UJC (ml) : Édifions en France un Parti Communiste de l’époque de la révolution culturelle (1967)

Centralisation et décentralisation

(Homogénéité et Hétérogénéité)

[Tiré de Jeune Garde, n°6, mai 1967. Le point de vue exprimé ici par l’UJCML va à l’opposé de celui du PCMLF.]

II faut constamment avoir à l’esprit les tâches générales que doit être capable de remplir un véritable Parti marxiste-léniniste : le parti marxiste-léniniste doit:

1° être présent dans toutes les classes et couches du peuple, en prenant la direction de toutes les forces populaires qui luttent contre la réaction ;

2° organiser toutes les formes de lutte des classes (politique, économique, théorique, idéologique, armée…

Pour ce qui est du premier point, nous devons le délimiter rigoureusement.

Etre présent dans tous les détachements du peuple est indispensable si l’on veut entraîner dans la lutte pour les transformations nécessaires la majorité réelle ; mais cela ne signifie pas que le Parti Communiste doive organiser directement l’ensemble des classes, couches et groupes sociaux qui, à un moment déterminé, composent le peuple, ni que son implantation dans les différentes catégories du peuple revête la même importance, et puisse être mise sur le même plan.

Il est clair par exemple que l’implantation dans la masse ouvrière occupe la place décisive, et constitue même la pierre de touche du niveau de l’organisation dans son ensemble et de sa capacité révolutionnaire.

De plus, la forme de la présence dans les différentes catégories du peuple n’est pas la même.

Les marxistes-léninistes doivent organiser directement dans le Parti l’avant-garde ouvrière et se fondre solidement dans la masse ouvrière.

Dans certains cas, il leur est indispensable d’agir de même à l’égard d’une autre force révolutionnaire principale (comme cela a été le cas pour la paysannerie en Chine).

Par contre, pour ce qui est des forces secondaires du peuple (catégories de la bourgeoisie ou de la petite-bourgeoisie, étudiants progressistes, certaines catégories paysannes dans les pays où la paysannerie n’est pas dans sa masse une force révolutionnaire principale), la présence du Parti y prend des formes plus souples.

Il s’agit en effet parfois de diriger les luttes progressistes de ces catégories secondaires, ou bien simplement de les connaître, ou bien encore de les associer à titre de force d’appoint aux luttes menées par les forces principales du peuple.

Les méthodes qui permettent cette forme de présence sont l’enquête dans ces catégories du peuple, la direction d’organisations de masses populaires (culturelles, nationales, éventuellement économiques, politiques), et le cas échéant la place donnée dans le Parti à certains éléments avancés de ces diverses catégories.

On ne peut donc mettre sur le même plan la présence du Parti dans les différents détachements du peuple ; mais la nécessité de cette présence ne doit pas nous échapper.

Prenons un exemple concret. Une grève éclate dans une usine de province ou un quartier urbain.

Il est clair que le facteur principal dans cette grève est la façon dont la lutte est menée à l’usine même, la capacité du Parti et du syndicat (ou d’autres formes d’organisation de classe) à organiser correctement l’offensive des ouvriers contre le patron.

Mais, s’il est principal, ce facteur n’est pas le seul, et sa combinaison avec d’autres peut être indispensable au succès : si le Parti, l’avant-garde ouvrière parvient à entraîner un important mouvement populaire d’adhésion à la grève dans la localité, le quartier, la région, cela donnera aux ouvriers un soutien à la fois idéologique, politique et matériel qui peut être déterminant ; cela suppose que, outre son implantation ouvrière, le Parti connaisse les petits-bourgeois, les universitaires, les étudiants, les petits commerçants et artisans, certaines catégories de paysans, et assure parmi eux une certaine forme de présence.

L’expérience montre que le soutien populaire aux grévistes (manifestations de solidarité, aide matérielle, propagande diffusée) est un élément important dans le développement de certaines luttes ouvrières.

Voyons maintenant à quelles conditions le Parti pourra effectivement assurer la direction de toutes les forces populaires et la combinaison juste à chaque moment donné des formes de la lutte des classes.

Pour que le Parti puisse remplir ces tâches fondamentales (dont l’accomplissement le définit en tant que véritable Parti communiste, conjointement avec la justesse de sa ligne politique), il doit parvenir à développer l’unité de deux aspects complémentaires : la diversité des composantes du mouvement et l’unité de leur directions ; en termes organisationnels : la centralisation et la décentralisation (voir le texte de Lénine :  » Lettre à un camarade sur nos tâches d’organisation « ).

Ces deux aspects complémentaires du développement du Parti sont aussi indispensables l’un que l’autre : sans la décentralisation, le Parti sera incapable de mettre en œuvre une ligne de masse ;

il sera incapable de se mettre à la tête de la lutte de l’ensemble du peuple et de souder toutes les classes et couches progressistes en un front uni puissant dirigé par la classe ouvrière ;

il sera incapable de saisir l’état des luttes de classes sous tous leurs aspects : il comprendra les ouvriers, mais non les paysans, les ouvriers de telle branche, mais non les ouvriers de telle autre, les travailleurs manuels, mais non les intellectuels, les étudiants mais non d’autres catégories de la petite-bourgeoisie, etc.,

il sera incapable de déterminer quelle forme de la lutte des classes est, dans le moment actuel, décisive : la lutte économique ou la lutte idéologique ou la lutte armée, etc.,

il sera incapable d’organiser en son sein une juste division du travail et une répartition adéquate des forces militantes qui lui permettent de satisfaire dans des délais aussi brefs que possible des besoins nouveaux nés du développement de la lutte dans son ensemble, et qui donnent brusquement une importance décisive à une forme ou un front de lutte donné : travail dans les organisations syndicales à un moment de développement intense des luttes revendicatives, besoins théoriques urgents dans un domaine déterminé du matérislisme historique ou du matérialisme dialectique, nécessité soudaine d’une organisation rapide du travail clandestin, etc.

Sans la centralisation, le Parti ne sera pas un véritable Parti communiste, un Parti de type nouveau.

Ce sera un vulgaire Parti parlementaire de type ancien, un parti opportuniste divisé en fractions et tendances, un club de discussion incapable de diriger la lutte de tout le peuple ; il ne pourra fondre en un front unique les différentes forces qui composent le peuple ; il sera-incapable d’unir les paysans aux ouvriers en son sein, d’unir en son sein les travailleurs manuels et les intellectuels, de réaliser dans la pratique l’union de la théorie et de la pratique.

Il sera incapable de combiner les différentes lignes d’action dans les différentes classes et couches sociales pour leur donner une orientation commune, qui puisse réaliser l’unité de toutes les classes, sans aplatir ni éliminer les traits spécifiques de chacune d’elles.

La centralisation et la décentralisation sont donc l’une comme l’autre tout aussi essentielles au fonctionnement du Parti Communiste.

Cela signifie-t-il que ces deux aspects soient équivalents, qu’aucun d’entre eux ne soit plus important à telle ou telle étape de l’édification ou du développement du Parti?

Certainement pas.

A regarder les choses de près, il apparaît clairement que la décentralisation – l’hétérogénéité – est l’aspect principal pour certaines étapes données, et que la centralisation (ou l’homogénéité) est l’aspect principal pour d’autres étapes.

Expliquons-nous.

Au moment où les militants marxistes-léninistes ont pour tâche principale d’implanter la théorie marxiste-léniniste sous sa forme la plus générale dans les masses ce qui est le cas quand une longue période de dégénérescence opportuniste a obscurci leur connaissance et les a sevrées d’un mode de pensée correct, au moment où les militants marxistes-léninistes ont pour tâche principale de pénétrer dans les différentes couches du peuple et d’acquérir l’expérience du travail militant dans ces différentes couches et classes ;

au moment où les marxistes-léninistes doivent inventer les formes nouvelles de travail, d’élaboration et d’organisation dans lesquelles se développera la lutte des classes ; à ce moment-là, qui correspond à l’étape de la naissance et de la première implantation du mouvement marxiste-léniniste, étape préalable à la naissance du Parti proprement dit l’exigence de décentralisation et d’hétérogénéité l’emporte de loin sur l’exigence de centralisation (décentralisation doit être pris ici en son sens le plus fort : l’absence de centre unique dans cette étape ;

si le processus d’édification respecte cette exigence, le Parti pourra ensuite appliquer la  » décentralisation  » au sens courant).

L’impératif fondamental de cette étape est que les militants marxistes-léninistes se dispersent dans les masses, non qu’il s’assemblent centralement en un point de fixation.

L’essentiel est que les militants m.-l. acquièrent l’expérience de la lutte dans les milieux divers, les formes d’organisation les plus diversifiées, qu’ils accumulent des forces dans tous les détachements du peuple, qu’ils apprennent à être présents sur tous les fronts de la lutte des classes, même si la rançon de ce travail préliminaire est une apparente incohérence, la constitution de pans d’organisation ayant leurs caractéristiques spécifiques, l’absence de direction centralisée du mouvement dans son ensemble et parfois même d’inévitables malentendus subjectifs entre des militants qui auront connu des expériences diverses ;

ces malentendus seront sans gravité si la volonté d’unité l’emporte et permet de passer correctement à l’étape suivante – d’édification du parti – lorsque les tâches préliminaires d’implantation du mouvement dans les masses sont remplies et que la diversité des expériences, des connaissances et des formes d’organisation fournit un contenu adéquat à l’élaboration de la ligne commune, et assure que la ligne centralement élaborée correspondra aux besoins de tout le peuple et sera effectivement appliquée à la base dans les différents détachements du peuple, par des organisations spécifiques, proches des masses et liées à elles.

Ne pas voir le rôle essentiel de la décentralisation, de l’hétérogénéité dans cette première étape serait une erreur lourde de conséquences.

Une centralisation trop rapide du mouvement dans son ensemble, alors qu’il n’aurait pas enfoncé ses racines dans chaque détachement du peuple, reviendrait à généraliser hâtivement une expérience partielle déterminée, à tenter de plaquer des formes d’organisation et des bribes de ligne nées dans une petite fraction du peuple sur la lutte de classes dans son ensemble ;

cela aboutirait à une direction étroite, qui ne pourrait devenir la direction de l’ensemble du mouvement marxiste-léniniste et des luttes populaires, et cela freinerait en définitive gravement le développement du mouvement et l’édification d’une véritable direction centralisée.

Pour qui veut se donner la peine de raisonner, ceci n’a rien d’extraordinaire : quel sens aurait le mot de centralisation, s’il ne s’agissait de centraliser quelque chose de diversifié, d’hétérogène?

Ce serait vraiment une chose risible que de prétendre se centraliser soi-même, tout seul, ce qui serait le cas d’une organisation marxiste-léniniste représentant une partie du mouvement (a fortiori quand le mouvement pris dans son ensemble n’est pas assez largement implanté), et qui voudrait se transformer d’elle-même en parti.

Pour avoir négligé la décentralisation préalable nécessaire, elle enlèverait toute signification à la centralisation.

La création du Parti ne serait plus cette étape nouvelle et décisive dans laquelle les composantes hétérogènes du mouvement parviennent, par un travail commun et une lutte idéologique conséquente, à forger une unité de pensée d’autant plus précieuse qu’elle combine des expériences diverses, et à mettre sur pied une direction unifiée du mouvement qualitativement supérieure à la somme des organisations existant antérieurement, mais une simple futilité administrative !

Mais il serait tout à fait erroné de ne faire mention que des étapes où la décentralisation et l’hétérogénéité sont l’aspect principal.

Il existe inversement des étapes où la centralisation et l’homogénéité de la direction sont l’aspect principal.

Il s’agit principalement des moments où l’organisation marxiste-léniniste peut et doit se mettre à la tête du peuple pour diriger ses luttes d’une façon unifiée, conformément à une ligne d’ensemble élaborée à partir de l’expérience des masses et de leurs idées ainsi que de la théorie marxiste-léniniste.

Cela suppose bien entendu l’accumulation préalable des forces dans tous les détachements du peuple, dont nous avons parlé plus haut.

Cela suppose également l’unification idéologique des composantes hétérogènes du mouvement.

Il est clair que cette unification idéologique définit la phrase qui précède immédiatement la création du Parti, et que le recensement des moyens concrets qui permettent de l’obtenir est de la plus haute importance.

Lorsque nous disons que dans les premières étapes de son développement, à l’époque du début de son implantation dans les masses, le mouvement marxiste-léniniste doit rester « décentralisé », ou « hétérogène » (pour reprendre la terminologie de lyénine), cela signifie-t-il que toute centralisation en est exclue?

Bien évidemment non. Pour pouvoir agir, chaque détachement du mouvement doit se centraliser ; sans centralisation, il n’y a pas de direction ; lorsqu’un groupe de militants ou une organisation marxiste-léniniste engage une action déterminée sur un front de la lutte des classes ils ont besoin de se centraliser, de réaliser leur unité de pensée et d’action pour mener à bien le travail qu’ils se sont fixés, qui correspond à leurs possibilités effectives.

Nous insistons simplement lorsque nous parlons de « décentralisation » sur le fait qu’il n’est pas encore possible de réaliser une direction centralisée des luttes de classes pour l’ensemble du pays, sous toutes les formes et sur tous les fronts, qu’une telle centralisation resterait formelle, factice et ne correspondrait pas à une capacité effective de direc-tion, à une homogénéité réelle.

La dispersion du mouvement dans les masses signifie qu’il n’y a pas de centre unique du mouvement dans tout le pays, pour ses différentes composantes sociales et locales ; elle ne saurait être confondue avec le désordre et l’absence de méthode ; elle n’exclut pas, mais exige au contraire des niveaux partiels de centralisation, d’organisation et de direction des luttes, correspondant à la réalité du mouvement à chaque endroit et à chaque moment donné.

Elle n’exclut pas la coordination de tous les éléments qui participent au mouvement sur des questions où l’unité de pensée, d’expérience et d’action peut être réalisée plus rapidement que pour d’autres.

Il reste que la création organique d’un centre unique du mouvement pour l’ensemble du pays et des fronts de la lutte des classes (« création du Parti »), la  » centralisation  » au sens fort, correspond à une étape bien déterminée du développement du mouvement dans ses diverses composantes, ses centralisations partielles, ses organisations locales et spécifiques ; les marxistes-léninistes ne s’abaissent pas à jouer sur les mots pour tenter de leurrer les autres et éventuellement eux-mêmes sur l’état réel des îorces qu’ils sont parvenus à accumuler.

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UJC (ml) : Vive l’UJC (ML) ! (1967)

VIVE L’UNION DES JEUNESSES COMMUNISTES (MARXISTES-LÉNINISTES)

[Tiré de Jeune Garde, n°1, mars 1967. Jeune Garde est le journal de la cellule Alfred Gandois de Lyon.]

Sur les ruines de la vieille U. E. C. révisionniste, la cellule Alfred Gandois de l’U. J. C. (M.-L.) se constitue aujourd’hui publiquement.

C’est le fruit d’une lutte de principe menée patiemment dans l’U. E. C. révisionniste.

Cette lutte a commencé par la défense de la formation théorique. En effet il est nécessaire à une organisation d’étudiants communistes, pour rester communiste, d’organiser la formation théorique rigoureuse de ses militants.

Ainsi seulement il est possible de rompre avec l’idéologie spontanée, petite-bourgeoise du milieu étudiant.

Les dirigeants de l’U. E. C., nationaux ou locaux, se refusèrent toujours à organiser une telle formation, et sabotèrent même le travail des camarades qui en étaient chargés.

Il s’institua alors dans l’U. E. C. un style de travail dénué de tout principe, pragma-tiste à courte vue et sectaire.

Incapables d’aborder les problèmes sur le terrain solide du marxisme-léninisme qu’ils avaient révisé, les dirigeants de l’U.E.C. liquidèrent la lutte politique contre les déviations du marxisme-léninisme, l’opportunisme de droite ou de « gauche ».

De droite : après l’élimination des ultra-révisionnistes de la clique Kahn-Forner, on s’est empressé de reprendre leurs thèmes  » humanistes  » et éclectiques qui mettent le Parti de la classe ouvrière à la remorque des intellectuels petits-bourgeois à la Garaudy, de la social-démocratie et de la bourgeoisie libérale.

 » De gauche  » : les explications politiques n’étant pas données, il ne reste aucun moyen d’empêcher que les sentiments révolutionnaires d’un certain nombre de militants soient dévoyés par des dirigeants trot-skystes : on alimente ainsi les groupuscules.

Il était impossible que sur ces bases erronées se maintienne l’unité de l’organisation.

Ainsi, dès le IXe Congrès de l’U. E.C., plusieurs camarades de la direction de ville se virent dans l’impossibilité de poursuivre leur travail dans de telles conditions et poursuivirent la lutte dans leurs cercles.

Le Comité de ville élu ne fut réuni qu’une fois et ses décisions ne furent pas respectées : la vie démocratique de l’organisation était liquidée à son tour.

Dès la rentrée 66, nos cellules marxistes-léninistes – qui s’étaient constituées clandestinement quelques mois auparavant – dirigèrent dans l’U. E. C. parisienne une lutte politique conséquente pour le soutien au peuple vietnamien, pour la défense de la Chine populaire et de sa Révolution Culturelle, contre l’Université de classe.

Alors les dirigeants de l’U. E. C. parachevèrent leur œuvre en dissolvant l’organisation parisienne.

Par là ils organisèrent la scission, se séparaient de toute base militante et donc de la niasse des étudiants progressistes : ils apparaissaient aux yeux de tous comme une clique isolée.

Les étudiants communistes de Lyon surent voir là le couronnement d’une orientation contre laquelle ils s’étaient battus dans leur ville.

Ils s’affirmèrent solidaires de leurs camarades parisiens et furent pour cela  » exclus  » et leurs cercles,  » dissous « .

Ainsi privée de l’essentiel de sa substance militante, l’U. E. C. devenait un cadavre tenu à bout de bras par la direction locale du P. C. F.

Tandis que les camarades  » exclus  » et les cercles  » dissous  » poursuivaient leur activité, constitués en Cercles d’Étude marxiste-léniniste, sous la direction de notre cellule.

Aujourd’hui l’U. E. C. a encore perdu des militants, qui n’acceptent pas de voir sacrifier la lutte antiimpérialiste sur l’autel de l' » unité  » sans principes avec la social-démocratie pro-américaine, et les quelques militants abusés ouvrent de plus en plus les yeux, l’U. E. C. n’a plus rien de communiste ; elle est un groupuscule sans audience, pétri de contradictions.

Seul le soutien occulte de la direction fédérale du Parti révisionniste lui permet de développer son agitation étroitement électoraliste : un luxueux bulletin de ville, le seul jamais paru est centré… sur les législatives !

Feu Nikita Khrouchtchev avait du communisme une idée économiste vulgaire : un plat de goulasch. Ses émules lyonnais prennent la relève et clament leur besoin de  » bonheur « , abstrait et  » pacifique « .

Les marxistes-léninistes répudient cet idéal de bourgeois arriviste. Ils reprennent le drapeau de la lutte communiste; Ils appellent les étudiants progressistes à rejeter leurs illusions, à se préparer à la lutte.

La cellule Alfred Gandois de l’U. J. C. (m.-l.) engage aujourd’hui son combat public : une nouvelle étape commence.

L’U. J. C. (m.-l.) impulse les luttes résolues contre l’impérialisme américain, écartant aussi bien les révisionnistes bêlant pour la  » paix au Viet-Nam  » que les stratèges trotskystes qui prétendent donner à ceux qui se battent des leçons de révolution.

Elle organise le soutien politique militant à la lutte du peuple vietnamien.
Elle soutient les luttes de classe à l’Université, contre l’idéologie bourgeoise et sa variante révisionniste.

Elle soutient les luttes étudiantes qui désignent l’Université pour ce qu’elle est : un appareil répressif aux mains de la bourgeoisie, un appareil qu’il faudra briser et non améliorer.

Elle propage les idées du communisme scientifique parmi les étudiants progressistes par son École lyonnaise de formation théorique et politique et par ses Cercles d’Etude Marxistes-Léninistes.

Elle développe en ses rangs la théorie marxiste-léniniste et l’idéologie prolétarienne.

Ainsi, l’U. J. C. (m.-l.) forme des intellectuels révolutionnaires, capables et désireux de se lier et de se fondre aux luttes de la classe ouvrière et du peuple travailleur.

Elle est une part indissoluble du Parti communiste français marxiste-léniniste à construire.

Cette construction sera une guerre prolongée, nous le savons, nous avons appris dans Lénine à bannir l’impatience.

Les étapes déjà franchies et les succès obtenus, la claire conscience du but à atteindre, nous donnent confiance dans la victoire.

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UJC (ml) : Front uni résolu contre l’impérialisme américain (1967)

[Extrait de Garde Rouge, mensuel de l’Union des jeunesses communistes (marxiste-léniniste), n° 3, janvier 1967. Ce texte est publié en même temps que la formation des Comités Vietnam de Base, qui auront un succès énorme et seront l’ossature initiale du futur mouvement maoïste]

 » Le parti communiste chinois et le gouvernement chinois brandissent toujours plus haut le drapeau de la lutte contre les impérialistes ayant les Etats-Unis en tête, soutiennent entièrement la lutte révolutionnaire de toutes les nations opprimées et défendent la paix mondiale. « 

(Discours de Nguyen Minh Phuong, chef par intérim de la mission permanente du F.N.L. à Pékin, le 19 décembre 1966, à l’occasion du XXIIe Anniversaire de la formation de l’A.P.L. et du VIe Anniversaire de la constitution du F.N.L.)

 » Bien que l’aide matérielle au peuple vietnamien soit importante, c’est la pensée de Mao Tsé-toung qui est, pour nous, le trésor inestimable. « 

(Discours de Tran Tu Binh, ambassadeur de la R.D.V. en Chine, le 19 décembre 1966).

Les camarades vietnamiens sont bien placés pour savoir quelle est la nature de l’impérialisme américain. Leurs déclarations rapportées ci-dessus soulignent avec force les deux principes suivants :

1° Le seul moyen de défendre la paix mondiale est le soutien résolu de la lutte des peuples opprimés contre l’impérialisme américain, fauteur de guerre par nature.

2° Le soutien le plus important est le soutien politique conséquent fondé sur le marxisme-léninisme.

Il s’ensuit que l’action unie contre les agresseurs U.S. n’est possible qu’avec ceux qui le dénoncent comme l’ennemi principal et le combattent résolument.

Elle est impossible avec ceux qui cherchent à s’entendre avec lui aux dépens des peuples révolutionnaires du monde, et qui manigancent un Munich vietnamien.

Depuis deux ans, les dirigeants du P.C.U.S. réclament l’unité d’action pour aider le Vietnam.

Certes, l’unité est une bonne chose, mais, avant de s’unir avec quelqu’un, il faut savoir s’il s’agit d’un ami ou d’un ennemi, si ses buts sont en accord ou en contradiction avec ceux que l’on veut atteindre.

A cette fin, nous examinerons successivement :

a) Les contradictions du monde contemporain et la conception juste du front uni contre l’impérialisme américain.

b) L’idéologie propagée par les dirigeants soviétiques et leur politique face à l’agression américaine au Vietnam.

Les quatre contradictions

Elles opposent :

1° Le camp socialiste au camp impérialiste ;
2° le prolétariat à la bourgeoisie ;
3° les nations opprimées à l’impérialisme ;
4° les pays impérialistes et les groupes monopolistes entre eux.

Ces quatre contradictions sont un  » invariant de toute la période de la crise générale du capitalisme qui s’est ouverte avec la révolution d’Octobre et se poursuivra jusqu’au triomphe mondial du socialisme.

Elles constituent un système lié, chacune d’entre elles étant présente dans toutes les autres.

En voici deux exemples :

a) la contradiction entre les deux camps se manifeste à travers les trois
autres contradictions ;
b) les luttes de libération nationale font partie intégrante de la révolu
tion socialiste mondiale.

Leur caractère et leur développement sont affectés

1° par le soutien du camp socialiste, et la peur des impérialistes de voir ce camp renforcé ;

2° par le soutien des prolétariats des pays capitalistes
avancés ;

3° par les contradictions inter-impérialistes qui favorisent ces luttes.

Le caractère lié du système des quatre contradictions fondamentales explique qu’elles puissent converger.

Actuellement, elles convergent en Asie, en Afrique et en Amérique latine, dans les pays dominés par l’impérialisme, « maillon le plus faible  » de sa chaîne, et  » zone des tempêtes  » du monde.

Autrement dit, la troisième contradiction est celle qui est actuellement la plus explosive.

Front uni anti-américain

Les peuples de ces régions se heurtent partout à l’impérialisme américain, à ses acolytes, à ses fantoches.

Il intervient partout pour réprimer les luttes populaires en tant que gendarme international de la  » civilisation occidentale « .

En même temps, il tente d’imposer son hégémonie aux autres pays impérialistes, ce qui ne va pas sans susciter des résistances.

L’impérialisme U.S. se trouve ainsi à l’un des pôles de chacune des quatre contradictions fondamentales.

Il est possible et nécessaire de l’isoler en réalisant un large front uni.

Celui-ci implique :

– le regroupement de toutes les forces qui s’opposent résolument à l’impérialisme américain.

– la dénonciation de la supercherie que représentent les  » négocia
tions de paix n proposées par Johnson, ou par ses garçons de course britanniques et autres, ainsi que de toutes les tentatives pour lui ménager une  » porte de sortie  » au Vietnam grâce à un compromis sur le dos du peuple vietnamien.

Il y a compromis et compromis

Qu’on nous comprenne bien, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de situations où un compromis soit nécessaire avec l’ennemi ; mais ce sont toujours des compromis tactiques ; des trêves qui ne servent qu’à mieux préparer ses forces pour l’attaque ultérieure.

Un tel compromis s’apparente à une retraite stratégique. Le but de celle-ci, dit Mao,  » c’est de conserver les forces de l’armée et de préparer la contre-offensive « .

Les compromis sans principes sont ceux qui préparent, non la contre-offensive, mais un règlement définitif avec l’ennemi ; c’est-à-dire la capitulation.

Pour des révolutionnaires, renoncer à la révolution, n’est-ce pas capituler ?

C’est cela, et même plus, car il n’y a pas de troisième voie.

On est révolutionnaire ou contre-révolutionnaire.

Celui qui veut faire sa paix avec l’impérialisme est sur le point de passer avec armes et bagages de son côté.

Ce que promet la coexistence…

La dégénérescence des dirigeants du P.C.U.S illustre ce processus.

Depuis le vingtième congrès (février 56), Khrouchtchev, ses successeurs et ses partisans de par le monde, ont expliqué que le but de la politique soviétique était de bannir de la vie sociale, dès aujourd’hui et définitivement, toutes les guerres et pas seulement la guerre atomique.

L’instauration d’une paix perpétuelle est nécessaire, puisque « l’étincelle d’une guerre locale peut mettre le feu au monde  » et détruire l’humanité.

Elle est d’autre part possible avant le triomphe mondial du socialisme et la disparition des antagonismes de classes, notamment grâce à la présence d’hommes d’Etat « raisonnables  » à la tête du principal pays impérialiste (le président Eisenhower  » se soucie autant que nous d’assurer la paix « , disait Khrouchtchev).

Les guerres civiles étant aussi des guerres, ce noble idéal de paix se réalisera d’autant plus facilement que les communistes éviteront d’avoir recours à la violence.

Celle-ci n’est plus nécessaire, car il leur est désormais possible de a conquérir une solide majorité parlementaire  » et de s’en servir pour effectuer pacifiquement le passage au socialisme.

 » La mission historique du prolétariat est de défendre la paix  » et  » la coexistence pacifique est la forme supérieure de la lutte des classes « .

Cette conception de la coexistence pacifique aurait déjà fait la preuve de son efficacité.

Le théoricien soviétique G. Strarouchenko, par exemple, écrivait :

 » A présent la politique de coexistence pacifique […] paralyse l’agression contre-révolutionnaire de l’impérialisme sur toute la terre (sic), favorisant la montée du mouvement révolutionnaire de libération nationale.  » (La Vie internationale, octobre 1963.)

… Ce qu’elle accomplit

Aujourd’hui, avec les exemples du Vietnam, du Laos, du Congo, du Gabon et de Saint-Domingue, cette image idyllique des relations internationales ne semble guère convaincante.

Ce ne sont pas là, d’ailleurs, des échecs contingents de cette politique de  » coexistence pacifique « , mais son résultat direct.

Les dirigeants soviétiques pourraient faire leur la devise de Guillaume le Taciturne :  » II n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. « 

Que  » l’esprit de camp David  » ait été suivi de l’incident de l’U-2, que la rencontre de Vienne n’ait pas empêché le blocus de Cuba, que le traité de Moscou ait conduit à l’agression au Vietnam du Nord, tout cela n’a pas dissipé leurs illusions concernant la possibilité de s’entendre avec les impérialistes.

Se font-ils d’ailleurs des illusions ? Partagent-ils celles que leur propagande répand tous les jours dans les masses ? (Notamment sur la possibilité d’imposer aux impérialistes un désarmement général et complet ?)

Ou bien n’est-ce là qu’un écran de fumée derrière lequel ils poursuivent leur grand dessein qui est le rapprochement avec les Etats-Unis sur le dos des peuples du monde entier ?

Etant donné le principe selon lequel les pays socialistes n’exportent pas la révolution, la coexistence pacifique telle que l’entendent les marxistes-léninistes (maintien du système des quatre contradictions fondamentales, non-franchissement des frontières par des armées) peut être imposée par le rapport des forces.

Par contre, la  » coexistence pacifique  » khrouchtché-vienne (fin de la guerre froide, coopération et amitié avec les impérialistes) suppose l’accord de l’adversaire.

Voyant Khrouchtchev quémander leur amitié, les impérialistes lui ont posé leurs conditions.

Le président Johnson les a formulées dans son message du 21 janvier 1964 à la conférence de Genève :

Nous sommes prêts, dit-il  » à examiner les moyens qui proscriront la menace ou l’usage de la force, directs ou indirects, que ce soit par agression, subversion, ou fournitures d’armes clandestines, pour modifier des frontières ou ^ des lignes de démarcation, pour gêner l’accès à un territoire ; pour étendre le contrôle ou l’administration sur un territoire en remplaçant les autorités établies « .

Ainsi le président Johnson demande au gouvernement soviétique de coopérer avec lui pour proscrire la menace contre les autorités établies.

 » C’est là le véritable problème de fond « , commentait Le Monde.

Partage du monde

Depuis toujours, les réactionnaires ont redouté beaucoup plus la  » subversion  » et l' » agression indirecte  » qu’une guerre de conquête déclenchée par l’U.R.S.S.

S’ils ont claironné qu’elle était une puissance agressive qui aspirait à conquérir le monde, c’était la traduction dans leur langage du fait que l’U.R.S.S. soutenait les luttes révolutionnaires des peuples.

Il faut croire qu’aujourd’hui ils n’ont plus aucune inquiétude à ce sujet. Lorsque à son retour de Moscou, en 1964, la délégation de la S.F.I.O. déclare qu’elle reconnaît la volonté de paix de l’U.R.S.S., on est en droit de se demander qui s’est converti aux conceptions de l’autre.

On est fixé sur cette question en lisant les déclarations enthousiastes de l’ex-chancelier Adenauer, à la suite de l’accord de Tachkent, saluant en TU.R.S.S. un champion de la paix.

Le mot  » paix  » peut-il avoir le même sens dans la bouche des révolutionnaires et dans celle du plus réactionnaire des réactionnaires allemands ?

Peut-on faire l’unité d’action avec ceux qui ont maintes fois proclamé leur volonté de s’entendre et de s’unir avec les impérialistes américains pour le partage du monde ?

Voici ce que déclarait Gromyko le 13 décembre 1962 (lendemain de la crise des Caraïbes) :

 » Nous sommes les pays les plus puissants du monde. Si nous nous unissons dans l’intérêt de la paix, il n’y aura pas de guerre. Et si un fou s’avisait alors de déclencher la guerre, il nous suffirait de le menacer du doigt pour qu’il se calme. « 

 » Si un accord est conclu entre le chef du gouvernement soviétique, Nikita Serguéiévitch Khrouchtchev et le président des Etats-Unis, John Kennedy, il sera trouvé une solution aux problèmes internationaux dont dépend le sort de l’humanité. « 

C étaient là de douces illusions, car les peuples du monde n’ont pas accepté et n’accepteront jamais que leur sort soit décidé par deux hommes cl Etat.

Le développement impétueux de la lutte du peuple vietnamien a quelque peu troublé les projets des khrouchtchéviens.

Les impérialistes préparent l’escalade

Vers la fin de 1963, les Américains commençaient à envisager l’extension de la guerre au Vietnam du Nord pour tenter, par une sorte de fuite en avant, de terminer un conflit où ils sentaient qu’ils s’enlisaient irrémédiablement.

En passant de la guerre spéciale à la guerre classique, ils espéraient que la supériorité en armes leur donnerait la victoire.

Le 9 juin 1964, grâce à une fuite dirigée du Pentagone, le New York Times annonçait que l’état-major américain avait conseillé au gouvernement le bombardement d’objectifs situés au Nord.

Le but de cette annonce et de toute la campagne de déclarations officielles et officieuses dans laquelle elle prenait place était de sonder les intentions de l’U.R.S.S. tout en exerçant un chantage sur Hanoï.

Face à une menace aussi précise, l’Union soviétique avait un moyen infaillible de dissuader les Américains de porter leur coup : déclarer solennellement qu’il serait riposté à toute agression contre la R.D.V., membre du camp socialiste, exactement comme s’il s’agissait de l’U.R.S.S. elle-même, de montrer le sérieux de cette mise en garde en renforçant la défense anti-aérienne au Vietnam avec les engins les plus modernes, en envoyant aussi les unités de la Flotte soviétique munies de fusées devant le golfe du Tonkin.

Non seulement l’U.R.S.S. s’est soigneusement abstenue de prendre ces mesures qui seules pouvaient préserver la paix, mais elle laissait en outre entendre qu’elle se désintéressait de ce qui se^passait en Asie du Sud-Est, en faisant savoir qu’elle envisageait de se démettre de ses fonctions de coprésident de la Conférence de Genève.

Déjà le 24 janvier 1962, le maréchal Malinovski déclarait que la puissance militaire de l’Union soviétique protégeait  » les pays socialistes qui nous sont favorables « .

Ces déclarations et d’autres analogues (cf. Pravda du 7 janvier 1963) ont été interprétées par les experts du Pentagone dans un sens restrictif.

Pour mettre les points sur les i, Valérian Zorine publiait le 30 juin 1964 un article dans les Izvestia, intitulé  » Les Problèmes du désarmement et les manœuvres de Pékin  » dans lequel il affirmait que si la Chine cherche à se constituer un armement nucléaire, c’est parce qu’elle  » vise des buts et poursuit des intérêts particuliers que le camp socialiste ne peut pas soutenir de sa force militaire « .

Cet avertissement voilé tenait compte de certains plans américains.

La revue The Minority of one (dont le comité de rédaction comprend quatre prix Nobel) a publié une enquête dans laquelle on lit :

 » Le débat partiellement public entre le gouvernement et l’armée des Etats-Unis sur le point de savoir si une intervention armée au Nord-Vietnam affaiblirait la pression ennemie contre les forces engagées au Sud ne sert qu’à camoufler une discussion bien plus secrète sur l’opportunité de se lancer dans une guerre bien plus totale contre la République populaire de Chine. « 

Ainsi dans le conflit qui approchait, l’U.R.S.S. dénonçait d’avance la Chine comme étant responsable, et déclarait qu’elle se tiendrait à l’écart.

Répondant le 8 juillet à une note de Hanoï du 25 juin, le gouvernement soviétique se taisait concernant l’aide qu’il pourrait fournir en cas d’agression américaine contre le Nord-Vietnam.

Les dirigeants de Washington interprétèrent l’ensemble de ces faits comme signifiant qu’ils avaient le feu vert pour une telle entreprise.

La suite des événements allait leur donner raison.

N’allez pas trop loin !

A la suite d’un incident inventé de toutes pièces par les Américains, ceux-ci bombardèrent cinq villes du Nord-Vietnam, le 4 août 1964. Comment l’U.R.S.S. a-t-elle réagi? C’est très simple… elle n’a pas réagi. Certes les Izvestia publièrent le 6 août un article sous le titre ;  » N’allez pas trop loin ! « 

Une façon comme une autre de dire que les Américains n’étaient pas allés trop loin.

Position logique d’ailleurs puisque le journal admettait implicitement la véracité du prétexte invoqué par les Etats-Unis, leur objectant seulement qu’on ne saurait parler de légitime défense  » à des milliers de kilomètres du territoire américain « .

Le correspondant de l’agence Chine Nouvelle s’attachait au contraire à montrer toutes les invraisemblances, les contradictions et les absurdités contenues dans la version américaine que les organes relativement sérieux de la presse occidentale commentaient d’ailleurs avec autant de scepticisme.

L’agence Tass, elle, déclarait seulement :  » Les milieux soviétiques autorisés condamnent résolument les actions agressives des Etats-Unis dans le golfe du Tonkin qui conduisent à une aggravation dangereuse d’une situation déjà tendue, n Bref, l’U.R.S.S. ne reprochait aux Etats-Unis que des  » actes  » et des  » démarches inconsidérées ou provocatrices  » (L’Humanité, août 1964) qui accroissent la « tension « .

La presse réactionnaire ne s’y est pas trompée ; France-Soir du 11 août par exemple, déclarait dans un article intitulé  » Russes et Américains, le même but  » :

 » Selon les Américains, la Chine sait maintenant qu’elle ne peut compter sur la protection des moyens nucléaires soviétique si elle s’engage dans une aventure belliqueuse. Soviétiques et Américains paraissent donc avoir pour le moment le même but : le rétablissement de la paix dans le Sud-Est asiatique.

Ils s’entendent sur le dos de Pékin. Il semble même que le président Johnson ait eu des contacts à ce sujet avec Khrouchtchev pendant la crise. « 

Traité de Moscou

Au fait, Khrouchtchev a-t-il fait usage du télétype rouge, quand il en était encore temps (Johnson a prononcé un discours annonçant l’attaque plusieurs heures avant que les bombardiers ne décollent), ou bien a-t-il estimé que le bombardement d’un pays socialiste n’était pas un acte susceptible de mettre en danger la paix mondiale ?..

Au cas où les deux compères se sont parlé, il est d’ailleurs probable qu’ils ont surtout échangé des félicitations à l’occasion du premier anniversaire du traité de Moscou, « grand pas vers la détente et le désarmement général complet  » qu’on fêtait justement en grande pompe en U.R.S.S.

Les impérialistes s’enhardissent

Voyant que, conformément à leurs prévisions, et contrairement à ses assurances, l’U.R.S.S. ne réagissait pas, les impérialistes américains se sont enhardis.

La seule assurance donnée d’ailleurs par les dirigeants soviétiques était  » qu’ils ne resteraient pas indifférents « .

Le président Johnson estima que l’indifférence ou la non-indifférence de Moscou ne ferait pour lui aucune différence.

Dès le mois de septembre, il avait pris la décision de bombarder systématiquement le Nord.

Peut-être parce qu’ils n’étaient pas au courant de cette décision les révisionnistes soviétiques et français ont salué comme une victoire de la paix son succès aux élections présidentielles.

Lorsqu’en mars 1965, les bombardements du Vietnam du Nord devinrent quotidiens,  » les militaires et les politiciens soviétiques joignirent leurs voix pour agiter le spectre de la guerre mondiale plutôt que de souligner les capacités soviétiques d’exercer une pression militaire locale  » remarquait ironiquement un expert du Pentagone, T.W. Wolfe, dans un exposé devant une sous-commission de la Chambre des représentants (11 mars 1965).

La doctrine soviétique : capitulation totale ou destruction totale

Selon la doctrine enseignée dans les manuels de stratégie militaire en U.R.S.S., un conflit local, dans lequel les deux plus grandes puissances mondiales se trouveraient impliquées  » dégénérerait inévitablement en guerre thermo-nucléaire mondiale « . (Cf. Voiennaia Strategia, sous la direction du maréchal Sokolovski, p. 299 de la traduction américaine The Rand Corporation.)

Dès lors, on comprend pourquoi l’U.R.S.S. n’a pas riposté aux bombardements de villes vietnamiennes.

On pourrait se demander simplement s’il existe une ligne dont le franchissement par les agresseurs impérialistes américains entraînerait une riposte soviétique.

Jusqu’en 1964, on pensait que cette ligne entourait le camp socialiste tout entier.

Depuis, on peut croire raisonnablement qu’elle n’englobe que l’U.R.S.S.

Une question surgit alors : si les Américains bombardaient demain Odessa, pourquoi l’humanité entière devrait-elle périr pour venger les habitants d’Odessa ? Leur vie serait-elle plus précieuse que celle des habitants de Dong Hoï ?

A cette question, il y a deux réponses :

1° La vie des habitants d’Odessa est effectivement plus précieuse, car ils sont Russes et non Vietnamiens. Comme disait un journaliste soviétique,  » l’homme de la rue n’a que faire des dogmes subtils, il pense : tant qu’il ne me tombe pas de bombes sur la tête, ça va ! » (France Nouvelle, 25-9-63).

Les dirigeants soviétiques se sont depuis longtemps débarrassés du  » dogme subtil  » de l’internationalisme prolétarien et ne prendront jamais le moindre risque pour défendre même un pays socialiste contre l’impérialisme.

2° II n’est pas vrai qu’un conflit local opposant l’U.R.S.S. aux Etats-Unis dégénérerait nécessairement en conflit thermo-nucléaire.

Cette thèse n’est mise en avant que pour justifier la passivité de l’U.R.S.S. dont le véritable motif est sa volonté de s’entendre et de coopérer avec les Etats-Unis.

Trahir sans en avoir l’air

La défense de la paix passe par la résistance à l’impérialisme. Le vrai problème est celui de savoir si l’on veut lui résister et si l’on se tient prêt à lui résister.

A chaque agression des Etats-Unis, à chaque franchissement d’un degré de l’escalade les dirigeants soviétiques ont été pris au dépourvu.

Ni sur le plan matériel ni sur le plan idéologique, ils ne s’étaient préparés à y faire face. Comment le pourraient-ils si on considère que depuis plus de dix ans les faits ont constamment démenti leurs analyses ?

Celles-ci n’ont d’ailleurs pour eux qu’une fonction apologétique.

Leur problème est : comment coopérer avec les impérialistes tout en gardant leur influence sur une partie au moins du mouvement communiste international ?

Cette influence accroît leur  » pouvoir de marchandage  » avec leurs  » partenaires  » américains.

Elle leur est en outre nécessaire pour rendre service à ces derniers.

Ils ont imaginé pour tromper les peuples deux énormes duperies :

– les prétendus obstacles mis par la Chine au passage sur son territoire de l’aide soviétique au Vietnam ;

– l’unité d’action pour aider le Vietnam.

 » Plus le mensonge est gros, plus il est efficace  » (Goebbels).

Examinons la première affirmation. Depuis Je mois de mars 1965, les hauts fonctionnaires soviétiques ont soufflé aux correspondants occidentaux à Moscou l’information selon laquelle la Chine s’opposerait au transit des armes expédiées par l’U.R.S.S., alors qu’en fait la Chine fait parvenir tout le matériel qu’elle reçoit d’urgence, en priorité absolue, et gratuitement.

La presse révisionniste reproduisait les dépêches des agences occidentales, datées de Moscou, qui pourtant étaient contredites par les déclarations conjointes soviéto-vietnamiennes selon lesquelles le programme d’aide au Vietnam se déroulait comme prévu.

En janvier 1966 le gouvernement chinois remit au gouvernement soviétique une note lui demandant de démentir  » les fausses rumeurs sur les prétendus sabotages par la Chine de l’aide au Vietnam du Nord « .

Moscou refusa de recevoir cette note pour ne pas être obligé de répondre dans un sens ou dans un autre.

En mars 1966, les dirigeants du P.C.U.S. ont envoyé une lettre aux partis communistes d’Europe orientale qui reprenait les mêmes accusations.

Cette lettre fut reproduite par Die Welt et par Le Monde et n’a jamais été désavouée.

Enfin, le maréchal Malinovski, dans un discours prononcé le 20 avril 1966 à Budapest, eut le courage (ou le cynisme) de prendre la responsabilité de ces calomnies.

Il reçut la riposte qu’il méritait. Le 4 mai, un porte-parole chinois le qualifiait de  » menteur « , faits à l’appui.

Sans user d’expressions aussi virulentes, le Premier ministre vietnamien Pham Van Dong remercia, dès le 25 avril la Chine pour  » son assistance efficace, ainsi que pour son aide dévouée dans l’acheminement des secours envoyés par l’Union soviétique et les autres pays européens fraternels « .

Par la suite, les camarades vietnamiens ont démenti à plusieurs reprises les allégations calomnieuses mises en circulation par les renégats soviétiques.

C’est ainsi quelle 19 juin 1966, l’agence vietnamienne d’information communiqua :  » Récemment un certain nombre d’agences occidentales ont propagé la rumeur selon laquelle le matériel de l’aide militaire de l’Union soviétique rencontre actuellement des difficultés entravant son transit à travers la Chine […] les susdites informations ne sont qu’une fable inventée de toutes pièces, suscitée par de mauvaises intentions de provocation.  » (Voir le texte complet, ainsi que la déclaration du général Giap, dans Garde Rouge n° 2.)

Les révisionnistes, néanmoins, continuent à répéter imperturbablement les mêmes mensonges, conformément au précepte :  » Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. « 

Un aveu

Ce qu’il faut retenir de cette affaire, ce n’est pas le caractère ignoble des procédés auxquels a recours la clique dégénérée à la tête du P.C.U.S., mais l’aveu implicite qu’ils contiennent.

C’est la faute de la Chine si le Vietnam reçoit une aide insuffisante, semblent dire les révisionnistes.

C’est qu’en effet le Vietnam reçoit une aide très inférieure aux possibilités de l’U.R.S.S., aussi bien en quantité qu’en qualité.

Tandis que les impérialistes font le maximum pour gagner la guerre, l’U.R.S.S. fait le minimum nécessaire pour masquer sa collusion avec eux.

Washington lui sait même gré de cette  » aide  » et proclame à toute occasion que la guerre au Vietnam ne devrait pas empêcher le resserrement de la coopération soviéto-américaine.

Une défense anti-aérienne périmée

Considérons la défense anti-aérienne.

Depuis 1962, les Soviétiques affirment qu’ils possèdent des fusées antifusées. Or il est mille fois plus difficile d’atteindre en vol une fusée qu’un avion.

Aujourd’hui l’U.R.S.S. est en train d’installer ces fusées autour de ses grandes villes.

Ces dispositifs sont tellement coûteux que les Etats-Unis ont reculé devant la dépense, et ont renoncé à les installer.

Donc les fusées anti-fusées soviétiques ont une efficacité suffisante pour justifier de tels sacrifices.

N’est-il pas étonnant de constater que l’ensemble de la défense anti-aérienne vietnamienne a rarement infligé aux pirates américains des pertes excédant 1,5 % ?

C’est que les fusées fournies par l’U.R.S.S. datent de 1958 et sont totalement périmées.

Selon les experts militaires français, les fusées antiaériennes ordinaires, dont dispose la France, sont capables d’abattre 80 % des avions assaillants.

Nous pouvons donc supposer raisonnablement que les fusées soviétiques sont capables d’en abattre au moins 60%, même si elles étaient servies par un personnel vietnamien insuffisamment entraîné.

Cette proportion aurait été encore plus élevée si l’U.R.S.S. avait formé les servants avant les bombardements.

Dans ce cas, il est même certain que ceux-ci n’auraient pas été lancés en premier lieu.

La guerre froide : un malentendu

C’est encourager l’agression que de ne pas se préparer à y résister.

Mais comment les dirigeants soviétiques pourraient-ils empêcher les impérialistes de leur ravir l’initiative, quand ils ont toujours considère la guerre froide comme un malentendu que des tête-à-tête entre hommes d’Etat suffiraient à dissiper ? (Voir l’esprit de camp David, qui a longtemps hante la propagande révisionniste.)

Lorsque Mao dit :  » Quel que soit le moment où éclatera la guerre civile, nous devons nous tenir prêts.

Pour le cas ou elle arriverait tôt, mettons demain matin, nous devons aussi être prêts « , il semble énoncer un lieu commun analogue à celui de Démosthène disant :  » Ceux qui savent faire la guerre précèdent les événements au Heu de les suivre.  » Certes, cette idée n’est pas difficile à comprendre ; encore faut-il considérer l’ennemi comme un ennemi.

Les dirigeants soviétiques à l’abri de toute attaque contre leur territoire, grâce à leur armement moderne, ne croient pas que leurs intérêts nationaux soient par ailleurs toujours opposés à ceux des Etats-Unis.

Ils évitent de donner au Vietnam des moyens susceptibles de faire trop de mal aux Américains.

Cela compromettrait leur bonne entente avec eux.

Même sur le plan quantitatif, l’aide soviétique est ridiculement insuffisante, a Durant l’année 1965, la Chine a transporté au Vietnam quelque 43 000 tonnes de matériel soviétique  » déclara un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Chine le 4 mai 1966.

Jean Baby (La Grande Controverse sino-soviétique, p. 219), qui cite cette déclaration, remarque:  » A titre de comparaison, les Américains ont envoyé 800 000 tonnes de matériel militaire par mois, sans compter les bombes transportées par les avions de la Septième Flotte. « 

Le porte-parole chinois ajoutait la précision suivante : K Pour le premier trimestre 1966, l’U.R.S.S. a demandé à la Chine 1730 wagons pour le transport de matériel militaire.

La Chine a donné son accord et préparé les wagons ; toutefois les livraisons effectuées n’ont représenté que 536 wagons.  » (Cité par Jean Baby, ibid.)

Les dirigeants soviétiques aident les Etats-Unis à déplacer leurs forces d’Europe en Asie en leur faisant concession sur concession sur les questions de l’Allemagne et de Berlin-Ouest.

N’ont-ils pas renoncé à signer un traité de paix séparé avec la R.D.A. ?

Eux-mêmes ont déplacé des troupes d’Europe centrale en Extrême-Orient. Conjointement avec les impérialistes, ils contribuent à l’encerclement de la Chine, base rouge des peuples révolutionnaires.

Coordination ou arrêt de polémiques

Maintenant, les révisionnistes reprochent à la Chine de ne pas coopérer avec les autres pays socialistes pour coordonner l’aide au Vietnam.

Que signifie cette accusation ?

« La Chine fournit au peuple vietnamien une aide que seules ses possibilités limitent  » selon Le Quotidien du Peuple du 14 juin 1965.

Les Soviétiques n’ont pas osé faire une déclaration pareille.

Selon l’évaluation des experts américains, la Chine fournirait une aide au moins égale en valeur à celle de l’U.R.S.S. (quelque 500 millions de dollars) bien que sa production industrielle soit quatre fois moindre.

Nous avons vu que la Chine n’empêche pas l’aide des autres pays socialistes de parvenir à destination.

A quoi donc servirait la  » coordination  » que réclament à cor et à cris les Soviétiques puisqu’elle n’accroîtrait ni l’aide chinoise, ni la leur ?

Elle servirait uniquement à obtenir de la Chine un satisfecit implicite concernant la politique soviétique au Vietnam.

Ce ne serait ni plus ni moins que l’arrêt des polémiques que demandent désespérément les renégats du Kremlin depuis 1963, c’est-à-dire depuis qu’ils ont eux-mêmes déclenché la polémique publique contre les marxistes-léninistes.

Or, la lutte conséquente contre l’impérialisme est inséparable de la lutte contre le révisionnisme et l’opportunisme.

Cela est une position de principe énoncée déjà par Lénine.

Un nouveau Tachkent

Les révisionnistes ne soutiennent pas politiquement la lutte du peuple vietnamien. Ils proclament son  » droit à la paix « .

Mais ils ne proclament pas son droit à une paix juste, fondée sur les quatre points de la R.D.V.N. et les cinq points du F.N.L.

Ils mettent unilatéralement l’accent sur les souffrances du peuple vietnamien, et sur le danger de la guerre mondiale, mais passent sous silence le caractère invincible de la guerre juste qu’il mène contre l’agresseur.

Ils qualifient le F.N.L. de  » représentant « , non de seul représentant authentique du peuple vietnamien.

Ils présentent comme seule condition de l’ouverture des négociations l’arrêt des bombardements et l’engagement de la part des Américains de retirer leurs troupes, et non le retrait préalable de celles-ci exigé par les Vietnamiens.

Ils dénoncent du bout des lèvres la supercherie des propositions de paix américaines (tout en pratiquant en grand la diplomatie secrète avec lui) mais se taisent sur les agissements de ses fidèles commis, la clique Tito-Gandhi.

Ils préparent ainsi l’opinion à un nouveau  » Tachkent « , c’est-à-dire à un accord fondé sur le maintien du statu quo territorial et des lignes de démarcation (le dix-septième parallèle !) ce qui livrerait le Sud-Vietnam à la domination impérialiste, de même que l’accord de Tachkent a livré le peuple du Cachemire à l’oppression du chauvinisme indien.

Ils ne cachent même pas leurs intentions.

En mars 1966, n’ont-ils pas publié dans Les Temps nouveaux (n° 6) un article déclarant que  » deux voies s’offrent au monde, celle de Tachkent ou celle du Vietnam ?

Lutte contre les agents de l’impérialisme

Si l’U.R.S.S. fournit au Vietnam une aide très insuffisante et très limitée (de vieux stocks d’armes périmées) c’est pour accumuler un capital politique afin de peser le moment venu en faveur d’une solution qui offrirait selon l’expression de Kossyguine  » une porte de sortie aux Etats-Unis « .

Mais les impérialistes ne cherchent pas une porte de sortie, ils veulent la victoire.

La porte de sortie que voudraient leur offrir les révisionnistes correspond à leur objectif fondamental : le maintien sous leur domination du Sud-Vietnam.

Comment pourrait-il y avoir de front uni sur cette base ?

Consentir en outre à l’arrêt de la polémique, ce serait désarmer idéologiquement les peuples et les livrer à la pénétration de l’idéologie bourgeoise et de son auxiliaire le révisionnisme.

Comme a dit le journal vietnamien Tarn Viet Hoa (le 13 juillet 1966)  » seuls sont de vrais révolutionnaires, ceux qui combattent résolument l’impérialisme américain, tandis que les révisionnistes modernes sont parvenus à un compromis avec l’impérialisme américain, et sont des renégats qui mettent des bâtons dans les roues de la révolution « .

Pour conclure, les révisionnistes n’ont pas de place dans un front uni contre l’impérialisme américain pour la bonne raison qu’ils en sont les agents au sein du mouvement ouvrier !

Comme disait Lénine :

 » La lutte contre l’impérialisme, si elle n’est pas indissolublement liée à la lutte contre l’opportunisme, est une phase vide et mensongère « . (L’impérialisme, stade suprême du capitalisme.)

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UJC (ml) : Première résolution politique (1967)

RÉSOLUTION POLITIQUE DE LA Ière SESSION DU Ier CONGRÈS DE L’U. J. C. (m.l.)

[Tiré des Cahiers Marxistes-Léninistes, n°15, janvier-février 1967.]

Les principes et les thèses qui constituent la résolution de la première session du premier Congrès de l’U. J. C. (m.-l.) ont guidé notre lutte contre le révisionnisme dans l’U. E. C., organisation étudiante du P. C. F. révisionniste. Cette lutte est aujourd’hui victorieuse : l’U. E. C. n’existe plus; la majorité réelle des étudiants communistes se sont placés sur les positions du marxisme-léninisme.

Cependant, la fin de la lutte interne ouverte à l’U. E. C. n’est pas le commencement de notre lutte organisée marxiste-léniniste.

Notre organisation, qui a déjà tenu l’an dernier sa première Conférence nationale, est née de la lutte contre le révisionnisme ; ses formes premières correspondaient aux premières étapes de la lutte contre le révisionnisme ; la première session du premier Congrès de l’U. J. C. (m.-l.) marque seulement, pour la plus grande partie de nos cellules, la fin de l’étape de la lutte interne ouverte.

D’autres cellules pourtant continuent la lutte interne conséquente, dans des conditions spécifiques.

Les principes et les thèses de la résolution guident notre organisation dans son ensemble : nos cellules ont réalisé ces principes et ces thèses conformément à l’inégal développement des idées du marxisme-léninisme, et de l’action marxiste-léniniste.

Les principes sont la vérité universelle du marxisme-léninisme, condition nécessaire de l’action révolutionnaire victorieuse, guide de cette action. Ils sont communs au mouvement communiste international marxiste-léniniste.

Les thèses sont la réalisation de ces principes dans les conditions concrètes de notre lutte, dans une formation sociale capitaliste monopoliste où le parti de la classe d’avant-garde, le P. C. F., a trahi les intérêts de la classe ouvrière et du peuple travailleur.

Mais ces thèses ne sont pas un programme, de même que nous ne sommes pas un parti.

En effet, la tâche que s’est fixée notre organisation dans la première phase de son action, était de distinguer, par la lutte, des éléments révolutionnaires dans un  » milieu  » social spécifique : les étudiants.

Ce qui ne pouvait se faire qu’en traçant une ligne principale de démarcation entre marxistes-léninistes et révisionnistes, une ligne secondaire de démarcation entre marxistes-léninistes et opportunistes divers de droite et de gauche.

La démarcation se fait par le moyen de formes diverses de lutte. Il ne suffit pas de se dire marxiste-léniniste, ni même de le dire, encore faut-il inventer les méthodes qui réaliseront dans la pratique les conceptions théoriques marxistes-léninistes.

Il faut une tactique correcte et ferme, il faut former des militants qui l’assimilent activement, qui aient dans les limites fixées par cette tactique une initiative effective.

Les marxistes-léninistes à l’U. E. C. ne pouvaient pas lutter pour gagner les éléments moyens, c’est-à-dire des communistes fortement enclins à suivre la direction révisionniste, de la même façon que les marxistes-léninistes dans des organisations ouvrières du P. C. révisionniste.

Les marxistes-léninistes, dans les villes universitaires de province, n’avaient pas les mêmes moyens qu’à Paris, et à Paris, même, le niveau de conscience était inégal.

Il fallait analyser concrètement ces inégalités et déterminer la tactique qui en découlait.

Seule cette tactique, que le rapport politique d’activité expose par ailleurs, allait permettre de démarquer victorieusement les marxistes-léninistes des révisionnistes.

(…)

Le nouveau Parti naîtra de la fusion d’éléments de forces marxistes-léninistes, nés dans la lutte contre les organisations révisionnistes, chez les ouvriers, les paysans pauvres, les intellectuels et les étudiants révolutionnaires.

La rupture avec les révisionnistes se fait, en effet, de manière inégale.

Dans un deuxième temps, quand toutes les conditions de préparation seront réunies, ces éléments de force marxiste-léniniste se conjoindront en un puissant parti marxiste-léniniste, puissant parce que lié aux éléments avancés de la classe ouvrière et du peuple travailleur.
Le procès de la constitution du Parti implique l’établissement d’un programme.

De même qu’un Parti ne se crée pas sur simple décret, un programme ne s’invente pas. Il requiert de longues enquêtes dans les masses ouvrières et travailleuses, enquêtes guidées par la théorie scientifique et les principes de la ligne de masse.

L’U. J. C. (m.-l.) est un élément de la force marxiste-léniniste qui doit être constituée.

Elle est née et doit se développer conformément aux principes jusqu’ici défendus.

1° L’U. J. C. (m.-l.) doit diriger la lutte des classes à l’université et dans la jeunesse ; elle doit mener une lutte idéologique intransigeante contre l’idéologie bourgeoise et son complice, révisionniste, contre l’idéologie petite-bourgeoise : particulièrement l’idéologie pacifiste, humaniste et spiritualiste.

Elle doit développer les idées du communisme scientifique.

2° Pour ce faire, l’U. J. C. (m.-l.) doit continuer à progresser dans la formation théorique et politique de ses militants.

Elle doit créer une université rouge qui pourra se mettre au service des ouvriers avancés, de tous les éléments révolutionnaires.

3° L’U. J. C. (m.-l.) doit être à la tête des luttes anti-impérialistes dans la jeunesse, à la tête du front uni de la jeunesse contre l’impérialisme américain, ennemi principal des peuples du monde entier.

L’U. J.C. (m.-l.) contribuera de toutes ses forces à imposer contre toutes les manœuvres confusionnistes et provocatrices un soutien puissant, sans réserves, à la guerre populaire que mènent victorieusement nos camarades vietnamiens.

L’U. J. C. (m.-l.) impulsera les luttes contre l’impérialisme français.

4° L’U. J. C. (m.-l.) contribuera à former des intellectuels révolutionnaires qui se lieront aux ouvriers et au peuple travailleur. Elle instituera de nouvelles formes d’organisation qui rendront possible la réalisation de cette tâche.

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UJC (ml) : Une grande victoire du marxisme-léninisme (1966)

UNE CATASTROPHE POUR LE RÉVISIONNISME FRANÇAIS ; UNE GRANDE VICTOIRE DU MARXISME-LÉNINISME !

[Tiré de Garde Rouge, n° 2, décembre 1966. Ce texte suit la décision d’une centaine de militants de l’Union des Etudiants Communistes de former l’UJC(ML).]

 » Garde Rouge  » devient le mensuel de l’Union des jeunesses communistes (marxistes-léninistes) de France. Une longue lutte, dirigée par les marxistes-léninistes, commencée il y a près de deux ans dans l’U. E. C. – organisation étudiante du P. C. F. – est arrivée à son terme.

L’U. E. C. n’existe plus, elle a été vidée de toute substance. A sa place, mais sur un autre terrain, le terrain solide du marxisme-léninisme, une organisation naît : l’U. J. C. (m.-l.).

Il nous faut expliquer le principe de cette lutte qui a passé par différentes phases jusqu’à aujourd’hui : c’est la meilleure introduction à ce numéro national de  » Garde Rouge « .

En outre, cette lutte a une portée qui dépasse les limites de l’action marxiste-léniniste dans la jeunesse.

Le principe qui nous a guidés fut et reste le suivant : la démarcation entre marxisme-léninisme et révisionnisme revêt des formes concrètes variées.

Il est faux de croire qu’elle signifie la même chose dans les différentes organisations dirigées par les révisionnistes : chez les ouvriers, les paysans, les intellectuels et étudiants révolutionnaires, des formes inédites, inégalement développées, doivent naître, produits d’une lutte dans les organisations révisionnistes pour la direction des éléments avancés de ces organisations et du milieu concerné.

La rupture entre marxistes-léninistes et révisionnistes constitue un procès complexe : il combine des formes de lutte théorique et idéologique, politique, interne, externe.

Dans un deuxième temps, ces forces se conjoindront, lorsque la préparation sera suffisante, en un puissant Parti Marxiste-léniniste lié à la classe ouvrière, aux masses du peuple travailleur.

Dans chaque cas, l’avant-garde marxiste-léniniste doit déterminer concrètement le niveau de conscience de la majorité réelle des militants, ceux qu’elle doit gagner ; elle doit définir le point décisif à partir duquel elle peut entraîner, sous sa direction, la grande majorité des militants dupés par le révisionnisme, les entraîner dans la lutte théorique, idéologique ou proprement politique.
La pointe de cette lutte est dirigée contre la clique révisionniste.

Celle-ci est, au fond, isolée : mais pour que l’isolement soit effectif, patent, profond, il faut lutter avec principe et conscience.A l’U. E. C. révisionniste, siège de tous les opportunistes de droite et de gauche, le point décisif, qui devait permettre le regroupement des marxistes-léninistes, fut : la défense de la théorie contre les liquidateurs.

La bataille de la formation théorique fut une lutte aiguë contre le révisionnisme : elle était directement politique. Sa vertu éducative fut telle qu’aujourd’hui, chez les étudiants, on sait que les révisionnistes sont théoriquement des bouffons.

Cette lutte contre l’humanisme, l’éclectisme, la sophistique, l’infantilisme produisit des effets extrêmement importants. Le terrain était préparé pour que se développât le marxisme-léninisme ; le terrain était miné pour le révisionnisme.

Grâce aux écoles de formation théorique, à la critique impitoyable de tous les liquidateurs, les étapes suivantes étaient rendues possibles. L’étape ultérieure connut une deuxième offensive des marxistes-léninistes. : la bataille sur les principes marxistes-léninistes d’organisation.

Contre les liquidateurs révisionnistes dont le seul recours était la dissolution, contre les opportunistes de gauche, trotzkistes ou trotzkisants qui prônaient la démocratie des fractions, les marxistes-léninistes s’en tinrent au léninisme : à la pratique de l’argumentation, faits à l’appui, menée avec principe ; au refus du fractionnement politique, à l’unité de pensée et d’action.

Toutes leurs initiatives étaient parfaitement maîtrisées : quand les révisionnistes jetèrent, dans les bras du trotzkisme, les militants, écœurés par leur pratique, du secteur Lettres, l’an dernier, les marxistes-léninistes les dénoncèrent fermement ; dans le même temps, ils menaient la critique du trotzkisme dans les écoles et cercles.

Ils tenaient à montrer dans les faits, à la majorité des étudiants communistes, que l’opportunisme de droite engendre nécessairement l’opportunisme de gauche.

Cette étape s’achève avec le C. C. d’Argenteuil et le IXe Congrès : condensant leurs critiques et leurs luttes, concentrant leurs forces contre les liquidateurs, les marxistes-léninistes, s’organisant sur des bases marxistes-léninistes, parallèlement à l’U. E. C., préparent la lutte sur tous les fronts contre le révisionnisme : la brochure Faut-il réviser la théorie marxiste-léniniste ? marque ce passage.

Enfin, dès la rentrée d’octobre, la lutte contre les anti-communistes de la clique Hermier-Cathala et autres éléments dégénérés entre dans sa phase explosive : les attaques aussi calomnieuses que grotesques contre la Grande Révolution Culture Prolétarienne, l’abandon toujours plus manifeste du soutien à l’héroïque peuple vietnamien, l’inactivité totale de la bande de fonctionnaires corrompus, Hermier, Cathala et autres, constituent le fond à partir duquel vont progressivement et rapidement se détacher les 95 % des étudiants communistes à Paris, la majorité des étudiants en province, dont la lutte se développe, du fait de l’isolement soigneusement ménagé par les liquidateurs, en un rythme moins égal.

La débâcle était consommée pour les révisionnistes : les cercles, unanimes, s’élevaient les uns après les autres contre les menées scissionnistes de la clique dirigeante.

Les marxistes-léninistes veillaient à distinguer jusqu’au bout les révisionnistes avérés – les éléments dégénérés – de tous ceux, les 95 %, qui pouvaient être gagnés : de la catégorie des militants les plus avancés à celle des révisionnistes écœurés remettant en cause le révisionnisme avec une rapidité surprenante.

Cette action fut excellente.

Pour en témoigner, il suffira d’établir deux indices :

– D’une part, l’unanimité réelle partout dans les cercles et secteurs.

Cette unanimité n’a été rendue possible que grâce à l’unité de pensée et d’action des éléments marxistes-léninistes avancés, organisés.

-D’autre part, le meeting du 6 décembre à la salle des Horticulteurs, à Paris :  » Marxisme-léninisme ou révisionnisme, qui sont les scissionnistes ? « 

Le Parti révisionniste avait mobilisé ses fonctionnaires, éléments importants de sa base sociale : l’aristocratie ouvrière ; il avait certainement dupé des militants communistes honnêtes qui se sont retrouvés, sans encore le savoir, dans la compagnie de ces dégénérés de la Fédération de Paris ou de la rue Humblot (siège de l’ex-U. E. C. F., du Parti ex-P. C. F.).

Le Parti révisionniste a peur de la vérité, peur des masses, peur de la vérité assimilée par les masses, force matérielle invincible.

Il a cru s’en tirer en ridiculisant un ancien grand dirigeant, Jacques Duclos, qui, le matin même, dans  » L’Humanité « , avait tenu à s’associer aux renégats actifs. Il a cru s’en tirer avec des hurlements, des coups et surtout avec le vieux cri de guerre de la bourgeoisie, de tous les réactionnaires :  » Vendus  » ! Les révisionnistes oublient tout ; ils ont oublié la naissance du Parti Communiste ; alors, l’oeil, pour la bourgeoisie, était, comme l’argent, à Moscou.

Aujourd’hui, les révisionnistes, guide des réactionnaires, peuvent crier jusqu’à perdre le souffle :  » Vendus, agents de Pékin!… « 

Ils ne peuvent plus dissimuler deux faits – la vérité :

– Pour la Révolution Prolétarienne mondiale, la base rouge de la République Populaire de Chine est le point d’appui principal ;

– Le front avancé de la Révolution Prolétarienne en France, ce sont les marxistes-léninistes qui, par tout, luttent et s’organisent, ne comptant que sur leurs propres forces.

Force au début de son essor, elle est encore faible ; force révolutionnaire, justement guidée, solidement fondée, elle est invincible.

La catastrophe que les révisionnistes français viennent de subir, ils le sentent, les marxistes-léninistes le savent, sera suivie d’autres, décisives.

Vive l’Union de la jeunesse communiste (marxiste-léniniste) !
Vive le marxisme-léninisme !

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UJC (ml) : Faut-il réviser le marxisme-léninisme ? (1966)

FAUT-IL: RÉVISER LA THÉORIE MARXISTE-LÉNINISTE ?
LE MARXISME N’EST PAS UN HUMANISME.

[Ce document suit la Résolution du comité central du P »C »F « Sur les problèmes idéologiques et culturels » (Argenteuil, 13 mars 1966). Il est le prétexte à la sortie des marxistes-léninistes de l’Union des Etudiants Communistes et marque la naissance de l’UJCML.]

Chose étrange et monstrueuse :  » II y a un humanisme marxiste. « 

Ainsi en a-t-il été décidé par un vote unanime du Comité Central du Parti Communiste Français.
 » II y a… « 

II y a un socialisme utopique :
II y a Saint-Simon.
Il y a Fourrier.

Cela signifie-t-il que le socialisme est une utopie?

Le jeune Marx écrit ses Manuscrits de 44 : il est encore humaniste. Marx écrit le Capital : il s’est débarrassé de l’humanisme.

Garaudy écrit :  » De l’anathème au dialogue.  » Ce marxiste s’est converti à l’humanisme.

Il y a du Garaudy. Il y a du jeune Marx. N’en doutons plus : II y a un  » humanisme marxiste « .

Il y a un humanisme marxiste.

Cela signifie-t-il que le marxisme est un humanisme? Ou bien, a-t-on voulu dire qu’il y a eu le jeune Marx? Qu’il y a eu Garaudy ?

Savante ambiguïté!

 » II ne, faut pas introduire d’allusions dans une résolution  » a écrit Lénine, dans le tome vingt-sept, à la page cent dix-huit de ses Oeuvres publiées aux éditions de Moscou et traduites en français sous la responsabilité de Roger Garaudy.

Si le marxisme est un humanisme, nombre de conclusions doivent être tirées.

A propos de la culture et des intellectuels, à propos de la science et de la révolution, à propos de la morale et des chrétiens, à propos enfin de l’idéologie et de l’unité.

Citer ces conclusions, c’est mesurer l’importance de la résolution rapportée par Aragon.

Qu’ici lui en soit rendu hommage : Aragon avec une application qu’on lui connaissait à peine, est allé jusqu’au bout.

Le texte qui suit a pour but de définir ce point d’arrivée : un social-populisme de nuance chrétienne.

1. DE L’HUMANISME A LA CULTURE ET AUX INTELLECTUELS : L’ESPRIT HUMAIN SANS RIVAGES.

« Il ne saurait y avoir de rupture dans le vaste mouvement créateur de l’esprit humain.  » (Section I.)

Le monstre, l’humanisme-de-sinistre mémoire n’a de cesse d’enfanter : l’esprit humain, l’intelligence humaine, la culture humaine…

Aragon, une fois lancé, a du mal à s’arrêter : pris dans le piège des grandiloquences bourgeoises.

Mais un fait est têtu : tous les hommes ne sont pas de culture; tous les hommes n’ont pas leur part d’héritage (la culture). Savez-vous comment le marxiste Aragon s’en sort? A la manière chrétienne.

Aragon croit au bien et au mal. Le bien : c’est la culture, le trésor de l’humanité. Et le mal : c’est le capitalisme de monopoles, le règne du  » calcul égoïste « .

 » L’intelligence elle-même est en butte à la loi du profit.  » (Section I.)

Il faut bien comprendre le génie de notre prestidigitateur. Le tour de passe-passe consiste à employer le langage du marxisme, et en fait à revenir à une conception idéologique vulgaire.

La culture est identifiée à l’humanité.

 » II ne saurait y avoir de rupture dans le vaste mouvement créateur de l’esprit humain.  » (Section I).

Les monopoles sont inhumains.

 » Leur politique exprime l’inhumanité d’un régime.  » (Section I.)

Qui s’oppose aux monopoles?

Tout ce qui n’est pas monopoles : ouvriers, paysans, intellectuels, voire bourgeois moyens. Donc : la culture condense l’unité du front antimonopoliste.
Voilà la trouvaille d’Aragon : il n’y a pas en fait de politique communiste de la culture ; il y a mieux :

LA CULTURE CONTRE LA POLITIQUE
LE BIEN CONTRE LE MAL.

Grossière polémique! dira-t-on. La résolution parle en toutes lettres de  » politique culturelle  » (Section I).

Voyons la chose de plus près. Qui dit politique dit lutte des classes, Aragon en conviendra. La lutte des classes, c’est une guerre acharnée où tout est mis à contribution : trésors de la culture compris.

Pour les marxistes-léninistes, il ne peut y avoir qu’une politique culturelle ; ils ne peuvent défendre abstraitement la culture. Une politique culturelle ne  » régente  » pas la culture : elle ne dit pas aux écrivains ce qu’ils doivent écrire, aux peintres ce qu’ils doivent peindre.

Mais la culture peut être une forme spécifique directe de la lutte des classes. Si la culture devient une arme des classes ennemies, le pouvoir des travailleurs a le devoir de la réprimer.

Comment? par une limitation de la diffusion, par une campagne éducative de presse, par une interdiction, voire par une condamnation, selon les cas concrets. D’autre part, le Parti de la classe ouvrière encourage par tous les moyens une culture authentiquement populaire.

La culture populaire est l’objet spécifique des écrivains ou artistes communistes. Elle ne tient pas dans un thème décrété populaire : les ouvriers, disait Lénine, ne veulent pas de littérature pour ouvriers. Elle a pour fonction d’élever la conscience culturelle et politique des classes populaires ; pour ce faire, elle doit se donner les moyens de s’adresser à ces classes.

Cette culture prend un sens différent quand le parti n’a pas encore pris le pouvoir ou au contraire quand il dirige déjà la construction du socialisme. Brecht dramaturge ne tient pas la même place qu’un Brasillach. Si des hommes, par récriture ou tout autre moyen de l’art, attaquent le pouvoir des Soviets, ils ne doivent pas échapper à la loi.

Car il n’y a pas d’hommes : mais le capital, la classe ouvrière, la paysannerie, les intellectuels.

Cessez donc de parler du passé : parlez des intellectuels français dans les conditions nouvelles de notre époque.

PARLONS-EN

Les monopoles n’auraient-ils plus d’intellectuels à leur service? La classe capitaliste monopoliste aurait perdu cet avantage qu’elle partage avec toutes les classes ? Des intellectuels pour la représenter.

Précisons :

 » Les intellectuels soucieux de se libérer des contraintes matérielles et idéologiques que la bourgeoisie impose à leur activité ne peuvent que rechercher l’alliance avec la classe ouvrière.  » (Section I.)

On n’en croit pas ses yeux : des intellectuels ne pourraient-ils pas chercher l’alliance avec la classe des capitalistes?

Mais s’ils ne la cherchent pas, c’est qu’elle est toute trouvée.

Aragon, calmez-vous, nous allons reprendre par le commencement. Si les intellectuels se soucient de se libérer des  » contraintes « , c’est que ces contraintes existent, au moins aussi pesantes que pour vous la vérité est légère.

Les conditions matérielles, disons : l’argent, font bien les choses.

Mais la liberté, l’égalité, la fraternité font mieux : cette monnaie est plus courante chez les intellectuels. Rappelez-vous ce que disait Lénine : spontanément, l’intellectuel fait sienne l’idéologie dominante.

Qu’est-ce que l’idéologie dominante ? Celle de la classe dominante. Des monopoles, en l’occurrence. Et puis l’État, celui des monopoles, est large : il y a de la place pour les intellectuels dans l’administration, dans les conseils d’administration.

Concluons : vous vous êtes trompé. Mais l’erreur est tenace : le Parti, dites-vous,  » souhaite  » que les intellectuels rejoignent son combat.

Certes, mais sa politique ne peut être un ensemble de souhaits. Le Parti, faisant feu du bois des vœux pieux, se place sur le terrain solide de la lutte de classes.

Il distingue entre les intellectuels. Pour sa part, il exige des intellectuels de type nouveau : ouvriers écrivains ou savants. De type nouveau cela signifie : qui rompent avec l’idéologie dominante, avec toutes les idéologies que l’idéologie dominante confond.

Aussi bien à la politique culturelle des monopoles, il oppose sa propre politique culturelle : il n’oppose pas la culture – celle des hommes – à la politique – celle des monopoles ; il oppose une politique à une autre.

Le Parti dénonce les refuges illusoires, fût-ce la terre promise de la culture. Car cette terre, il la conquiert, par la lutte de classe.
Et il se réserve le droit, quand il l’a prise, de réprimer les transfuges.

2. DE L’HUMANISME A LA SCIENCE ET A LA RÉVOLUTION. ENCORE UNE FOIS L’ESPRIT HUMAIN SANS RIVAGES.

Aragon, on s’en souvient, tenait à régenter la biologie. Depuis, l’eau nouvelle a coulé sous les ponts anciens et Aragon s’en est sorti à peu près lavé.

Le vieil homme aurait-il disparu?

Aragon sait-il maintenant ce que  » Science  » veut dire ?
 » Pas plus que le prolétariat n’est un barbare campant dans la cité moderne le marxisme n’est un corps étranger à l’univers de la culture ; il est né de son développement même et donne sens à tout l’acquis de l’humanité.  » (Section II.)

Pauvre Marx : La montagne théorique accouche d’une souris. La science qu’il a instituée, au prix d’efforts théoriques et pratiques inouïs, se voit jetée par un idéologue sur le marché libre des académiciens.

Grattez Marx, vous trouverez Hegel ; un effort supplémentaire et vous aurez le xvme siècle en personne. Et en avant, la machine à remonter le temps!


Mais Aragon n’aura pas assez de ses ongles pour gratter.

Sous Marx, il n’y a rien. La science de Marx est née parce qu’elle a rompu avec ce qui la précédait. Rompu, comme on casse du bois, comme on fait la révolution. L’auriez-vous oublié?

La révolution, comme la naissance d’une science est une coupure. Sans la coupure de Marx, la révolution eût été impossible.

Peut-être doit-on lire dans la révolution une conception nouvelle de la science? Par malheur pour les modernes, la science naît toujours en rupture avec ce qui précède. Exactement comme la révolution.

Chaque révolution comme chaque science se fait d’une manière qui lui est propre ; mais toute révolution, comme toute science, défait ce qui l’a précédé. Le monde théorique change de base, comme ce monde dont parle le chant des travailleurs en lutte.

Un communiste met-il en question là révolution ? Non. Sans quoi il ne serait pas communiste, mais social-démocrate. Qu’est-ce qu’un social-démocrate? Un personnage qui remet en question la révolution. Tout le monde communiste connaît la triste histoire de Kautsky.

Ce personnage, marxiste érudit, a confondu un jour la démocratie bourgeoise et la démocratie prolétarienne : il ne voulait pas de la dictature du prolétariat. Il l’a dit sur tous les tons. Mais il a trouvé à qui parler : Lénine.

Que lui a dit Lénine ? Qu’il avait de façon monstrueuse (notez le bien) déformé le marxisme.

 » Comment expliquer cette déformation monstrueuse du marxisme par l’exégète du marxisme, Kautsky ? Si l’on considère la base philosophique de ce phénomène, la chose se réduit à substituer à la dialectique l’éclectisme et la sophistique. « 

Lénine veut dire qu’à la philosophie marxiste (la dialectique matérialiste) Kautsky a substitué une: philosophie faite de lambeaux empruntés ici et là (l’éclec-tisme).

Mais assez parlé d’histoire. Revenons à Aragon.

Aragon donc tient de toutes ses forces au dialogue.
Au dialogue même avec des communistes.

 » II y a un humanisme marxiste.  » Partons de là, si vous le voulez bien, et tout peut se discuter.

 » Le parti communiste entend organiser les conditions les plus propices à un développement du travail théoriqiie associant toutes les bonnes volontés. « 
(Section III.)

La proposition d’Aragon est claire, choisissez camarades, la manière la plus agréable de vous faire couper la tête. Nous respectons votre personne et votre opinion.

Nous reconnaissons toute la diversité nécessaire.

Aragon se moque du Léninisme.

Des années de luttes et sacrifices, de volontés qui furent moins bonnes que fortes pour entendre un poète dilapider notre héritage, le seul que nous ayons à défendre jusqu’au bout : le trésor d’une théorie vraie. Rappelez-vous encore une fois, Lénine.

 » En vérité, le marxisme, seule théorie révolutionnaire juste, la Russie l’a payé d’un demi-siècle de souffrances et sacrifices inouïs, d’héroïsme révolutionnaire sans exemple, d’énergie incroyable, d’abnégation dans la recherche et l’étude, d’expériences pratiques, de déceptions, de vérification, de confrontation avec l’expérience de l’Europe.  » (La Maladie infantile du communisme.}

Et Aragon voudrait que nous abandonnions notre terre ferme pour aller discuter ailleurs!

Que nous jetions à la poubelle l’arme qui nous permettra de prendre d’assaut la métropole impérialiste! Aragon se paie notre tête. Mais notre tête tient bon, comme la théorie de Marx.

Que nous enseigne la théorie de Marx ? Qu’elle est une science. Qu’est-ce que la science? Une théorie qui a rompu avec l’idéologie. La science, c’est l’unité de pensée. Les idéologies, c’est la variété de pensées. La science c’est la dialectique. Les idéologies, c’est l’éclectisme.

On ne sort pas de là, on n’en sortira jamais. Par contre la porte de sortie est grande ouverte.

Par ici l’éclectisme, la sophistique! Vous attendent de l’autre côté les bourgeois, les sociaux-démocrates et la grande famille des sans-principes.

Les marxistes-léninistes continueront de camper dans la cité moderne, comme les premiers chrétiens dans la cité barbare.

3. DE L’HUMANISME A LA MORALE : L’ESPRIT HUMAIN VOIT ENCORE S’ÉLOIGNER LES RIVAGES.

 » Des convergences morales créent les conditions favorables pour un véritable dialogue des communistes avec les chrétiens. Et avec d’autres. Un dialogue qui n’a point
en lui-même sa fin…  » (Section II.)

Quel est l’enseignement de Lénine? Les seules convergences que les communistes doivent retenir sont les convergences de classes. Convergences de classes, divergences de classes. Le reste est bavardage, poésie de philistin. Quel est l’enseignement de Lénine ?

Deux classes s’unissent quand leurs intérêts fusionnent relativement.

Quel est l’enseignement de Lénine? Unir les classes dans la distinction de leurs intérêts.

Et les chrétiens alors? Aragon fait état de leur nom, c’est-à-dire d’un mot et non de la place qu’ils occupent effectivement dans la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie. Pas plus qu’il n’est d’unité de la culture, il n’y a d’unité de la morale.

De deux choses l’une : ou l’on parle de l’unité des travailleurs croyants ou non croyants et alors cette unité est l’unité relative des intérêts de classe ; ou l’on parle de l’unité des morales : morale prolétarienne et morale chrétienne et alors cette unité est l’unité d’une lutte.

D’une lutte idéologique, pour parler précisément.

Qu’est-ce que la lutte idéologique? Une idéologie transforme une autre idéologie. Le combat est-il égal? Non. Ne peut-on prévoir la victoire? Si. L’idéologie du prolétariat fondée sur la science de Marx, transformera l’idéologie religieuse.

Cette lutte idéologique signifie-t-elle la lutte entre travailleurs de croyances diverses? Absolument pas. Elle est lutte idéologique et non lutte de classes.

Une propagande incessante éduquera les travailleurs de diverses croyances. Cette propagande implique, dans toute la période qui va du capitalisme au communisme, la diversité des idéologies.

Non parce que c’est bien, mais parce qu’on ne change pas, avec un décret, la conscience des hommes.

Pas plus qu’on ne décrète la fin de l’Etat, on ne décrète la fin des idéologies. On ne la décrète pas, on la prépare. Le temps de la transition est celui de la lutte à tous les niveaux : économie, État, idéologies.

De la lutte, non du dialogue, et qui dit lutte dit fin de la lutte, qui dit dialogue dit dialogue sans fin. Dialogue sans fin, comme l’esprit humain, comme le monde qui n’est, selon le mot d’Aragon délicieusement poétique, jamais achevé.

Camarades ouvriers Aragon vous annonce un monde sans fin : un communisme sans rivages.

Il écrit, sans pudeur :  » Les prises de positions nouvelles de l’Église en faveur de la coexistence pacifique et à propos des rapports entre croyants et non croyants représentent un progrès encourageant. « 

Assez de phrases! Le verbe haut du poète ne dissimulera pas ses bassesses.

De deux choses l’une : ou la coexistence pacifique est la forme supérieure de la lutte de classes et l’Église se prononce pour la lutte de classes ; ou elle ne l’est pas et Aragon se prononce contre la ligne du Parti.

Réviser la ligne du Parti ou réviser l’Église.

Ce choix n’intéresse qu’Aragon, car les marxistes-léninistes ont choisi depuis longtemps, bien avant les nouveautés de notre époque. Très précisément au moment où, à l’appel du grand Lénine, ils ont définitivement rejeté les vieilleries toujours neuves.

L’incorrigible Lénine disait, dans l’actualité reculée de notre temps :  » Les cris actuels de  » Vive la liberté de critique !  » rappellent trop la fable du tonneau vide. « 

4. DE L’HUMANISME A L’IDÉOLOGIE UNITAIRE. L’ESPRIT HUMAIN NE VERRA JAMAIS PLUS LES RIVAGES.

 » La discussion fraternelle entre communistes et socialistes sera d’autant plus fructueuse qu’ils sauront porter ensemble, sur la base des intérêts de classe qui les rapprochent invinciblement des coups de plus en plus sévères au pouvoir des monopoles.  » (Section II.)

Aragon parle enfin le langage du marxisme : intérêts de classe. Mais décidément notre malheur n’aura pas de rivages : au moment même où Aragon semble le plus près, il est le plus loin. Insaisissable bonhomme ! Les intérêts de classe rapprochent  » invinciblement « .

La victoire assurée si promptement, le combat cesse faute de combattants. C’est trop beau pour être vrai. De fait ce n’est pas vrai. Qui rapproche qui? I/intérêt de l’ouvrier le rapproche de l’ouvrier. Ensemble, ils ont un intérêt de classe.

Et s’ils ne sont pas ensemble, bien qu[ou-vriers ? c’est qu’ils se représentent leurs intérêts différemment. Qui représentent ces ouvriers?

Les socialistes et les communistes. Comment? avec un parti communiste et un parti socialiste, fondés respectivement sur une idéologie communiste et une idéologie socialiste. Tous les deux peuvent-ils avoir raison? Non, puisque la vérité est une.

Que faire? Montrer aux ouvriers qui les représente vraiment. C’est sur ce point précis que l’enseignement de Lénine est le plus puissant.

Il nous apprend que les sociaux-traîtres représentent dans la classe ouvrière les intérêts de la bourgeoisie.

Mais pour faire pénétrer les idées de la bourgeoisie dans la classe ouvrière, il faut des demi-teintes, très exactement une idéologie de transition.

Cette idéologie est nécessaire, comme toute idéologie.

Ce qui la rend possible, c’est l’existence d’une classe intermédiaire entre la bourgeoisie et le prolétariat : la petite bourgeoisie des villes et des campagnes.

 » La situation économique du petit bourgeois est telle, ses conditions d’existence sont telles, qu’il ne peut manquer de se tromper, qu’il penche nécessairement et involontairement tantôt vers la bourgeoisie tantôt vers le prolétariat.

Sa situation économique ne lui permet pas d’avoir une  » ligne  » indépendante. Son passé le porte vers la bourgeoisie, son avenir vers le prolétariat. La raison le porte vers celui-ci, les préjugés (selon l’expression bien connue de Marx] vers celle-là. « 

Est-ce à dire que le parti de la classe ouvrière abandonne les ouvriers représentés par les socialistes, ou les petits-bourgeois?

Absolument pas. Sa tâche est de les gagner, de gagner cette majorité réelle, sans laquelle aucune révolution ne peut se faire. C’est l’opportunisme de gauche qui méconnaît cette tâche : gagner la majorité réelle.

De ce que la petite-bourgeoisie et les partis petits-bourgeois penchent le plus souvent vers la bourgeoisie, les infantiles déduisent qu’ils ne pencheront jamais vers le prolétariat. C’est le tristement célèbre mot d’ordre  » jamais de compromis « .

Quelle est la juste tactique ?  » La juste tactique des communistes (à l’égard de la petite bourgeoisie hésitante) doit consister à utiliser ces hésitations, et non point à les ignorer ; or les utiliser c’est faire des concessions aux éléments qui se tournent vers le prolétariat… »

Mais le tout est de savoir appliquer cette tactique de manière à élever et non à abaisser le niveau de conscience général du prolétariat.

C’est l’opportunisme de droite qui abaisse l’esprit révolutionnaire du prolétariat, sa capacité de lutter et de vaincre.

Quelle est la tactique juste? Ne faire des concessions « qu’au moment et dans la mesure où les petits bourgeois s’orientent vers le prolétariat, tout en luttant contre ceux qui se tournent vers la bourgeoisie « .

De ce que les petits bourgeois et les partis petits bourgeois penchent le plus souvent vers la bourgeoisie, les opportunistes de droite déduisent qu’ils ne pencheront jamais vers le prolétariat, ils refusent d’utiliser les hésitations nécessaires, inévitables de la petite bourgeoisie ; ils ne comprennent pas que le parti qui n’hésite pas, le parti communiste, peut faire progresser certains éléments petits-bourgeois, et isoler les autres : isoler les chefs qui s’obstinent dans l’opportunisme et amener dans le camp du prolétariat les meilleurs éléments de la petite-bourgeoisie.

Au lieu d’élever la petite bourgeoisie au niveau du prolétariat, ils abaissent le prolétariat au niveau de la petite bourgeoisie.

Résumons la tactique juste, donc la seule possible :  » L’avant-garde du prolétariat louvoie, réalise des ententes, des compromis avec les divers groupes de prolétaires, les divers partis d’ouvriers, et les petits exploitants.

Mais l’avant-garde du prolétariat garde la plus entière liberté de propagande, d’agitation et d’action politique. « 

Aragon avait-il définitivement oublié qu’il faut soutenir les chefs sociaux-démocrates « comme la corde soutient le pendu »? C’est Lénine qui parle, évidemment.

Comment, en général, se manifeste l’idéologie petite bourgeoise ? Par la croyance en l’État, celui des capitalistes ; par la croyance en la démocratie, celle des capitalistes.

En bref, elle se paie de mots : sur la voie pacifique de la révolution, la paix entre les nations, et autres mots de ce genre.

Tout le monde communiste connaît le  » petit mot  » de Kautsky : la dictature du prolétariat.

Kautsky prenait un concept  » la dictature du prolétariat  » pour un mot. Pour ce petit mot, Lénine n’a rien fait de moins que l’Internationale communiste. C’est que de mot en mot…

Savez-vous où Kautsky en est arrivé ? à déclarer que la conquête du socialisme pouvait se faire par la voie démocratique. Tant il est vrai que tout a une fin, même dans le monde inachevé des révisionnistes.

Aragon, lui, raffine. Il se paie le luxe, à escompter sur le trésor de la culture, de parler le langage de Lénine presque jusqu’au bout.

 » L’unité de la classe ouvrière et l’union de toutes les forces intéressées à l’établissement d’une démocratie véritable se prolongeront, comme il est souhaitable, pour la conquête, l’édification, et le maintien du socialisme, par les voies démocratiques. « 

Au début, Aragon reprend la théorie léniniste de l’unité de la révolution ininterrompue et du développement par étapes : théorie chèrement acquise contre les opportunistes de droite et de gauche.

A la fin, Aragon redescend à Kautsky. Pout être monté plus haut, Aragon descend plus bas.

De l’humanisme à Kautsky, la ligne est droite.
De la science marxiste à Lénine, la ligne est conséquente.
Avec l’humanisme, maillon de bois, c’est toute la chaîne du marxisme-léninisme qui rompt.

Avec cette coupure un monde s’achève. Un monde nouveau s’ouvre : les barbares marxistes-léninistes n’ont pas bougé.

EN GUISE DE CONCLUSION.

Nous avions déjà connu des liquidateurs d’avant-garde : la clique dirigeante de l’U. E. C.

Ces dirigeants de l’école étudiante du communisme avaient enseigné à de jeunes militants toutes les leçons du social-démocratisme exécré : la dissolution d’organismes réguliers, l’absence de discipline de pensée et d’organisation.

Et les leçons les plus perfides : celles de l’idéologie dominante.

Ils ânonnaient, ils ânonnent encore la démocratie. Oubliant l’alphabet : il y a démocratie et démocratie, démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne. Ces révisionnistes au petit pied veulent nous apprendre une chose  » nouvelle  » : par-delà les luttes de classes, il y a une unité de la jeunesse.

Au mépris de l’héroïque lutte du peuple vietnamien, ils déclarent que la négociation est la seule forme de solution des conflits. Et nous en passons, pour ne pas rebuter le lecteur.

Nous avions déjà connu les liquidateurs du programme : sous prétexte de soutenir un candidat bourgeois, ce qui est parfaitement légitime, nos modernes révisionnistes balançaient les thèses du parti.

N’a-t-on pas vu des dirigeants du parti et des plus éminents, reprendre à leur compte la thèse de la plus juste répartition des fruits du travail. Thèse réduite en poussière par Marx dans la  » Critique du Programme de Gotha « .

Nous avons vu se généraliser l’opportunisme de droite dans l’application des thèses du XVIIe Congrès de notre parti. Et nous en passons pour ne pas rebuter le lecteur.

De sacrifices politiques en sacrifices idéologiques, de sacrifices idéologiques en sacrifices d’organisation nous voilà arrivés au terme : le sacrifice de la théorie.

Nous sommes remontés à la source. Le cercle du révisionnisme est bouclé. Comme le disait Lénine, le vin est tiré.

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Histoire de l’Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes)

L’Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes), issue de l’Union des Etudiants Communistes, a joué un grand rôle dans la popularisation de Mao Zedong dans la jeunesse, et s’est développée parallèlement au PCMLF.

L’origine pratique

Lorsque le PCF cessa totalement, au milieu des années 1950, de se proposer comme alternative révolutionnaire autonome par rapport aux institutions, il y eut une vague d’intégration à celle-ci.

Cela fut vrai avec le municipalisme, le syndicalisme, mais également avec la participation aux institutions universitaires. Le marxisme fut donc accepté, pour un temps, en économie, en politique, en philosophie, etc. ; avoir l’agrégation devenait possible tout en étant membre du PCF et en se revendiquant marxiste-léniniste.

Ce processus amena la formation d’une nouvelle intelligentsia liée historiquement au PCF, se revendiquant à différents degrés du marxisme tout en prenant de nombreuses libertés. Certains, comme Michel Foucault, se lancèrent dans la « French philosophy », d’autres passèrent dans le camp de la psychanalyse en suivant Jacques Lacan, et enfin d’autres tentèrent de « radicaliser » le PCF.

Cette tentative de radicalisation est passée par l’Union des Etudiants Communistes et le philosophe Louis Althusser.

L’origine théorique

Louis Althusser (1918-1990) est un penseur tentant de maintenir le PCF dans un cadre idéologique « dur », par opposition à la tendance libérale représentée alors par Roger Garaudy.

Althusser s’appuie dans son projet sur le « structuralisme », idéologie analysant les « structures » de l’histoire, et amenant Althusser à expliquer que l’histoire dispose d’une démarche aléatoire, que Staline est à rejeter totalement, qu’il y a une coupure entre le « jeune Marx » et le Marx de la maturité.

Althusser est ainsi proche dans sa démarche « structuraliste » de Roland Barthes et de Claude Lévi-Strauss, et a écrit un ouvrage très célèbre alors, Lire le Capital, publié en 1965 sur la base d’un travail commun avec Étienne Balibar, Roger Establet, Pierre Macherey et Jacques Rancière, qui sont des exemples types de « marxistes-léninistes » des années 1960 reconvertis dans l’idéologie post-moderne, notamment à l’université de Paris 8 (Vincennes – Saint-Denis).

Althusser est ainsi surtout dans la lignée du PCF (et du PC italien) qui tente de développer un théorie des appareils d’Etat fondée sur les œuvres d’Antonio Gramsci, afin de remettre en cause le marxisme-léninisme, mais sur une base dure, en apparence seulement non révisionniste. Althusser s’opposera ainsi à mai 1968 et ne quittera jamais le PCF, sombrant par ailleurs toujours davantage dans la folie, jusqu’à terminer dans un hôpital psychiatrique après avoir tué sa femme, tout en ayant eu également une maîtresse, etc.

Pour résumer, la ligne d’Althusser était de nier le capitalisme comme reproduction de la vie réelle, nécessitant un saut révolutionnaire, pour expliquer que le capitalisme ne se reproduisait à chaque cycle de production que grâce à des appareils idéologiques d’Etat – qu’il faudrait alors changer, ce qui justifie la ligne révisionniste du PCF de marche dans les institutions.

Or, Althusser était enseignant à l’Ecole Normale Supérieure, la grande école littéraire de la bourgeoisie française, machine à agrégés et professeurs d’université. Il a eu comme élève les principaux théoriciens de l’agitation « gauchiste » suivant mai 1968 : Robert Linhart, Benny Levi et Alain Badiou pour la tendance maoïste spontanéiste, ainsi que Michel Foucault pour la tendance spontanéiste post-moderne.

Les Cahiers marxistes-léninistes

Tout part ainsi de l’Ecole Normale Supérieure, où est admis Robert Linhart, qui devient le principal disciple d’Althusser.

Robert Linhart

Il devient alors la figure du cercle de l’Union des Étudiants Communistes de l’École Normale Supérieure, qui commence en octobre 1964 à publier les Cahiers marxistes-léninistes, pour un millier d’exemplaires.

Au départ, ces Cahiers, qui auront au final une quinzaine de numéros, attaque la fraction dite « italienne » de l’UEC, c’est-à-dire désireuse de suivre l’option libérale du Parti Communiste italien.

Lorsqu’en mars 1965, la fraction italienne est brisée, les Cahiers tentent de prolonger le mouvement et de se poser comme alternative à la direction de l’UEC, ce qui passa par une lutte des deux lignes avec la fraction dirigée par Jacques-Alain Miller, qui fonda par la suite les Cahiers pour l’analyse et devint un idéologue du freudisme.

Le cercle de l’Union des Étudiants Communistes de l’École Normale Supérieure devient alors la base d’une agitation au sein de l’UEC, notamment en avril 1966 lors du 9e Congrès, contre la ligne de Roger Garaudy triomphant au sein du PCF dans le domaine culturel et idéologique.

Cela aboutit à sa dissolution, alors que les Cahiers marxistes-léninistes publient coup sur coup un texte d’Althusser (Matérialisme dialectique et matérialisme historique) et un numéro sur l’art, d’esprit structuraliste et althussérien.

Naissance de l’UJC (ml)

A la mi-juillet 1966, les cellules proches des Cahier marxistes-léninistes tiennent une conférence nationale avec 60 délégués, à Andrésy en région parisienne. Une conférence est organisée à Paris le 6 décembre 1966, à la salle des Horticulteurs, sous le titre « Qui sont les scissionnistes ? », que le PCF casse dans la violence.

En décembre 1966 naît alors l’Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes), dont les Cahiers marxistes-léninistes deviennent l’organe théorique, avec le mensuel Le garde rouge, qui deviendra au bout de quelques mois le bimensuel Servir le peuple. L’organisation est présente à Paris, Nancy, Nantes, Rennes, Lille et Dijon.

S’opposant à la direction du PCF, les Cahiers marxistes-léninistes se lancent alors dans un grand soutien à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) en Chine populaire, avec même un article d’Althusser, qui quant à lui ne rompt pas avec le PCF.

Un numéro sur le capitalisme d’Etat, en mars 1967, où est dénoncée la ligne du PCF en faveur des nationalisations dans le cadre capitaliste, est l’avant-dernier numéro avant celui d’avril 1968, traitant de nouveau de la GRCP en Chine populaire.

L’orientation favorable à la Chine populaire tient ainsi à deux choses : tout d’abord, le fait qu’il y ait opposition à la direction du PCF, et ici l’UJC (ml) est l’équivalent pour l’UEC du PCMLF dans le PCF : c’est la rupture d’une minorité radicale refusant le tournant révisionniste ouvert, mais arrivant tardivement et sans base idéologique très nette.

Ensuite, il y a le fait que les Cahiers marxistes-léninistes sont d’idéologie althussérienne et que le refus logique d’Althusser de sortir du PCF est « dépassé » en pratique par la naissance de l’UJC(ml) qui se tourne alors idéologiquement ouvertement vers les thèses chinoises, au lieu de simplement s’appuyer sur elles contre la direction.

Premiers succès

La jeune UJC(ml) naît donc avec un prestige intellectuel lié à son rapport avec l’Ecole Normale Supérieure. Le cinéaste Jean-Luc Godard réalise même un film, La Chinoise, qui sort en septembre 1967 et représente de manière romantique, voire expressionniste, des étudiants bourgeois parisiens faisant le choix de devenir « garde rouge. »

La Chinoise de Jean-Luc Godard

L’UJC(ml) organise une université rouge, qui a un grand succès ; elle parvient à faire manifester en soutien au Vietnam quelques centaines de personnes le 21 février 1967, jour de l’anniversaire de l’exécution par les nazis du groupe Manouchian des FTP-MOI.

Elle possède des ressources efficaces en cogneurs antifascistes au quartier latin, où elle dispose également rapidement d’une librairie, rue Gît-le-coeur.

Elle envoie ses activistes procéder à des « enquêtes » dans toute la France, tandis que des délégations sont envoyées en Chine populaire et en Albanie. La Chine populaire ne reconnaîtra cependant pas l’UJC (ml), alors qu’en Albanie la délégation est rapidement expulsée en raison d’un incident (un dessin jeté dans une poubelle montrant un serpent sortant des sables avec écrit : « Albanie, désert théorique »).

Robert Linhart appelle alors à généraliser la ligne de « l’établissement » des étudiants dans les entreprises, et la liquidation de la tradition althussérienne.

Seconds succès

L’UJC(ml) prolonge le mouvement : début 1967 il tient son congrès, puis il appelle à créer des Comités Vietnam de Base (CVB), qui naissent en février et auront un succès très grand dans la jeunesse activiste. En mai sort Victoire pour le Vietnam, organe qui aura six numéros jusqu’en mars 1968.

A côté de cela, l’UJC(ml) dispose de « Groupes de Protection et d’Autodéfense », extrêmement para-militarisés et formant des groupes de choc antifasciste. Si début février 1968 l’attaque du meeting pour le Sud-Vietnam à la salle de la Mutualité à Paris échoue, il culmine dans l’affrontement de 300 activistes contre les CRS.

Et le 21 février 1968, les CVB parviendront à hisser un drapeau du FNL du Vietnam sur la façade de l’ambassade du Sud Vietnam ; en mars, il existe 120 CVB en Île-de-France et 150 en province.

Le 30 avril, les CVB attaquent une exposition sur les « atrocités nord-vietnamiennes », saccageant les locaux et brutalisant les activités d’extrême-droite, avec même une fausse manifestation pacifique devant les locaux pour donner le change.

Les menaces fascistes de représailles contre la faculté de Nanterre amèneront l’organisation par l’UJC(ml) d’une auto-défense extrêmement para-militarisée (une tranchée est même creuser pour bloquer l’accès aux voitures), alors qu’à la Sorbonne a lieu une intervention policière le 3 mai 1968 par crainte de troubles, provoquant par la même occasion mai 1968.

Auparavant, le 1er 1968, était publié le numéro 1 de La Cause du peuple, journal du Mouvement de soutien aux luttes du peuple, comme organisme généré de l’UJC(ml), et lors du défilé du 1er mai 1968, le cortège avait réussi à s’imposer malgré l’opposition du service d’ordre du PCF.

L’UJC(ml) est alors une organisation structurée, apparaissant comme le véritable écho de ce qui se passe en Chine populaire avec les gardes rouges et la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

La tentative échouée de compréhension de Mai 1968

Lorsque mai 1968 est lancé, c’est Robert Linhart qui l’interprète. Seulement, l’UJC(ml) a une base idéologique liée au PCF, à Althusser. Il n’est donc nullement étonnant que Robert Linhart développe donc la même position hostile.

Prisonnier de la contradiction de l’UJC(ml) – Althusser d’un côté, Mao Zedong de l’autre – Robert Linhart a des crises de délires. Il se précipite en pleine nuit au siège du PCF pour tenter de discuter avec le secrétaire général d’alors, Waldeck-Rochet ; il fait de même à l’ambassade de Chine populaire, pour y expliquer que Mao Zedong a tort de soutenir mai 1968. Une dernière crise de délire le conduit à l’hôpital psychiatrique.

Robert Linhart avait bien vu la dimension foncièrement petite-bourgeoise du mouvement de mai 1968. A ses yeux, c’était cependant la social-démocratie qui était aux manœuvres, et le gaullisme profiterait de la situation pour écraser le tout. Aussi fallait-il rejeter mai 1968 et lancer comme mot d’ordre le fait d’aller aux usines.

Robert Linhart n’a donc pas compris qu’il s’agissait d’une crise du régime né du putsch gaulliste de 1958, avec donc également des revendications démocratiques.

Sur ce plan, Robert Linhart avait donc la même vision que le PCF, qui rejetait mai 1968 pour les mêmes raisons que lui, et ne saisissait pareillement pas les questions démocratiques.

L’erreur de Robert Linhart est en fait d’avoir eu raison sur la nature du PCF, tout en ayant tort. En effet, historiquement l’UJC(ml) est issue de la critique de gauche interne au PCF, avec Althusser.

Dans sa lancée et par l’attirance pour la critique chinoise du révisionnisme, cette critique est devenue l’UJC(ml), en rupture avec le PCF.

Dans l’ordre des choses, l’UJC(ml) aurait dû donc également rejeter la CGT ; or, elle ne l’a pas fait et a tenté de former une tendance « CGT lutte de classe ».

Cela signifie que Robert Linhart considérait la CGT (et le PCF) non pas comme social-fasciste à la base, mais comme social-démocrate.

Le problème est que l’UJC(ml) n’a pas compris cette rupture, et était culturellement une simple rupture par la gauche, sans compréhension authentique des enseignements de Mao Zedong.

Alors, au lieu de soutenir le mouvement de mai 1968 de manière critique et en posant à l’intérieur la ligne révolutionnaire, l’UJC(ml) s’est retrouvée sur la position du PCF.

L’activisme de l’ex-UJC(ml) durant mai 1968

La position de Robert Linhart était intenable et lui-même en paya le prix psychologiquement. L’UJC(ml) en paya le prix idéologiquement en s’effondrant, sa base se précipitant dans la lutte.

Le 16 mai, 300 personnes quittent le cortège principal pour marcher vers l’usine de Renault-Billancourt, avec comme banderole « Les ouvriers prendront, des mains fragiles des étudiants, le drapeau de la lutte contre le régime anti-populaire ».

Le 23 mai 1968, La Cause du peuple commence une parution quotidienne (qui durera jusqu’au 30 juin), comme organe du Mouvement de Soutien aux Luttes du Peuple. A côté, on retrouve les Comités de défense contre la répression, les Cercles Servir le peuple, les Groupes de travail communistes qui sont eux composés d’établis.

Du 7 au 10 juin, l’usine Renault de Flins en région parisienne est témoin d’une union ouvrière et étudiante culminant en série d’affrontements ultra-violents avec les CRS ; un lycéen de l’UJC(ml), Gilles Tautin, actif comme photographe pour La Cause du Peuple, meurt alors noyé, devant les yeux de la police qu’il fuyait.

Le 12 juin 1968, l’UJC(ml) est interdite, à l’instar des autres organisations « gauchistes ». Mais en pratique, elle n’existe déjà plus.

L’échec de l’UJC(ml)

Après un été d’enquête, l’ancienne direction de l’UJC(ml) peut à la fin septembre constater l’échec du projet. L’organisation n’a pas passé l’épreuve de feu.

Pire, la grande majorité de l’organisation décide de rejoindre le PCMLF, ce qui montre les limites idéologiques de l’UJC(ml), censée représenter une compréhension juste de Mao Zedong, allant à l’opposé du PCMLF.

Il est vrai que les ex-UJC(ml) qui vont rejoindre le PCMLF le quitteront vite, pour former le Parti Communiste Révolutionnaire (marxiste-léniniste) ; cependant, cela ne changera rien au fait que leur tradition n’a rien à voir avec ce qui sera appelé plus tard le maoïsme.

L’UJC(ml) n’a pas réussi à aller au maoïsme. Une seconde tentative est alors faite : Robert Linhart est mis de côté, et Benny Lévy, le numéro 2 de l’UJC(ml), va fonder les bases de ce qui deviendra vite la Gauche Prolétarienne.

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Le faux maoïsme, un exemple de diversionnisme

La contre-révolution, afin de bloquer la révolution autant qu’elle le peut, produit de multiples regroupements aux apparences révolutionnaires, ceci dans le but de provoquer des diversions et d’empêcher les luttes de classe de produire une synthèse historique de la situation et de former un processus révolutionnaire.

Par ces manœuvres de diversion, la contre-révolution forme des bases qui cherchent à attirer des secteurs des masses, pour les mener à la défaite, à l’inactivité, à l’aventurisme, à la capitulation.

Les exemples fameux de diversionnisme

Cette notion de diversion est l’un des grands apports effectués par Staline à la théorie de la révolution.

La diversion historique la plus célèbre est d’ailleurs celle du trotskysme, qui derrière une apparence ultra-révolutionnaire, prônait en réalité la capitulation de la jeune URSS. D’autres courants du même type se sont développés par la suite et c’est cet obstacle qui a été anéanti lors de la grande campagne révolutionnaire en 1937-1938 en URSS.

Un autre diversionnisme très connu est celui, en Chine populaire, de Lin Piao, qui cherchait à promouvoir de manière furieuse la pensée Mao Zedong durant la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, pour chercher en réalité à mener un coup d’État.

Il y a également le diversionnisme qui, durant la guerre d’Espagne, formait la cinquième colonne, c’est-à-dire une base arrière du fascisme au sein du camp démocratique. C’est au nom de revendications ultra-révolutionnaires que les agents objectifs du fascisme combattaient ardemment le Front populaire.

La nature historique du diversionnisme

Le diversionnisme est une opération de subversion de la révolution, et ce de l’intérieur.

Le diversionnisme est le fer de lance de la contre-révolution, par des éléments détachés dans le camp de la révolution elle-même, pour la saboter.

Le diversionnisme est un produit inhérent au mouvement dialectique de l’histoire ; il représente la dernière frontière, celle de la contre-révolution cherchant à détruire la révolution de l’intérieur. Le diversionnisme est porté par les saboteurs de l’intérieur de la cause révolutionnaire, qui prennent le masque de la révolution pour semer le trouble, la confusion, le désarroi.

Après la révolution, le diversionnisme est le sabotage du dernier recours tenté par la contre-révolution, son opération ultime. Avant la révolution, le diversionnisme est l’anticipation du diversionnisme d’après la révolution.

La méthode et la base du diversionnisme

Le diversionnisme n’est pas porté par des hommes d’idées, mais par des intellectuels cherchant à mimer les contenus révolutionnaires, que ceux-ci soient politiques, culturels ou idéologiques.

Pour ce faire, les diversionnistes agissent de manière pragmatique-machiavélique, ils ne reculent devant aucune manœuvre en sous-main, aucune bassesse sur le plan moral.

Ils copient, recopient, manient la paraphrase, cherchent à infiltrer les milieux révolutionnaires, à copier l’apparence du style révolutionnaire. Ils cherchent également à soudoyer les révolutionnaires en leur promettant un succès plus grand et rapide, en flattant leur vanité, en leur promettant des facilités concrètes, etc.

Il faut bien saisir que le diversionnisme n’est pas le fruit d’un révisionnisme idéologique, il n’est pas une ligne opportuniste de droite (ou de gauche) apparaissant dans le camp révolutionnaire, mais bien un produit entièrement extérieur, totalement nouveau à chaque fois, charrié par la contre-révolution.

Il s’appuie sur des petits-bourgeois ayant une prétention révolutionnaire, mais qui sont coupés des traditions et des normes communistes, hostiles à l’idée de soumettre à l’idéologie communiste et à sa formulation politique adéquate dans des conditions concrètes. Forts de leurs connaissances culturelles, ils débarquent littéralement sur la scène historique en se prétendant les seuls vrais porteurs de l’exigence révolutionnaire, en maquillant leurs faiblesses et leur confusion intellectuelle par un pseudo-activisme visant le bruit, le tapage, le scandale, l’outrance, etc.

Les composantes décomposées du diversionnisme

Le diversionnisme a une double nature : il est une composition d’éléments en décomposition. Cet aspect explique son caractère à la fois mutant et instable, toujours en quête d’adaptation et en même temps régulièrement formellement en crise.

Le diversionnisme repose ainsi toujours sur des éléments en décomposition politique, principalement :

– sur des éléments opportunistes cherchant à profiter intellectuellement de la révolution, pour se voir reconnaître un certain prestige ;

– sur des éléments inaboutis incapables de continuer à avancer et, par vanité, refusant de se soumettre aux exigences de l’avant-garde ;

– sur des éléments petits-bourgeois cherchant à se maintenir socialement en visant à former des petits royaumes indépendants parasitant la révolution ;

– sur des éléments fascinés par la révolution, mais viscéralement liés à la bourgeoisie et cherchant à « vaincre le mal par le mal » sans même souvent en avoir conscience ;

– sur des éléments corrompus par le 24 heures sur 24 du capitalisme et cherchant à former un espace révolutionnaire « acceptable » pour le système ;

– sur des intellectuels bourgeois comprenant le caractère inéluctable de la révolution et visant à se procurer des postes à l’avenir en se plaçant comme des représentants de la révolution.

Les différents degrés du diversionnisme

Les diversionnistes sont des produits pourris du capitalisme décadent ; leurs limites sont particulièrement marquées, leurs approches toujours bornées : un tel copie la révolution à 10 %, un autre à 50 %, d’autres copient la révolution à 40 %, etc. Les diversionnistes ne parviennent jamais à modifier leur propre définition interne, étant de simples sous-produits de la crise générale du capitalisme.

Cela est d’autant plus vrai dans une société capitaliste avancée, où il y a un niveau d’éducation relativement élevé et une petite-bourgeoisie importante ; cela est d’autant plus vrai avec un mode de production capitaliste en crise, amenant les très nombreuses et très différentes strates de la petite-bourgeoisie à s’agiter.

Le petit-bourgeois pris de rage, appui au diversionnisme

Le diversionnisme ne jouerait pas un rôle quelconque dans ses interventions s’il ne parvenait à se procurer une base active reposant sur des petits-bourgeois pris de rage, toujours oscillant et opportunistes, ne restant souvent qu’un temps dans les milieux révolutionnaires, mais suffisamment pour, de par leur alternance, fournir une sorte de contingent aux diversionnistes.

Le diversionnisme peut par là disposer de gens pour « jouer » aux révolutionnaires tout en niant toutes les normes communistes. Lénine constatait à ce sujet en 1920 dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») :

« On ne sait pas encore suffisamment à l’étranger que le bolchevisme a grandi, s’est constitué et s’est aguerri au cours d’une lutte de longues années contre l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois qui frise l’anarchisme ou lui fait quelque emprunt et qui, pour tout ce qui est essentiel, déroge aux conditions et aux nécessités d’une lutte de classe prolétarienne conséquente.

Il est un fait théoriquement bien établi pour les marxistes, et entièrement confirmé par l’expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements révolutionnaires d’Europe, – c’est que le petit propriétaire, le petit patron (type social très largement représenté, formant une masse importante dans bien des pays d’Europe) qui, en régime capitaliste, subit une oppression continuelle et, très souvent, une aggravation terriblement forte et rapide de ses conditions d’existence et la ruine, passe facilement à un révolutionnarisme extrême, mais est incapable de faire preuve de fermeté, d’esprit d’organisation, de discipline et de constance.

Le petit bourgeois, « pris de rage » devant les horreurs du capitalisme, est un phénomène social propre, comme l’anarchisme, à tous les pays capitalistes.

L’instabilité de ce révolutionnarisme, sa stérilité, la propriété qu’il a de se changer rapidement en soumission, en apathie, en vaine fantaisie, et même en engouement « enragé » pour telle ou telle tendance bourgeoise « à la mode », tout cela est de notoriété publique.

Mais la reconnaissance théorique, abstraite de ces vérités ne préserve aucunement les partis révolutionnaires des vieilles erreurs qui reparaissent toujours à l’improviste sous une forme un peu nouvelle, sous un aspect ou dans un décor qu’on ne leur connaissait pas encore, dans une ambiance singulière, plus ou moins originale.

L’anarchisme a été souvent une sorte de châtiment pour les déviations opportunistes du mouvement ouvrier. Ces deux aberrations se complétaient mutuellement.

Et si en Russie, bien que la population petite-bourgeoise y soit plus nombreuse que dans les pays d’Occident, l’anarchisme n’a exercé qu’une influence relativement insignifiante au cours des deux révolutions (1905 et 1917) et pendant leur préparation, le mérite doit en être sans nul doute attribué en partie au bolchevisme, qui avait toujours soutenu la lutte la plus implacable et la plus intransigeante contre l’opportunisme.

Je dis: « en partie », car ce qui a contribué encore davantage à affaiblir l’anarchisme en Russie, c’est qu’il avait eu dans le passé (1870-1880) la possibilité de s’épanouir pleinement et de révéler jusqu’au bout combien cette théorie était fausse et inapte à guider la classe révolutionnaire.

Le bolchevisme, dès son origine, en 1903, reprit cette tradition de lutte implacable contre l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois, mi-anarchiste (ou capable de flirter avec l’anarchisme), tradition qui fut toujours celle de la social-démocratie révolutionnaire, et qui s’était particulièrement ancrée chez nous aux années 1900-1903, au moment où étaient jetées les fondations d’un parti de masse du prolétariat révolutionnaire en Russie.

Le bolchevisme reprit et poursuivit la lutte contre le parti qui, plus que tout autre, traduisait les tendances de l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois, à savoir : le parti « socialiste-révolutionnaire », sur trois points principaux.

D’abord ce parti, niant le marxisme, s’obstinait à ne pas vouloir (peut-être serait-il plus exact de dire: qu’il ne pouvait pas) comprendre la nécessité de tenir compte, avec une objectivité rigoureuse, des forces de classes et du rapport de ces forces, avant d’engager une action politique quelconque.

En second lieu, ce parti voyait une manifestation particulière de son « esprit révolutionnaire » ou de son « gauchisme » dans la reconnaissance par lui du terrorisme individuel, des attentats, ce que nous, marxistes, répudions catégoriquement.

Naturellement, nous ne répudions le terrorisme individuel que pour des motifs d’opportunité. Tandis que les gens capables de condamner « en principe » la terreur de la grande révolution française ou, d’une façon générale, la terreur exercée par un parti révolutionnaire victorieux, assiégé par la bourgeoisie du monde entier, – ces gens-là, Plékhanov dès 1900-1903, alors qu’il était marxiste et révolutionnaire, les a tournés en dérision, les a bafoués.

En troisième lieu, pour les « socialistes-révolutionnaires », être « de gauche » revenait à ricaner sur les péchés opportunistes relativement bénins de la social-démocratie allemande, tout en imitant les opportunistes extrêmes de ce même parti, par exemple dans la question agraire ou dans la question de la dictature du prolétariat. »

Le faux maoïsme, diversionnisme le plus pervers

Il va de soi que de tous les types de diversionnisme, celui qui joue le plus grand rôle pour la contre-révolution a comme substance de chercher à imiter au mieux l’apparence de la révolution. A notre époque, il s’agit par conséquent du diversionnisme se prétendant maoïste.

Ce diversionnisme est très audacieux, car il prétend représenter de la meilleure manière la révolution, avoir davantage de contenu, de pratique, d’engagement, d’enthousiasme. Il prétend assumer réellement le maoïsme, l’assumer pleinement, entièrement, concrètement, etc.

Ce type de diversionnisme est bien sûr le plus pervers, car il consiste à lever le drapeau rouge contre le drapeau rouge.

Ce diversionnisme le plus perfectionné de tous vise à occuper le terrain qui devrait être celui du Parti de la révolution ; il cherche à siphonner les sympathisants de la cause révolutionnaire, il développe des formes d’actions étrangères à la révolution mais donnant l’illusion d’occuper un espace, de développer des activités concrètes, etc.

Ce diversionnisme profite de l’immense complexité du 24 heures sur 24 de la société capitaliste pour au moyen de la démagogie de la « facilité » et du spontanéisme, prôner des voies erronées censées être concrètes et non pas abstraites.

Pour qui a une solide formation idéologique et connaît la loyauté, la discipline prolétarienne, cela n’est que fausseté, un diversionnisme niant les difficultés, combattant les exigences idéologiques, culturelles, politiques et pratiques du marxisme-léninisme-maoïsme.

Cependant, le diversionnisme vise justement les éléments encore peu développés, ou bien ayant mal saisi tel ou tel aspect de la cause révolutionnaire. Il cherche à trouver des voies spectaculaires pour se donner une bonne image et cherche autant qu’il le peut des appuis chez les opportunistes, afin de profiter les uns des autres aux dépens de la révolution.

Et le diversionnisme voue une haine farouche à ceux qui le démasquent, il cherche à tout prix à dévaloriser les cadres communistes, à passer sous silence les avancées ou bien à les ridiculiser.

Cela a une valeur historique. Le diversionnisme est une réalité inévitable du capitalisme dans sa crise générale. Savoir l’évaluer adéquatement pour l’isoler, le méprise, le maîtriser, l’écraser, relève du processus d’avancée de la lutte des classes.

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)
Octobre 2019

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La proclamation de la république populaire de Chine et l’URSS

Finalement, tout alla plus vite encore que prévu. Le Parti Communiste de Chine tablait sur une victoire en 1951, cela fut 1949. De début juillet à fin octobre 1948, le Kuomintang perd un million d’hommes et l’équilibre numérique des forces s’établit ainsi.

En octobre 1948, 24,5 % de la Chine est d’ailleurs sous le contrôle de l’Armée Populaire de Libération, avec 35,3 % de la population (soit 2,3 millions de kilomètres carrés et 168 millions de personnes). 29 % des 2 009 villes du pays en font partie.

Pour cette raison, Mao Zedong multiplie les remarques et analyses sur les principes d’organisation, sur la nécessaire administration à organiser ; les tentatives du Kuomintang de gagner du temps, y compris avec l’intervention de navires britanniques organisant une provocation armée, furent également déjouées.

Rien n’y fera et le premier octobre 1949, c’est à Pékin que Mao Zedong proclame la République populaire de Chine. Le Kuomintang s’est quant à lui replié sur l’île de Taiwan.

La proclamation de la République populaire de Chine,
en 1949 à Pékin

La Chine populaire s’inscrivant dans le Mouvement Communiste International, les rapports avec l’URSS devaient acquérir une importance capitale.

Après la victoire de 1945 sur l’Allemagne nazie et le Japon militariste, Staline avait conseillé au Parti Communiste de Chine de négocier une paix avec le Kuomintang. Staline pensait en effet que le rapport de force ne serait pas suffisant, notamment avec l’élan de l’intervention américaine dans la région.

Staline pensait que les forces communistes chinoises ne pourraient pas franchir le Yangzi Jiang, le troisième plus long fleuve du monde, qui traverse la Chine d’ouest en est, sans avoir à être confrontées à une intervention militaire américaine.

Ce conseil de Staline ne fut pas suivi et Mao Zedong mena donc la révolution chinoise à la victoire. Staline reconnut par la suite son erreur lors du processus de rapprochement au plus haut niveau qui suivit la victoire chinoise.

La première chose qu’il dit à Mao Zedong lors de leur rencontre en décembre 1949 à Moscou fut ainsi :

« On ne juge pas les vainqueurs. Les vainqueurs ne peuvent pas être jugés, c’est une loi fondamentale. »

C’est cela qui explique également l’approche que l’on retrouve, dans ce télégramme de Staline, du début de l’année 1949, envoyé au Parti Communiste de Chine :

« Nous vous prions de considérer nos conseils précisément comme des conseils, qui ne vous engagent en rien et que vous êtes en mesure d’accepter ou de refuser.

Vous pouvez être convaincus du fait que le refus de nos conseils n’influencera pas nos relations et que nous resterons pour vous les mêmes amis que nous avons toujours été. »

Anastase Mikoyan fut envoyé à la fin du mois de janvier 1949 à Xibaipo, dans le Hebei, où était basé la direction du Parti Communiste de Chine. Les discussions s’engagèrent sur les aides soviétiques à la Chine nouvelle.

Un envoyé spécial, Ivan Kovalev, resta à cette occasion en Chine, rencontrant de manière régulière Mao Zedong.

Au même moment, tactiquement, l’ambassadeur soviétique en Chine expliquait à son homologue américain que si les communistes prenaient le pouvoir dans le pays, ce serait comme « chevaucher un tigre », qu’il ne devait pas s’inquiéter, que l’histoire a montré que le pays avait de telles forces centrifuges qu’il n’était pas gouvernable de manière centralisée, etc.

À partir d’avril, une délégation fut organisée pour aller en URSS, mais Staline demanda explicitement que Mao ne vienne pas, le chemin étant encore trop risqué alors qu’il était d’une importance centrale pour la révolution chinoise.

C’est pour cette raison Liu Shaoqi, qui dirige la délégation, qui arrive à Moscou le 26 juin 1949, dont un événement marquant fut l’appel de Staline à trinquer à ce que bientôt le petit frère rattrape le grand et le dépasse.

Affiche chinoise du début des années 1950,
sur l’amitié et l’aide mutuelle sino-soviétiques

Mao Zedong vint ensuite en URSS, du 16 décembre 1949 au 17 janvier 1950, Mao demandant en particulier à être présent pour féliciter Staline pour son 70e anniversaire. Mao avait à ce moment-là lui-même 56 ans.

Lors du convoi amenant Mao en train à Moscou, des gardes surveillaient les rails sur tout le parcours ; dans toutes les stations en URSS se tenait un représentant du PCUS(b) saluant le convoi, alors que le vice-premier ministre des affaires étrangères attendait lors du passage de à la frontière.

La délégation menée par Mao Zedong fut très étonné de la rigueur du protocole diplomatique soviétique, car elle fut reçu non pas en tant que délégation partidaire, mais en tant que délégation gouvernementale. À ce titre, Mao Zedong fut présenté comme « Monsieur Mao Zedong » et non comme un camarade, comme le protocole diplomatique l’exigeait, ce qui étonna la délégation chinoise.

Mao Zedong rencontra Staline dès son jour d’arrivée, à 18 heures au Kremlin. Les discussions portèrent notamment sur le contenu du Traité d’amitié, d’alliance et d’aide mutuelle, qui devait instaurer le cadre général des rapports sino-soviétiques.

« Avec le grand soutien de l’Union Soviétique, et notre propre grande force, nous réaliserons pas à pas l’industrialisation de notre nation ! », affiche chinoise de 1953

Mao Zedong demanda également la venue d’un haut cadre du PCUS(b) pour l’aider à la publication de ses propres œuvres ; ce fut Pavel Yudin qui vint en Chine, entre juillet 1950 et octobre 1951, afin de participer à la mise en place des tomes 1 et 2 des œuvres choisies de Mao Zedong, qui furent publiées en Chine et en URSS au tout début des années 1950.

Lors de la célébration de l’anniversaire de Staline, au Bolchoï le 21 décembre, Mao Zedong fut placé à la droite de Staline, lui-même ayant Kaganovitch à sa droite.

Mao Zedong et Staline

Mao Zedong fut également le premier étranger à avoir la parole après le communiqué officiel soviétique ; son discours fut interrompu cinq fois par des applaudissements avec le public se levant à la fin, ce qui se passa seulement pour lui.

Par la suite eut lieu un spectacle, Mao Zedong étant assis à côté de Staline, les deux étant salués par leurs nom par le public à la fin de celui-ci.

Affiche soviétique sur l’amitié sino-soviétique : Staline sert la main de Mao Zedong tenant un ouvrage de Lénine

Le lendemain, lors d’une fête avec un programme culturel, Mao Zedong fut également placé à côté de Staline.

Le 4 janvier 1950, la Pravda publia un discours de Liu Shaoqi tenu à la conférence des syndicats des pays d’Asie et d’Océanie, où la voie militaire employée en Chine est présentée comme le modèle à suivre pour les pays coloniaux et semi-coloniaux.

Le lendemain fut publié un article sur les fonctions de la dictature du prolétariat dans les pays de régime populaire, où il était expliqué que « la lutte du peuple chinois est un exemple pour tous les peuples colonisés et dépendants en lutte pour leur indépendance », avec également des citations de Mao Zedong.

La Pravda commença également une série de 18 articles sur la Chine écrits par le romancier soviétique Constantin Simonov, le dernier étant un éloge de Mao Zedong.

La révolution chinoise avait rejoint la révolution russe.

>Sommaire du dossier

La révolution chinoise : de victoire en victoire

À la fin de l’année 1947, il est évident que malgré tout le soutien américain, les force de Tchiang Kaï-Chek ne parviennent pas à prendre le dessus. Elles doivent même faire face à une puissante contre-offensive, les plaçant sur la défensive.

C’est une véritable catastrophe pour la contre-révolution, qui espérait écraser l’Armée Populaire de Libération en quelques mois, au moyen de deux millions de soldats de troupes régulières, d’un million dans les troupes irrégulières, d’un autre million à l’arrière. Concrètement, les chiffres donnent cependant, de juillet 1946 à novembre 1947, 640 000 tués et plus d’un million de prisonniers.

Inversement, en juillet 1946, si l’Armée Populaire de Libération dispose 612 000 hommes, à quoi s’ajoutaient 665 000 hommes des troupes irrégulières, elle double ces chiffres au début de l’année 1948. La balance penche du côté de la révolution en termes de nombre d’engagés dans la bataille.

Cela reste moins que le Kuomintang, qui a reconstitué ses forces, à la va-vite. Mais la clef est qu’il y a le succès qualitatif de la révolution chinoise, qui mettant en place une réforme agraire brisant les grands propriétaires fonciers – 7-8 % des paysans, pour 70-80 % des terres -, permet la formation d’une solide base sociale, Mao Zedong soulignant l’importance qu’il y a à réfuter les déviationnistes de gauche voulant aller trop loin, trop vite, sans suivre un rythme bien organisé et en ciblant bien pour unifier au maximum.

Cette déviation de gauche est alors la principale menace, car celle de droite était surtout forte lors de l’alliance avec le Kuomintang ; les déviationnistes de gauche risquaient de casser l’alliance avec les secteurs de la bourgeoisie nationale et des propriétaires fonciers favorables à la libération du pays.

Les corrections de Mao Zedong avaient d’autant plus d’impact que, à la fin 1947, le Parti Communiste de Chine dispose désormais de 2,7 millions de membres, dans un pays de 475 millions d’habitants.

En rouge foncé les zones libérées en 1946, puis leur expansion

En décembre 1947, Mao Zedong peut dans La situation actuelle et nos tâches rappeler les fondamentaux, sachant qu’avec un Parti organisé, une mise en place très approfondie relève du faisable, tant tactiquement que stratégiquement :

« Confisquer les terres de la classe féodale et les transférer aux paysans, confisquer le capital monopoliste dominé par Tchiang Kaï-chek, T. V. Soong, H. H. Kung et Tchen Li-fou, et le transférer à l’État de démocratie nouvelle, protéger l’industrie et le commerce de la bourgeoisie nationale, voilà les trois grands principes du pro-gramme économique de la révolution de démocratie nouvelle.

Pendant leurs vingt années de pouvoir, les quatre grandes familles, Tchiang, Soong, Kung et Tchen, ont entassé d’énormes fortunes, évaluées à 10-20 milliards de dollars américains, et ont monopolisé les artères vitales de l’économie de tout le pays.

Ce capital monopoliste, combiné avec le pouvoir d’Etat, est devenu capitalisme monopoliste d’État.

Étroitement lié à l’impérialisme étranger et, en Chine, à la classe des propriétaires fonciers et aux paysans riches de type ancien, il est devenu le capitalisme monopoliste d’État, comprador et féodal. Telle est la base économique du régime réactionnaire de Tchiang Kaï-chek.

Ce capitalisme monopoliste d’État opprime non seulement les ouvriers et les paysans, mais aussi la petite bourgeoisie urbaine, et il lèse les intérêts de la moyenne bourgeoisie. Il a atteint le point culminant de son développement durant la Guerre de Résistance et après la capitulation du Japon; il a préparé d’amples conditions matérielles pour la révolution de démocratie nouvelle. Ce capital est appelé communément en Chine capital bureaucratique.

Cette classe capitaliste, connue sous l’appellation de bourgeoisie bureaucratique, est la grande bourgeoisie de Chine.

Outre qu’elle doit abolir les privilèges de l’impérialisme en Chine, la révolution de démocratie nouvelle a pour tâche, à l’intérieur, de supprimer l’exploitation et l’oppression exercées par la classe des propriétaires fonciers et la bourgeoisie bureaucratique (la grande bourgeoisie), de mettre fin aux rapports de production compradores et féodaux, et de libérer les forces productives enchaînées.

La couche supérieure de la petite bourgeoisie et la moyenne bourgeoisie, opprimées et lésées par la classe des propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie et par leur pouvoir d’État, peu-vent participer à la révolution de démocratie nouvelle ou rester neutres, bien qu’elles soient elles-mêmes des classes bourgeoises. Elles n’ont pas d’attaches avec l’impérialisme ou en ont relativement peu et constituent la bourgeoisie nationale authentique. Partout où s’étend le pouvoir d’État de démocratie nouvelle, il doit les protéger fermement, sans la moindre hésitation.

Dans les régions contrôlées par Tchiang Kaï-chek, il y a dans la couche supérieure de la petite bour-geoisie et dans la moyenne bourgeoisie un petit nombre de personnes — l’aile droite de ces classes — qui ont des tendances politiques réaction-naires; elles répandent des illusions au sujet de l’impérialisme américain et de la clique réactionnaire de Tchiang Kaï-chek et s’opposent à la révolution démocratique populaire.

Tant que leurs tendances réactionnaires peuvent agir sur les masses, nous devons les démasquer devant ceux qui sont sous leur influence politique, combattre cette influence et en libérer les masses. Mais combattre politiquement et liquider économiquement sont deux, et nous commettrons des erreurs si nous les confondons.

Ce que la révolution de démocratie nouvelle vise à éliminer, c’est seulement le féodalisme et le capitalisme monopoliste, c’est seulement la classe des propriétaires fonciers et la bourgeoisie bureaucratique (la grande bourgeoisie), et non le capitalisme en général, non la couche supérieure de la petite bourgeoisie ni la moyenne bourgeoisie.

Vu le retard économique de la Chine, il sera encore nécessaire, même longtemps après la victoire de la révolution dans l’ensemble du pays, d’admettre l’existence d’un secteur capitaliste de l’économie, représenté par la couche supérieure très étendue de la petite bourgeoisie et par la moyenne bourgeoisie; et, en accord avec la division du travail dans l’économie nationale, nous aurons encore besoin d’un certain développement de tous les éléments de ce secteur capitaliste qui sont profitables à l’économie nationale. »

>Sommaire du dossier

Le manifeste de l’Armée populaire de Libération de Chine

Publié le 10 octobre 1947, le manifeste de l’Armée populaire de Libération de Chine, rédigé par Mao Zedong, fut connu comme « manifeste du 10 octobre ». Il présente le caractère général de l’armée dirigée par Mao Zedong.

Après avoir brisé l’offensive de Tchiang Kaï-chek, l’Armée populaire de Libération de Chine a maintenant déclenché une contre- offensive de grande envergure.

Nos armées du front sud avancent vers le bassin du Yangtsé, et celles du front nord vers le chemin de fer chinois de Tchangtchouen et la voie ferrée Peiping-Liaoning.

Partout où arrivent nos troupes, l’ennemi s’en va à la débandade et le peuple nous accueille par des ovations enthousiastes. La situation entre l’ennemi et nous a connu un changement fondamental, par rapport à ce qu’elle était il y a un an.

Le but poursuivi par notre armée, comme il a été maintes fois proclamé devant la nation et le monde, c’est la libération du peuple chinois et de la nation chinoise.

Et à l’heure actuelle, il s’agit d’exécuter ce que le peuple tout entier demande instamment, c’est-à-dire de jeter à bas le principal fauteur de guerre civile, Tchiang Kaï-chek, et de former un gouvernement démocratique de coalition, afin de parvenir à notre objectif général: la libération du peuple et de la nation.

Pour obtenir sa libération et l’indépendance nationale, le peuple chinois s’est battu héroïquement contre l’impérialisme japonais pendant huit longues années.

Après la capitulation du Japon, le peuple désirait ardemment la paix, mais Tchiang Kaï-chek réduisit à néant tous les efforts du peuple pour la paix et fit peser sur lui le désastre d’une guerre civile sans précédent.

Ainsi, il ne reste à toutes les couches du peuple de notre pays d’autre issue que de s’unir pour renverser Tchiang Kaï-chek.

Ce n’est pas par hasard que Tchiang Kaï-chek a adopté sa politique actuelle de guerre civile, celle-ci est l’aboutissement inévitable de la politique antipopulaire que lui-même et sa clique réactionnaire ont constamment suivie.

En 1927 déjà, Tchiang Kaï-chek trahit dans son ingratitude l’alliance révolutionnaire entre le Kuomintang et le Parti communiste, ainsi que les trois principes du peuple révolutionnaires et les trois thèses politiques fondamentales de Sun Yat-sen ; dès lors il institua une dictature, capitula devant l’impérialisme et mena la guerre civile pendant dix ans, ce qui entraîna l’agression des bandits japonais.

Dans l’Incident de Sian, en 1936, le Parti communiste chinois rendit le bien pour le mal et, agissant d’un commun accord avec les généraux Tchang Hsiué-liang et Yang Hou-tcheng, fit relâcher Tchiang Kaï-chek dans l’espoir qu’il se repentirait, ferait peau neuve et se joindrait à la lutte contre les agresseurs japonais.

Mais une fois de plus il se montra ingrat ; il resta passif dans la lutte contre l’envahisseur japonais, s’employa activement à réprimer le peuple et témoigna d’une haine farouche à l’égard du Parti communiste.

Il y a deux ans (en 1945), le Japon capitula, et le peuple chinois pardonna encore une fois à Tchiang Kaï-chek, exigeant qu’il mette fin à la guerre civile qu’il avait déjà déclenchée, qu’il réalise la démocratie et s’unisse avec tous les partis pour la paix et la construction nationale.

Mais l’Accord de trêve signé, les résolutions de la Conférence consultative politique adoptées et les quatre engagements proclamés [Il s’agit des “quatre engagements” pris par Tchiang Kaï-chek à la séance d’ouverture de la Conférence consultative politique en 1946: garantir les libertés du peuple, garantir le statut légal des partis, procéder aux élections générale set relâcher les détenus politiques], Tchiang Kaï-chek, ce prodige de déloyauté, récusa aussitôt le tout.

A maintes reprises, le peuple se montra patient et conciliant, dans l’intérêt du bien commun, mais, aidé par l’impérialisme américain, Tchiang Kaï-chek était décidé à lancer contre le peuple une offensive générale d’une envergure sans précédent, au mépris du sort du pays et de la nation.

Depuis janvier de l’année dernière (1946), du moment où fut annoncé l’Accord de trêve, Tchiang Kaï-chek a mobilisé plus de 220 brigades de ses troupes régulières et près d’un million de soldats des troupes disparates et a lancé des attaques de grande envergure contre les régions libérées que le peuple chinois avait arrachées à l’impérialisme japonais au prix de combats sanglants; il s’est emparé successivement de villes comme Chenyang, Fouchouen, Penhsi, Seping, Tchangtchouen, Yongki, Tchengteh, Tsining, Tchangkiakeou, Houaiyin, Hotseh, Linyi, Yenan, Yentai et de vastes régions rurales. Partout où elles vont, les troupes de Tchiang Kaï-chek massacrent et incen- dient, violent et pillent, pratiquent la politique de tout brûler, tout tuer et tout piller, se conduisant exactement comme les bandits japonais.

En novembre de l’année dernière, Tchiang Kaï-chek convoqua la pseudo-Assemblée nationale et proclama la pseudo-Constitution.

En mars de cette année, il expulsa des régions du Kuomintang les délégués du Parti communiste.

En juillet, il décréta la mobilisation générale contre le peuple [Le 4 juillet 1947, le gouvernement réactionnaire du Kuomintang adopta le “Projet de mobilisation générale” avancé par Tchiang Kaï-chek et émit immédiate- ment l’“Ordre de mobilisation générale pour réprimer la rébellion des bandits communistes”].

A l’égard du juste mouvement populaire qui se développe dans les différentes parties du pays contre la guerre civile, la faim et l’agression de l’impérialisme américain, comme de la lutte pour l’existence engagée par les ouvriers, les paysans, les étudiants, les citadins, les fonctionnaires et les enseignants, Tchiang Kaï-chek adopte une politique de répression, d’arrestation et de massacre.

A l’égard de nos minorités nationales, il pratique la politique de chauvinisme grand-Han, de persécution et de répression par tous les moyens possibles.

Dans toutes les régions placées sous la domination de Tchiang Kaï-chek, la corruption règne, les agents secrets font la loi, les impôts sont innombrables et écrasants, les prix montent en flèche, l’économie est en faillite, toutes les affaires languissent, l’enrôlement forcé et la réquisition des céréales sévissent, des griefs se font partout entendre; l’immense majorité de la population du pays est ainsi plongée dans un abîme de souffrances.

Cependant, les oligarques de la nance, les fonctionnaires corrompus et concussionnaires, les despotes locaux et les mauvais hobereaux, tous, avec Tchiang Kaï-chek en tête, ont rassemblé d’immenses fortunes. Ces fortunes, Tchiang Kaï-chek et ses semblables les ont amassées à la faveur de leurs pouvoirs dictatoriaux en commettant des exactions et en servant leurs intérêts privés sous le couvert des intérêts publics.

Pour maintenir sa dictature et poursuivre sa guerre civile, Tchiang Kaï-chek n’a pas hésité à aliéner les droits souverains de notre pays à l’impérialisme étranger; il s’est entendu avec les forces américaines pour qu’elles restent à Tsingtao et ailleurs, et a fait venir des États-Unis des conseillers qu’il fait participer à la direction de la guerre civile et à l’instruction des troupes pour massacrer ses propres compatriotes.

De grandes quantités d’avions, de tanks, de canons et de munitions pour la guerre civile sont venus des États-Unis.

Des sommes colossales consacrées à la guerre civile sont empruntées aux États-Unis.

En reconnaissance des faveurs qu’il a reçues de l’impérialisme américain, Tchiang Kaï-chek lui a cédé des bases militaires et des droits de survol et de navigation [par le “Traité sino-américain d’Amitié, de Commerce et de Navigation”, conclu entre le gouvernement de Tchiang Kaï-chek et le gouvernement des Etats-Unis le 4 novembre 1946], a conclu avec lui un traité commercial d’asservissement et a commis d’autres actes de trahison, tous bien pires que ceux de Yuan Che-kai.

En un mot, les vingt années de domination de Tchiang Kaï-chek n’ont été que trahison, dictature et lutte contre le peuple.

Aujourd’hui, l’immense majorité des Chinois, qu’ils soient du Nord ou du Sud, jeunes ou vieux, con- naissent les crimes monstrueux de Tchiang Kaï-chek et espèrent que notre armée passera rapidement à la contre-offensive pour le renverser et libérer toute la Chine.

Nous sommes l’armée du peuple chinois et, en toute chose, nous faisons nôtre la volonté du peuple chinois.

La politique suivie par notre armée reflète les revendications urgentes du peuple chinois; elle comporte principalement les points suivants:

1) Unir toutes les classes et couches sociales opprimées — ouvriers, paysans, soldats, intellectuels et commerçants —, toutes les organisations populaires, tous les partis démocratiques, toutes les minorités nationales, tous les ressortissants chinois à l’étranger et autres patriotes; former un front uni national; renverser le gouvernement dictatorial de Tchiang Kaï-chek; et constituer un gouvernement démocratique de coalition.

2) Arrêter, juger et punir les criminels de la guerre civile,Tchiang Kaï-chek en tête.

3) Abolir le régime dictatorial de Tchiang Kaï-chek, réaliser la démocratie populaire et garantir au peuple la liberté de parole, de la presse, de réunion et d’association.

4) Abolir les institutions pourries du régime de Tchiang Kaï-chek, éliminer tous les fonctionnaires corrompus et concussion- naires et établir un gouvernement propre et honnête.

5) Confisquer les biens des quatre grandes familles 8 de Tchiang Kaï-chek, de T. V. Soong, de H. H. Kung et des frères Tchen, ainsi que les biens des autres principaux criminels de guerre; confisquer le capital bureaucratique, développer l’industrie et le commerce de la bourgeoisie nationale, améliorer les conditions de vie des ouvriers et des employés et secourir les sinistrés et les indigents.

6) Abolir le système d’exploitation féodale et appliquer le système de la terre à ceux qui la travaillent.

7) Reconnaître le droit à l’égalité et à l’autonomie des minorités nationales sur tout le territoire chinois.

8) Répudier la politique étrangère de trahison du gouvernement dictatorial de Tchiang Kaï-chek, dénoncer tous les traités de trahison nationale et refuser de reconnaître toutes les dettes contractées par Tchiang Kaï-chek avec les pays étrangers durant la période de la guerre civile.

Exiger du gouvernement des États-Unis le retrait de ses troupes stationnées en Chine, qui sont une menace pour l’indépendance de la Chine, et s’opposer à ce qu’un pays étranger, quel qu’il soit, aide Tchiang Kaï-chek à poursuivre la guerre civile ou tente de faire renaître les forces agressives du Japon.

Conclure des traités de commerce et d’amitié avec les pays étrangers sur la base de l’égalité et de l’intérêt réciproque.

Nous unir dans une lutte commune avec toutes les nations du monde qui nous traitent sur un pied d’égalité.

Telle est la politique fondamentale suivie par notre armée. Elle sera mise en pratique immédiatement, partout où ira notre armée. Elle est conforme aux exigences de plus de 90 pour cent de la population de notre pays.

Notre armée ne rejette pas tous les membres du personnel de Tchiang Kaï-chek, mais se donne pour ligne de conduite de les traiter différemment selon les cas.

Autrement dit, les grands criminels seront punis, ceux qui sont complices par contrainte ne seront pas poursuivis et ceux qui rendent des services méritoires seront récompensés.

Quant à Tchiang Kaï-chek, le principal fauteur de guerre civile qui a commis les crimes les plus odieux, et tous ses complices endurcis, qui ont foulé le peuple aux pieds et sont stigmatisés comme criminels de guerre par les larges masses, notre armée les traquera, fût-ce au bout du monde, en sorte qu’ils soient jugés et punis selon la loi.

A tous les officiers et soldats de l’armée de Tchiang Kaï-chek, tous les fonctionnaires du gouvernement de Tchiang Kaï-chek et tous les membres du Parti de Tchiang Kaï-chek, notre armée donne cet avertissement: ceux dont les mains ne sont pas encore tachées du sang des innocents doivent s’abstenir rigoureusement de se joindre à ces criminels; ceux qui ont fait du mal doivent cesser immédiatement, se repentir, faire peau neuve et rompre avec Tchiang Kaï-chek, nous leur laisserons la chance de racheter leurs crimes par des services méritoires.

Notre armée ne tuera ni ne maltraitera aucun des officiers ou soldats de l’armée de Tchiang Kaï-chek qui déposeront leurs armes, mais les acceptera dans nos rangs s’ils veulent rester ou les renverra chez eux s’ils veulent s’en aller.

Les troupes de Tchiang Kaï-chek qui se soulèvent et se joignent à notre armée ou les personnes qui travaillent pour notre armée ouvertement ou en secret seront récompensées.

Afin de renverser Tchiang Kaï-chek et de former un gouverne- ment démocratique de coalition dans un bref délai, nous faisons appel à nos compatriotes de tous les milieux pour qu’ils coopèrent active- ment avec notre armée, là où elle est présente, pour balayer les forces réactionnaires et instaurer l’ordre démocratique.

Dans les endroits où notre armée n’est pas encore parvenue, ils doivent prendre d’eux- mêmes les armes, résister à l’enrôlement forcé et aux réquisitions de céréales, procéder à la distribution des terres, refuser de reconnaître les dettes et profiter des lacunes dans les régions contrôlées par l’ennemi pour développer la guerre de partisans.

Afin de renverser Tchiang Kaï-chek et de former un gouvernement démocratique de coalition dans un bref délai, nous faisons appel au peuple des régions libérées pour qu’il mène la réforme agraire à bonne fin, consolide les bases de la démocratie, développe la production, applique un régime de stricte économie, augmente la puissance des forces armées populaires, balaie les derniers points d’appui de l’ennemi et soutienne le front.

Camarades commandants et combattants de notre armée! La tâche la plus importante, la plus glorieuse dans l’histoire de la révolution de notre pays repose sur nos épaules. Nous devons redoubler d’efforts pour accomplir cette tâche.

Nos efforts décideront du jour où notre grande patrie émergera des ténèbres et où nos chers compatriotes auront une vie digne de l’homme et choisiront un gouvernement selon leur vœu.

Tous les officiers et soldats de notre armée doivent se perfectionner dans l’art militaire, avancer hardiment dans une guerre où notre victoire est certaine, et anéantir tous nos ennemis résolument, radicalement, intégralement, totalement. Ils doivent tous élever le niveau de leur conscience politique, se rendre habiles à anéantir les forces ennemies comme à éveiller les masses, s’unir intimement aux masses et développer rapidement les nouvelles régions libérées pour en faire des régions bien consolidées.

Ils doivent renforcer l’esprit de discipline et exécuter résolument les ordres, appliquer notre politique, mettre en pratique les trois grandes règles de discipline et les huit recommandations, réaliser l’unité de l’armée et du peuple, l’unité de l’armée et du gouvernement, l’unité des officiers et des soldats et l’unité de toute l’armée; aucune infraction à la discipline ne sera tolérée.

Tous nos officiers et soldats doivent toujours avoir présent à l’esprit que nous sommes la grande Armée populaire de Libération, les troupes dirigées par le grand Parti communiste chinois.

A condition que nous observions constamment les directives du Parti, nous sommes sûrs de la victoire.

A bas Tchiang Kaï-chek! Vive la Chine nouvelle!

>Sommaire du dossier

La révolution chinoise et les débuts de la guerre de libération

Avant l’intervention japonaise généralisée, le Kuomintang s’appuyait sur la côte ainsi que les grandes villes le long des fleuves, tandis que le Parti Communiste de Chine avait ses bases dans les régions montagneuses.

Par la suite, le cœur du Kuomintang se déplaça vers le « grand arrière », la Chine du nord-ouest et du sud-ouest, alors que l’armée dirigée par le Parti Communiste de Chine avait l’initiative, affrontant 45 % des troupes d’invasion japonaises et 95 % des troupes fantoches à leur service.

Au moment de l’effondrement de l’armée impériale japonaise, la zone contrôlée par le Parti Communiste de Chine est alors peuplée de cent millions de personnes sur 19 provinces, avec un million de soldats et de 2,2 millions de personnes dans les milices populaires.

En même temps, par trois fois durant la guerre sino-japonaise, le Kuomintang avait lancé de grandes campagnes contre l’armée dirigée par le Parti Communiste de Chine : en 1940, en 1941 (avec notamment l’incident de l’Anhouei où 9000 personnes de la Nouvelle IVe armée furent tués lors d’une offensive surprise de l’armée de Tchiang Kaï-Chek) et en 1943.

Une fois le Japon vaincu, les Etats-Unis soutinrent massivement les troupes de Tchian Kaï-Chek, qui rassemblaient deux millions d’hommes.


Tchiang Kaï-Chek, Franklin D. Roosevelt et Winston Churchill,
au Caire en Egypte en novembre 1943

À la fin de juin 1946, pas moins de 45 divisions du Kuomintang avaient été équipées par les États-Unis, depuis les forces terrestres, navales et aériennes jusqu’au personnel de santé, les services secrets, etc.

Des avions et des navires américains transportèrent plus de 540 000 hommes à l’intérieur du territoire chinois (soit 41 divisions et 8 brigades), ainsi que 90 000 fusiliers cantonnés auparavant dans les principales villes.

Officiellement, les États-Unis fournirent 4500 millions de dollars à l’armée de Tchiang Kaï-Chek, au point que 50 % des dépenses du gouvernement de celui-ci provenait de cette aide.

Mais cela ne fut pas suffisant pour contrer la formidable avancée de l’armée dirigée par Mao Zedong, dont voici la présentation, en septembre 1947, de la stratégie pour la deuxième année de la guerre de libération, traçant un bilan de l’année précédente.

« 1. Au cours de la première année de la guerre (de juillet de l’an dernier à juin de cette année), nous avons anéanti 97 brigades et demie des troupes régulières ennemies, soit 780.000 hommes, des troupes fantoches, des corps de sécurité publique et autres unités se montant à 340.000 hommes, ce qui fait en tout 1.120.000 hommes.

C’est là une grande victoire.

Cette victoire a été pour l’ennemi un coup sérieux, elle a suscité un profond sentiment de défaitisme dans tout le camp ennemi, soulevé d’enthousiasme le peuple dans tout le pays et jeté les bases pour l’anéantissement complet de l’ennemi et la conquête de la victoire finale.

2. Pendant la première année de la guerre, l’ennemi a lancé une offensive de grande envergure contre nos régions libérées avec 218 de ses 248 brigades régulières, soit plus de 1.600.000 hommes, avec près d’un million d’hommes des unités spéciales (marine, aviation, artillerie, corps du génie et troupes blindées), des troupes fantoches, des troupes du corps de la police des communications et du corps de sécurité publique.

Notre armée a eu raison d’adopter la stratégie consistant à mener des opérations à l’intérieur des lignes, même si ce fut au prix de plus de 300.000 tués et blessés et de vastes territoires abandonnés à l’ennemi, grâce à quoi notre armée a réussi à garder l’initiative en tout temps et en tout lieu.

Il en est résulté que nous avons pu infliger à l’ennemi des pertes s’élevant à 1.120.000 hommes, le contraindre à disperser ses troupes, forger et renforcer les nôtres, lancer des contre-offensives stratégiques dans le Nord-Est, le Jéhol, le Hopei de l’Est, le Chansi du Sud et le Honan du Nord, où nous avons recouvré et libéré de vastes territoires.

3. Pendant la deuxième année de la guerre, la tâche essentielle de notre armée est de lancer une contre-offensive à l’échelle nationale, c’est-à-dire de faire combattre nos troupes de campagne à l’extérieur des lignes, de porter la guerre dans les régions du Kuomintang, d’anéantir l’ennemi en grand nombre à l’extérieur des lignes et de faire échouer complètement la stratégie contre-révolutionnaire du Kuomintang, qui, elle, consiste à continuer de porter la guerre dans les régions libérées, à détruire et à épuiser toujours davantage nos ressources en hommes et en matériel, pour nous mettre dans l’impossibilité de tenir longtemps.

Pendant la deuxième année de la guerre, une part de la tâche de notre armée est d’employer un certain nombre de nos troupes de campagne et les importantes unités de nos troupes locales pour poursuivre les opérations à l’intérieur des lignes, y anéantir l’ennemi et recouvrer les territoires perdus.

4. En appliquant le principe qui consiste à mener des opérations à l’extérieur des lignes, à porter la guerre dans les régions du Kuomintang, notre armée rencontrera évidemment beaucoup de difficultés.

La raison en est qu’il faut du temps pour établir de nouvelles bases dans les régions du Kuomintang et que nous ne pouvons établir des bases solides qu’après avoir anéanti l’ennemi en grand nombre au cours de multiples opérations mobiles où alternent avances et reculs, mis en mouvement les masses, distribué les terres, instauré notre pouvoir et organisé les forces armées populaires.

Jusque-là, les difficultés seront nombreuses.

Mais elles peuvent et doivent être surmontées.

En effet, l’ennemi sera contraint de se disperser encore davantage, et notre armée disposera de vastes territoires qui serviront de champs de bataille à nos opérations mobiles et nous pourrons ainsi engager une guerre de mouvement; les larges masses de la population de ces territoires haïssent le Kuomintang et soutiennent notre armée; et, bien qu’une partie des forces ennemies ait encore une puissance de combat relativement élevée, dans l’ensemble le moral de l’ennemi est beaucoup plus bas et sa puissance de combat beaucoup plus faible qu’il y a un an.

5. La clé de notre victoire dans les combats à l’intérieur des régions du Kuomintang est, premièrement, de savoir saisir le moment propice pour combattre, d’être courageux et décidé, et de gagner autant de batailles que possible; et, deuxièmement, d’appliquer résolument la politique visant à gagner les masses, de leur donner la possibilité d’obtenir des avantages, afin qu’elles prennent parti pour notre armée.

Si ces deux points sont réalisés, nous enlèverons la victoire.

6. A la fin d’août de cette année, les forces ennemies, y compris celles qui ont été anéanties ou qui ont essuyé des coups écrasants, se répartissent ainsi: 157 brigades sur le front sud, 70 sur le front nord et 21 à l’arrière, ce qui fait donc encore au total, pour le pays entier, 248 brigades, le chiffre réel des effectifs s’élevant à environ 1.500.000 hommes; les unités spéciales, les troupes fantoches, les corps de la police des communications et les corps de sécurité publique comptent à peu près1.200.0 hommes; les non-combattants dans les organismes militaires de l’arrière sont d’environ 1.000.000.

Les forces ennemies comptent donc au total 3.700.000 hommes environ.

Parmi les troupes du front sud, 117 brigades appartiennent au groupe de Kou Tchou-tong,

7 au groupe de Tcheng Tsien ainsi qu’à d’autres, et 33 au groupe de Hou Tsong-nan. Des 117 brigades du groupe de Kou Tchou-tong, 63 ont été anéanties ou ont reçu des coups écrasants.

Parmi celles-ci, certaines n’ont pas procédé au complètement de leurs effectifs; d’autres, tout en l’ayant fait, restent encore faibles en effectifs comme en puissance de combat; d’autres enfin, qui ont été assez bien pourvues en effectifs et en armes et qui ont retrouvé dans une certaine mesure leur puissance de combat, sont néanmoins beaucoup plus faibles qu’auparavant.

Il n’y a que 54 brigades qui n’aient pas été anéanties ou n’aient pas reçu de coups écrasants.

De la totalité des forces de Kou Tchou-tong, 82 à 85 brigades sont employées au service de garnison ou ne peuvent être utilisées que pour des manœuvres locales, alors que 32 à 35 brigades seulement peuvent être utilisées dans des manœuvres stratégiques.

Les 7 brigades appartenant au groupe de Tcheng Tsien et à d’autres ne peuvent être utilisées, dans l’ensemble, que pour le service de gar- nison et l’une d’elles a déjà reçu des coups écrasants.

Des 33 brigades du groupe de Hou Tsongnan (y compris celles qui se trouvent à l’est de Lantcheou, au sud de Ninghsia et de Yulin et à l’ouest de Linfen et de Louoyang), 12 ont été anéanties ou ont reçu des coups écrasants, 7 seulement peuvent être utilisées pour des manœuvres stratégiques et les autres sont employées au service de garnison.

Sur le front nord, l’ennemi a en tout 70 brigades.

Parmi celles-ci, le groupe du Nord- Est compte 26 brigades, dont 16 ont été anéanties ou ont reçu des coups écrasants; le groupe de Souen Lien-tchong possède 19 brigades, dont 8 ont été anéanties ou ont reçu des coups écrasants; Fou Tsouo-yi dispose de 10 brigades, dont 2 ont reçu des coups écrasants; et Yen Si-chan de 15 brigades, dont 9 ont été anéanties ou ont reçu des coups écrasants.

Ces troupes ennemies sont maintenant pour l’essentiel sur la défensive et une petite partie d’entre elles seulement sont capables d’entreprendre des opérations mobiles.

A l’arrière, le Kuomintang n’a que 21 brigades en service de garnison. Parmi celles- ci, 8 brigades se trouvent dans le Sinkiang et le Kansou de l’Ouest, 7 dans le Setchouan et le Sikang, 2 dans le Yunnan, 2 dans le Kouangtong (il s’agit de la 69e division qui a été anéantie) et 2 autres à Taïwan. Il n’y a pas de troupes régulières dans les six provinces du Hounan, du Kouangsi, du Koueitcheou, du Foukien, du Tchékiang et du Kiangsi.

Le Kuomintang projette, avec l’aide des États-Unis, de lever cette année un million d’hommes pour regarnir le front, et de former un certain nombre de nouvelles brigades et de régiments de remplacement.

Cependant, tant que notre armée réussira à anéantir en moyenne 8 brigades ennemies par mois, comme elle l’a fait pendant la première année de combats, et à anéantir 96 à 100 autres brigades pendant la deuxième année (en juillet et août, 16 brigades et demie ont déjà été anéanties), alors l’armée ennemie continuera de s’affaiblir considérablement, verra sa réserve stratégique se réduire au minimum et sera acculée à la défensive partout dans le pays et attaquée par nous de toutes parts.

Bien que le Kuomintang projette de lever un million d’hommes et de former de nouvelles brigades et des régiments de remplacement, cela ne lui servira à rien.

Comme sa seule méthode de recrutement consiste à enrôler par force et à engager des mercenaires, il lui sera certainement difficile d’atteindre le million; de plus, les désertions seront nombreuses. Par ailleurs, en appliquant le principe consistant à opérer à l’extérieur des lignes, notre armée sera en mesure de réduire les ressources de l’ennemi en hommes et en matériel.

7. Nos principes d’opérations restent les mêmes que ceux qui ont été fixés auparavant:

Attaquer d’abord les forces ennemies dispersées et isolées (ceci s’applique aussi à une vaste campagne d’anéantissement dirigée contre plusieurs brigades à la fois, telle que la campagne de Laiwou en février ou la campagne du Chantong du Sud- Ouest en juillet de cette année), et ensuite les forces ennemies concentrées et puissantes.

S’emparer d’abord des villes petites et moyennes et des vastes régions rurales, et ensuite des grandes villes.

Se fixer pour objectif principal l’anéantissement des forces vives de l’ennemi, et non pas la défense ou la prise d’un territoire.

La possibilité de garder ou de prendre un territoire résulte de l’anéantissement des forces vives de l’ennemi, et souvent un territoire ne peut être tenu ou pris définitivement qu’après avoir changé de mains à plusieurs reprises.

A chaque bataille, concentrer des forces d’une supériorité absolue, encercler complètement les forces ennemies, s’efforcer de les anéantir totalement, sans leur donner la possibilité de s’échapper du filet.

Dans des cas particuliers, infliger à l’ennemi des coups écrasants, c’est-à-dire concentrer toutes nos forces pour une attaque de front et une attaque sur l’un des flancs de l’ennemi ou sur les deux, anéantir une partie de ses troupes et mettre l’autre partie en déroute, afin que notre armée puisse déplacer rapidement ses forces pour écraser d’autres troupes ennemies.

D’une part, il faut se garder d’engager un combat sans préparation, ou un combat dont l’issue victorieuse ne soit pas certaine; il faut faire les plus grands efforts pour se bien préparer à chaque engagement, faire les plus grands efforts pour s’assurer la victoire dans un rapport de conditions donné entre l’ennemi et nous.

D’autre part, il faut mettre pleinement en œuvre notre excellent style de combat — bravoure, esprit de sacrifice, mépris de la fatigue et ténacité dans les combats continus (c’est-à-dire engagements successifs en un court laps de temps).

Il faut s’efforcer d’attirer l’ennemi dans la guerre de mouvement, mais en même temps il faut bien s’appliquer à apprendre la tactique d’attaque de positions et renforcer l’artillerie et les corps du génie, afin de s’emparer d’un grand nombre de points fortifiés et de villes de l’ennemi.

Attaquer et prendre résolument tous les points fortifiés et toutes les villes qui sont faiblement défendus. Attaquer et prendre au moment propice, et pour autant que les circonstances le permettent, tous les points fortifiés et toutes les villes modérément défendus.

Laisser de côté, pour le moment, tous les points fortifiés et toutes les villes puissamment défendus. Compléter nos forces à l’aide de toutes les armes et de la plus grande partie des effectifs pris à l’ennemi (80-90 pour cent des soldats et un petit nombre d’officiers subalternes).

Chercher à compléter nos forces essentiellement aux dépens de l’ennemi et dans les régions du Kuomintang, et seulement en partie dans les régions libérées anciennes; ceci s’applique en particulier aux armées du front sud.

Dans toutes les régions libérées, nouvelles ou anciennes, nous devons résolument réaliser la réforme agraire (c’est la condition fondamentale pour soutenir une guerre de longue durée et remporter la victoire dans tout le pays), développer la production, appliquer le régime d’une stricte économie et accentuer le développement de l’industrie de guerre — tout pour la victoire sur le front.

C’est seulement ainsi que nous pourrons soutenir une guerre de longue durée et remporter la victoire dans tout le pays. Si nous agissons effectivement de la sorte, il est bien certain que nous serons capables de soutenir une guerre de longue durée et de remporter la victoire dans tout le pays.

8. Sont exposés ci-dessus le bilan des combats de la première année et les principes pour les combats futurs.

Les camarades dirigeants des différentes régions sont priés d’en transmettre le contenu à tous les cadres à l’échelon du régiment et au-dessus, à l’échelon du comité préfectoral du Parti [Le comité préfectoral du Parti est un organe dirigeant d’un échelon inférieur au comité de province ou de territoire du Parti, mais supérieur au comité de district du Parti] et au-dessus, ainsi qu’à l’échelon du commissariat préfectoral et au-dessus, de sorte que chacun comprenne bien quelle est sa tâche et s’en acquitte avec une fermeté inébranlable. »

>Sommaire du dossier

La révolution chinoise : la première victoire en 1945

Lorsque la victoire arriva en 1945, le pays avait payé un lourd tribut pour venir à bout de l’occupation japonaise. 3,22 millions de soldats et 8,4 millions de civils avaient perdu la vie, l’armée japonaise perdant quant à elle 1,1 million de soldats.

Ce fut une guerre cruelle, l’armée japonaise pratiquant, devant la résistance chinoise, la « politique des trois tout » (tout brûler, tout tuer, tout piller). Les crimes de guerre par l’armée japonaise furent immenses et rivalisent en perversité avec l’Allemagne nazie.

Lorsque l’armée japonaise prit notamment la ville de Nanjing (anciennement appelé Nankin en français), elle massacra 300 000 personnes pendant six semaines à partir de fin 1937, violant collectivement jusqu’à la mort 20 000 femmes et jeunes filles, avec toutes les perversités possibles : mutilations, personnes enterrées vivantes, etc.

C’est dans cette même ville que le représentant du Japon, Yasuji Okamura, signa la capitulation devant la Chine, après l’avoir fait devant les Etats-Unis.

Alors qu’il fut un haut dirigeant militaire japonais en Chine, devenant en novembre 1944 le chef de l’armée japonaise en Chine, et qu’il a à ce titre appliqué la « politique des trois tout », il ne fut finalement pas inquiété comme criminel de guerre sur demande exprès de Jiang Jieshi (Tchiang Kaï-Chek) qui en fit un conseiller.

Car la Chine n’en avait pas fini avec la guerre : le Kuomintang, avec l’appui américain, comptait affronter le Parti Communiste de Chine. Ce dernier avait progressé à grands pas, passant à 40 000 membres en 1937, 800 000 en 1940, 1 211 128 en avril 1945.

Cette situation fut présentée comme suit par Mao Zedong, dans le discours « Les deux destins de la Chine » ouvrant le 7e congrès du Parti Communiste de Chine, le 23 avril 1945.

« Camarades! Aujourd’hui s’ouvre le VIle Congrès du Parti communiste chinois. En quoi réside l’importance toute particulière de ce Congrès? C’est qu’il concerne, nous devons le dire, le sort de 450 millions de Chinois.

Deux destins s’offrent à la Chine: sur l’un d’eux, on a déjà écrit un livre [Jiang Jieshi, Le destin de la Chine, publié en 1943]; notre Congrès représente l’autre destin de la Chine, et nous aussi, nous écrirons un livre [il s’agira de Du gouvernement de coalition].

Notre Congrès veut le renversement de l’impérialisme japonais et la libération de tout le peuple chinois.

C’est un congrès pour la défaite de l’agresseur japonais et pour l’édification d’une Chine nouvelle, un congrès pour l’union de tout le peuple chinois et l’union avec tous les peuples du monde, en vue de la victoire finale.

Le moment nous est très favorable. En Europe, Hitler est sur le point d’être abattu.

Le théâtre principal de la guerre mondiale contre le fascisme se trouve en Occident, où l’heure de la victoire est proche grâce aux efforts de l’Armée rouge soviétique.

Déjà, on entend ses canons à Berlin, dont la chute est sans doute imminente. En Orient, la guerre pour écraser l’impérialisme japonais touche également à la victoire. Notre Congrès se réunit donc à la veille de la victoire finale dans la guerre contre le fascisme.

Deux voies s’ouvrent devant le peuple chinois — la voie de la lumière et la voie des ténèbres. Deux destins attendent la Chine — l’un radieux, l’autre sombre.

L’impérialisme japonais n’est pas encore battu. Mais même après sa défaite, ces deux perspectives d’avenir resteront ouvertes: ou bien une Chine indépendante, libre, démocratique, unifiée, forte et prospère, c’est-à-dire une Chine radieuse, la Chine nouvelle d’un peuple libéré, ou bien l’autre Chine, semi-coloniale et semi-féodale, divisée, faible et pauvre, c’est-à-dire l’ancienne Chine.

Une Chine nouvelle ou l’ancienne Chine, telles sont les deux perspectives qui s’offrent à notre peuple, au Parti communiste chinois et à notre Congrès.

Puisque le Japon n’est pas encore battu et que ces deux perspectives resteront ouvertes même après sa défaite, comment nous faut-il mener notre travail?

Quelle est notre tâche? Notre seule tâche est de mobiliser hardiment les masses, d’accroître la force du peuple, d’unir toutes les énergies de la nation qui peuvent être unies, en vue de la lutte menée sous la direction de notre Parti pour vaincre l’agresseur japonais, édifier une Chine nouvelle et radieuse, une Chine indépendante, libre, démocratique, unifiée, forte et prospère.

Nous devons lutter de toutes nos forces pour un avenir lumineux, un destin radieux, contre un avenir ténébreux, un sombre destin. Voilà notre seule et unique tâche! Voilà la tâche de notre Congrès, de tout notre Parti, de tout le peuple chinois! Nos espoirs peuvent-ils se réaliser? Nous le pensons. Cette possibilité existe parce que nous jouissons des quatre conditions suivantes:

1° Un puissant Parti communiste, riche en expérience et fort de 1.210.000 membres;

2° De puissantes régions libérées, avec une population de 95.500.000 habitants, une armée de 910.000 hommes et une milice populaire de 2.200.000 membres;

3° L’appui des masses de tout le pays;

4° Le soutien des peuples du monde entier et en particulier celui de l’Union soviétique.

Ces conditions étant réunies — un puissant Parti communiste, de puissantes régions libérées, l’appui du peuple tout entier et le soutien des peuples du monde —, nos espoirs pourront-ils se réaliser?

Nous le pensons. Dans le passé, la Chine n’avait jamais connu de telles conditions.

Certes, elles existent dans une certaine mesure depuis un bon nombre d’années, mais elles ne se sont jamais manifestées comme aujourd’hui dans toute leur plénitude.

Jamais le Parti communiste chinois n’a été aussi puissant, l’armée et la population des bases révolutionnaires aussi nombreuses; à aucun moment, le prestige du Parti communiste chinois auprès de la population des régions occupées par les Japonais et des régions dominées par le Kuomintang n’a été aussi grand, alors que les forces révolutionnaires représentées par l’Union soviétique et par les peuples des autres pays sont plus puissantes que jamais.

On peut donc affirmer qu’en bénéficiant de telles conditions il est tout à fait possible de vaincre l’agresseur et d’édifier une Chine nouvelle.

Nous devons avoir une politique juste, dont l’élément fondamental est de mobiliser hardiment les masses et d’en accroître la force, afin que, sous la direction de notre Parti, elles mettent en échec l’agresseur et édifient une Chine nouvelle.

Au cours de ses vingt-quatre années d’existence, c’est-à-dire depuis sa création en 1921, le Parti communiste chinois a traversé trois périodes historiques de luttes héroïques — l’Expédition du Nord, la Guerre révolutionnaire agraire et la Guerre de Résistance contre le Japon —et il a acquis une riche expérience.

Aujourd’hui, notre Parti est devenu le centre de gravité du peuple chinois en lutte contre l’agression japonaise et pour le salut de la patrie, son centre de gravité dans la lutte pour la libération, pour la victoire sur l’envahisseur et pour l’édification d’une Chine nouvelle.

Le centre de gravité de la Chine est ici même où nous sommes, et nulle part ailleurs.

Nous devons étre modestes et prudents, nous garder de toute présomption et de toute précipitation, servir le peuple chinois de tout notre coeur, afin de l’unir pour vaincre l’agresseur japonais dans le présent et pour édifier un Etat de démocratie nouvelle dans l’avenir. Si nous savons agir ainsi, si nous avons une politique juste, si nous conjuguons nos efforts, nous accomplirons notre tâche.

A bas l’impérialisme japonais!

Vive la libération du peuple chinois! Vive le Parti communiste chinois!

Vive le VIIe Congrès du Parti communiste chinois! »

>Sommaire du dossier

La révolution chinoise : les trois étapes de la guerre anti-japonaise

La guerre contre l’occupant japonais fut donc au cœur de l’action du Parti Communiste de Chine. L’une des batailles fameuses, où la guerre de partisans joua symboliquement un rôle majeur, fut celle de Pingxingguan, en septembre 1937.

À cette occasion, la 8e armée de route, nouvelle dénomination de l’armée rouge depuis l’accord du 15 juillet 1937 (avec trois divisions de deux brigades, avec elles-même deux régiments chacune), s’appropria un millier d’armes et une centaine de véhicules remplis de matériel.

Une autre bataille de grande importance fut celle de Taierzhuang, où l’armée nationale révolutionnaire chinoise battit les troupes japonaises pour la première fois, en mars-avril 1938, dans une bataille d’envergure où 20 000 soldats japonais perdirent la vie.

Un événement d’importance fut l’offensive dite des cent régiments mené par la 8e armée de route, permettant notamment de détruire des centaines de kilomètres de voies ferrées. 400 000 soldats y participèrent, participant à 1 824 batailles, tuant 20 645 soldats japonais et 5 155 soldats chinois des régimes fantoches pro-japonais.

Carte de l’armée américaine montrant la situation à la fin de la seconde guerre mondiale.
Les zones en rouge sont sous occupation japonaise,
celles hachurées sont des bases de l’Armée Populaire de Libération.

Voici comment Mao Zedong, en 1944, présente les étapes de cette guerre antijaponaise par rapport au Parti Communiste de Chine.

« On peut distinguer trois étapes dans le développement de notre Parti durant la Guerre de Résistance.

La première va de 1937 à 1940.

En 1937 et 1938, soit pendant les deux premières années de la guerre, les militaristes japonais prenaient au sérieux le Kuomintang et faisaient peu de cas du Parti communiste, aussi lancèrent-ils leurs forces principales contre le front du Kuomintang ; dans leur politique à l’égard de ce dernier, l’attaque militaire était l’élément principal, et l’action politique pour l’inciter à capituler, l’élément secondaire.

Quant aux bases antijaponaises dirigées par notre Parti, ils leur accordaient peu d’importance, croyant n’avoir à faire qu’à une poignée de communistes engagés dans des actions de partisans.

Mais, après avoir occupé Wouhan en octobre 1938, les impérialistes japonais se mirent à changer de politique, à prendre au sérieux le Parti communiste et à faire peu de cas du Kuomintang ; à l’égard de celui-ci, l’action politique pour l’inciter à capituler devint alors l’élément essentiel, et l’attaque militaire l’élément secondaire; en même temps, ils déplacèrent peu à peu leurs forces principales pour les lancer contre les communistes, s’étant alors rendu compte que ce n’était plus le Kuomintang mais le Parti communiste qu’il fallait redouter.

En 1937 et 1938, le Kuomintang se montrait encore plus ou moins actif dans la Guerre de Résistance, et ses relations avec notre Parti étaient encore relativement bonnes ; malgré de nombreuses restrictions, il laissait au mouvement populaire antijaponais une liberté d’action assez grande.

Mais après la chute de Wouhan, ses défaites dans la guerre et son hostilité croissante à l’égard du Parti communiste le poussèrent à devenir peu à peu plus réactionnaire, plus actif dans la lutte anticommuniste et plus passif dans la Guerre de Résistance.

A la suite des revers subis dans la guerre civile, le Parti communiste n’avait en 1937 qu’environ 40.000 membres bien organisés et une armée dépassant à peine 30.000 hommes; c’est pourquoi les militaristes japonais en faisaient peu de cas.

Mais en 1940, l’effectif du Parti avait atteint le chiffre de 800.000, notre armée comptait près de 500.000 hommes, et la population des bases d’appui atteignait un total d’environ 100 millions d’habitants, si l’on compte tous ceux qui nous payaient l’impôt en céréales, y compris ceux qui devaient en outre le payer aux autorités fantoches.

En quelques années, notre Parti a étendu à tel point le théâtre des opérations, formé par les régions libérées, que nous avons pu empêcher pendant cinq ans et demi toute offensive stratégique des forces principales de l’envahisseur japonais contre le front du Kuomintang, attirer ces forces autour de nous, sortir le Kuomintang de la situation critique qui régnait sur son propre théâtre d’opérations et soutenir une guerre de résistance prolongée.

Mais, durant la première étape, certains de nos camarades ont commis une erreur: ils ont sous-estimé l’impérialisme japonais (ainsi ont-ils méconnu le caractère prolongé et acharné de la guerre, préconisé la primauté de la guerre de mouvement menée avec de grosses formations et minimisé le rôle de la guerre de partisans), ils ont compté sur le Kuomintang et, faute de lucidité, ils n’ont pas su appliquer une politique indépendante (d’où leur esprit de capitulation devant le Kuomintang et leur hésitation à mobiliser hardiment les masses pour créer des bases démocratiques antijaponaises sur les arrières de l’ennemi et à augmenter largement les effectifs des forces armées dirigées par notre Parti).

D’autre part, les nouveaux membres que le Parti avait recrutés en grand nombre n’avaient pas d’expérience et nos bases d’appui nouvellement établies derrière les lignes ennemies n’étaient pas encore consolidées.

Durant cette étape, une certaine suffisance apparut dans nos rangs en raison du cours favorable des événements, de l’essor de notre Parti et de nos forces armées, et beaucoup de nos membres s’enflèrent d’orgueil.

Cependant, nous sommes venus à bout de la déviation de droite dans le Parti et nous avons appliqué une politique indépendante; nous n’avons pas seulement porté des coups à l’impérialisme japonais, créé des bases d’appui et développé la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IV Armée, nous avons aussi fait échec à la première campagne anticommuniste du Kuomintang.

Les années 1941 et 1942 constituent la deuxième étape.

Afin de préparer et d’entreprendre la guerre contre la Grande-Bretagne et les États-Unis, les impérialistes japonais intensifièrent encore l’application de la politique qu’ils avaient adoptée après la chute de Wouhan en faisant porter leurs attaques principales non plus sur le Kuomintang mais sur le Parti communiste; ils massèrent des effectifs encore plus importants de leurs forces principales autour de toutes les bases d’appui dirigées par le Parti communiste, firent se succéder leurs campagnes de « nettoyage » et appliquèrent leur politique brutale de « tout brûler, tout tuer, tout piller », concentrant leurs attaques contre notre Parti.

Aussi ce dernier se trouva-t-il, durant ces deux années, dans une situation extrêmement difficile. Nos bases d’appui se rétrécirent, la population tomba au-dessous de 50 millions d’habitants, la VIIIe Armée de Route fut réduite à quelque 300.000 hommes, nos pertes en cadres furent très lourdes, nos finances et notre économie durement touchées.

Pendant ce temps, le Kuomintang, se sentant les mains libres, combattait notre Parti par tous les moyens ; il déclencha sa deuxième campagne anticommuniste, conjuguant ses attaques avec celles des impérialistes japonais.

Mais cette situation difficile fut pleine d’enseignements pour nous, communistes, et nous apprit beaucoup de choses.

Nous avons appris à combattre les campagnes de « nettoyage » de l’ennemi, sa politique de « grignotage », sa campagne « pour le renforcement de la sécurité publique’, sa politique de « tout brûler, tout tuer, tout piller » et celle d’arracher aux nôtres des rétractations de leurs opinions politiques.

Nous avons appris ou commencé à apprendre comment appliquer le « système des trois tiers » dans les organes du pouvoir du front uni, comment mettre en pratique la politique agraire, comment entreprendre le mouvement de rectification des trois styles, style de notre étude, style du Parti dans ses relations intérieures et extérieures et style de nos écrits, comment appliquer la politique: « moins de troupes mais de meilleures et une administration simplifiée », ainsi que celle de l’unification de la direction, comment étendre le mouvement pour « le soutien au gouvernement et l’amour du peuple », et enfin comment développer la production; nous avons éliminé maints défauts, dont cette suffisance qui s’était manifestée chez nombre de nos camarades au cours de la première étape.

Bien que nous ayons subi de lourdes pertes durant cette deuxième étape, nous avons tenu bon; nous avons repoussé d’un côté les attaques de l’envahisseur japonais, et de l’autre la deuxième campagne anticommuniste du Kuomintang.

Les attaques du Kuomintang contre le Parti communiste et les luttes que nous avons dû soutenir pour notre légitime défense ont par ailleurs engendré dans le Parti une sorte de déviation gauchiste; ainsi, par exemple, croyant à une rupture prochaine de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste, on s’est attaqué outre mesure aux propriétaires fonciers et on a négligé de rallier les non-communistes.

Mais là encore, nous sommes venus à bout de la déviation.

Dans notre lutte contre les « frictions » créées par le Kuomintang, nous avons affirmé le principe que nous devions avoir le bon droit de notre côté, nous assurer l’avantage et garder la mesure; dans notre travail du front uni, nous avons montré la nécessité de pratiquer « l’union et la lutte, l’union par la lutte », ce qui nous a permis de maintenir le front uni national antijaponais dans nos bases d’appui comme dans l’ensemble du pays.

La troisième étape va de 1943 à aujourd’hui.

Nos mesures politiques sont devenues plus efficaces; en particulier, le mouvement de rectification des trois styles et le développement de la production ont donné des résultats si décisifs que notre Parti s’est acquis sur le plan idéologique et matériel une position inexpugnable.

De plus, nous avons appris ou commencé d’apprendre, l’année dernière, à procéder à la vérification des cadres et à mener la lutte contre les agents secrets.

C’est dans ces circonstances que nos bases d’appui ont repris leur expansion, que leur population s’est élevée à plus de 80 millions d’habitants — si l’on compte tous ceux qui nous paient l’impôt en céréales, y compris ceux qui doivent en outre le payer aux autorités fantoches —, que notre armée à vu ses effectifs passer à 470.000 hommes et notre milice populaire à 2.270.000 hommes, que notre Parti a pu porter les siens à plus de 900.000 membres. »

>Sommaire du dossier

La révolution chinoise et l’organisation des bases anti-japonaises

Voici comment Mao Zedong présente l’organisation sociale dans les zones libérées, dans Sur la question du pouvoir dans les bases anti-japonaises, formant une directive au nom du Comité central du Parti communiste de Chine, le 6 mars 1940.

1. Nous sommes à un moment où les irréductibles anti-communistes du Kuomintang s’opposent de toutes leurs forces à ce que nous créions des organes du pouvoir démocratique anti-japonais en Chine du Nord, en Chine centrale et dans d’autres régions du pays, alors que nous devons, pour notre part, les instaurer et qu’il nous est déjà possible de le faire dans les principales bases anti-japonaises.

Notre lutte contre les irréductibles anticommunistes sur cette question dans la Chine du Nord, la Chine centrale et le Nord-Ouest peut contribuer à promouvoir l’établissement des organes du pouvoir de front uni dans l’ensemble du pays; et cela retient l’attention de toute la nation. C’est pourquoi il faut procéder avec circonspection.

2. Le pouvoir politique que nous établissons au cours de la Guerre de Résistance contre le Japon est, par son caractère, un pouvoir de front uni national.

C’est le pouvoir de tous ceux qui sont pour la Résistance et la démocratie, c’est la dictature démocratique exercée conjointement par plusieurs classes révolutionnaires sur les traîtres à la nation et les réactionnaires.

Ce pouvoir diffère de la dictature contre-révolutionnaire des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie ; il diffère aussi de la dictature démocratique des ouvriers et des paysans dans la période de la Révolution agraire.

Si on comprend clairement le caractère de ce pouvoir et si on s’applique à l’instaurer effectivement, on contribuera pour une large part à la démocratisation du pays.

Toute déviation “de gauche” ou de droite aurait de très fâcheuses répercussions dans tout le peuple.

3. La convocation de l’Assemblée provinciale du Hopei et l’élection du Conseil administratif du Hopei, dont les préparatifs viennent de commencer, sont d’une importance exceptionnelle. Il en va de même de la création des nouveaux organes du pouvoir dans le nord- ouest du Chansi, dans le Chantong, dans les régions au nord du Houaiho, dans les districts de Soueiteh et de Fouhsien, et dans le Kansou oriental. Nous devons, pour cela, procéder conformément aux principes exposés plus haut, en nous efforçant d’éviter toute déviation de droite ou “de gauche”.

La déviation “de gauche” est actuellement la plus grave, elle néglige de gagner à nous la moyenne bourgeoisie et les hobereaux éclairés.

4. D’après le principe du front uni national anti-japonais concernant la composition des organes du pouvoir, il doit être prévu qu’il y aura un tiers de communistes, un tiers d’éléments progressistes de gauche non communistes et un tiers d’éléments intermédiaires qui ne sont ni de la gauche ni de la droite.

5. Nous devons assurer aux communistes une position dirigeante dans les organes du pouvoir ; il faut donc que les communistes, qui y entrent pour un tiers, l’emportent par leurs qualités personnelles. Seule cette condition assurera au Parti le rôle dirigeant sans qu’il ait besoin d’une représentation plus nombreuse.

Assurer au Parti le rôle dirigeant, ce n’est pas un mot d’ordre à claironner du matin au soir. Cela ne signifiee pas non plus forcer les autres, avec arrogance, à se soumettre à nos ordres. C’est convaincre et éduquer les non-communistes par la juste politique du Parti et l’exemple de notre travail, an  qu’ils acceptent de bonne grâce nos propositions.

6. Il faut qu’il y ait un tiers d’éléments progressistes non communistes, car ils sont liés aux masses petites-bourgeoises. Cela contribuera énormément à gagner la petite bourgeoisie.

7. En admettant un tiers d’éléments intermédiaires, on vise à gagner la moyenne bourgeoisie et les hobereaux éclairés. La conquête de ces couches est une mesure importante pour isoler les irréductibles.

Actuellement, il faut nous garder de négliger la force que constituent ces couches et agir avec prudence dans nos relations avec elles.

8. Nous devons avoir une attitude de coopération à l’égard de tous les non-communistes, affiliés ou non à un parti, et quel que soit le parti auquel ils appartiennent, pourvu qu’ils soient partisans de la Résistance et désireux de coopérer avec le Parti communiste.

9. Le principe relatif à la composition des organes du pouvoir, exposé plus haut, est l’expression authentique de la politique de notre Parti, et on ne doit en aucun cas considérer son application comme une question de pure forme.

Pour appliquer ce principe, il est nécessaire d’éduquer les membres de notre Parti qui travaillent dans les organes du pouvoir, afin que ceux qui ne veulent pas coopérer avec les non-communistes, ou qui n’en ont pas l’habitude, triomphent de leur étroitesse ; on encouragera un style démocratique de travail, qui consiste à prendre l’avis des non-communistes et à obtenir le consentement de la majorité avant d’agir.

En même temps, il faut encourager par tous les moyens les non-communistes à exprimer leurs opinions sur diverses questions et les écouter attentivement. Il ne faut pas croire que, du moment que nous avons l’armée et le pouvoir, tout se fera inconditionnellement selon nos décisions; on risquerait de ne pas faire l’effort nécessaire pour rallier les non-communistes à nos propositions, de façon qu’ils les mettent en pratique de bon gré et par conviction profonde.

10. Les proportions mentionnées ci-dessus ne représentent qu’une règle générale, qui sera appliquée en fonction des circonstances du lieu et non de façon mécanique pour faire le nombre.

Dans les organes du pouvoir à l’échelon de base, les proportions peuvent être quelque peu modifiées, afin d’empêcher l’infiltration des propriétaires fonciers, despotes locaux et mauvais hobereaux. Là où ces organes sont en place depuis longtemps, comme dans la région frontière du Chansi- Tchahar-Hopei, dans les régions du Hopei central, du Taihangchan et du Hopei méridional, la politique appliquée antérieurement doit être réexaminée à la lumière de ce principe.

Celui-ci doit toujours être observé lorsqu’on crée de nouveaux organes du pouvoir.

11. La politique électorale du front uni anti-japonais doit être la suivante: accorder le droit d’élire et d’être élu à tout citoyen chinois âgé de dix-huit ans révolus et qui soutient la Résistance et la démocratie, sans distinction de classe, de nationalité, de sexe, de croyance, d’appartenance politique et de niveau d’instruction. Les organes du pouvoir du front uni anti-japonais seront élus par le peuple. Leur forme d’organisation répondra au principe du centralisme démocratique.

12. Le programme politique du pouvoir du front uni anti-japonais doit avoir essentiellement pour point de départ la lutte contre l’impérialisme japonais, la protection du peuple qui résiste au Japon, le rajustement des intérêts de toutes les couches sociales qui participent à la Résistance, l’amélioration des conditions de vie des ouvriers et des paysans et l’écrasement des traîtres et des réactionnaires.

13. On ne peut exiger des non-communistes travaillant dans nos organes du pouvoir qu’ils vivent, parlent et agissent en communistes ; une telle exigence pourrait les mécontenter ou les mettre mal à l’aise.

14. Les bureaux et sous-bureaux du Comité central, les comités régionaux du Parti et les chefs des unités militaires sont tous tenus d’expliquer clairement la présente directive aux membres du Parti, afin d’assurer son application intégrale dans notre travail concernant les organes du pouvoir.

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