Le troisième
congrès de l’Internationale Communiste s’est tenu à Moscou, du 22
juin au 12 juillet 1921. Le Comité Exécutif a en pratique avancé
sa tenue de deux mois par rapport à ce qui avait été prévu, en
raison de l’intense actualité.
Ce Comité Exécutif de l’Internationale Communiste existe
concrètement depuis le second congrès, les communistes de Russie
ayant géré le passage du premier au second congrès. De nombreux
partis, comme le KPD allemand, aurait espéré d’ailleurs que cela
continue ainsi et qu’ils n’aient pas à envoyer de délégués à
Moscou pendant toute une année.
Les communistes de Russie furent toutefois intransigeants quant à
cette question. Dix partis se plièrent donc à cela, les autres ne
le faisant somme toute que partiellement, ou très partiellement.
Le Comité Exécutif
s’était réuni 31 fois en onze mois depuis le congrès précédent,
abordant 196 questions, dont pas moins de 68 concernant
l’organisation.
Pour les pays qui en
furent le thème principal, on a l’Allemagne (21 fois), l’Italie,
la Roumanie et les États-Unis (12 fois chacun), la Tchécoslovaquie
et l’Orient (10 fois chacun), la Grande-Bretagne (9 fois), la
Bulgarie et la France (7 fois chacun).
Si le premier
congrès tablait en fait sur un mouvement révolutionnaire se formant
rapidement et avait une portée surtout symbolique, le second congrès
a catalysé tout un processus d’organisation de chaque Parti
Communiste, avec les fameuses « 21 conditions ».
Le troisième congrès vise ainsi à concrétiser ces deux premières étapes en structurant l’Internationale Communiste de manière beaucoup plus avancée.
Lénine au troisième congrès de l’Internationale Communiste
L’appel du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste pour la tenue du congrès présente 15 points :
1. Le rapport du Comité Exécutif ;
2. La crise économique mondiale et les nouvelles tâches de l’Internationale Communiste ;
3. La tactique de l’Internationale Communiste durant la révolution ;
4. La période de transition (revendications partielles, actions partielles et lutte révolutionnaire finale) ;
5. La lutte contre
l’union des syndicats jaunes basée à Amsterdam ;
6. Le rapport de l’Internationale Communiste avec le conseil international des syndicats rouges ;
7. La construction organisationnelle des Partis Communistes, les méthodes et contenus de leur travail ;
8. La construction organisationnelle de l’Internationale Communiste et ses rapports avec les Partis qui en sont membres ;
9. La question de l’Orient ;
10. L’appel du Parti Socialiste Italien à l’Internationale Communiste suite à la décision du Comité Exécutif à son sujet ;
11. L’appel du KAPD à l’Internationale Communiste suite à la décision du Comité Exécutif à son sujet ;
12. Le mouvement des femmes ;
13. Le mouvement de la jeunesse ;
14. L’élection du Comité Exécutif ;
15. Divers.
48 pays sont
représentés. Il y a 291 mandats pour le congrès, à quoi
s’ajoutent 218 mandats à valeur consultative lors des votes. Il y
a également une centaine de figures politiques de différents pays
invitées à assister au congrès.
Les mandats ont été
choisis par le Comité Exécutif de manière particulière, puisqu’il
y a eu une prise en compte combinée :
– du nombre de
membres ;
– de la
signification politique du pays ;
– de la possibilité
de développement du mouvement ouvrier et du mouvement communiste.
On a ainsi la
répartition suivante :
– avec 40 voix :
l’Allemagne, la France, l’Italie, la Russie et la Tchécoslovaquie,
ainsi que l’Union de la jeunesse, structure internationale regroupant
800 000 jeunes ;
– avec 30 voix :
l’Angleterre, la Bulgarie, les États-Unis, la Norvège, la Pologne,
l’Ukraine, la Yougoslavie ;
– avec 20 voix :
l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la Hollande, la
Hongrie, la Lettonie, la Roumanie, la Suisse ;
– avec 10 voix :
l’Azerbaïdjan, le Danemark, l’Estonie, la Lituanie, la Géorgie, le
Luxembourg, la Perse, la Turquie ;
– avec 5 voix :
l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Arménie, l’Australie, l’Indonésie,
l’Islande, le Mexique, la Nouvelle-Zélande.
Sont également présents des représentants de Chine, du Japon.
L’ALF, en tant que produit de la lutte de classes,
sur le terrain de la contradiction villes – campagnes, était
invincible. Sa charge morale était inébranlable, l’engagement
produit inlassable.
La question révolutionnaire posée par l’ALF ne
pouvait qu’aboutir à une confrontation authentique avec une société
figée sur des valeurs dépendants des classes dominantes :
c’était ce qu’avait compris Barry Horne.
En ce sens, la mort de Barry Horne fut un épisode d’une importance capitale pour l’ALF britannique et pour les luttes de classes de ce pays. Ce que posait Barry Horne, c’est la nécessité de la constitution d’un noyau dur, sur une base d’avant-garde, capable de poser la rupture.
Barry Horne ne disposait pas des outils
idéologiques pour être à même de réaliser son projet, aussi
s’est-il sacrifié en cherchant à ouvrir un espace pour cela, coûte
que coûte. Cela fait de lui la point le plus haut de l’histoire de
l’ALF britannique.
Ronnie Lee, quant à lui, avait clairement reculé par rapport à cela, cherchant à contourner la question politique de manière complète. Il cherchait à faire triompher la cause des animaux parallèlement à la société, en refusant d’avoir une vue d’ensemble, échappant à la question sociale en exigeant simplement que l’humanité recule.
Ronnie Lee
Il y avait ainsi véritablement deux lignes :
celle posant une offensive, exigeant de s’appuyer sur les
fondamentaux et l’exigence de révolution, au nom de la morale, de la
justice. Et celle faisant de l’ALF une composante d’un mouvement
considéré comme parallèle à la société.
On a alors un exemple à la fois éloquent et
dramatique d’incompréhension de la question de l’opposition
dialectique de deux lignes. Les activistes britanniques se sont en
effet précipités dans une démarche puisant tant dans une ligne que
dans l’autre et, malheureusement, faisant un fétiche des faiblesses
de l’une et de l’autre.
Cela abouti, inévitablement, à l’effondrement complet du mouvement. En 1994, il y eut près de 800 actions de l’ALF britannique, en 1999 il y en eut 1200. En 2003, il n’y en eut que 80, puis désormais leur nombre est entre 30 et 60 par an. Si certaines font de très importants dégâts, il n’y a plus de mouvement, ni aucune perspective.
Le chemin de la catastrophe a été le suivant. Le
mouvement a retenu de Ronnie Lee qu’il fallait être en mesure de
faire une intervention dans la société au sujet de la question
animale. Mais c’était là une lecture anti-politique,
anti-culturelle. C’était un refus de ce que Barry Horne avait
apporté comme dimension révolutionnaire.
Le mouvement a, après la mort de Barry Horne,
quitté entièrement le terrain d’une critique révolutionnaire de la
société. C’était le prolongement d’un phénomène dénoncé par
Barry Horne dès les années 1990 : le mouvement ne se place
plus par rapport aux animaux dans le cadre de la société, mais par
rapport à lui-même.
Il ne prétend pas tout changer, de manière
révolutionnaire, mais faire avancer les choses par lui-même.
On aboutit à ce qui est puisé dans l’approche de
Barry Horne : le volontarisme. Barry Horne justifiait cela par
la nécessité morale de l’intervention, mais il se plaçait dans la
logique d’un processus. En arrière-plan, il y a la formation d’une
rupture subjective, la formation d’une proposition stratégique.
Or, ne comprenant rien à cela, le mouvement s’est
précipité dans un volontarisme totalement délirant, fondé sur le
harcèlement, l’intimidation, l’esprit d’agression, etc. Tout cela
donnait une impression de radicalité, mais c’était ni plus ni moins
qu’un réformisme volontariste entièrement séparé des principes de
violence révolutionnaire, auxquels il faut rattacher Barry Horne.
La combinaison de cette double inspiration,
essentiellement erronée, se révèla fatale au cours de plusieurs
campagnes qui furent alors lancées par une même base d’activistes.
Les plus importantes furent :
– celle fondée en 1996 et visant à sauver les
chiens beagles de l’élevage Consort les destinant
à la vivisection ;
– celle fondée en 1997 et intitulée Save
the Hill Grove Cats, visant un élevage de chats destinés
à la vivisection ;
– celle fondée en 1999 et intitulée Save
the Shamrock Monkeys, visant un centre de primates destinés
à la vivisection ;
– celle fondée en 1999 et intitulée Save
the Newchurch Guinea Pigs, visant un élevage de cochons
d’Inde destinés à la vivisection ;
– celle fondée en 1999 et intitulée Stop
Huntingdon Animal Cruelty, visant le plus centre de
vivisection en Europe ;
– celle fondée en 2003 et intitulée SPEAK et visant l’expérimentation animale en général.
La campagne contre Consort fut
victorieuse, l’élevage fermant en septembre 1997. Pendant dix mois,
des initiatives quotidienne de propagande avaient lieu, accompagnées
d’actions de l’ALF, dont une libération de 26 chiens en mai 1997.
Un événement marquant fut une manifestation de
plusieurs centaines de personnes prenant d’assaut l’élevage en
découpant les barbelés, se retrouvant face à 300 policiers
anti-émeutes, avec un chiens libéré tout de même, mais finalement
récupéré par la police.
La campagne Save the Hill Grove Cats fut
également victorieuse, la SPA britannique récupérant les 800
derniers chats en août 1999. La lutte fut particulièrement ardue,
au moins 350 personnes ayant été arrêtés pour leurs action et 21
condamnées à de la prison.
La police fit même en sorte de mettre en place
une « zone d’exclusion » de huit kilomètres autour de
l’élevage. Les employés de l’élevage avaient également dispersé
des pesticides toxiques sur les lieux des rassemblements, provoquant
des nausées, vomissements, etc.
L’éleveur avait déjà déjà reçu une lettre piégée en 1993, lui causant des brûlures au visage et au centre, et il reçut de multiples menaces, notamment de l’Animal Rights Militia au moment des grèves de la faim de Barry Horne.
La campagne Save the Shamrock Monkeys fut
un succès, le centre fermant en 2000 au bout d’une campagne de
quinze mois. 350 primates y étaient en permanence, plus de 50 000 y
étant passés dans les années 1990.
La campagne Save the Newchurch Guinea
Pigs fut un succès également, mais elle dura plus longtemps:
six ans. Elle commença par une opération de l’ALF libérant 600
cochons d’Inde de cete élevage et diffusant une vidéo sur la
situation là-bas.
La campagne de harcèlement fut d’une dureté significative, visant toutes les entreprises et les lieux liés de près ou de loin au propriétaire. Les personnes concernées voyaient des rassemblement réguliers devant chez elles, étaient harassés d’appels téléphoniques, de lettres, d’emails, de spam, leurs poubelles étaient renversées, des menaces leur étaient envoyés, des feux d’artifice étaient projetés sur leur logement en pleine nuit, des dégradations à la peinture étaient commises, des taxis ou des pizzas étaient commandés, etc.
L’Animal Right Militia allant jusqu’à déterrer
le cadavre de la belle-mère du propriétaire en octobre 2004. Il ne
sera retrouvé enterré dans une forêt qu’en mai 2006. Trois
personnes furent condamnées à 12 ans de prison pour cela, une à
quatre ans, alors qu’une autre fut condamné à deux années de
prison pour intimidation.
La campagne la plus célèbre reste cependant celle nommée Stop Huntingdon Animal Cruelty (SHAC). SHAC représentait le grand tournant, la tentative de former une action légale strictement parallèle à celle de l’ALF.
C’était ni plus ni moins que jouer à quitte ou
double et ce fut l’expression la plus pure de la double combinaison
erronée issue de l’incompréhension de ce que Barry Horne avait
tenté de formuler.
Huntingdon Life Sciences (HLS)
disposait de deux centres de tests, à Huntingdon et à Eye,
utilisant 75 000 animaux par an, étant le plus grand organisme
d’expérimentation animale d’Europe. De nombreuses infiltrations
d’activistes eurent lieu, aboutissant à des compte-rendus écrits ou
des vidéos sur les brutalités très importantes contre les animaux
s’y déroulant.
En 1997, l’association PETA diffusa une vidéo, amenant HLS à perdre sa licence pour six mois. Par la suite, HLS menaça PETA de procès et la campagne de SHAC prit en tant que tel le relais.
Les méthodes furent les mêmes que celles contre
l’élevage de Newchurch, mais cette fois décuplées et
systématisées. Les cibles n’étaient même plus indirectes, mais
doublement indirectes.
L’intimidation, le harcèlement et les attaques
visaient non seulement HLS, ses employés, mais également les
partenaires économiques de HLS, les partenaires de ces partenaires,
les assurances de ces entreprises, ainsi que les entreprises de
nettoyage, etc., le tout étant déclinés à l’infini.
Tout ce qui avait rapport avec HLS, ou avec des
gens ayant un rapport avec HLS, était visé. C’était là une
première erreur, empêchant de cibler de manière correcte l’ennemi,
d’exprimer cela politiquement. C’était là un réformisme actif,
parallèle à la société, qui était le prolongement des erreurs de
Ronnie Lee.
Pire encore, le pragmatisme était complet. La campagne allait même jusqu’à faire de fausses accusations de viol contre des personnes, des menaces du type « on sait où tes enfants vont à l’école », etc.
De par sa nature, elle témoigne d’une gigantesque
fuite en avant, d’une tentative de forcer l’histoire, en-dehors de
tout lien avec la société, même si de très importantes sommes
d’argent étaient reçues lors des campagnes.
Le cadavre enlevé était déjà l’expression
d’une démarche catastrophique : SHAC systématisa cette
démarche, jusqu’à l’écœurement. Au lieu de la violence
révolutionnaire et de la rupture subjective sur la base d’un projet
politique bien délimité, l’action directe était menée tout
azimut, sans délimitation morale, dans un esprit d’agressivité
générale.
De prime abord, cela put apparaître comme un
succès.En 2000, SHAC fut en mesure de connaître la liste intégrale
des gens ayant des parts dans HLS, et le parti travailliste fut
obligé de vendre les 75 000 parts qu’ils possédait.
Mais, surtout, 32 millions de parts furent mis en bourse à Londres suite à ces révélations, tandis qu’à celle de New York HLS fut éjecté en raison de sa trop faible capitulation. Cela se produisit également à Londres ensuite.
L’action passa de 300 euros à 2 euros en janvier
2001, puis quelques centimes au milieu de l’année 2001. La valeur de
l’entreprise passa de 400 à 5 millions d’euros.
La Royal Bank of Scotland ferma le compte de HLS
et le gouvernement britannique décida d’intervenir pour lui ouvrir
un compte à la banque d’Angleterre. HLS devint ensuite une
entreprise américaine et SHAC États-Unis fut alors fondé en 2004
pour élargir la campagne.
Les actions, très nombreuses, se démultiplièrent.
Mais les conséquences d’un positionnement erroné étaient
inéluctables et la campagne SHAC fut alors littéralement broyé,
emportant le mouvement pour la libération animale tant en
Grande-Bretagne qu’aux États-Unis.
Les États de ces deux pays parèrent à toutes
les activités de SHAC. Dans les deux pays, des lois furent
instaurées interdisant les menaces, intimidations contre des
entreprises liées aux animaux, transformant en terrorisme les
actions contre elles.
En Grande-Bretagne, les quêtes d’argent furent églament condamnées comme illégales ; la présence d’activistes étaient interdites dans un périmètre de 45 mètres autour des lieux ou employés des entreprises, sous la pression de HLS, Chiron UK, Phytopharm, Daiichi UK, Asahi Glass, Eisai, Yamanouchi Pharma, Sankyo Pharma, BOC.
David Blenkinsop fut condamné à trois ans de
prison pour une opération de tabassage du directeur du management de
HLS ; le directeur du marketing de HLS avait également reçu
des produits chimiques dans les yeux, le rendant temporairement
aveugle. Donald Currie fut condamné à 12 ans de prison pour des
incendies réalisés contre des clients de HLS.
Mais la répression ciblait, donc, directement les
activistes « légaux ». En 2006, six membres de SHAC
États-Unis furent condamnés à entre 3 et 6 années de prison,
ainsi qu’un million de dollars d’amende collective.
L’opération policière « Achille » se
déroula en mai 2007 en Grande-Bretagne, en Belgique et aux Pays-Bas,
avec 700 policiers, 32 activistes de SHAC étant arrêtés, sept
étant condamnés à respectivement onze années de prison, neuf
années pour deux, huit années, cinq années, quatre années pour
deux.
En 2009, 13 activistes de SHAC États-Unis étaient arrêtés par le FBI et condamnés à des peines allant de 15 mois à 6 ans de prison.
Des activistes de SHAC condamnés à de la prison
SHAC finit par capituler en août 2014. Par
ricochet, la campagne SPEAK contre l’expérimentation animale
s’effondra de manière similaire. Son porte-parole fut condamné à
dix années de prison pour deux attaques à l’engin incendiaire
contre l’université d’Oxford.
L’histoire des campagnes est un mélange de
confusion de la légalité et de l’illégalité, les mêmes gens
agissant d’un côté dans les campagnes légales, de l’autre dans des
actions illégales en tant qu’ALF ou ARM.
C’était déjà le reproche fait par Barry Horne
durant les années 1990 : le mouvement d’action directe s’est
prolongé, mais il a vécu en vase-clos, combinant refus d’un
mouvement de masse et élitisme séparatiste, pragmatisme total sur
le plan des actions et absence d’élaboration d’un projet
révolutionnaire.
Malgré l’apparence de radicalité, SHAC n’était
rien d’autre qu’un mouvement moraliste agressif entièrement
réformiste, totalement dénué de proposition révolutionnaire.
La stratégie du mégaphone et des voitures
incendiées s’est avérée, dans les faits, le contraire exact de la
ligne populaire de l’ALF britannique des débuts et la conséquence
directe de l’incompréhension de la question de la rupture subjective
posée par Barry Horne comme saut qualitatif nécessaire.
Cela provoqua l’effondrement du mouvement à la
base, l’ALF britannique étant happé de manière unilatérale dans
une fuite en avant sans perspectives et aux pratiques incohérentes
ou fausses.
Non seulement le véganisme n’a alors pas connu de
déferlante, mais qui plus est le nombre d’expérimentations animales
avait augmenté de moitié, celui fait à Porton Down par l’armée
ayant doublé. Tout cela renforça encore plus le repli, le
défaitisme, que déjà Barry Horne avait deviné, devant le manque
d’organisation stricte, d’esprit révolutionnaire.
Une organisation stricte, un esprit
révolutionnaire, qui ne pouvait être porté que par une avant-garde
saisissant les luttes de classe, source de l’ALF : tel est
l’enseignement qui découle de cet échec. SHAC a produit la figure
de l’activiste séparé de la société, fonctionnant en cercle
fermé, avec les animaux objets de la lutte et non plus au centre de
l’identité.
Le jusqu’au boutisme n’était que le masque de la retombée dans le réformisme du bien-être animal, avec toute sa passivité par rapport au consensus dominant dans la société, sans aucune perspective révolutionnaire, avec les animaux disparaissant derrière le discours sur eux.
L’ALF était né comme rupture révolutionnaire,
en-dehors du consensus dominant et de l’encadrement des syndicats et
du parti travailliste. Cependant, étant une forme de lutte de
classes, liée à la contradictions villes-campagnes, il fallait
inéluctablement qu’il y ait un conflit avec ce consensus et cet
encadrement.
Sans cela, il y aurait un mur. Ce mur, Ronnie Lee ne l’a pas vu ou n’a pas voulu le voir, espérant que la question animale reste parallèle à la société. Ce fut le rôle historique de Barry Horne de tenter de faire sauter le verrou.
Barry Horne
Barry Horne est né le 17 mars 1952 ;
prolétaire de la ville de Northampton, il était un balayeur de
rues. Il avait une conscience de gauche, avait participé à un
rassemblement anti-fasciste, mais sans être engagé. Sa petite amie
l’engagea à aller voir une conférence sur la libération animale et
le déclic se produisit, à 35 ans.
Il rejoignit alors un groupe local, Northampton Animal Concern, qui fit notamment avec succès des rassemblement devant le magasin Beatties, afin qu’il cesse de vendre de la fourrure. Il devint également végétarien et participa aux actions de Hunt Saboteurs.
En 1988, il fut condamné avec plusieurs
activistes pour la tentative de « vol » d’un dauphin,
Rocky, du Marineland de Morecombe dans le Lacanshire. Rocky n’était
qu’à 230 mètres de la mer, mais pesait 290 kilos et les activistes
avaient mis en place tout un système de poulies avec une grande
civière.
Ils avaient également nagé plusieurs fois avec
Rocky dans les nuits précédentes pour se familiariser avec lui.
Mais lors de la tentative, les activistes durent renoncer en raison
de la complexité de l’opération et lorsqu’ils furent contrôlés au
retour, ne purent pas donner d’explication pour l’étrange matériel
transporté.
La tentative de libération du dauphin lui valut
une amende et six mois avec sursis, mais l’impact populaire fut
immense. Rocky, maintenu pendant 22 ans dans une petite piscine,
devint un symbole ; les visites au Marineland chutèrent de
85 %, amenant sa fermeture et la vente de Rocky pour une forte
somme aux associations.
Celui-ci fut amené aux Îles Turques-et-Caïques, dans les Caraïbes, dans une zone fermée de 320 000 m² pour la réhabilitation des animaux marins enfermés.
Pour le nouvel an de 1990, Barry Horne participa à
un raid avec neuf autres personnes à Oxford contre un élevage
d’animaux destinés à la vivisection, libérant 36 chiens beagles.
Deux activistes furent condamnés pour cela à 9 et 18 mois de
prison.
En mars 1990, Danny Attwood, Keith Mann et Barry
Horne démolirent le toit d’un laboratoire de Harlan Interfauna à
Cambridge, libérant 82 chiens beagles et 26 lapins, récupérant au
passage la liste des clients du laboratoire. John Curtin et Danny
Attwood furent condamnés pour cela à respectivement neuf et
dix-huit mois d’emprisonnement.
Barry Horne fut de la partie par la suite lors du saccage de la conférence sur l’expérimentation animale à l’université d’Exeter, à Oxford.
En octobre, cependant, Barry Horne fut arrêté
près d’Alconbury, alors qu’il mettait en place un engin incendiaire
contre Duncans, une entreprise de transport s’occupant d’amener les
employés au laboratoire d’expérimentation de Huntingdon Life
Sciences.
Il fut condamné à trois années de prison, en
1991. Il commença à produire les bulletins du Support Animal Rights
Prisoners (SARP), ce qui était pour lui le moyen de souligner
l’importance centrale de l’activisme, à tout prix. Être en prison
signifiait avoir compris qu’il en allait avant tout des animaux.
Le point de vue qu’il exprime en juin 1993, dans
la dernière édition du bulletin, est révélateur de sa
philosophie :
« Les animaux continuent de mourir et la torture continue de manière toujours plus grande.
La réponse des gens à cela ? Plus de veggie burgers, plus de bières spéciales, et plus d’apathie. Il n’y a plus de mouvement libération animale. Cela est mort il y a bien longtemps.
Tout ce qui reste, c’est une petite poignée d’activistes qui se préoccupent, qui comprennent et qui agissent.
Pour certains d’entre nous, la libération animale EST une guerre que nous avons l’intention de gagner… Les larmes sont réelles, nos cœurs se brisent vraiment et nous SOMMES préparés à mourir pour cela, pas simplement à chanter cela. »
Il est alors arrêté en juillet 1996, accusé
d’avoir placé deux engins incendiaires devant agir la nuit dans le
centre commercial Broadmead de Bristol. Sur lui, la police découvrit
quatre autres engins du même type.
C’est alors que commença l’épisode qui fit de
Barry Horne un martyr de la cause.
Le 6 janvier 1997, Barry Horne commença sa
première grève de la faim, avec comme exigence que le gouvernement
britannique cesse de financer l’expérimentation animale dans les
cinq ans.
Cela provoqua un mouvement d’activisme, avec des
manifestations significatives contre les laboratoires Harlan, ainsi
que Consort et Hilligrove, qui furent également la cible de raids de
libération, ainsi que d’attaques.
Cette grève de la faim dura 35 jours et apparut
comme une victoire, car le parti travailliste, dont il était clair
qu’il allait gagner les élections, engagea une forme de discussion,
avec Elliot Morley, le responsable du bien-être animal pour les
travaillistes, expliquant que « le Labour est engagé dans la
réduction et une fin éventuelle de la vivisection ».
Il faut bien saisir la nature particulière de la
situation. Le parti travailliste avait un certain vent en poupe, se
replaçant comme force centriste avec Tony Blair, mais développant
l’espoir de mettre de côté une domination conservatrice
particulièrement pesante.
Margaret Thatcher avait été première ministre
de 1979 à 1990, John Major de 1990 à 1997. Le parti travailliste,
désormais New Labour et non plus Labour, avec
une ligne de centre-gauche, se voulait le vecteur du « progrès ».
Son manifeste électoral de 1996, New
Labour, New Life for Britain, abordait la question des
animaux, de manière inévitable vu le contexte idéologique et
culturel. S’il défendait la pêche à la ligne, présenté comme le
« sport britannique le plus populaire », il affirmait
vouloir promouvoir le bien-être animal.
Qui plus est, il escomptait faire un vote parlementaire sur la chasse à courre, et permettre un accès meilleur aux campagnes. C’était là cibler très précisément la contradiction villes-campagnes.
Le New Labour mit également à
la disposition de sa propagande électorale une brochure intitulée
pas moins que New Labour, New Life for animals. Il
promettait alors des commissions royales d’enquête sur
l’expérimentation animale, ainsi que sur les animaux génétiquement
modifiés.
L’initiative de Barry Horne semblait alors aller
dans une sorte de convergence générale vers un certain « progrès »
pour les animaux, dont le New Labour serait un vecteur.
Le travailliste Tony Blair devint ensuite premier
ministre le 2 mai 1997 et Barry Horne commença une nouvelle grève
de la faim, le 11 août 1997. Son initiative eut un impact énorme.
Des manifestations eurent le 12 septembre à
Londres et à Southampton, ainsi qu’à La Haye aux Pays-Bas,
Cleveland aux Etats-Unis, Umea en Suède où les activistes tentèrent
de forcer l’entrées des laboratoires de l’université.
Des centaines de manifestants se rassemblèrent
devant Shamrock Farm, un centre pour les primates destinés aux
laboratoires, ainsi que devant les laboratoires Wickham, les locaux
du parti travailliste, la maison de Jack Straw, ministre de
l’intérieur.
Un camp fut monté devant Huntingdon Life
Sciences, avec des tunnels souterrains pour retarder leur délogement
par la police, alors que l’élevage de cochons d’Inde Newchurch fut
la cible d’un raid, 600 cochons d’Inde étant libérés.
Barry Horne cessa sa grève de la faim le 26
septembre, au bout de 46 jours, lorsqu’un membre du gouvernement
rencontra des représentants des partisans de Barry Horne, afin
d’ouvrir des négociations.
Cependant, dans la foulée commença le procès de
Barry Horne, en novembre 1997. Malgré 14 parades d’identification
qui n’aboutirent à rien, il fut condamné à 18 années de prison en
raison du fait que les engins incendiaires en sa possession étaient
du même type que ceux employés sur l’île de Wight.
Barry Horne commença une nouvelle grève de la
faim le 6 octobre 1998. Ses exigences étaient les suivantes :
la fin des nouveaux permis pour des expérimentations animales, le
non-renouvellement des anciens, une interdiction de l’expérimentation
animale pour des buts non médicaux, une fin totale de
l’expérimentation animale pour le 6 janvier 2002, une fin immédiate
de l’expérimentation animale dans la base militaire de Porton Down,
la disparition de l’Animal procedures committee, un organisme de
conseil au gouvernement sur l’expérimentation animale, considéré
comme favorable à celle-ci.
Barry Horne expliqua alors :
« Ce combat n’est pour nous, pour nos volontés personnelles et nos besoins. Il est pour chaque animal qui ait souffert et est mort dans les laboratoires de la vivisection, et pour chaque animal qui souffrira et mourra dans ces mêmes laboratoires, à moins que nous mettions maintenant un terme à ce commerce maléfique.
Les esprits des morts torturés crient justice, le cri des vivants est liberté. Nous pouvons créer cette justice et nous pouvons accorder cette liberté.
Les animaux n’ont personne d’autres que nous. Nous ne leur ferons pas défaut. »
Dans une autre lettre, il expliquait :
« Il est toujours plus facile de voir pourquoi nous ne pouvons pas réussir, toujours plus facile de hausser les épaules et de croire que le mieux que nous puissions faire est d’essayer, presque comme un acte de consolation.
Sans croire au succès, le succès devient difficile à réaliser, presque une impossibilité. Tout comme la libération des animaux en fait, [est dit être] un concept impossible.
Cependant, sachez que ce n’est pas le cas, ou bien pourquoi est-ce que nous combattons? Nous ne devrions jamais craindre le succès de nos actions ou cesser d’y croire. Et nous ne devrions jamais avoir peur de vouloir atteindre les étoiles, si c’est correct (…) Comment pourrions-nous demander moins?
Cela revient à condamner tant d’animaux à une vie de souffrance et de mort. Croyez-moi, il est temps d’atteindre ces étoiles et de croire que c’est possible. »
Si officiellement le gouvernement refusa toute
négociation, il en entama finalement une, au 44e jour de la grève
de la faim. Barry Horne décida alors de réduire ses revendications
à une mesure promise par le Labour au moment des élections :
la mise en place d’une commission d’enquête royale sur
l’expérimentation animale.
Il affirma alors :
« Une commission royale ou quelque chose de similaire est le minimum que nous pouvons accepter. Nous faisons toujours des compromis, alors que le Labour joue avec la souffrance des animaux. Pourquoi des animaux devraient-ils souffrir en raison de négociations politiques? (…)
Je ne fais pas de chantage au Labour. Le Labour a fait du chantage aux gens, afin qu’ils votent pour lui. J’essaie seulement de lui rappeler ses promesses. »
Des négociations commencèrent et Barry Horne, à
la limite du coma, décida de boire du jus d’orange et du thé sucré
pendant trois jours, afin d’être en mesure de saisir les textes des
négociations. Cela fut un prétexte pour les médias pour l’accuser
de mener une fausse grève de la faim.
Des nombreuses initiatives de soutien à Barry Horne se développèrent tout au long de la grève de la faim ; l’ARM menaça alors d’exécuter plusieurs dirigeants d’organismes liés à la vivisection, ceux-ci restèrent alors parfois pendant plusieurs années sous la protection de la police.
Barry Horne cessa la grève de la faim au bout de
68 jours, mais devant le blocage de la situation, alors que lui-même
était devenu isolé et extrêmement affaibli par ses actions, en
recommença une nouvelle le 21 octobre 2001, mais décéda dès le 5
novembre, ne s’étant jamais réellement remis de la précédente
grève de la faim.
Plusieurs centaines de personnes participèrent aux funérailles, munies d’une banderole où était inscrit « Labour lied – Barry died » (le Labour a menti – Barry est mort). Il est enterré dans sa ville natale de Northampton, habillé d’un maillot de football du club local.
Dans un article pour Arkangel, intitulé Le monde réel, Barry Horne formule une exigence qu’il affirme opposée à la ligne de Ronnie Lee. Selon lui, puisque moralement il est juste de défendre les animaux, alors cela suffit en soi pour exiger la rupture révolutionnaire.
A la volonté de recul de Ronnie Lee – recul de l’humanité en général, recul de l’ALF au sein d’un Front -, Barry Horne affirme la nécessité de l’engagement existentiel pour la cause, avec la claire affirmation de renverser le système dominant.
Il y a eu plusieurs articles dans les deux dernières parutions d’Arkangel qui ont condamné l’emploi de dispositif incendiaire et l’attaque à la voiture piégée de Bristol.
Très sincèrement, je me demande qui peuvent bien être les auteurs de ces articles.
Vivent-ils dans le monde réel ou seulement dans leur propre petit monde fantaisiste où tout le monde joue selon les règles de Queensbury [16 règles de la boxe anglaise, élaborées par le Marquis de Queensberry] ?
L’exploitation animale est portée par des personnes perverses et malades qui ne se soucient jamais de bien ou de mal, mais seulement de profit et de plaisirs pervers.
Ceci est le monde réel.
Ce genre de personnes ne sera jamais découragé par les campagnes pacifiques, mais uniquement en frappant là où cela fait mal : au portefeuille.
Les dispositifs incendiaires ont pour but d’infliger des pertes financières par la destruction de leurs biens, que ce soient des grands magasins ou des camions de bétail. Ceci est le seule langage qu’ils comprennent.
En ce qui concerne la voiture piégée, l’idée derrière est évidente pour toute personnes avec les idées claires. Les articles de certaines personnes à ce sujet dans le dernier numéro me fascinent et me dégoûtent.
Val Graham affirme qu’un « activiste des droits des animaux promenant un chien » aurait pu être blessé. Celle affirmation est ridicule. Une guerre est en cours Val et malheureusement dans toute guerre des civils innocents sont blessés.
Bien sûr la bombe n’était pas placée pour cette raison, elle visait un vivisecteur. La seule chose mauvaise dans cette histoire est que le vivisecteur en est sorti indemne et continue de torturer et de tuer des animaux. C’est cela que tu veux Val ?
Pourquoi ne pas lui laisser une brochure et lui demander de reconsidérer son point de vue ? Il te rirait au nez et tu le sais très bien.
Val continue ensuite et dit « doit-on s’attendre à ce que les responsable aller encore plus loin et attacher des explosifs à des chiens ? ». Cette phrase est tellement ridicule et déroutante que je ne peux qu’assumer que l’auteur était en pleine hystérie à ce moment-là.
Je me demande qui tu es vraiment Val. Tes commentaires sur le recul en arrière du mouvement de plusieurs années, des dommages causés au mouvement, etc. sont des arguments classiques de l’Animal Aid, la BUAV, etc. et n’ont aucune place dans une authentique revue dédiée aux droits des animaux.
Les réactions de Ronnie Lee à propos de la voiture piégée qui serait à la fois « mauvaise moralement et tactiquement » doivent aussi être critiquée et remises en perspective.
La tactique d’une action ne peut être jugée qu’en fonction de ses effets sur la lutte et sur le long terme. Dans ce cas précis, le vivisecteur a maintenant une idée de la terreur qu’il cause chaque jour à des animaux innocents et cette action doit donc être considérée favorablement.
Quant à l’aspect moral, je demande à Ronnie s’il est mal, moralement, de ne rien essayer pour prévenir la vivisection.
L’objectif de cette voiture piégée était de décourager ce vivisecteur de continuer son travail malfaisant.
Lorsque Arkangel apparut, Ronnie Lee comptait donc
établir une ligne multi-directionnelle, dont l’ALF serait une
composante. Ce positionnement ne fut pas accepté par le noyau dur
des activistes les plus impliqués dans le mouvement.
Eux considéraient qu’il fallait, au contraire, appuyer l’élan initial dans ce qu’il a de plus radical comme affirmation d’une ligne de fracture.
Aussi, au tout début des années 1990, c’est
l’Animal Rights Militia qui forme la grande actualité du mouvement
pour la libération animale. L’ARM mena une série d’actions et
Ronnie Lee refusa formellement de s’en dissocier, tout en se
cantonnant strictement à un positionnement pro-ALF.
La montée en puissance imposait pourtant de ne pas se placer dans un entre-deux totalement inopérant, mais cela souligne la position intenable de Ronnie Lee, incapable de saisir l’exigence du passage à une formulation synthétique du principe de libération animale.
De l’autre côté, privé de grille d’analyse, le
noyau dur des activistes ne sut pas trouver d’autre perspective que
la fuite en avant militariste, seul moyen selon lui de faire émerger
une véritable identité révolutionnaire, en rupture.
L’ARM était, dans les faits, clairement le
prolongement de la fraction la plus décidée de l’ALF et elle
exigeait de la clarté, une délimitation très nette. Les
communiqués de l’ARM, toujours brefs, se concluaient d’ailleurs par
un mot simple : « Révolution ».
Plusieurs coups d’éclat placèrent l’ARM au centre du jeu. En février 1989, un bar de l’université de Bristol fut la victime d’une explosion. En juin 1990, une bombe explosa sous la voiture de la vétérinaire Margaret Baskerville, puis deux jours plus tard une autre explosa sous la voiture de Patrick Max Headley, professeur de physiologie de l’université de Bristol.
L’événement marquant fut alors l’attaque à
l’explosif militaire – une opération bien plus développée
techniquement que la simple utilisation d’un engin incendiaire – du
bâtiment de l’université de Bristol. Un bébé d’un an dans une
poussette avait été légèrement blessée due au souffle de
l’explosion, ce qui fut prétexte à une contre-campagne très
importante de la part des médias.
Du côté du mouvement, on fut très partagé quant à savoir si cette action avait été réellement issu de ses rangs : la manière d’opérer ne correspondait pas à sa base.
De manière conforme aux principes développés
jusque-là, l’ARM utilisa en juillet 1994 des engins incendiaires à
Cambridge, amenant la destruction complète de la pharmacie Boots,
ainsi que celle des stocks du magasin Edinburgh Woolen Mill. Par la
suite, elle lança une vaste opération dans le sud du pays, sur
l’île de Wight.
Si un engin incendiaire fut trouvé avant sa mise
en marche dans un magasin de pêcheurs, amenant la police à
effectuer immédiatement de vastes recherches dans les magasins, les
autres ne furent pas trouvés et provoquèrent cinq millions d’euros
de dégâts, dans deux magasins spécialisés dans le cuir, un local
de la recherche contre le cancer, ainsi que chez Halford, une filiale
de Boots.
L’ARM mena dans la foulée des actions à l’autre bout du pays, dans le Yorkshire du Nord, détruisant une pharmacie de Boots à Harrogate, ainsi que Fads, une autre filiale de Boots, ainsi qu’un local de la recherche contre le cancer et un magasin de chasseurs. Une autre action contre Boots fut menée à York.
La même année, en avril 1994, une organisation
proche de l’ARM, le Justice Department, attaqua à l’explosif Boots
the Chemist à Cambridge, ainsi que le siège du parti
d’extrême-droite, le British National Party, blessant le responsable
de son siège.
L’année précédente, en décembre le Justice
Department avait développé le principe de bombes tuyaux,
c’est-à-dire de mélanges explosifs placés dans des tuyaux en
métal, ensuite placés dans des tubes pour protéger des affiches.
Deux bombes de ce type furent envoyés à Shamrock Farm, le centre
d’importation des primates pour la vivisection. Le centre a fermé en
2000 suite à une année de campagne des activistes.
Onze autres bombes de ce type furent envoyés, mais interceptés par la police, sauf une qui explosa à la figure du manager du groupe pharmaceutique GlaxoSmithKline. Par la suite, le Justice Departement informa qu’elle avait placé un engin incendiaire à la pharmacie Boots de Cornwall, que la police trouva effectivement.
En 1994, le Justice Department envoya également
des courriers avec des lames de rasoir empoisonnés aux quatre coins
de l’enveloppe. Fut notamment visé le prince Charles après qu’il
ait participé à une chasse à courre, alors que l’ancien secrétaire
à la défense Tom King reçut un colis piégé pour avoir défendu
la chasse au courre au parlement.
Par la suite, le secrétaire d’État à
l’intérieur, Michael Howard, fut visé également, tout comme à
plusieurs reprises le responsable de la chasse à courre Nick
Fawcett.
Le Justice Department détruisit la même année deux bateaux appartenant au propriétaire d’un chenil pour chasse à courre, envoya deux colis piégés sous forme de vidéo au magasin Boots de Cambridge (qui furent interceptés).
D’autres colis piégés furent envoyés à
l’entreprise Stena Sealing, dans le Gloucestershire et le Kent, à
Oxford et Edimbourgh, en raison du rôle des ferrys pour le transport
des animaux, qui fut de mis côté devant les menaces.
Le Justice Department mena des actions similaires
en 1995, avec quatre lettres à des personnalités dont l’ancien
ministre de l’agriculture William Waldegrave, à un stock de
fourrures de Glascow, ainsi qu’un laboratoire d’expérimentation
animale à Edimbourgh.
Par la suite, le Justice Department ne se maintint vraiment qu’aux États-Unis, où il a été présent très tôt. En 1996, il envoya de nouvelles lettres contenant des lames de rasoir, censées être empoisonnées à la « mort aux rats », à 80 chercheurs et chasseurs, puis 87 autres colis piégés, un mode opératoire qui se répéta par la suite.
Dans un article pour Arkangel, Libération animale, mais pas trop ?, Ronnie Lee expose son point de vue, visant à amener une radicalisation de l’ensemble du mouvement pour les animaux, par l’intermédiaire de la charge morale posée par l’ALF. Sa ligne se fonde sur le principe d’un repli de l’humanité, une ligne très marquée par les théories élaborées alors aux Etats-Unis dans la mouvance d’Earth First!, avec une utopie décentralisatrice.
Ronnie Lee ne dérogera plus à cette ligne,
prônant une sorte d’évolutionnisme allant dans le sens d’un vaste
recul à une forme relativement primitive de société.
Vous remarquerez que dans les sections locales et internationales d’Arkangel j’ai inclus des informations concernant des organisations environnementales (Greenpeace, Friends of Earth [ndt : « Les amis de la Terre »] etc.) en plus de celles, plus classiques, des droits des animaux et de protection animale.
Je pense que cela est très important car leur travail a un rôle très important dans l’avènement de la libération animale, bien que que ces groupes n’agissent pas dans une optique de « droits des animaux ».
Les activistes de la libération animale, très impliqués dans leur lutte constante contre la vivisection, l’élevage intensif, le commerce de la fourrure, etc. oublient dans quelle mesure les animaux sont persécutés à travers la destruction de leur environnement naturel. Les laboratoires de vivisection et les élevages intensifs pourraient bien être les camps de concentrations du Reich humain.
Mais ils ne sont, d’une certaine manière, que la face émergée de l’iceberg de la persécution animale et s’en débarrasser ne serait pas suffisant pour redonner leur liberté aux animaux. La destruction de l’environnement produit probablement plus de souffrance aux animaux que toute autre cause.
Il serait bon pour nous de parler d’impérialisme humain. Non contents d’avoir établi son propre partage de la Terre, l’espèce humaine a partout envahi et pillé des territoires appartenant à d’autres créatures. La pire parole jamais prononcée (si elle l’a vraiment été) est : « Va et multiplie-toi ». Un appel à une occupation humaine du monde semblable au « Lebensraum » nazi.
Ainsi la fin des laboratoires de vivisection, des élevages intensifs ne seront jamais suffisants parce qu’ils laissent derrière eux l’injustice et l’occupation de l’occupation ennemie. La véritable libération animale ne viendra pas simplement de la destruction des Dachaus et des Buchenwald que les occupants ont construits pour leurs victimes, mais demande le recul de l’espèce humaine aux frontière d’avant l’invasion.
Concrètement, quelles sont les implications ? La fin de la pollution environnementale et la société industrielle qui la produit.
La fin des choses comme les voitures individuelles. La fin de méthodes d’agriculture reposant sur les pesticides, les fertilisants artificiels et autres poisons.
La fin des villes et des vastes zones urbains qui sont comme des déserts pour la plupart des espèces sauvages. La fin de l’agriculture intensive qui ne leur laisse pas beaucoup plus d’habitat.
Et surtout une chute radicale du nombre d’êtres humains. Le groupe écologiste radical Earth First! a estimé que le population humaine acceptable devrait être de 50 millions environ. Il y en a aujourd’hui plus dans le seul Royaume-Uni !
La véritable libération animale ne demande un ajustement des des pires excès de l’oppression humaine mais un changement radical et total dans notre manière de vivre.
La seule forme de société propice à tout cela est une société décentralisée, dans laquelle les personnes vivent au sein de petites communautés plutôt que dans dans petites villes ou des métropoles, dé-industrialisée, basée sur une agriculture biologique (et vegan) à petite échelle et avec une réduction significative du nombre de personnes (à travers des méthodes humaines, bien évidemment).
Malheureusement, tout ceci est déjà trop pour de nombreux « protecteurs des animaux » qui voudront toujours leur emplois, les voitures, leurs familles nombreuses, leurs appareils ménagers.
Mais une demi-libération n’est pas une libération.
Le militantisme pour les droits des animaux doit s’élargir à d’autres domaines qui n’ont été qu’à peine touché jusqu’ici. Il faut se battre contre la pollution, l’industrialisation, la destruction des habitats naturels et pour le contrôle des surpopulation humaine.
Ainsi il nous faut travailler main dans la main avec les organisations Vertes et environnementales, pas seulement pour offrir un monde meilleur « pour nos enfants et les enfants de nos enfants » (ce qui leur motivation), mais pour libérer, offrir la justice et la vie aux autres animaux et leurs petits.
Toute la seconde moitié des années 1980 est
marqué par l’alternance de sabotages de base (serrures remplies de
colles, dégradations aux bombes de peinture, bris de vitrines, etc.)
et actions plus marquantes sur le plan technique (incendies, actions
de l’ARM, etc.).
A la fin des années 1980, l’ALF dispose d’une base d’environ 5 000 personnes, avec en moyenne six actions chaque jour, ou plus précisément chaque nuit. Le point culminant fut l’année 1991, avec 2800 actions, dont 45 incendies, et sans doute l’opération de libération avec le plus d’animaux : 1400 souris et 4 chiens beagles sont arrachés à la Medical school de l’hôpital de Londres.
L’ALF sut également faire face à la répression,
même si bien entendu celle-ci marquait des points, comme en décembre
1984, 200 arrestations eurent lieu, avec 20 emprisonnements.
L’arrestation en 1986 de sept activistes de l’ALF active à Sheffield
fut un autre coup important, suivi du démantèlement de trois autres
importantes cellules de l’organisation.
En janvier 1987 où 33 années de prison furent
distribuées, dont dix pour Ronnie Lee par un juge qui avait été
membre de la British Union of Fascists dans les années 1930.
Néanmoins, la force de frappe était intacte. Lorsque en 1991, la police écossaise mit en place des séries de perquisitions dans toute la Grande-Bretagne, l’ALF répondit en juillet 1992 en pénétrant dans le quartier-général de celle-ci et en détruisant les fichiers relatifs aux actes liés à la libération animale.
Il fut alors décidé de procéder désormais par
vagues, au moyen de campagnes, prolongeant celle qui avait été
contre la fourrure et qui avait été un succès. L’une des premières
cibles fut la très puissante chaîne de pharmacie et de produits de
beauté Boots, qui menaient elles-mêmes des expériences sur les
animaux et disposaient de centaines de magasins, l’ALF en attaquant
une soixantaine par mois.
Dans le nord-ouest du pays, ce sont les élevages
qui étaient visés, cent poids lourds étant détruits. Ces
campagnes avaient comme but de fédérer les actions, de les
coordonner de manière plus approfondie, de les sortir d’un côté
diffus.
En ce sens apparut également la revue Arkangel en 1989, parallèlement à la mise de côté du principe des ALF Support Groups et de leur bulletin de masse, cette structure étant pratiquement mis en sommeil.
Publié par Ronnie Lee alors en prison, Arkangel se présente dès le départ comme un projet global, devant publier une revue, former une agence de presse, mettre à la disposition du matériel de propagande, etc.
Cette définition d’Arkangel – le projet
échouera et en restera au niveau d’une revue – s’appuyait
principalement sur la constatation de la très profonde division du
mouvement en faveur des animaux. En fait, le constat était simple :
la croissance avait provoqué une lourde crise et la scène avait
littéralement implosé.
Après la grande vague du milieu des années 1980, il ne reste qu’une petite scène largement repliée sur elle-même et Ronnie Lee pensait qu’en appelant à l’unité, tout se débloquerait et le mouvement se relancerait, au moyen de l’ALF comme référent parallèle à toute activité.
Le numéro 1 d’Arkangel fait ainsi l’éloge d’un
inspecteur de la SPA britannique, la RSPCA, qui a profité de son
parcours en boxe amateur et de sa ceinture marron de karaté pour
empêcher trois personnes de tuer les phoques vivant dans un refuge.
Or, la particularité est que l’ALF et l’ALF SG n’ont cessé
auparavant de dénoncer la RSPCA en raison de sa collaboration avec
les institutions.
La valorisation d’une action (par ailleurs juste)
de quelqu’un de la RSPCA avait ainsi un caractère nouveau et la
présentation de la revue soulignait l’importance du débat, de
l’ouverture d’esprit, des échanges, etc.
La revue présentait également les campagnes
nationales des différentes associations, même de la CIWF, une
association protégeant les « animaux de ferme » qui
était auparavant dénoncé, tant pour son positionnement que pour sa
dénonciation virulente de l’ALF.
En présentant les activités des associations,
les contacts des très nombreux groupes locaux, en même temps que
les communiqués de la vingtaine d’actions de l’ALF britannique à
l’hiver 1989, ainsi que celles à l’étranger, l’idée d’Arkangel
était de souligner la convergence générale de la lutte pour les
animaux, afin de fournir un espace à l’ALF.
La présentation faite dans le numéro deux
précisait encore davantage le choix de la revue :
« Arkangel vise à promouvoir l’unité, le respect et la coopération à l’intérieur du mouvement du bien-être [welfare] animal / de protection animale / des droits des animaux / de libération animale.
Il vise à encourager une approche positive et optimiste vis-à-vis de la lutte contre la persécution des animaux. Et il entend agir comme forum pour un débat sans censure au sein du mouvement. »
Les dernières pages des numéros se concluaient par « Road to victory », la « route de la victoire », où sont assemblées en vrac des courts extraits de différents médias concernant les avancées dans la question animale, et censées montrée qu’il y aurait une tendance de fond, inarrêtable.
Le souci, que la revue soulignait par ailleurs en
même temps dès le premier numéro, était que les associations se
positionnaient désormais très clairement anti-ALF, parce que l’État
leur avait demandé et qu’elles avaient accepté de le faire. Il y
avait bien quelques unes des associations qui répondent dans
Arkangel, explicitant leur point de vue, mais cela resta marginal par
rapport au positionnement ouvertement anti-ALF des structures
profitant des rapports avec les institutions.
Ronnie Lee tentait de formuler une solution, mais il était coincé entre sa ferveur morale et son refus d’assumer une rupture révolutionnaire, ayant fait un fétiche du caractère de lutte à la base existant à l’initial.
En 1983, l’ALF mena notamment une quarantaine
d’actions et provoqua des centaines de milliers d’euros aux
laboratoires Mimms dans le Hertfordshire, plus d’un million d’euros
de dégâts au Park Davis Laboratorium de Cambridge. Elle libéra 15
chiens de l’université de Cambridge, dont on s’aperçut qu’ils
avaient été issus de vols dans les rues. 5 600 animaux furent
libérés cette année-là.
L’ALF britannique commença également à véritablement essaimer sur le plan international, avec notamment cinq raids menés par les défenseurs autonomes des animaux en Allemagne, ou encore les 1,4 million d’euros causé dans une attaque contre un laboratoire à Utrecht aux Pays-Bas. Une militante alla également aux Etats-Unis pour former des activistes et la première action fut la libération de 24 chats à la Howard University de Washington, dont certains étaient déjà estropiés.
Dans ce cadre émergea une autre organisation –
générée par l’ALF, mais quittant ses fondamentaux par volonté
d’aller davantage de l’avant sur le plan offensif : l’Animals
Rights Militia (ARM – Milice des Droits des Animaux).
Le 30 novembre 1982, l’Animal Rights Militia
envoya cinq lettres piégées :
– une à Margaret Thatcher, premier ministre ;
– une au ministre responsable de la législation
sur les animaux ;
– une à chaque dirigeant des trois principaux
partis d’opposition.
En février 1983, l’ARM envoya cinq nouvelles
lettres piégées à des figures politiques, puis contre la haute
commission canadienne (en raison des phoques), au ministre
britannique de l’agriculture, à un chirurgien et à un responsable
d’élevage de fourrures.
Il n’y eut que dans un seul cas une personne blessée de brûlures, dans le cas de la lettre au premier ministre.
En juillet 1984, un groupe de l’ALF envoya aux
médias plusieurs bouteilles de shampoing de la marque Sunsilk
contaminé avec des produits pour blanchir, obligeant l’entreprise à
enlever ses produits des rayons, provoquant une perte financière
conséquente.
Une action similaire d’envergure nationale fut
menée par la suite : 50 barres chocolatées mars, pour
lesquelles des singes connaissaient la vivisection pour connaître
l’impact sur leurs dents, furent faussement empoisonnées dans les
magasins, un petit papier l’expliquant ; en réalité, seules
trois barres l’étaient réellement et furent envoyées aux médias.
Il en coûta plusieurs millions d’euros à l’entreprise pour enlever
ses produits des rayons.
Ce choix – qui relève d’une forme
particulièrement discutable, tout comme les lettres piégées de
l’ARM – reflète la profonde professionnalisation des cadres de
l’ALF, qui utilisaient désormais du matériel professionnel, tels
que des scies électriques, des diamants pour briser les fenêtres
sans bruit, etc.
C’est ce niveau technique qui fournissait la base pour des actions comme la libération de 150 animaux des laboratoires Brocades à Braintree, mais qui permettait également une généralisation du concept.
L’ALF réussissait se développer de manière exponentielle, avec d’un côté des actions simples telles que des lettres et appels téléphoniques de menace, des slogans sur les murs, des dégradations, etc., de l’autre des opérations de libération d’animaux dans les fermes et les laboratoires, et au milieu des destructions de vitres de commerces, des incendie de véhicules, etc.
En un sens, cela posait la question du
pragmatisme : fallait-il mener des actions simplement du moment
qu’elles étaient techniquement réalisables ? La question
n’apparaissait pas alors de manière claire, de par les immenses
succès de l’ALF. En 1985, 6 000 animaux avaient été libérés, 400
actions avaient été menées, causant environ 15 millions d’euros de
dégâts. L’ALF se développait toujours davantage et possédait un
tel élan que la victoire apparaissait comme possible si l’engagement
était prolongé et élargissant ses modalités.
C’était là une lecture mécanique, l’ALF ne saisissant pas son rapport à la lutte de classes, s’imaginant un combat moral non politique traversant la société britannique. La question des avancées et des reculs, de choix tactiques et stratégiques, ne fut pas correctement saisie et il en résulta deux importants contre-coups, dont les conséquences allaient être immenses.
Le premier choc, allant à contre-courant des avancées, tout en étant leur inévitable prix, était la vague d’exclusion réalisée par la BUAV, l’Union Britannique pour l’Abolition de la Vivisection, fondée en 1898.
Dès la première vague des actions de l’ALF, la
BUAV qui était une organisation d’envergure nationale, avec une
légitimité historique, avait pris un positionnement favorable et
prêté ses locaux aux ALF Supporters Groups à partir de 1981.
La revue bimensuelle de la BUAV, The Liberator,
rapportait également favorablement les actions de l’ALF.
Cependant, la partie la plus conservatrice de la BUAV voyait bien qu’à terme, l’organisation convergerait toujours plus ouvertement avec l’ALF. Or, la démarche restait ancrée dans une perspective institutionnelle et la montée en puissance de l’ALF possédait une telle charge révolutionnaire que cela impliquait un tournant pratiquement social-révolutionnaire.
La radicalité de l’ALF avec sa négation de toute
participation institutionnelle, le développement d’actions toujours
plus violentes, provoqua une situation de crise, que l’ALF ne fut pas
en mesure de gérer, aboutissant à l’éviction de ses cadres et
sympathisants de la BUAV.
La perte de l’activité de la BUAV en écho à ses
propres actions fut un rude coup à la diffusion de l’ALF comme
proposition stratégique. C’était un isolement, qui permit à l’État
de former une contre-offensive idéologique et culturelle,
aboutissant à la mise en place d’une répression ouverte, auparavant
très difficile par rapport à l’opinion publique.
Le 5 décembre 1984, Scotland Yard avait déjà mis en place un groupe dédié à la lutte contre les activistes de la libération animale. En janvier 1986, il fut en mesure de former en 1986 un Animal Rights National Index, avec des fonctionnaires se spécialisant en ce domaine, avec désormais la généralisation de l’infiltration, des écoutes, des micros, etc.
Chaque commissariat a alors un fonctionnaire spécialisé dans la question de la répression de la libération animale.
La période 1984-1986 posait ainsi le premier défi à l’ALF, qui avait posé sa proposition stratégique, mais qui devait désormais savoir comment la faire avancer, dans un processus révolutionnaire qui la dépassait cependant totalement de par l’inexpérience politique de ses cadres.
Voici comment Ronnie Lee présente la situation en
octobre 1983, dans un article intitulé Le prix de la
victoire.
La plupart des membres des groupes de soutien (GS) savent bien que de nombreuses personnes ont été envoyées en prison suite au raid de l’ALF mené contre le Life Science Research Labs en février 1982.
Il ne fait pas de doute que beaucoup militants pour les droits des animaux ont levé le poing de colère et étaient consterné d’entendre que des personnes ont été jugées coupables et condamnées à de la prison ferme pour avoir délivré des animaux et détruit du matériel qui servait à les torturer.
Il est normal que nous ressentions de la colère lorsque des personnes justes sont envoyées en prison suite à une acte de bravoure et de compassion.
Bien sûr, le meilleur usage de cette colère est de la canaliser dans le soutien des activistes prisonniers et contre l’horrible exploitation dont sont victimes les animaux. La colère est une bonne chose. Ce qui me dérange est la consternation, la surprise, la sensation qu’aller en prison est une chose qui ne peut pas arriver aux militants pour les Droits des Animaux.
En attendant le jour où la question de la libération animale aura été comprise et que tous soient libres, partout ; en attendant le jour où les animaux ne seront plus torturés dans des laboratoires ou enfermés dans des usines ou encore chassés et tués, par millions ; des centaines, voire des millions d’activistes auront séjourné en prison.
Il faut vivre dans un autre monde pour nier cette vérité.
Le genre de monde dans lequel les organisations de bien-être animal classiques ont vécu durant le dernier siècle. Elles s’imaginent que l’exploitation massive d’animaux ne peut être vaincue que par des démonstrations pacifiques, des pétitions et des lettres aux membres du parlement.
L’exploitation animale, sous toutes ses formes, est une industrie de plusieurs millions de livres qui enrichit considérablement de nombreuses personnes de pouvoir et d’influence. L’idée fallacieuse et arrogante selon laquelle l’espèce humaine est supérieure aux autres animaux (et donc autorisée à leur faire ce que bon lui semble) est présente dans la majorité de la population depuis des milliers d’années et est donc aujourd’hui profondément ancrée dans l’imaginaire collectif.
Ainsi l’exploitation animale n’est pas un simple problème qui peut être résolu rapidement à coups de pétitions ou de lettres polies.
Au contraire, il s’agit d’un édifice monstrueux qui ne peut être mis à bas que si l’action directe massive, fréquente et agressive est employée.
Ceux qui sont de cette idée, à juste titre donc, doivent accepter que l’emprisonnement est inévitable et qu’à l’avenir il sera plus fréquent. Ceci est le prix que devront payer les activistes.
Les gens sont souvent étonnés quand à un instant un juge condamne un bandit ou un agresseur de bébé à de la probation et prononce une peine de prison considérable à un activiste de l’ALF à l’instant suivant.
Ceci ne devrait pas être une surprise. Les premiers ne sont des menaces qu’aux gens ordinaires. A l’inverse, l’ALF est une menace au statu quo, et toute menace à ce statu quo est perçue par les juge comme une menace envers leurs pouvoirs bien trop excessifs et leurs privilèges.
Il faut aussi garder à l’esprit qu’une peine de prison n’est rien comparé aux souffrances endurées par les animaux dans les élevages intensifs, les laboratoires de vivisection et autres lieux de persécution.
Il faut aussi se rappeler que pour d’autres causes, bien moins importantes en terme de préjudice et de souffrances que celle des Droits des Animaux et de la Libération Animale, des personnes sont prêtes à endurer de rudes épreuves afin d’arriver à leur fins.
Je ne peux imaginer qu’un seul membre des GS soient d’accord avec l’IRA et ses méthodes, et de beaucoup seront en désaccord avec la forme même de leur lutte. Mais une chose est sûre : tous ses membres sont prêts à souffrir pour la cause. Ils sont des centaines en prison, et certains à perpétuité.
Si tant de personnes sont prêtes à aller en prison pour les méthodes douteuses de l’IRA, alors les activistes des droits des animaux devraient être prêts à voir des centaines voire des milliers des leurs aller en prison pour la glorieuse et noble cause qu’est la libération animale.
Surtout lorsque l’on a à l’esprit qu’en raison du caractère non-violent des actions de l’ALF, les peines encourues par les activistes sont relativement courtes et se déroulent beaucoup dans des prisons ouvertes.
Ne soyez donc pas surpris ou consternés lorsque les portes de la prison se referment sur des activistes de l’ALF. Les peine de prison sont la conséquence regrettable mais inévitable d’actions qui sont nécessaires pour nous apporter la victoire dans notre lutte pour la LIBÉRATION ANIMALE.
Les années 1980 sont celles d’une montée en
puissance générale de l’ALF britannique. Il n’y eut pas tant des
actions qui firent boule de neige qu’une crise très profonde dans la
société britannique, l’ALF cristallisant la dimension
révolutionnaire de par sa charge morale.
Les commentateurs bourgeois ont coutume de dire
que les mouvement sociaux ont été littéralement écrasés durant
la période où Margaret Thatcher a été premier ministre du
Royaume-Uni, de 1979 à 1990. En réalité, il y eut un véritable
pic de la lutte des classes durant cette période, avec l’ALF
britannique menant par vagues plusieurs actions par jour à travers
tout le pays.
Les actions connaissaient différents degrés de technicité et de nombre de gens impliqués, mais en arrière-plan il existait des structures véritablement professionnelles, formant l’ossature du mouvement en termes de capacité d’intervention d’envergure.
Dès 1981, elle revendique le fait d’avoir causé
pratiquement un million d’euros de dégâts. Elle dégrada notamment
cette année-là les domiciles de 40 personnes liées à la
vivisection, menant 18 actions contre des laboratoires, libérant en
mars 11 chiens beagles des laboratoires Wickham et en mai 10 autres
chiens, ainsi que d’autres petits animaux, de la ferme d’Ellis Fox,
considéré comme un voleur de chiens approvisionnant les
laboratoires.
Au cours de cette intense activité, l’ALF tente
plusieurs fois de se détourner de sa propre approche initiale et à
tenter de faire comme la NALL : en février 1982, une action
publique, devant les médias, fut réalisé dans les laboratoires
Safepharm de Derby, pour une libération de lapins. Tous les
activistes furent par la suite arrêtés, notamment au moyen des
photographies de la presse.
Il en alla de même, avec 60 arrestations, lors de
l’opération Valentin à Stock dans l’Essex, contre les laboratoires
Life Science Research, où des animaux furent libérés et les locaux
dévastés alors que se tenait en même temps un rassemblement de
protestation devant les locaux.
L’ALF se replia alors définitivement dans l’illégalité, alors que des ALF Supporters Group apparaissaient pour soutenir les prisonniers, profitant de l’espace politique formé par les gens soutenant l’ALF, mais n’étant pas en mesure, pour diverses raisons, de mener eux-mêmes des actions.
C’était là l’expression d’une prise d’envergure
de l’ALF britannique en termes de lutte de classe. Les ALF Supporters
Group, avec un bulletin et une intense propagande, devenaient le
vecteur d’une véritable affirmation en termes politiques.
En 1982, l’ALF procéda notamment à la libération
de 12 chiens beagles des laboratoires Boots Labors de Nottingham,
ainsi qu’à celle de tous les animaux présents dans l’institut de
psychologie de l’université de Leicester, le laboratoire étant
entièrement détruit, fermant dans la foulée. En juin de la même
année, l’ALF organisa avec succès la libération de 8 cochons
d’Inde, destinés aux laboratoires, d’un train allant de Bournemouth
à Londres.
Voici une liste absolument non exhaustive des actions de l’ALF britannique en 1982, issue des compte-rendus effectués alors.
(i) 18 Janvier. Le portrait de Descartes le célèbre vivisecteur du 17e siècle, affiché dans les locaux de la Royal Society au 6 Carlton Terrance à Londres a été fortement endommagé et dégradé par des activistes de l’A.L.F. Descartes affirmait que les animaux ne ressentaient pas la douleur et que leurs cris n’étaient que des grincements d’une machine.
(ii) 19 Février. Dégradations à la ferme d’élevage à Halfway, Sheerness, Kent. Les murs ont été repeints (« Hen Hell Hole ») et les cages ont été endommagées.
(iii) 20 Février. Une propriété du manager de A.E.Beckett & Fils à Wythall, Birmingham a été dégradée. Cette action est la deuxième, la première a eu lieu en mai 1981 et avait causé 700 livres de dégâts.
(iv) 7 Février. Des lapins ont été sauvés des laboratoires de tortures de Safepharm à Shardlow, Derby et des dégâts ont été causés (qui ont coûté 5 000 livres). Un lapin est mort après suite aux expériences qui avaient été menées sur lui et un autre s’est révélé être aveugle, également à cause d’expériences. Le concierge a été légèrement blessé en essayant de blesser des activistes de l’ALF.
(v) 14 Février. L’action pour la saint Valentin au Life Science Research Centre à Stock, Essex a eu un écho international (y compris au Canada et en Australie où des groupes de l’ALF existent à présent).
Des Beagles, des rats et des souris ont été secourus et des 76 000 livres de dégâts ont été infligés – le réel coût de l’action s’estime à 250 000 livres à cause des commandes perdues par le lieu de torture suite aux actions de l’ALF. Les difficultés financières de l’établissement se voient dans l’article de Essex Chronicle du 9 juillet 1982 : 40 personnes ont quitté l’entreprise à cause de la perte de commandes. Les animaux étaient très mal mais ont maintenant trouvé un foyer.
(vi) 24 Février. Dégâts à l’usine de transformation de poulets de Shippams à Station Road, Crediton, Devon. Des véhicules ont également été endommagés et ne peuvent plus circuler. Shippams élève les poulets dans conditions extrêmement intensives et les transportent ensuite à l’étroit à l’usine Credition. Des poulets sont morts en nombre une nuit dans leurs caisses il y a peu. Il a fait particulièrement froid cette nuit-là.
(vii) Fin février à mi mars. De nombreuses actions de l’ALF contre North Kent Tickham Foxhunt ont eu lieu – notamment des dégâts visant des biens privés et des véhicules.
(viii) 28 Février. Deux jeunes chiots ont été retiré à des marchands d’animaux par l’ALF à Club Row, Londres.
(ix) 22 Mars. Des cochons d’inde ont été secourus par l’ALF à Redfern Animal Breeders, à Ely Grange, Frant, Sussex. L’établissement est une filiale de Shamrock Farms, un des plus grands fournisseurs d’animaux pour la vivisection.
(x) 28 Mars. Le club Xenon à West End a été attaqué par l’ALF car il y avait une panthère en cage à proximité de la piste de danse (elle subissait donc la musique et les lumières du club).
(xi) 20 Mars Les portes de nombreuses boucheries de l’East London ont été engluées. Le personnel a dû forcer les portes pour entrer. Tous les magasins concernés ont déjà attaqués par l’ALF.
(xii) 28 Mars. Des camions appartement à Lewis & cie ont été sévèrement endommagés. La compagnie est l’un des principaux fournisseurs pour les abattages rituels et un gros acheteur d’animaux élevés industriellement.
(xiii) 9 Avril. Sept chiens a un chat ont été secourus par l’ALF de la ferme de l’université de Leeds. Ces animaux n’étaient pas des animaux élevés en laboratoire mais étaient clairement des animaux vivant chez des gens. Cela montre qu’en plus d’être des tortionnaires et des meurtriers, les vivisecteurs sont également des voleurs.
(xiv) 8 Avril. Attaque contre un magasin de fourrure à Faversham, Kent : vitre brisées, serrures endommagées en engluées.
(xv) 15 Avril. Des douzaines de souris ont été sauvées de Triangle Mousery au 81 Windsor Avenue, Newton Abbot, Devon. Des véhicules ont été dégradés. Cet établissement élève des souris pour la vivisection.
(xvi) 18 Avril. Des véhicules du célèbre marchand d’animaux, Lil Taylor du Club Row à Londres ont été endommagés.
(xvii) 25 Avril. La prison pour animaux que le Chessington Zoo a été attaqué à de nombreux endroits. Des dépenses considérables ont été nécessaire pour réparer les dégâts infligés (ce qui fera moins d’argent pour voler, transporter et emprisonner des animaux dans ces lieux obscurs).
(xviii) 9 Mai. L’ALF a endommagé trois magasins de fourrure à Westcliff et Pitsea dans l’Essex.
(xix) 9 Mai. L’ALF a infligé « des centaines de livres de dégâts » à la propriété du professeur R. Barer, vivisecteur de Sheffield.
(xx) 22 Mai, 30 Mai, 15 Juin, 20 Juin, 21 Juin, 10 Juillet, 13 Juillet. Des dégâts conséquents ont été infligés fermes usines de la West Country par l’ALF. De nombreux animaux ont été trouvés dans un très mauvais état et secourus. Ils ont maintenant trouvé de bon foyers et se portent mieux.
(xxi) 29 Mai. Des véhicules et des biens de la compagnie Express Dairies de Cricklewood à Londres ont été pris pour cible par l’ALF. Cette action avait pour but de s’opposer l’élevage industriel et l’exploitation des vaches et des veaux dans l’industrie des produits laitiers.
(xxii) 29-30 Mai. Dégâts infligés à des véhicules et des biens appartenant à Analytical Supplies à Little Eaton, Derbys. Cette entreprise fournit du matériel de vivisection.
(xxiii) 1er Juin. Dégâts infligés à des véhicules appartenant à Goldenlay Eggs à Stone Style, Headcorn, Kent. Cette entreprise est responsable pour la production intensive et à large échelle d’oeufs.
(xxiv) 31 Mai. Des activistes de l’ALF ont endommagé des boucheries à Stratford dans l’East London.
(xxv) 2 Juin. Des activistes de l’ALF ont endommagé des biens appartement à May & Baker à Dagenham. Cette entreprise est une entreprise pharmaceutique et reconnaît avoir recours à la vivisection et l’expérimentation animale.
(xxvi) 15 Juin. L’ALF a secouru huit cochons d’inde du train Bornemouth-Londres. Ces animaux voyageaient d’un éleveur M.R. Grayston de Little Lyons, Ashley Heath, Ringwodd à l’University College de Londres pour se être torturés, mutilés et subir une mort atroce.
(xxvii) 19 Juin. L’ALF a accompli un raid impressionnant dans les Boots Laboratory à Thurgaton, Nottingham : 12 Beagles (8 mâles, 4 femelles) ont été sauvés. Tous les chiens vivaient dans des conditions déplorables au moment du sauvetage et les mâles avaient subi de lourdes mutilations – les 12 chiens étaient dans un piteux état. De nombreux chiens avaient des maladies cardiaques et leurs organes internes avaient vieillis prématurément. Tous ont trouvé une maison et leur état de santé s’améliore. Les activistes de l’ALF qui ont accompli cette action ont porté les 12 Beagles à travers des terrains boueux sur trois miles.
(xxviii) 22 Juin. L’ALF a endommagé un magasin appartenant à un acheteur de « biens » élevés intensivement (Barker’s Farm Shop, High Street, Sittingbourne, Kent).
(xxix) 23 Juin. Des activistes de l’ALF ont traversé un champ de blé pour attaquer la ferme d’usine S.J.D Humphrey Ltd (Twyford, Hampshire).
(xxx) 3 Juillet. Trois maisons appartenant des des vivisecteurs du laboratoire de vivisection Wellcome ont été visés par des activistes de l’ALF à Beckenham, Orphington et Tondridge dans le Kent.
(xxxi) 15 Juillet. L’ALF a gravement endommagé un magasin qui vend des peaux de phoques au 110 Buchanan Street, Glasgow : R.G. Lawrie’s.
(xxxii) 22 Juillet. Des activistes de l’ALF ont sauvé six chats de Winches Farm Field à Hatfield Road, St. Albans, Herts. Cette entreprise infecte (et assassine) des animaux avec des parasites et des maladies.
(xxxiii) 31 Juillet. Douze rats ont été sauvés par l’ALF du département de psychologie de l’université de Leicester. Tous avaient des marques de torture (marques de brûlures électriques aux pieds). Les coûts des dégâts infligés aux équipements de torture (chocs électriques aux cerveaux des animaux) est estimé à 3 000 livres. Plus tard le même jour, le département a été pris d’assaut par 70 activistes et deux souris ont été sauvées.
(xxxiv) 1er Août. Plus de 200 livres de dégâts ont été infligés aux laboratoires de l’université de Sheffield par des activistes de l’ALF.
(xxxv) 1er Août. Des dommages considérables ont été causés par l’ALF à l’usine Rosper à Bexhill, Sussex. Cette entreprise découpe la volaille pour la restauration. Les dommages ont été estimés à 1 200 livres par la police.
(xxxvi) 8 Août. L’ALF a sauvé quatre poules d’une ferme d’usine à Crewkerne, Somerset. Les poules étaient malades et souffrantes mais vont bien aujourd’hui et ont trouvé un foyer.
(xxxvii) 8 Août. L’ALF a sauvé 5 poules de la ferme d’usine Pondhead à Holt, Dorset. Comme précédemment, les poules étaient très malades mais se portent mieux et on trouvé un foyer aujourd’hui.
(xxxviii) 23 Août. L’ALF a sauvé dix cochons d’inde de Public Health Laboratory à Myrtle Road, Bristol.
(xxxix) 22 Août. Des activistes de l’ALF ont libéré des centaines de visons des chacunes des fermes suivantes : New World Mink Farm à Canedown, Southend, Essex et à la Dauchunzie Mink Farm, Nr Comie, Perthshire. Ces animaux étaient maintenus à l’étroit dans de minuscules cages avant d’être assassinés par empoisonnement, inhalation de poison ou par cou brisés avant qu’on leur administre des molécules pour changer leur couleur de peau (pour convenir aux acheteurs).
(xxxx) 30 Août. Des activistes de l’ALF avec des membres d’autres groupes d’actions directes ont réussi à infliger au moins 2 000 livres de dommages aux clôtures et au système d’alarme du Huntingdon Research Centre. A lui seul, cet établissement a tué plus de 1 300 animaux de puis 1978 – il s’est spécialisé dans les tests commerciaux – shampoing sur les peaux des animaux, ingestion forcée de dentifrice et de savon à des chiens et des chats, (etc.).
(xxxxi) 30 Août. Cinq magasins de fourrure ont été sévèrement endommagés par l’ALF à Bornemouth et Poole dans le Dorset. Pour certains, ce n’était pas la première fois.
(xxxxii) 7 Septembre. Trois magasins de fourrure à Derby ont été barbouillés avec de la peinture lors d’une attaque nocturne de l’ALF.
(xxxxiii) 18 Septembre. Le magasin de fourrure Dominion Fur Co à Morningside, Edimbourg a vu ses portes être dégradées par l’ALF. Aussi : les fenêtres d’Ellerman Travel sur Frederick Street ont été peintes puisque cette entreprise vendaient des tickets pour le cirque Chipperfield – bien connu pour torturer et humilier les animaux.
(i) Une cellule de l’ALF de quatre personnes a secouru une jeune chienne de son agresseur à Doncaster. Elle souffrait de malnutrition sévère, de problème de peau liée à une chaîne d’étranglement. (6/09/1982)
(ii) Une cellule de l’ALF a pris pour cible un fourreur de Belfast et a prévenu qu’il y aurait d’autres attaques. (10/09/1982)
(iii) Trente animaux ont été secourus d’une annexe de l’hôpital de Sheffield par une cellule de l’ALF composée de 17 personnes. Parmi ceux-ci : lapins, cochons d’Inde, hamsters et rats. Les lapins étaient en mauvaise forme. Tous sont en bonne santé et ont trouvé un foyer aujourd’hui. Un carnet trouvé dans le laboratoire indiquait qu’il s’agissait d’animaux de compagnie. (12/09/1982)
(iv) Des cellules de l’ALF ont infligé des dommages à des boucheries à Finsbury Park et Brixton à Londres lors d’une nuit d’attaques. (16 Septembre)
(v) L’ALF a de nouveau attaqué des boucheries à Finsbury Park. (22/09/1982)
(vi) L’ALF a libéré 18 poulets d’élevage d’un couvent à Daventry (Northamptonshire). L’un d’eux est mort peu de temps après et un éleveur de poulets qui les a vu a dit à la presse : « Ils étaient incapable de marcher, proche de la famine, la moitié de leurs plumes n’étaient plus là, les griffes avaient trop poussé et ils n’arrivaient pas à se tenir debout. Ceux qui les ont estropié de la sorte sont des monstres… ». Ils sont maintenant en bonne santé et ont trouvé un foyer. (27/09/1982)
(vii) L’ALF a causé des dommages à un bureau de réservation de cirque à Norwich. (30/09/1982)
(viii) Une cellule de l’ALF de 5 personnes a fait une incursion à Horitcultural College de Londres et y a libéré 109 souris, hamsters, cochons d’Inde, etc. Cette cellule n’était composée que de personnes de moins de 18 ans. (29/09/1982)
(ix) Un magasin de fourrure de Norwich a été la cible d’une cellule de l’ALF. (3/10/1982)
(x) Le fourreur de Belfast (voir (ii)) a de nouveau été attaqué par l’ALF. Les dommages ont été plus importants. (8/10/1982)
(xi) 3 000 faisans représentant 6 000 livres ont été libérés d’une ferme d’élevage de Boston dans le Lincolnshire par une cellule de l’ALF. Les faisans vivaient dans un élevage en batterie. (10/10/1982)
(xii) 70 faisans ont été libérés d’une ferme de Faversham, Kent. (12/10/1982)
(xiii) L’ALF a ciblé une usine de transformation de poulets à Norto, St. Philip, Somerset. Cette entreprise « transforme » 100 000 poulets âgés de 9 semaines par semaine. (17/10/1982)
(xiv) L’université de Sheffield est connue pour pratiquer des tests sur les animaux et a été la cible de l’ALF. (20/10/1982)
(xv) Le département médical de l’université de Bristol est connu pour pratiquer des tests sur les animaux et a été la cible de l’ALF. (20/10/1982)
(xvi) Une cellule de l’ALF a causé des dégâts à des biens du propriétaire des îles où des abattages de phoques ont lieu et pour lesquels il a donné son autorisation. L’action de Sea Sheperd a été soutenue. (28/10/1982)
(xvii) 25 cochons d’Inde ont été secourus d’une ferme d’élevage du laboratoire de Ashley Heath, Hampshire par l’ALF. Ils ont tous trouvé un foyer. (28/10/1982)
(xviii) Le club de pêche à la ligne de Horsham (Sussex) a été visé par l’ALF. (Novembre 1982)
(xix) Un magasin de chasse et de fourure à Wimborne, Dorset a été ciblé par l’ALF. (5/11/1982)
(xx) L’établissement à Crokall, N.W. Durham Chemical a été ciblé par l’ALF (7/11/1982)
(xxi) Une usine de produits laitiers à Lostwithiel, Cornwall a été ciblée par par l’ALF pour dénoncer le confinement et le meurtre de veaux pour la production de produits laitiers destinés à la consommation humaine. (10/11/1982)
(xxii) Des magasins de fourrure à Westcluff, Essex ont été sévèrement endommagés par l’ALF (fin de semaine, 12/11/1982).
(xxiii) La ferme d’élevage en batterie Bere Regis à Dorset a été ciblée par l’ALF, 12 poulets ont été secourus. Ils sont aujourd’hui en sécurité. Il a été constaté que des cages censées contenir au plus 5 poules en contenaient plus. (14/11/1982)
(xxiv) (Information…) Les laboratoires de vivisection de Colworth House, Befordshire ont reçu des systèmes de défense qui ont coûté plusieurs millions de livres pour prévenir les actions « parce qu’il est probable qu’il soit en tête de liste des cibles du Front de Libération Animale » (citation). (14 Novembre 1982)
(xxv) La South Western Chicks (Warren Ltd.) à Child Okeford, Dorset a été la cible de l’ALF qui a libéré 16 poules de batterie (21/11/1982). L’ALF a soumis un rapport à la RSPCA [Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals – Société royale de prévention de la cruauté envers les animaux] qui n’a pas donné suite aux plaintes :
(a) Dans une cage 12 poules dont une morte et une en état de décomposition. Chaque cage avait au minimum 11 oiseaux à l’intérieur.
(b) Des poulets morts ont été trouvé tout au long de l’unité, beaucoup en état de décomposition.
(c) Les poulets libérés (maintenant en sécurité dans un bon foyer) souffraient de perte de plume ou étaient chauves.
(d) La nourriture était humide et aigre.
(e) Le fumier était haut de plusieurs pouces sur les plateaux des cages.
(f) Odeur d’ammoniaque, chaleur insoutenable, ventilateur qui ne fonctionnaient pas correctement.
(g) De nombreux poulets n’avaient accès ni à la nourriture ni à l’eau.
Si l’ALF n’avait rien fait, 16 oiseaux seraient encore dans cet enfer à cause de l’incompétence, la négligence et le désintérêt de la RSPCA.
(xxvi) Une usine de volaille de Verwood, Bournemouth a été la cible de l’ALF qui a secouru 13 poules et endommagé l’usine. (21/11/1982)
(xxvii) L’ALF a ciblé le Biorex Laboratory à Islington à Londres et qui utilise des animaux pour ces expériences pharmaceutiques. ( 22/11/1982)
(xxviii) Lors d’une attaque de nuit, l’ALF s’en est pris à une usine et un magasin de fourrure à Bounds Green à Londres. (22/11/1982)
(xxix) Lors d’une attaque de nuit, l’ALF s’en est pris à une usine de fourrure de Saintfield à Belfast. (27/11/1982)
(xxx) Un magasin de chasse a été pris pour cible par l’ALF à Ringwood (Hants). (2/12/1982)
(xxxi) Quatre magasin de fourrure ont été pris pour cible par l’ALF à Liverpool. (7/12/1982)
(xxxii) Un élevage en batterie de Mangotsfield, Bristol a été pris pour cible par des activistes des droits des animaux. (10/12/1982)
(xxxiii) Vingt lapins secourus par l’ALF d’une maison d’une personne emprisonné récemment pour cruauté envers des animaux. (13/12/1982)
L’exigence morale individuelle était le coeur de
l’initiative portée par l’ALF. La libération d’animaux se
présentait ainsi comme la plus haute forme d’antagonisme, car
exprimant la plus haute forme de moralité possible.
Un porte-parole de l’ALF expliqua, au tout début
des années 1980 que :
« Personne n’irait loin dans l’ALF à moins d’être végétarien ou végan. Les membres de l’ALF agissent comme la conscience de la nation – nos objectifs de base sont de sauver des animaux et de causer autant d’embarras que possible, notamment financiers, aux gens impliqués dans l’exploitation animale, jusqu’à ce que la loi prenne le relais. »
Ce que signifie cette expression – « jusqu’à
ce que la loi prenne le relais » – l’ALF ne l’a jamais
expliqué, considérant en effet que dans le cadre institutionnel
traditionnel, la libération animale était impossible. L’ALF
dénonçait formellement ceux qui avaient des illusions envers les
institutions et attendaient un changement se produisant au Parlement.
Il est facile de voir ici l’incohérence du
positionnement, cette incohérence était le prix à payer pour
rechercher un mouvement de masse à la base, contournant la
politique, afin d’arriver au but de manière inéluctable de par
l’exigence possible.
L’ALF se considérait en ce sens comme la seule solution possible pour s’interposer et permettre un changement général. Historiquement, l’ALF n’a jamais critiqué les personnes ne pratiquant pas l’action directe, mais a par contre toujours dénoncé ceux la critiquant.
Sa démarche lui apparaissait comme non
critiquable, car permettant concrètement la libération d’animaux.
L’ALF était donc un vecteur inévitable, quoi que l’on choisisse par
ailleurs comme option.
L’ALF britannique n’a donc jamais été autocentré
et n’a jamais exigé que les autres structures se placent à sa
remorque, mais est toujours allé dans le sens d’une convergence
générale, tout en soulignant que ses actions formaient la ligne de
front obligatoirement nécessaire.
Il faut bien saisir ce que cela signifie en terme
de très lourde logistique. La formation d’une cellule de l’ALF
signifiait s’équiper en véhicules, être en mesure de les
réparer, se procurer des outils, connaître les méthodes
d’intrusion dans des locaux, savoir s’occuper des animaux, disposer
de vétérinaires, accueillir les animaux en foyers d’accueil ou
définitivement, former des sanctuaires, payer la propagande,
diffuser les communiqués…
Si bien entendu, chaque cellule n’était pas nécessairement obligée d’arriver à une telle infrastructure, c’était une tendance inévitable. Chaque cellule reproduisant en effet directement le style de travail de l’ALF en général.
L’ALF a comme identité propre la libération
concrète d’animaux ; ce n’est pas une fédération de petits
groupes pratiquant des dégradations, mais une convergence de
libérations concrètes d’animaux, devant faire une vague générale.
Pour cette raison, les actions de sabotage ont
toujours été considérées uniquement dans leur rapport à la
possibilité de libérer les animaux de par ces sabotages :
l’affaiblissement économique et pratique de l’ennemi devait
permettre de relancer une vague de libération.
Les destructions incendiaires, les dégradations,
etc. n’ont toujours été vues que par rapport à la stratégie de
libération d’animaux de manière toujours plus vaste.
Voici un exemple de la philosophie morale
sous-jacente aux actions de l’ALF :
« Les animaux destinés à être massacrés pour l’alimentation, la vivisection et la chasse ne préoccupent pas des distributions de tracts, de l’écriture de lettres, des manifestations, des sit-ins, etc.
Ils veulent la libération et ILS LA VEULENT **MAINTENANT**.
Avec CHAQUE action, la première question sera toujours : « Comment est-ce que cela va aider les animaux ? Comment leur situation horrible peut-elle être atténuée ? Combien peuvent être sauvés ? ».
Et alors, et alors seulement, les questions se posent quant à la somme des dommages à la propriété et à la situation de ceux qui maltraitent les animaux.
C’est avec cette pensée que l’ALF existe ; le mythe de la législation par des politiciens contre la maltraitance animale n’aide pas les animaux.
La « possibilité » que la maltraitance animale se terminera possiblement dans environ tant et tant d’années n’est d’aucune utilité pour les animaux torturés maintenant.
C’est pourquoi l’ALF existe. Ce n’est pas un concept pour des idéaux et des possibilités futurs. C’est une organisation de gens se dédiant à la libération des animaux MAINTENANT.
Si l’ALF n’existait pas, sur qui pourraient se reposer les animaux ? Une personne honnête répondrait : « personne ».
Les animaux sont dépendants de ceux qui se préoccupent de leur détresse. Il n’y a personne d’autre qui leur porte une attention et en raison de cela, toute personne qui affirme se préoccuper des animaux a l’obligation de lutter pour eux.
Il est devenu évident, de manière douloureuse, que les politiciens et les organisations traditionnelles pour les animaux, de type « welfariste », pour le « bien-être », ont déserté la détresse des animaux. »
L’ALF se posait initialement comme affirmation
morale. Lors d’une intervention clandestine dans un laboratoire, une
importante somme d’argent fut trouvée, mais elle ne fut pas
emportée. Les billets furent déchirés, afin de souligner la
supériorité morale de l’action.
Il n’existait pas encore un esprit d’organisation et, pour cette raison, un grand débat se fit sur la nécessité ou non d’atteindre aux biens, notamment par l’intermédiaire de l’incendie comme moyen d’action.
Une scission apparut dans l’ALF pour cette raison,
alors qu’une autre structure émergea, la Northern Animal Liberation
League (NALL). Celle-ci prônait les raids organisés contre les
laboratoires au moyen de l’irruption de plusieurs centaines de
personnes. Leur point de départ véritable fut l’opération contre
la Babraham Agricultural Research Centre de Cambridge, révélant au
moyen de photographies et de film la vivisection se déroulant
là-bas.
L’ALF avait pris une autre direction : aux
actions de libération d’animaux – sa tâche principale –
devaient s’associer des actions devant porter atteinte aux intérêts
économiques de l’exploitation animale.
Cela impliquait la clandestinité et la décentralisation, à l’opposé des actions de la NALL. Cette dernière connut, de par ses activités « en surface », un large écho à l’initial, se déclinant en plusieurs autres structures : la EALL (pour l’Est), la WALL (pour l’Ouest), la CALL (pour le centre du pays) et surtout la SALL (pour le Sud), qui devint la plus importante. Cependant, le succès avait comme prix une répression toujours plus forte.
Un commando de la SEALL libéra un macaque et
filma les autres singes subissant la vivisection dans l’université
royale des chirurgiens à Downe, rééditant l’opération dans les
locaux de Bios laboratorium, filmant et libérant 13 chiens beagles.
Mais l’action contre le centre de recherche de
Wickham fut éventé, les activistes se retrouvant face à des hommes
armés, des arrestations nombreuses s’ensuivant et le procès, en
septembre 1983, aboutissant à la dissolution de la SEALL.
Une logique similaire se produisit avec l’échec
de l’action du 24 avril 1984 menée par la NALL contre le centre de
recherche ICI à Alderly Edge. Il fallut affronter la police,
détruire des installations pour arriver jusqu’aux animaux, pour
finalement subir des arrestations nombreuses et brutales.
A cet échec marquant la disparition de la NALL
succéda celui de l’EALL. Ses 300 activistes agissant contre le
centre de recherches d’Unilever à Bedford étaient munis de marteaux
et d’engins afin de se tronçonner un passage, mais se perdirent dans
les locaux, l’action durant plus d’un quart d’heures et amenant de
très nombreuses arrestations. Le procès de cette action en 1986
amena la dissolution de l’EALL.
Plusieurs dizaines de personnes eurent des peines
de quelques années de prison ; le principe d’une action
publique apparaissait comme impossible. Seule la CALL se maintint,
mais sans chercher à de mobilisations de masse, cherchant seulement
à obtenir des enregistrements vidéos.
L’ALF, opérant de l’illégalité, ne connaissait pas ces déboires ; l’action significative de la seconde vague d’intervention de l’ALF fut, en août 1979, une attaque incendiaire des bureaux des fournisseurs de laboratoires Tuck and Sons, dans l’Essex, provoquant d’importants dégâts.
Une autre action d’importance fut dans ce cadre
fut la dégradation au moyen de peinture du garage et du véhicule de
Georges Sabey, des laboratoires Wellcome. Ce fut la première action
ne visant plus qu’indirectement l’exploitation animale, en s’en
prenant à un individu y jouant un rôle considéré comme important.
Cette étape semblait se placer dans le
prolongement direct des autres actions, mais elle posait une question
politique de la plus haute importance, formant d’ailleurs un point
d’achoppement très important au sein du mouvement, une frange
considérant qu’il était stratégiquement nécessaire de passer au
stade de l’agression contre de telles personnes.
L’ALF, historiquement, a refusé cela,
contrairement à d’autres organisations lui étant très proches,
voire composant pratiquement des tendances en son sein. Toutefois,
sous l’égide de Ronnie Lee, l’ALF conserva une démarche facile et
portée par n’importe qui, sur une base très simple, devant
permettre une vague de sabotages qui forcerait l’exploitation animale
à plier.
L’ALF produisit en ce sens une charte, qui
consistait en les points suivants :
a) Libérer les animaux des endroits où l’on abuse d’eux, c’est-à-dire les laboratoires, les fermes usines, etc., et de les amener dans de bons endroits où ils auront de grandes chances de vivre leur vie naturelle, libres de souffrances.
b) Infliger des dommages économiques à ceux et celles qui profitent de la misère et de l’exploitation des animaux.
c) Révéler les horreurs et atrocités commis contre les animaux derrière les portes fermées à clef, en menant des actions directes non violentes et des libérations.
d) Prendre toutes les précautions nécessaires afin de ne mettre en danger aucun animal, humain et non humain.
Avec cette approche rejetant la violence contre
des humains, l’ALF rejetait, par définition, toute révolution, qui
présuppose la violence dans la mesure où il y a un renversement
social. La raison est qu’elle considérait son approche comme
révolutionnaire en soi.
L’ALF se voyait comme une vague de réforme radicale au sein de la société elle-même ; elle prônait une morale quotidienne nouvelle, des actions éminemment révolutionnaires de par leur contenu tant illégal qu’exigeant des changements économiques, sociaux et culturels profonds, mais en contournant ouvertement la question de l’État.
L’ALF ne voyait, en fait, que la société : il ne s’agissait pas d’un mouvement anarchiste, refusant la société et prônant une certaine marginalité, mais d’un mouvement contestataire moraliste cherchant à soulever le peuple. Le parallèle avec le protestantisme des origines – Thomas Müntzer – est inévitable dans un pays où la religion officielle, l’anglicanisme, est un protestantisme ayant échoué et sombré sous la forme d’une sorte de catholicisme royal combattant ardemment les « puritains ».
La bataille du chien marron marqua la fin d’un
positionnement antagoniste en Angleterre. Il faudra attendre les
années 1960 et 1970 pour voir apparaître une contestation réelle
et générale de la vie quotidienne. L’aspect le plus connu
culturellement consiste en le foisonnement des mouvements de jeunesse
(notamment rockers, mods, skinheads et bien sûr punks), cependant
l’aspect le plus authentiquement relié aux luttes de classe fut
l’émergence de l’ALF, du Front de Libération Animale.
Les mouvements de jeunesse se plaçaient en marge
ou en parallèle des luttes de classe, restant dans l’esprit étroit
de la reconnaissance sociale de classe au sein de la société
capitaliste. C’est pourquoi le mouvement skinhead, initialement liée
à la classe ouvrière et au rocksteady, au reggae, bascula en
mouvement identitaire raciste de type plébéien.
Le Front de Libération Animale se plaça
immédiatement sur le terrain de l’affrontement, échappant pour
cette raison de manière temporaire à l’intégration dans le
consensus dominant.
Tout part en 1973, à Londres, d’un groupe de quelques personnes organisé autour de Ronnie Lee (né en 1951), tous activistes de la protection animale, végétariens ou végans. Considérant que les tactiques employées jusque-là étaient sans résultat réel, le groupe décida de mener des actions illégales.
Ronnie Lee
De manière significative, le groupe prit comme
nom celui de Band of mercy, le regroupement de la
pitié, formé en 1875 par Catherine Smithies et qui devint la
section de jeunesse de la Society for the Prevention of
Cruelty to Animals (SPCA) au 19e siècle, avec une visée
éducative pour promouvoir la compassion envers les animaux. La Band
of mercy se développa par la suite surtout aux Etats-Unis, avec 27
000 groupes locaux.
La Band of mercy de Ronnie Lee
se considérait ainsi comme le prolongement et le dépassement de ce
qui avait existé, mais sans aucune conscience théorique de cela,
l’aspect pratique étant le moteur de la démarche.
Ronnie Lee s’appuyait également sur sa propre expérience de membre de la Hunt Saboteurs Association (HSA), une organisation anti-chasse à courre existant depuis 1964 un peu partout dans le pays, allant sur le terrain pour perturber des chasses particulièrement importantes dans un pays encore marqué par une aristocratie très puissante.
Les débuts de la Hunt Saboteurs Association
La Band of mercy apparaissait comme une rupture,
une nouvelle perspective. Elle mena ainsi plusieurs actions en
1973 : le sabotage de véhicules amenant des chiens de chasse
aux chasses à courre contre les renards, la destruction d’un bateau
participant aux chasses aux phoques, plusieurs destructions de
véhicules transportant les animaux destinés aux laboratoires, la
libération de six cochons d’Inde d’un élevage, ainsi que deux
incendies d’un laboratoire de vivisection en construction, les 10 et
16 novembre 1973.
Le communiqué d’un de ces incendies explique
alors :
« Le bâtiment a été mis en feu dans une tentative d’empêcher la torture et le meurtre de nos frères et sœurs animaux dans des expériences maléfiques.
Nous sommes une organisation de guérilla non-violente dédiée à la libération des animaux de toutes les formes de cruauté et de persécution de la part de l’humanité.
Nos actions continueront jusqu’à ce que nos objectifs soient atteints. »
Cependant, à l’été 1974 deux personnes furent
arrêtées et condamnées à trois ans de prison pour certaines de
ces actions, une troisième recevant du sursis et une amende. Cliff
Goodman garda ses opinions, mais fut traumatisé par
l’emprisonnement, dénonçant par la suite les actions illégales et
collabora avec la police en lui expliquant les méthodes de
communication des activistes.
Ronnie Lee, quant à lui, maintint le cap, menant
même une grève de la faim pour avoir une alimentation végétalienne
et non pas simplement végétarienne.
La vague de solidarité qui se forma aboutit, à la sortie de prison de Ronnie Lee qui émergea comme le chef de file du mouvement, à la fondation de l’ALF, le Front de Libération Animale, en juin 1976, avec une trentaine de personnes organisées dans le mouvement.
L’ALF mena immédiatement des actions. 1 000 renards furent libérés de l’élevage Dalchonzie en Écosse, alors qu’en 1977 eurent lieu 14 opérations visant des laboratoires pratiquant la vivisection, 200 animaux étant libérés et les locaux saccagés.
La fermeture des laboratoires Condiltox, dans le
Nord de Londres, suite aux actions, fut considérée comme la
première grande victoire ; l’ALF cambriola en novembre 1976
la Research Defence Society pour se procurer la
liste de ses membres impliqués dans la vivisection. Un autre dossier
volé fut celui sur l’ALF elle-même, qui apparaissait comme un
problème fondamental dès son émergence.
En 1976 et 1977, l’ALF avait provoqué environ 300
000 euros de dégâts, attaquant des élevages, des fermes à
fourrure, des chasses, des abattoirs, des cirques et des
laboratoires.
Une vague de répression s’ensuivit, désorganisant
profondément l’organisation. Ronnie Lee, lui-même arrêté, ayant
chez lui des souris libérés d’un laboratoire, qu’il n’avait pas pu
encore placer dans des foyers.
Il passa huit mois en prison, fut une fois sorti confronté aux médias demandant des explications pour les actions : il devint alors le porte-parole du mouvement qui était parvenu à s’ancrer, mais ne parvint à une réelle réorganisation qu’à partir du milieu de 1979.
C’est en Grande-Bretagne que se fondit la première
association moderne de protection des animaux, la Society for
the Prevention of Cruelty to Animals (SPCA) en
juin 1824. La SPCA s’engage sur le terrain des conditions des animaux
dans les fermes et la production, mais mena également campagne
contre la vivisection, ainsi que les sports impliquant la violence
jusqu’au sang et la peine de mort.
Le mouvement se cantonnait cependant aux
humanistes des classes aisées, dans une perspective idéaliste. Il
était porté par des femmes, appartenant à la haute société et
saisissant le caractère dépassé de certains comportements
aristocratiques, tentant d’aller dans le sens d’un humanisme à
prétention moraliste.
La grande figure de ce courant fut Louise Lind af Hageby, issue de la plus haute aristocratie suédoise, qui mit sa culture au service d’une intense propagande contre la vivisection.
Louise Lind af Hageby
Accompagnée alors de son amie suédoise Leisa Katherine Schartau, elle avait été horrifiée en 1900 par la situation des animaux subissant la vivisection à l’Institut Pasteur à Paris.
Aussi les deux femmes s’inscrivirent-elles en
1903 à l’école londonienne de médecine pour femmes, qui ne
pratiquait pas la vivisection, mais permettait d’assister à celle
effectuée dans le cadre des études pour les hommes, au King’s
College et au University College.
Louise Lind af Hageby y prit 200 pages de notes et
les remit au dirigeant de la Société Nationale Anti-Vivisection,
fondée en 1875. Elle y décrit notamment comment devant une audience
étudiante à chaque fois rieuse, des professeurs procédèrent à
plusieurs reprises à l’opération et à la dissection sans
anesthésie du même chien.
Elle dit entre autres :
« Un gros chien, allongé sur le dos sur une table d’opération, est transporté dans la salle de conférence par le démonstrateur et le préposé du laboratoire. Ses pattes sont fixées à la planche, sa tête est fermement maintenue de la manière habituelle et elle est étroitement muselée.
Il y a une grande incision dans le côté du cou, exposant la glande. L’animal présente tous les signes de souffrance intense ; dans ses luttes, il soulève encore et encore son corps par rapport au plateau et fait de puissantes tentatives pour se libérer. »
La situation de ce pauvre chien terrier de couleur
marron ouvrit une période de plusieurs années de polémique
publique, formant l’affaire dite du « Brown dog ».
La première étape fut un procès en diffamation en 1903 dès la publication des notes des deux étudiantes suédoises. Gagné par le médecin en chef ayant dirigé la vivisection, le dirigeant de la Société Nationale Anti-Vivisection fut ainsi condamné à une forte amende.
Le procès
The Times salua le verdict, mais
regretta le « hooliganisme médical » des étudiants en
médecine particulièrement virulents ; à
l’opposé, The Sun, le Star et
le Daily News dénoncèrent le verdict et une
vaste mobilisation se produisit en effet pour rassembler l’argent de
l’amende.
L’écrivain américain Mark Twain publia au même
moment un conte, A Dog’s Tale, où sont racontées les
terribles mésaventures d’un chien fidèle, avec une dénonciation
acerbe de la vivisection.
L’ouvrage des deux étudiantes fut lui-même
republié plusieurs fois, sous le nom de The Shambles of
Science: Extracts from the Diary of Two Students of Physiology (Les
pagailles de la science : extraits du journal de deux étudiantes
en physiologie).
L’État tenta de temporiser avec la nomination
en 1906 d’une seconde Commission royale sur la vivisection.
Toutefois, le mouvement anti-vivisection rencontra alors le mouvement
ouvrier.
Des fonds furent rassemblés, afin d’élever un
mémorial en l’honneur du chien. Élaboré par le sculpteur Joseph
Whitehead, il devait servir de fontaine, tant pour les humains que
pour les chiens et les chevaux, avec un multiple système
d’irrigation également à leur hauteur.
De plus, le quartier choisi fut celui de
Battersea, un bastion populaire avec une forte base socialiste et un
soutien fort au mouvement anti-vivisection. Le premier maire noir
d’un quartier de Londres y sera élu par le conseil municipal en
1913. Le quartier possédait également un petit hôpital n’employant
que du personnel anti-vivisection, le Battersea General
Hospital, qui exista de 1903 à 1933.
Le quartier disposait également d’un refuge pour
chiens, le Battersea Dogs Home, dirigé par le duc
William Cavendish-Bentinck, un conservateur possédant pratiquement
toutes les hautes décorations honorifiques, qui considérait comme
« non seulement horrible, mais absurde » que des chiens
du refuge soient fournis pour la vivisection.
Le mémorial fut inauguré le 15 septembre 1906, en présence notamment de l’écrivain végétarien George Bernard Shaw, prix Nobel de littérature en 1925, ainsi que de Charlotte Despard.
Le mémorial dédié au brown dog
Né en 1844, amie de la fille de Karl Marx Eleanor
Marx, déléguée de la seconde Internationale en 1896, Charlotte
Despard mena une intense campagne pour le vote des femmes et refusa
tout lien avec l’armée britannique pendant la première guerre
mondiale. Elle rejoignit en 1930 le Parti Communiste de
Grande-Bretagne et devint la secrétaire des amis de la Russie
soviétique.
Figure de l’antifascisme, elle vit sa maison
détruite à Dublin par un commando fasciste, alors qu’elle avait
déjà 89 ans.
Le mémorial devint le point de cristallisation de
la lutte des classes. Toute l’attitude par rapport à la société se
polarisait, symbolisée par rapport à l’acceptation ou le refus de
la vivisection. Sur le mémorial, on pouvait lire :
« En mémoire du terrier brun Chien mis à mort dans les laboratoires du Collège universitaire en février 1903 après avoir enduré la vivisection s’étendant sur plus de deux mois et ayant été remis d’un vivisecteur à l’autre Jusqu’à ce que la mort vienne à son Soulagement.
Aussi à la mémoire des 232 chiens ayant subi la vivisection pendant l’année 1902.
Hommes et femmes d’Angleterre combien de temps ces choses seront-elles? »
Rassemblement pour la protection du mémorial au Brown dog
Après avoir tenté des recours légaux, la situation devint explosive à partir de novembre 1907. Les étudiants en médecine lancèrent des opérations de vandalisme, la première s’ensuivant par une arrestation suivie d’une amende.
Cela s’ensuivit d’une manifestation de mille
étudiants en médecine, tenant l’effigie d’un chien sur un bâton,
chantant « Pendons [le magistrat] Paul Taylor sur un pommier
amer / alors que nous continuons de marcher », tentant de
brûler l’effigie du magistrat avant de jeter celle-ci dans la
tamise.
La tension ne cessa pas et les réunions des
suffragettes furent même attaquées en général, ce qui témoigne
bien de la lecture faite de la question. De fait, le 10 décembre
1907 ce furent les masses du quartier qui empêchèrent une attaque
d’une centaine d’étudiants à la fois contre le mémorial et contre
l’hôpital.
Un milliers d’autres étudiants s’étaient
rassemblées dans le centre de la ville et provoquèrent plusieurs
heures de batailles rangées avec la police. Celle-ci fit en sorte
d’avoir désormais six policiers protégeant le mémorial.
Comme pourtant la direction du mouvement était
resté dans les mains des membres de la haute bourgeoisie et des
cercles libéraux, le mouvement s’enlisa. Un conseil municipal
conservateur s’accorda avec l’État pour expliquer que les coûts
de surveillance du mémorial étaient trop onéreux, et malgré les
rassemblements de plusieurs milliers de personnes, dans la nuit du 10
mars 1910, quatre ouvriers encadrés par 120 policiers enlevèrent le
mémorial.
C’était un moment historique : le mouvement
ouvrier n’avait pas été en mesure de prendre le flambeau. La
question resta dans les mains d’une critique libérale du
conservatisme. Les capacités des libéraux étaient bien plus
fortes, sur le plan intellectuel et culturel, ainsi que sur le plan
des moyens matériels.
Témoignant de cette capacité que la classe
ouvrière n’avait pas, lors d’un procès en 1913 contre le journal du
soir le Pall Mall Gazette, Louise Lind af Hageby battit les records
de durée en prononçant 210 000 mots pour se justifier, ainsi que 20
000 questions à 34 témoins. Avec la duchesse Nina Douglas-Hamilton,
elle ouvrit des sanctuaires sur de larges terrains, prônant la paix
pendant la première guerre mondiale et organisant des postes
vétérinaires pour les chevaux engagés sur les fronts anglais et
français.
La question animale échappait à la classe ouvrière pour une longue période.
L’Animal Liberation Front est un
mouvement de masse qui a émergé en Angleterre dans les années
1970. Il s’agit du produit de la lutte des classes, dans les
conditions propres à ce pays alors.
L’antagonisme y était particulièrement asséché :
le mouvement ouvrier avait basculé dans le réformisme ouvert des
syndicats, les trade-unions, ainsi que du parti
travailliste, le Labour Party ; à aucun moment
les communistes n’ont su développer une ligne de masses, en raison
de leur incompréhension fondamentale tant de la réalité de leur
pays que du matérialisme dialectique.
Pour cette raison, la lutte des classes ne pouvait
pas passer par les domaines sous le contrôle du réformisme des
trade-unions et du parti travailliste ; l’autonomie prolétaire
prit alors la forme d’une confrontation violente avec un secteur très
précis du mode de production capitaliste : l’utilisation des
animaux.
Il y avait deux raisons essentielles pour cela :
– la réalisation du compromis ente
l’aristocratie et la bourgeoisie à travers la monarchie
constitutionnelle avait permis la continuation d’activités
aristocratiques spécifiques, devenant spécifiques à leur identité
(course de lévriers, chasse à courre, etc.) ;
– la généralisation de la consommation de
produits d’origine animale se heurtait à une sensibilisation au
rapport avec les animaux et plus globalement avec l’environnement.
La contradiction entre villes et campagnes sous sa forme britannique s’est ainsi exprimée sous la forme de l’Animal Liberation Front, consistant en une vague d’opérations de libération d’animaux de laboratoires et de destructions ciblant des boucheries, des véhicules, des laboratoires, etc.
Si ce n’est pas toi, qui? Si ce n’est maintenant, quand? Soutiens le Front de Libération Animale.
L’Animal Liberation Front a atteint une telle
dimension dans la société britannique que ce mouvement est
devenu une composante en tant que telle de la culture de la vie
quotidienne de ce pays. A son point culminant, l’Animal
Liberation Front menait plusieurs actions par jour, dans un élan
durant une décennie et marquant très profondément les esprits.
En fait, si les luttes de classes ne sont en
Angleterre jamais parvenues à une maturité scientifique, elles ont
su générer des formes romantiques de combat, trouvant dans le
rapport entre les villes et les campagnes une source d’énergie qu’on
ne trouvait pas dans le rapport entre le travail manuel et
le travail intellectuel, de par le verrou syndical.
L’exemple le plus connu et le plus significatif de remise en cause du rapporentre les villes et les campagnes est le roman Les nouvelles de nulle part, publié en 1890, de l’immense artiste William Morris, grande figure des Arts & Crafts et proche des artistes dits les « préraphaélites ».
Anémone, motif en jacquard, Morris & Co 1876
L’esprit de remise en cause d’une société
entièrement bloquée par un conservatisme pesant, sous l’égide
d’une monarchie sacrée et d’un nationalisme insulaire systématique,
a profité de la dénonciation du caractère abstrait, invivable,
anti-naturel des conditions de vie imposées par le capitalisme.
Cette approche se fonde donc principalement sur un
ressenti, une aigreur fondamentale vis-à-vis de la société
anglaise.
Pour cette raison, l’Animal Liberation Front est
la conjugaison immédiate de trois phénomènes :
– la sentiment intense de frustration des
structures de lutte en faveur des animaux, faisant face à un
véritable mur, notamment en ce qui concerne la vivisection ;
– l’existence dans les décombres du mouvement
punk de velléités de révolte orientées dans une perspective
positive ;
– le décrochage de personnes d’extrême-droite
de leur cantonnement dans une esthétique nazie nihiliste pour tenter
de réaliser une vraie contribution « communautaire ».
Cela sous-tend un profond apolitisme et l’ALF n’est pas ici différente en soi des très nombreux mouvements de jeunesse née dans une Angleterre façonnée par un rapport à la ville, aux campagnes, qui a produit toute une série d’attitude rebelles à différents degrés (punks, skinheads, mods, rock progressif, british wave of heavy metal, etc.).
La particularité du développement britannique
dans son ensemble tient à cette caractéristique. Il n’y a pas eu de
Lénine et de Mao Zedong, mais les Beatles et Pink
Floyd, les Rolling Stones et Led
Zeppelin, Genesis et Iron Maiden,
Joy Division et The Smiths, The Cure et New
Order, etc.
Tous ces artistes ne présupposent pas simplement
une musique, mais également une esthétique, un look, un style, une
manière de voir la vie, certaines attitudes, etc.
Si on ne saisit pas cette dimension, on ne peut pas comprendre ce qu’a été l’ALF, qui a été un mouvement apolitique, anti-politique, et pourtant totalement politique.
Ce point est très important également pour
savoir comment traduire l’acronyme ALF et sa signification anglaise
d’« Animal Liberation Front ».
La traduction la plus répandue est « Front
de Libération des Animaux ». Pourtant, la traduction à
l’origine, si l’on remonte à juin 1984 avec la toute première
génération de gens de l’ALF en France, donne « Front de
Libération de l’Animal ».
Qui plus est, une traduction vraiment littérale
donnerait « Front de Libération Animale », voire « Front
de la Libération Animale ».
Or, on se doute bien que le terme a été choisi
en allusion aux « fronts de libération nationale ». La
question nationale est ici remplacée par la question animale. Ce que
pose l’ALF comme concept, c’est la « libération animale »,
expression largement employée dans les documents du mouvement.
Il ne s’agit pas que de libérer des animaux, mais
d’obtenir la libération de tous les animaux, à travers un front de
lutte le plus large possible, ce que l’ALF britannique ne cessera de
souligner. La libération animale est le concept au cœur de la
stratégie proposée.
La traduction « Front de Libération des
Animaux » n’a donc aucun sens, car elle parle de la libération
d’animaux – ce que fait l’ALF – sans poser le rapport avec
l’objectif à long terme de l’ALF : la libération
animale.
La traduction sous la forme de « Front de
Libération de l’Animal » semble donc davantage pertinente,
mais elle n’a pas de sens eu égard au décalage par rapport au
concept de « libération animale ».
La véritable traduction est donc clairement « Front de Libération Animale ». Sans cette traduction, on perd de vue la base morale du mouvement, son exigence du véganisme comme rapport non conflictuel avec les animaux, et au-delà, même, d’un rapport positif.