Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : le portrait du typique

    Ushibori dans la province de Hitachi, la vingtième estampe des Trente-six vues du mont Fuji, est d’une grande pertinence en tant qu’oeuvre exposant le réalisme mis en perspective. C’est une présentation efficace.

    On retrouve ici la capacité de Hokusai à partir d’un « poids » pour obtenir une perspective qui s’élance, tout en profitant d’une couleur principalement uniforme pour donner du champ. On notera ici que le « poids » de départ est vraiment extrêmement centralisé vers le bas, pour accentuer le mouvement du navire. Les détails ne manquent pas, avec les oiseaux sur la gauche, les maisons sur la droite. La présence du mont Fuji est ici admirable de calme et d’ampleur.

    Un croquis des magasins Mitsui dans la rue Suruga à Edo est étonnant à cela qu’on ne voit pas tant les magasins que les travailleurs en action et les cerfs-volants. C’est une grande reconnaissance du peuple qui est ici faite.

    Les directions proposées sont intéressantes en ce qu’elles sont inverses de celles du mont Fuji, placé d’ailleurs au centre (mais pas exactement, naturellement, comme c’est le principe chez Hokusai, ce qui est une reconnaissance du caractère inégal du développement). Le mont Fuji permet un savant découpage de la scène (a, b, c).

    La 22e estampe, Coucher de soleil à travers le pont de Ryōgoku depuis la rive de la Sumida à Onmayagashi, est un portrait exemplaire d’une situation typique. L’opposition entre un cours d’eau mouvementé et le mont Fuji statique, avec tous deux en bleu, pose parfaitement l’oeuvre, l’eau et le ciel connaissant de subtils dégradés. On notera que le pont fait un peu plus de 160 mètres de long.

    On retrouve ici également un jeu majestueux de directions et de contre-directions, avec deux « poids » ancrant l’oeuvre de manière particulièrement agréable, avec l’homme assoupi et le mont Fuji, qui sont des repères essentiels dans l’estampe.

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  • Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : les couleurs et le mouvement en interaction

    Le lac Suwa dans la province de Shinano, la 17e estampe des Trente-six vues du mont Fuji, est une oeuvre magistrale avec encore ce jeu de couleurs associé à la perpsective. Le lac Suwa est particulièrement connu pour avoir une source d’eau chaude amenant en hiver des crêtes à se former à la surface du lac gelé.

    Les couleurs en interaction sont admirablement appuyés par trois « poids » – un mineur au départ de l’image à droite, puis au centre (qui n’est jamais au centre d’ailleurs et heureusement, on est en dehors de tout formalisme), sur la gauche enfin. Les mouvements contradictoires de droite et de gauche fournissent à la fois mouvement et équilibre.

    Ejiri dans la province de Suruga est exemplaire de l’approche de Hokusai. On voit aisément ici comment tous les éléments se rejoignent, même par leur absence, lorsqu’il n’y a que des couleurs uniformes (ou principalement uniformes).

    Ce qui est notable, c’est de voir comment Hokusai parvient à présenter la projection produite par le vent. C’est une réalisation très synthétique.

    La 18e estampe, Le Fuji depuis les montagnes de la province de Totomi, est focalisé sur le travail. Le titre ne le précise pas. L’oeuvre est moins frappante sur le plan de l’atmosphère, le travail est montré mais sa portée est plus symbolique que concrète.

    C’est sans doute que la dynamique est ici trop prononcée, avec d’ailleurs, de manière étrange, deux figures pratiquement au centre de l’image.

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  • Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : les couleurs et la perspective

    La 13e estampe est une oeuvre très réussie d’un réalisme en perspective. Avec La plage de Shichiri dans la province de Sagami, on a en effet une présentation concrète d’un lieu concret, avec l’esprit du lieu de retransmis par la disposition générale.

    On peut voir en effet que le deux principaux « poids » de l’image sont reliés à deux autres petits « poids » donnant une dynamique de droite à gauche, alors que le mouvement est posé délicatement par les nuages (a) et la mer (b). C’est simple, mais subtil, et inversement.

    Umezawa dans la province de Sagami est très intéressante également dans la mesure où ce sont des oiseaux qui sont les protagonistes de l’estampe, tout en étant, bien évidemment, en adéquation, ou plus exactement en conjonction avec les lieux.

    Cette quatorzième estampe des Trente-six vues du mont Fuji élabore pour ce faire une série très prononcée de dynamiques et de contre-dynamiques, avec des mouvements d’élévation et d’abaissement. C’est puissamment inspirant au niveau artistique.

    Le pêcheur de Kajikazawa est une oeuvre majeure de Katsushika Hokusai. La version uniquement en bleu est très réputée, mais n’a pas la fine subtilité, les merveilleux accords de cette estampe. Le geste du pêcheur au-dessus du fleuve Fuji est typique, le fleuve est tumultueux comme il l’est effectivement, l’ensemble forme une harmonie générale (malgré que, de fait, le pêcheur par son activité trouble l’océan et les poissons).

    C’est le jeu des couleurs qui est ici admirable et qui, encore une fois, est une source d’inspiration. Cependant, au-delà des combinaisons puissantes des couleurs, maniées de manière excellente avec un jeu de gradation, on peut s’apercevoir qu’il y a tout un échafaudage pour maintenir une tension parfaite. La ligne à droite en haut, d’où part l’œil (au Japon), connaît deux contre-tendances, faisant qu’on passe du mont Fuji à un pêcheur penché dont le propre corps rappelle l’élévation et l’abaissement du mont.

    La seizième estampe, intitulée La passe de Mishima dans la province de Kai, est également une réussite. La conjonction entre les personnages et leur environnement est ici encore très marquant.

    C’est encore le jeu des couleurs qui fait ici office de force de frappe esthétique. Néanmoins, on a également le mont Fuji jouant un rôle majeur à l’arrière-plan de l’arbre, comme pour assurer une mise en perspective adéquate. On remarquera que l’arbre n’est pas au centre, afin de s’abstenir de tout formalisme. C’est formidable de voir comment l’oeuvre est entièrement pleine, alors qu’une large partie de l’estampe consiste « simplement » en de la couleur.

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  • Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : le particulier et le général

    Pour la neuvième estampe, La passe d’Inume dans la province de Kai, Hokusai témoigne de sa formidable capacité à combiner les éléments d’autant plus puissamment qu’il y en a moins.

    On peut voir qu’il y a trois zones calmes (a, b, c) qui forment l’ossature de trois zones avec le mouvement. Ce mouvement est bien entendu celui des voyageurs. Et c’est à chaque fois la végétation qui est le support de la multiplicité soutenant les mouvements directionnels uniques, vers le haut ou vers le bas.

    Le Fuji vu de la province d’Owari, la dixième estampe, témoigne de la tentative de présenter une activité laborieuse en gros plan, en le combinant à l’atmosphère. C’est moins puissant, car moins solennel, malgré le caractère typique présenté.

    Cette activité typique joue en fait en s’appuyant sur le cercle élaboré, par un jeu de poids et de contre-poids, le mont Fuji en décalage servant de développement inégal pour renforcer l’idée de mouvement déjà présente par la perspective légèrement décalée.

    La onzième estampe, Le temple d’Asakusa Honganji à Edo, est bien plus marquante. La partir visible du temple bouddhiste témoigne d’une activité laborieuse en hauteur, qui a trois parallèles: le cerf-volant partant de la ville, une construction en cours et le mont Fuji.

    Il y a ainsi un poids à droite de l’image, où commence la lecture au Japon, des mouvements vers la droite en contre-poids, et même la ville joue le rôle de ralentisseur avec ses toits fournissant direction et contre-direction.

    L’île Tsukada dans la province de Musashi, la douzième estampe, témoigne tout à fait de cet effort de présenter le réalisme en particulier en le reliant systématiquement à l’universel. Le village de pêcheurs, qui occupe quasiment toute l’île et connaît la prospérité, est au centre d’une intense activité.

    On a ainsi une ligne passant par en haut, comme souvent, connaissant un grand frein par un poids sur toute la partie gauche de l’estampe, renforçant alors la présence des multiples barques.

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  • Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : portraits typiques et mouvements

    Ce qui est marquant dans l’estampe intitulée Surugadai à Edo, la cinquième de la série, c’est que le mont Fuji est à l’arrière-plan, tel un symbole bienveillant sur un Japon défini de manière tout à fait précise. On a en effet d’un côté la nature, sur la gauche, et de l’autre des bâtiments, soit une construction humaine.

    On a également des voyageurs et des travailleurs présents dans la scène. On a ainsi une formulation esthétique reposant sur le principe de la synthèse : c’est typique, et le cadre est présenté comme relevant d’une substance contradictoire.

    Il faut ici se souvenir qu’au Japon, on regarde ‘image de la droite vers la gauche. On a ainsi un grand espace qui nous pousse de l’avant, le toit nous précipitant sur une scène avec un travailleur. La végétation sur la gauche fait contre-poids au mouvement de la vue, alors que les déplacements des personnages, dans des directions opposées, ajoute de la dynamique. C’est un portrait vivant.

    Pour la sixième estampe de la série, Le pin-coussin à Aoyama, le mont Fuji est bien plus présent ; la scène est d’ailleurs cette fois reposante.

    Il y a pourtant une synthèse puissamment construite. La zone première de la vue, sur la droite, forme un espace qui s’élance toujours plus vers la droite, accompagné par une présence contradictoire du mont Fuji, alors que la zone de végétation sert de contre-poids afin de permettre la présentation des figures humaines, dont la plupart se reposent. C’est très subtil.

    Senju dans la province de Musashi a une approche apparemment plus simple. On pense simplement assister à un passage pour cette septième estampe.

    En réalité, l’oeuvre organise un tempo très calibré pour ce passage. La végétation est très présente au début, sur la droite, pour se répandre ensuite, forçant l’œil à suivre sa continuité, le mouvement étant renforcé par ce que transporte le cheval et l’habit d’un pêcheur. On est poussé vers la gauche.

    Toutefois, le réalisme de Hokusai excelle dans les Trente-six vues du mont Fuji dans sa capacité à poser les choses, une sorte de réalisme où le typique s’inscrit dans une atmosphère, comme pour La Grande Vague de Kanagawa, la huitième estampe.

    La Tama dans la province de Musashi est ainsi résolument splendide, avec l’amoindrissement des éléments apportant de manière palpable. La Tama est un fleuve passant par une partie d’Edo (soit Tokyo aujourd’hui), la province de Musashi contenait notamment Edo.

    La réussite subtile de cette oeuvre tient au mouvement, que Hokusai maîtrise parfaitement, mais cette fois en limitant les éléments afin de jouer sur les contrastes. On a littéralement deux zones : une (ici appelée 1) poussant de l’avant dans une perspective assez linéaire – en jouant sur le mont Fuji qui est en quelque sorte traversé de droite à gauche, mais dont la masse graphique sert de référent, de nexus à l’oeuvre.

    Et on a la zone (a), très élémentaire, se confrontant à la zone (b) du fleuve, lui-même contradictoire pour indiquer le mouvement avec la zone (c), la zone (d) introduisant la zone 2, qui avec sa végétation non linéaire implique la notion de mouvement par détours.

    Ce qui témoigne des tours et détours pour les transports, ici par bateau et par cheval.

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  • Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : le mont Fuji comme vecteur du réalisme

    Si l’on prend les deux oeuvres qui suivent immédiatement La Grande Vague de Kanagawa dans les Trente-six vues du mont Fuji, alors on peut penser qu’il y a une focalisation effectivement sur le mont Fuji. La quatrième estampe montre que cela ne sera pas le cas et que c’est un symbole national utilisé dans l’affirmation du réalisme.

    Voici Vent frais par matin clair, L’orage sous le sommet et Le Fuji vu à travers le pont de Mannen à Fukagawa.

    Le contraste est saisissant entre ce qui forme deux portraits du mont Fuji d’un côté, une scène résolument typique de l’autre. Il est facile de comprendre que le mont Fuji a été mis en avant de prime abord pour bien en souligner l’importance symbolique, alors que dès la quatrième image on en revient à la première, dans le sens où l’on montre que les pêcheurs de La Grande Vague de Kanagawa n’étaient pas là pour le pittoresque de la chose.

    Sur le plan de la composition, les deux portraits du mont Fuji forment un contraste dialectique assez saisissant.

    Vent frais par matin clair
    L’orage sous le sommet

    On a en effet une situation calme pour l’un, un orage pour l’autre. Lorsque la situation est calme, les nuages sont au-dessus du mont Fuji c’est-à-dire en harmonie avec lui, en étant présent tout au long de l’estampe. Lors de l’orage, celui-ci est sous le mont Fuji, qui resplendit à l’écart de l’événement.

    On remarquera d’ailleurs que dans la première estampe, il y a une continuité complète dans le dessin de la montagne, les nuages évoluant à l’arrière-plan pour en souligner cette majesté. Dans la seconde, le mont Fuji se présenta avec un sommet difficilement inaccessible, pour ne pas dire inatteignable. Le ciel est d’ailleurs immaculé, le sommet du mont Fuji semblant relever de la même substance.

    Le Fuji vu à travers le pont de Mannen à Fukagawa est bien différent. Nous sommes ici à Edo, dans le quartier de Fukagawa, le pont de Mannen signifiant en fait le pont de 10 000 ans. Le pont passe au-dessus de la Onagigawa, un cours d’eau assez restreint qui rejoint juste après, on peut le voir, le fleuve Sumida.

    L’oeuvre est particulièrement subtile. Elle est un même une sorte de jeu d’équilibriste. On a en effet une mise en perspective s’appuyant, de manière éminemment dialectique, sur un développement inégal.

    Le côté droit du pont est davantage marqué par les arbres allant vers le fond, à l’opposé du côté gauche où la végétation semble plus proche. Il n’y a droite qu’un pecheur isolé, alors qu’au centre, tourné vers la gauche, il y a un pêcheur sur un navire (l’image se lit de droite à gauche au Japon). Le mont Fuji apparaît davantage du côté gauche, comme la personne avec l’ombrelle sur le pont.

    Si l’on se fonde sur ce sens japonais, on peut d’ailleurs voir qu’on passe en quelque sorte du simple, du particulier, au général, car plus on va vers la gauche, plus il y a de la densité.

    Pourquoi cela ? Parce que le pont est un lieu de passage, qu’il abrite d’ailleurs des vendeurs de poissons et de tortues (parfois justement achetés et relâchés dans l’esprit bouddhiste) ; il est un lieu populaire du Japon, dont on a ici une image vivante.

    C’est très exactement le sens des Trente-six vues du mont Fuji.

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  • Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : « La Grande Vague de Kanagawa »

    Durant les années 1831-1833 publie les Trente-six vues du mont Fuji, son oeuvre la plus célèbre, avec l’estampe notamment très connue qu’est La Grande Vague de Kanagawa. C’est d’ailleurs la première estampe. Sur le côté est écrit le titre de l’oeuvre et de l’estampe, « Trente-six vues du mont Fuji / au large de Kanagawa / Sous la vague », avec la signature : « de la brosse de Hokusai changeant son nom en Litsu ».

    Il y a ici quelque chose d’essentiel : le mont Fuji n’est pas le seul thème de Trente-six vues du mont Fuji, il en est seulement la base. Il est le prétexte national pour un art réaliste populaire dans son contenu.

    Dans l’estampe, on le voit ainsi en arrière-plan, alors que des pêcheurs quittant Edo repartent chez eux, se déplaçant à rebours de la vague.

    Le mont Fuji (ce qui signifie incomparable) est ainsi le seul point fixe d’une situation de tendance et de contre-tendance.

    Chaque tendance et contre-tendance est elle-même appuyée, comme affirmation générale, par des éléments particuliers : l’écume des vagues et les pêcheurs.

    En fait, si l’on observe la mise en perspective des flux et reflux, toujours en courbes, on a alors le mont Fuji comme nexus.

    Cette synthèse maniant parfaitement un agencement dialectique est d’autant plus marquant que le nombre de couleurs est très restreint, et que les traits ne visent pas à être pointilleux. Il y a une dimension assez brute.

    On retrouve le principe de faire plus avec moins. Et cette oeuvre magistrale inaugure les Trente-six vues du mont Fuji, monument du réalisme.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : l’environnement naturel

    Si la dimension urbaine est le point faible de Hokusai, l’acceptation de la Nature, sa reconnaissance, son affirmation, forment son point fort. C’est là où son expression est la plus vigoureuse, la plus en avance même car elle n’est pas que vraie, elle est aussi encore puissamment inspirante.

    C’est d’ailleurs lorsque la Nature est le support de sa démarche que la question de l’environnement architectural n’est pas simplement une illustration, serait-elle typique mais bien une réalité à part entière.

    Avec la Nature, les choses prennent tout de suite une autre dimension.

    C’est que la Nature est, au sens strict, ce qui permet le mouvement. Il faut se rappeler ici que le Japon est un archipel de plusieurs milliers d’îles, dont quatre forment la quasi totalité de la superficie : Hokkaidō, Honshū, Shikoku et Kyūshū.

    Le riz était longtemps la ressource absolue pour ne pas sombrer dans la famine et d’ailleurs durant la période d’Edo les taxes sont payées en riz par les paysans. Le caractère essentiel de la Nature est par conséquent nécessairement admis d’une manière ou d’une autre. C’est d’ailleurs au fond l’intérêt profond que trouva Hokusai dans le bouddhisme, à l’image de l’Asie historiquement.

    Exister, c’est alors se placer dans un rapport étroit avec la Nature, au quotidien, si l’on sort des grandes villes.

    La Nature, c’est la toute puissance, c’est par elle qu’il faut passer. On sait comment cette conception joue fondamentalement au Japon.

    C’est cela qui explique la focalisation sur les éléments puissamment marquants de la Nature chez Hokusai en particulier, et au Japon en général.

    On comprend pourquoi Hokusai se tourna ainsi vers le mont Fuji – et pourquoi les représentations réalistes qu’il a mis en place à partir de là sont d’une immense valeur esthétique, artistique, culturel, historique, pour le Japon comme pour le monde.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : l’environnement architectural

    Le réalisme implique d’être en mesure d’appréhender l’environnement architectural, car c’est une dimension essentielle de la culture et du rapport de l’humanité à la Nature. Mais cela est naturellement très difficile lorsque un artiste fait face à une transformation extrêmement rapide le dépassant.

    Hokusai se place à une époque où, en fait, il n’y a plus seulement d’un côté quelques grandes villes massives et des campagnes : le Japon de la bourgeoisie émergente va de pair avec une amélioration des habitations, une complexité plus grande des structures urbaines se systématisant, etc.

    C’est là le point faible de Hokusai par conséquent, car on voit qu’il ne sait pas s’il doit se tourner vers une typisation de l’environnement architectural ou une présentation empiriste.

    A rebours de cette vue générale, voici des exemples de focalisation.

    On sait comment le Japon, historiquement, par la suite, s’est littéralement brisé sur cette question du rapport villes – campagnes, avec un romantisme forcené des campagnes accompagnant un culte de l’hyper-modernité urbaine.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : les animaux

    S’il a porté attention aux figures humaines, tout autant qu’aux travailleurs dans leur caractère à la fois typique et personnel, Hokusai a également su se tourner de manière authentique avers les animaux et les végétaux.

    Il y a là non pas une envie d’accumuler les images de manière empirique, ou bien un simple paysagisme, mais bien un matérialisme réel reconnaissant la dignité du réel.

    Hokusai se tourne d’ailleurs vers des animaux extrêmement différents.

    Et, comme pour les êtres humains, on a à la fois une situation typique et une dimension personnelle de chaque animal qui est tout à fait pris en compte et valorisé.

    L’effort de personnalisation est rendu bien plus ardu pour les végétaux lorsqu’ils sont séparés de leur environnement direct, cependant on sent que Hokusai s’efforce d’aller en cette direction.

    Il va de soi cependant que c’est lorsque il y a combinaison, synthèse en elle-même, qu’on obtient les résultats les plus satisfaisants, les plus marquants.

    On voit très bien, dans l’approche de Hokusai, comment s’exprime ici le matérialisme, avec son souci encyclopédique et son affirmation de la dignité du réel, dans la contradiction entre le particulier et l’universel.

    Cela aboutit par contre, forcément, à s’éloigner du particulier qu’est le Japon, malgré des tentatives de s’en rapprocher comme la suivante.

    On notera enfin cette scène pittoresque où une activité humaine est présentée à travers des figures de rats, qui sont bien connus pour leurs entreprises collectives pleines d’efforts.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : les figures

    Dans le Hokusai manga, on trouve des figures qui sont plus particulièrement soulignées. Il s’agit de personnages historiques, de divinités. Leur présentation est sérieuse ou posée de manières propres à elles, mais dans tous les cas il y a une insistance sur une dimension personnelle. Il y a ici quelque chose qui mérite d’être souligné par conséquent, car la bourgeoisie émergente affirme, par définition, les traits personnels assumés, à rebours de l’effacement de ceux-ci dans une société patriarcale-féodale.

    Il y a une réelle dignité personnelle dans ces figures, et on peut également noter la présence de femmes, montrant comment l’époque est bousculée dans ses valeurs, le nouveau chassant l’ancien.

    On notera ici que, forcément, ces figures peuvent se voir rabaisser ou ré-hausser, dans un jeu typiquement japonais de fuite sur ce plan. Il est comme tangué et cela tient malheureusement à la nature de son époque, avec l’impossibilité pour la bourgeoisie d’assumer franchement le matérialisme, retombant dans les travers de la période d’Edo, avec ses terribles limitations.

    Le réalisme de Hokusai, en faisant un titan, est ainsi frein, mais il parvient tout de même à produire des synthèses, comme le chef d’oeuvre suivant combinant le travail, le peuple, le mouvement, les figures personnelles, de femmes qui plus est, dans un cadre national japonais.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : le mouvement

    La grande difficulté qu’il y a bien entendu dans le dessin, c’est de représenter le mouvement. Le défi est différent d’en sculpture, car dans celle-ci tout forme un bloc, alors que dans un dessin les éléments sont séparés de manière marquée. La difficulté est toutefois de rester compréhensible, de ne pas écraser le mouvement lui-même.

    Une manière dialectique de faire face au défi de la représentation du mouvement est d’en faire plus avec moins.

    On notera d’ailleurs que Hokusai parvient justement à trouver une voie, toute particulière, toute japonaise, dans ce conflit dialectique entre la quantité et la qualité. Le niveau synthétique est époustouflant.

    Cette insistance sur le mouvement est également une preuve de la nature même de l’oeuvre de Hokusai, titan de son époque.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : les objets

    Ce qui caractérise la période historique où Hokusai est actif, c’est qu’on est dans un Japon figé, et en même temps un Japon se transformant par la bourgeoisie naissante. Il y a donc une attention extrême à l’accumulation d’objets, autrement dit de marchandises, dans la réalité japonaise. Hokusai ne tombe pas dans le fétichisme, il relie toujours ces objets à leur nature concrète.

    Leur présentation a ainsi une dimension synthétique, d’orientation encyclopédique.

    On trouve d’ailleurs une mise en perspective de compréhension des objets dans leur fondement, comme dans l’Encyclopédie. Le fonctionnement et l’utilisation des armes qu’on a ici relève d’une présentation cohérente en tant que telle.

    Il s’agit à la fois de contempler et de représenter, et de montrer en ne perdant pas de vue l’esprit de synthèse. Ce n’est jamais un objet neutralisé, séparé de sa réalité concrète.

    Hokusai porte un regard matérialiste sur le travail, sur le peuple qui travaille, sur les objets employés.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : le peuple en action

    De manière essentielle, on trouve dans le Hokusai Manga une présentation des masses, dans leur dimension à la fois particulière et individuelle. C’est magistral. Non seulement, on a le travail, mais on a les masses elles-mêmes, et Hokusai parvient à relier le particulier au général.

    De manière significative, les situations sont innombrables, témoignant de la richesse infinie des masses. Et la dignité de chaque situation est tout à fait prise en compte et reflétée.

    La dimension foisonnante des masses est ici un véritable drapeau démocratique et populaire ; en ce sens, c’est une affirmation historique alors de la nation japonaise.

    On a ici clairement affaire au matérialisme, qui prend la matière telle qu’elle est. Ces deux pages sont exemplaires ici en ce que les formes des animaux et des humains sont clairement mis en parallèle. C’est là de l’analogie, de la reconnaissance de la matière en tant que telle, de ses différentes formes au dénominateur commun, un matérialisme contemplateur-descriptif comme celui d’Aristote.

    A ceci près qu’on est dans une époque de transformation et que l’activité transformatrice est au centre, comme en témoigne les situations de chaque personnage, qui sont toujours ancrés dans une activité.

    Le peuple en action, tel qu’il est, est ainsi assumé par Hokusai.

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  • Les carnets de croquis de Katsushika Hokusai : le travail

    Katsushika Hokusai (1760-1849) est le titan de l’art national japonais émergeant dans la période de domination du clan Tokugawa, dans une société patriarcale-féodale figée dont la capitale est Edo. Il représente la charge esthétique des temps nouveaux, porté par la bourgeoisie commençant à s’arracher du carcan idéologique du régime.

    Ce fut d’ailleurs tout un processus. Katsushika Hokusai est initialement partie prenante de l’idéologie dominante et ce n’est qu’à un âge avancé qu’il se produit un tournant. Initialement, sa formation relève de ce qui est alors encore hégémonique, avec les courtisanes, les acteurs, les estampes bon marché en général, etc.

    Ce qui est ici intéressant, c’est qu’il connaît plusieurs étapes, utilisant à chaque fois un nouveau pseudonyme, avec des ruptures claires ; il décide par exemple en 1785 de ne plus représenter d’acteurs. Au total, il aura utilisé plus d’une cinquantaine de pseudonymes.

    Bateaux cargo luttant contre les vagues, Hokusai, vers 1805

    Le tournant le plus marquant est la parution en 1814 d’un carnet de croquis, de 23 x 16 cm, appelé Hokusai Manga, avec dessins représentant le vie réelle, en monochrome, exprimant un effort de synthèse dans le cadre d’une vie entière de labeur au service de l’art du dessin.

    Le succès au rendez-vous et l’effort fut prolongé : le carnet se vit ajouter une seconde et une troisième partie en 1815, une quatrième et une cinquième partie en 1816, une sixième, septième, huitième et neuvième partie en 1817, et enfin une dixième partie en 1819. La onzième et la douzième parties furent ajoutées en 1834. Trois volumes furent ensuite produits après la mort de Hokusai, le dernier étant considéré comme ne relevant pas vraiment de lui, bien qu’on puisse faire le choix de considérer qu’il y a bien des œuvres de lui en faisant partie, ou relevant au moins de sa perspective.

    La dimension à la fois empiriste et encyclopédique saute bien entendu aux yeux ; on est ici dans une perspective, démocratique, matérialiste. Il y a bien des éléments surnaturels parfois, mais ils sont clairement alignés dans la perspective d’une étude populaire, de surnaturel tel qu’imaginé par le peuple.

    L’oeuvre obtint une reconnaissance immense, notamment à l’international ; l’oeuvre, déjà diffusée à Paris en 1856, est exposée par le Japon lui-même lors de l’Exposition universelle d’art et d’industrie de 1867.

    Et ce qu’il est essentiel de noter, c’est la reconnaissance du peuple et de son travail qu’on y trouve. On a ici un peuple transformateur, les masses laborieuses.

    Il y a une véritable attention portée à l’humanité dans ses activités relevant d’une notion méprisée alors par le régime, et dont la reconnaissance ne peut être faite alors que par une bourgeoisie émergente assumant la transformation de la matière. La présentation de la mine qu’on a ici est exemplaire d’une approche synthétique.

    Les masses laborieuses sont saisies dans leur réalité, mais également et surtout de manière typique. On est ici ainsi dans le réalisme et l’oeuvre de Hokusai est d’un haut niveau synthétique, on voit bien sa capacité à porter son attention sur les travailleurs, ainsi que sa volonté de parvenir à le représenter sur le plan technique.

    Hokusai témoigne de l’activité foisonnante des masses, mais également de la multiplicité des situations, des mouvements, des actions. Il trouve la perspective juste pour le présenter.

    La présence du travail, porté par des masses transformatrices, dans l’oeuvre de Hokusai, reflète parfaitement sa nature historique, porteuse de réalisme et des temps nouveaux.

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