Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : le peuple en action

    De manière essentielle, on trouve dans le Hokusai Manga une présentation des masses, dans leur dimension à la fois particulière et individuelle. C’est magistral. Non seulement, on a le travail, mais on a les masses elles-mêmes, et Hokusai parvient à relier le particulier au général.

    De manière significative, les situations sont innombrables, témoignant de la richesse infinie des masses. Et la dignité de chaque situation est tout à fait prise en compte et reflétée.

    La dimension foisonnante des masses est ici un véritable drapeau démocratique et populaire ; en ce sens, c’est une affirmation historique alors de la nation japonaise.

    On a ici clairement affaire au matérialisme, qui prend la matière telle qu’elle est. Ces deux pages sont exemplaires ici en ce que les formes des animaux et des humains sont clairement mis en parallèle. C’est là de l’analogie, de la reconnaissance de la matière en tant que telle, de ses différentes formes au dénominateur commun, un matérialisme contemplateur-descriptif comme celui d’Aristote.

    A ceci près qu’on est dans une époque de transformation et que l’activité transformatrice est au centre, comme en témoigne les situations de chaque personnage, qui sont toujours ancrés dans une activité.

    Le peuple en action, tel qu’il est, est ainsi assumé par Hokusai.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : le travail

    Katsushika Hokusai (1760-1849) est le titan de l’art national japonais émergeant dans la période de domination du clan Tokugawa, dans une société patriarcale-féodale figée dont la capitale est Edo. Il représente la charge esthétique des temps nouveaux, porté par la bourgeoisie commençant à s’arracher du carcan idéologique du régime.

    Ce fut d’ailleurs tout un processus. Katsushika Hokusai est initialement partie prenante de l’idéologie dominante et ce n’est qu’à un âge avancé qu’il se produit un tournant. Initialement, sa formation relève de ce qui est alors encore hégémonique, avec les courtisanes, les acteurs, les estampes bon marché en général, etc.

    Ce qui est ici intéressant, c’est qu’il connaît plusieurs étapes, utilisant à chaque fois un nouveau pseudonyme, avec des ruptures claires ; il décide par exemple en 1785 de ne plus représenter d’acteurs. Au total, il aura utilisé plus d’une cinquantaine de pseudonymes.

    Bateaux cargo luttant contre les vagues, Hokusai, vers 1805

    Le tournant le plus marquant est la parution en 1814 d’un carnet de croquis, de 23 x 16 cm, appelé Hokusai Manga, avec dessins représentant le vie réelle, en monochrome, exprimant un effort de synthèse dans le cadre d’une vie entière de labeur au service de l’art du dessin.

    Le succès au rendez-vous et l’effort fut prolongé : le carnet se vit ajouter une seconde et une troisième partie en 1815, une quatrième et une cinquième partie en 1816, une sixième, septième, huitième et neuvième partie en 1817, et enfin une dixième partie en 1819. La onzième et la douzième parties furent ajoutées en 1834. Trois volumes furent ensuite produits après la mort de Hokusai, le dernier étant considéré comme ne relevant pas vraiment de lui, bien qu’on puisse faire le choix de considérer qu’il y a bien des œuvres de lui en faisant partie, ou relevant au moins de sa perspective.

    La dimension à la fois empiriste et encyclopédique saute bien entendu aux yeux ; on est ici dans une perspective, démocratique, matérialiste. Il y a bien des éléments surnaturels parfois, mais ils sont clairement alignés dans la perspective d’une étude populaire, de surnaturel tel qu’imaginé par le peuple.

    L’oeuvre obtint une reconnaissance immense, notamment à l’international ; l’oeuvre, déjà diffusée à Paris en 1856, est exposée par le Japon lui-même lors de l’Exposition universelle d’art et d’industrie de 1867.

    Et ce qu’il est essentiel de noter, c’est la reconnaissance du peuple et de son travail qu’on y trouve. On a ici un peuple transformateur, les masses laborieuses.

    Il y a une véritable attention portée à l’humanité dans ses activités relevant d’une notion méprisée alors par le régime, et dont la reconnaissance ne peut être faite alors que par une bourgeoisie émergente assumant la transformation de la matière. La présentation de la mine qu’on a ici est exemplaire d’une approche synthétique.

    Les masses laborieuses sont saisies dans leur réalité, mais également et surtout de manière typique. On est ici ainsi dans le réalisme et l’oeuvre de Hokusai est d’un haut niveau synthétique, on voit bien sa capacité à porter son attention sur les travailleurs, ainsi que sa volonté de parvenir à le représenter sur le plan technique.

    Hokusai témoigne de l’activité foisonnante des masses, mais également de la multiplicité des situations, des mouvements, des actions. Il trouve la perspective juste pour le présenter.

    La présence du travail, porté par des masses transformatrices, dans l’oeuvre de Hokusai, reflète parfaitement sa nature historique, porteuse de réalisme et des temps nouveaux.

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  • Utagawa Hiroshige, les sites célèbres du Japon et les « Cent vues d’Edo »

    Il fallait pour Utagawa Hiroshige, si l’on voit le conflit entre poésie et réalisme dans Les Soixante-neuf Stations du Kiso Kaidō, basculer dans un sens ou dans un autre. La réponse se trouve dans les Vues des sites célèbres des soixante et quelques provinces du Japon (avec 71 estampes) publiées de 1853 à 1856, et dans les Cent vues d’Edo (avec 69 estampes) publiées en 1856 et 1858.

    Ces œuvres témoignent de l’orientation repli-poétique et valurent à Utagawa Hiroshige de se faire présenter par la critique bourgeoise comme une sorte de paysagiste.

    Les Vues des sites célèbres des soixante et quelques provinces du Japon témoignent en effet d’un côté d’une orientation nationale, puisque l’existence du Japon est reconnu comme telle. En ce sens, il y a une dimension nationale-démocratique. De l’autre, la lecture qui est faite des sites célèbres reflètent une approche contemplative reflétant une bourgeoisie au fond impuissante.

    On a ainsi des plages, des monts, des festivals, des maisons de thé, des temples, des ponts, des bateaux…

    Voici quelques exemples, avec le mont Otoko à Hirakata, la plage à Takaishi, les maisons de thé au mont Asakuma.

    La seule oeuvre marquante est le tourbillon de Naruto, causé deux fois par jour par la rencontre de deux marées, celle du Pacifique et celle de la mer intérieure de Seto.

    Utagawa Hiroshige considérait les Cent vues d’Edo comme son oeuvre la plus aboutie, la plus représentative. Il ne put cependant le terminer et un disciple, même appelé Hiroshige II, prit le relais, l’oeuvre elle-même obtenant un succès considérable.

    Et, somme toute, on y retrouve la même approche neutralisée que dans les Vues des sites célèbres des soixante et quelques provinces du Japon. Le ton est paisible, il est agréable, mais cela se fait aux dépens d’une profondeur compositionnelle.

    Voici La barque Yoroi et Koami-chō, L’ermitage de Bashō et la colline aux camélias près de l’aqueduc à Sekiguchi et À l’intérieur du sanctuaire Kameido Tenjin.

    Voici encore trois œuvres,Temple Kinryū-zan à Asakusa, Contemplation de la Lune, ainsi que Rizière d’Asakusa et festival Torinomachi.

    Cette dernière oeuvre avec le chat est très réussi, comme par ailleurs Fukagawa Susaki et Jūmantsubo (avec un aigle) et Minowa, Kanasugi et Mikawashima  (avec des grues de Mandchourie).

    On notera par contre Renards de feu la nuit du Nouvel An sous l’arbre Enoki près d’Ōji, seule estampe sortant du cadre du réalisme, qui annonce déjà une tendance que va avoir justement la culture japonaise à basculer dans les superstitions religieuses, notamment locales, ancrant l’opposition se combinant entre un empereur divin avec une religion nationale et des rites pu préjugés magiques locaux, à dimension folklorique.

    On remarquera également que de nombreux magasins sont représentés, ce qui est cohérent vue la ville qu’est Edo, mais c’est fait sans prétention, sans affirmation réelle, à une époque pourtant où la bourgeoisie est en train de s’élancer. C’est lourd de signification.

    Vue de la rue Itchome à Nihonbashi (à l’arrière-plan on a la célèbre boutique Shirokiya spot « arbre blanc »)
    Les boutiques de soie à Ōdenma-chō
    Boutiques avec des biens en coton à Ōdenma-chō (les femmes sont ici des geishas)
    Shitaya Hirokōji, c’est-à-dire la grande rue du quartier de Shikaya, avec au premier plan entrepôts Matsuzakaya pour le négoce du textile
    Suruga-chō, un quartier avec ici de part et d’autres les boutiques Mitsui vendant du textile

    On a là une bourgeoisie s’affirmant, mais de manière feutrée. Il manque toute une charge historique et cela se ressent au niveau de la profondeur esthétique.

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  • Utagawa Hiroshige et « Les Soixante-neuf Stations du Kiso Kaidō »

    Utagawa Hiroshige réalisa, à la fin des années 1830 et au tout début des années 1840, la fin du travail entrepris par Keisai Eisen afin de raconter un périple partant d’Edo pour aller à Kyoto, mais cette fois sans passer par la route principale, comme pour dans « Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō ».

    L’oeuvre consiste en 71 estampes, dont 23 ainsi que le point de départ par Keisai Eisen. Ce point de départ est d’ailleurs, comme on le voit, relativement tourné vers l’exotisme, le divertissement, un certain esprit pittoresque propre au tourisme.

    Cela se ressent également dans ses autres travaux, comme pour les stations Itabashi, Ōmiya et Fukaya.

    Utagawa Hiroshige tend par contre à dépasser l’anecdotique, pour saisir le typique. Ici, pour la station Miyota, on voit bien que les attitudes sont placées au sens strict dans leur environnement, avec non pas l’objectif d’attirer l’attention par un divertissement, mais avec synthèse, avec profondeur.

    On est ici dans la démarche de la peinture de genre, propre au matérialisme. Voici un exemple significatif avec la station de Shimosuwa.

    Or, il y a forcément une tension entre la démarche relativement contemplative, sur le plan de la sensibilité, de Utagawa Hiroshige, et l’exigence du portraitisme. Cela produit une oscillation entre impressionnisme et réalisme, et c’est important car si l’on ne voit pas cette ambivalence, on ne peut pas comprendre justement comment des œuvres ont eu un impact si important en Europe dans la foulée, où le capitalisme était développé de manière bien plus ample.

    On a ici les stations Miyanokoshi et Seba.

    La 39e station, Suhara, est tout à fait représentative du conflit, irrésolu, entre dimension atmosphérique et réalisme.

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  • Utagawa Hiroshige et « Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō »

    Utagawa Hiroshige (1797-1858) est l’un des deux grands maîtres de l’art national japonais et donc du réalisme, l’autre étant Katsushika Hokusai (1760-1849). L’oeuvre magistrale d’Utagawa Hiroshige consiste en un portrait de son parcours sur la grande route, la principale alors, menant de la capitale du pouvoir Edo à la capitale impériale Kyoto, dans Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō.

    L’oeuvre, éditée en 1833-1834 après le voyage effectué en 1832, consiste justement en 53 estampes, imprimées à l’horizontal sur un papier de 39 × 26 cm.

    On a ainsi comme point de départ Le pont du Japon à Edo. Ce qui est intéressant, c’est que dans la première version, il n’y avait que quelques personne sur le pont. Utagawa Hiroshige a voulu apporter de la densité.

    S’il y avait moins de monde, le départ interpellerait moins.

    Et cela permet justement de voir comment l’artiste a multiplié les directions afin de donner l’impression de quelque chose de désordonné s’amassant pourtant dans une même direction. Dans la version avec peu de gens, on a des gens qui passent, ici on a un réel départ.

    La première étape, présentée dans la seconde estampe, est Shinagawa. Dans la première estampe, la dimension du départ l’emportait nécessairement sur le portrait. Ce n’est ici plus le cas et on peut reconnaître tout de suite la patte d’Utagawa Hiroshige, tenant en une délicatesse posée de manière ample, avec la multiplicité des choses s’insérant en continuité dans une atmosphère enserrant fortement l’ensemble, mais sans l’étouffer.

    Voici pour le comprendre la 38e station, Okazaki, et la 47, Seki, pour voir comment cette approche est la substance même de l’artiste, au-delà des portraits différents.

    Le peuple est présenté dans sa réalité matérielle et naturelle, on a une approche démocratique et populaire, à rebours de la démarche élitiste – patriarcale du régime dominant et de l’esthétique décadente qui l’accompagne.

    La 4e station (Hodogaya) et la 5e (Totsuka) présentent tout à fait l’environnement tel qu’il est, en prenant comme prétexte le passage, mais en témoignant du fait que si les voyageurs passent, ce qu’il y a reste, reste vivant. C’est la reconnaissance de la dignité du réel.

    Le voyage à travers le pays, de la capitale administrative-militaire à la capitale religieuse-impériale, est également un vecteur de l’affirmation de la nation japonaise. C’est là un aspect essentiel.

    La 13e station, Hara, avec le mont Fuji à l’arrière-plan, est ici emblématique ; on voit également le mont Fuji à l’arrière plan de la 10e station, Hakone, dont le rude chemin permet justement d’avancer jusqu’à lui.

    Il en va de même sur le plan national pour la 20e station, Mariko, connu pour un plat pour un plat particulier, le tororo (composé d’orge, d’une algue nommée aonori et d’une sorte de patate appelée tororo ou encore igname en français). Il a été rendu célèbre par un poème de Matsuo Bashō (1644-1694) : 梅若菜丸子の宿のとろろ汁 (ume wakana / Mariko no shuku no / tororo-jiru); soit Fleurs de prunier et jeunes pousses, au poste de Mariko, soupe d’igname râpée.

    Matsuo Bashō a inauguré ce genre de court poème, appelé haiku, caractéristique de l’idéologie de la période d’Edo, avec sa focalisation sur le passage inéluctable du temps et la fuite d’une vie qu’il s’agit de valoriser en soi, directement, sans chercher d’envergure.

    Les panneaux proposent justement le plat particulier de Mariko

    La réalité n’est pas contournée. Ici, dans la 36e station, Akasaka, on voit à gauche les voyageurs se restaurer, avec une servante, et à droite des prostituées se préparer. La condition de la femme est ici présentée sans critique, mais tel un arrière-plan objectif.

    Cette absence de « mise en perspective » sur le plan du contenu, au sens d’une charge révolutionnaire, tient à la nature du régime. On est ici dans une bourgeoisie naissante, qui s’inscrit dans un cadre où tout n’est que « passage » dans le cadre d’un monde entièrement statique et fermé sur lui-même.

    L’arrivée à Kyoto le reflète, avec une focalisation justement sur un arrière-plan entièrement statique, appuyé par les montagnes pour se figer, avec l’eau pour l’assoupir et l’assouplir pour permettre au pont de représenter de simples passeurs, figures éphémères ne troublant rien en aucune manière.

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  • Utagawa Toyoharu et la mise en perspective comme voie pour l’art japonais

    Au début du 18e siècle, Okumura Masanobu commence à s’intéresser à la perspective telle qu’elle est employée dans les arts en Europe. Mais lui-même du courant décadent et sa découverte technique ne trouve pas d’issue productive.

    Le théâtre Kabuki d’Ichimura-za par Masanobu Okumura

    C’est avec Utagawa Toyoharu (1735-1814) qu’une révolution s’opéra, lui-même connaissant son apogée quant à la reconnaissance dans les années 1770, son école, dite d’Utagawa, devenant hégémonique par la suite dans la production d’estampes.

    Il étudia en effet de manière intense la mise en perspective et put l’asseoir techniquement dans ses propres réalisations. Si cela rentre en fait dans sa propre démarche, relativement standard dans le cadre de l’époque, il n’en demeure pas moins que cela ouvre un espace formidable pour une représentation plus complexe et plus dense. Il y a un pas vers une oeuvre synthétique.

    Feux d’artifice tels des fleurs en floraison au pont Ryōgoku dans la capitale orientale, par Utagawa Toyoharu
    Cérémonie au mausolée d’Ise, par Utagawa Toyoharu

    Utagawa Toyoharu est ainsi un auteur éclectique, mais ses œuvres utilisant la perspective ouvre une brèche, d’où la succès formidable de son école au moment justement où la bourgeoisie voit la partie liée à la paysannerie prédominer.

    Les théâtres de Sakai-chō et Fukiya-chō à leurs ouvertures nocturnes pour le début de la saison, par Utagawa Toyoharu
    Une vue d’Edo, par Utagawa Toyoharu

    On remarquera que cet éclectisme est assumé par Utagawa Toyoharu avec par exemple des œuvres reproduisant des gravures que lui-même a vu et qu’il reproduit à sa manière en modifiant le titre, comme ici… « Un monastère franciscain en Hollande » !

    Voici un exemple de son travail de récupération. On a ici le Le Grand Canal devant Santa Croce du peintre italien Bellotto (se fondant sur un dessin de Canaletto), une gravure effectuée par Visentini, enfin l’oeuvre d’Utagawa Toyoharu intitulée… « La cloche qui résonne sur dix mille lieues dans le port néerlandais de Frankai ».

    On est ici dans une poussée historique, mais avec en étant maintenu dans l’ancien cadre. Utagawa Toyoharu n’exprime qu’une tendance, empreinte de grandes limites de son emprisonnement dans une atmosphère bourgeoise qui n’a pas encore entièrement rompue avec son cadre historique de type patriarcal-féodal.

    Une soirée d’hiver
    Excursion à Mukōjima

    Ce qui manque à la perspective chez Utagawa Toyoharu, c’est de s’arracher à l’emprisonnement patriarcal-féodal qui impose, par définition, un idéalisme visant à masquer la réalité oppressive, à trouver une fuite dans le subjectivisme-décadent parallèlement au raffinement-isolement.

    Un dessin érotique où le viol est esthétisé typiquement dans l’esprit patriarcal de l’époque
    Soirée dansante pour le nouvel dans le quartier des plaisirs du nouveau Yoshiwara

    A la suite d’Utagawa Toyoharu, réalisant la rupture, deux titans vont cependant émerger, portant authentiquement l’art national japonais, en rupture avec la dimesion féodale.

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  • Le double caractère de l’esthétique bourgeoise de la période d’Edo et la question patriarcale

    Comme le régime mis en place par le clan Tokugawa en 1603 était totalement verrouillé, les artisans et les marchands qui se sont enrichis avaient nécessairement du mal pour se faire valoir. Les marchands étaient considérés comme de moindre valeur que les artisans, ces derniers que les paysans, avec les guerriers considérés comme l’élite.

    C’est, pour cette raison, dans les marges que les artisans et les marchands enrichis, formant la bourgeoisie naissante, ont trouvé le moyen de s’affirmer. C’est ce qui donne naissance à l’esthétique iki, une sobriété sophistiquée souvent considérée comme désormais toute japonaise dans un grand raccourci.

    En réalité, la bourgeoisie naissante n’avait pas le droit d’être ostentatoire, la hiérarchie sociale la présentant comme la classe la moins intéressante, la moins utile. Aussi, elle contourna cela par une sobriété apparente où la richesse se décèle dans des détails seulement.

    Mais c’est sur le plan artistique que la bourgeoisie leva vraiment son drapeau, trouvant un moyen de combiner la forme et le fond pour faire passer sa propre substance sociale.

    Sur le plan de la forme, c’est par l’estampe gravée sur bois que la bourgeoisie est passée. La raison est simple : le coût est modique et il est possible de mettre en avant, de manière numériquement massive, toute une série de thèmes. Cela permet non pas d’éviter la censure, mais du moins d’élargir le champ des possibles.

    On a ici un moyen fondamentalement bourgeois, avec une marchandise de masse et un rapport direct aux choses sous la forme d’une représentation de celles-ci.

    Estampe présentant un Petit vendeur d’eau, par Suzuki Harunobu, milieu du 18e siècle

    La question des choses représentées est cependant ici compliquée et cela va jouer fondamentalement sur le Japon. C’est en effet le capitalisme naissant qui façonne le cadre national. Or, la bourgeoisie émergente est marquée du sceau d’une profonde contradiction.

    Il y a d’un côté les artisans et les marchands enrichis qui sont apparus de par leur rôle au service des Daimyo et de l’Etat central, et de l’autre ceux dont le développement est lié avec la paysannerie. La première a une nature bureaucratique, la seconde a une nature démocratique.

    La première se tourne vers les couches dominantes et leur style de vie, la seconde vers le peuple.

    Il en découle que sur le plan du fond, on va avoir d’une part une imagerie décadente, patriarcale, subjectiviste – superficielle, de l’autre une représentation du réel. Cette incohérence dans l’affirmation esthétique explique les errements nationaux qu’on va trouver dans le Japon par la suite, avec sa tendance esthétique au pervers en mode « élitiste ».

    La courtisane Hanaōgi par Kitagawa Utamaro, toute fin du 18e siècle

    Ce qui joue ici, c’est la prostitution et plus exactement de vastes quartiers entiers dédiés à celle-ci, formant un monde parallèle au sein du régime, avec d’ailleurs une disposition géographique assumée telle quelle : le quartier de Shimabara à Kyoto était entouré de murailles et cerné d’un fossé, le quartier de Yoshiwara était à l’extérieur d’Edo, le quartier de Shinmachi à Osaka était pareillement verrouillé du reste de la ville en étant à la pointe occidentale.

    Qui plus est, la capitale Edo avait été fondé sur le tas et impliquait la présence massive d’hommes pour la mettre en place ; concrètement, ce n’est qu’à la fin du 19e siècle que le nombre de femmes commence à équivaloir celui d’hommes à Edo. Le système de prostitution mis en place par le régime relève ainsi d’une démarche patriarcale d’autant plus assumée, avec autour de 5000 prostituées à Yoshiwara, composée des jeunes femmes vendues par leurs familles.

    Ces quartiers de prostitution abritaient également des salons de thé, lieux d’apprentissage des courtisanes, passant de novice (kamuro) à apprentie (shinzô) puis courtisane (oiran), devant maîtriser « savoir-vivre » et « culture » afin d’être les très peu nombreuses dames de compagnie de l’élite sociale du régime.

    Il y a également les accompagnatrices valorisant les clients de ces quartiers (les geishas), clients acceptés quel que soit leur rang social, faisant ainsi sauter la hiérarchisation systématique du régime.

    C’est le « monde des fleurs et des saules », où les geishas mais en pratique toutes les femmes à divers degrés doivent avoir « la délicatesse d’une fleur ainsi que la force et la souplesse d’un saule », c’est-à-dire divertir de manière raffinée et être un objet sexuel soumis à tous les désirs masculins quels qu’ils soient.

    Représentation des courtisanes respectivement de Shimabara (Kyoto), Yoshiwara (Edo), Shinmachi (Osaka)

    Les quartiers hébergèrent dans la même perspective de nombreux artistes, tels des poètes ou des musiciens des rues, faisant office de divertir les clients ; c’est ainsi que naquit le théâtre Kabuki, où des acteurs fortement maquillés distraient une journée entière un public mangeant, buvant, discutant, etc.

    Ces quartiers formaient ainsi une zone spéciale où justement la bourgeoisie s’affirmait, représentant ici la tendance des artisans et marchands s’étant développés directement en symbiose avec le régime. C’était l’endroit où ils pouvaient être des équivalents des Daimyo et du clan Tokugawa.

    Ils formaient une culture en soi, comme avec les compte-rendus humoristiques sur les clients du quartiers (Sharebon),  des estampes consistant en les portraits des femmes considérées comme les plus jolies (Bijin-ga) ou encore des acteurs (Yakusha-e), une mode vestimentaire se répandant, des ouvrages érotico-pornographiques illustrés (tel « Le coussin de Yhoshiwara » -Yoshiwara makura) avec une tendance toujours plus marquée au sadisme et aux représentations focalisées sur les organes génitaux souvent démesurés, etc.

    Tiré d’un ouvrage érotique sans titre de Utagawa Toyokuni, 1798

    Cette dynamique se renforça d’autant plus que la ville d’Edo connut de très nombreux épisodes d’incendies, parfois extrêmement violents (notamment en 1658, 1682, 1695, 1698, 1703, 1717), permettant d’encore plus appuyer le rôle culturel et idéologique massif du quartier de Yoshiwara assumant une continuité facile de ses activités aux dépens de la vie sociale et locale de la ville bien plus malaisé à se remettre en place.

    Il fallut justement le développement d’une réelle ville sociale, par les artisans et les marchands liés à la paysannerie, pour qu’un art authentique, tourné et porté vers le peuple, s’affirme de son côté.

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  • L’émergence de la bourgeoisie dans le Japon de la période d’Edo

    Le régime mis en place par le clan des Tokugawa au Japon au tout début du 17e siècle est en apparence entièrement figé. Il va en fait produire une situation se retournant en son contraire et pavant sa voie à l’art national japonais, dans le cadre de l’émergence de la conscience nationale japonaise.

    En apparence, le régime affirme la primauté des guerriers, modèles exemplaires d’humanité et parasites ne faisant rien, alors que suit hiérarchiquement immédiatement une classe paysanne apportant la nourriture. Suivent alors les artisans, considérés comme moins vitaux, mais utiles de par leur production. Et tout en bas on trouve les marchands, qui ne produisent rien et sont simplement une aide à la diffusion des productions des artisans.

    Tokugawa Ienari, shogun régnant le plus longtemps, de 1787 à 1837

    Si l’on en reste à ce schéma, alors on a la même situation que dans la civilisation islamique et grosso modo en Orient. Il n’y a guère d’évolution.

    Or, les guerriers forment une classe parasitaire qui, profitant de l’exploitation des paysans, consomment de plus en plus des biens des artisans. Et avec les artisans qui connaissent un essor de leurs activités, les marchands prennent de plus en plus d’importance.

    Initialement, cela se déroule sous la supervision directe des Daimyo. Des artisans et des marchands sont attirés près du château ou bien dans la capitale Edo où le Daimyo réside une année sur deux. Des accords sont passés et on est là dans un rapport immédiat, surtout que l’argent ne se diffuse pas encore réellement.

    Les paysans paient en effet en riz à l’échelle du pays et on est en quelque sorte dans une économie primitive de troc, avec les clans jouant un rôle passif. Il était toutefois dans leur propre intérêt de faciliter les entreprises des artisans et des marchands sous leur coupe.

    Guerriers du clan Shimazu dans les années 1860

    Toutefois, chaque clan s’efforça justement d’améliorer la production du riz, de manière extensive ou intensive, puis commença se tourna vers des productions locales spécifiques, telles la soie, le coton, le sucre, le sel, le tabac, le papier, ou encore la cire, l’indigo, les algues, le thé, le poisson séché, le cuivre, le vinaigre, la sauce au soja, les objets en laque.

    On trouve par exemple une production de soie dans le Nord de la province de Kantō et dans cemme e Shinano, le papier dans la province de Tosa, le fer dans celle de Nanbu, des engrais sur l’île de Hokkaidō, etc.

    Pour cela, il fallait des artisans mieux formés, ainsi que des marchands pour diffuser les marchandises. Pour cette raison, les marchands commencèrent à voir leur importance grandir, l’argent devenant un outil d’échange essentiel.

    Le commerce se développa alors notamment à Edo, mais surtout à Osaka, qui avait trois particularités : c’était une grande ville, il n’y avait pas de château fortifié, ni de Daimyo local. La ville avait été le bastion de Toyotomi Hideyoshi renversé justement par le clan des Tokugawa, qui le gérait directement. La ville devint ainsi le coeur du commerce japonais.

    Les marchands devinrent également puissants à Kyoto, ville sans Daimyo car relevant de l’empereur, Sakai (une ville historiquement marchande et très autonome), ainsi qu’à Nagasaki et Kobe, deux ports.

    L’établissement à la fin du 17e siècle du réseau des Kitamaebune, des bateaux marchands achetant et vendant le long des côtes de la mer du Japon, permit d’élargir cette dimension commerciale intérieure.

    Le port de Nagasaki au début du 19e siècle par Kawahara Keiga ; on reconnaît au milieu à gauche avec le drapeau néerlandais le comptoir de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales sur l’île artificielle de Dejima

    De véritables entités se fondèrent ainsi avec des artisans et des marchands directement au service de l’État central et des Daimyo. Le zaibatsu (entreprise familiale) Mitsubishi est par exemple alors le prolongement des transports de l’entreprise commerciale Kaisei du clan Tosa, de l’entreprise étatique gérant la mine d’or de Sado et de celle du port étatique de Nagasaki, ainsi que de la mine de charbon de Takashima du clan Saga.

    A la fin du 17e siècle, on a ainsi environ 11 % de la population vivant dans des villes d’autour de 20 000 habitants, ce qui équivaut à l’urbanisation de l’Angleterre du début du 19e siècle. Edo a 354 000 habitants à la fin du 17e siècle, 508 000 au milieu du 18e siècle ; Osaka en a un peu moins, suivi de près par Kyoto.

    Un plan d’Edo en 1824

    Cependant, ce n’est qu’un aspect de la question, car au 18e siècle ce sont les artisans et les marchands liés aux paysans qui vont connaître une formidable développement. Cela va provoquer un mouvement tendanciel de recul de l’urbanisation.

    Ce phénomène est considéré comme essentiel dans l’histoire du Japon – il est parlé de « proto-industrialisation » – et a été étudié en long et en large par des auteurs se revendiquant du matérialisme historique tout au long du 20e siècle.

    Les paysans commencent en effet à réaliser des petites productions à leur échelle, parallèlement à celle mise en place par les Daimyo et l’État. On trouve ainsi par exemple une pêche organisée à grande échelle par l’État ou le clan Matsumae, avec à côté une multitude d’activités locales.

    Un marché aux poissons dans le quartier Nihonbashi d’Edo au début du 19e siècle par Utagawa Kuniyasu

    Lorsque les activités marchent vraiment, des marchands viennent acheter la production au moyen d’argent, et les paysans achètent ensuite au moyen d’une partie de la somme le riz qu’ils auraient dû remettre comme taxes. Le 18e siècle est en fait marqué par l’irruption de l’argent à tous les niveaux de la société japonaise.

    Au cours de ce processus, des marchands de grande importance émergent, prêtant de l’argent aux paysans, aux Daimyo, à l’État central, se voyant ainsi acquérir une reconnaissance pratique formellement en contradiction avec les valeurs du régime en place.

    Transport du coton par bateau à Edo au milieu du 19e siècle

    On parle ici de l’émergence d’une bourgeoisie, soit à l’ombre des Daimyo et de l’État central, soit issue du rapport aux paysans et cherchant par conséquent une voie pour s’affirmer de manière plus marquée. Ce double caractère de la bourgeoisie va bien entendu avoir une grande signification pour l’art japonais.

    =>Retour au dossier sur Le Japonais Hokusai et le réalisme en perspective

  • Le clan des Tokugawa unifie le pays et fonde Edo

    Au 16e siècle, le Japon a un paysage social et politique qu’il est facile de comprendre. Il y a d’un côté des paysans, de l’autre côté des seigneurs de la guerre, les Daimyo, contrôlant des zones plus ou moins grandes, chacun étant en concurrence avec l’autre afin de prendre le dessus.

    Toute la fin du 15e siècle et l’ensemble du 16e siècle connurent ainsi des affrontements sans fin, la période étant historiquement appelée par la suite Sengoku, soit « ère des provinces en guerre ».

    Le Daimio Mōri Motonari à la fin du 16e siècle

    Il y a bien alors un Tennō, un empereur, dont la famille est régnante depuis plus d’un millénaire, mais son rôle est tout à fait secondaire par rapport aux incessants affrontements des factions guerrières, alors que parfois un chef militaire prenait le dessus dans l’empire, jouant le rôle de Shogun, c’est-à-dire de gouverneur militaire.

    Le pouvoir finit alors, après des décennies d’affrontements des principales factions s’étant formées, par revenir à deux figures unissant l’une après l’autre une vaste partie du pays : Oda Nobunaga (1534-1582), puis Toyotomi Hideyoshi (1537-1598). On notera qu’en japonais, le prénom est en seconde position.

    Tokugawa Ieyasu (1543-1616) prendra leur relais, inaugurant la prédominance du clan des Tokugawa, inaugurant la période dite du shogunat et installant sur la base de petits villages une nouvelle capitale, Edo, qui prendra par la suite à l’ère moderne le nom de Tokyo.

    Tokugawa Ieyasu, oeuvre de la fin du 17e siècle ; on remarquera que les disques contiennent le symbole du clan des Tokugawa

    Il sera succédé par Tokugawa Hidetada (1605-1623), Tokugawa Iemitsu (1623–1651), Tokugawa Ietsuna (1651–1680), etc., jusqu’en 1867 où le clan est renversé par l’empereur, alors que le capitalisme a commencé à s’élancer et a pris une tournure militariste.

    La longue période de la prédominance des Tokugawa est en effet marquée par deux phénomènes contradictoires façonnant toute l’identité nationale du Japon.

    D’un côté en effet, le clan des Tokugawa impose un régime particulièrement structuré et organisé. Le pays est entièrement fermé sur lui-même, les échanges avec les Européens passant seulement par un comptoir de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales sur l’île artificielle de Dejima. Ces échanges relèvent d’ailleurs du monopole de l’Etat central, comme les mines.

    Le christianisme est interdit et le régime place au premier plan le confucianisme, prônant une société patriarcale entièrement statique, avec un empereur accompagné d’une Cour, les deux étant purement symboliques, le bouddhisme dans sa version japonaise et le shintoïsme (comme culte de l’empereur) devenant de simples religions d’arrière-plan.

    La société est concrètement divisée en quatre classes totalement figées : les guerriers (appelés samouraïs), les paysans, les artisans, et enfin les commerçants.

    Le château d’Edo au 17e siècle, oeuvre d’époque

    Les Daimyo, au nombre de 250, font office des gestionnaires régionaux ; une année sur deux ils sont dans la capitale Edo, et lorsqu’ils n’y sont pas leurs familles doivent y rester, en quelque sorte comme otages.

    Chaque Daimyo ne peut d’ailleurs posséder qu’un seul château fortifié. Basiquement, ce château était entouré d’un fossé, puis des résidences des samouraïs, puis d’un cercle de temples et de mausolées, puis enfin d’un cercle de résidences d’artisans et de marchands avant un nouveau fossé.

    Le château de Hirosaki du clan Tsugaru, construit en 1611

    Il existe cependant de grandes différences entre ces Daimyo. Le clan Tokugawa disposait d’un territoire produisant chaque année quatre millions de kokus de riz (un koku équivalant à cinq boisseaux), avec au moins 17 000.

    Les vingt clans les plus importants derrière disposaient d’entre 100 000 et un million de kokus, avec chacun au moins 10 000 guerriers. Les soixante clans les plus faibles disposaient seulement de 10 00 kokus, avec un peu moins de 380 guerriers.

    Et en cas de mérite ou de contrariétés (sauf dans les cas de liquidation avec toute sa famille), chaque Daimyo se voyait remettre un autre territoire ; durant toute la période Tokugawa, ce fut le cas de 14 grands clans, 195 clans intermédiaires, 238 petits clans, ce qui implique le déplacement de deux millions de personnes (550 000 guerriers et leurs familles et serviteurs).

    Attirail des guerriers dans une représentation européenne de la fin du 19e siècle

    Cette question des guerriers est essentielle alors. Ceux-ci, désormais sans réelles activités et n’exploitant plus directement les paysans, se doivent de servir entièrement leurs Daimyo, qui restent en place comme gouverneurs militaires et qui les rémunèrent.

    Ce n’est pas tout : les guerriers doivent suivre une règle stricte, de type patriarcal complet, qui sera appelé le bushido, avec notamment le suicide rituel à la mort de leur maître. Les guerriers sont ainsi d’un côté une élite placée au-dessus des paysans, des artisans et des marchands, mais leur situation sociale varie énormément, leurs positions étant extrêmement hiérarchisées.

    En un sens, la situation des paysans est pratiquement plus aisée : ceux-ci ne sont pas soumis au militarisme patriarcal et possèdent même leurs terres ; ils peuvent faire ce qu’ils veulent du moment qu’ils paient les taxes, directement en riz, et qu’ils ne possèdent aucune arme. Cela est relatif naturellement, car tout dépend juridiquement et militairement du Daimyo.

    Représentation esthétisée du samouraï du 16e siècle Kojima Yatarô en armure par Utagawa Kuniyoshi au début du 19e siècle

    C’est un régime féodal de type encadré, comme à la fin du moyen-âge européen, à ceci près que la structure militaire massive reste prédominante, ce qui rapproche ici de la civilisation islamique, avec ses villes-forteresses fondées sur un esprit de garnison. On a le militarisme de la civilisation islamique mais non urbain, c’est l’agriculture qui est au centre, comme en Europe.

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  • 1er mai 2022 – Vive les masses populaires, guerre à la guerre impérialiste!

    C’est avec enthousiasme qu’en ce premier mai 2022, nous saluons le prolétariat international et les avant-gardes communistes qui, armés du Marxisme-Léninisme-Maoïsme, ouvrent la voie à la révolution mondiale, qui mettra un terme à l’exploitation et à l’oppression sur l’ensemble de la planète, faisant triompher les masses populaires.

    Nous réaffirmons notre confiance en le triomphe du nouveau sur l’ancien, en la nécessité d’un changement révolutionnaire à l’échelle mondiale, alors que les contradictions inter-impérialistes se développent dans le monde, diffusant la mort, le nationalisme, la haine, l’inquiétude, la peur, le pessimisme, le déni de la réalité, le nihilisme.

    L’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a plus de deux mois, dont le fondement est l’affrontement entre d’un côté l’OTAN avec à sa tête la superpuissance impérialiste américaine, de l’autre la Russie avec la Chine à l’arrière-plan, correspond à une situation historique où la fuite en avant de chaque pays pour tenter de s’arracher à son propre marasme, au cul-de-sac historique dans lequel il se trouve, prend une forme toujours plus aiguë.

    C’est pourquoi on assiste depuis la guerre en Ukraine à une escalade politique, économique, militaire, avec un empilement d’envois de matériel militaire, d’initiatives diplomatiques militaristes, de propagande psychologique, d’opérations de déstabilisation.

    Il ne s’agit nullement d’une simple concurrence prenant une mauvaise tournure, de frictions « géopolitiques » : il s’agit d’une compétition relevant d’une lutte à mort. L’arrière-plan de la guerre en Ukraine est la bataille pour le repartage du monde.

    La pandémie commencée en 2020 a en effet ralenti le capitalisme, or le capitalisme ne peut par définition pas être ralenti : il repose sur une accumulation de capital toujours plus rapide, toujours plus étendue. Il s’agit donc de rattraper le temps perdu – par la guerre impérialiste.

    C’est pourquoi nous parlons d’une situation de crise générale du capitalisme, la seconde après celle ayant émergé avec la première guerre mondiale et la révolution d’Octobre 1917 en Russie.

    La pandémie a mis fin à toute une période de croissance capitaliste à grande échelle, commencée en 1989 avec l’effondrement du bloc du social-impérialisme soviétique et l’intégration de la Chine devenue capitaliste dans le marché mondial.

    Et la guerre en Ukraine correspond à une situation bloquée, où chaque pays se positionne pour tenter d’arracher sa part de butin dans le repartage du monde. Tel est bien le sens des initiatives des bourgeoisies de la Belgique et de la France, qui relèvent d’un bloc, celui de l’OTAN, dirigée par la superpuissance impérialiste américaine, qui affronte un autre bloc, celui de la Russie et de la Chine.

    Aussi, conformément aux enseignements du Marxisme-Léninisme-Maoïsme, nous affirmons à ce titre que dans ces deux pays l’ennemi est dans son propre pays, et qu’ainsi, le mot d’ordre général à l’échelle mondiale est « Guerre à la guerre impérialiste ! », celui plus spécifiquement lié à cette situation est « Guerre à l’OTAN ! ».

    Dans les pays semi-féodaux semi-coloniaux, comme l’Ukraine, le mot d’ordre reste « Guerre à la guerre impérialiste ! », mais ces pays forment eux-mêmes le butin du repartage du monde. Ils doivent lutter pour leur indépendance nationale, réfutant tous les impérialismes.

    Tous les pays semi-féodaux semi-coloniaux connaissent d’ailleurs des troubles internes en raison des pressions impérialistes sur eux, comme le Bangladesh, où le capitalisme bureaucratique s’est développé, mais pour mieux s’enliser ensuite.

    Nous tenons à souligner que l’heure est dramatique et il faut avoir conscience de l’immense décalage entre sa propre vie personnelle et ce qui se passe à l’échelle générale. Le rythme des événements est très différent, l’envergure n’est pas la même, ce qui fait qu’on ne cerne pas facilement l’actualité mondiale, les tendances générales, les exigences historiques.

    Pour cette raison, il faut disposer d’un vrai recul, de type scientifique, et c’est ce que Karl Marx et Friedrich Engels nous ont fourni avec le matérialisme dialectique et son application dans le domaine de l’histoire, le matérialisme historique.

    Sans le matérialisme dialectique comme vision du monde, il n’est pas possible de disposer d’une analyse suffisante du cours des choses, des événements historiques, du sens même de l’Histoire.

    C’est pour cela que nous affirmons la nécessité d’un Parti qui l’arbore, le défend et l’applique. Sans le matérialisme dialectique, sans le Parti, les masses populaires n’ont pas de point d’orientation, n’ont pas d’ancrage historique, n’ont pas de Direction pour donner à leur mouvement les choix stratégiques et tactiques pour vaincre.

    Seul le Parti peut faire en sorte que les masses, se mobilisant dans leur assimilation et pratique du matérialisme dialectique, triomphent des forces réactionnaires, qui malgré leur apparence de puissance, sont condamnées historiquement. Mao Zedong avait exprimé la substance de cette lecture historique du cours des choses de manière tout à fait juste :

    « Maintenant, l’impérialisme américain est assez puissant, mais en réalité il ne l’est pas. Il est très faible politiquement parce qu’il est séparé de la masse du peuple et est détesté par tout le monde et par le peuple américain aussi.

    D’apparence, il est très puissant, mais en réalité, il n’y a rien à craindre, c’est un tigre de papier. En apparence un tigre, il est fait de papier, incapable de résister au vent et à la pluie. Je crois que les États-Unis ne sont rien qu’un tigre de papier.

    L’histoire dans son ensemble, l’histoire de la société de classes, pendant des milliers d’années, a prouvé ce point : le fort doit céder au faible. Cela vaut aussi pour les Etats-Unis d’Amérique.

    La paix régnera quand l’impérialisme aura été éliminé. Le jour viendra où les tigres de papier seront écrasés. Mais ils ne disparaîtront pas de leur propre gré, ils ont besoin d’être battus par le vent et la pluie. »

    Nous avons besoin du vent et de la pluie, c’est-à-dire de la révolution avec les masses formant un océan armé constituant un nouvel État, pour mettre en place une nouvelle société, pour réaliser le Socialisme et aller au Communisme à l’échelle mondiale.

    Tactiquement, les forces réactionnaires s’agitent et sont dangereuses, assassines, toutefois les masses constituent une ressource inépuisable pour la révolution, si on comprend la nature prolongée du processus révolutionnaire, son parcours sinueux.

    Il appartient aux communistes, armés du Marxisme-Léninisme-Maoïsme, formant l’avant-garde des masses populaires, d’être à la hauteur des défis immenses de l’époque, qui porte en elle des changements révolutionnaires comme il n’en a jamais été vu, comme Mao Zedong l’annonçait dans les années 1960, parlant des « cinquante à cent années » où se produit un bouleversement mondial comme jamais vu encore.

    Vive le 1er Mai, journée internationale du prolétariat ! Vive les masses populaires !
    Guerre à la guerre impérialiste !
    Guerre populaire jusqu’au Communisme !

    1er mai 2022
    Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique
    Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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  • First of May 2022 – Long live the popular masses, war on the imperialist war!

    It is with enthusiasm that on this first of May 2022, we salute the international proletariat and the communist vanguards who, armed with Marxism-Leninism-Maoism, are opening the way to the world revolution, which will put an end to the exploitation and oppression throughout the planet, making the popular masses triumph.

    We reaffirm our belief in the triumph of the new over the old, in the need for revolutionary change on a global scale, as inter-imperialist contradictions grow in the world, spreading death, nationalism, hate, anxiety, fear, pessimism, denial of reality, nihilism.

    The invasion of Ukraine by Russia more than two months ago, which basis is the confrontation between NATO led by the American imperialist superpower on the one hand, Russia with China in the background on the other, corresponds to a historical situation where the rush forward of each country to try to tear itself away from its own slump, from the historical cul-de-sac in which it finds itself, takes on an increasingly acute.

    This is why we have been witnessing since the war in Ukraine a political, economic and military escalation, with a pile of shipments of military equipment, of militarist diplomatic initiatives, ofpsychological propaganda, ofdestabilization operations. This is not just rivalry going wrong, or « geopolitical » friction: this is a competition in a life-and-death struggle. The background of the war in Ukraine is the battle for the repartition of the world.

    The pandemic that began in 2020 has indeed slowed down capitalism, and capitalism by definition cannot be slowed down: it relies on an ever faster, ever wider accumulation of capital.

    It is therefore a question of catching up the lost time – by imperialist war. This is why we speak of a situation of general crisis of capitalism, the second after the one that emerged with the First World War and the October 1917 revolution in Russia. The pandemic ended an entire period of large-scale capitalist growth, which began in 1989 with the collapse of the Soviet social-imperialist bloc and the integration of China into the world market that had become capitalist.

    And the war in Ukraine corresponds to a blocked situation, where each country positions itself to try to snatch its share of the loot in the redistribution of the world. This is indeed the meaning of the initiatives of the bourgeoisies of Belgium and France, which are part of a bloc, that of NATO, led by the American imperialist superpower, which confronts another bloc, that of Russia and China.

    So, in accordance with the teachings of Marxism-Leninism-Maoism, we affirm as such that in these two countries, the enemy is in its own country, and that thus, the general watchword on a world scale is « War to imperialist war !”, the one more specifically related to this situation is « War on NATO! ».

    In semi-feudal semi-colonial countries, like Ukraine, the watchword remains « War on imperialist war! », but these countries are themselves the loot of the redistribution of the world. They must fight for their national independence, refuting all imperialisms.

    All the semi-feudal semi-colonial countries also experience internal unrest due to imperialist pressures on them, such as Bangladesh, where bureaucratic capitalism developed, but only to get more bogged down.

    We would like to emphasize that this is a dramatic time and one must be aware of the immense gap between one’s own personal life and what is happening on a general scale. The pace of events is very different, the scope is not the same, which means that it is not easy to identify world news, general trends, historical requirements.

    For this reason, it is necessary to have a real hindsight, of a scientific type, and this is what Karl Marx and Friedrich Engels have provided us with dialectical materialism and its application in the field of history, historical materialism. Without dialectical materialism as a vision of the world, it is not possible to have a sufficient analysis of the course of things, of historical events, of the very meaning of History.

    This is why we affirm the need for a Party that upholds it, defends it and applies it. Without dialectical materialism, without the Party, the popular masses have no point of orientation, no historical roots, no leadership to give their movement the strategic and tactical choices to win.

    Only the Party can ensure that the masses, mobilizing themselves in their assimilation and practice of dialectical materialism, triumph over reactionary forces, which despite their appearance of power, are historically doomed. Mao Zedong expressed the substance of this historical reading of the course of events fully correctly :

    “Now U.S. imperialism is quite powerful, but in reality it isn’t. It is very weak politically because it is divorced from the masses of the people and is disliked by everybody and by the American people too. In appearance it is very powerful but in reality it is nothing to be afraid of, it is a paper tiger. Outwardly a tiger, it is made of paper, unable to withstand the wind and the rain. I believe the United States is nothing but a paper tiger.

    History as a whole, the history of class society for thousands of years, has proved this point: the strong must give way to the weak. This holds true for the Americas as well.

    Only when imperialism is eliminated can peace prevail. The day will come when the paper tigers will be wiped out.

    But they won’t become extinct of their own accord, they need to be battered by the wind and the rain.”

    We need wind and rain, that is, revolution with the masses forming an armed ocean constituting a new state, to set up a new society, to achieve Socialism and go to Communism at the global scale. Tactically, the reactionary forces are restless and dangerous, murderous, yet the masses constitute an inexhaustible resource for the revolution, if one understands the protracted nature of the revolutionary process, its winding course.

    It is up to the communists, armed with Marxism-Leninism-Maoism, forming the vanguard of the popular masses, to be up to the immense challenges of the time, which brings with it revolutionary changes like none before. never been seen, as Mao Zedong announced in the 1960s, speaking of the « fifty to one hundred years » of world upheaval like never before seen.

    Long live May Day, International Day of the Proletariat! Long live the popular masses!
    War to the imperialist war!
    People’s War to Communism!

    First of May 2022
    Marxist Leninist Maoist Center of Belgium
    Communist Party of France (Marxist-Leninist-Maoist)

  • Le matérialisme dialectique et le centralisme démocratique

    Que vive et se renforce notre puissante patrie – l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques!

    Le matérialisme dialectique peut se définir comme la conception des deux points : il existe un face à face interne dans chaque phénomène, ou plus exactement chaque phénomène consiste en une opposition dialectique.

    Ce mouvement contradictoire implique le mouvement ininterrompu de la matière et rend chaque définition, chaque catégorisation, relative par rapport au caractère absolu du mouvement – le matérialisme dialectique insiste concrètement sur la transformation.

    Ainsi, si l’on prend la contradiction entre l’unité et la dispersion, dans leur mouvement contradictoire ces deux notions ne se font pas face de manière figée, mais s’interpénètrent l’une l’autre, allant jusqu’à se transformer l’une en l’autre.

    C’est là ce qui est essentiel pour saisir le principe de centralisme démocratique utilisé par les communistes sur le plan de l’organisation.

    La démocratie s’oppose au centralisme, en ce qu’elle implique la dispersion, la division, le foisonnement, la multiplication des points de vue, des idées, des remarques, des affirmations et des négations, etc.

    Le centralisme s’oppose à la démocratie en ce qu’il implique l’unité, l’unification, le rassemblement, la simplification, la limitation des des points de vue, des idées, des remarques, des affirmations et des négations, etc.

    En ce sens, l’opposition entre centralisme et démocratie relève de la contradiction entre le général et le particulier, chacun de ces deux aspects étant porté par d’un côté l’unité, de l’autre la dispersion.

    Dans la démocratie, chacun exprime son point de vue particulier ; dans le centralisme, le point de vue particulier de chacun s’efface devant une unification répondant à une unité nécessaire.

    C’est pour cela que, historiquement, c’est le mouvement ouvrier qui produit le centralisme démocratique.

    Ce principe est en effet né comme forme historique dans la social-démocratie, principalement allemande et autrichienne, à la fin du 19e siècle. Le souci de l’unité des principes et d’action y est très largement souligné, ainsi qu’une division du travail très détaillée dans les organisations du Parti, à rebours du droit de tendances internes et de leurs représentations obligatoires dans l’organisation qu’on trouve chez les socialistes français.

    C’est que le développement du mouvement ouvrier y a été massif et exigeant ; un grand sens de l’organisation et de la discipline y a été souligné, et ce d’autant plus que le terreau des traditions nationales le facilitait.

    Cependant, au début du 20e siècle, les social-démocraties allemande et autrichienne, parvenant à devenir des mouvement de masse de grande ampleur, se sont adaptées, voire intégrés à leur environnement politique pourtant réactionnaire et elles ont basculé dans une valorisation abstraite de la démocratie comme forme, jusqu’à rejeter concrètement la dictature du prolétariat en la transformant en un « élargissement » de la démocratie, en un prolongement systématique de la révolution bourgeoise.

    Autrement dit, dans la contradiction entre l’unité et la dispersion, les social-démocraties allemande et autrichienne ont mis l’accent sur la dispersion, considérant l’unité comme une fonction secondaire. Ils ont perdu de vue la contradiction et séparé les concepts d’unité et de dispersion.

    C’est l’un des principaux aspects du révisionnisme combattu par Lénine et aboutissant à la scission entre socialistes et communistes à la suite de la révolution russe. Les socialistes étaient unilatéraux et, alors qu’ils faisaient eux-mêmes, de manière unilatérale, de la démocratie l’aspect principal, accusaient les communistes de faire unilatéralement du centralisme l’aspect principal.

    Les communistes, en réalité, avaient saisi la dialectique entre unité et dispersion. Et cette différence de conception avait déjà connu un prélude au début du 20e siècle en Russie, avec la scission entre la majorité des sociaux-démocrates de Russie, les « bolcheviks » (« majoritaires »), et une minorité, les « mencheviks » (« minoritaires »).

    Lénine avait en effet exigé une centralisation plus accentuée du Parti, celui-ci devant avoir des contours parfaitement définis, ce que les mencheviks refusaient. Selon eux, il n’était pas besoin que les membres du Parti relèvent d’une organisation du Parti ou obéissent aux directives du Parti. Chaque membre du Parti devait avoir la marge de manœuvre qu’il désirait.

    On a ici l’aspect essentiel de la question de la démocratie et du centralisme. Le principe de démocratie réfute en effet par définition un cadre déterminé, puisqu’il se focalise sur le multiple, la dispersion, le foisonnement. Le centralisme, au contraire, se focalise uniquement sur un cadre délimitatif, car il réfute la dispersion.

    La difficulté de la démocratie, c’est qu’elle n’implique pas un cadre ; la difficulté du centralisme, c’est qu’il chercher à borner les choses.

    Cela signifie que si on applique la démocratie, mais qu’on réfute tout cadre, alors la démocratie devient le libéralisme et le relativisme, puisqu’il n’en ressort rien. Il faut centraliser pour que la démocratie soit productive à un niveau concret et ne soit pas une simple démarche coupée de toute prise de décision réelle.

    Inversement, le centralisme sans la démocratie aboutit à l’unilatéralisme, à l’absence de la richesse inépuisable du peuple qu’exprime la démocratie.

    En ce sens, la solution de Lénine pourrait être ici plutôt appelée la démocratie centralisée et non le centralisme démocratique, car il y a d’abord la démocratie, et ensuite la centralisation de cette démocratie.

    Cependant, une démocratie centralisée est en fait une démocratie populaire, qui sous-tend une action ininterrompue ou quasi ininterrompue des masses, avec toutefois par moments des révolutions culturelles exprimant un saut qualitatif. Le principe de centralisme démocratique est plus spécifiquement communiste, dans la mesure où l’aspect principal porte sur la centralisation, en tant qu’aspect pratique, qu’aspect politique, dans un contexte de choix stratégique.

    La démocratie au sens strict est ainsi, dans l’organisation communiste, secondaire par rapport au centralisme, bien qu’en même temps, le centralisme exprime de manière la plus approfondie qui soit la démocratie.

    Les membres du Parti se réunissent lors d’un congrès, où la démocratie est complète dans les discussions aboutissant à des prises de décisions. Ces décisions sont alors portées par une direction élue par les membres jusqu’au prochain congrès.

    Entre les congrès, l’aspect centralisateur prédomine, ce qui aboutit à ce que les membres en désaccord avec les choix effectués doivent entièrement se soumettre à ceux-ci, que la direction prend l’ensemble des décisions, que dans le Parti les organisations sont hiérarchisées et que l’instance supérieure prime toujours dans ses décisions.

    Mais cela n’a pas une forme bureaucratique. Le matérialisme dialectique considère que tout est en mouvement et qu’ainsi, à chaque congrès, il s’exprime nécessairement une lutte de deux lignes, entre le nouveau et l’ancien, faisant qu’il ne s’agit pas de prendre des décisions en général, ce qui n’arrive jamais, mais toujours des décisions en particulier.

    Il n’est pour cette raison nullement possible de pratiquer abstraitement le centralisme démocratique, en-dehors de la question des lignes politiques. Le centralisme démocratique n’est pas une méthode, il n’existe que porté par les communistes dans une réalité historique, portant un caractère politique.

    Il n’y a pas de centralisme démocratique flottant au-dessus de la réalité comme « technique » d’organisation. Le centralisme démocratique exprime une réalité concrète, en mouvement, confiant au mouvement dialectique interne une nature productive authentique.

    C’est cela que Rosa Luxembourg n’a par exemple pas compris, confondant la démocratie populaire assumant la dictature du prolétariat et le centralisme démocratique portant, politiquement, l’affirmation communiste de la dictature du prolétariat. D’où sa critique ultra-démocratique de la révolution russe, qui ne comprend pas que sans l’affirmation communiste, la démocratie populaire ne trouve pas de cadre où non pas simplement s’exprimer, mais également se poser historiquement comme centre de pouvoir.

    Elle dit ainsi :

    « Précisément les tâches gigantesques auxquelles les bolcheviks se sont attelés avec courage et résolution nécessitaient l’éducation politique des masses la plus intense et une accumulation d’expérience qui n’est pas possible sans liberté politique.

    La liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les membres d’un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n’est pas la liberté. La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement. Non pas par fanatisme de la « justice », mais parce que tout ce qu’il y a d’instructif, de salutaire et de purifiant dans la liberté politique tient à cela et perd de son efficacité quand la »liberté » devient un privilège (…).

    En étouffant la vie politique dans tout le pays, il est fatal que la vie dans les soviets eux-mêmes soit de plus en plus paralysée. Sans élections générales, sans liberté illimitée de la presse et de réunion, sans lutte libre entre les opinions, la vie se meurt dans toutes les institutions publiques, elle devient une vie apparente, où la bureaucratie reste le seul élément actif.

    C’est une loi à laquelle nul ne peut se soustraire.

    La vie publique entre peu à peu en sommeil.

    Quelques douzaines de chefs d’une énergie inlassable et d’un idéalisme sans borne dirigent le gouvernement, et, parmi eux, ceux qui gouvernent en réalité, ce sont une douzaine de têtes éminentes, tandis qu’une élite de la classe ouvrière est convoquée de temps à autre à des réunions, pour applaudir aux discours des chefs, voter à l’unanimité les résolutions qu’on lui présente, au fond par conséquent un gouvernement de coterie – une dictature, il est vrai, non celle du prolétariat, mais celle d’une poignée de politiciens, c’est-à-dire une dictature au sens bourgeois, au sens de la domination jacobine (le recul des congrès des soviets de trois mois à six mois !).

    Et il y a plus : un tel état de choses doit provoquer nécessairement un ensauvagement de la vie publique : attentats, fusillades d’otages, etc. »

    Il faut en réalité comprendre que le centralisme ne s’oppose pas à la démocratie, mais permet sa réalisation, à condition de comprendre que centralisme et démocratie sont deux aspects de la même contradiction.

    Si on rate la nature concrète de cette contradiction, alors on bascule dans l’un ou dans l’autre, de manière unilatérale.

  • Le matérialisme dialectique et les concepts dans leur rapport à l’absolu et au relatif

    La pensée s’appuie sur des concepts afin d’appréhender les phénomènes, cependant le matérialisme dialectique souligne que la réalité est en mouvement permanent, en transformation ininterrompue.

    Non seulement le cerveau ne fait que saisir des phénomènes extérieurs à lui-même, mais qui plus est il le fait à la fois en retard et de manière partielle. Ce qu’il appréhende est déjà du passé et même ce qu’il saisit n’est pas le phénomène dans son ensemble infiniment complexe avec ses inter-relations, mais une partie, même si significative, de son existence matérielle.

    Karl Marx souligne cette dimension dans Le capital. Décrivant l’émergence et le développement du mode de production capitaliste dans son mouvement interne, il précise bien que les différents aspects qu’il présente le sont ceteris paribus, forme raccourcie de ceteris paribus sic stantibus, soit toutes choses étant égales par ailleurs.

    Ce dont parle Karl Marx, c’est du mode de production capitaliste dans sa substance, et il sait très bien que, dans les faits, chaque aspect est travaillé par des tendances et des contre-tendances. Ce qu’il aborde dans Le capital est neutralisé, ces tendances et contre-tendances en sont exclues.

    Karl Marx est très clair à ce sujet:

    « Pour concevoir ces formes à l’état pur, il faut d’abord faire abstraction de toutes les circonstances qui n’ont rien à voir avec le changement de forme et la constitution de forme comme tels.

    C’est pourquoi on admet ici non seulement que les marchandises se vendent à leur valeur, mais encore qu’il en va ainsi toutes choses restant égales d’ailleurs.

    On fait donc abstraction aussi des variations de valeur qui peuvent intervenir pendant le procès cyclique. »

    « Prenons tout d’abord la reproduction simple du capital productif, en supposant comme au chapitre premier que toutes choses restent égales d’ailleurs et que les marchandises sont achetées et vendues à leur valeur.

    Toute la plus-value va, dans cette hypothèse, à la consommation personnelle du capitaliste. »

    Ce n’est pas tout : non seulement, les aspects expliqués forment des aspects présentés sous un jour substantiel, neutralisé, mais ces aspects ne peuvent jamais se présenter ainsi dans les faits. Il n’existe pas de catégorie pure ou de concept pur qui aurait un sens réel.

    Lénine, en 1919, trois ans après avoir écrit L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, précisait bien que :

    « Il n’y a jamais eu d’impérialisme pur, sans base capitaliste, il n’y en a jamais eu, il n’y en a nulle part et il n’y en aura jamais. »

    Pour cette raison, le matérialisme dialectique place comme aspect principal la dignité du réel. Tout point de vue conceptuel, aussi juste soit-il, est en décalage avec la réalité s’il ne saisit pas de l’intérieur la transformation de celle-ci, sur un mode pratique.

    L’humanité fait partie du mouvement général de la matière et pour être en adéquation avec ce mouvement, pour saisir correctement cette transformation, il faut en être partie prenante.

    Lénine souligne cela dans Matérialisme et empirio-criticisme en soulignant que l’aspect incomplet de la connaissance ne rend pas celle-ci relative. Bien au contraire, c’est une vérité, mais elle peut être puissamment développée, en la pénétrant davantage en en comprenant davantage les inter-relations avec l’ensemble de la matière.

    « Le point de vue de la vie, de la pratique, doit être le point de vue premier, fondamental de la théorie de la connaissance. Écartant de son chemin les élucubrations interminables de la scolastique professorale, il mène infailliblement au matérialisme.

    Il ne faut certes pas oublier que le critère de la pratique ne peut, au fond, jamais confirmer ou réfuter complètement une représentation humaine, quelle qu’elle soit.
    Ce critère est de même assez « vague » pour ne pas permettre aux connaissances de l’homme à se changer en un « absolu » ; d’autre part, il est assez déterminé pour permettre une lutte implacable contre toutes les variétés de l’idéalisme et de l’agnosticisme.

    Si ce que confirme notre pratique est une vérité objective unique, finale, il en découle que la seule voie conduisant à cette vérité est celle de la science fondée sur la conception matérialiste.

    Ainsi Bogdanov veut bien reconnaître dans la théorie de la circulation monétaire de Marx une vérité objective, mais uniquement « pour notre époque », et il considère comme du « dogmatisme » d’attribuer à cette théorie un caractère de vérité « objective suprahistorique » (Empiriomonisme, livre III, p. VII). C’est de nouveau une confusion.

    Aucune circonstance ultérieure ne pourra modifier la conformité de cette théorie avec la pratique pour la simple raison qui fait de cette vérité : Napoléon est mort le 5 mai 1821, une vérité éternelle.

    Mais comme le critère de la pratique – c’est-à-dire le cours du développement de tous les pays capitalistes pendant ces dernières décades, – démontre la vérité objective de toute la théorie économique et sociale de Marx en général, et non de telle ou telle de ses parties ou de ses formules, etc., il est clair que parler ici du « dogmatisme » des marxistes, c’est faire une concession impardonnable à l’économie bourgeoise.

    La seule conclusion à tirer de l’opinion partagée par les marxistes, que la théorie de Marx est une vérité objective, est celle-ci : en suivant le chemin tracé par la théorie de Marx, nous nous rapprocherons de plus en plus de la vérité objective (sans toutefois l’épuiser jamais) ; quelque autre chemin que nous suivions, nous ne pourrons arriver qu’au mensonge et à la confusion. »

    C’est ce qui amenait Lénine, dans Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme, à affirmer que :

    « La doctrine de Marx est toute-puissante, parce qu’elle est juste. »

    On voit ici qu’il existe une dialectique entre l’absolu et le relatif.

    Affirmer que Napoléon est mort le 5 mai 1821 est une vérité éternelle, c’est-à-dire absolue. Elle ne peut pas être remise en cause. En même temps, c’est une vérité relative sur le plan scientifique, car d’innombrables aspects de la mort de Napoléon ne sont pas connus, tel le temps qu’il faisait à ce moment-là, ce qui se passait à Athènes au même moment, à quoi il pensait à son dernier moment de conscience, les causes précises et approfondies de son décès, etc.

    Le matérialisme dialectique dit ainsi que toute connaissance est un reflet de la réalité, que la réalité fournit aux idées et aux sensations des images de la réalité qui sont en décalage avec la réalité, car une personne ne peut pas synthétiser à elle-seule l’ensemble de la réalité, et que la réalité est en mouvement ininterrompu qui plus est, ce qui implique un retard dans le reflet.

    Cependant, il est possible de formuler la chose de manière lisible en saisissant ce qui suit. Au sens strict, la seule loi absolue est celle de la contradiction. Or, par définition, cette loi s’applique à elle-même. C’est pourquoi il est juste, désormais, de considérer le développement inégal comme un aspect fondamental de la loi de la contradiction.

    Imaginons qu’on se place sur le plan de la géométrie et qu’on place deux droites parallèles allant à l’infini, et qu’on s’arrête à cela. En apparence, on peut conceptuellement considérer que ces deux droites sont en opposition, à la manière du Yin et du Yang dans la philosophie antique chinoise.

    Or, deux droites parallèles allant à l’infini, comme le Yin et le Yang, sont des équivalents et cela est impossible suivant la loi du développement inégal.

    La loi de la contradiction implique que, parmi les multiples aspects, il y ait un aspect principal, suivant la loi du développement inégal.

    Mais c’est également vrai pour l’aspect principal, dans la tension entre les deux pôles. Deux pôles qui seraient équivalents, qui s’équivaudraient s’annuleraient comme dans le Yin et le Yang. Il faut une différence dans l’expression de ces deux pôles.

    Il faut ici reprendre ce qu’a enseigné Mao Zedong :

    « Sans contraste, pas de différenciation. Sans différenciation et sans lutte, pas de développement. »

    Et inverser dialectiquement, ce qui donne :

    « Sans développement, pas de différenciation et pas de lutte. Sans différenciation, pas de contraste. »

    C’est cela, la base de la théorie de la connaissance du matérialisme dialectique. Aucune connaissance ne serait possible s’il n’y avait pas de développement, car c’est par le développement que se pose la différenciation et la lutte, donc le contraste. Aucune connaissance ne serait possible dans un monde éteint.

    C’est cela qui explique qu’il faille être partie prenante de la différenciation, de la lutte, pour saisir le développement d’un côté, le contraste de l’autre. L’opposition dialectique entre le développement et le contraste est le noyau dialectique des sciences dans les différents domaines.

    Les sciences, dans les différents domaines, montrent les contrastes, mais s’opposent au développement en cours ; il faut alors replonger dans la réalité pour rattraper le développement et rétablir le contraste.

    Le contraste, défini au moyen de concepts, est ainsi relatif, le développement seul étant absolu, mais en même temps le contraste défini par des concepts porte l’absolu (car il définit conceptuellement le développement à une étape donnée), car le développement porte le relatif (car on parle ici du développement à une étape donnée).

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    sur le matérialisme dialectique

  • La guerre en Ukraine ouvre la boîte de Pandore des conflits militaires impérialistes directs – la guerre populaire mondiale est la réponse historique

    L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 indique que nous sommes entrés dans une nouvelle période, celle où les conflits militaires de haute intensité se présentent aux yeux des impérialistes comme un moyen réalisable d’atteindre ses objectifs. C’est là un saut qualitatif mondial dans le rapport entre les pays, entre les États ; cela correspond à un niveau de conflictualité nouveau sur le plan des contradictions inter-impérialistes.

    Nous soulignons ici que nous avons prévu depuis une année un tel saut, que nous en avons analysé en amont de très nombreux aspects, parce que nous avons saisi que la pandémie ouvrait en 2020 la seconde crise générale du capitalisme. S’il est important de le dire, c’est parce que tout positionnement est par définition toujours politique et que, désormais, il l’est d’autant plus. Dans cette nouvelle situation, toute prise de position ou non-prise de position n’est pas seulement lourde de sens, mais également empreinte d’une signification majeure, dans la mesure où elle converge avec telle ou telle tendance historique.

    Autrement dit, le caractère foncièrement apolitique des pays capitalistes développés, comme la Belgique et la France, est en contradiction avec le fait que ces pays se voient arrimer à un phénomène historique qui est la tendance à la guerre. Nous ne parlons pas seulement ici d’interventions militaires, comme les pays impérialistes en ont mené de manière ininterrompue depuis trente ans, mais d’une démarche de mobilisation militariste engageant l’ensemble des aspects d’un pays entier.

    Dans un tel contexte où les États se structurent littéralement pour la guerre, dire certaines choses et pas d’autres, ne rien dire, faire certaines choses ou ne rien faire… s’intègrent forcément à une orientation politique, en raison d’une époque qui a changé et est désormais marquée par des conflits de haute intensité comme possibilités et même comme nécessités afin de trouver une « sortie de crise ». Il n’est pas d’apolitisme qui tienne – auparavant, c’était déjà fictif, mais dans une époque de tendance à la guerre, cela devient entièrement artificiel.

    Si nous faisons de cet aspect concret l’aspect principal de notre déclaration, c’est en raison du primat de la pratique, car la dignité du réel prime toujours. La guerre impérialiste ne tombe pas du ciel, pas plus qu’il n’y a des partisans de la guerre impérialistes qui tomberaient du ciel pour prendre le pouvoir d’État et réorienter subitement, du jour au lendemain, un pays vers la mobilisation nationaliste générale. C’est dans la réalité que se produit la tendance à la guerre, c’est de la réalité que procède la tendance à la guerre, sur la base d’innombrables contradictions produites par le mode de production en capitaliste en crise.

    C’est parce qu’un pays est dos au mur, qu’il a besoin d’une sortie de crise coûte que coûte, que la guerre se produit, sur une base impérialiste car relevant de ce qui forme une grande bataille pour le repartage du monde. C’est le sens de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cette dernière étant confrontée à une crise propre à son régime oligarchique dans le cadre général imposé par la pandémie. L’impérialisme oligarchique russe ne pouvait plus tenir le rythme capitaliste et il a été obligé de chercher à modifier la situation, par le conflit de haute intensité, franchissant le pas en raison d’une nécessité historique qui lui était propre.

    On ne peut pas comprendre l’invasion russe si on s’imagine qu’elle a comme base le désir d’un individu cherchant à récréer un empire dont il deviendrait le tsar ; tomber à ce niveau d’analyse où le président russe Vladimir Poutine serait un tyran est totalement hors sol. L’invasion russe procède de contradictions internes, propres au régime russe, avec notamment la contradiction entre les intérêts du complexe militaro-industriel et ceux de l’oligarchie, dans le cadre d’un capitalisme frappé au niveau général par la crise générale.

    Si les oligarques étaient en mesure d’accompagner individuellement cette crise de par leur mode de vie individuel décadent et parasitaire dans les hautes sphères bourgeoises internationales, en tant que classe l’oligarchie russe est intrinsèquement lié au complexe militaro-industriel dans le cadre national capitaliste russe, et cet aspect est devenu principal avec la crise générale ouverte en 2020, car la Russie risquait de basculer dans un déclassement significatif.

    Si la question de l’OTAN a été sans cesse primordiale dans l’argumentation russe, avec une réelle inquiétude devant la menace de ce bloc militaire à ses frontières, il y a fondamentalement la pression économique énorme exercée par le bloc capitaliste occidental avec la superpuissance impérialiste américaine et les pays de l’Union européenne. Ce bloc a réussi, momentanément, à bloquer les effets immédiats de la crise générale, en multipliant des crédits à très grande échelle. La Russie, de par sa nature économique à la fois bureaucratique et productrice de matières premières, n’était pas en mesure d’accompagner cette initiative capitaliste à grande échelle.

    Cependant, l’analyse détaillée des contradictions internes à la Russie reste une tâche à mener et ce n’est pas l’aspect principal ici. En effet, ce qui prime avant tout, c’est que la guerre en Ukraine ouvre la boîte de Pandore des conflits militaires impérialistes directs. Il s’agit là d’un profond renversement, qui a une nature concrète concernant tous les aspects de la vie quotidienne dans les pays impérialistes.

    Il faut en effet malheureusement constater que le conflit militaire en Ukraine marque l’émergence de la guerre conventionnelle au 21e siècle. Une fois qu’une telle guerre ouverte a été menée, une autre peut être menée bien plus facilement, du fait de la banalisation de ce phénomène dans les esprits, surtout si c’est présenté comme une fatalité aux yeux des opinions publiques travaillées au corps par les grandes bourgeoisies de chaque pays.

    Le militarisme de chaque État va se voir encore plus accentué, encore plus « justifié ». La tendance à la guerre va se systématiser avec encore plus d’agressivité, exigeant une soumission chauvine toujours plus grande et même une mobilisation « patriotique » en ce sens.

    Les institutions – de l’École aux syndicats, des services publics aux partis politiques – vont inlassablement contribuer à renforcer cette tendance, à l’inscrire dans le temps, à galvaniser dans le sens du nationalisme.

    La question fondamentale qu’il y a ici, c’est de savoir dans quelle mesure il y a une capacité réelle de la part des pays capitalistes avancés à mettre en place une armée de masse, au-delà de l’armée professionnelle en place, et de savoir comment le rapport entre les deux peut se faire.

    Le capitalisme est ici déchiré entre sa nature de société de consommation de masse, avec des consommateurs totalement individualisés, différenciés au point de multiplier les marchés différents, et un besoin d’organiser de manière militaire de quoi assurer l’expansion aux dépens des autres puissances, avec des soldats façonnés de manière uniforme, obéissant au doigt et à l’œil.

    Il y a ici un aspect très important à prendre en compte, qui tient finalement même à la capacité du régime politique en place à se maintenir.

    La crise générale du capitalisme est un défi et les régimes doivent, pour l’assumer, se réimpulser. Sans cela, ils ne sont pas capables d’être au niveau du nouveau contexte. Cela implique un renouvellement du personnel politique, une reconfiguration idéologique avec notamment une modification des partis politiques en place.

    C’est un phénomène complexe et contradictoire. Le régime veut se renforcer en se renouvelant, mais en se renouvelant il déchire le tissu social existant au préalable, ce qui laisse des espaces pour l’émergence d’une opposition politique, idéologique, culturelle, sociale.

    La marche à la guerre du capitalisme n’est pas une voie tranquille, elle ne peut pas se faire sans conflits tant avec les habitudes prises dans le libéralisme qu’avec des masses toujours plus pressurisées pour payer la facture de la crise et de la militarisation.

    Il y a ici un espace nouveau qui doit être compris par les communistes, et pour le comprendre il ne faut pas s’attendre à ce que le niveau de conscience atteigne un réel niveau de manière spontanée.

    D’abord, parce que ce n’est jamais le cas, ensuite parce que la question de la rupture est encore plus essentielle dans une société capitaliste qui, même affaiblie dans ses fondements, permet encore un très haut degré de corruption.

    On le voit bien avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, qui a soulevé le cœur des masses, mais un temps bref seulement, la vie quotidienne capitaliste reprenant quasi immédiatement le dessus.

    Nous attirons l’attention sur cette question de l’évaluation du processus de la marche à la guerre, qui est essentielle pour permettre de se placer politiquement de manière adéquate ; les erreurs à ce niveau sont fatales, car en élevant à chaque fois le niveau d’un cran, le capitalisme rend les choses plus difficiles, centralisant le régime et le militarisant.

    Ce qui, dialectiquement, implique de calibrer de manière adéquate les propositions politiques communistes. Le grand risque est ici le gauchisme. Plus le capitalisme se centralise, plus il devient fort, mais en même temps il rend toujours plus étroit sa base et par là-même il se fragilise.

    Si la situation implique ainsi toujours plus de radicalité, le programme communiste vise pourtant dialectiquement, à court et moyen terme, toujours moins un État socialiste en tant que tel, pour se tourner vers la proposition d’un nouvel État démocratique et populaire, sur une base d’opposition au nationalisme et au militarisme, c’est-à-dire en fin de compte anti-monopoliste.

    La question qui se pose avec l’irruption de la guerre comme actualité, ce n’est pas moins que celle de la nature de l’État et de ses orientations. Les impérialistes précipitent les masses dans la guerre au moyen de leurs États, aussi les communistes doivent-ils faire en sorte que les masses génèrent un nouvel État prenant une option entièrement différente.

    Ces masses doivent être unies et de par la centralisation des régimes se tournant vers la guerre, il faut un programme répondant dialectiquement à cette centralisation. Il y a donc besoin de la mise en place d’un nouveau régime, démocratique et populaire, privant le pouvoir de la haute bourgeoisie et ses vassaux, en nationalisant les principaux secteurs de l’économie, en formant une armée nouvelle, de type démocratique et populaire, en brisant les idéologies nationaliste et militariste.

    Le caractère démocratique et populaire de cet État – et non pas socialiste et ouvrier – tient au fait que la tendance à la guerre va de pair avec une immense décomposition sociale et que, par là-même, seul le front le plus large est en mesure de faire face à un régime précipitant toujours plus le pays dans son ensemble dans le militarisme, le nationalisme, l’aventurisme militaire.

    C’est la grande leçon des années 1920 et 1930, avec la systématisation de l’action antifasciste, du Front populaire, comme proposition démocratique anti-monopoliste.

    Dans un contexte de fuite en avant d’une société déboussolée, de fascisation, de nationalisme exacerbé, de militarisme se généralisant… la proposition stratégique communiste est sur la défensive, par définition.

    La réalité politique, sociale, culturelle, idéologique… ne laisse aucune place aux fantasmes ultra-gauchistes, faux qui plus est car, à une époque de décadence, l’affirmation démocratique et populaire tend par elle-même, par nature, au socialisme, et ce dans un processus ininterrompu, et mondial.

    La bataille pour le repartage du monde a en effet un caractère planétaire historique. Au-delà des contingences, des particularités nationales, il ne faut pas perdre de vue que, historiquement, le pendant de la guerre impérialiste, c’est la guerre populaire mondiale.

    Cela, les impérialistes s’en doutent bien et c’est aussi leur inquiétude, en plus de leur obsession de repartage du monde. Comme l’a enseigné Gonzalo, le dirigeant du Parti Communiste du Pérou dans la seconde moitié des années 1980 :

    « Le Président Mao nous disait : il faut se préparer et se préparer dès maintenant contre une guerre impérialiste et principalement contre une guerre atomique.

    Comment allons-nous leur répondre ? Évidemment, seulement avec la guerre populaire, il n’y a pas d’autre forme, voilà le principal.

    Les démasquer fait partie d’une campagne de propagande qui montre au monde leurs sinistres et macabres plans d’énorme génocide, mais jamais cela n’arrête une guerre.

    Staline l’a dit clairement : ces campagnes n’arrêtent jamais une guerre.

    Alors la seule chose à faire, si nous voulons empêcher une guerre, c’est de développer la révolution.

    Comme l’enseigne le Président Mao : soit la révolution empêche la guerre mondiale, soit cette dernière attise la révolution. »

    Il faut stopper les assassins avant qu’ils ne passent à l’action et, si jamais ceux-ci commencent leurs basses œuvres, il faut les combattre dans chaque pays, sans converger avec eux. Cette perspective impose des tâches spécifiques dans chaque pays, mais relève du cadre général de l’internationalisme prolétarien, avec comme perspective la République Socialiste Mondiale.

    Ce qui signifie : opposer à la guerre impérialiste mondiale la guerre populaire mondiale.

    Mars 2022

    Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique

    Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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  • La crise ukrainienne relève de la guerre impérialiste – rejoignez la bannière du marxisme-léninisme-maoïsme !

    Nous voulons ici avertir que les événements en Ukraine portent une charge qualitative entièrement nouvelle, au sens où il ne s’agit pas simplement d’une tension avec des traits bien spécifiques liée à une situation particulière et à un moment particulier. Il ne s’agit pas, en tant que tel, d’un affrontement de deux pays issus de l’URSS, la Russie et l’Ukraine, sur la base de questions d’orientation politiques et économiques extérieure et intérieure.

    Il s’agit en effet d’une réalité ayant un caractère nouveau et une dimension générale, reflétant une période historique bien déterminée, car l’heure est à l’accentuation militaire des contradictions inter-impérialistes. La Russie agit ici comme un challenger bousculant l’ordre capitaliste mondial afin de forcer violemment au repartage du monde, afin de parvenir à la mise en place d’un nouvel empire russe.

    Il ne s’agit pas de troubles ayant une portée militaire – mais bien d’un effondrement de la « paix » capitaliste.

    Nous affirmons cela, parce que notre position communiste marxiste-léniniste-maoïste nous permet de caractériser la crise capitaliste et ce qu’elle implique.

    Nous avons compris que le capitalisme était devenu fondamentalement instable avec l’irruption de la pandémie. Dialectiquement, le maintien de son apparente stabilité, au moyen de la multiplication des crédits, se paie par un basculement dans la bataille pour le repartage du monde. La paix intérieure du capitalisme a comme prix la guerre extérieure. Aussi avons-nous justement souligné, depuis pratiquement une année, que la crise ukrainienne allait devenir majeure – une analyse correcte qui est une preuve de la validité de notre analyse du mode de production capitaliste connaissant un processus d’effondrement général.

    Il faut ici bien souligner sur ce plan que le monde est totalement sous le choc que la Russie se soit permise d’aligner la majeure partie de ses troupes autour de l’Ukraine et de reconnaître officiellement, le 21 février 2022, les républiques séparatistes de l’Est de l’Ukraine. Les médias, les analystes, les experts, les diplomates… sont tous débordés par cette réalité nouvelle, dont la dimension militaire est ouverte.

    Fondamentalement, ce n’est pas que ce soit une initiative militaire unilatérale qui marque les capitalistes, mais qu’il s’agisse là d’un phénomène contribuant massivement au caractère instable des rapports internationaux, une frontière considérée comme infranchissable depuis l’effondrement du bloc social-impérialiste soviétique en 1989 et l’utilisation de la Chine sociale-fasciste dans le dispositif productif international.

    Pour employer un terme aux contours trop flous mais parlant, c’est la mondialisation qui se voit ébranlée de manière fondamentale par la crise ukrainienne. L’unification internationale par le marché capitaliste se voit confrontée à une contre-tendance interne : les contradictions inter-impérialistes, et ces dernières prennent de plus en plus le dessus.

    Nous le répétons : la stabilité intérieure du capitalisme a provoqué une instabilité extérieure. Le cadre international, pacifié depuis 1989, s’effondre littéralement. La Russie bousculant l’ordre européen au sujet de l’Ukraine reflète, comme exemple et comme point le plus avancé en ce domaine, l’aventurisme impérialiste se systématisant dans le monde.

    Le capitalisme impérialiste (de la superpuissance impérialiste américaine, de la Chine, du Japon, de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la Russie…) et le capitalisme bureaucratique semi-féodal semi-colonial expansionniste (de la Turquie, de l’Iran, du Brésil, de l’Inde…) assument toujours plus de rompre avec la stabilité internationale auparavant reconnue et acceptée comme prioritaire, ou du moins comme constituant le cadre général où agir.

    Et comment procèdent les capitalismes en crise, s’alignant sur l’aventurisme ? En faisant en sorte de diviser pour régner. Les haines nationalistes, les passions guerrières, les volontés hégémoniques, les intérêts matériels, les traditions religieuses… Absolument toutes les nuances et différences entre les peuples, entre les gens eux-mêmes, sont utilisées par les grandes puissances pour provoquer la division, pour fomenter des troubles, pour fomenter des mouvements de « révolte » sur une base irrationnelle, des tendances aux séparatismes… afin que cela serve d’appui aux opérations rentrant dans le cadre des visées impériales.

    La division entre les peuples russe et ukrainien est artificielle, elle est produite par le jeu des grandes puissances

    Ce qui se déroule en Ukraine est exemplaire de cette opération impérialiste de « diviser pour régner ». Les peuples russes et ukrainiens, qui se connaissent si bien depuis des siècles et qui sont si proches culturellement malgré leurs différences nationales, se voient projeter l’un contre l’autre.

    Les choses sont montées en épingle de manière disproportionnée, avec un énorme matraquage idéologique, des opérations psychologiques de grande envergure, une propagande exacerbée réécrivant l’Histoire selon les besoins impérialistes.

    Deux grandes puissances sont ici responsables de l’horrible situation de l’Ukraine.

    La superpuissance impérialiste américaine, hégémonique dans le monde, utilise l’OTAN comme vecteur afin de placer le continent européen sous son contrôle, élargissant pour cela son dispositif à l’Europe de l’Est. L’Ukraine est le dernier pays manquant encore avant la Russie, d’où les milliards déversés par la CIA afin de pousser à une « révolte » pro-occidentale, qui se réalisa en 2014 avec le coup d’État de l’Euromaidan dont une composante importante consista en les mouvements d’extrême-droite Svoboda et Pravdy Sektor.

    L’impérialisme russe tente de reformer, non pas tant la superpuissance social-impérialiste soviétique des années 1960-1980, que l’empire russe d’avant Octobre 1917. L’intégration-désintégration de l’Ukraine est ainsi à l’ordre du jour pour la Russie d’aujourd’hui comme à l’époque des Tsars où la nation ukrainienne était niée, la langue ukrainienne interdite, la culture ukrainienne martyrisée, les Ukrainiens considérés comme des « petits-russes » de moindre valeur.

    La thèse de la seconde crise générale du capitalisme
    est confirmée

    Les événements en Ukraine ne sont pas compréhensibles à partir d’un prisme « géopolitique », de considérations économiques, d’analyses militaires. Il va de soi qu’il y a des aspects militaires, politiques, économiques… dans tout cela. Mais ce n’est pas la substance des choses.

    Le véritable déclencheur des événements, ce qui a ouvert la boîte de Pandore, c’est la seconde crise générale du capitalisme, déclenchée par la pandémie. Le capitalisme procède en effet par expansion, tout en se heurtant à un moment donné à une limite. Il se confronte alors à un obstacle infranchissable empêchant la continuité de l’accumulation de capital et de travail.

    Il doit tout faire pour forcer la continuation de l’expansion. C’est alors la tendance à la guerre qui s’exprime, jusqu’à la guerre impérialiste.

    La première crise générale du capitalisme s’est produite dans les années 1910, avec le déclenchement de la guerre mondiale et la révolution russe d’Octobre 1917. L’accumulation capitaliste était alors littéralement torpillée, les sociétés se déchirant politiquement, culturellement, socialement.

    Le capitalisme n’avait alors pas encore atteint le degré de maturité permettant une société de consommation, l’encadrement complet des comportements et des mentalités au moyen des institutions (dont les syndicats font partie), d’un travail salariat perpétuellement rationalisé.

    La contradiction entre le travail intellectuel et le travail manuel était explosive dans un tel cadre, et le fascisme comme mobilisation de masse pour dévier les protestations et empêcher l’affirmation du besoin de communisme se systématisa, précipitant les pays dans la seconde guerre mondiale.

    La seconde crise générale du capitalisme s’est produite au début de l’année 2020, avec l’irruption d’une maladie issue du terrible écocide provoquée par le capitalisme à l’échelle mondiale. La destruction de la Nature a pris une immense proportion, allant jusqu’à une crise dans le cadre de la contradiction entre les villes et les campagnes, aboutissant au dérèglement des rapports entre les espèces et les maladies.

    Le capitalisme a pris de plein fouet l’irruption de la pandémie, toute sa production a été bouleversée, ainsi que le rythme fondamental du 24 heures sur 24 de la vie quotidienne avec sa consommation forcenée. La machinerie capitaliste s’est enrayée.

    C’est précisément la compréhension de cette seconde crise qui nous a permis, dès le milieu de l’année 2021, d’affirmer que la crise ukrainienne relevait d’une dimension nouvelle, d’une confrontation militaire à une nouvelle échelle, de la guerre impérialiste pour le repartage du monde.

    La crise ukrainienne a comme arrière-plan la contradiction entre la superpuissance impérialiste américaine et son challenger chinois

    La bataille pour le repartage du monde est concrètement la grande actualité des pays du monde, que ceux-ci soient des pays capitalistes développés (comme la Belgique, la France…) ou des pays semi-féodaux semi-coloniaux (comme la Turquie, le Brésil ou le Mali). Il faut trouver un moyen d’arriver à l’expansion, à tout prix, sinon le régime s’effondre comme un château de cartes de par la pression de la crise.

    La situation en Ukraine doit d’autant moins être comprise de manière « géopolitique » que ce qui se joue à l’arrière-plan, c’est la mise en place de la troisième guerre mondiale impérialiste entre la superpuissance impérialiste américaine et son challenger chinois.

    Le capitalisme a réussi à se relancer grâce à une expansion aux dépens d’une partie importante des territoires auparavant sous la dépendance du social-impérialisme soviétique, ainsi qu’avec l’utilisation de la Chine comme atelier du monde, puis comme usine du monde.

    La fin de cette expansion commencée en 1989 s’est exprimée en 2020 avec la pandémie et elle apporte au monde une nouvelle grande puissance, la Chine, qui vise à l’hégémonie mondiale en remplacement de la superpuissance impérialiste américaine.

    La Chine, un pays social-fasciste depuis la restauration du capitalisme en 1976, a profité de l’expansion capitaliste mondiale en exploitant massivement la classe ouvrière chinoise et en s’appuyant sur un régime terroriste. Profitant de sa taille et de sa population, l’impérialisme chinois vise à s’affirmer sur la scène mondiale, aux dépens de la superpuissance impérialiste américaine.

    Le conflit entre l’impérialisme russe et l’Ukraine est ainsi, sur le plan de la tendance historique, également un conflit entre la Russie et la superpuissance impérialiste américaine, et revient même à un affrontement entre la Chine et la superpuissance impérialiste américaine.

    Le moteur principal de la guerre impérialiste au niveau mondial est l’affrontement sino-américain, qui joue à tous les niveaux, dans tous les affrontements militaires.

    L’OTAN est un appareil militaire à visée externe et interne

    La Belgique est pays impérialiste de faible importance, la France est un pays impérialiste d’importance significative. Cependant, la Belgique accueille le siège de l’OTAN à Bruxelles et porte en ce sens une très lourde responsabilité, celle d’assurer une stabilité permanente afin de légitimer l’OTAN.

    L’OTAN a été en effet le bras armé accompagnant le développement du capitalisme occidental dans les années 1960-1980, ce qui veut dire que ce n’a pas été simplement une structure militaire se définissant par rapport au bloc de l’Est dirigé par le social-impérialisme soviétique. L’OTAN a également été tout un appareil d’affirmation symbolique, de pression psychologique, d’échanges d’informations des services secrets et d’opérations militaires, dans le sens de la contre-insurrection.

    L’OTAN est un appareil exerçant une pression pour uniformiser la défense des intérêts économiques et politiques du capitalisme occidental ; il ne faut jamais oublier l’importance que l’OTAN accorde pour chacun de ses membres, aux formes institutionnelles, aux prises de position diplomatiques, à l’organisation des rapports sociaux.

    C’est d’ailleurs pour cela que l’Ukraine n’a pas encore pu adhérer à l’OTAN et qu’elle connaît d’intenses modifications internes afin justement d’être en mesure de répondre aux exigences du capitalisme occidental.

    D’où les difficultés également de la France, pays exemplaire du capitalisme occidental mais cherchant à disposer souvent d’une indépendance stratégique, dans ses rapports avec l’OTAN.

    Cet aspect de la question de la guerre impérialiste est essentiel, car qui dit guerre dit appareil militaire, et on ne peut pas comprendre les modalités de la guerre sans voir comment celle-ci se développe, comment elle se met en place, comment elle cherche à se dérouler.

    La Russie est un pays impérialiste

    Même si en Belgique et en France l’OTAN reste l’aspect principal de la tendance à la guerre, il ne faut absolument pas pour autant attribuer une valeur positive, à caractère « anti-impérialiste », à la Russie. Ce pays, dont les visées expansionnistes sont indubitables, n’a eu de cesse de développer un immense appareil idéologique pour se présenter sous un jour favorable, comme simple « victime » de l’OTAN.

    Des médias comme RT et Sputnik, des agitateurs permanents sur les réseaux sociaux, des hommes politiques soudoyés, et même des organisations d’extrême-gauche ou d’ultra-gauche en mal de légitimité… présentent la Russie comme un pays pacifique, contribuant au progrès mondial dans tous les domaines, jouant le rôle de principal obstacle à la mondialisation capitaliste.

    La Russie porterait, malgré sa nature, des traits « soviétiques », un respect des codes de l’honneur, des principes communautaires « socialistes », permettrait la mise en place d’un monde « multipolaire », ne serait pas gangrené par un capitalisme déchaîné, etc.

    Tout cela relève de la propagande impérialiste, aussi ne saurait-on sous-estimer le rôle néfaste joué par la Russie dans sa tentative se présenter comme devant être naturellement soutenue si on s’oppose à un capitalisme qui serait « occidental », par opposition à une « Eurasie » qui porterait une identité « socialiste ».

    On doit ici considérer qu’il y a une contradiction inter-impérialiste et s’il y a bien toujours un aspect principal, il ne faut jamais perdre de vue le principe de l’autonomie prolétarienne, du maintien des principes idéologiques communistes, de l’auto-suffisance sur le plan de l’organisation.

    Il faut avoir dans l’idée qu’on est dans la même configuration qu’avant 1914 et il ne s’agit pas de prendre parti pour un impérialisme contre un autre.

    Nous en sommes revenus à la situation d’avant 1914

    Il est nécessaire de constater qu’un piège impérialiste s’est refermé sur l’Ukraine, la superpuissance américaine et l’impérialisme russe transformant ce malheureux pays en cible pour leur propre expansionnisme. La première veut élargir sa zone d’influence et de contrôle, en faisant de l’Ukraine son satellite, alors que la Russie aimerait justement que celle-ci intègre son champ de domination « impériale ».

    Cela nous ramène à la situation mondiale avant 1914, avec la compétition entre puissances pour se développer aux dépens d’autres pays, au moyen de coups de pression, d’interventions militaires.

    La crise militaire en Ukraine le monte bien : les interventions militaires sont désormais considérées comme le facteur décisif, comme l’expression politique la plus nette, la plus tranchante, la plus à même de permettre l’expansion.

    La seconde crise générale du capitalisme a apporté un saut qualitatif, où la tendance à la guerre l’emporte sur les autres tendances, de manière ouverte ou indirecte, franche ou insidieuse. Et les capitalistes profitent de toutes les améliorations techniques et technologiques, du caractère plus développé des forces productives.

    Le caractère nouveau de la guerre moderne

    Nous voulons souligner le fait que, malheureusement, les larges masses n’ont pas une compréhension juste de ce qu’est la guerre moderne. Elles ne saisissent pas ce qu’est un État, donc elles ne voient pas ce qu’est le pouvoir dans son rapport aux classes. Qui plus est, et c’est là essentiel, elles ne voient pas les immenses modifications que connaît la guerre dans ses formes concrètes depuis trente ans.

    L’irruption des nouvelles technologies a largement modifié la gestion des conflits, avec une capacité de connaissance en temps réel désormais des acteurs sur place et une distribution immédiate des décisions à ces mêmes acteurs sur le champ de bataille.

    Ce saut qualitatif dans la gestion des actions a contribué à un renforcement quantitatif de par une interaction démultipliée des troupes militaires elles-mêmes. C’est le sens de la professionnalisation des armées : la guerre moderne exige un haut niveau de technicité, tant pour maîtriser les innombrables types d’armes que pour être en mesure de gérer ou participer à des opérations désormais coordonnées de manière très approfondie.

    La guerre moderne possède en ce sens de très nombreux aspects, qui ne sont pas tant nouveaux que faisant l’acquisition d’une autre magnitude et se combinant bien davantage. Que ce soit par l’espionnage, le sabotage, la guerre psychologique, les piratages informatiques, les opérations consistant en des « coups » bien déterminés… la guerre moderne a obtenu un caractère « hybride » comme le formulent les experts militaires bourgeois.

    Les armées modernes intègrent même directement dans leurs activités tant la surveillance que l’utilisation des réseaux sociaux pour leurs opérations. Il y a cette anecdote de Facebook fermant des comptes se prétendant maliens mais en fait liés aux armées française et russe en décembre 2020, cependant dans les faits chaque armée assume entièrement cette dimension d’opération psychologique, de manipulation.

    On peut dire que, avec les technologies actuelles, il y a une combinaison encore plus avancée des services secrets avec l’armée et inversement, ce qui renforce la signification des décisions prises au plus haut niveau au sein d’un appareil d’État toujours plus centralisé.

    Jamais les États n’ont ainsi été autant coupés du peuple – mais, en même temps, jamais ils n’ont été autant capable de réactivité et de prises d’initiative d’écrasement rapide.

    Il n’est pas de retour en arrière possible

    Comme l’a affirmé Staline à la suite de Lénine, « pour supprimer l’inévitabilité des guerres, il faut détruire l’impérialisme ». Toute autre conception est une convergence avec le mode de production capitaliste et il faut souligner ici la menace que représentent les courants bourgeois « socialistes » prétendant réorganiser le capitalisme, le réguler, lui mettre des barrières, le refaçonner, lui imposer des règles, etc.

    Il y a deux ennemis et non pas un : il faut combattre ceux qui veulent la guerre impérialiste, au nom du nationalisme, de l’expansionnisme, et il faut aussi combattre ceux qui mentent en prétendant pouvoir faire changer le capitalisme.

    Aussi vaines que soient ces prétentions à « améliorer » ou « modifier » le capitalisme, elles désorientent, elles font perdre du temps, elles empêchent de voir la gravité de la situation historique.

    Le capitalisme aboutit immanquablement à la guerre impérialiste et il n’est pas de retour en arrière possible une fois un tel processus enclenché. Seul le démantèlement des monopoles peut briser les forces menant à la guerre, et quel sens aurait un retour au capitalisme qui remettrait en branle le processus menant à des monopoles ?

    Les réformistes répondront ici qu’un « capitalisme organisé » est possible : c’est un mensonge qui masque les intérêts du capitalisme cherchant à sauver son existence. Il y aura aussi les romantiques économiques qui proposeront un retour en arrière à une forme primitive de capitalisme, avec l’artisanat, voire le troc. C’est là incompatible avec les exigences de notre époque.

    Les exigences de notre époque

    La guerre qu’amène le capitalisme est aussi, dialectiquement, une contre-réponse à la paix planétaire qui est historiquement possible.

    Nous avons besoin d’une société mondiale unifiée, d’une humanité unifiant et centralisant toutes ses forces, afin d’élever le niveau de vie des masses mondiales et d’en même temps protéger la planète, en adoptant un mode de vie qui soit naturel et non plus décidé artificiellement par les capitalistes pour développer la consommation.

    La guerre imposée par le capitalisme est également un moyen de propager la concurrence, la compétition, le cynisme, l’égoïsme… Alors que sont à l’ordre du jour la compassion, l’empathie, le Socialisme. Au lieu d’avoir une humanité pacifiée et cultivée, se tournant vers la Nature et en particulier les animaux, ayant la tête dans les étoiles pour envisager la colonisation spatiale, le capitalisme cherche à défigurer le monde à coups de divisions, de sectarisme, de particularismes.

    C’est là un aspect essentiel. Le capitalisme propage les divisions qui se conjuguent pour former une légitimité au crime à grande échelle. Il faut que les communistes soient en mesure de faire face à une telle entreprise, et cela implique d’être capable d’avoir une lecture approfondie de ce qu’est la société socialiste, le besoin de communisme.

    Toute réduction à de l’économisme, à des considérations sans profondeur, sans âme, sans reconnaissance de la dignité du réel… amène la défaite face aux mobilisations provoquées par le capitalisme, qui profitent tant de moyens matériels élevés que d’un irrationalisme particulièrement prononcé.

    Il faut impérativement avoir conscience de cette dimension !

    Vive la nation ukrainienne, victime du complot militariste réalisé par la superpuissance américaine et l’impérialisme russe !

    Guerre à guerre impérialiste, guerre à l’OTAN !

    Guerre populaire jusqu’au Communisme !

    Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique

    Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

    Février 2022

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