Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • L’échec politique de Paschal Grousset

    Paschal Grousset n’a jamais été un social-démocrate. Il refusait de reconnaître la lutte des classes et ne voulait pas faire de la classe ouvrière la classe dirigeante de la société. Il était cependant un républicain progressiste et avait très bien compris le danger que représentait le boulangisme pour la démocratie.

    Il avait saisi également, dès le début, la signification et la portée historique de l’Affaire Dreyfus :

    « Il y a présomption d’injustice dans l’exécution sommaire et à huis clos d’un officier juif visiblement livré, par le ministre de la guerre, aux fureurs catholiques et romaines de l’Etat-Major général. »

    Son ouvrage L’affaire Dreyfus et ses ressorts secrets : précis historique (1893) retraçant de manière précise et détaillée le déroulement de « l’affaire » est tout à fait remarquable.

    Paschal Grousset était alors député de Paris. Il s’était fait élire dans le XXIIe arrondissement, notamment grâce à l’appuie de sociétés de cyclistes, au nom desquelles il a porté un projet de loi réglementant la circulation à vélo sur la voie publique.

    Il avait été convaincu de se présenter comme député par Alexandre Millérand, sous le mot d’ordre de renoncer aux « utopies dangereuses » (c’est-à-dire aux projets révolutionnaires). Il était proche des radicaux comme George Clemenceau et déclarait lors de sa campagne :

    « Je suis républicain, radical, patriote, socialiste.

    Je ne conçois pas la République sans l’organisation pacifique des forces productives du pays et sans l’orientation systématique de la législature vers l’intérêt du plus grand nombre.

    Si vous m’envoyez à la Chambre, je siégerai à l’Extrême Gauche, pour travailler de mon mieux à faire adopter par les députés moins avancés, mais d’intelligence ouverte aux grandes réformes, les points essentiels du mandat réaliste que j’accepte sur l’honneur. »

    Ces propos étaient cependant suffisamment radicaux pour être porté en horreur par les fractions les plus réactionnaires de la bourgeoisie, ce qui était préjudiciable à la Ligue Nationale de l’Éducation Physique.

    Cela d’autant plus qu’il était un député très actif, dénonçant l’influence grandissante de la droite réactionnaire et du nationalisme. Il n’hésitait pas à prendre à partie devant l’Assemblée des personnalités importantes comme le Général Gallifet, « fusilleur de la Commune ».

    Au printemps 1895, Paschal Grousset avait demandé au Conseil Municipal de Paris un budget pour la rénovation de la piste cycliste de la Porte de Madrid. Celui-ci lui avait été refusé alors qu’un crédit pour les travaux d’un vélodrome luxueux au bois de Boulogne par le Cercle des Patineurs avait été voté.

    Voyant-là une décision en faveur d’un projet privé et lucratif servant l’aristocratie parisienne, il avait dénoncé ce vélodrome et fait prouver des irrégularités, ainsi que des documents falsifiés et du personnel de la ville de Paris corrompu.

    Après avoir obtenu gain de cause, Paschal Grousset s’était saisi de cette affaire comme d’une tribune pour dénoncer la corruption et les intérêts privés, se portant même parti civil pour engager des poursuites contre les personnes en cause.

    La situation se retourna alors contre lui. Des personnalités lui reprochait son « jusqu’au boutisme », arguant qu’il aurait suffit de profiter de la fin des travaux pour faire avancer les projets de la ligue et ne pas s’acharner. Dans le même temps, une puissante campagne réactionnaire de calomnie avait été lancée à son encontre.

    Son prestige fut terni par son image trop radicale, aggravée par son passé de communard. Ce fut le début de la fin pour la LNEP qui ne survivra pas à cette affaire et à la réputation de son fondateur.

    Paschal Grousset refusa d’adhérer à la SFIO lors de sa fondation en 1905, confirmant là son refus de la social-démocratie et son parcours de progressiste républicain radical, vindicatifs mais finalement isolé.

    Il mourut à Paris en 1909 et ses conceptions ainsi que son apport au sport en France furent largement ignorés pendant près d’un siècle, avant d’être reconnus par quelques universitaires à partir des années 1990.

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    de la gymnastique et du sport en France

  • Paschal Grousset et la Ligue Nationale de l’Éducation Physique

    La Ligue Nationale de l’Éducation Physique (LNEP) avait pour but de toucher l’ensemble de la société française, via les institutions scolaire. Il fallait populariser de manière simple et efficace les activités physiques, sous forme de jeux.

    Elle devait adapter à la France le résultat des travaux sur l’Angleterre que Paschal Grousset avait produit sous le pseudonyme d’André Laurie. La ligue n’avait pas d’attachement à un sport ou un jeu en particulier. Le but était surtout de faire courir, sauter et marcher les enfants, notamment en plein-air, et de la manière la plus amusante possible.

    Pour autant, la volonté était d’intégrer l’éducation physique dans une filiation culturelle françaises, en appuyant sur des jeux anciens, plutôt que sur le mimétisme des sports de la bourgeoisie et de l’aristocratie anglaise. Paschal Grousset expliquait ainsi dans le journal Le Temps en 1888 pendant la campagne de la Renaissance Physique  :

    « Soyons Français ; soyons-le avec passion, même dans les petites choses ; soyons-le surtout dans les grandes, comme l’éducation de nos fils, si nous voulons que la France survive, au milieu des fauves qui rugissent autour d’elle.

    Au fort de la bataille que se livrent aujourd’hui les industries, les langues et les armées rivales, il n’y a pas de concessions sans importance : n’en faisons pas d’inutiles ! ».

    Une École Normale des Jeux scolaires a été fondée au bois de Boulogne à Paris dans cette optique. Elle était une sorte de laboratoire grandeur nature ainsi qu’un « conservatoire » des jeux français et des jeux traditionnels.

    De manière démocratique, les jeunes filles faisaient partie des préoccupations et on pouvait lire par exemple dans le bulletin de la Ligue National de l’Éducation physique :

    « D’une manière générale, la plupart des jeux recommandables pour les garçons le sont aussi pour les filles, spécialement les jeux de balle et de ballon. Mais il est des jeux qui leur sont plus particulièrement réservés par l’usage : ce sont ceux-là que nous étudierons à leur intention ».

    Dans la revue Éducation Physique, qui accompagnait les travaux de la ligue, on pouvait également trouver en 1889 une série d’articles promouvant les jeux de plein-air pour les jeunes filles : le jeu de volant (badminton), le Jeu de Grâces (sorte d’ancêtre de la gymnastique rythmique avec des cerceaux et des bâtonnets), la marelle (« un jeu éminemment français, excellent pour le développement des muscles et du poumon ») et la danse de plein-air.

    La principale réalisation de la Ligue National de l’Éducation Physique a été l’organisation des Lendits à partir de 1889. Le premier ayant été clôturé en présence du Président de la République Sadi Carnot.

    Le nom de « lendit » est issue de grandes foires commerciales et culturelles ayant lieu en France au Moyen-Âge, durant lesquelles il y avait régulièrement des démonstrations de force, des jeux, etc.

    Les Lendits de la LNEP étaient de grands rassemblements sportifs scolaires, d’abord à Paris puis dans quelques autres villes, clôturées par une parade, dans un esprit festif. Ils concernaient d’abord les écoles secondaires, donc surtout les enfants de la bourgeoisie.

    Un Lendit

    Très vite cependant, Paschal Grousset réussit à ouvrir les Lendits aux enfants des écoles primaires communales de Paris, touchant ainsi les masses parisiennes. Il estimait que :

    « Les enfants du peuple qui parlent pichadey… ont autant le droit à la santé physique que leurs condisciples des collèges et lycées qui bégaient le latin… ces enfants du peuple, nous voulons les rendre plus forts et meilleurs par les exercices de plein-air. »

    À partir de 1891 l’organisation du Lendit dans chaque discipline est faite par des clubs et sociétés de la discipline, avec intégration des règlements de chaque discipline. À la place de jeux enfantins du début, ce sont de véritables sports qui étaient pratiqués.

    Les régates à l’aviron étaient la course phare des Lendits : elles ont réuni sur les rives 18 000 spectateurs en 1889 et 30 000 en 1893. L’engouement était énorme.

    Les Lendits ne réussiront cependant pas à se maintenir. Ils ont totalement disparu en 1900 et avec eux la possibilité du développement d’un sport scolaire en France tel qu’il existe aux États-Unis d’Amérique dans les Lycées et les Universités (bien que les institutions scolaires n’aient pas la même forme dans ce pays).

    Un Lendit

    Dans le cadre national français, cet échec du sport scolaire signifie que les éléments républicains de la bourgeoisie n’ont pas réussi à encadrer le développement du sport en France, à l’intégrer strictement sous l’égide de l’État. Ils l’ont cédé à la société civile, c’est-à-dire aux différentes influences (celle des patronages catholiques, des industriels, des aristocrates, des socialistes, etc.)

    L’exemple de l’aviron est à ce titre intéressant. Paschal Grousset était un fervent partisan de ce sport, considérant que :

    « l’exercice de la rame est l’un des plus complets et des plus salutaires auxquels un homme bien portant puisse se livrer ».

    La LNEP s’était liée au Cercle Nautique de France (CNF) qui avait lui-même initié la fédération française des sociétés d’avirons et voulu faire du canotage un sport populaire, avec des initiations et des cours pour les jeunes scolaires, etc.

    Dans le même temps se développait de manière opposée l’Union des Sociétés de Rameurs Amateurs de France, crée par Pierre de Coubertin. C’est cette dernière qui a triomphé face au sport scolaire, et avec elle une ligne aristocratique et élitiste (c’est-à-dire prônant l’amateurisme), coupant les masses de ce sport.

    Aston Villa, club anglais de football, en 1899

    Le football (dont le premier nom était le football-association, en opposition au football-rugby) a connu pour sa part un développement inverse.

    L’USFSA, c’est-à-dire le sport amateur lié à Pierre de Coubertin, l’a méprisé dès le début comme sport professionnel ; le clivage avec le football-rugby en Angleterre s’étant fait justement en grande partie sur cette question.

    La LNEP qui pour sa part tenait en horreur le football-rugby pour sa brutalité, a reconnu le football-association et organisé des matchs à partir de 1892. Elle constatait qu’en Angleterre ce sport attirait les masses populaires et elle ne voulait pas se priver de cet appel d’air.

    C’est sous l’égide de la LNEP qu’est né le Club Français, la première équipe de football-association à n’être composée que de joueurs français. À l’origine en France, ce sport a concerné surtout les Lycéens, donc les classes bourgeoises, mais pas non plus l’aristocratie et la haute bourgeoisie, qui ont continué à préférer le football-rugby.

    L’USFSA a rapidement constaté le succès du football-association. Craignant le succès de la LNEP, elle est revenue sur ses positions pour finalement organiser le premier championnat de France en 1894.

    Les footballeurs de l’Union athlétique batignollaise en 1904

    La Ligue Nationale de l’Éducation Physique de Paschal Grousset a été précurseur pour le football-association et le sport populaire en général, mais elle n’a pas su maintenir ses positions. Elle s’est faite déborder par les conceptions de Pierre de Coubertin et l’opportunisme des organismes qui lui étaient liés.

    Le football-association et le cyclisme ont connu pour leur part un développement autonome et sont resté populaires, en dehors de l’amateurisme aristocratique de Coubertin. Ils se sont développés cependant sous le contrôle culturel, administratif et financier de la bourgeoisie industrielle, particulièrement via le sponsoring.

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  • Paschal Grousset et La vie de Collège en Angleterre

    Dans le prolongement de la pensée humaniste, l’éducation physique est mise en avant par Paschal Grousset comme un aspect de la production d’humains complets, capable de faire avancer l’humanité et de faire face aux difficultés de la vie. C’est ainsi qu’il écrit dans la Vie de Collège en Angleterre :

    « M. Grivaud constatait ce changement avec une vive satisfaction, et chaque dimanche, pour ainsi dire, il pouvait enregistrer un progrès nouveau dans la force et la santé de son fils. Il lui était aisé de s’assurer, d’autre part, que les études littéraires, loin de souffrir de ce développement physique, ne s’en portaient que mieux. Laurent dormant bien, parce qu’il était fatigué, avait les idées plus claires et plus nettes; il était plus capable d’attention, sa volonté était plus ferme et par conséquent moins aisément rebutée par les difficultés; les rudes exercices auxquels il se livrait lui faisaient trouver le charme de la variété dans les devoirs les plus arides. »

    Paschal Grousset décrit dans ce roman des adolescents sportifs et ayant de nombreuses activités en plein-air, en plus d’une très grande vigueur sur le plan intellectuel, par exemple dans cette réunion de discussion entre élèves :

    « « Le sujet, ce soir, est une question d’histoire : Les croisades ont-elles été favorables ou fatales à la civilisation ? C’est un joli sujet. J’ai dans mon calepin la liste des questions proposées l’an dernier, veux-tu la voir?

    — Volontiers. »

    Briggs tendit à Laurent une feuille de papier sur laquelle étaient inscrites les questions suivantes :

    Quel a été le plus puissant penseur, de Bayle ou de Montesquieu ?
    Les opinions de Grote sur les sophistes sont-elles justifiables?
    La volonté exerce-t-elle son pouvoir sur l’imagination?
    Descartes est-il supérieur comme philosophe à Bacon?
    Xerxès mérite-t-il l’exécration de l’histoire?
    Marius était-il supérieur à Sylla?
    Cavour avait-il les caractères d’un grand homme d’État?
    Les œuvres de Platon sont-elles authentiques?
    Thackeray a-t-il fait un bon usage de l’esprit que la nature lui avait départi?
    Vaut-il mieux que les articles de journal soient signés ou anonymes?
    La découverte de la photographie a-t-elle servi les intérêts de l’art?

    « Eh bien ! qu’en penses-tu? demanda Briggs.

    – Je pense que ces questions doivent être très difficiles à traiter.

    — Bah ! il suffit de les étudier et de les préparer. Il en est de cela comme de tout. » »

    Ces propos relèvent assurément d’un point de vue matérialiste : il n’y a pas de génies intellectuels, mais surtout de l’éducation, de la méthode et de la rigueur au travail.

    La volonté de Paschal Grousset n’était pas d’imiter en tous points les Anglais (il a d’ailleurs beaucoup reproché à Pierre de Coubertin de vouloir pour sa part importer strictement les mœurs anglaises en France, de manière cosmopolite). Plutôt, il défend un monde nouveau où les nations se renforcent et s’apportent mutuellement, permettant à l’humanité de s’élever.

    Le père de Laurent Grivaud dans La vie de Collège en Angleterre est ainsi un ingénieur dirigeant les travaux pour un tunnel sous la manche (qui ne verra le jour dans la réalité que cents ans plus tard). Ce tunnel n’est ni plus ni moins qu’une métaphore illustrant un nécessaire rapprochement des peuples, comme le montre cette discussion entre le père de Laurent et le directeur du collège à la fin du roman :

    « — C’est à quoi j’aurais été heureux de travailler en perçant notre tunnel sous la Manche, reprit en souriant M. Grivaud. Je laisse l’entreprise en bonnes mains, puisse-t-elle s’achever bientôt, ce serait un bienfait pour les deux pays.

    — Eh bien ! monsieur, buvons à l’heureux achèvement de cette grande œuvre, et puisse-t-elle unir à jamais deux nations qui seraient si grandes si elles savaient s’emprunter mutuellement leurs qualités. »

    Pour autant, Paschal Grousset ne se prive pas de critiquer certain aspect de l’Angleterre. Il décrit les Français comme étant fins et raffinés par rapports aux Anglais plus brutaux et directs. Son héros est à l’origine de l’abolition du faggisme (une sorte de bizutage qui dure toute l’année) et son père est à l’origine de l’introduction des mathématiques dans le collège.

    Ce passage de La vie de Collège en Angleterre est l’occasion d’un plaidoyer militant en faveur du progrès. C’est un manifeste à la raison et à la civilisation contre les barbaries féodales :

    « Harry était un homme de bonne foi ; quand il avait fait l’analyse raisonnée de la question, il n’avait pu arriver qu’à cette conclusion : le faggisme est un abus de la force et pas autre chose (…).


    Harry en aborda l’étude, fit entrer ses camarades dans les profondeurs du sujet, le tourna et le retourna sous toutes ses faces, et arriva à conclure que c’était une pratique barbare, féodale, indigne d’un peuple civilisé. Pour son compte, à dater de ce jour, il renonçait à exiger les services d’un fag ; il s’estimerait heureux s’il pouvait avoir convaincu quelques-uns de ses camarades et les avoir décidés à adopter le même principe. Il avait dit tout cela gravement, mais avec simplicité, sur le ton de la conversation, sans assumer aucun air de supériorité. Il avait découvert par hasard la vérité, et il voulait en faire profiter les autres, voilà tout (…).

    En moins de trois semaines, il ne resta plus que quelques esclaves bénévoles. Laurent eut le bon goût de ne pas triompher de cette révolution. Il se contenta d’en avoir été le promoteur. »

    La vie de Collège en Angleterre est une œuvre réaliste de grande qualité, avec une grande portée démocratique, et est tout à fait moderne.

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  • Paschal Grousset : « Porter un esprit sérieusement cultivé dans un corps vigoureux et sain »

    Né en 1844 à Corte en Corse, Paschal Grousset a suivi des études de médecine après avoir voulu intégrer l’École Normale Supérieure. Il a commencé une carrière de journaliste politique et scientifique (surtout de la vulgarisation scientifique en médecine).

    Opposant politique à l’Empire mais fervent patriote, il a pris part à la Commune de Paris en 1871 en intégrant pour défendre la ville le 18e bataillon de chasseurs à pied. Il a rejoint le comité central de la Garde nationale puis été élu au Conseil de la Commune de Paris avant d’en être le délégué à la Commission des Relations Extérieurs.

    Après l’écrasement de la Commune, il a été condamné au bagne en Nouvelle-Calédonie d’où il s’est enfui en 1874 pour rejoindre l’Angleterre.

    Il y a écrit sous différent pseudonymes dans différents journaux, en anglais ou en français. Il a également écrit de nombreuses œuvres de fiction, et notamment L’Épave du Cynthia (1885) qu’il a cosigné avec Jules Verne sous le pseudonyme d’André Laurie (il est également à l’origine de manuscrits réécrits par Jules Verne pour donner Les Cinq Cents Millions de la Bégum et L’Étoile du sud). C’est également lui qui a traduit en français le célèbre roman de Robert Louis Stevenson L’Île au trésor.

    Paschal Grousset s’est fait connaître en Angleterre pour sa capacité à décrire le peuple britannique, à la manière d’un ethnologue. Le Premier ministre William Gladstone qualifiera sont ouvrage Les Anglais en Irlande d’« œuvre la plus forte, le jugement le plus capital qui ait été porté sur la condition de l’Irlande depuis un demi-siècle ».

    Paschal Grousset

    Son credo était en fait de comparer les Britanniques aux Français afin d’en tirer ce qu’il y a de mieux pour les Français. Profondément patriotique, presque nationaliste, il était toutefois un républicain radical s’opposant franchement à la droite conservatrice, aux nationalistes et plus tard au boulangisme.

    Refusant la lutte des classes, et donc le socialisme, il considérait qu’il était possible de concilier au sein de la République les intérêts des masses populaires avec ceux de la bourgeoisie.

    Il a découvert le sport et l’importance de l’éducation physique en étudiant le système scolaire anglais.

    Ce fut alors une sorte de révélation et il exposa son point de vue dans le roman pour adolescent La vie de Collège en Angleterre. Ce roman aura un immense succès dans la jeunesse française et sera une contribution majeure au développement du sport en France.

    Le titre du manuscrit initial (1881) est La métamorphose de Laurent Grivaud. On y suit les aventure d’un jeune français décrit comme un peu lâche et fourbe, fainéant, vivant dans la « torpeur physique », mais qui se métamorphose radicalement après trois mois dans un collège anglais.

    La vie de collège est décrite dans le roman de manière réaliste comme un idéal, avec des jeunes disciplinés mais autonomes, épanouis physiquement et intellectuellement, comme le deviendra Laurent Grivaud :

    «Enfin, il se fortifiait à vue d’œil et faisait dans les divers exercices des progrès qui étonnaient tout le collège, habitué à moins de vivacité. C’est, ainsi qu’il était déjà un des bons coureurs, qu’il se rangeait parmi les cricketers d’adresse moyenne, et que son « entraînement » pour les régates avait fait de lui un des premiers rameurs.

    Sa position était donc définitivement assise dans le milieu social dont il faisait partie. Personne ne lui cherchait plus noise ; il prenait part aux amusements généraux, se livrait sans souci aux études classiques, dans lesquelles il avait un bon rang, et menait ainsi de front le perfectionnement de son corps et de son intelligence.

    Il s’était peu à peu imprégné de cet esprit excellent qui domine dans les bonnes écoles anglaises et qui pousse chaque enfant à aspirer vers un idéal de perfection général.

    Chez nous, quand un élève excelle dans une spécialité ou deux, il s’en contente généralement : l’un fait bien les vers latins, l’autre a d’ordinaire le prix de thème grec; celui-ci est connu pour ses dessins, celui-là pour sa musique, cet autre pour sa gymnastique ; on n’en voit guère qui se proposent d’être les premiers en tout.

    Il n’en est pas de même chez nos voisins : un enfant, comme un homme, s’y croirait incomplet et en quelque sorte difforme, s’il s’enfermait dans le cadre étroit d’une spécialité ; le but qu’il s’assigne et qu’il atteint généralement, c’est d’arriver à porter un esprit sérieusement cultivé dans un corps vigoureux et sain. »

    « Porter un esprit sérieusement cultivé dans un corps vigoureux et sain », voilà qui résume tout à fait les aspirations, le projet de société de Paschal Grousset. C’est sur cette base qu’il développera ensuite ses actions pour l’éducation physique en France.

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  • L’appel de l’Académie de Médecine et la campagne pour la renaissance physique

    La gymnastique ne correspondait pas à la vision du monde de la bourgeoisie libérale et modernisatrice française de la fin du XIXe siècle. Celle-ci ne voyait pas d’un bon œil l’emprise nationaliste des sociétés de gymnastique, ni leur aspect militariste, qui d’ailleurs se tourneront ensuite largement vers le boulangisme.

    La bourgeoisie libérale critiquait également la gymnastique en France comme étant devenue trop scolastique. C’était une grammaire à répéter mécaniquement mais n’ayant pas forcément un impact positif sur la santé et sur l’épanouissement de la jeunesse.

    À la même époque, le sport se généralisait en Angleterre, notamment dans les institutions scolaires, et surtout celles les plus modernes qui refusaient un enseignement trop figé. C’était une préoccupation majeure en Angleterre, manifestation de la contradiction entre le travail intellectuel et le travail manuel.

    Karl Marx l’évoque d’ailleurs dans le Livre I du Capital (chapitre 15-9) rédigé durant les années 1860, alors qu’il était à Londres depuis 1849 :

    « On trouve de plus amples renseignements sur ce sujet dans le discours de Senior au Congrès sociologique d’Edimbourg en 1853.

    Il y démontre combien la journée d’école longue, monotone et stérile des enfants des classes supérieures augmente inutilement le travail des maîtres « tout en faisant perdre aux enfants leur temps, leur santé et leur énergie, non seulement sans fruit mais à leur absolu préjudice ».
    Il suffit de consulter les livres de Robert Owen, pour être convaincu que le système de fabrique a le premier fait germer l’éducation de l’avenir, éducation qui unira pour tous les enfants au-dessus d’un certain âge le travail productif avec l’instruction et la gymnastique, et cela non seulement comme méthode d’accroître la production sociale, mais comme la seule et unique méthode de produire des hommes complets. »

    À la fin des années 1880, les éléments les plus libéraux et les plus modernisateurs de la bourgeoisie française se sont ouvertement tournés vers le modèle anglais, dans la continuité du sport aristocratique du milieu du siècle.

    Un moment clé sera l’appel de l’Académie de Médecine mettant à son ordre du jour du 8 mars 1887 la lutte contre le surmenage intellectuel et la sédentarité dans les écoles. Elle critiquait alors la condition de la jeunesse française, le manque d’hygiène, la sédentarité, le peu de place réservée aux activités physiques dans les écoles, ou alors seulement limitées à la gymnastique.

    En 1888, elle décerna son prix au Dr Fernand Lagrange pour sa Physiologie des exercices du corps.

    Fernand Lagrange

    Cela servira d’appel d’air a un large mouvement culturel, politique et idéologique, qui consistera en ce que l’on nommera plus tard une campagne pour la renaissance physique.

    Trois personnes ont joué alors un rôle majeur, d’abord idéologique puis pratique, pour le développement du sport en France. C’était des intellectuels libéraux ayant connu de prêt la situation en Angleterre :

    – George de Saint-Clair, éduqué dans des écoles anglaises, organisateur du premier cross-country en France. Il est le fondateur du Stade Français, puis de l’Union des Sociétés Française de Course à Pied, qui deviendra l’Union des Sociétés Française de Sport Athlétique (USFSA), à l’origine de la plupart des fédérations uni-sport qui verront le jour au XXe siècle.

    – Pierre de Coubertin, qui après des lectures et sous l’influence de Hyppolite Taine choisi de rejoindre l’Angleterre où il découvrit le sport dans les institutions scolaires. Il a écrit L’Education en Angleterre et résumera plus tard sa participation à la campagne pour la renaissance physique dans son ouvrage Une Campagne de vingt-et-un ans.

    – Paschal Grousset, ancien communard réfugié en Angleterre où il a étudié de prêt la société anglaise et découvert le sport. Auteur du roman à succès La Vie de Collège en Angleterre, il entre en « campagne » en publiant de nombreux article dont la plupart seront compilés dans son livre Renaissance Physique en 1888.

    Paschal Grousset

    Rapidement, Pierre de Coubertin rejoignit les positions de George de Saint-Clair et deux lignes se sont alors affrontées :

    – la première, tournée vers l’amateurisme, c’est-à-dire uniquement vers les classes bourgeoises et aristocratiques, et violemment anti-ouvrière. Le premier article du règlement de l’USFSA était ainsi :

    «Nul ne peut être admis comme membre de l’Union s’il n’est amateur. Est amateur : toute personne qui n’a jamais pris part à une course publique ouverte à tous venant, ni concouru pour un prix en espèce – oui pour de l’argent provenant des admissions sur le terrain – ou avec des professionnels pour un prix ou pour de l’argent provenant d’une souscription publique – ou qui n’a jamais été, à aucune période de sa vie, professeur ou moniteur salarié d’exercices physiques – ou qui ne se livre à aucune profession ouvrière ».

    – la seconde, celle de Paschal Grousset, qui n’entendait pas s’affronter à la bourgeoisie, mais qui n’entendait pas non-plus mettre de côté les masses populaires. Il incarnait alors une position intermédiaire, assumant d’un côté la modernité et la légitimité républicaine, refusant de l’autre d’être trop ouvertement critiqué par les sociétés de gymnastique.

    La Ligue National de l’Éducation Physique qu’il a fondé le 1er juin 1888 comptait parmi ses membres des personnalités républicaines comme Georges Clemenceau, Jean Macé (fondateur de la Ligue de l’enseignement), Michel Bréal et Ferdinand Buisson (des proches de Jules Ferry), Alexandre Millerand ou encore les écrivains Alexandre Dumas et Jules Verne.

    Les positions de Pierre de Coubertin et de Paschal Grousset étaient à l’origine assez proche, ces deux personnages ayant même échangé des lettres très cordiales, avant de se dénoncer mutuellement, d’assumer une concurrence ouverte.

    Un de leur point commun était une certaine fascination pour la Grèce antique et les Jeux Olympiques.

    La différence était que Paschal Grousset voulait les faire renaître sous une forme scolaire, et uniquement nationale : ses « JO » devait-être un grand championnat scolaire et populaire français. Pierre de Coubertin voulait pour sa part en faire une grande compétition internationale strictement amateur, donc réservée aux élites, ce qu’il réussit à faire avec les Jeux Olympiques modernes.

    La campagne pour la renaissance physique a été un succès en ce sens où elle a impulsé un large mouvement permettant la généralisation du sport en France, et notamment du sport scolaire. Cependant, ce mouvement est resté longtemps très hétérogène, avec de nombreuses organisations et institutions s’affrontant, en raison des contradictions au sein de la bourgeoisie.

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  • L’essor de la gymnastique en France

    La gymnastique en France a profondément été influencé par Fransico Amoros, issus de l’armée. Il enseignait au Gymnase Normal Militaire à Grenelle dès 1819 et est connus pour son Manuel d’éducation physique, de gymnastique et de moral, publié en 1830.

    Il y est expliqué en avant-propos que :

    « La gymnastique est la science raisonnée de nos mouvements, de leurs rapports avec nos sens, notre intelligence, nos sentiments, nos mœurs et le développement de nos facultés.

    Elle comprend la pratique de tous les exercices qui tendent à nous rendre plus courageux, plus intrépides, plus forts, plus, industrieux, plus adroits, plus véloces plus souples, ou plus agiles, et qui nous disposent à rendre des services signalés à l’Etat et à l’humanité… elle permet le prolongement de la vie, l’amélioration de l’espèce humaine, l’augmentation de la force et de la richesse individuelle et publique, sont ses résultats positifs.

    La nature ayant organisé l’homme pour agir, pour juger et pour sentir en même temps, le système du fondateur de la gymnastique en France et en Espagne n’est que l’expression et l’accomplissement de ces principes , et l’observation ou la pratique des lois de la nature humaine. »

    C’est sa méthode qui était enseigné à l’École Normale Militaire de Gymnastique de Joinville en 1852. Cela contribuera a donné une orientation largement militariste à la gymnastique en France, cet aspect étant au moins aussi important que l’aspect hygiénique.

    Sous l’impulsion de Jules Simon (que l’on retrouvera quelques années plus tard aux côtés de Pierre de Coubertin), la loi 18 juillet 1868 avait rendu la gymnastique obligatoire dans les écoles de garçons. Différentes sociétés de tir et de gymnastique furent crées en 1870, puis unifiées en 1873 au sein d’une Union des sociétés de Gymnastique de France (USGF) par Eugène Paz.

    Elles se sont largement développées dans un contexte nationaliste et hostile à la Prusse, après la défaite de 1870, mais aussi contre la Commune de Paris. La devise de l’USGF était « Patrie, courage, moralité ».

    On dénombrait en 1875 environ 250 sociétés de gymnastique affilié à l’USGF. En 1878 fut lancé une Fête de la régénération nationale présidée par Jules Simon.

    En 1881, la Ligue de l’enseignement de Jean Macé avait soutenu le ministre de l’Instruction publique Paul Bert qui instaurait l’obligation de la gymnastique et des exercices militaires à l’école primaire.

    Joseph Sansbœuf, co-fondateurs avec Paul Déroulède de la Ligue des Patriotes, fut l’un des principaux présidents de la l’USGF durant ces années, étant le seul à faire deux mandats consécutifs en 1888 et 1889.

    En 1889, ce sont plus de 10 000 gymnastes issus de 830 sociétés qui ont défilé devant le président de la République Sadi Carnot lors de la XVe fête fédérale de Paris, officialisant les liens entre ces sociétés et l’État français. À la fin des années 1880, se sont également développés des bataillons scolaires, c’est-à-dire une organisation militaire sous l’égide de la gymnastique pour les élèves.

    Cette gymnastique représentait les fractions les plus agressives de la bourgeoisie impérialiste française, partisane de la gymnastique comme mobilisation nationaliste et guerrière. Celle-ci rejetait alors le sport comme étant un divertissement libéral, elle avait besoin de la gymnastique pour mobiliser et galvaniser les masses sur un ligne pré-fasciste.

    Cette gymnastique de la fin du XIXe siècle, contrairement aux origines de la gymnastique, considérait le corps comme un outil mécanique et non un organisme. Elle considérait les articulations et les muscles isolément, ignorant au contraire du sport le métabolisme et l’importance de la respiration, de la transpiration, des battements cardiaques, etc.

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  • Hippolyte Triat, figure de la gymnastique en France

    Hippolyte Triat est une figure majeure de la gymnastique en France. Il a réfléchi de manière scientifique aux méthodes de culture physique et de renforcement musculaire.

    Il a mis au point des appareils de tirage avec des cordages, des systèmes s’apparentant à des agrès et fut l’inventeur des haltères, c’est-à-dire des barres avec des boules de poids à chaque extrémité. Il était lui-même doté d’une grande force physique et pouvait soulever des haltères de 91 kg.

    Hippolyte Triat

    Né près de Nîmes en 1812, il fut enlevé par des bohémiens à l’âge de 6 ans, alors qu’il était orphelin. Il grandit au milieu d’une troupe parcourant l’Europe et était très doué pour les arts du cirque. Il se blessa gravement à la jambe à l’âge de 16 ans en voulant maîtriser un cheval pour sauver la vie à une aristocrate en Espagne, Madame de Montsento.

    Cette dernière, reconnaissante, a alors pris en charge son éducation en l’envoyant au Collège des Jésuites de Burgos, où il découvrit des ouvrages en latin et en grec à propos de la culture physique, qu’il étudia.

    Il a par la suite fondé une première École de Culture Physique à Bruxelles, avant de venir s’installer à Paris en 1849 et fonder son gymnase de l’avenue Montaigne.

    Durant la Commune de Paris en 1871, Hippolyte Triat fut nommé directeur des exercices gymnastiques de la ville de Paris et avait prêté son gymnase (qui n’était plus avenue Montaigne) pour des réunions. Il fut condamné à de la prison pour cela.

    Les cours donnés par Hippolyte Triat

    Il lui est attribué deux ouvrages écrits en collaboration avec Napoléon Dally : De la régénération physique de l’homme par la gymnastique rationnelle (1847) et Cinésiologie ou science du mouvement dans ses rapports avec l’éducation, l’hygiène et la thérapie (1857).

    La cinésologie est un concept inventé tel quel depuis la racine grec cinèse qui signifie mouvement. Napoléon Dally et Hippolyte Triat ont voulu exprimer une nouvelle activité, différente de l’ascétisme et de l’athlétisme grec, tout en y puisant leur inspiration. Le mouvement a pour but dans leur démarche d’exercer, c’est-à-dire :

    « dégager les organes intérieurs et les membres, ôter les obstacles qui s’opposent à la liberté des mouvements naturels. »

    Il est assez proche de la pratique de la kinésithérapie, qui a la même origine culturelle (et scientifique). Les buts sont spécifiquement médicaux et réparateurs dans les deux cas, mais plus généraux dans le cas de la cinésologie, qui insiste par exemple sur l’importance de la transpiration et des efforts aérobies, alors que la kinésithérapie focalise seulement sur l’anatomie et les mouvements articulaires.

    « Pour que la gymnastique se reconstitue définitivement comme science et comme art, il faudra que non-seulement l’exercice, mais aussi le mouvement, sa forme et ses éléments mécaniques soient spécifiquement étudiés dans leurs rapports à l’anatomie, la physiologie et la pathologie. »

    L’ouvrage consiste aussi et surtout en une présentation historique très précise depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen-Âge de l’exercice physique et de son rapport à la santé, dans différentes régions du monde :

    « Nous nous sommes proposé d’écrire l’histoire des théories du mouvement et des applications qui en ont été faites à l’éducation, à l’hygiène et à la thérapie. »

    Les informations n’y sont pas toujours d’une grande valeur scientifique, beaucoup de concepts sont dépassés et il y a d’une manière générale une vision surtout empirique, reflétant un manque de connaissances propre à l’époque. C’est néanmoins un travail de recherche profond et minutieux, un document d’une grande valeur pour tous les historiens du sport et de l’activité physique.

    La gymnastique d’Hippolyte Triat a donné lieu à un véritable culte du corps, de la musculation, annonçant ce qui sera ensuite dans les années 1980 le culturisme, ou body-building aux États-Unis d’Amérique.

    Par ailleurs, le gymnase d’Hippolyte Triat en a annoncé de nombreux autre à Paris, avec un mouvement de la gymnastique se déployant ensuite de manière importante partout en France à la fin du XIXe siècle.

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  • Le sport à Paris d’Eugène Chapus et la gymnastique

    La gymnastique s’est structurée en France de manière particulière et d’abord concurrente avec le sport. À l’époque d’Eugène Chapus, le sport n’était pas encore beaucoup développé et les contradictions avec la gymnastique n’étaient que balbutiantes.

    Le chapitre consacré du sport à Paris est toutefois intéressant à cet égard et mérite d’être cité en entier. La gymnastique y est considéré comme n’étant pas du sport, mais en quelque sorte seulement un outil qui serait indispensable au sport.

    « Il est un art aimé des Parisiens, qui ne fait pas précisément partie du sport, mais qui est comme le préambule et le complément de tous les exercices dont il se compose. La gymnastique, depuis plusieurs années, marque et prospère à Paris, où elle compte de bons et nombreux établissements ; c’est à ce rudiment du sport que s’arrête trop souvent le Parisien : à notre avis, la gymnastique n’est bonne que pour prédisposer le corps aux applications variées du sport définies dans leur but.

    Le gymnase civil orthosomatique, fondé rue Jean-Goujon par le colonel Amoros, est le premier qui ai ait mérité l’attention sérieuse du public.

    La méthode amorosienne [plus connu sous le nom de « méthode d’Amoros », NDLR] obtint les honneurs d’un prix de l’Institut. Son succès fut considérable au début. A la vérité elle promettait beaucoup aux adeptes : force, fermeté, résistance, courage, agilité, vélocité, adresse, énergie, régularité, sagesse, constance, héroïsme, grâce, santé, beauté, bonté… et toutes ces promesses du programme n’étaient pas vaines.

    Ce gymnase est aujourd’hui placé sous la direction d’un homme aux façons accortes, très habile dans son art, et dont l’enseignement est aimé, un de ces hommes que les Anglais appellent un gentleman.

    Tout récemment, la gymnastique parisienne a pris un nouvel essor, grâce à la création de l’établissement de M. Triat, avenue de Montaigne, presque sous les grands arbres des Champs-Elysées. M. Triat a étudié l’Angleterre, il l’a vu attentivement ; puis, inspiré par son génie, poussé par son incroyable aptitude pour les exercices qui développent les forces et l’élasticité du corps, il s’est dit qu’il dépasserait, au profit de Paris, toutes les institutions de ce genre qui se rencontrent à l’étranger : cette promesse, il l’a accomplie en élevant un monument qui est la réalisation de la belle et poétique idée que l’antiquité se faisait du gymnase.

    Dans son aspect matériel, cet établissement est une des plus intéressantes curiosités qu’offre la vaste enceinte du quartier des Champs-Elysées, si riche en construction d’art et de goût.

    C’est une basilique élevée et profonde, autour de laquelle règnent trois rangs d’élégantes galeries en partie réservées aux spectateurs ; mais, ce qui frappe tout d’abord, c’est la profusion des cordages, des poutres, des mâts, des anneaux, des échelles qui emplissent l’intérieur, se croisent, tombent de la voûte, s’élance en fusées, se dessinent en arceaux, en trèfles, en guipures, en rosaces ; c’est une décoration fantastique où le sentiment de l’art le plus pur n’a rien à reprendre, et qui ne se compose que des indispensables auxiliaires des exercices de la gymnastique.

    Quand on a vu l’armée des audacieux élèves de M. Triat s’élancer aux mâts à son commandement, se suspendre aux cordes qui nagent dans l’espaces, marcher à la voûte sur des lignes aux inflexions multiples, sauter, franchir d’un bond des obstacles qui effrayent, puis, après la lutte et les audaces aériennes des tremplins, se jouer avec la masse des haltères et des barres de fer, courir en se repliant sur soi-même, danser comme le gladiateur de Rome, on comprend que le corps ainsi façonné, tordu, rompu, assoupli, fortifié, se trouve admirablement préparé pour les applications variées de la vie du sport. »

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  • La définition du sport par Eugène Chapus

    Eugène Chapus a fait plus qu’introduire le terme de sport en France, il est une figure incontournable ayant contribué à le définir. Il en a d’abord donné directement le sens dans son ouvrage de 1854 Le sport à Paris, puis l’a diffusé au fur et à mesure des articles du journal qu’il a fondé la même année, Le Sport, journal des gens du monde.

    Il explique dès le début du Sport à Paris :

    « Si nous n’avions adopté le mot sport, ce serait, par la vague et incomplète désignation de plaisir qu’il faudrait le traduire dans notre langue : car le sport c’est le plaisir, mais le plaisir défini, le plaisir qui, en mettant à contribution une ou plusieurs aptitudes de l’homme, lui devient une occasion d’exercice, de mouvement, de paris, de jeu, et exige toujours le concours d’un monde plus ou moins nombreux.

    Tel est le sport dans sa vaste et moderne acceptation. »

    L’importance du sport pour l’hygiène de vie est très bien saisi par Eugène Chapus, dans le prolongement des pensées humanistes au sujet de l’activité physique :

    « Les plaisirs et les déduits qu’on désigne sous le nom de sport sont d’ailleurs une nécessité hygiénique et le complément de la vie des grandes métropoles. »

    Le chapitre consacré au cirque est tout à fait intéressant pour la définition du sport, il est d’une grande valeur historique. Le cirque est d’abord présenté comme requérant de grandes qualités physiques, une grande connaissance des mouvements du corps.

    Mais il est ensuite expliqué en quoi il y a pourtant une différence avec le sport :

    « Mais ni le Cirque ni l’Hippodrome n’appartiennent au vrai sport. Il n’y a jamais sport, nous le répétons, sans l’idée accessoire d’incertitude, d’éventualité. Le sport implique rigoureusement trois choses, soit simultanées, soit séparées : le plein air, le pari et l’application d’une ou de plusieurs aptitudes du corps.

    Au Cirque et à l’Hippodrome, tout est prévu, réglé d’avance : ce sont des théâtres qui ont des spectateurs, et qui fondent quelques-unes de leurs attractions des éléments du sport façonnés à leur gré ; c’est, si on veut, le sport éreinté, galvaudé, mis à la portée du vulgaire, et qui ne peut avoir d’autre effet que d’occuper les yeux.

    Le reproche le plus mince qu’on puisse adresser au Cirque, c’est celui de la monotonie. Depuis cinquante ans nous assistons régulièrement aux mêmes exercices de voltige. Toutes ces scènes mimées sont les mêmes, quel que soit le nom dont on les décore. »

    Ce qui est expliqué en substance, c’est le caractère compétitif du sport, qui relève du jeu, de l’affrontement codifié, et non d’une mise en scène comme pour l’art. De manière encore imparfaite, l’insistance sur les paris et le jeu non « réglé d’avance » annoncent en fait le sport du XXe siècle.

    Le chapitre du livre consacré au canotage est tout à faire remarquable lui aussi à ce sujet. C’est là encore d’une grande valeur historique. Sont d’abord présentées et décrites de manière lyrique les ballades sur l’eau à Paris, très populaires.

    Voici un extrait de cette présentation :

    « Les uns remontent fièrement le courant, les autres suivent le fil de l’eau. Si le vent est contraire, ils louvoient et passent avec la rapidité de la flèche d’une rive à l’autre.

    Les heures coulent comme le fleuve, heures de plaisir bien franc, bien naïf, qui laissent au cœur le repos et à l’esprit toutes les nonchalances de l’Orient. »

    Est ensuite fait, et mis en opposition, un plaidoyer en faveur du sport :

    « Cependant le canotage renfermé dans de pareilles limites n’est point à la véritable hauteur où il doit être placé parmi les exercices du sport. De tous ces exercices, il n’en est pas de plus utile et, sauf les courses, nul ne présente un spectacle plus grandiose.

    A voir ce qui se passe à Paris, on ne s’en douterait guère.

    Le canotage, dans sa véritable acception, est l’essence même du sport ; sa gymnastique a l’inappréciable avantage d’exercer le corps et le courage à un haut degré, et, tandis qu’il offre un plaisir très vif, des récréations très poétiques, une émulation d’amour-propre, il est la meilleure école à laquelle le marin puisse se former.

    En France, on se complaît avec une certaine naïveté dans des préjugés nombreux et très-profondément enracinés contre le canotage ; on ne veut voir dans le canotage, même pour nos fils de prolétaires, que des occasions d’oisiveté bonnes tout au plus à façonner des flâneurs ; mais en revanche, on approuve on encourage chez eux le goût des arts, on leur ouvre des écoles de dessin et de musique, c’est-à-dire qu’au lieu de travailler à faire des hommes robustes, puissants de musculature, et par conséquent utiles de plus d’une manière, on fait des ambitieux qui se croient une valeur dès qu’ils savent barbouiller un toile ou chanter un rondeau.

    L’Angleterre ne procède pas ainsi.

    Elle sait trop bien quel parti on peut tirer des hommes courageux, adroits et forts ; elle sait trop de quel embarras et de quelle turbulence est l’artiste à la demi-vocation : au contraire de nous, son indifférence est pour ce dernier ; ses encouragements, ses sympathies sont pour les premiers.

    Il existe dans toutes les villes d’Angleterre des sociétés de régates, des clubs de canotiers dont les membres se composent de jeunes hommes de bonnes et nobles familles. Cambridge et Oxford ont les leurs, et c’est quelque chose de remarquable l’émulation que ces deux universités déploient dans les luttes publiques, dans les régates qui doivent décider de leur préséance.

    Le canotage en Angleterre n’est pas un jeu ; c’est une occupation sérieuse, un enseignement qui a ses disciples, ses centres, ses clubs, ses statuts, ses règlements, ses encouragements.

    L’époque des régates est toujours précédée d’une période de temps consacrée à l’entraînement des jouteurs. Les Anglais, qui mettent une grande verve d’amour-propre dans tous ce qu’ils font, n’acceptent pas volontiers la défaite, et pour l’éviter ils ne reculent devant aucune épreuve.

    Pendant deux mois celui qui doit figurer dans une joute vite de la manière la plus réglée. Il est tempérant et chaste, sa nourriture est riche sans être abondante ; il s’abstient complètement de spiritueux : c’est à cette condition qu’il peut espérer de vaincre son adversaire en résistance et en vigueur. »

    Eugène Chapus insiste tellement sur le sport pour le valoriser qu’il en rejette de manière unilatérale les balades.

    Le pavillon du Rowling-Club de Paris en 1898

    Expliquant qu’une société de régate, The Paris amateur Rowing club, s’est monté à Paris, il précise alors :

    « Cette assemblée, mi-partie anglaise et française, est destinée à opérer dans les exercices du canotage une révolution semblable à celle que le jockey-club a introduite sur le turf de France (…).

    Par elle enfin le canotage deviendra une partie du beau sport pour cesser d’être un prétexte de flânerie aquatique ou de ballade, comme ils disent. »

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  • Le Sport à Paris d’Eugène Chapus

    L’éducation physique, la gymnastique et le sport sont des produit du XIXe siècle, portés par la bourgeoisie ascendante. Ils reflétaient une exigence de modernité, dans le prolongement de la pensée humaniste et matérialiste faisant du corps une préoccupation primordiale.

    L’éducation physique, la gymnastique et le sport sont cependant des phénomènes d’une grandes complexité, marqués par les contradictions de la société et profitants d’héritages multiples. C’est ainsi que l’aristocratie française a joué un grand rôle pour le sport, car elle tentait de maintenir ses positions en apparaissant elle-aussi comme moderne au XIXe siècle.

    Le terme de sport est apparu en France dans Le sport à Paris d’Eugène Chapus en 1854. Il s’agit d’une sorte d’annuaire mondain écrit par un aristocrate dandy décrivant dans le détail un certain nombre d’activités se développant à Paris au XIXe siècle, sur le modèle anglais.

    « Mais parmi ces plaisirs, le sport occupe aujourd’hui une spéciale et belle place. 

    Depuis quelques années, le goût de la jeunesse parisienne se porte avec un entraînement de plus en plus vif vers ces divertissements aristocratiques, ces passe-temps de la belle existence, qui, éloignant l’homme des amusements qui n’intéressent que les sensations, qui abaissent et affaiblissent le caractère, mettent à l’épreuve ses aptitudes diverses, le courage, l’adresse, l’agilité, la souplesse, et le préparent plus qu’on ne le pense, en le grandissant et en le poétisant, aux carrières utiles et brillantes de la société. »

    Nombre d’activités physiques, sous forme d’affrontements et de jeux, existaient en France avant l’apparition du sport. À part le jeu de paume, qui de toutes façons avait quasiment disparu en France, ces activités physiques n’avaient pas la dimension et la sophistication des sports. Ces derniers étaient développés et structurés via les clubs, d’inspiration anglaise, et souvent même d’importation anglaise.

    Le sport est à cette époque surtout un divertissement mondain, volontairement distant des masses populaires. Les exploits, records et victoires, font partie inhérente du sport. C’est grâce à la presse qu’ils sont diffusés et valorisés.

    Eugène Chapus

    Dans Le sport à Paris, Eugène Chapus commence par décrire le turf. Il s’agit de courses de chevaux. C’est l’activité sportive la plus importante à Paris avec quatre hippodromes : le Champs de Mars, Chantilly, Versailles et le domaine de la Marche. D’autres plus prestigieux seront ensuite construits en réponse à cet engouement.

    Est déjà constitué à cette époque un jockey-club qui organise les courses ; les paris y tiennent un rôle important, annonçant la place prépondérante qu’ils auront ensuite pour les courses hippiques.

    Si le modèle anglais est copié, il y a en même temps la volonté de se démarquer, d’insister sur un art de vivre à la française, plus raffiné, plus posé et plus fin. On peut ainsi lire :

    « La physionomie de nos réunions est plus calme : on voit que la passion hippique est chez nous dans sa phase naissante, mais on peut en même temps pressentir que, sous des influences favorables, elle pourrait grandir, devenir plus ardente et plus envahissante.

    Ce que nous n’avons pas encore en cohue, en acclamations, en faste, nous l’avons en élégance et en gaieté : les places de l’enceinte du pesage sont généralement occupées, quand le temps est propice, par des dames qui, de loin ou de près, appartiennent à ce monde de sport, soit par le goût, soit par la fortune, soit par des ramifications de parenté et d’affection.

    Du moins leur présence à ces places veut le dire. Elles y sont pour ainsi dire mêlées aux hommes du jockey-club et à la foule des sportmen qui vont et viennent sous leurs yeux, les abordent, les quittent pour revenir auprès d’elles, leur apporter la nouvelle qui circule, les détails de l’incident qui survient ou la chronique qui se débite à propos d’un personnage ou d’un équipage qu’on a vu. »

    On a là cependant surtout un style aristocratique, l’auteur étant lui-même partisan de la restauration, assumant des divertissements féodaux. Ainsi la chasse à courre est décrite comme une grande activité mondaine parisienne, et considérée comme un sport :

    « La sœur jumelle des courses de chevaux est la chasse à courre. »

    Sur le modèle anglais sont repris le style et les codes de la vénerie, c’est-à-dire les chasses royales dans les bois et forêts où tout repose sur le travail des chiens. Les chasseurs étant censés montrer leur habilité à la conduite du cheval et leur capacité à suivre et diriger la meute de chiens.

    Un des ouvrages écrits par Eugène Chapus

    Cela donne lieu à un mélange baroque entre un effet de mode anglais moderne et l’affirmation d’une tradition française, de type aristocratique. L’aspect moderne, et donc sportif, est cependant très mis en avant, les récits de chasse étant l’occasion de montrer des exploits physiques, tant d’adresse et de vivacité d’esprit que d’endurance et de force.

    Il est expliqué que les chasses anglaises sont

    « plutôt des occasions de mouvement et des épreuves d’équitation que des chasses véritables »

    et que :

    « ces courses suffisent pour montrer un élégant costume de chasse, un bon et beau cheval de selle, et pour accroître l’énergie de l’estomac : c’est tout ce qu’il faut.»

    Dans le même genre d’activité glauque et macabre, le tir au pigeon en plein Paris est mis en avant :

    « Nulle part on ne trouve plus d’occasion de se familiariser avec le tir au fusil ; nos tirs sont très en vogue, et, parmi tous ceux que fréquente la jeunesse parisienne, le tir au pigeon occupe sans contredit la première place. »

    Là aussi, la dimension sportive se veut primordiale, les qualités physiques sont promues. Un adversaire choisi une corde reliée à une trappe qu’il tire, après avoir feinté plusieurs fois :

    « La trappe à laquelle elle correspond tombe, le pigeon sent l’air et s’enlève. Il ne vous a pas été possible de prévoir de quel côté le coup vous serait offert. Vous épaulez vite, car l’oiseau, dans son amour de la liberté, part d’instinct et d’un vol énergique. »

    Le tir aux pigeons sera par ailleurs l’une des épreuves officielles des Jeux Olympiques de 1900.

    Sont également mis en avant dans Le sport à Paris les salles d’armes et les maîtres d’escrime ainsi que la boxe française (qui est alors la nouvelle appellation de la savate), le bâton et la canne, mais aussi la lutte.

    La savate ou boxe française

    Le jeu de paume est présenté, tout en expliquant qu’il a alors pratiquement disparu. Il est valorisé, non pas dans sa forme populaire et réellement existante, mais d’une manière romantique, dans une forme aristocratique :

    « Ce qui prouve combien nous sommes faits, nous autres Français, pour ce genre d’exercices, c’est qu’en dépit des préoccupations vénales qui pompent et dessèchent le sentiment de la grande existence, en dépit de la prétention à la gravité, maladie de notre génération, il se succède toujours parmi nous des hommes qui en maintiennent et perpétuent les traditions. »

    De manière plus intéressante, l’engouement parisien pour la natation et les nombreuses piscines (bains) que comporte la ville de Paris est présenté de manière assez brillante, avec une description assez fine et précise de l’ambiance :

    « À l’école de natation, la suprématie des rangs disparaît dans l’uniformité du peignoir et du caleçon exigé pour tous. Il n’y a plus de distinction que dans l’art de piquer les têtes, de faire la coupe ou les coulants, de remonter, sans faiblir, les eaux du fleuve. 

    Les grands dignitaires de l’école de natation sont ceux qui risquent les têtes à la hussarde du haut du tremplin, ou qui se jettent crânement du sommet du perchoir dans le bassin ; c’est celui qui, comme M. Morissot par exemple, gagne cinq cents francs au prince de Stourdza en pariant, étant dans l’eau, de lire à haute voix pendant dix minutes, et en tenant le livre des deux mains sans l’exposer au contact d’une seule goutte d’eau.

    C’est surtout Lireux, Meissonnier, Al. Karr, Tilmant de l’Opéra-Comique, qui remontent lestement le courant du fleuve, du pont Louis XVI au Pont-Royal. »

    Le billard, le jeu de boule, l’équitation et les manèges, le patin à glace ou encore la danse, « qu’on peut appeler le sport des femmes », sont aussi présentés comme du sport.

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  • Action directe : Guerre et restructuration (1984)

    Comme toujours, face à la prise de conscience des masses, des conditions qui leur sont réservées dans le capitalisme, les Etats européens ont, en interaction avec la politique agressive des USA, globalisé et mercantilisé les gestes de révolte et de désespoir qui s’élevaient contre leurs menées.

    La pacification des esprits

    Dans une logique qui est propre à leur système de production, ils ont, en valorisant à l’extrême les gestes de refus de leur politique hégémonique, partialisé, atomisé, rendu inflationniste un mouvement qui portait en son sein les notions d’internationalisme.

    En fin de compte, l’analyse et la critique concrète de ce qui se passe et de ce qui s’est passé, n’a jamais été exprimé clairement.

    Alors que partout en Europe se développait un mouvement d’attaque, chacun, à l’intérieur de ses frontières, refusait le sort maintenant bien ancré, de la réalité impérialiste, par refus de missiles interposés. 

    Par décret étatique affirmant que « l’automne sera chaud », chacun et tous se virent concernés et naturellement chacun et tous réagirent avec la passion exacerbée de leurs habitudes quotidiennes: la révolte ou le désespoir, la violence ou la non-violence.

    L’habitude d’agir en être non concerné déploya sur le terrain les habitudes de gens concernés: la soumission, la peur, le désespoir et le besoin de survivre, en les canalisant à l’intérieur du mouvement, les opposant concrètement à toutes les intentions de construction révolutionnaire réelle. Très peu virent ou voulurent voir qu’il s’agissait d’un mercantilisme orchestré par les Etats contre tout désir de résistance dans l’avenir. 

    Qu’ils s’agissait pour les Etats européens de séparer et d’isoler toute volonté de construction révolutionnaire radicale, violente. De mobiliser et d’idéologiser les êtres des différents Etats pour les soumettre aux conséquences agressives de leur politique, en les liant au fait établi de leur hégémonie. 

    De neutraliser et de désespérer par la multitude des attitudes de soumission, la qualité qu’exprime la construction révolutionnaire radicale. L’automne chaud fut le moment d’une guerre psychologique menée par l’Etat et dont le but était de contrecarrer la possibilité de construction d’un pôle révolutionnaire radical. 

    Non pas en tant que contre-mouvement mais au sein des masses.    

    Aujourd’hui, il reste au mouvement révolutionnaire à développer dans ses avancées au sein des masses, la construction de la révolution et non pas à se laisser déterminer par les escarmouches que lui livre l’Etat. 

    Aujourd’hui, comme nous l’avons exprimé dans notre texte « Une tâche révolutionnaire, le combat international », nous pensons que l’internationalisme réel et pratique est une nécessité stratégique et non un slogan idéologique. 

    A travers des divergences et des oppositions, ce point de vue est commun à diverses organisations communistes et à divers prolétaires en Europe:  » Il [l’internationalisme] est en synthèse, diffusion de la puissance des messages révolutionnaires, de la puissance de leur critique radicale des conditions sociales existantes; il est information pour combattre ensemble et unis pour vaincre » (Groupe d’Elaboration 16 mars, Palmi 1981). 

    « La politique révolutionnaire ici est la stratégie qui conçoit l’ensemble de la résistance dans le cadre de la réalité quotidienne ici, comme processus de libération, et la comprend comme partie, secteur et fonction des luttes mondiales, dont seule l’action combinée permet d’atteindre le but. » (RAF, mai 1982) 

    Voir aussi la revendication des BR pour la construction du PCC à propos de l’exécution de Hunt. 

    Le pacifisme, lui, dans l’impossibilité, liée à ses origines sociales, de saisir la nature véritable des enjeux, l’ensemble de la stratégie impérialiste, de développer une ligne politique révolutionnaire constructive, porte en lui la raison même de son échec, et ceci s’est vérifié par son incompréhension des systèmes de valorisation mis en jeu pour l’éliminer.

     Partiel dans son expression, le pacifisme, par son échec, non seulement donne une justification idéologique à la pacification, mais il offre de plus, par sa propre pacification, la possibilité de globaliser et d’intensifier la tendance générale à la guerre. 

    « Il faut éclairci tout de suite un point.

    Ce qui caractérise la phase actuelle par rapport au conflit de 1939/1945, ce n’est pas tant la puissance des moyens de destruction que l’extension, désormais mondiale de la guerre de classe, la présence de la guérilla communiste ou l’existence de conditions favorables à son développement dans chaque coin du monde et particulièrement dans les métropoles. », (Brigades rouges, « L’Abeille et le communisme », septembre 1980.)

    Nécessités capitalistes de la restructuration

    « Plus la production capitaliste se substitue à des types de production rétrogrades, plus se resserrent les limites du marché imposées par la recherche du profit, contrecarrant les besoins d’expansion des entreprises capitalistes existantes » (Karl Marx). L’impossibilité pour le capital de connaître des phases de stagnation prolongées, la nécessité de l’accroissement des taux de profits, la crise de surproduction absolue dans les centres depuis plus d’une décennie, caractérisent l’actuelle phase historique par la généralisation de la crise. 

    Sa loi, qui tend à la reprise de l’accumulation, de l’élargissement de sa production, le pousse à mettre la main sur les zones et les pays n’étant pas encore fondamentalement entrés ou étant partiellement sortis de l’aire de production capitaliste. 

    En effet, malgré les divers systèmes politiques qui aujourd’hui partagent le monde, ce ne sont nullement des intérêts idéologiques qui sont en jeu, mais bien la réalisation de l’intérêt économique capitaliste et de la pénétration du monde par le mode de production capitaliste. 

    Aujourd’hui, lorsque les oppositions sont exprimées sur fond politico-idéologique, elles n’expriment rien d’autre que les obstacles et les contradictions que le capitalisme rencontre dans sa politique agressive d’hégémonie.

    Elles expriment son insuffisance et la façon dont il transmet celle-ci à ses mercenaires et soldats, pour ouvrir de nouveaux fronts ou pacifier ses arrières en vue de la réalisation d’un nouvel ordre mondial de domination. 

    Lorsque le capital est contraint de concrétiser par un saut qualitatif sa composition organique, lui permettant une valorisation maximale de la révolution technico-industrielle, il ne le fait qu’en détruisant « les forces de production superflues » et les moyens de production dépassés. Et cela tant en termes de valeur qu’en termes physiques. 

    Sa lutte pour s’assurer la suprématie sur le marché mondial est quotidiennement vécue par les masses planétaires, confrontées aux réponses technologiques et militaires qu’il apporte, aux limites infranchissables, inhérentes à son expansion.

    Et les masses vivent de plus en plus sous des formes de domination brutale et de pénurie, d’expropriation totale de tout moyen de survie: guerre, chômage, faim, paupérisation et pacification. 

    Tandis que la généralisation de la crise dévoile toujours plus la symbiose démocratie-guerre (mondialisant la guerre comme condition objective de sauvegarde de la démocratie), pour la perpétuation de l’unilatéralité des échanges et de la domination du marché mondial par l’Occident, tout en accroissant la misère, cette misère « qui fait que le Lazare prolétaire sort de la tombe du manque de ressources pour entrer dans le bagne de la fabrique où il subit les tourments du sur travail et vice-versa.

    Et, si cette misère augmente, c’est parce qu’augmente sans cesse le nombre des prolétaires enfermés dans l’alternative impitoyable: ou bien s’échiner pour le capital ou bien crever de faim.

    C’est uniquement dans le mode de production capitaliste que le travailleur crée lui-même les conditions de sa déchéance – du chômage croissant – au fur et à mesure qu’il développe les forces productives ». (Marx). 

    Dans la pratique, la multiplication de la sous-traitance, l’élargissement de la cordination par l’informatique des noyaux de fabrication, leurs modalités, l’intérim soulignent la perte en qualité de la force productive humaine nécessaire (les travailleurs); qualité transmise de fait au moyen de production en tant que capacité créatrice, mais génératrice pour l’homme, de manque, de besoins insatisfaits, condition nécessaire à l’accumulation du capital. 

    Aujourd’hui, les deux axes de la restructuration sont : la réalisation simultanée de l’unilatéralité de l’accumulation et le développement d’une « économico-idéologie » de guerre, capable de perpétuer l’offensive guerrière des démocraties, développant parallèlement un projet politique de pacification et de collaboration, dans les centres et dans les périphéries, sous l’égide d’un nouvel ordre de domination mondiale. 

    C’est dans ce but qu’est conçu le développement et l’utilisation du militarisme.

    Il permet de soumettre les moyens de production et les forces productives des pays périphériques, en concrétisant par les armes la recolonisation existant de fait par la dépendance économique et politique du tiers monde et des pays socialistes.

    Tandis que dans les métropoles, la pacification s’accompagne d’une colonisation des esprits et des corps en canalisant la « terreur sourde régnante » par une militarisation de l’économie. 

    En fait, dans le mouvement que le capital impulse et dans ce que détermine le militarisme, il ne s’agit plus seulement de la simple reproduction du capital par celle de la force de travail (société de consommation, chûte des taux de profits par la stabilisation des forces et le développement antagoniste de leurs qualités), mais de la reproduction productive du capital par la consommation directe, l’attachement des forces productives à une nouvelle notion de quantité et de sécurité fondée sur la violence et la terreur quotidienne que le capital développe pour sa survie existentielle, par la guerre dans le tiers monde et la menace de nucléarisation des conflits économio-stratégiques. 

    « La tendance à la guerre vit dans chaque aspect des rapports sociaux capitalistes jusqu’à arriver sous une forme contradictoire dans la conscience même des prolétaires », (BR, Colonne Walter Alasia). 

    Le nouveau consensus ainsi recherché, tout en déplaçant la production hors de l’usine pour neutraliser les antagonismes de classes qui y étaient une dimension centrale, centralise alors la société comme unité et cause de production du militarisme: Décomposition et différenciation n’opèrent pas seulement au niveau matériel, mais au contraire ont un objectif beaucoup plus ambitieux; transformer l’ouvrier en « homme du capital », pur appendice, sans vie et sans histoire, de la machine. Et cela n’est possible qu’en anéantissant la mémoire historique collective de la classe ouvrière » (BR, Colonne Walter Alasia).   

    OTAN, instrument d’unification politique et militaire du capital

    Aujourd’hui l’OTAN est la forme particulière que prend l’impérialisme pour généraliser au travers de son mode de production, son hégémonie. 

    L’impérialisme s’est doté d’un système transnational d’offensive extérieure et de contre-révolution intérieure. L’OTAN s’est l’instrument total et totalisant de la propagande du système absolu.

    Il agit comme coordination globale de la croisade du monde « libre », c’est-à-dire des intérêts fondamentaux multinationaux. Graduellement, l’OTAN a abandonné son rôle seulement militaire pour gérer des stratégies politiques et économiques. Aujourd’hui l’OTAN signifie guerre impérialiste et contre-révolution intérieure. 

    L’OTAN est unité productrice de destruction des antagonismes de classe grandissants, face à « un monde de la richesse qui enfle devant l’ouvrier comme un monde qui lui est étranger et qui le domine à mesure qu’augmentent pour lui, pauvreté, gêne et dépendance. » (Marx), et l’expression de la crainte que les capitalistes ont de ce que les incessantes guerres de l’ère impérialiste fassent entrer des millions et des millions d’hommes et de femmes dans la masse de ceux qui n’ont plus rien à perdre. 

    En tant qu’unité de production destructrice, l’OTAN ne vise pas tant à la destruction par la guerre de structures étatiques étrangères que, plutôt et surtout, à la conquête de territoires nouveaux pour le mode de production capitaliste, et à la soumission des prolétaires du monde entier à celui-ci. 

    La tendance à la guerre des Etats impérialistes s’exprime aujourd’hui par la nécessité de soumettre la classe prolétaire de plus en plus à son hégémonie, en mondialisant son mode de production. C’est la condition aujourd’hui de l’accumulation. Aussi, attaquer, aujourd’hui, l’OTAN, c’est anticiper l’émancipation prolétarienne de toutes les formes d’exploitation et d’oppression.

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  • Action directe: contre l’Institut Atlantique (1984)

    Nous avons attaqué l’Institut Atlantique, cellule de réflexion et de propagande d’articulation impérialiste. 

    Son importance n’est pas à démontrer: nous l’avons choisi pour initier une nouvelle aire d’offensive politico-militaire, car bien plus que la Commission Trilatérale qui n’insère pas au sein de ses réflexions l’aspect matériellement militaire, l’Institut est un point de convergences pratiques entre les divers secteurs du capital international, la recherche dite scientifique et son application militaire.Toute son infrastructure dirigeante est une preuve de cette affirmation. 

    La direction est entièrement américaine, inféodée à l’OTAN. Au plus haut niveau des structures de cet institut, on retrouve des représentants du capital transnational, c’est ainsi que l’Italie est représenté par Agnelli, PDG de la Fiat.

    Le financement est opéré par des entreprises privées et par des entreprises étatiques, telles que le Crédit agricole, Elf Aquitaine ou la Régie Renault, mais c’est surtout l’OTAN lui-même qui assure le financement principal.

    Les listings comptables, tous les brouillons de lettres que nous avons trouvés en deux ans de surveillance, démontrent que cette officine de l’OTAN est l’une des plus importantes courroies de transmission en Europe de l’Ouest.

    les derniers travaux de l’institut révèlent les préoccupations de l’OTAN en Europe: restructuration industrielle, implantation des missiles, unification d’une Europe militaire et économique sous l’égide de l’OTAN.

    Le simplisme qui ne veut voir l’impérialisme que comme un système global de surpuissance dominant tout, centralisé en un commandement général, que ce soit Washington, New York ou Disneyland, ou l’analyse contraire qui ne comprend l’impérialisme que comme une machine n’ayant des incidences ou ne pouvant être résolue qu’au quotidien, constituent les deux pièges qui conduisent à un renforcement de l’impérialisme par une fausse praxis.

    Abattre aujourd’hui le système de domination impérialiste – celui du capitalisme à son stade de développement actuel, implique la nécessité impérative de l’organisation politique et militaire internationale des éléments conscients de la classe – afin d’attaquer et de désarticuler à tous les niveaux de commandement, le système impérialiste.

    De la capacité à s’organiser des éléments avancés du prolétariat des métropoles dépend la réalisation ou l’échec des projets de l’impérialisme: surexploitation, guerres, anéantissement, mais de cette organisation communiste dépend aussi la possibilité pour le prolétariat de sa libération dans la guerre de classes vers une société communiste.

    La révolte ou la résistance individuelle ou de mini-groupes ne peut se comprendre que comme le reflet partiel de l’antagonisme de classe et non comme transformation collective du rapport de forces dans cet antagonisme; de même que toute apparition ponctuelle – même militaire n’est pas un élément qui peut déterminer un affrontement réel, c’est-à-dire politique s’inscrivant dans une stratégie de lutte des classes.

    Aujourd’hui, s’organiser, ce n’est pas seulement lier les individus et les pratiques antagonistes dans un système informel ou formel d’apparitions ponctuelles.

    S’organiser, c’est unifier toujours plus les pratiques différentes dans une analyse et une stratégie concrètes d’attaque, de destruction/construction, c’est dépasser les errements et la désorientation individuelle, mini-collective, dilettante, engendrée par le caractère contradictoire des rapports de domination impérialiste, par un développement analytique, pratique et commun.

    C’est construire sur le terrain de l’affrontement par la pratique, le débat, la réflexion, la confrontation, la ligne politique qui permette à chacun et à tous d’être les éléments conscients et responsables au sein de l’organisation, de la globalité de l’affrontement. D’en être les germes et les fruits.

    L’organisation dans les métropoles aujourd’hui sert les éléments communistes qui oeuvrent ensemble afin d’unifier un maximum de réalités antagonistes, par une stratégie révolutionnaire véritablement capable d’armer le prolétariat de la volonté de s’armer.

    Le rôle historique du prolétariat ne réside pas tant seulement en ce qu’il est, comme producteur collectif, le pilier de ce système, mais aussi en ce que comme producteur collectif, chacune de ses erreurs, chaque repli, chaque défaite alourdisse le poids de ses chaînes et renforce le pouvoir qu’il aura plus tard à subir et à vaincre.

    L’historicité de son rôle réside en ce que dans l’alternative de construire un monde qui lui est étranger, même avec les avantages partiels que le capital lui concède, son choix est – soit de décider de le détruire pour s’émanciper et vivre comme des êtres humains, soit de s’enchaîner en participant consciemment ou non à l’extermination de ce monde par l’impérialisme.

    Pour nous, en tant que communistes – fraction organisée et combattante du prolétariat – c’est consciemment que nous avons choisi en refusant toute suprématie et détermination extérieure à la classe.

    Rompre les chaînes pour articuler nos forces en pratiques concrètes d’attaques Nous sommes tout aussi conscients qu’étant partie de la classe, ce n’est qu’en développant simultanément la force de la classe et ses victoires que nous développerons la conscience nécessaire à son organisation pour d’autres victoires.

    Mener le combat dans les métropoles avec les révolutionnaires d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie
    Construire l’organisation à partir des usines et des quartiers
    Guerre de classe contre guerre impérialiste
    Solidarité avec tous les révolutionnaires emprisonnés
    Pour l’unité des communistes dans l’offensive contre le capital – celui des multinationales, de l’OTAN
    Unité stratégique des organisations communistes combattantes dans le développement de la guerre de classe

    Le 11 juin 1984
    Unité combattante Ciro Rizatto
    Action directe

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  • Action directe : contre Dassault et Hispano (1984)

    Nous avons attaqué l’usine Dassault à Saint-Cloud.

    Parce que toute action n’a de sens que dans un processus vers l’organisation révolutionnaire des prolétaires, cette action ne tend pas uniquement à la destruction d’un élément de production (en l’occurrence « le meilleur constructeur et celui qui a le plus d’avions, d’armes en Europe » aux dires de son PDG, Bruno Claude Valliers), mais aussi à situer notre attaque dans une stratégie globale, offensive.

    Le but est la construction d’une politique prolétaire armée contre la stratégie d’extermination que réalisent matériellement les Dassault et consorts. 

    Aujourd’hui, aucune action armée ne peut se concevoir hors d’un processus de développement organisationnel de l’affrontement de classe, hors de l’élargissement politique, militaire et structurel des fractions organisées du prolétariat. 

    Ce qui est principal, c’est la contradiction entre prolétariat international et bourgeoisie impérialiste. Se situer en tant que communistes dans cette réalité, c’est développer la lutte du prolétariat international, c’est-à-dire sortir du cadre formel de la réaction et de la riposte en portant dialectiquement nos actions sur le terrain de l’anticipation et de l’attaque, en développant cette contradiction en guerre de classe. 

    Pour nous communistes, la logique de l’entreprise Dassault – dont l’histoire reflète fidèlement celle du capital en France après la seconde guerre mondiale, et qui a pris son essor au niveau mondial lors de la guerre du Vietnam, occupant les marchés délaissés par les Etats-Unis, quintuplant son chiffre d’affaires en vendant près de 1500 Mirages de par le monde – se place pleinement et activement dans la stratégie impérialiste. 

    La restructuration entreprise dès les années 70 lui a permis de développer la capacité et la faculté d’être, sur le plan industriel « le réalisateur matériel » de cette stratégie, tant au niveau de l’exploitation et de l’oppression que de l’appauvrissement et la misère qui en découlent. 

    C’est à partir de cette avancée au plan mondial que Dassault a pu devenir au sein de l’industrie civile et militaire, l’entreprise de pointe restructurée exemplaire et économiquement saine (puisqu’elle a réalisé en 1983 un bénéfice net de 394 millions de francs, enregistrant une augmentation de son chiffre d’affaires de 3% par an), sur laquelle peuvent se greffer les projets politico-militaires actuels de l’impérialisme. 

    Le développement d’entreprises comme Dassault se fait face et contre les besoins, les luttes et les guerres de libération du prolétariat international. De telles entreprises sont l’expression de la connexion et de l’homogénéisation des structures politiques, économiques et militaires de l’impérialisme. 

    Acculé par la prise de conscience et par la pratique du prolétariat international, l’impérialisme américain est aujourd’hui de plus en plus contraint à s’engager dans des zones « déstabilisées » comme l’Amérique centrale ou le Moyen-Orient, et de sauvegarder sa puissance de pression ainsi que sa centralité stratégique contre l’Union soviétique et les pays de l’Est, en renforçant le processus d’unification de l’oppression sur le territoire européen par le développement de structures politiques, économiques et militaires homogènes. 

    L’apparition de ces structures n’exprime nullement l’existence de frictions au sein du système capitaliste mondial, mais indique que la stratégie impérialiste a besoin de ce palliatif structurel, qu’il a besoin d’une structure européenne de domination qui ait la capacité et l’agressivité nécessaire pour résister à la lutte du prolétariat européen tout en étant capable sous le contrôle de l’OTAN, de développer sa faculté d’intervention et de domination politique, économique et militaire contre le prolétariat international. 

    « L’américanisation de l’Europe ce n’est pas seulement Mac Donald, Coca Cola, les « nouveaux pauvres ». 

    C’est au travers d’une méthode d’exploitation et d’oppression probante, la cristallisation d’un capitalisme guerrier et de structures politiques de pacification. Ce sont des structures de guerres et de pacification que nous avons attaquées par nos différentes interventions:

    – le service informatique de recherche en matière d’armement

    – l’Institut atlantique comme centre de réflexion de l’OTAN

    – la Délégation du ministère de l’Industrie à l’approvisionnement interallié de carburant

    – l’ESA (Agence spatiale européenne), qui concrétise les décisions politiques, industrielles et militaires dans le domaine de l’espace

    – l’UEO comme articulation structurelle du projet militaire, économique et politique de l’OTAN en Europe

    – et aujourd’hui Dassault, en tant que l’un des maîtres d’oeuvre de projets essentiels au processus dintégration au niveau européen

    – l’ACX, avion de combat des années 90 dont la production en série doit se faire avec des partenaires européens (Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne, Italie) et qui représente un marché « fabuleux » de 800 avions;

    – l’utilisation militaire de l’espace à laquelle Dassault participe déjà activement par sa collaboration étroite avec l’Aérospatiale, par la fourniture du système pyrotechnique d’Ariane et dont il compte bien être encore un élément central avec l’étude de la navette spatiale européenne Hermès. 

    Les multiples concertations depuis le printemps dernier entre la direction de Dassault, ses principaux sous-traitants et partenaires (l’Aérospatiale) et Christian Lenzer (appartenant à la CDU, parti chrétien-démocrate en Rfa, membre du comité permanent de l’Assemblée de l’Ueo, responsable des questions scientiifiques), démontrent le degré concret d’avancée de l’homogénéisation des structures d’exploitation et d’oppression en Europe. 

    Lorsqu’un Lenzer, l’un des dirigeants de la Cdu travaille aussi bien avec un député Ps, comme Pignon qu’avec un démocrate-chrétien tel l’Italie De Poi ou le conservateur Frazer, il est complètement imbécile de concevoir l’oppression ou la libération en termes de partis politicards. D

    u socialisant Gonzales à la « dame de fer » en passant par les différentes composantes du panorama politicien européen, c’est la même stratégie qui se développe: homogénéisation politique, restructuration économique et unification militaire contre le prolétariat international. 

    Ces attaques contre diverses articulations stratégiques de l’impérialisme américain et de ses alliés sont l’expression d’un mouvement plus large qui, à travers ses concrétisations en Europe, montre la nécessité et le besoin d’un développement cohérent dans la continuité, dont le sens général est: la reprise de l’offensive. 

    C’est dans ce sens que travailler à une stratégie de libération communiste du prolétariat signifie regarder le présent avec le regard du futur, parce que la fonction historique des communistes, en tant que fraction et avant-garde organisée du prolétariat est de comprendre le mouvement du capital dans son ensemble, en lui permettant aussi de détruire et de désarticuler ses projets d’exploitation et de mort, et de comprendre le mouvement de classe, afin de déterminer dans un rapport dialectique avec elle, le développement de la conscience révolutionnaire du prolétariat.

    Unité combattante Ciro Rizzato
    Action directe

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  • Action Directe: Une tâche révolutionnaire, le combat international (1984)

    Il s’agit aujourd’hui de concevoir l’Europe occidentale comme un territoire homogène où la construction d’un pôle révolutionnaire unitaire est possible. Cela signifie considérer le prolétariat de la métropole comme une classe unique, répartie sur des territoires différents, mais qui ont des caractéristiques fondamentalement semblables.

    Concrètement, nous ne considérons pas la recomposition de l’ensemble des prolétaires européens en une fraction prolétaire unique comme une chose acquise. Mais le terrain stratégique que nous choisissons dans la phase actuelle est celui de la construction de l’organisation internationale du prolétariat d’Europe de l’Ouest.

    Et nous cherchons à généraliser dans cette stratégie les particularités et les spécificités des différentes réalités des divers prolétariats nationaux.

    Considérer le prolétariat d’Europe de l’Ouest comme une réalité unique veut dire rendre dynamique ce que le capital multinational rend statique par la division formelle de l’Europe en divers états nationaux.

    Alors que ce même territoire n’est, pour le capital multinational, qu’un espace stratégique avancé de marché et de production.
    Il est le centre des conflits économiques et de pouvoir de toutes les multinationales mondiales (américaines, japonaises, allemandes, anglaises, françaises, italiennes).

    Et les gouvernements des différents états nationaux constituent de plus en plus les simples paravents des luttes internes au capital multinational, chacun d’entre eux constituant un terrain où coexistent et s’affrontent les intérêts des multinationales.

    En Europe, si le capital multinational se présente divisé « , au niveau du pouvoir et des rapports internes à chaque Etat, dans son rapport avec la classe, il n’en a pas moins un comportement unitaire dans l’exploitation et la répression du prolétariat.

    L’Europe de l’Ouest, tant comme marché qu’au niveau de la production, constitue un territoire unique sur lequel le capital multinational projette, programme, réalise et impose sa logique de profit.

    Toutes les structures de production et de marché d’Europe de l’Ouest sont en fait multinationalisées. Ce qui permet au capital multinational de jouer sur les divisions nationales du prolétariat, tant en terme d’exploitation que de répression.

    Et cela afin de gérer les conflits de classe qui explosent sur un territoire donné de façon spécifiquement régionale, en évitant ainsi la diffusion des conflits à l’échelle européenne.

    Cette division du prolétariat européen permet au capital multinational d’intervenir avec le maximum de brutalité dans les territoires où l’intensité de la contradiction de classe empêche toute médiation. Dans le même temps, celui-ci peut maintenir dans les autres territoires d’amples rapports de médiation et de liberté formelle.

    La régionalisation et la circonscription des conflits de classe dans un territoire défini laissent intactes les possibilités de pacification et de médiation dans les autres.
    Au cours des trente dernières années, les crises cycliques qui sont intervenues dans toute l’Europe ont été résolues et dispatchées, à des moments et avec des moyens différents, sur l’ensemble des territoires, évitant ainsi la généralisation des conflits de classe que produisaient ces crises.

    Elles ont été le résultat d’un même cycle de restructuration qui a investi l’ensemble de l’Europe et a frappé les différents territoires nationaux, à commencer par les territoires les plus avancés, la France, la RFA et la Grande-Bretagne, suivis ensuite par l’Espagne, moins développée.
    Ce processus a touché non seulement la structure productive, mais aussi la structure sociale et urbaine.

    Il a vu se développer une véritable métropolisation des territoires.

    Ce qui se traduit par le fait que le contrôle, la médiation, la décomposition et la différenciation du prolétariat se développent d’abord dans les secteurs nationaux les plus « avancés « , pour être ensuite systématisés dans les autres secteurs présentant ces caractéristiques.

    Cette systématisation fut générale, rapide et efficace.
    Le discours conceptuel fut rapidement stratifié, pacifié et redéfini selon les multiples changements qui intervenaient dans le cycle de crise du capital multinational. Il fut aussi marqué par le développement de la concurrence économique et de pouvoir en son propre sein.

    L’homogénéisation de l’Europe de l’Ouest est déterminée tant par le niveau actuel de développement et de crise du capital multinational mondial que par la phase actuelle de tendance à la guerre.

    Dans toute l’Europe, le cycle crise – restructuration – crise se développe simultanément. L’équilibre entre les territoires pacifiés et ceux qui le sont moins tend donc à se rompre, la crise et la tendance à la guerre contraignant de plus en plus le capital à se situer dans un même rapport avec l’ensemble du prolétariat.

    Il doit alors rompre avec sa tactique de médiation pour imposer par la violence les restrictions économiques, un accroissement de l’exploitation et de la logique de guerre impérialiste.

    La restructuration de la production (dans l’automobile, la chimie, dans le secteur énergétique) et la logique de guerre impérialiste prennent alors une dimension concrète immédiate: les licenciements massifs, la réduction généralisée des dépenses sociales et publiques au profit des dépenses militaires, l’installation des missiles nucléaires, la création de la Task force et le renforcement de la mission historique de l’OTAN, afin de faire face aux éventualités que suscite cette tendance.

    Apparaît alors pour le prolétariat métropolitain européen, une seule et unique réalité: celle de l’exploitation et de la répression brutale pour satisfaire les exigences que la crise impose au capital multinational. La réalité d’être condamné à devenir la  » chair à canon  » des prochains conflits, et en attendant, la  » chair à profit  » de l’impérialisme, en Afrique, au Moyen-Orient, etc.

    Travailler à la recomposition révolutionnaire du prolétariat en Europe ne suffit donc pas.

    Mais cela devient possible. Parce que tout ce que nous construisons aujourd’hui, au sein de cette stratégie, comme développement, même minimal, de la conscience révolutionnaire par rapport à la crise et à la tendance à la guerre, avec toutes les conséquences possibles de l’ensemble des contradictions de classe, tout ce que nous construisons donc, même à une échelle minime, se développera et se multipliera demain, oeuvrant ainsi à la construction de l’organisation de masse du prolétariat européen.

    Travailler à une stratégie de libération communiste du prolétariat signifie regarder le présent avec le regard du futur, parce que la fonction historique des communistes, en tant que fraction et avant-garde organisée du prolétariat, est de comprendre le mouvement du capital dans son ensemble, en lui permettant ainsi de détruire et de désarticuler ses projets d’exploitation et de mort, et de comprendre le mouvement de la classe, afin de déterminer, dans un rapport dialectique avec elle, le développement de la conscience révolutionnaire du prolétariat.

    Dans la phase actuelle de crise générale du capital et de la tendance à la guerre, tout ceci impose de travailler à construire l’organisation internationale du prolétariat d’Europe de l’Ouest.

    Cela signifie concrètement travailler, dans chaque territoire, en partant de sa spécificité et de ses particularités, à favoriser le développement de la conscience prolétaire en termes internationaux.

    Pour recomposer le prolétariat comme classe révolutionnaire, il faut favoriser la meilleure circulation des expériences de lutte prolétarienne et de l’expérience des organisations révolutionnaires, en rompant ainsi avec la différenciation entre territoires plus ou moins pacifiés, et cela afin de propager la conscience révolutionnaire dans l’ensemble du prolétariat.

    Il est actuellement nécessaire de travailler dans les mouvements de masse qu’exprime ce prolétariat.

    Ces mouvements sont aujourd’hui extrêmement contradictoires parce qu’ils sont soient des mouvements partiels et spécifiques (territoriaux, liés à la réalité d’un territoire) contre les restructurations, les licenciements, la réduction des dépenses sociales, soient des mouvements généraux contre la guerre et la politique impérialistes qui ne réussissent pas à dépasser le discours défensif ou strictement pacifiste.

    La présence massive de la gauche institutionnelle dans ces mouvements tend pour l’heure à leur insuffler une ligne politique réformiste et révisionniste qui bloque toute perspective de développement de la conscience révolutionnaire.

    Mais il y a, objectivement, dans la phase actuelle, une incapacité politique des révisionnistes et des réformistes à offrir des débouchés crédibles au mouvement des prolétaires. Avec la tendance à la guerre et le développement de la crise, toutes les potentialités de médiation sont rompues.

    A toute lutte ouvrière contre la restructuration et les licenciements, le capital répond par de nouvelles restructurations et de nouveaux licenciements.

    Les partis  » de gauche  » et les syndicats se démasquent de plus en plus comme la représentation politique des multinationales au sein de la classe.

    A chaque manifestation contre la guerre, le capital répond par l’implantation de nouveaux silos de missiles, par l’augmentation des dépenses militaires et par la préparation pratique à la guerre. Les gouvernements sociaux-démocrates se dévoilent de plus en plus clairement comme des gouvernements bellicistes à la sole de l’impérialisme multinational.

    Les mouvements des masses prolétariennes expriment actuellement de grandes contradictions, mais aussi de grandes potentialités.

    Il faut avoir présent à l’esprit que ces mouvements naissent d’un prolétariat décomposé, différencié, parcellisé. Les restructurations, l’informatisation sociale, la militarisation et la répression ont détruit sa mémoire historique révolutionnaire, telle qu’elle existait dans les années soixante et soixante-dix, alors que se développaient les luttes de la classe et des nouvelles générations prolétariennes.

    Ce n’est pas par hasard que nous parlons de prolétariat métropolitain. Car il se caractérise de manière contradictoire, à la fois par son haut degré de décomposition et par un haut niveau d’antagonisme social et de refus du mode de vie capitaliste.

    Nous disons donc que ces mouvements de masse sont à la recherche de débouchés de libération et de réalisation de leur propre richesse sociale. Mais cela ne peut passer que par la destruction du capitalisme et la construction d’un parcours de libération communiste.

    Ces mouvements sont des terrains concrets de travail pour tous les mouvements révolutionnaires européens. Cela veut dire travailler à la démystification du discours révisionniste et réformiste, à la propagande constante dans ces mouvements autour des tactiques et des stratégies du mouvement révolutionnaire, de ses contenus, de ses instruments, de ses pratiques, à la construction de structures organisées d’information, de débat, de développement de la conscience de masse révolutionnaire, à la destruction de toutes les déterminations matérielles de la domination du capital qui empêchent le libre développement du mouvement et à la destruction de toutes celles qui favorisent l’exploitation et la guerre.

    Le mouvement révolutionnaire dispose de réels instruments pour développer son activité, tels que l’analyse marxiste pour comprendre la réalité, la politique révolutionnaire comme pratique pour la construction des organisations de masse et la lutte armée comme instrument de destruction matérielle du capital.

    Ce sont trois instruments stratégiques qui, dans leur rapport dialectique, développement réellement la dynamique construction/destruction.

    Construction de la libération communiste/destruction du capital. La méthodologie marxiste sans la politique révolutionnaire et la lutte armée dégénère en théorisation statique de la réalité.

    La politique révolutionnaire sans les deux autres éléments s’abstrait du réel, tandis que la lutte armée seule sombre dans l’impasse militariste.

    Pour toutes ces raisons, seul un rapport dialectique entre tous les instruments historiques de la lutte révolutionnaire permet la réalisation et la concrétisation des contenus de la libération communiste et de l’émancipation du prolétariat.
    Et cela pour construire un système social basé sur le libre-développement de l’individu.

    Notre identité de communistes révolutionnaires est basée sur un rapport symbiotique et dialectique entre le contenu de libération et les instruments historiques nécessaires à sa réalisation.

    Dans la phase actuelle, l’identité communiste révolutionnaire retrouve d’énormes possibilités de développement concret dans le rapport dialectique entre organisation communiste révolutionnaire et mouvement de masse prolétarien, à l’intérieur de la stratégie de construction de l’organisation du prolétariat d’Europe de l’Ouest.

    Le développement d’un parcours unitaire incluant les différentes expériences des organisations révolutionnaires d’Europe de l’Ouest pour la construction d’un pôle révolutionnaire unitaire constitue un premier pas vers la recomposition du prolétariat européen.

    Et cela ne signifie pas une somme figée de toutes les expériences, parce que chaque expérience s’est développée dans des conditions différentes et a eu des méthodes différentes en fonction des territoires où elle s’est développée.

    Toutes ces expériences, si elles avaient des caractéristiques similaires, avaient aussi des spécificités qui ont notablement influencé leur développement au cours des dernières années.

    Un parcours unitaire signifie travailler à une stratégie internationale unitaire en Europe de l’Ouest et déterminer des étapes successives visant à créer, phase après phase, une unité politico-organisationnelle sur le terrain de la lutte contre le capital, pour la recomposition du prolétariat métropolitain.

    Il ne s’agit pas de créer un rapport idéologique, mais un rapport unitaire de pratiques concrètes, de développement du mouvement révolutionnaire en Europe de l’Ouest.

    Nous sommes convaincus que les différences qui existent actuellement entre les diverses expériences révolutionnaires en Europe sont le produit d’une confusion politique que nous avons pu exprimer et des divers niveaux de mûrissement de toutes nos expériences.

    La stratégie de construction en Europe de l’organisation internationale du prolétariat est le terrain sur lequel il est possible de bâtir concrètement une clarification politique qui corresponde à la phase et qui permette une maturation d’ensemble de toutes les expériences révolutionnaires.

    Celles-ci trouvent, dans leurs propres maturations et dans leurs propres spécificités, un débouché concret à l’intérieur d’un rapport de pratique unitaire. Construire le mouvement révolutionnaire unitaire signifie développer les potentialités du prolétariat, parce qu’ainsi, à l’intérieur d’un rapport unitaire, se développer un niveau de maturation globale de tout le mouvement révolutionnaire.

    Et c’est dans une stratégie de recomposition du prolétariat en Europe que se développe son niveau global de conscience.

    Pour le mouvement révolutionnaire, le terrain stratégique de l’initiative correspond à la possibilité de développer sa propre conscience, parce que le mouvement révolutionnaire est le premier embryon de l’organisation communiste de toute la classe.

    La construction de l’organisation internationale du prolétariat n’est donc pas la stratégie d’une organisation, mais bien la stratégie de l’ensemble du mouvement révolutionnaire dans la phase de développement maximum et de crise du capital multinational et des tendances à la guerre.

    En tant que stratégie de phase, cette stratégie se veut une critique précise à toutes les stratégies mises en oeuvre dans les phases précédentes de l’expérience révolutionnaire en Europe.

    Les limites de la phase précédente se trouvent dans les conceptions à la fois du nationalisme et de l’internationalisme.

    Nous entendons par nationalisme les tendances qui veulent développer le mouvement révolutionnaire sur un territoire national, au-delà de toutes les partialités d’un tel déterminisme au niveau général. En particulier, ces expériences généralisent mécaniquement leur pratique au niveau de la pratique internationale.

    Et de fait, tout ceci détermine le fait que les pratiques internationales, quelles qu’elles soient, ne sont pas assumées, et aussi la prétention utopique de détacher  » son  » territoire de la chaîne impérialiste.

    Nous disons que cette conception est utopique car, dans la phase de crise et de tendance à la guerre, le capital multinational se recompose dans ses territoires centraux contre toutes les contradictions de classe qui y apparaissent, et il jette toutes ses forces dans la bataille contre tout mouvement révolutionnaire qui peut se développer dans chaque territoire particulier.

    Ce fut le cas complexe de l’Italie, qui est le territoire européen sur lequel s’est développé le mouvement révolutionnaire le plus fort au cours des dernières années. Mais, dans le tourbillon des quatre dernières années, celui-ci fut désarticulé non par la seule structure de l’Etat italien, mais bien par l’entière structure de l’impérialisme des multinationales.

    Ce mouvement vécut de plus une forte contradiction interne à travers l’absence d’un terrain de développement stratégique de sa force territoriale: il existait une force réelle en Italie, mais qui ne disposait pas de perspective internationale.

    Concevoir la chaîne impérialiste dans un ensemble statique de maillons forts et de maillons faibles signifie ne rien comprendre à l’actuel niveau de développement de l’impérialisme qui, dans ses territoires centraux, tend toujours à homogénéiser ses forces structurelles internationales.
    La seconde limite de la phase précédente de l’expérience révolutionnaire est constituée par  » l’internationalisme « .

    Par internationalisme nous entendons une pratique basée sur une unité générique, statique et de principe d’un internationalisme prolétarien déterminé à partir d’une analyse erronée et figée de l’affrontement entre bourgeoisie et prolétariat au niveau mondial.

    C’est ainsi qu’en Europe de l’Ouest des pratiques partielles se sont limitées au seul soutien du prolétariat du tiers-monde. De telles pratiques choisissent un développement limité du mouvement révolutionnaire dans les territoires centraux de l’impérialisme.

    Car ce développement n’est conçu qu’en termes de structures ayant une fonction d’arrière-garde par rapport à ce qui est considéré comme le front central, à savoir la contradiction entre impérialisme et prolétariat des pays de la périphérie.

    Aujourd’hui plus que jamais, la contradiction centrale reste pour nous celle entre la bourgeoisie mondiale et le prolétariat mondial. C’est elle qui détermine l’ensemble des aspects de la réalité impérialiste, au sein de laquelle la révolution prolétarienne connaît, dans chaque territoire contrôlé par l’impérialisme, un développement unique.

    La stratégie de construction de l’organisation du prolétariat métropolitain elle-même s’insère comme étape possible à l’intérieur de la perspective globale de développement mondial du prolétariat métropolitain.

    Dans cette phase, il n’y a pas de territoire plus ou moins important que d’autres. La simultanéité des développements est une nécessité.

    Avec la tendance à la guerre et au développement de la crise du capital, tout territoire revêt une importance réelle, tant dans les rapports avec le bloc de l’Est que dans la gestion de ses contradictions internes.

    Le problème d’une stratégie internationale est le problème de la construction d’un pôle révolutionnaire unitaire de tous les territoires homogènes, du point de vue de la contradiction de classe et de la possibilité de développement révolutionnaire.
    En plus de l’Europe de l’Ouest, il existe d’autres pôles potentiels, tels que l’Afrique ou l’Amérique latine.

    En effet, dès qu’une situation explosive se développe en Europe, en Afrique ou en Amérique latine, l’impérialisme entre en crise.

    Car, par delà les contradictions immédiates qu’il porte en son sein, la conscience et l’organisation révolutionnaire de l’ensemble du prolétariat mondial constituerait l’élément capable de déchaîner une crise irréversible de l’impérialisme, et un affaiblissement d’une telle ampleur se développerait alors de façon massive à l’échelle mondiale.

    Développer des pôles révolutionnaires unitaires dans les territoires homogènes signifie construire des points de référence concrets pour l’organisation et la recomposition révolutionnaire du prolétariat mondial.

    La tendance à la guerre dans l’accentuation des contradictions de classe développe aussi l’homogénéisation des territoires extrêmement vastes et favorise objectivement la recomposition du prolétariat qui vit sur ces territoires.

    Ce n’est pas là un procès mécanique et spontané, mais la base objective sur laquelle le mouvement révolutionnaire bâtit la stratégie de libération du prolétariat.

    Aujourd’hui, pour tous les révolutionnaires, oeuvrer dans cette direction stratégique, c’est contribuer concrètement à la transformation de la réalité prolétaire actuelle, pour la libération de la réalité prolétaire de demain.

    Ce qui est en dernière analyse commun au nationalisme et à l’internationalisme, c’est la défiance envers les possibilités révolutionnaires de recomposition du prolétariat en Europe de l’Ouest.

    Et c’est là le résultat de l’absence totale de stratégie internationale de libération prolétaire.

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    Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe

  • Action Directe: Continuité d’un projet communiste

    C’est dans l’histoire des luttes des prolétaires contre l’exploitation et l’oppression capitaliste que se situe pour nous la continuité du projet communiste d’Action directe.

    Action directe se forme à la suite de la deuxième phase de la guérilla en Europe de l’Ouest.

    La première phase est constituée – avec l’action d’Heidelberg menée par la RAF – par l’apparition de la nécessité et de la possibilité de la lutte armée révolutionnaire, qui lie la volonté de libération des peuples du tiers monde et des prolétaires des métropoles.

    La deuxième phase, avec les actions Schleyer/Moro, est marquée par l’anticipation de la lutte armée en tant que détermination de la dialectique construction/destruction. C’est dans et comme expression de cette phase que se forme durant l’été/l’automne 1978, Action directe.

    Suit alors une phase d’actions, conçues par rapport à la situation politique, et la nécessité stratégique et tactique de l’implantation de la lutte armée, et liant l’organisation à la lutte de masse contre les symptômes, particuliers à la France, de l’impérialisme.

    Contre l’interventionnisme impérialiste de la France dans les pays du tiers monde: des actions sont menées contre les centres de gestion de cette politique, le ministère de la Coopération et l’Ecole de guerre. Contre la politique sociale de l’Etat: l’attaque du siège CNPF, des bureaux de la Délégation à l’Emploi, de la Direction de l’Inspection du Travail, des ministères du Travail et de la Santé.

    Contre la répression des luttes des travailleurs immigrés: la destruction du siège de la Sonacotra et de deux officines chargées de l’expulsion de locataires dans les ghettos, l’attaque contre l’antenne de la DST, chargée de la surveillance des activités des organisations de travailleurs immigrés en France.

    A cette phase d’implantation de la lutte armée succède celle de la construction révolutionnaire au sein de la classe et le refus de se laisser désarmer par la troisème voie. Alors que la première phase tendait à l’implantation de la stratégie à l’intérieur des ghettos prolétaires, la seconde phase partait de ceux-ci en renouant avec les lignes du développement global de la stratégie.

    Des bâtiments occupés de Barbès, de cette lutte nous ayant apporté l’indispensable compréhension dialectique classe/mouvement révolutionnaire/organisation communiste et malgré son caractère parcellaire, est née la nécessité du saut qualitatif vers la globalisation de la rupture et l’optique résolument internationaliste de notre développement.

    Dans les ghettos, nous avons compris, pratiquement, que la conscience prolétarienne ne pouvait accepter aucune séparation. Que la réhomogéniéisation de la classe passait par l’internationalisation, autant dans les métropoles que dans son développement dans le tiers monde.

    Nous ne cherchions nullement des contacts internationaux, mais pratiquions à travers nos actions l’internationalisme ici. Que ce soit par nos interventions politico-militaires avec les organisations communistes turques ou notre concours aux projets révolutionnaires de nos camarades italiens etc. Cette phase se concluait par nos interventions contre la Banque Mondiale, le FMI et la Chase Manhattant Bank.

    La phase actuelle est le saut de l’organisation dans la lutte contre la globalité de l’expression de l’impérialisme, aussi en France, par la campagne contre l’invasion et les massacres sionistes au Liban, le point de rupture avec toutes les formes partielles de pacification qu’emploie actuellement l’impérialisme.

    Celle-ci est compréhension et pratique agissante de l’idée et de la nécessité du combat communiste international contre toutes les formes que prend l’impérialisme pour imposer son hégémonie.
    Nullement retrait du terrain de la dialectique révolutionnaire contruction/destruction, elle est au contraire construction dans la rupture que signifie l’organisation révolutionnaire communiste et destruction de la pacification/et des ruptures établies au sein de la classe.

    Actuellement ce qui fait toujours espérer la mise à mort d’Action directe et ce qui l’a desservie, c’est l’histoire des organisation communistes qui l’ont précédée depuis 1968: la NRP et la GP, qui s’est dissoute en 1973 dans un grand mélo quotidienniste-réformiste.

    La volonté révolutionnaire des militants de ces organisations a été conduite, par le gauchisme immédiatiste, dans l’impasse. Toute une génération porte en elle l’incapacité de dépasser cette défaite.

    Les GARI, victimes de leur lutte parcellaire, à la limité de l’antifascisme, ont été dans l’incapacité de transformer en mouvement de rupture, l’énorme soutien dont ils bénéficiaient.

    Les Brigades Internationales, qui ont assuré une tâche spécifique, vu leur composition et leurs actions, furent elles aussi dans l’incapacité de construire un pôle réel de lutte révolutionnaire.

    Les NAPAP, organisation communiste, n’ont jamais pu durant leurs quelques mois d’existence, construire sur les acquis de leurs actions politco-militaires.

    Les groupes autonomes libertaires (CLODO, Groupe Ulrike Meinhof-Puig Antich etc …), l’une des composantes du mouvement potentiellement la plus forte par ses capacités d’actions et l’importance de ses bases militantes, mais sempiternellement victime de ses manques de stratégie, dus au caractère partiel de son analyse immédiatiste, parce quils n’agissent toujours qu’en réponse ou afin de faire pression sur des problèmes partiels. A cela s’ajoute une vision individualiste entraînant une désorganisation permanente par le sectarisme, le localisme, le personnalisme etc …

    Le refus de s’organiser structurellement, de développer une stratégie d’attaque cohérente, qui se fonde sur une croyance en une continuité mécaniste dans le temps, laisse toujours celui-ci (le temps) aux stratégies développées par le capital, de les récupérer.

    En d’autres termes, leurs non ruptures totales les emprisonnent dans les limites du « no mans land » de la confrontation entre la construction combattant et l’Etat.

    Il a été très difficile à Action directe de dépasser les limites de ces expériences antérieures, car le mouvement révolutionnaire ne croyait plus à la construction possible d’un pôle révolutionnaire réellement offensif. Les échecs répétés auxquels le mouvement était habitué entraînèrent des ruptures partielles et ponctuelles des gens qui s’engageaient dans le processus organisationnel.

    D’autre part, à la différence des mouvements révolutionnaires en Italie ou en Allemagne, qui eurent une détermination pratique à la lutte par le processus qu’instaurèrent les organisations de lutte armée, le mouvement français, lui, s’est trouvé limité – du fait d’une politisation idéologique – à une compréhension partielle de la pratique nécessaire au dépassement des situations.

    Aujourd’hui, il est nullement nécessaire de copier tel ou tel schéma mais bien de comprendre les erreurs, de les dépasser pratiquement ou de continuer à s’enfermer dans la sclérose en laissant le terrain inoccupé devant les stratégies d’attaque développées et employées par l’impérialisme dans tous les domaines de la vie.

    L’anticipation de « l’échec de la social-démocratie » s’est faite dans le caractère quotidien de la répression dans les ghettos, dans la politique pro-sioniste et toujours plus ouvertement atlantiste des socialistes, leurs interventions militaires sans cesse intensifiées en Afrique, tandis qu’à l’intérieur, la restructuration impérialiste nécessitait le développement des forces armées, une politique internationale offensive et guerrière, le développement des industries d’armement sous l’angle aussi de l’industrie de pointe compétitive, la militarisation du corps social qui doit soutenir l’effort guerrier

    Ce que la petite-bourgeoisie n’a pas vu dans ses espoirs déçus de troisième voie, c’est que  l’attachement à la bombe et à l’OTAN a toujours été une condition fondamentale de l’accession au pouvoir d’un parti dans une démocratie parlementaire européenne et que les enjeux se sont durcis dans le contexte international.

    La gauche est certes bien outillée pour faire passer une politique belliciste et une politique d’austérité, en les travestissant pour gagner du temps et éviter l’affrontement de classe. Pour cette politique, la passe est cependant étroite.

    Et la gauche au pouvoir sait qu’elle creuse sa propre tombe, condamnée à offrir l’édifice restauré à une droite qui recompose ses alliances avec les « déçus du socialisme ». De là, le frisson sur le danger fasciste qui parcourt la petite-bourgeoisie effrayée par la montée des forces qu’elle-même produit.

    Dans cette situation, la nécessité pour le gouvernement social-démocrate d’étendre à la France la pacification comprend la répression toujours plus poussée contre les fractions organisées de la classe. Sa tentative, et elle nous sait partie de cette classe, est de désarmer celle-ci pour la soumettre au destin de ses fausses alternatives.

    C’est aussi dans ce contexte de pacification que beaucoup disent « Que faire? ». Il n’y a pour nous aucune limite à l’initiative révolutionnaire. Dépasser les fausses séparations, réhomogénéiser la classe. C’est en partant des secteurs spécifiques à chacun, aller au-delà de ceux-ci en combattant les pratiques de partialisation qui se font jour en eux.

    Faire circuler et rendre vivant par la pratique les messages révolutionnaires. Construire et organiser les énergies, non pas seulement en réponse, mais en stratégie d’interrogation et d’attaques.

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