait que le trotskisme actuel n’est plus ce qu’il était, disons, sept ou huit ans plus tôt ; que le trotskisme et les trotskistes sont passé durant ce temps par une sérieuse évolution qui a modifié profondément le visage du trotskisme ; qu’en conséquence, la lutte contre le trotskisme, les méthodes de lutte contre ce dernier, doivent être radicalement changées.

Nos camarades du Parti n’ont pas remarqué que le trotskisme a cessé d’être un courant politique dans la classe ouvrière ; que, de courant politique qu’il était sept ou huit ans plus tôt, le trotskisme est devenu une bande forcenée et sans principes de saboteurs, d’agents de diversion et d’assassins agissant sur ordre des services d’espionnage des États étrangers.

Qu’est-ce qu’un courant politique dans la classe ouvrière ?

Un courant politique dans la classe ouvrière, c’est un groupe ou un parti qui a sa physionomie politique propre, nettement déterminée, une plate-forme, un programme ; qui ne cache pas et ne peut cacher sa façon de voir à la classe ouvrière, la préconise ouvertement et honnêtement, sous les yeux de la classe ouvrière; qui ne craint pas de montrer sa physionomie politique à la classe ouvrière, ni de faire la démonstration de ses buts et objectifs réels devant la classe ouvrière, mais qui, au contraire, va à celle-ci, le visage découvert, pour la convaincre de la justesse de son point de vue.

Dans le passé, il y a de cela sept ou huit ans, le trotskisme était au sein de la classe ouvrière un des courants politiques de ce genre anti-léniniste, il est vrai, et partant profondément erroné, mais malgré tout un Gourant politique.

Peut-on dire que le trotskisme actuel, par exemple, le trotskisme de 1936, soit un courant politique dans la classe ouvrière ?

Non, on ne peut le dire.

Pourquoi ? Parce que les trotskistes de nos jours craignent de montrer à la classe ouvrière leur vrai visage ; parce qu’ils craignent de lui découvrir leurs buts et objectifs réels ; parce qu’ils cachent soigneusement à la classe ouvrière leur physionomie politique, de peur que si la classe ouvrière apprend leurs véritables intentions, elle les maudisse comme des hommes qui lui sont étrangers et les chasse loin d’elle.

Ainsi, s’explique que, à proprement parler, la méthode essentielle de l’action trotskiste ne soit pas aujourd’hui la propagande ouverte et loyale de ses points de vue au sein de la classe ouvrière, mais leur camouflage, la louange obséquieuse et servile des points de vue de ses adversaires, la façon pharisaïque et hypocrite de traîner dans la boue ses propres points de vue.

Au procès de 1936, si vous vous en souvenez, Kaménev et Zinoviev ont catégoriquement nié avoir une plate-forme politique quelconque. Ils avaient la pleine possibilité de développer pendant le procès leur plate-forme politique.

Or, ils ne l’ont pas fait ; ils ont déclaré n’avoir aucune plate-forme politique.

Il ne fait pas doute que tous deux mentaient lorsqu’ils niaient avoir une plate-forme. Aujourd’hui, les aveugles eux-mêmes voient qu’ils avaient une plate- forme politique à eux.

Mais pourquoi ont-ils nié avoir une plate- forme politique ?

Parce qu’ils craignaient de découvrir leur vrai visage politique, parce qu’ils craignaient de montrer leur plate- forme réelle de restauration du capitalisme en U.R.S.S., de peur qu’une telle plate-forme provoque l’aversion de la classe ouvrière.

Au procès de 1937, Piatakov, Radek et Sokolnikov ont pris un autre chemin. Ils n’ont pas nié l’existence d’une plate-forme politique chez les trotskistes et les zinoviévistes.

Ils ont reconnu que ceux- ci avaient une plate-forme politique déterminée ; ils ont reconnu et développé celle-ci dans leurs déclarations.

Mais s’ils l’ont développée, ce n’était point pour appeler la classe ouvrière, pour appeler le peuple à soutenir la plate-forme trotskiste, mais pour la maudire et la stigmatiser comme plateforme antipopulaire et anti- prolétarienne.

Restauration du capitalisme, liquidation des kolkhoz et des sovkhoz, rétablissement du système d’exploitation ; alliance avec les forces fascistes de l’Allemagne et du Japon pour hâter le déclenchement d’une guerre contre l’Union soviétique; lutte pour la guerre et contre la politique de paix ; démembrement territorial de l’Union soviétique, l’Ukraine devant être livrée aux Allemands et la Province maritime aux Japonais ; préparation de la défaite militaire de l’Union soviétique au cas où elle serait attaquée par les Etats ennemis ; et, comme moyen d’atteindre ces buts : sabotage, diversion, terrorisme individuel contre les dirigeants du pouvoir des Soviets, espionnage au profit des forces fascistes nippo-allemandes, telle est la plate-forme politique du trotskisme actuel, exposée par Piatakov, Radek et Sokolnikov.

On comprend qu’une telle plate-forme, les trotskistes ne pouvaient pas ne pas la cacher au peuple, à la classe ouvrière.

Et ils ne la cachaient pas seulement à la classe ouvrière, mais aussi à la masse trotskiste, et non seulement à la masse trotskiste, mais ausi à l’équipe dirigeante des trotskistes, composée d’une petite poignée de trente à quarante hommes.

Lorsque Radek et Piatakov ont demandé à Trotski l’autorisation de réunir une petite conférence de trente à quarante trotskistes, afin de les informer du caractère de cette plate-forme, Trotski le leur a interdit, en déclarant qu’il n’était pas rationnel d’exposer le caractère réel de la plate- forme, même à une petite poignée de trotskistes, une « opération » de ce genre pouvant provoquer la scission.

Des « hommes politiques » qui cachent leurs convictions, leur plate- forme non seulement à la classe ouvrière, mais aussi à la masse trotskiste, et non seulement à la masse trotskiste, mais aussi à l’équipe dirigeante des trotskistes : telle est la physionomie du trotskisme de nos jours.

Il s’ensuit que le trotskisme actuel ne peut plus être appelé un courant politique dans la classe ouvrière.

Le trotskisme de nos jours n’est pas un courant politique dans la classe ouvrière, mais une bande sans principes et sans idéologie de saboteurs, d’agents de diversion et de renseignements, d’espions, d’assassins, une bande d’ennemis jurés de la classe ouvrière, une bande à la solde des services d’espionnage des Etats étrangers.

Tel est le résultat incontestable de l’évolution du trotskisme au cours des sept ou huit dernières années. Telle est la différence entre le trotskisme d’autrefois et le trotskisme d’aujourd’hui. L’erreur de nos camarades du Parti, c’est qu’ils n’ont pas remarqué cette différence profonde entre le trotskisme d’autrefois et le trotskisme d’aujourd’hui.

Ils n’ont pas remarqué que les trotskistes ont depuis longtemps cessé d’être des hommes d’idées ; que, depuis longtemps, les trotskistes sont devenus des bandits de grand chemin capables de toutes les vilenies, de toutes les infamies, jusques et y compris l’espionnage et la trahison directe de leur patrie, pourvu qu’ils puissent faire du tort à l’Etat soviétique et au pouvoir des Soviets. Nos camarades ne l’ont pas remarqué et n’ont pas su, pour cette raison, se réorganiser en temps opportun pour engager la lutte contre les trotskistes d’une manière nouvelle, d’une façon plus énergique.

Voilà pourquoi les ignominies commises par les trotskistes, en ces dernières années, ont été une chose tout à fait inattendue pour certains de nos camarades du Parti.

Poursuivons.

Nos camarades du Parti n’ont pas remarqué, enfin, qu’il existe une différence essentielle, d’une part entre les actuels saboteurs et agents de diversion, parmi lesquels les agents trotskistes du fascisme jouent un rôle actif, et les saboteurs et agents de diversion de l’époque de l’affaire de Chakhti, d’autre part.

Premièrement. Les saboteurs de Chakhti et les membres du Parti industriel étaient pour nous des hommes franchement étrangers.

C’étaient, pour la plupart, d’anciens propriétaires d’entreprises, d’anciens administrateurs des patrons d’autrefois, d’anciens associés de vieilles sociétés anonymes où simplement de vieux socialistes bourgeois qui, au point de vue politique, « nous étaient » franchement hostiles.

Aucun d’entre nous ne doutait du vrai visage politique de ces messieurs.

Au reste, les hommes de Chakhti eux-mêmes ne dissimulaient pas leur attitude hostile envers le régime soviétique. On ne saurait en dire autant des actuels saboteurs et agents de diversion, des trotskistes : ce sont, pour la plupart, des membres du Parti, qui ont en poche la carte du Parti ; par conséquent, des hommes qui, officiellement, ne nous sont pas étrangers.

Si les vieux saboteurs agissaient contre nos hommes, les nouveaux saboteurs, au contraire, leur font des courbettes, font l’éloge de nos hommes, rampent devant nos hommes pour gagner leur confiance.

La différence, comme vous le voyez, est essentielle.

Deuxièmement.

Ce qui faisait la force des saboteurs de Chakhti et des membres du Parti industriel, c’est qu’ils possédaient, à un degré plus ou moins grand, les connaissances techniques nécessaires, tandis que nos hommes à nous, qui n’avaient pas ces connaissances, étaient contraints de se mettre â leur école.

Cela donnait un grand avantage aux saboteurs de l’époque de Chakhti, cela leur permettait de nuire en toute liberté et sans obstacle, cela leur permettait de tromper nos hommes techniquement. Il en va autrement des saboteurs de nos jours, des trotskistes.

Les saboteurs d’aujourd’hui n’ont aucun avantage technique sur nos hommes.

Au contraire, au point de vue technique, nos hommes sont mieux préparés que les saboteurs actuels, que les trotskistes.

Dans l’intervalle de l’époque de Chakhti à nos jours, de véritables cadres bolcheviks techniquement ferrés ont grandi chez nous et comptent des dizaines de milliers d’hommes.

On pourrait nommer des milliers et des dizaines de milliers de dirigeants bolcheviks qui se sont développés au point de vue technique et en comparaison desquels tous ces Piatakov et ces Livchitz, ces Chestov et Bogouslavski, ces Mouralov et Drobnis, ne sont que de vains bavards et des blancs-becs sous le rapport de la formation technique.

Qu’est-ce qui fait donc la force des saboteurs actuels ?

Leur force réside dans la carte du Parti, dans la possession de la carte du Parti.

Leur force c’est que la carte du Parti leur donne la confiance politique et leur ouvre accès à tous nos établissements et organisations. Leur avantage, c’est que, possédant cette carte et se faisant passer pour les amis du pouvoir des Soviets, ils trompaient nos hommes politiquement, abusaient de leur confiance, nuisaient en sous-main et dévoilaient nos secrets d’Etat aux ennemis de l’Union soviétique.

« Avantage » douteux quant à sa valeur politique et morale, mais « avantage » qui, en somme, explique le fait que les saboteurs trotskistes, comme possesseurs de la carte du Parti et ayant accès à tous les postes de nos établissements et organisations, ont été une véritable aubaine pour les services d’espionnage des Etats étrangers.

L’erreur de certains de nos camarades du Parti, c’est qu’ils n’ont pas remarqué, qu’ils n’ont pas compris toute cette différence entre les anciens et les nouveaux saboteurs, entre les hommes de Chakhti et les trotskistes, et, ne rayant pas remarquée, ils n’ont pas su se réorganiser en temps opportun pour engager leur lutte, d’une manière nouvelle, contre les nouveaux saboteurs. »

Pour une formation bolchevik, 1937

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L’URSS socialiste: Tchéka, GPU, NKVD face aux «centres» terroristes

Il existe une contradiction entre l’affirmation de la Constitution et la nécessité de la répression à l’égard de la contre-révolution.

Le régime soviétique a toujours dû faire face à d’intenses activités contre-révolutionnaires, allant de la propagande au terrorisme. Pour cela, il a organisé une structure, qui a changé de nom historiquement.

Il y a ainsi au départ la Tchéka (Commission extraordinaire), de 1917 à 1922, puis le GPU (Direction Politique d’État) jusqu’en 1934, date à laquelle il cède la place au NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures).

Fut fondé ensuite le NKGB (Commissariat du peuple à la sécurité gouvernementale), subordonné au NKVD, le tout devenant le MGB (Ministère à la sécurité gouvernementale) de 1946 à 1954.

Ces services de répression utilisaient des camps de travail pour déporter les éléments de la contre-révolution. Ceux-ci étaient placés en périphérie du pays, qui connaît parfois des conditions naturelles extrêmement rudes. C’est de là que vient l’image largement utilisée par la bourgeoisie du « goulag sibérien ».

Les archives d’URSS montrent que de 1934 à 1947, il y eu en tout environ 10 millions de personnes (soit 5 % de la population) d’emprisonnées, avec 40 000 personnes mortes par an. Le chiffre est similaire pour la période 1945-1953.

De 1934 à 1953, entre 20 et 40 % des prisonniers sociaux quittaient les camps de travail pour être réintégrés dans la société. L’amnistie pour les prisonniers sociaux était promulguée lors de célébrations : en l’honneur de la naissance de l’URSS en 1923, pour commémorer les 5 et 10 ans de la révolution russe en 1922 et en 1927, pour le 20e anniversaire de l’armée rouge en 1938, pendant la seconde guerre mondiale impérialiste afin de rejoindre l’armée rouge (577 000 personnnes), à la victoire de 1945 (où 600 000 personnes furent libérées).

En pratique, c’est par vague que les camps de travail se remplissent, en fonction des campagnes de répression, avec les personnes arrêtées devant être rééduquées par le travail. L’une des plus importantes, malgré l’exécution de centaines de milliers de contre-révolutionnaires, date du milieu des années 1930.

Au début des années 1930, en effet, le trotskysme était passé au terrorisme, il était devenu l’idéologie mise en avant par tous les éléments contre-révolutionnaires, dans toutes leurs tentatives.

L’événement le plus brutal fut l’assassinat, le 1er décembre 1931, de Sergueï Kirov. Né en 1884, membre du Parti bolchevik dès 1904, il joua un rôle significatif durant la guerre civile, rejoignit le Comité Central en 1923 et devint responsable du Parti pour la ville de Léningrad à partir de 1925.

Ayant rejoint le Bureau Politique en 1930, il devint une figure extrêmement populaire et était alors le véritable second de Staline. Son meurtre était l’expression politique la plus avancée de la contre-révolution, visant le cœur de l’État soviétique.

La contre-révolution s’appuyait alors sur deux « centres », composés à la fois de contre-révolutionnaires et de renégats aux positions erratiques, tiraillés entre l’acceptation du régime et une ligne « ultra ».

Le premier « centre » agissait à Léningrad, autour d’anciens membre de « l’opposition » liée à Zinoviev, le second se situait à Moscou, lié à Zinoviev mais également à Kamenev.

La situation était tendue, et extrême : quelqu’un comme Guenrikh Liouchkov, qui fut un très important membre des services de sécurité, devint trotskyste et rejoignit l’armée japonaise, lui fournissant nombre d’informations sur la défense de l’armée rouge en Extrême-Orient et en Ukraine.

Le Parti bolchévik dut réagir vite et fermement, pour ne pas se faire déborder par la contre-révolution. A la suite de l’assassinat de Sergueï Kirov, le Comité Central explique :

« Il faut en finir avec la placidité opportuniste qui part de cette supposition erronée qu’à mesure que nos forces grandissent, l’ennemi doit s’apprivoiser et devenir plus inoffensif.

Cette supposition est radicalement fausse.

C’est là un relent de la déviation de droite, qui assurait tout un chacun que les ennemis s’intégreraient tout doucement dans le socialisme, qu’ils finiraient par devenir de vrais socialistes. Il n’appartient pas aux bolcheviks de se reposer sur leurs lauriers et de bayer aux corneilles.

Ce qu’il nous faut, ce n’est pas la placidité, mais la vigilance, la vraie vigilance révolutionnaire bolchevique. Il ne faut pas oublier que plus la situation des ennemis sera désespérée, plus ils se raccrocheront aux « moyens extrêmes » comme étant l’unique recours de gens voués à la perte dans leur lutte contre le pouvoir des Soviets. Il convient de ne jamais oublier cela et d’être vigilant (…).

Il faut porter au niveau requis l’enseignement de l’histoire du Parti aux membres du Parti ; l’étude de toutes les espèces de groupements hostiles au Parti qui ont existé au cours de son histoire, l’étude de leurs procédés de lutte contre la ligne du Parti, l’étude de leur tactique et, à plus forte raison, celle de la tactique et des procédés de lutte de notre Parti contre les groupements qui lui étaient hostiles, l’étude de la tactique et des moyens qui ont permis à notre Parti de vaincre, de battre à plate couture tous ces groupements.

Il faut que les membres du Parti sachent non seulement comment le Parti a combattu et vaincu les cadets, les socialistes-révolutionnaires, les menchéviks, les anarchistes, mais aussi comment il a combattu et vaincu les trotskistes, les tenants du « centralisme démocratique », l’ « opposition ouvrière », les zinoviévistes, les fauteurs des déviations de droite, les avortons droitiers-gauchistes, etc.

Il ne faut pas oublier que la connaissance et la compréhension de l’histoire de notre Parti constituent un moyen important entre tous, indispensable, pour assurer pleinement la vigilance révolutionnaire des membres du Parti. »

Les procès des centres, en 1936, 1937 et 1938 eurent un retentissement mondial. L’opinion publique fut largement frappée des aveux des responsables de ces centres – une chose tout à fait compréhensible de par leur situation ambivalente par rapport au Parti bolchevik, ces personnes étant littéralement coincés entre l’ancien et le nouveau.

Pour la presse bourgeoise et ses historiens, ces aveux ne pouvaient avoir été qu’extorqués et montés de toutes pièces. A cela s’ajoute l’incapacité de la bourgeoisie à comprendre qu’une personne « subjectivement » révolutionnaire peut, de manière objective, servir la contre-révolution.

Pourtant, des observateurs internationaux furent présents aux procès, et il n’y eut pas de coups d’éclat. Les aveux n’étaient que le fruit d’une simple vérité : on ne peut pas avoir raison contre le Parti.

L’une des erreurs de ces procès fut cependant de ne pas avoir compris précisément quand l’activité révolutionnaire de ces renégats se termina, et quand les choses se retournèrent en leur contraire. Au lieu de cela, le manque de compréhension du matérialisme dialectique à l’époque fit qu’on considéré que les traîtres avaient toujours été des traîtres.

Cependant, les procès montrèrent clairement la nature du trotskysme, devenu le drapeau de ceux qui entendaient liquider physiquement la direction du Parti bolchevik, former des cellules clandestines notamment dans l’armée et profiter d’une guerre pour renverser le régime. Staline devait même être tué en plein congrès, du Parti bolchévik ou de l’Internationale Communiste, afin de former une vague de mobilisation en la faveur du trotskysme.

La conception trotskyste reposait en fait sur la « déclaration Clémenceau » : Trotsky considérait dans ce texte du milieu des années 1920 (par ailleurs jamais traduit en français) que le régime soviétique ferait comme la France pendant la guerre de 1914-1918, en situation de presque défaite : elle appellerait son meilleur élément.

Trotsky pense que la même chose se déroulerait devant la guerre impérialiste rendue inévitable avec l’Allemagne devenue nazie. Parvenu au pouvoir, les trotskystes entendaient ouvrir le pays au capital étranger et abandonner la collectivisation des terres, afin de « renforcer » l’économie, pendant que le prolétariat serait organisé par une sorte de dictature pratiquement terroriste. Ils entendaient maintenir de bonnes relations avec leurs voisins au prix de concessions territoriales, principalement l’Ukraine.

Trotsky se voyait ainsi comme une sorte de Napoléon, qui « sauverait » les acquis de la révolution d’Octobre. Les différents dirigeants de « l’opposition » rassemblèrent des éléments autour d’eux, dans l’idée d’une « guérilla », puis du terrorisme.

Dans certains cas, comme celui de Karl Radek, ce sont ainsi les contacts qui l’ont amené à s’engager ; au procès de 1937 il déclara ainsi :

« Une direction, une somme de points de vue, est la somme des rapports humains, et on ne peut pas rompre avec une direction, sans rompre avec les gens avec qui on a lutté pour des objectifs hostiles au Parti ».

De fait, l’esprit de « factions » a abouti au terrorisme.

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L’URSS socialiste: une nouvelle citoyenneté

L’industrialisation et le développement d’une armée de cadres permit au Parti bolchevik de former une société socialiste, au grand dam des bourgeoisies des pays impérialistes, qui n’auront de cesse de critiquer la « dictature » et par la suite le « totalitarisme ».

L’URSS signifiait en effet alors une nouvelle citoyenneté, avec des individus s’assumant comme membres de la société. Dans le domaine des arts et des lettres, le réalisme socialiste s’imposait comme la forme la plus élevée de civilisation, l’URSS produisant toute une série d’artistes assumant l’héritage, suivant le réalisme et ancrés dans le peuple.

Sur tous les plans, la société de l’URSS progressait à pas de géant ; les masses se mobilisaient pour le socialisme, les plans étaient régulièrement finis en avance, comme par exemple le deuxième plan quinquennal de l’industrie réalisé en avril 1937, avec neuf mois d’avance.

L’une des expressions spectaculaires fut bien entendu également le stakhanovisme, du nom d’Alexéï Stakhanov qui travaillait dans un bassin minier du Donez et avait lors d’un poste en août 1935 amené 102 tonnes de charbon, soit 14 fois plus que la norme courante.

Ce genre d’initiatives volontaires se généralisa, donnant ce qui fut appelé le « stakhanovisme », avec des gens comme Boussyguine dans l’industrie automobile, Smétanine dans la chaussure, Krivonos dans les transports, Moussinski dans l’industrie forestière, Evdokia et Maria Vinogradova dans le textile, Maria Demtchenko, Marina Gnatenko, P. Anguélina, Pola-goutine, Kolessov, Kovardak, Borine dans l’agriculture.

En novembre 1935 se tint même une première Conférence des stakhanovistes de l’U.R.S.S, où Staline analysa la signification historique de cette initiative des masses par rapport au communisme :

« Le mouvement stakhanoviste exprime un nouvel essor de l’émulation socialiste, une étape nouvelle, supérieure, de l’émulation socialiste…

Précédemment, il y a quelque trois ans, pendant la première étape de l’émulation socialiste, celle-ci n’était pas nécessairement liée à la technique nouvelle. D’ailleurs, à ce moment, nous n’avions presque pas, à proprement parler, de technique nouvelle.

Tandis que l’étape actuelle de l’émulation socialiste, le mouvement stakhanoviste est, au contraire, nécessairement liée à la technique moderne. Le mouvement stakhanoviste ne serait pas concevable sans la technique nouvelle, supérieure.

Voici devant vous des gens tels que les camarades Stakhanov, Boussyguine, Smétanine, Krivonos, Pronine, les Vinogradova et beaucoup d’autres, des gens nouveaux, ouvriers et ouvrières, qui se sont rendus entièrement maîtres de la technique de leur métier, qui l’ont domptée et poussée en avant.

Ces gens-là, nous n’en avions pas ou presque pas, il y a quelque trois ans… (…)

Observez de plus près les camarades stakhanovistes.

Que sont ces gens ? Ce sont surtout des ouvriers et des ouvrières, jeunes ou d’âge moyen, des gens développés, ferrés sur la technique, qui donnent l’exemple de la précision et de l’attention au travail, qui savent apprécier le facteur temps dans le travail et qui ont appris à compter non seulement par minutes, mais par secondes.

La plupart d’entre eux ont passé ce qu’on appelle le minimum technique [niveau d’études pour travailler dans les entreprises] et continuent de compléter leur instruction technique.

Ils sont exempts du conservatisme et de la routine de certains ingénieurs, techniciens et dirigeants d’entreprises ; ils vont hardiment de l’avant, renversent les normes techniques vieillies et en créent de nouvelles plus élevées ; ils apportent des rectifications aux capacités de rendement prévues et aux plans économiques établis par les dirigeants de notre industrie ; ils complètent et corrigent constamment les ingénieurs et techniciens ; souvent ils leur en remontrent et les poussent en avant, car ce sont des hommes qui se sont rendus pleinement maîtres de la technique de leur métier et qui savent tirer de la technique le maximum de ce qu’on en peut tirer.

Les stakhanovistes sont encore peu nombreux aujourd’hui, mais qui peut douter que demain leur nombre ne soit décuplé ?

N’est-il pas clair que les stakhanovistes sont des novateurs dans notre industrie ; que le mouvement stakhanoviste représente l’avenir de notre industrie ; qu’il contient en germe le futur essor technique et culturel de la classe ouvrière ; qu’il ouvre devant nous la voie qui seule nous permettra d’obtenir les indices plus élevés de la productivité du travail, indices nécessaires pour passer du socialisme au communisme et supprimer l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ? »

Par conséquent, l’URSS procéda à la formation d’une nouvelle Constitution, affirmant que l’URSS était désormais socialiste, qu’il n’y avait plus d’antagonisme de classe.

Le Projet de Constitution, en 1936, explique ainsi que :

« A la différence des constitutions bourgeoises, le projet de la nouvelle Constitution de l’U.R.S.S. Part du fait que dans la société il n’existe plus de classes antagonistes ; que la société est composé de deux classes amies, d’ouvriers et de paysans; que ce sont justement ces classes laborieuses qui sont au pouvoir ; que la direction politique de la société (dictature) appartient à la classe ouvrière, en tant que classe avancée de la société ; que la Constitution est nécessaire pour fixer l’ordre social au gré et à l’avantage des travailleurs. »

En URSS, de par la socialisation de la production, il n’y a plus d’exploitation d’êtres humains entre eux. Il reste des classes sociales, mais elles sont « amies ». La paysannerie, en effet, exerce son activité « sur le travail collectif et la technique moderne », ses intérêts sont les mêmes que la classe ouvrière.

Il y a, ensuite, « des intellectuels, des ingénieurs et techniciens, des travailleurs du front culturel, des employés en général » ; cependant, ceux-ci sont organiquement liés à la classe ouvrière et aux masses paysannes.

C’est pour cela qu’aux élections qui furent menées, sur 94 millions d’électeurs, plus de 91 millions, soit 96,8% prirent part aux élections, 98,6% votèrent pour le « bloc des communistes et des sans-parti », 632.000 personnes seulement votant contre.

Pour autant, il existait une répression visant les contre-révolutionnaires, comment était-elle expliquée ? Le Précis d’histoire du PCUS (b), en 1938, donne le point de vue suivant :

« Les problèmes de direction politique et idéologique occupaient une place importante dans le rapport [au 17e congrès, en 1934] du camarade Staline.

Il avertissait le Parti que, bien que les ennemis du Parti — les opportunistes de toutes nuances, les fauteurs des déviations nationalistes de toute sorte — aient été battus, les vestiges de leur idéologie subsistent dans le cerveau de certains membres du Parti et se font sentir en mainte occasion.

Les survivances du capitalis­me dans l’économie et, surtout, dans la conscience des hommes, offrent un terrain propice pour faire renaître l’idéologie des groupes antiléninistes battus.

Le développement de la conscience des hommes retarde sur leur situation économique. C’est pourquoi les survivances des conceptions bourgeoises restent et resteront encore un certain temps dans le cerveau des hommes, bien que le capitalisme soit liquidé dans l’économie.

Au surplus, il faut tenir compte que les États capitalistes qui encerclent l’U.R.S.S. et contre lesquels nous devons garder notre poudre sèche, s’appliquent à ranimer et à soutenir ces survivances. »

Cette vision de la contre-révolution était suffisante ? Pour cela, il faut voir comment le régime a, de manière juste, réprimé celle-ci.

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L’URSS socialiste: la technique, les cadres, «parcourir cette distance en dix ans»

La construction du socialisme posa certains problèmes, principalement dans l’équilibre entre les initiatives prises, dans la connexion entre les différentes étapes.

Ainsi, la victoire dans la collectivisation fut telle que le Parti bolchevik dut prendre des mesures pour empêcher que l’élan pris n’amène pas des mesures ne consistant qu’en des fictions administratives, certains kolkhozes n’étant pas encore réellement organisés.

C’est Staline, qui en mars 1930 dans un document alors célèbre et intitulé Le vertige du succès, dénonce cette démarche gauchiste de collectivisation « par en haut » :

« On sait que dans une série de régions de l’U.R.S.S., où la lutte pour l’existence des kolkhozes est loin d’être terminée, et où les artels ne sont pas encore consolidées, des tentatives sont faites pour sauter hors du cadre des artels et s’élancer d’emblée vers la commune agricole.

L’artel n’est pas encore consolidée, mais déjà on « collectivise » les habitations, le petit bétail, la volaille, et cette « collectivisation » dégénère en proclamations à coups de décrets paperassiers et bureaucratiques, les conditions n’étant pas encore réunies qui rendraient cette collectivisation nécessaire.

On pourrait croire que le problème des céréales est déjà résolu dans les kolkhoz, qu’il représente une étape déjà franchie; qu’à l’heure présente, la tâche essentielle n’est point de résoudre le problème des céréales,mais celui de l’élevage et de l’aviculture. On se demande à qui profite ce « travail » de brouillons, qui consiste à mettre dans le même sac les formes diverses du mouvement de collectivisation?

A qui profite cette précipitation absurde et nuisible pour la cause?

Irriter le paysan kolkhozien par la «collectivisation» des habitations, de tout le bétail laitier,de tout le petit bétail, de la volaille, alors que le problème des céréales n’est pas encore résolu, alors que la forme-artel des kolkhoz n’est pas encore consolidée,—n’est-il pas clair qu’une telle «politique» ne peut être agréable et avantageuse qu’à nos ennemis jurés?

Un de ces « collectivisateurs » zélés en arrive même à lancer un ordre à l’artel prescrivant d’«inventorier, dans un délai de trois jours, toute la volaille de chaque ferme », d’établir la fonction de « commandants »spéciaux pour l’enregistrement et la surveillance, d’« occuper dans l’artel les postes de commande», de « diriger le combat socialiste sans abandonner les postes», et—la chose est claire—de tenir l’artel fermement en mains.

Qu’est-ce donc ? Une politique de direction du kolkhoz ou une politique de sa décomposition et des on discrédit?

Je ne parle même pas de ces « révolutionnaires », s’il est permis de les appeler ainsi, qui, pour organiser une artel, commencent par décrocher les cloches des églises. Décrocher les cloches, pensez donc comme c’est révolutionnaire!

Comment ont pu se produire dans notre milieu ces pratiques brouillonnes en matière de « collectivisation », ces tentatives grotesques de vouloir sauter par-dessus soi-même, tentatives ayant pour but de passer outre aux classes et à la lutte de classes, mais qui, en réalité, portent l’eau au moulin de nos ennemis de classes?

Elles n’ont pu se produire que dans l’atmosphère de nos succès « faciles » et « inopinés » sur le front de construction des kolkhoz.

Elles n’ont pu se produire que par suite des tendances brouillonnes qui se manifestent dans les rangs de certaines couches du Parti: « Nous pouvons tout ! », « Il ne nous en coûte rien ! »

Elles n’ont pu se produire que parce que les succès ont donné le vertige à quelques-uns de nos camarades,qui ont perdu un instant la lucidité d’esprit et la saine compréhension des choses.

Pour redresser la ligne de notre travail en matière de construction des kolkhoz, il faut mettre un terme à ces tendances. C’est là maintenant une des tâches immédiates du Parti. »

Un second souci fut que lancer l’industrialisation faisait en sorte, nécessairement, que les investissements primaient sur les dépenses pour la consommation. De fait, l’un des problèmes de la politique d’industrialisation était que la consommation individuelle de biens était affaiblie par cette priorité choisie.

Staline en était bien sûr parfaitement conscient, mais il explique qu’il n’y avait pas d’autres choix, si l’on ne voulait pas que l’URSS devienne la cible des impérialistes. Il expliqua ainsi :

« On nous dit: Tout cela est fort bien,on a construit beaucoup de nouvelles usines,on a jeté les bases de l’industrialisation.

Mais il aurait beaucoup mieux valu renoncer à la politique d’industrialisation,à la politique d’extension de la production des moyens de production,ou du moins rejeter cette tâche à l’arrière-plan, afin de produire une plus grande quantité de cotonnades, de chaussures, de vêtements et autres objets de grande consommation.

La production d’objets de grande consommation a été inférieure à nos besoins,et cela crée certaines difficultés.

Mais alors il faut savoir et il faut se rendre compte à quoi nous aurait conduits cette politique de mise à l’arrière-plan des tâches de l’industrialisation. Évidemment,sur le milliard et demi de roubles, en devises étrangères,que nous avons dépensés au cours de cette période pour équiper notre industrie lourde,nous aurions pu réserver la moitié aux importations de coton,de cuir, de laine, de caoutchouc, etc.

Nous aurions eu alors plus de cotonnades, de chaussures, de vêtements.

Mais alors nous n’aurions ni industrie des tracteurs,ni industrie automobile; nous n’aurions pas de sidérurgie tant soit peu importante;nous n’aurions pas de métal pour la fabrication des machines,et nous serions désarmés face à l’encerclement capitaliste armé d’une technique nouvelle.

Nous nous serions alors privés de la possibilité de fournir l’agriculture en tracteurs et en machines agricoles, et donc nous serions restés sans blé.

Nous nous serions mis dans l’impossibilité de vaincre les éléments capitalistes du pays, et donc nous aurions augmenté incroyablement les chances de restauration du capitalisme.

Nous n’aurions pas alors tous les moyens modernes de défense, sans lesquels l’indépendance d’un pays comme État est impossible ; sans lesquels un pays devient un objectif pour les opérations militaires des ennemis du dehors. »

Le bilan du premier plan quinquennal, 1933

Staline avait déjà précisé, quelques années auparavant, l’importance capitale que cela avait pour la survie même de l’URSS. Il affirma ainsi, dans son discours à la première conférence des cadres dirigeants de l’industrie, en février 1931 :

« On demande parfois, disait le camarade Staline dans son intervention, s’il ne serait pas possible de ralentir un peu les rythmes, de retenir le mouvement.

Non, ce n’est pas possible, camarades ! Il n’est pas possible de réduire les rythmes !… Freiner les rythmes, cela signifie retarder. Mais les retardataires se font battre. Et nous, nous ne voulons pas être battus. Non, nous ne le voulons pas !

L’histoire de l’ancienne Russie consistait, entre autres, en ce que la Russie était continuellement battue à cause de son retard.

Battue par les khans mongols. Battue par les beys turcs. Battue par les féodaux suédois. Battue par les seigneurs polono-lituaniens. Battue par les capitalistes anglo-français. Battue par les barons japonais. Battue par tout le monde, — pour son retard…

Nous retardons de cinquante à cent ans sur les pays avancés. Nous devons parcourir cette distance en dix ans. Ou nous le ferons, ou nous serons broyés…

En dix ans au maximum, nous devons parcourir la distance dont nous retardons sur les pays avancés du capitalisme. Pour cela, nous avons toutes les possibilités « objectives ». Il ne nous manque que le savoir-faire pour tirer véritablement parti de ces possibilités. Mais c’est une chose qui dépend de nous. Uniquement de nous !

Il est temps que nous apprenions à tirer parti de ces possibilités. Il est temps d’en finir avec cette tendance pernicieuse à ne pas s’ingérer dans la production. Il est temps d’adopter une autre, une nouvelle attitude, conforme à la période actuelle : l’attitude qui consiste à se mêler de tout. Si tu es directeur d’usine, mêle-toi de toutes les affaires, pénètre au fond de toutes choses, ne laisse rien passer, apprends et apprends encore. Les bolcheviks doivent se rendre maîtres de la technique.

Il est temps que les bolcheviks deviennent eux-mêmes des spécialistes. La technique en période de reconstruction décide de tout. »

La technique décide de tout, expliqua Staline, à un moment précis ; ainsi, une fois l’industrialisation lancée, ce sont les cadres maîtrisant de cette technique qui jouent un rôle capital.

Voici comment, en 1935, Staline précise cette question fondamentale, lors de la promotion des élèves des Écoles supérieures de l’Armée rouge :

« Auparavant, nous disions que « la technique décide de tout ».

Ce mot d’ordre nous a aidés en ce sens que nous avons fait disparaître la pénurie technique et créé la base technique la plus large dans toutes les branches d’activité, pour armer nos hommes d’une technique de premier ordre.

C’est très bien. Mais c’est loin, bien loin de suffire.

Pour mettre la technique en mouvement et l’utiliser à fond, il faut des hommes, maîtres de la technique, il faut des cadres capables d’assimiler et d’utiliser cette technique selon toutes les règles de l’art.

La technique sans les hommes qui en aient acquis la maîtrise est chose morte. La technique avec, en tête, des hommes qui en ont acquis la maîtrise, peut et doit faire des miracles.

Si dans nos usines et nos fabriques de premier ordre, dans nos sovkhoz et nos kolkhoz, dans nos transports, dans notre Armée rouge, il y avait en nombre suffisant des cadres capables de dominer cette technique, notre pays obtiendrait un rendement trois et quatre fois plus élevé qu’aujourd’hui.

Voilà pourquoi le gros de notre effort doit porter maintenant sur les hommes, sur les cadres, sur les travailleurs, maîtres de la technique.

Voilà pourquoi l’ancien mot d’ordre : « la technique décide de tout », reflet d’une période déjà révolue, où la pénurie sévissait chez nous dans le domaine technique, doit être maintenant remplacé par un mot d’ordre nouveau : « les cadres décident de tout ». C’est là aujourd’hui l’essentiel…

Il faut comprendre enfin que de tous les capitaux précieux existant dans le monde, le plus précieux et le plus décisif, ce sont les hommes, les cadres. Il faut comprendre que, chez nous, dans les conditions actuelles, « les cadres décident de tout ».

Si nous avons de bons et nombreux cadres dans l’industrie, dans l’agriculture, dans les transports, dans l’armée, notre pays sera invincible. Si nous n’avons pas de tels cadres, nous boiterons des deux pieds. » 

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L’URSS socialiste et le triomphe de la collectivisation

Le plan quinquennal avait un objectif très clair : industrialiser l’URSS, qui était isolée du reste du monde, contrôlé par les capitalistes. Le pays devait de lui-même réaliser des centaines d’usines de constructions mécaniques, de machines-outils, d’automobiles, de produits chimiques, de moteurs, d’outillages pour centrales électriques, d’artillerie, de tanks, etc. etc.

Il y parvint. Au début des années 1930, l’industrie formait la majorité de l’économie. Elle avait rattrapé le niveau d’avant-guerre en 1926-1927 et représentait en 1933 201 % du niveau de 1929, alors qu’en même temps, en raison de la crise générale du capitalisme, l’industrie des États-Unis passait à 65 % par rapport à 1929, celle d’Angleterre à 86 %, celle de France à 77 % et celle d’Allemagne à 66 %.

Cela ne veut pas dire que l’URSS avait alors rattrapé ces pays. Tant sur le plan électrique que métallurgique, le retard était encore très grand. La production de fonte visait, en 1929-1930, 5,5 millions de tonnes, la France en produisant alors presque le double et l’Allemagne un peu moins du triple.

C’est pourquoi, pour assurer la stabilité de la croissance, il avait fallu liquider les koulaks, les paysans riches dont la production ne permettait pas d’avancer, de par son caractère arriéré. Comme le constatait Staline alors :

« Ceux qui disent que le koulak «n’est pas plus terrible» que le capitaliste de la ville,qu’il n’est pas plus dangereux que le nepman, que nous n’avons aujourd’hui rien à «redouter», de la part des koulaks,—ceux-là se livrent à un vain bavardage libéral, destiné à endormir la vigilance de la classe ouvrière et des masses fondamentales de la paysannerie.

Il ne faut pas oublier que si, dans l’industrie, nous pouvons opposer au petit capitaliste de la ville la grande industrie socialiste, qui fournit les neuf dixièmes de la masse des marchandises industrielles, nous ne pouvons, dans les campagnes, opposer à la grosse production des koulaks que les collectivités agricoles et fermes d’État,insuffisantes encore et produisant huit fois moins de céréales que les exploitations koulaks.

Ceux qui ne se rendent pas compte de ce que sont les grandes exploitations agricoles koulaks, ceux qui ne comprennent pas que le rôle de ces exploitations est cent fois plus considérable que celui des capitalistes dans l’industrie urbaine, sont des fous qui cherchent à rompre avec le léninisme, à passer au camp des ennemis de la classe ouvrière.

Donc, comment sortir de la situation?

Il faut avant tout abandonner le système des petites exploitations paysannes, éparpillées et retardataires, et former de grandes exploitations collectives unifiées,munies de machines, armées des progrès de la science et aptes à produire pour le marché le maximum de céréales. » (Sur le front des céréales, 1928)

L’industrialisation, c’est donc aussi les tracteurs destinés aux grandes entreprises agraires… qui restent à fonder avant la liquidation des koulaks.

Un kolkhoze, c’est une coopérative agricole où tout est mis en commun, depuis les terres jusqu’aux outils, ainsi que les animaux employés, même si chaque membre a droit à un lopin de terre.

Le salaire du kolkozien dépend de sa part de travail par rapport à l’ensemble produit, revendu à l’État. Dans le sovkhoze, au contraire, les membres sont des salariés, l’entreprise étant directement une composante de l’État.

Moderniser les moyens de production, c’est donc permettre aux kolkhozes et aux sovkhozes de produire plus et de se passer des koulaks.

Ces dernier produisaient, en 1927, plus de 600 millions de pouds de blé (1 poud = environ 16 kg) dont environ 130 millions de pouds de blé marchand, alors que les sovkhozes et les kolkhozes ne produisaient que 35 millions de pouds de blé marchand. Ce dernier chiffre passa à 130 millions dès 1929, puis 400 millions en 1930.

En 1930, environ la moitié des exploitations paysannes avaient été collectivisées, contre pratiquement rien en 1928 ; la grande majorité de la production de céréales était désormais réalisée par les kolkhozes.

Les koulaks, parallèlement, n’avaient plus le droit de s’approprier la terre et d’employer de la main d’oeuvre ; leurs propriétés furent saisis par le reste de la paysannerie organisée en kolkhozes.

C’était la fin de la propriété individuelle s’appuyant sur un capital pour exploiter, engendrant par conséquent le capitalisme et menaçant le régime socialiste de restauration capitaliste.

En 1931, dans les principales régions agricoles, les 200.000 kolkhozes regroupaient 80 % des exploitations, et 50 % dans les régions secondaires. Les sovkhozes n’étaient, quant à deux, pour l’instant que 4000. Cependant, les paysans individuels ne travaillaient déjà plus qu’un tiers de la superficie cultivable.

En 1937, les kolkhozes représenteront 93 % de l’agriculture, avec également 99 % des céréales, produisant un quart de plus que toute l’agriculture de 1913. De fait, les terres agricoles elles-mêmes étaient passées de 105 millions d’hectares en 1913 à 135 millions en 1937. 18,8 millions de foyers paysans faisaient partie des kolkhozes.

Le précis d’histoire du PCUS (b) de 1938 donne les chiffres suivants : la production des céréales augmenta de 4 milliards 800 millions de pouds en 1913 à 6 milliards 800 millions en 1937 ; la production de coton brut, de 44 millions de pouds à 154 millions ; la production de lin (fibre), de 19 millions de pouds à 31 millions ; la production de betterave, de 654 millions de pouds à 1 milliard 311 millions ; la production des plantes oléagineuses, de 129 millions de pouds à 306 millions.

En 1933, 17.000 cadres furent envoyés dans les campagnes, pour organiser des sections politiques dans les SMT, les stations de machines et tracteurs, qui étaient au nombre de 2860. Dès 1931, il y avait déjà 281.000 tracteurs et 32.000 moissonneuses-batteuses.

Le second plan quinquennal mis en œuvre fit en sorte que l’on passa de d’une puissance du parc de tracteurs de 2,25 millions de CV en 1932 à plus de 8 millions de CV en 1937.

L’industrialisation se développait de la même manière. Le nombre d’ouvriers et d’employés passa de 14,5 millions en 1930 à 21,8 millions en 1933.

De la même manière, le nombre de personnes sachant lire et écrire passa de 67 % en 1930 et 90 % en 1933.

Le nombre d’élèves dans les écoles passa de 14,3 millions en 1929 à 26,4 millions en 1933 ; le nombre d’enfants en maternelle passa de 838.000 en 1929 à 5,9 millions en 1933.

Le nombre d’établissements supérieurs, généraux et spéciaux passa de 91 en 1914 à 600 en 1933, alors que le nombre d’institutions de recherche scientifique passa de 400 en 1929 à 840 en 1933.

Le commerce coopératif et d’État, avec également les restaurants, vit son chiffre d’affaires passer de 18 milliards 900 millions de roubles en 1930 à 49 milliards en 1933.

Entre 1933 et 1937, les fonds destinés aux salaires passa de 37 à 81 milliards de roubles, et ceux pour les assurances sociales de 4 à 5,6 milliards, alors qu’en 1937 10 milliards furent dépensés pour l’amélioration des conditions d’existence pour les œuvres culturelles, les sanatoriums, les stations de cure, les maisons de repos et l’assistance médicale.

De la même manière, les fonds pour les maternités, les crèches, les jardins d’enfants… passèrent de 875 millions de roubles en 1935 à presque 2,2 milliards.

L’URSS commençait à devenir un pays de culture avancée, où la vie quotidienne était avancée sur le plan de la civilisation.

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L’URSS socialiste et l’affirmation du plan quinquennal

Le succès sur « l’opposition » fut total et marqué, comme pour les socialistes-révolutionnaires de gauche, par l’expulsion hors d’URSS, sur la base de l’article 58 du Code criminel réprimant la « propagande ou agitation en faveur du renversement, de la sape ou de l’affaiblissement du pouvoir soviétique ou pour commettre des actes individuels contre-révolutionnaires ».

L’issue était capitale, l’économie soviétique étant en effet à un tournant. En 1925, l’agriculture dépassait déjà 87 % du niveau d’avant-guerre et la grande industrie pratiquement 75 %.

A la fin de 1927, la partie socialiste de l’économie s’était considérablement renforcée. La part du secteur capitaliste dans l’industrie passa de 19 à 14 % de 1926 à 1927, alors que l’industrie atteignait désormais le niveau de 42 % de l’économie nationale.

Globalement, l’agriculture et l’industrie pris dans leur ensemble avait rattrapé le niveau d’avant-guerre et commençait à le dépasser.

La croissance de l’industrie marquait, de plus, une évolution formidable, étant de 18 % supérieur en 1927 à l’année précédente. A côté de cela, la part du commerce privé dans le commerce en général passa également à 32 %, au lieu de 42 % précédemment, et même de 9 % à 5 % dans le commerce de gros.

La victoire de l’industrie et du secteur socialiste avait cependant un prix : l’arriération de l’agriculture en raison de la petite propriété agricole. L’agriculture était revenue à son niveau d’avant-guerre, pour même le dépasser, mais elle en revenait à ses limites historiques.

Le fait étant criant dans le domaine des céréales qui, quant à lui, n’était qu’à 91 % du niveau d’avant-guerre, le blé marchand pour les villes atteignant péniblement 37 % du niveau d’avant-guerre. Cela signifiait que le moment était venu de procéder à un saut qualitatif dans l’agriculture, afin de rompre avec les méthodes arriérées.

Au 15e congrès du Parti bolchevik, en décembre 1927, Staline expliqua par conséquent :

« Où donc est l’issue ? L’issue, c’est de passer des petites exploitations paysannes dispersées aux grandes exploitations centralisées, basées sur le travail de la terre en commun ; c’est de passer à la culture collective de la terre, basée sur une technique nouvelle, supérieure.

L’issue, c’est de grouper les petites et minuscules exploitations paysannes, progressivement, mais d’une façon constante, — non pas en exerçant une pression, mais par l’enseignement des faits et la persuasion, — en de grandes exploitations basées sur le travail de la terre en commun, par associations, par collectivités, en employant des machines agricoles et des tracteurs, en appliquant les procédés scientifiques d’intensification de l’agriculture. Il n’est point d’autre issue. »

Cette position de Staline était en contradiction flagrante avec ce que prétendait le trotskysme au sujet du régime. Loin d’être l’expression de la petite production, l’URSS partait justement en guerre contre cette forme sociale.

Le trotskysme se révélait ainsi comme une tentative de saboter le passage de la nouvelle politique économique au socialisme. Le congrès décida ainsi d’affirmer que :

« L’opposition a rompu idéologiquement avec le léninisme ; elle a dégénéré en un groupe menchévik, s’est engagée dans la voie de la capitulation devant les forces de la bourgeoisie internationale et intérieure et s’est transformée, objectivement, en un instrument d’une troisième force contre le régime de la dictature du prolétariat. »

Cela se révéla avec une nouvelle forme de trotskysme, formulé par Boukharine et visant à empêcher la socialisation des campagnes, afin de protéger les koulaks, les paysans riches. Selon Boukharine, les capitalistes s’intégreraient pacifiquement dans le socialisme ; il ne fallait pas accentuer la lutte des classes.

Dans ce contexte, les koulaks s’organisèrent pour résister à la vente des excédents de blé, qu’ils accumulaient. Ils procédaient à une lutte de classes acerbes contre les kolkhozes, les formes de coopératives mises en avant par le socialisme. Cela alla du sabotage aux attaques, en passant par les incendies, notamment des centres publics de stockage.

A ces initiatives, l’URSS réagit fermement, en faisant confisquer sur ordre de la justice tous les excédents de blé des koulaks et des spéculateurs en cas de refus de les vendre à l’État sur la base de prix préétablis. Les paysans pauvres recevaient de leur côté 25 % du blé confisqué.

Les koulaks n’étaient pas les seuls à procéder au sabotage. Voici comment le précis d’histoire du PCUS (bolchevik) décrit un phénomène contre-révolutionnaire de la même période :

« La même année, on découvrit une importante organisation de saboteurs parmi les spécialistes bourgeois de Chakhty, dans le bassin du Donetz. Les saboteurs étaient étroitement liés aux anciens propriétaires des entreprises, — capitalistes russes et étrangers, — et aux services d’espionnage militaires de l’étranger. Leur but était de faire échec au développement de l’industrie socialiste et de favoriser la restauration du capitalisme en U.R.S.S.

Les saboteurs conduisaient de façon anormale l’exploitation des mines, en s’employant à diminuer les extractions de charbon. Ils détérioraient l’outillage et la ventilation, ils organisaient des éboulements et des explosions ; ils incendiaient les mines, les usines, les centrales électriques.

Ils freinaient à dessein l’amélioration des conditions matérielles des ouvriers et ils violaient les lois soviétiques sur la protection du travail. Les saboteurs furent déférés en justice et châtiés comme ils le méritaient.

Le Comité central du Parti invita toutes ses organisations à tirer de l’affaire de Chakhty les enseignements qui s’imposaient.

Le camarade Staline indiqua que les bolcheviks dirigeant les entreprises devaient eux-mêmes s’assimiler la technique de la production pour que les saboteurs figurant parmi les anciens spécialistes bourgeois ne pussent plus les tromper ; qu’il fallait hâter la formation de nouveaux cadres techniques recrutés au sein de la classe ouvrière.

Par décision du Comité central, on perfectionna la formation des jeunes spécialistes dans les écoles supérieures d enseignement technique. On mobilisa pour les études des milliers de membres du Parti, d’adhérents des Jeunesses communistes et de sans-parti dévoués à la cause de la classe ouvrière. »

La liquidation du courant de Boukharine permit l’affirmation par le Parti bolchévik de la formidable initiative que fut le plan quinquennal, le premier étant formulé théoriquement en avril 1929 à la 16e conférence du Parti. Cela marquait le saut dans la réalisation de l’économie socialiste, dirigé par un Parti à la lumière du matérialisme dialectique.

1929 fut ainsi « l’année du grand tournant ». Voici comment le précis d’histoire du PCUS bolchevik décrit cette période :

« L’édification industrielle se poursuivait, immense, à travers le pays. Les travaux de construction de la centrale hydroélectrique du Dniepr battaient leur plein.

Dans le bassin du Donetz, on édifiait les usines de Kramatorsk et de Gorlovka ; on reconstruisait l’usine de locomotives de Lougansk, des hauts fourneaux neufs et de nouvelles mines apparaissaient. Dans l’Oural, on édifiait une usine de constructions mécaniques, des groupes d’usines chimiques à Bérezniki et Solikamsk. On élevait l’usine métallurgique de Magnitogorsk.

La construction de grandes usines d’automobiles à Moscou et à Gorki était en train. On édifiait de géantes usines de tracteurs et de moissonneuses-batteuses, une usine monstre de machines agricoles à Rostov-sur-Don. La deuxième base houillère de l’Union soviétique, le bassin de Kouznetsk, prenait de l’extension. En onze mois, on avait vu surgir en pleine steppe, près de Stalingrad, une colossale usine de tracteurs.

Sur les chantiers du Dnieproguès et de l’usine de tracteurs de Stalingrad, les ouvriers avaient battu les records mondiaux de productivité du travail.

L’Histoire n’avait jamais vu encore une construction industrielle d’une envergure aussi gigantesque, un pareil enthousiasme pour bâtir une œuvre nouvelle, un tel héroïsme au travail de la part des masses innombrables de la classe ouvrière.

C’était, dans la classe ouvrière, un véritable élan de travail, qui se déployait sur la base de l’émulation socialiste.

Les paysans, cette fois, emboîtaient le pas aux ouvriers. À la campagne aussi, l’élan de travail avait gagné les masses paysannes qui édifiaient les kolkhoz. La masse de la paysannerie s’orientait nettement vers les kolkhoz.

Un rôle important revint ici aux sovkhoz et aux stations de tracteurs et de machines agricoles (S.M.T.), bien pourvues de matériel. Les paysans venaient en foule visiter les sovkhoz et les S.M.T. ; ils s’intéressaient au fonctionnement des tracteurs, des machines agricoles, ils exprimaient leur enthousiasme et, séance tenante, décidaient d’ « aller au kolkhoz ».

Divisés en petites et en minuscules exploitations individuelles, dépourvus d’un outillage et d’une force de traction tant soit peu convenables, privés de la possibilité de défricher les immenses étendues de terre vierge, privés de toute perspective d’améliorer leurs exploitations, écrasés par le besoin et l’isolement abandonnés à eux-mêmes, les paysans avaient enfin trouvé l’issue, le chemin d’une vie meilleure, grâce à l’union des petites exploitations en associations, en kolkhoz ; grâce aux tracteurs capables de labourer n’importe quelle « terre dure », n’importe quelle friche ; grâce à l’aide que leur apportait l’État en machines, en argent, en hommes, en conseils ; grâce à la possibilité de se libérer du joug des koulaks que le gouvernement soviétique venait juste de battre, de terrasser à la grande joie des innombrables masses de paysans.

C’est sur cette base que commença et que se déploya ensuite le mouvement kolkhozien de masse ; devenu particulièrement vigou­reux à la fin de 1929, il fut marqué par des rythmes d’augmentation des kolkhoz, rythmes inconnus même de notre industrie socialiste.

En 1928, la superficie ensemencée appartenant aux kolkhoz avait été de 1.390.000 hectares ; en 1929, elle fut de 4.262.000 hectares ; en 1930, les kolkhoz pouvaient déjà prévoir la mise en culture de 15.000.000 d’hectares. »

Avec le plan quinquennal, le retentissement de la construction du socialisme en URSS fut mondial.

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L’URSS socialiste: l’effondrement de «l’opposition»

La ligne de Trotsky, Kamenev et Zinoviev ne pouvait conclure qu’à une seule chose : maintenir l’Etat en tant que tel mais ouvrir l’industrie au capitalisme privé, notamment aux capitalistes étrangers, afin qu’ils investissent. C’est en quelque sorte ce que Deng Xiao Ping parviendra à réaliser en Chine populaire dans les années 1980.

Une telle ligne n’avait aucune chance de réussir dans un Parti ayant mené la révolution socialiste et entendant construire le socialisme, à la suite de l’élan donné par Lénine.

En 1921, face aux déviations gauchistes, le Parti bolchevik s’était purgé de 170 000 personnes, le quart de ses effectifs. De telles mesures ne furent pas nécessaires face au trotskysme, bien plus minoritaire.

Ainsi, lors de la tentative de la « plate-forme des 46 » de diffuser ses thèses comme quoi la vie interne du Parti serait morte, en 1924, le XIIIe congrès du Parti bolchevik et le Ve congrès de l’Internationale Communiste écrasèrent sans souci cette « déviation petite-bourgeoise ».

En 1925, à la suite du XIVe congrès du Parti bolchevik, le courant de « l’opposition » parvint à faire en sorte que la direction de la Jeunesse Communiste de Leningrad – nouveau nom de Saint-Pétersbourg – s’oppose aux décisions du dit congrès. Elle fut débarquée et rejetée par élections par 97 % des membres des Jeunesses Communistes.

Par la suite, « l’opposition » produisit des « plateformes » à l’occasion des conférences, tentant de se réorganiser sans succès. Elle finit par se structurer comme une entité clandestine, avec des fractions élaborant une ligne, ayant sa presse, ses cotisations, etc.

La « plateforme des bolcheviks-léninistes (Opposition) », élaborée par Trotsky et Zinoviev, affirmait en 1927 que :

« Les dangers opportunistes dans le PC de l’URSS ont, dans les conditions actuelles, des sources objectives profondes :

1.L’entourage bourgeois mondial, la stabilisation temporaire et partielle du capitalisme créent un état d’esprit de « stabilisation ».

2.Indiscutablement nécessaire en tant que chemin vers le socialisme, la Nep, par le fait qu’elle fait renaître partiellement le capitalisme, anime par là même les forces ennemies (hostiles plutôt) au socialisme.

3.L’élément petit-bourgeois dans le pays qui compte une grosse majorité de paysans ne peut pas ne pas se répercuter non seulement dans les soviets, mais aussi dans le Parti.

4.La situation de parti unique qu’occupe le PC de l’URSS, situation absolument indispensable à la Révolution, crée aussi une série de dangers particuliers. Le XI° Congrès, du vivant de Lénine, indiquait ouvertement qu’il existait à cette époque déjà des groupes importants de gens (parmi les paysans riches, les couches supérieures de fonctionnaires, les intellectuels) qui appartiendraient aux partis socialistes-révolutionnaires, menchéviks, si ces partis étaient légaux.

5.L’appareil d’État, que dirige notre Parti, y introduit à son tour beaucoup d’esprit bourgeois et petit-bourgeois, l’infectant d’opportunisme.

6.Les spécialistes, les catégories supérieures des fonctionnaires et des intellectuels, indispensables à notre édification, font pénétrer dans nos appareils d’État, économique, et du Parti, une influence non prolétarienne. »

En Octobre 1927, finalement, une discussion fut menée dans le Parti bolchevik, avec un vote marquant un résultat écrasant : 724 000 membres soutenaient la direction, contre 4 000 pour le courant de Trotsky, Kamenev et Zinoviev.

Alors, à l’occasion de la grande manifestation pour le 10e anniversaire de la révolution d’Octobre, le 7 novembre 1927, « l’opposition » forma son propre cortège, qui fut refoulée. Le Comité Central décida alors de l’expulsion de Trotsky et de Zinoviev, puis en décembre le XVe congrès prit la même mesure contre Kamenev et d’autres. 898 délégués représentaient 887.233 membres. Seulement 1% des votants s’y opposèrent.

Staline expliqua ainsi le problème : 

« Pourquoi le Parti a-t-il exclu Trotsky et Zinoviev ? Parce qu’ils sont les organisateurs de toute l’œuvre de l’opposition, parce qu’ils ont pour but de briser les lois du Parti ; parce que, dans leur orgueil, ils ont cru qu’on n’oserait pas les toucher ; parce qu’ils ont voulu se créer une situation privilégiée dans le Parti.

Tolérera-t-on, dans le Parti, des grands seigneurs jouissant de privilèges et des paysans qui n’en ont pas ? Est-ce que nous, bolchéviks, qui avons extirpé la noblesse avec ses racines, allons maintenant la rétablir dans notre Parti ? (..).

Si l’opposition veut rester dans le Parti, qu’elle se soumette à la volonté du Parti, à ses lois, à ses instructions, sans réserve et sans équivoque. Si elle ne le veut pas, qu’elle s’en aille là où elle pourra être plus à son aise (..).

On demande quelles sont les conditions. Il n’y en a qu’une : l’opposition doit désarmer entièrement et complètement tant sous le rapport de l’idéologie que de l’organisation (..). Qu’ils fassent ainsi ou s’en aillent du Parti. Et s’ils ne s’en vont pas, nous les mettrons dehors ».

« L’opposition a organisé une fraction, et l’a transformée en un parti au sein de notre Parti bolchévik. Les traditions bolchéviks autorisent-elles un pareille ignominie ? Comment peut-on parler des traditions bolchéviks et admettre en même temps la scission dans le Parti, la formation dans son sein d’un autre parti antibolchévik ?

Ensuite, l’opposition a organisé une imprimerie illégale en s’alliant à des intellectuels bourgeois qui, à leur tour, étaient liés à des gardes blancs avérés. Comment ose-t-on parler des traditions du bolchévisme si l’on tolère un ignominie qui va jusqu’à la trahison directe du Parti et du pouvoir soviétique ?

Enfin, l’opposition a organisé une manifestation dirigée contre le Parti et en faisant appel à des éléments non prolétariens. Comment peut-on parler de traditions bolchéviks quand on fait appel à la rue contre son Parti, contre le pouvoir soviétique ?

A-t-on jamais entendu dire que les traditions bolchéviks autorisent de telles ignominies qui touchent directement à la contre-révolution ? N’est-il pas clair que le camarade Kamenev ne fait valoir ses traditions que pour cacher sa rupture avec elles au nom des intérêts de son groupe antibolchévik ?

Cet appel à la rue n’a rien apporté à l’opposition, car il n’a attiré qu’un groupe insignifiant. Ce n’est pas la faute de l’opposition, c’est son malheur. Que serait-il advenu si l’opposition avait été plus forte ?

L’appel à la rue se serait transformé en une émeute directe contre le pouvoir soviétique. Est-il difficile de comprendre qu’en réalité cette tentative de l’opposition ne se distingue en rien de la fameuse tentative des socialistes-révolutionnaires de gauche en 1918 ? ».

Staline va alors théoriser ce qu’est le trotskysme.

« En quoi consiste l’essence du trotskysme ?

L’essence du trotskysme consiste, avant tout, dans la négation de la possibilité d’édifier le socialisme en URSS par les forces de la classe ouvrière et de la paysannerie dans notre pays.

Qu’est-ce que cela signifie ? C’est que si, dans un proche avenir, le secours de la révolution mondiale victorieuse n’arrive pas, nous devrons capituler devant la bourgeoisie et déblayer la route à la République démocratique bourgeoise.

Ainsi donc, nous avons là une négation bourgeoise de la possibilité d’édifier le socialisme dans notre pays, négation masquée par une phrase révolutionnaire sur la victoire de la révolution mondiale.

Peut-on, avec de telles conceptions, provoquer chez les masses innombrables de la classe ouvrière, l’enthousiasme au travail, l’émulation socialiste, un vaste travail de choc, une offensive largement déployée contre les éléments capitalistes ?

Il est clair que non. Il serait absurde de croire que notre classe ouvrière, qui a fait trois révolutions, développerait l’enthousiasme au travail et un vaste travail de choc, à seule fin d’engraisser le terrain pour le capitalisme. Notre classe ouvrière développe son élan au travail, non pour le capitalisme, mais pour enterrer définitivement le capitalisme et édifier le socialisme en U.R.S.S..

Otez-lui la certitude de la possibilité d’édifier le socialisme, et vous détruirez tout terrain pour l’émulation, pour l’élan au travail, pour le travail de choc.

De là la conclusion : pour provoquer chez la classe ouvrière l’élan au travail et l’émulation, et organiser une offensive largement déployée, il fallait avant tout enterrer la théorie bourgeoise du trotskysme sur l’impossibilité d’édifier le socialisme dans notre pays.

L’essence du trotskysme consiste, en second lieu, dans la négation de la possibilité de faire participer les masses essentielles de la paysannerie à l’édification socialiste à la campagne.

Qu’est-ce que cela signifie ? C’est que la classe ouvrière n’est pas en mesure d’entraîner derrière elle la paysannerie afin d’aiguiller les exploitations paysannes individuelles dans la voie de la collectivisation ; que si, dans un proche avenir, la victoire de la révolution mondiale n’arrive pas au secours de la classe ouvrière, la paysannerie rétablira l’ancien ordre de choses bourgeois.

Ainsi donc, nous sommes là en présence d’une négation bourgeoise des forces et possibilités de la dictature prolétarienne pour mener la paysannerie au socialisme, négation masquée sous des phrases « révolutionnaires » sur la victoire de la révolution mondiale.

Peut-on, avec de telles conceptions, entraîner les masses paysannes dans le mouvement kolkhozien, organiser un mouvement kolkhozien de masse, organiser la liquidation des koulaks en tant que classe ? Il est clair que non.

De là la conclusion : pour organiser un mouvement kolkhozien de masse de la paysannerie et liquider la classe des koulaks, il fallait, avant tout, enterrer la théorie bourgeoise du trotskysme sur l’impossibilité d’associer les masses travailleuses de la paysannerie au socialisme.

L’essence du trotskysme consiste, enfin, à nier la nécessité d’une discipline de fer dans le Parti, à reconnaître la liberté des groupements de fraction dans le Parti, à reconnaître la nécessité de former un parti trotskyste.

Pour le trotskysme, le Parti Communiste de l’U.R.S.S. ne doit pas être un parti de combat, unique et cohérent, mais une réunion de groupes et de fractions avec leurs centres, avec leur presse, etc.

Or, qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie proclamer la liberté des fractions politiques dans le Parti. Cela signifie qu’après la liberté des groupements politiques dans le Parti, doit venir la liberté des partis politiques dans le pays, c’est-à-dire la démocratie bourgeoise.

Nous avons donc, ici, la reconnaissance de la liberté des groupements fractionnels dans le Parti, jusque et y compris l’admission des partis politiques dans le pays de la dictature du prolétariat, reconnaissance masquée par une phrase sur la « démocratie intérieure du Parti », sur l’« amélioration du régime » dans le Parti.

Que la liberté des chicaneries fractionnelles, des groupes intellectuels ne soit pas encore la démocratie intérieure du Parti ; que l’ample autocritique réalisée par le Parti et l’activité prodigieuse des masses d’adhérents du Parti soient une manifestation de la véritable et authentique démocratie du Parti, cela il n’est pas donné au trotskysme de le comprendre.

Peut-on, avec de telles conceptions sur le Parti, assurer une discipline de fer dans le Parti, assurer l’unité de fer du Parti, nécessaire au succès de la lutte contre les ennemis de classe ? Il est clair que non.

De là la conclusion : pour assurer l’unité de fer du Parti et la discipline prolétarienne dans son sein, il fallait avant tout enterrer la théorie du trotskysme en matière d’organisation.

Capitulation en fait, comme contenu, phrases « de gauche » et gestes d’aventurisme « révolutionnaire », comme forme couvrant et exaltant l’esprit de capitulation, qui est son contenu, telle est l’essence du trotskysme.

Cette dualité du trotskysme reflète la situation double de la petite bourgeoisie citadine en voie de se ruiner, qui ne peut souffrir le « régime » de la dictature du prolétariat et s’efforce, ou bien de sauter « d’un coup » dans le socialisme, pour échapper à la ruine (d’où l’esprit d’aventure et l’hystérie en politique), ou bien, si cela est impossible, de consentir n’importe quelle concession au capitalisme (d’où l’esprit de capitulation, en politique).

C’est cette dualité du trotskysme qui explique le fait que ses attaques « enragées » soi-disant contre les déviationnistes de droite, le trotskysme les couronne habituellement par un bloc avec eux, comme avec des capitulards sans masque ».

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L’URSS socialiste et le point de vue de Trotsky

La figure la plus importante du courant refusant de considérer la NEP comme un « sas » au socialisme fut Trotsky. Et il fut par ailleurs par la suite parlé de trotskysme pour désigner les différentes variantes de « l’opposition » au sens du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik).

A la différence de Staline, qui lui était un vieux bolchevik compagnon de Lénine et familier des conceptions de celui-ci, Trotsky était un penseur totalement indépendant par rapport au léninisme, auquel il s’est par ailleurs opposé durant toute la période avant 1917.

Staline, Lénine et Kalinine

Son point de vue est différent de celui de Lénine, fondamentalement, dans la mesure où Lénine voit des étapes dans le processus, là où Trotsky considère qu’il n’y a pas de ruptures dans ce qu’il appelle la « révolution permanente ».

Pour cette raison, aux yeux de Trotsky, l’échec de la révolution mondiale aboutit forcément à une dégénérescence de la situation en Russie, qui n’a pas les ressources pour assumer seule le socialisme.

Il reconnaît que la révolution d’octobre 1917 était juste, et c’est pour cela qu’il a rejoint Lénine. Mais il n’adopte pas le style « dirigiste » du léninisme, qui lui est étranger, lui qui a toujours fait partie du menchevisme, le courant non centralisateur de la social-démocratie russe.

Par conséquent, Trotsky ne croit pas que le capitalisme d’Etat puisse permettre à la formation d’une avant-garde authentique, car il ne place pas l’idéologie au poste de commandement, mais en quelque sorte ce que les trotskystes appelleront par la suite la « démocratie ouvrière ».

Pour Trotsky, en l’absence de révolution mondiale, il ne peut pas y avoir de « révolution permanente » et par conséquent, les cadres communistes ne peuvent que s’embourgeoiser, alors que les plus jeunes ne connaissent pas de périodes révolutionnaires leur permettant de se former.

Le bureaucratisme ne peut que triompher, la paysannerie formant par ailleurs la majorité de la population et ne voulant pas du socialisme. La révolution connaît alors inévitablement, dans la perspective de Trotsky, un coup d’arrêt et une série de reculs.

Léon Trotsky en 1919

Trotsky développera très tôt son approche ; dès le milieu des années 1920 sa conception est totalement développée, même si par la suite il l’approfondira dans différents ouvrages. De fait, dans « Thèses sur la révolution et la contre-révolution », un document de 1926, on retrouve exposée toute sa conception.

Voici ce qu’il dit :

« Dans l’Histoire, les révolutions ont toujours été suivies de contre-révolutions. Les contre-révolutions rejettent toujours la société en arrière, mais jamais au point de départ de la révolution. La succession de révolutions et de contre-révolutions est le produit de caractéristiques fondamentales de la mécanique de la société de classes, seule société ou révolutions et contre-révolutions soient possibles (…).

La paysannerie est une classe précapitaliste (état social). Sous le capitalisme, elle s’est transformée en classe de producteurs de biens à petite échelle, en petite-bourgeoisie agraire. Le communisme de guerre a étroitement comprimé les tendances petites-bourgeoises de l’économie paysanne.

La NEP a revitalisé ces tendances petites-bourgeoises contradictoires au sein de la paysannerie, avec pour conséquence la possibilité d’une restauration capitaliste.

La relation entre prix industriels et agricoles (les ciseaux) devrait s’avérer le facteur décisif dans la question de l’attitude des paysans vis-à-vis du capitalisme ou du socialisme. L’exportation de produits agricoles rend les « ciseaux » intérieurs sensibles à la pression du marché mondial.

Les paysans, ayant reconstitué leur économie comme celle de producteurs privés qui achètent et vendent, ont inévitablement recréé les conditions d’une restauration capitaliste. La base économique de ceci est l’intérêt matériel du paysan pour un prix élevé du blé et des prix bas pour les produits industriels (…).

Il serait erroné d’ignorer le fait que le prolétariat d’aujourd’hui (1926) est considérablement moins réceptif aux perspectives révolutionnaires et aux larges généralisations qu’il ne l’était pendant la révolution d’octobre et dans  les quelques années suivantes. 

Le parti révolutionnaire ne peut pas passivement s’adapter à chaque variation dans l’état d’esprit des masses. Mais il ne peut ignorer non plus des changements produits par des causes historiques profondes.

La révolution d’octobre, à un degré plus élevé que tout autre dans l’histoire, a suscité les plus grands espoirs et passions parmi les masses populaires, tout d’abord les masses prolétariennes.

Après les immenses souffrances de 1917-21, les masses prolétariennes ont considérablement amélioré leur sort. Ils tiennent à cette amélioration, pleins d’espoir quant au développement ultérieur.

Mais en même temps leur expérience leur a montré la lenteur extrême de cette amélioration, qui a seulement abouti maintenant à la restauration du niveau de vie d’avant-guerre. Cette expérience est d’importance incalculable pour les masses, particulièrement la génération ancienne.

Elles se sont développées de façon plus prudente, plus sceptique, moins directement sensible aux mots d’ordre révolutionnaires, moins réceptive, aux grandes généralisations.

Cet état d’esprit, qui est apparu au grand jour après les épreuves de la guerre civile et les succès de la reconstruction économique, n’a pas été encore défait par de nouveaux mouvements des forces de classe – cet état d’esprit constitue l’arrière-plan politique de la vie de parti.

C’est sur lui que le bureaucratisme – comme élément de « loi et d’ordre », de « tranquillité » – s’appuie. La tentative de l’opposition de poser de nouvelles questions devant le parti s’est justement heurtée à cet état d’esprit.

La vieille génération de la classe ouvrière, celle qui a fait deux révolutions, ou au moins la dernière, commençant par 1917, est maintenant nerveuse, épuisée, et, dans une large mesure, craint toute convulsion liée à la perspective de la guerre, du désordre, de la famine, des épidémies, et ainsi de suite.

Tout un tapage est fait à propos de la théorie de la révolution permanente précisément afin d’exploiter la psychologie d’une fraction considérable des ouvriers, qui ne sont pas du tout des carriéristes, mais qui ont pris du poids, fondé une famille.

La version de la théorie qui est utilisée n’est naturellement pas liée aux vieux conflits, depuis longtemps relégués aux archives, mais cela soulève simplement le phantasme de nouvelles convulsions – « invasions héroïques », violations de « la loi et l’ordre », menace des réalisations de la période de reconstruction, d’une nouvelle période de grands efforts et de sacrifices.

La fabrication d’un procès à propos de la révolution permanente est, essentiellement, une spéculation sur l’état d’esprit  de la fraction de la classe ouvrière, y compris des membres du parti, qui est devenue suffisante, a pris du poids, et est devenue semi-conservatrice.

La jeune génération, celle arrivant maintenant à la maturité, manque d’expérience de la lutte de classe et de la trempe révolutionnaire nécessaire. Elle n’examine pas les questions en soi, ainsi que la génération précédente, mais tombe immédiatement dans l’environnement d’un parti et d’institutions gouvernementales puissantes, de l’autorité, de la discipline, etc…

Pour l’instant ceci rend plus difficile que la jeune génération ait un rôle indépendant. La question de l’orientation correcte de la jeune génération du parti et de la classe ouvrière en acquiert une importance colossale.

En parallèle avec les processus indiqués ci-dessus, il y a eu une croissance extrême du rôle joué dans le parti et  l’appareil d’Etat par une catégorie spéciale des vieux bolchéviks, membres ou militants actifs du parti durant la période de 1905 ; durant la période de la réaction ils ont quitté le parti, se sont adaptés au régime bourgeois, et occupé une position plus ou moins importante ; ils étaient défensistes, comme toute l’intelligentsia bourgeoise, et, comme celle-ci, ont été propulsés en avant lors de la révolution de février (ce dont ils ne rêvaient même pas au début de la guerre) ; ils étaient des adversaires résolus du programme léniniste et de la révolution d’octobre ; mais ils sont retournés au parti après que la victoire ait été acquise ou après la stabilisation du nouveau régime, au moment où l’intelligentsia bourgeoise a arrêté son sabotage.

Ces éléments… sont, naturellement, des éléments du type conservateur. Ils sont généralement en faveur de la stabilisation, et généralement contre toute opposition. L’éducation de la jeunesse du parti est en grande partie dans entre leurs mains.

Telle est la combinaison des circonstances qui dans la période récente du développement du parti a déterminé le changement de la direction du parti et le tournant de sa politique vers la droite.

L’adoption officielle de la théorie de « Socialisme dans un seul pays » est la sanction théorique des tournants qui ont déjà eu lieu, et la première rupture ouverte avec la tradition marxiste.

Les éléments militant pour la restauration bourgeoise résident dans : a) la situation de la paysannerie, qui ne veut pas le retour des propriétaires mais n’est pas intéressées matériellement au socialisme (d’où l’importance de nos liens politiques avec les paysans pauvres) ; b) l’état d’esprit de couches considérables de la classe ouvrière, l’abaissement de l’énergie révolutionnaire, la fatigue de la génération plus ancienne, la croissance du poids spécifique des éléments conservateurs.

Les éléments militant contre la restauration sont les suivants : a) la crainte de la part du moujik que le propriétaire ne revienne avec le capitaliste, juste comme il est parti avec le capitaliste ; b) le fait que le pouvoir et les moyens de production les plus importants demeurent actuellement dans les mains de l’Etat ouvrier, bien qu’avec des déformations extrêmes ; c) le fait que la direction de l’Etat demeure actuellement dans les mains du parti communiste, bien qu’il s’y réfracte le mouvement moléculaire des forces de classe et les changements d’état d’esprit politique.

De ce qui a été dit s’ensuit que ce serait une déformation brutale de la réalité de parler de Thermidor comme d’un fait accompli. Les choses n’ont pas été plus loin qu’au niveau de quelques répétitions dans le parti et à la pose de quelques fondations théoriques. L’appareil matériel du pouvoir ne s’est pas rendu à une autre classe. »

Ce point de vue fut bien entendu considéré par Staline et la majorité du Parti bolchevik comme une capitulation devant le passage de la NEP au socialisme. Le conflit entre la majorité du Parti et « l’opposition » devenait inévitable.

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