Mouvement du deux juin : Communiqué du 2 juin 1980

Nous voulons ici une réflexion critique sur notre histoire, après 10 années de lutte armée, et expliquer pourquoi nous disons aujourd’hui: nous décidons de la dissolution du mouvement du 2 juin en tant qu’organisation et continuons la lutte anti-impérialiste dans la RAF – en tant que RAF. 

Le mouvement du 2 juin s’est fondé comme contradiction à la RAF, avec comme définition non claire de faire de la « politique prolétaire spontanée ». 

Nous tenions comme non importante la théorie révolutionnaire, l’analyse des conditions – de laquelle seulement ne peuvent être produites la stratégie et la tactique, la continuité et la perspective de la lutte – et combattu sans pauses aucune dans le but de tourner la tête aux jeunes. 

Et ainsi nous avons décidé notre pratique à partir de la question « qu’est-ce qui fait tourner la tête », et non pas à partir de la question de savoir où sont les véritables contradictions, les frictions dans la stratégie impérialistes, que nous devons attaquer. 

Le mouvement était une alternative présumée à la RAF en tant que possibilité pour les camarades pour qui la lutte sans compromis allait trop loin. 

Cela a produit pendant 10 années scission, concurrence et désorientation au sein des gauches mais aussi dans la guérilla, et cela a nuit à notre propre processus révolutionaire. 

Nous avons ainsi opéré avec nos actions sur la ligne populiste, sans donner d’orientations politiques, sans en arriver à une mobilisation contre la stratégie des porcs. 

Ce n’est jamais la tâche de la guérilla que de se montrer agréable à la population, afin de recevoir ses applaudissements mais bien d’être la première ligne, dans un pays où le fascisme nazi et la social-démocratie intégrée par l’impérialisme US ont tué toute organisation prolétarienne, d’amener à l’escalade les contradictions politiques centrale par l’attaque armée, afin d’amener l’État à la crise politique. 

Ce que la guérilla ne peut qu’être dans la métropole: l’explosif politique dans la structure impérialiste, l’attaque qui développe jusqu’à la cassure la fissure entre la société et l’État – c’est-à-dire la politique révolutionnaire -, dans la mesure où la mobilisation devient l’organisation prolétarienne, anti-impérialiste, et amène la balance des forces politique en notre faveur. 

L’attaque politique, matérialisée par l’arme, reste toujours une victoire, même là où l’opération est vaincue militairement, parce qu’il anticipe et introduit ce processus. 

La continuité de la guérilla est à trouver dans sa stratégie, malgré les dures défaites militaires. 

Et c’est également la différence entre Schleyer et Lorenz. [Schleyer : patron des patrons et ancien responsable nazi, enlevé par la RAF en 1977 puis exécuté; Lorenz : candidat conservateur enlevé parl mouvement du 2 juin trois jours avant les élections municipales]. 

Nous pouvons aujourd’hui tranquillement critiquer notr plus importante action. 

On trouve en elle toutes les erreurs que nous avons faites pendant dix années et dont nous avons appris. 

L’action de libération à Berlin en 1975 s’est déroulée dans une situation qui politiquement avait subi une escalade. 

La lutte des camarades à [la prison de haute sécurité de] Stammheim ont amené une mobilisation nationale et internationale, qui est arrivé avec la grève de la faim à son point le plus haut et contre laquelle [le chancelier] Schmidt ne pouvait quasiment plus rien faire. 

Nous n’avons pas seulement totalement ignoré cette situation, nous l’avons fait basculer avec le choix du prisonnier. 

Avec cela et avec ce type – d’un parti qui n’a pour la stratégie impérialiste qu’une signification secondaire – il n’y avait pas de stratégie, mais que du calcul. 

Dans notre travail propagandiste au sujet et après l’action contre Peter Lorenz, la victoire obtenue à court terme – le rituel consommable – était plus important pour nous que d’obtenir par la lutte le niveau politico-militaire qui brise la stratégie impérialiste. Là-dedans il y a les racines de la guérilla amusante pervertie de Reinders, Teufel, etc. 

L’offensive de la RAF en 1977 et la réaction de l’Etat nous ont encore placé devant la question de la stratégie politique. 

L’année 1977 est un tournant, autant pour le développement de la stratégie impérialiste que pour la définition de la guérilla métropolitaine. Depuis le massacre à Mogadiscio et à Stammheim, Schmidt a donné à l’Europe de l’ouest – avec le rôle dirigeant pour la RFA – la définition politique suivante: projet et modèle de l’impérialisme dans la crise, contre les mouvements de libération du tiers-monde et dans la métropole qu’est l’Europe de l’ouest. 

L’intégration sans condition de l’Europe de l’ouest dans la stratégie militaire US et la militarisation des États métropolitains dans leur intérieur par un appareil tendanciellement uni forment la réaction des impérialistes au caractère de plus en plus simultané des luttes révolutionnaires dans le monde entier. 

Le projet révolutionnaire s’internationalise, dans la mesure où les groupes anti-impérialistes reconnaissent l’ennemi principal les USA et le projet qu’est l’Europe de l’ouest. Les USA et leurs complices savent que leur prochaine défaite stratégique dans n’importe quelle région du monde les amène sur la voie de la défaite finale. 

L’époque de « l’après-Vietnam » – c’est-à-dire la tentative, en partant de la défensive, de revenir stratégiquement au Vietnam de manière politique et économique après la défaite politico-militaire – s’est effondrée en Iran, après la chaîne de l’Angola au Cambodge. 

La politique impérialiste cherche maintenant militairement la solution qu’elle ne peut pas trouver et en arrive ainsi, dans la préparation de la destruction totale, aux choses les plus élémentaires de ce concept. 

Le déchaînement renouvelé, et donc logiquement le dernier déchaînement de la guerre en Europe, conçu dès le départ comme guerre atomique. 

Le théorème de la « guerre limitée » se forme alors, dans le cadre de cette perversion, comme une nouvelle variante. 

Les préparatifs de guerre ne visent pas au découpage du monde par les contractants impérialistes. 

Leur contenu est: révolution ou contre-révolution – et par conséquent pareillement pour le secteur de la confrontation où va se dérouler l’aspect décisif. 

Celui-ci, dans la confrontation internationale, sera finalement dans les métropoles, parce que les mouvements de libération du tiers-monde victorieux et devenus États doivent se consolider dans la contradiction Est-Ouest, tant que les centres impérialistes peuvent les presser militairement et par la dépendance au marché mondial. 

C’est le contenu de tout le processus de la révolution mondiale – destruction de l’État, autonomie, identité – qui a acquis une certaine maturité et force de frappe dans le métropole dans la lutte pour le communisme ces dernières années d’affrontement et se matérialisera maintenant ou pas du tout. 

C’est la question qui se pose à toute la gauche en Europe de l’ouest: est-ce que dans cette situation qui va en s’escaladant, ou une décision va tomber, dans un sens ou dans un autre, elle va assumer sa tâche historique ou bien la trahir. Unité dans la lutte armée anti-impérialiste

Pour la dernière fois: Mouvement du 2 Juin

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Mouvement du deux juin : Etre radical c’est: prendre les mauvaises choses à la racine ! (1972)

Dans la nuit d’hier nous avons incendié les ouvrages traitant des lois de la faculté de droit. Ces lois ne sont pas nos lois, mais celles des exploiteurs et des négriers, des patrons et des politiciens. Qui les combat est puni par leurs lois. 

John Sinclair [du groupe de rock] des MC5 a été condamné à dix années de prison pour deux grammes de Marihuana. [L’éditeur italien d’extrême-gauche et dirigeant d’un groupe armé] Feltrinelli est assassiné de manière sournoise. Le procès de [l’italien Pietro] Valpreda [faussement accusé des attentats fascistes de la Piazza Fontana] est fait traîner en longueur, jusqu’à ce que les témoins à décharge soient tués. 

L’enquête contre les flics qui ont tué un apprenti de 17 ans a été arrêtée. Klaus Hoppstädter a dit à un flic « flic [qui tire dans la] nuque » et est condamné à 15 mois de prison. 

Les juges et les procureurs et les flics qui pratiquent ces lois restent impunis, tout comme ceux qui sont responsables pour ces horreurs et ces anomalies dans ce pays. Les patrons des konzerns restent impunis. De même pour les hommes de mains et les marionnettes du sénat. 

Lutter contre cela, voilà notre cause. Au pouvoir de l’appareil d’État il n’y a qu’une chose que les forces révolutionnaires peuvent opposer : la lutte solidaire déterminée! 

Nous ne voulons pas de faculté de droit qui forment de nouveaux porcs!
Vengeance pour Feltrinelli et Pinelli!
Liberté pour Valpreda!
Liberté pour tous les prisonniers! 

A la violence organisée de l’appareil d’Etat, opposer la violence révolutionnaire organisée! 
Ne vit que celui qui combat!

Mouvement du 2 Juin

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Programme du Mouvement du deux juin (1972)

1. Le mouvement du deux juin se comprend comme un début d’organisation de différents groupes autonomes de guérilla urbaine.

2. Le mouvement travaille à assurer une continuité dans la pratique révolutionnaire. Il n’y a qu’ainsi qu’on peut prétendre à être révolutionnaire. Le mouvement se comprend comme anti-autoritaire; en aucun cas ne doivent manquer le plan stratégique, les principes théoriques et pratiques et la discipline spécifique à une guérilla.

3. Le mouvement se considère comme une avant-garde dans la mesure où « elle fait partie des premiers à prendre les armes ».

Elle n’est pas avant-garde parce qu’elle se nomme ainsi. Le fusil à lui-seul et le fait de mener des « actions révolutionnaires » ne suffisent pas à justifier cette prétention.

Le mouvement doit passer à l’action, se rendre compréhensible aux masses par des actions expliquées et la continuité. Il doit montrer que seule l’action amène l’avant-garde et que toute avant-garde est superflue lorsque les actions sont reprises par le peuple et de masse.

4. A l’époque de l’impérialisme développé il n’y a pas besoin de nouvelles analyses, la tâche principale n’est pas la construction d’un parti mais le démarrage de l’action révolutionnaire, la formation d’une organisation, d’un contre-pouvoir armé du peuple contre la violence organisée de l’appareil d’État.

5. Les premières tâches du mouvement consistent à se consacrer aux actions menées par lui, même si au début celles-ci sont limitées.

6. Sont décisif pour le travail de l’organisation la capacité des groupes et les initiatives. Aucun commando ou poste de coordination, aucun comité central ou assemblée générale ne possède le droit, l’autorité d’empêcher une action d’une groupe qui a décidé de démarrer une action révolutionnaire. Nous partons du fait que chaque groupe, par la formation de fondements théoriques riches, est en mesure de ne faire que des actions appropriées pour servir le peuple.

7. La ligne militaire du mouvement du 2 juin n’est pas coupée de la ligne politique, et ne lui est pas soumise.

Nous considérons les deux lignes comme liées et inséparables. Elles sont les deux faces de la cause révolutionnaire. La ligne du mouvement du 2 juin est l’unité du politique et du militaire. Elle est révolutionnaire. Les camarades travaillant légalement à la base, dans les écoles ou les universités ou à l’usine, font en sorte de participer à l’unification du front des masses urbaines.

8. Les camarades du mouvement considèrent comme travail à plein temps leur travail dans le front des masses, dans la logistique et les unités armées, tactiques.

Vu la fascisation grandissante des nations industrielles occidentales, à l’époque du plan spécial Prométhée et de l’état d’urgence, à l’époque des grenades et des lois répressifs contre les étrangers, vu la militarisation de la lutte des classes du côté du capital et les efforts impérialistes renforcés de la part du capital monopoliste, le travail du mouvement du 2 juin consiste à contribuer à la résolution de la contradiction principale dans les pays capitalistes en montrant les méthodes d’intervention révolutionnaires.

A cela appartient le soutien direct des luttes de masse, appartient la propagation de méthodes de lutte des masses salariées nationales et internationales, appartient l’explication quant aux possibilités de nouvelles méthodes de lutte.

C’est pour cela que la réussite de la pratique révolutionnaire du mouvement dépend de la participation à long terme, directe et personnelle des membres des commandos.

9. Le mouvement du 2 juin n’est pas le bras armé d’un parti ou d’une organisation. Les unités armés, tactiques du mouvement sont des commandos politico-militaires autosuffisants de l’organisation.

Le travail permanent des camarades légaux du mouvement – qui n’ont pas encore eu à passer dans la clandestinité – doit néanmoins servir à propager et à initier dans les organisations où ils sont actifs la formation de milices révolutionnaires. Nous ne faisons pas de différences entre « légal » et « illégal ». 

Le succès n’est amené que par des actions considérés par les dominants comme  » illégales « . Une action légale de la base qui a du succès sera criminalisée. Qui ne prend pas cela en compte ne peut pas se nommer un révolutionnaire.

10. Le mouvement du 2 juin n’est pas du tout tombé dans le « mythe romantique » du « travail dans la clandestinité ». Les cadres du mouvement analysent de manière réaliste leur travail et les risques.

Ils savent qu’on les qualifie de dangereux ennemis de l’État parce que, ensemble avec d’autres organisations de guérilla, comme par exemple la RAF, ils sont l’avant-garde de la formation d’une armée populaire.

Il est clair pour nous que la mort en révolutionnaire augmentera au fur et à mesure de l’aggravation des conflits des classes.

La terreur qui se développe maintenant contre les cadres et les propagandistes de la guérilla urbaine n’est qu’une préparation aux luttes de classe à venir. La guerre de l’État et du capital sera une guerre longue.

Et justement l’étude du mouvement ouvrier allemand montre plus que clairement que nous devons apprendre à mener la guerre. Apprendre à mener la guerre ne se fait que dans la pratique. La pratique signifie pour nous: la formation de groupes militants légaux, la formation de milices, la formation de la guérilla urbaine – jusqu’à l’armée populaire.

11. La lutte contre le capital et l’État n’est pas une lutte contre des masques de caricature. C’est la lutte contre les 1,3% de la population qui dispose de plus de 74% de la capacité de production, avec leurs hommes de main en uniforme et en civil. Notre but n’est pas la formation d’une « dictature du prolétariat » mais l’écrasement de la domination des porcs sur les gens, la destruction de la domination du capital, des partis, de l’État. 

La but est l’instauration d’une démocratie des Conseils. 
Le régime des porcs ne sera pas mis de côté par des formules, mais par la lutte révolutionnaire. Cette lutte ne peut pas être mené et gagné sur un plan national, elle est internationale. Le mouvement travaille avec tous les groupes socialistes de guérilla dans le monde, oui, ce programme se rattache à celui des amis brésiliens du MLB.

Le mouvement du 2 juin est élément de l’offensive socialiste mondial, et lutte côte à côte avec l’IRA, les Weathermen, la Gauche Prolétarienne, les Brigades Rouges et toutes les autres organisations de guérilla.

Construire la guérilla révolutionnaire!
Opposer la violence révolutionnaire organisée à la violence de l’appareil d’État!
Victoire dans la guerre populaire!
Tout le pouvoir au peuple!

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Lettre du prisonnier de la RAF Rolf-Clemens Wagner (1998)

QUELQUES REMARQUES SUR LA DÉCLARATION D’AUTO-DISSOLUTION DE LA RAF

Pour une fois, commençons par la fin. J’aimerais dire que, si les révolutions ont parfois effectivement lieu, à vrai dire, elles parlent peu.

Tout du moins, dans ce pays où elles brillent par leur absence. Ce n’en était pas une, ce n’en est pas une et n’en sera non plus une dans un proche avenir.

Tel est le continuum, la réalité à laquelle nous devons faire face et que, précisément, nous avons voulu durement attaquer. Mais je ne veux pas m’en tenir au kitch de gauche qui s’acharne sur la déclaration comme les champignons sur un vieux mur.

C’est déjà assez énervant de devoir se confronter au passé dans une situation fondamentalement bouleversée et avec des centres d’intérêt, par-là même modifiés.

Mais on ne peut se laisser traiter de crétin politique sans réagir.

Oui, dans la configuration d’alors, nous avons pensé avoir une chance de rompre quelque chose et de mettre en route un processus dialectique de libération dans la métropole.

Pour autant, nous n’avons jamais pensé pouvoir, comme petit groupe clandestin, « briser » quoique ce soit par la seule lutte armée.

Le projet était expressément politico-militaire. Contre l’idéologisation extrême et le sentiment d’impuissance, la lutte armée n’était qu’un élément nouveau de la praxis pour parvenir à réellement porter l’attaque.

Et le projet était largement défini pour pouvoir agir de manière sensée au sein du mouvement, sans que je doive le décrire une fois de plus.

Ce mouvement existait ici et internationalement.Cependant, au bout du compte, il s’est avéré que s’imposa l’intérêt basique (retour à la base), au sujet duquel une majorité de la gauche ne se différencie guère du « citoyen lambda » : une vie relativement sûre et agréable (à quel prix et qui le paye, ce n’est pas dit).

La métropole est bel et bien toujours un petit nid douillet avec de nombreux avantages.

Ainsi plus encore qu’aujourd’hui, il n’y avait pas de « problème social ». C’était la période du boom économique et il n’y avait pas encore de chômage massif, l’Etat social s’étendait sur la jointure stratégique du modèle allemand.

Certes tout cela dura jusqu’à l’effondrement du mur et la fin de la confrontation entre blocs, ensuite, il n’y en avait plus besoin et il a terminé dans les poubelles de l’histoire : « shareholder-value » (partager la plus-value) à la place de la sécurité sociale.

Et pour ce qui concerne l’articulation avec le « social », je me souviens encore de certaines silhouettes, distribuant des tracts à la porte d’usines perdues dans le petit jour, et des rebuffades qu’elles obtenaient la plupart du temps.

Ces réflexions sur comment on aurait pu « éveiller » le « besoin d’émancipation et de libération » sont tout à fait superflues.

Et pour le dire de manière anachronique, il s’agit du vieux problème, comment la « classe en soi » devient-elle la « classe pour soi ».

Par conséquent, nous ne parlons pas d’une erreur militaire dans le projet mais d’une condition préalable à tout début de politique émancipatrice, pas seulement pour la lutte armée.

Ce n’est pas seulement la RAF qui y a échoué, sans exception, toutes les pistes de gauche s’y sont cassées les dents.Bon, dans les années 70, le slogan était « Ab ins Private » (Vive la vie privée !), la vie alternative, le retour à l’université, la « longue marche » dans les institutions (1).

Un quart de siècle plus tard, les marcheurs sont enfin arrivés au centre et sont autorisés à coopérer pour porter le projet de repositionnement agressif de l’Allemagne.

Sans doute, « cela aurait été mieux » si au lieu de ce processus « la rupture mondiale d’où venait la RAF avait percé ».

Peut être ne serions-nous pas confronté aujourd’hui à un tel méli-mélo. Mais avec des si on peut mettre Paris en bouteille.
Il y a quelque chose de Don Quichottesque dans le tourbillon d’idée sur les formes et les conceptions de la révolution du 19ème et 20ème siècles dans un monde qui a si radicalement changé sous nos yeux qu’aujourd’hui plus rien n’est comme 10 ans plus tôt (ce en quoi ce tourbillon se comporte avec le « social » comme Don quichotte avec sa Dulcinée).

Mais revenons à l’histoire. Dans nos mémoires, il est clair qu’au début des années 70, après le premier vrai choc de la répression, on en avait radicalement terminé avec le concept « du poisson dans l’eau ».

Partout, les portes qui auparavant étaient ouvertes pour les militants de la RAF, restèrent closes. Certains considérant même concevable d’informer les flics.Soudainement, des divergences politiques devenaient « insurmontables ».

Ne fallait-il pas donner une raison à cet opportun mouvement d’abandon dont l’une des causes principales fut l’arrestation de presque tous les illégaux ?

Quelques semaines auparavant encore, il en allait un peu différemment, certes ce n’était pas la pure unanimité mais personne ne serait allé aux flics.

Plus tard, on préférait regarder les actions de la RAF à la télé. De la « Safer politic » (politique sans danger), pour ainsi dire.Il est vrai que les organes étatiques n’ont pas eu à se surmener « pour refouler les positions sympathisantes ».

Ensuite, la situation de la RAF fut longtemps branlante.

La situation exigea alors de nous d’une part la concentration sur la logistique et, de l’autre, sur les prisonniers qui devaient être protégés.

C’est-à-dire autant que possible essayer de les tirer de là. Il est clair que, sous la garde de l’Etat, leur intégrité psychologique n’était pas garantie (ce qui ne troublait guère ceux qui nous affublaient d’un « libérer la guérilla-guérilla » (2).

La suite est connue, c’est 1977.Cette concentration était certes réductrice et entièrement déterminée par les actions pour les prisonniers, ce qui eut des effets préjudiciables pour les actions elles-mêmes et a, entre autres, conduit à l’erreur que constitua la décision de détourner l’avion (3).

Dans cette déclaration d’auto-dissolution, les auteurs récitent une fois de plus leur credo de ces dernières années : cette réduction et affirmation simpliste de la lutte armée se serait poursuivit tout au long des années 80.

Ce qui aurait empêché de renflouer l’affaire au niveau politique, le « social » aurait été laissé de côté, d’où l’absence de composants « pour la révolution sociale » et que sais-je d’autre encore.J

e ne peux plus entendre ce fatras répétitif.

Ce qui a réellement existé (et ce qui sans doute existera toujours) ce sont des groupes isolés de résistance et des individus qui concevaient un travail en commun avec un groupe armé – quand ils ne voulaient pas d’emblée intégrer la RAF. Et autant que je puisse en juger, ils n’étaient pas rares, justement dans ces années 80.

En revanche, tout au long de l’expérience RAF, il est absurde de chercher des « mouvements sociaux » qui auraient été intéressés ou eu besoin de, serait-ce seulement de parler de buts politiques communs. En réalité, il n’y en eut jamais (et ce fût précisément l’expérience des années 70) parce qu’ils ont tous catégoriquement refusé l’emploi d’une violence politique (ce qui, accessoirement, ne les a pas plus aidés).

Par conséquent, cette valse-hésitation autour du Social, tout ce lamento ne peut faire illusion.

Si les choses furent ce qu’ils racontent en long, en large et en travers, ils déplorent simplement leur propre incapacité à ne pas persister, dans une voie qu’ils avaient soi-disant reconnue fausse, leur incapacité à chercher du nouveau.

L’explication en est peut être qu’ils ont eux-mêmes voulu qu’il en soit ainsi. Mais avant d’y arriver, ils préfèrent affirmer que l’erreur relèverait du projet.

Ce n’est pas eux qui furent « militaristes » mais le « projet », selon le principe, il en était ainsi depuis longtemps, nous n’y pouvons rien. Bougrement finauds !

Cela a déjà été dit plus d’une fois, mais ça me fait plaisir de le redire une dernière : le fait est que dans les années 80, existèrent très certainement des tentatives de repolitisation, de dures discussions dont les initiateurs furent étrillés comme ne se donnant pas totalement aux actions.

Et, lorsque les prisonniers de Celle furent sollicités pour soutenir cette polémique, un lapidaire « une action, puis la prochaine, c’est ainsi que ça marche » fut la réponse.

Ce n’était déjà pas marrant avec les repentis, mais aujourd’hui, tous ces gens prennent la pose et, sans sourciller, déplorent les structures hiérarchiques, autoritaires, militaires dans la RAF.Un autre fait est que, depuis la fin des années 80, la lutte armée, si transformée ou modifiée qu’elle soit, n’a, de toute façon, plus de sens politiquement.

Les constellations ne s’y accordent plus, tous les points de références manquent. En outre, l’emploi épidémique de la violence à tous les niveaux rend inopérante la violence comme outil dans la lutte politique.

Et maintenant, un dernier point.

« Après notre défaite de 1993, nous savions ne pas pouvoir simplement continuer ainsi…

Nous voulions une fois encore réfléchir et commencer une nouvelle étape avec ceux qui étaient encore en prison.

Au bout du compte, dans la scission, très douloureuse pour nous, qui vit une partie des prisonniers se séparer de nous et nous considérer comme des ennemis, il apparut que les conditions d’émergence de la RAF – solidarité et lutte pour le collectif – avaient déjà complètement disparu ».

Qu’est ce que cela ?

Une nouvelle mouture de légende du coup de poignard ?

En ce cas, j’attache donc une grande importance à quelques éclaircissements. Une défaite, c’est sûr, les moineaux le sifflent sur tous les tons depuis des années.

Mais pourquoi en 93 ? Qu’y eut-il donc là de spécial ? Ah oui, l’unité Steinmetz (4) ! On oublie si vite les choses !

En tout cas, rien ne nous a indiqué que les auteurs aient voulu discuter avec nous. Leurs textes, nous tombèrent toujours sur le râble. Le silence répondait à nos critiques jusqu’à la prochaine déclaration unilatérale.

Nous n’avons qualifié personne d’ennemis, nous n’avons jamais parlé de scission, mais nous nous sommes séparés, somme toute très sobrement, de gens qui avaient commencé à retourner contre nous leur intérêt particulier (mais qui aujourd’hui encore une pointe fatiguée – parlent de solidarité).

Pour les auteurs, il s’agissait de sortir d’une manière ou d’une autre de l’impasse où ils se sont eux-mêmes fourrés et pour y arriver, ils n’ont rien trouvé de mieux que de réinterpréter notre histoire en quelque chose qu’elle ne fut jamais.

Je trouve légitime de ne pas se laisser faire.

Et si quelqu’un doit encaisser une défaite de cette totalité, c’est bien nous, les prisonniers restant.

Nous avons initié « l’ouverture » sur laquelle tous ont fait cuire leur petite soupe, alors qu’en retour, nous restons engoncé jusqu’au cou dans le béton de « l’initiative Kinkel » (5) pour 26 ans, si ça leur plaît (6) !

Ou peut-être un peu plus longtemps !

Avril 1998

Rolf-Clemens Wagner

Schwalmstadt

Notes

(1) Il s’agit de la démarche d’intégration dans les cadres du système, « pour les transformer de l’intérieur », entamée au cours de ces années par l’ancienne gauche extraparlementaire.

(2) Référence au slogan « la guérilla libère la guérilla » qui fût alors tourné en dérision par certains commentateurs critiques. Ils voulaient dire par là que la légitimité et la praxis de la guérilla n’avaient plus d’autre objet que la libération de ses propres prisonniers : une guerre privée entre elle et l’Etat.

(3) Dans leur texte les illégaux de la RAF dénoncent également cette action comme une erreur. Elle aurait donné lieu à un brouillage des repères quant aux buts de la guérilla puisque les passagers de l’avion de la Lufthansa étaient des civils.

Par cette action, la RAF aurait délaré la guerre à la société civile allemande.

Et plus personne semble vouloir prendre en compte l’âpreté de l’affrontement en cours, en particulier en Palestine et tous usent de critères moraux pour juger rétroactivement cette action de solidarité concrète de la part du commando du FPLP, sans plus s’occuper de ce qu’elle signifiait politiquement comme liaison entre les luttes dans la métropole et sur les Trois Continents.

(4) Steimetz est un indicateur des RG allemands qui avait réussi à s’infiltrer dans la RAF au début des années 90. Suite à quoi, un juin 93, Birgit Hogefeld était arrêté alors que son camarade Wolfgang Grams également militant de la RAF était assassiné par un membre du BSG9.

(5) En janvier 92, Kinkel, alors Ministre de la Justice, fit une déclaration où il était question de réconciliation et d’aménagement des peines.

(6) Allusion au fait qu’en février 98, un tribunal pour l’exécution des peines, a calculé que Christian Klar, militant incarcéré depuis 1982, devait avoir fait au moins 26 ans de prison avant de pouvoir envisager sa libération définitive.

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Violence et brutalité, Jean Genet (septembre 1977)

2 Septembre 1977

Les journalistes jettent à la volée des mots qui en mettent plein la vue sans trop se préoccuper de la lente germination de ces mots dans les consciences.

Violence – et son complément indispensable: non-violence, sont un exemple. Si nous réfléchissons à n’importe quel phénomène vital, selon même sa plus étroite signification qui est : biologique, nous comprenons que violence et vie sont à peu près synonymes.

Le grain de blé qui germe et fend la terre gelée, le bec du poussin qui brise la coquille de l’oeuf, la fécondation de la femme, la naissance d’un enfant relèvent d’accusation de violence. Et personne ne met en cause l’enfant, la femme, le poussin, le bourgeon, le grain de blé « .

Le procès qui est fait à la « RAF » (Rote Armee Fraktion), le procès de sa violence est bien réel, mais l’Allemagne fédérale et, avec elle, toute l’Europe et l’Amérique veulent se duper. Plus ou moins obscurément, tout le monde sait que ces deux mots: procès et violence, en cachent un troisième: la brutalité.

La brutalité du système.

Et le procès fait à la violence c’est cela même qui est la brutalité. Et plus la brutalité sera grande, plus le procès infamant, plus la violence devient impérieuse et nécessaire. Plus la brutalité est cassante, plus la violence qui est vie sera exigeante jusqu’à l’héroïsme.

Voici une phrase d’Andreas: « La violence est un potentiel économique ».

Quand la violence est définie ou décrite comme plus haut, il faut dire ce qu’est la brutalité, il ne s’agit pas de remplacer un mot par un autre en laissant à la phrase sa fonction accusatrice à l’égard des hommes qui emploient la violence.

Il s’agit plutôt de rectifier un jugement quotidien et de ne pas permettre au pouvoir de disposer à leur gré, pour leur confort, du vocabulaire, comme ils l’ont fait, le font encore avec le mot brutalité qu’ils remplacent, ici, en France, par  » bavures  » ou  » incidents de parcours « .

Comme les exemples de violence nécessaire sont incalculables, les faits de brutalité le sont aussi puisque la brutalité vient toujours s’opposer à la violence.

Je veux dire encore à une dynamique ininterrompue qui est la vie même.

La brutalité prend donc les formes les plus inattendues, pas décelables immédiatement comme brutalité: l’architecture des HLM, la bureaucratie, le remplacement du mot -propre ou connu- par le chiffre, la priorité, dans la circulation, donnée à la vitesse sur la lenteur des piétons, l’autorité de la machine sur l’homme qui la sert, la codification des lois prévalant sur la coutume, la progression numérique des peines, l’usage du secret empêchant une connaissance d’intérêt général, l’inutilité de la gifle dans les commissariats, le tutoiement policier envers qui a la peau brune, la courbette obséquieuse devant le pourboire et l’ironie ou la grossièreté s’il n’y a pas de pourboire, la marche au pas de l’oie, le bombardement d’Haïphong , la Rolls-Royce de quarante millions…

Bien sûr, aucune énumération ne saurait épuiser les faits, qui sont comme les avatars multiples par lesquels la brutalité s’impose.

Et toute la violence spontanée de la vie continuée par la violence des révolutionnaires sera tout juste suffisante pour faire échec à la brutalité organisée.

Nous devons à Andreas Baader, à Ulrike Meinhof, à Holger Meins, à Gudrun Ennslin et Jan-Carl Raspe, à la « RAF » en général de nous avoir fait comprendre, non seulement par des mots mais par leurs actions, hors de prison et dans les prisons, que la violence seule peut achever la brutalité des hommes.

Une remarque ici: la brutalité d’une irruption volcanique, celle d’une tempête, ou plus quotidienne celle d’un animal, n’appellent aucun jugement.

La violence d’un bourgeon qui éclate – contre toute attente et contre toute difficulté – nous émeut toujours.

Evidemment une chance est possible: que la brutalité, par son excès même, se détruise, ou plutôt, non qu’elle change de fin – par définition elle n’en a pas – mais en arrive à s’effacer, à s’anéantir à long terme, devant la violence. La colonisation du 1/3 monde ne fut qu’une série de brutalités, très nombreuses et très longues, sans autre but que celui, plutôt atrophié, de servir la stratégie des pays colonialistes et l’enrichissement des sociétés d’investissement aux colonies.

Il en résulta donc une misère, un désespoir qui ne pouvaient que nourrir une violence libératrice.

Mais jamais dans ce que nous connaissons d’eux, les membres de la  » RAF  » ne laissent leur violence devenir brutalité pure, car ils savent qu’ils seraient immédiatement métamorphosés en cet ennemi qu’ils combattent.

Dans cette correspondance, dans les dépositions, une préoccupation est particulièrement remarquable: sans se soucier des anecdotes sur le Kremlin, des vaticinations de De Gaulle sur certain dîner de Staline ou d’autres détails rapportés par les kremlinologues et qui ont autant de signification que les écarts sentimentaux de la reine d’Angleterre, la « RAF » s’attache à démontrer que, de Lénine jusqu’à maintenant, la politique soviétique ne s’est jamais écartée du soutien aux peuples du 1/3 monde.

Qu’on l’explique comme on voudra, cette politique n’est jamais en défaut.

Elle peut se trouver, et se trouve souvent, embarrassée par la complexité toujours vive des rapports féodaux, tribaux, à laquelle ajoutent les intérêts, les manoeuvres contradictoires des anciennes puissances coloniales et ceux de l’Amérique, mais depuis 1917 et malgré ce que nous disent les commentateurs occidentaux, malgré ce que serait sa politique intérieure, l’Union soviétique, soit par des accords de gouvernement à gouvernement, soit par ses votes à l’O.N.U. et dans les organismes internationaux, a pris toujours le parti du plus faible, du plus démuni.

Cela, beaucoup de personnes le savent, c’est certain.

En Europe – et par Europe il faut entendre aussi le monde européen d’Amérique – et surtout en Allemagne de l’Ouest, dans cet univers tellement anti-soviétique, la  » RAF  » rétablit une évidence politique, occultée en Europe.

Est-ce pour cela que la Fraction Armée Rouge est si peu – malgré le retentissement de ses arguments politiques, étouffés il est vrai par une action violente nommée ici « terrorisme » (parenthèse: un mot encore, celui de « terrorisme » qui devrait être appliqué autant et davantage aux brutalités d’une société bourgeoise) – est si peu, disons-nous, acceptée par certains gauchismes?

Il y a peut-être encore d’autres raisons: c’est que la Fraction Armée Rouge paraît être le contraire de ce que fut Mai 1968, et son prolongement. Surtout son prolongement.

Dès le début, la révolte étudiante – mais non les grèves dans les usines – se donne une allure frondeuse qui se traduit en escarmouches où les adversaires, polices et manifestants, cherchent, avec plus ou moins d’élégance, à éviter l’irréparable.

Les jeux nocturnes des rues relèvent plus de la dans que du combat. Les manifestations sont verbeuses, ouvertes même à la police et aux provocateurs de droite.

Quant aux prolongements de ce mois de mai, nous les apercevons comme une sorte de dentelle angélique, spiritualiste, humaniste.

La « RAF » s’est organisée avec à la fois une dureté de bouchon bien vissé, avec une étanchéité des structures, avec une action violente qui ne cesse ni en prison ni hors d’elle, et conduit, avec précision, chacun de ses membres aux limites de la mort, aux approches de la mort soufferte en s’opposant encore violemment aux brutalités judiciaires et carcérales, et jusqu’à la mort elle-même.

L’héroïsme n’est pas à la portée de n’importe quel militant. On peut donc penser que les gauchistes désinvoltes, épinglés par Ulrike… « le radicalisme seulement verbal »… sont apeurés devant une détermination aussi conséquente.

Dans cette longue correspondance et ces déclarations, on ne trouvera pas le mot de Goulag.

Ce que l’URSS a fait, ce qu’elle aurait fait de négatif – sans être escamoté – cède à ce qu’elle a fait, qu’elle fait de positif.

Chaque membre de la « RAF » accepte, revendique, exige d’être, et entièrement, jusqu’à la torture et jusqu’à la mort, l’une des îles de cet archipel du Goulag occidental.

Toute la « déclaration d’Ulrike pour la libération d’Andreas au procès de Berlin-Moabit » dit très bien, d’une façon explicité, que c’est la brutalité même de la société allemande qui a rendu nécessaire la violence de la « RAF ».

On le comprend à la lecture de cette déclaration, et particulièrement du passage commençant par: « La guérilla, et pas seulement ici, car il n’en pas été autrement au Brésil… on est un groupe de camarades qui a décidé d’agir, de quitter l’état léthargique, le radicalisme seulement verbal, les discussions de plus en plus vaines sur la stratégie, nous avons décidé de lutter… ».

L’Allemagne est devenue ce qu’en attendaient les gouvernements des Etats-Unis: leur extrême glacis à l’Est, et le plus offensif.

A cette brutalité se perpétuant elle-même selon sa logique devenue folle, interdisant ou laminant un parti communiste presque hors-la-loi , la « RAF » ne pouvait opposer que la violence héroïque.

Admettons un court instant que la correspondance d’Andreas, d’Ulrike et de ses camarades se nourrit, se fortifie d’exigences de plus en plus inaccessibles, de plus en plus « inhumaines », il faut alors se demander qui est la cause: cette Allemagne inhumaine voulue par l’Amérique.

Et demandons-nous si l’aggravation n’est pas obtenue par la prison, l’isolement, les systèmes d’écoute – à les lire, on a l’impression que les prisonniers sont à l’intérieur d’une énorme oreille – , les systèmes d’observation, le silence, la lumière ; et si l’aggravation n’était pas voulue – par Buback et le système – afin que les prisonniers nous apparaissent monstrueux, que leurs écrits nous éloignent d’eux, que leur mort, lente ou brutale, nous laisse indifférents; afin que nous ne sachions plus qu’il s’agit d’hommes que d’autres torturent mais d’un monstre qu’on a capturé.

Si c’était le but, de Buback et du système, ils ont perdu : Holger nous donne à voir le portrait terrifiant de celui qui s’oppose à la brute capitaliste, Ulrike, Andreas, Gudrun et Jan-Carl tout au long de leur correspondance ou de leurs débats, ont réussi à nous convaincre, et à nous émouvoir.

Voici une citation d’Ulrike:

« Les flics essaient, par leur tactique de la guerre psychologique de retourner les faits que l’action de la guérilla avait remis sur leurs pieds.

A savoir que ce n’est pas le peuple qui dépend de l’Etat mais l’Etat qui dépend du peuple ; que ce n’est pas le peuple qui a besoin des sociétés par actions des multinationales et de leurs usines, mais que ce sont ces salauds de capitalistes qui ont besoin du peuple ; que la police n’a pas pour but de protéger le peuple des criminels, mais de protéger l’ordre des exploiteurs impérialistes du peuple ; que le peuple n’a pas besoin de la justice, mais la justice du peuple; que nous n’avons pas besoin ici de la présence des troupes et des installations américaines, mais que c’est l’impérialisme US qui a besoin de nous.

Par la personnalisation et la psychologisation, ils projettent sur nous ce que eux sont: les cliches de l’anthropologie du capitalisme, la réalité de ses masques, de ses juges, de ses procureurs, de ses matons, de ses fascistes : un salaud qui se complaît dans son aliénation, qui ne vit qu’en torturant, opprimant, exploitant les autres, dont la base d’existence est la carrière, l’avancement, jouer des coudes, profiter des autres; qui se réjouit de l’exploitation, de la faim, de la misère, et du dénuement de quelques milliards d’êtres humains dans le 1/3 monde et ici ».

Je souligne cette phrase car elle révèle que la misère du 1/3 monde – misère physique, morale, intellectuelle – est constamment présente en eux, que cette misère la  » RAF  » la vit dans sont esprit et dans son corps.

Quand ils dénoncent les brutalités des Etats-Unis et de son agent privilégié, l’Allemagne fédérale, c’est de cette Allemagne asservie qu’ils se préoccupent mais c’est au même moment, dans le même mouvement qu’ils se préoccupent de toute la misère du monde.

Et quand ils écrivent cela, les membres de la « RAF » ne prouvent pas seulement la générosité et la tendresse voilée de tout révolutionnaire, ils disent encore une sensibilité très délicate à l’égard de ce qu’ici, en Europe, nous continuons à nommer le rebut.

Si l’analyse de Marx est juste: « Le progrès révolutionnaire se fraie son chemin quand il provoque une contre-révolu-tion puissante, qui se ferme sur elle-même, en engendrant son adversaire qui ne pourra amener le parti de l’insurrection dans sa lutte contre lui qu’à évoluer vers un véritable parti révolutionnaire… », alors nous devons recon-naître que la « RAF », au prix de sacrifices cette fois surhumains, décide de « frayer  » le chemin, avec tout ce que cela implique de solitude, d’incompréhension, de violence intérieure.

Ils sont dans cette situation dangereuse, attentifs à en refuser l’orgueil, sachant que leur pensée doit être débarrassée de toutes scories imbéciles afin d’être de plus en plus aiguë par une analyse toujours plus fine.

Et attentifs aux méthodes de lutte du système contre eux.

Au procès du 26 août 1975, Andreas déclare sèchement: « L’Etat se bat ici avec tous les moyens dont il dispose – c’est ce que [le chancelier] Schmidt a suffisamment répété, qu’il s’agissait de mettre en oeuvre tous les moyens – et ce sont justement tous les moyens organisés de la répression, du mensonge, de la manipulation, de la technique – il y va de l’image d’omnipotence impériale qu’il se donne de lui-même contre la tendance historique consciemment articulée de notre politique, dans l’insurrection, c’est là qu’elle apparaît en antagonisme avec la société et dont illégitime ».

En lisant certaines déclarations au tribunal, nous comprendrons ce qu’il leur faut de franchise et de finesse afin de laisser dans le gris les structures de l’Organisation, de dire, par le moyen de magnétophones installés par le tribunal, de dire clairement, expressément ce qu’ils ont voulu faire, de dire la situation de l’Allemagne (celle de[s chanceliers] Brandt et Schmidt), une Allemagne imposée par l’Amérique et dont la bourgeoisie, enorgueillie par les exploits du deutsche Mark, se croit tenue pour quitte du nazisme grâce à son anticommunisme.

Il est du reste évident que l’opposition de l’Allemagne fédérale à tout parti communiste ouvert est dans une grande part responsable de l’existence de la « RAF » qui prouve, de façon éclatante, que la social-démocratie est démocrate dans ses discours, inquisitoriale quand elle le veut.

Et inquisitoriale – avec tortures « propres », « raffinées », grâce aux techniques modernes – inquisitoriale sans remords, sans troubles.

L’Allemagne, qui a aboli la peine de mort, conduit à la mort par grèves de la faim et de la soif, isolement par la « dépréciation  » du moindre bruit sauf le bruit du cœur de l’incarcéré qui, sous vide, est amené à découvrir dans son corps le bruit du sang qui bat, des poumons, enfin son bruit organique afin de savoir que sa pensée est produite par un corps.

Dire que la situation qui est faite aux membres emprisonnées de la « RAF » est criminelle, c’est ne rien dire.

Le jugement moral cesse, dans les consciences des magistrats et dans celles de la population que les moyens de presse, donc de pression, ont conduit à l’état passionné du répit absolu.

Il est à craindre que l’Allemagne ne se sente purifiée quand « tous seront morts, et morts par leur volonté de mourir », donc « morts parce qu’ils se savent coupables », puisque c’est la signification tranquillisante pour l’Allemagne des grèves de la faim et de la soif jusqu’à la mort.

En lisant ce livre d’Andreas et d’Ulrike, de Gudrun et de Jan-Carl, souvenons-nous que des journalistes allemands s’élèvent contre la nutrition par sonde et décrètent que le devoir du médecin est de placer la nourriture à portée des détenus: libre à eux de vivre ou de mourir.

Comme de la même façon les magistrats se tirent d’affaire en décrétant que ce sont les avocats, incapables de convaincre leurs clients, qui sont coupables du délit – ou crime? – de non-assistance à personne en danger.

Mais accuser le gouvernement allemand, l’administration allemande, la population allemande, qu’est-ce que cela signifie?

Si les USA n’étaient pas présents physiquement en Allemagne, si leur ambition n’avait pas atteint cette enflure, si l’Europe n’avait pas, clairement ou non, assigné à l’Allemagne de l’Ouest une fonction policière face à l’Est, cette aiguille qu’est la « Raf » dans la chair trop grasse de l’Allemagne serait peut-être moins aiguë et l’Allemagne moins inhumaine.

Si l’on veut, je crois voir ici un double phénomène de mépris. L’Allemagne cherche – et dans une certaine mesure réussit – à donner de la « RAF » une image terrifiante, monstrueuse.

D’autre part, et par le même mouvement, le reste de l’Europe et l’Amérique, en encourageant l’intransigeance de l’Allemagne dans son activité tortionnaire contre la « RAF », cherchent, et dans une certaine mesure réussissent, à donner de l’Allemagne  » éternelle  » une image terrifiante, monstrueuse.

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Jean-Paul Sartre: La mort lente d’Andreas Baader (1974)

[Le traducteur de Jean-Paul Sartre était Daniel Cohn-Bendit, son chauffeur Hans-Joachim Klein.]

Au début, on s’est serré Ia main. II s’est assis en face de moi, et puis, au bout de trois minutes, la première phrase qu’il prononça, un peu en guise de salut, fut : « Je croyais avoir affaire à un ami et on m’a envoyé un juge… »

Vraisemblablement ça venait de la communication à la TV allemande que j’avais faite Ia veille.

Je pense qu’il espérait aussi que je viendrais le défendre sur la base de I’action qu’il poursuivait ainsi que ses camarades. II a vu que je n’étais pas d’accord avec eux. Je suis venu par sympathie d’un homme de gauche pour n’importe quelle formation de gauche en danger ; ce qui est une attitude qui, je crois, devrait être générale.

Je suis venu pour qu’il me donne son point de vue sur des Iuttes qu’ils ont menées, ce qu’il a fait d’ailleurs.

Et je ne suis pas venu pour dire que je suis d’accord avec lui, mais simplement pour savoir quelles étaient ses opinions qui peuvent être reprises ailleurs si on estime qu’elles sont vraies, et en plus pour parler de sa situation dans la prison comme prisonnier.

Nous avons ensuite évoqué sa vie en prison. Je lui ai demandé pourquoi il faisait Ia grève de la faim. Il m’a répondu qu’il Ia faisait pour protester contre les conditions de vie carcérale.

Comme l’on sait à présent, il y a un certain nombre de cellules dans la prison où je me suis rendu, mais il en existe dans d’autres prisons allemandes. EIles sont séparées des autres cellules : elles sont peintes en blanc et l’électricité fonctionne jusqu’à 11 heures du soir, et quelquefois vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Et il y a quelque chose qui lui manque, c’est le bruit. Des appareils à l’intérieur de la cellule sélectionnent les bruits, les affaiblissent et les rendent parfaitement inaudibles dans la cellule même.

On sait que le bruit est indispensable à un corps et à une conscience humaine. Il faut qu’il y ait une atmosphère qui entoure les gens.

Le bruit, que nous appelons d’ailleurs le silence, mais qui porte jusqu’à nous, par exemple le bruit du tramway qui passe, celui du passant dans Ia rue, des avertisseurs, sont liés à Ia conduite humaine, ils marquent la présence humaine.

Cette absence de communication avec autrui par le bruit crée des troubles très profonds. Troubles circulatoires du corps et des troubles de la conscience. Ces derniers détruisent la pensée en la rendant de plus en plus difficile. Petit à petit, ils provoquent des absences, puis le délire, et évidemment la folie.

Bien qu’il n’y ait plus de «tortureur», il y a des gens qui pressent certaines manettes à un autre étage. Cette torture provoque la déficience du prisonnier, elle le conduit à l’abêtissement ou à la mort.

Baader, qui est victime de cette torture, parle très convenablement, mais de temps en temps, il s’arrête, comme s’il n’avait plus ses idées, il se prend la tête dans les mains au milieu d’une phrase et puis reprend deux minutes plus tard.

Il a un corps amaigri par sa grève de la faim, il est nourri de force par les médecins de la prison, mais il est très maigre, il a perdu quinze à vingt kilos, il flotte dans ses vêtements devenus trop larges. Il n’y a plus de rapport entre le Baader que j’ai vu et l’homme en pleine santé.

Ces procédés réservés aux seuls prisonniers politiques, en tout cas ceux de la «bande à Baader», sont des procédés contraires aux droits de l’Homme.

Au regard des droits de l’Homme, un prisonnier doit être traité comme un homme. Certes, il est enfermé, mais il ne doit être l’objet d’aucun sévice, de rien ayant pour objet d’entraîner la mort ou la dégradation de la personne humaine. Ce système est justement contre la personne humaine et la détruit.

Baader résiste fort bien encore. Il est affaibli, il est sûrement malade, mais il garde sa conscience. D’autres sont dans le coma.

On craint pour la vie de cinq détenus, d’ici quelques semaines, quelques mois, dans quelques jours peut-être. Il est urgent qu’un mouvement se constitue pour réclamer que les prisonniers soient traités selon les droits de l’homme, qu’ils ne subissent aucun sévice particulier qui puisse les empêcher de répondre correctement aux questions qu’on leur posera le jour du procès ou même, comme il est arrivé déjà une fois, de les tuer.

Il existe déjà un comité de défense des prisonniers allemands en France, ce comité travaille en liaison avec la Hollande et avec l’Angleterre.

Mais il importe de créer un comité de ce type en Allemagne, avec des intellectuels, des médecins, des gens de toutes sortes qui réclament que le prisonnier de droit commun ou le prisonnier politique soient traités de la même façon.

Le 7 décembre 1974

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Déclaration de Jan-Carl Raspe au procès (1976)

Déclaration de Jan-Carl Raspe au procès de Stuttgart-Stammheim

11 mai 1976

Je ne parlerai pas longtemps.

Nous pensons qu’Ulrike a été exécutée.

Nous ne savons pas comment, mais nous savons par qui et nous pouvons montrer que cela a été savamment calculé. Je rappellerai les propos de Herold : « Les actions contre la « R.A.F. » doivent toujours être menées de façon à éviter toute position sympathisante. »

Et ceux de Buback : « La sûreté de l’Etat existe parce que des gens s’engagent pour elle.

Des gens comme Herold et moi trouvent toujours un moyen. »

Ça a été une exécution froidement conçue, comme celle de Holger, comme celle de Siegfried Hausner.

Si Ulrike avait décidé d’en finir, parce qu’elle y voyait la dernière possibilité de s’affirmer, d’affirmer son identité révolutionnaire contre la lente destruction de la volonté dans l’agonie de l’isolement – elle nous l’aurait dit – en tout cas à Andreas, étant donné leur relation.

Je crois que l’exécution d’Ulrike maintenant – en ce moment – est motivée par le point culminant, le premier débordement politique que connaît l’affrontement international entre la guérilla et l’État impérialiste de la R.F.A. Les informations en parlent, je n’en dirai rien aujourd’hui.

Cet assassinat se situe dans une ligne stratégique, après toutes les tentatives de l’Etat depuis six ans pour venir à bout, pour exterminer physiquement et moralement la RAF.

Et il vise tous les groupes de guérilla en Allemagne fédérale, pour lesquels Ulrike joue un rôle idéologique essentiel.

Je voudrais maintenant dire que depuis le temps que je connais la relation entre Ulrike et Andreas – et je la connais depuis sept ans -, elle était essentiellement intensité et tendresse, sensibilité et rigueur.

Et je crois que c’est précisément le caractère de cette relation qui a permis à Ulrike de supporter les huit mois de section silencieuse.

Ça a été une relation comme il peut s’en développer entre frères et sœurs – orientée par un but identique et le rôle qu’y a tenu cette politique.

Et elle était libre – parce que la liberté n’est possible que – dans le combat pour la libération.

Il n’y a eu pendant ces années aucune rupture dans leur relation.

Elle n’aurait pas été possible parce qu’elle se déterminait sur la politique de la RAF.

Et s’il a pu y avoir des contradictions très profondes dans le groupe, elles se définissaient dans une praxis concrète.

Dans le cours du travail théorique, le seul qui reste possible en prison, elles ne peu-vent trouver aucune assise, étant donné la situation de lutte identique, et compte tenu de l’histoire du groupe.

Les discussions, les lettres et manuscrits d’Ulrike jusqu’à vendredi soir apportent la preuve qu’il en a été exactement ainsi.

Ils expriment nettement le véritable caractère de cette relation.

Prétendre maintenant qu’il y aurait eu des « tensions », un « froid » entre Ulrike et Andreas, entre Ulrike et nous, c’est une calomnie primaire et sinistre pour pouvoir ensuite utiliser dans la guerre psychologique le projet d’exécuter Ulrike : c’est du Buback, dans toute sa dégueulasserie.

Toutes ces tentatives n’ont jusqu’à présent conduit qu’à une chose : une vision de plus en plus claire des forces réactionnaires en Allemagne fédérale, de son fascisme.

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Holger Meins: Combattre jusqu’au bout même ici (1974)

L’unique chose qui compte, c’est le combat, maintenant, aujourd’hui, demain, que tu aies été gavé ou pas.

Ce qui compte, c’est ce que tu en fais : un bond en avant.

Faire mieux. Apprendre par l’expérience. Tout le reste, c’est de la merde.

Le combat continue. Chaque nouvelle lutte, chaque action, chaque conflit apportent des enseignements inconnus.

Des expériences, voilà le développement des luttes. Est décisif ce qu’on apprend à connaître.

C’est le côté subjectif de la dialectique Révolution – contre-Révolution.

Par le combat, pour le combat.

A partir des victoires, mais encore plus à partir des erreurs, des « flipps » des défaites.

C’est là une loi du marxisme.

Combattre, avoir le dessous, encore combattre, avoir à nouveau le dessous, c’est ce qui renouvelle la manière de se battre, et ainsi de suite, jusqu’à la victoire finale.

Voilà la logique du peuple.

Dit le Vieux [Mao Zedong].

Bien sûr : « matière » : l’homme n’est rien que matière comme tout… L’homme entier. Les corps et la conscience sont matière.

Ce qui fait l’homme, ce qu’il est, sa liberté – c’est que la conscience se rend maître de la matière – de soi-même, de la nature extérieure et, surtout : de l’être personnel. Un des côtés de Engels : transparent.

Mais le guérillero se matérialise dans le combat – dans l’action révolutionnaire sans fin. Combattre jusqu’à la mort et bien sûr : collectivement.

Ce n’est plus une question de matière, mais de politique. La pratique. Comme tu dis.

Avant comme après l’affaire. Ce qui est – maintenant – repose comme pour la première fois en toi. La grève de la faim est encore loin d’être achevée. Et le combat
ne s’arrête jamais.

Mais il y a naturellement un point : quand tu sais qu’avec chaque victoire des porcs, l’intention concrète de meurtre devient plus concrète – si tu te retires du jeu, te mets en sûreté, et donnes par là une victoire aux porcs – ça veut dire que tu nous livres, que tu es toi-même le porc qui divise et encercle pour survivre lui-même et ensuite en avoir plein le cul de, comme je l’ai dit, « la pratique ».

Vive la Fraction Armée Rouge !

Mort au système des porcs !

Si tu ne continues pas la grève de la faim, tu ferais mieux de dire, et avec plus d’honneur (si tu sais encore ce que c’est, l’honneur) « comme on dit : à bas la R.A.F. Victoire pour les porcs. »

Ou bien homme, ou bien porc .

Ou bien survivre à n’importe Quel prix ou bien la lutte à mort.

Entre les deux, il n’y a rien.

La victoire ou la mort – disent des types partout, et c’est la langue des guérilleros – et même dans la minuscule dimension d’ici.

Il en va de vivre exactement comme il en va de mourir : « Les hommes (et donc nous) gagnent ou bien meurent, au lieu de perdre et de mourir. »

Assez triste de devoir encore t’écrire quelque chose de pareil.

Je sais, bien sûr, pas comment ça fait quand on meurt ou quand on te tue.

D’où ça ?

Dans un instant de vérité, ce matin, il m’est passé par la tête comme pour la première fois : c’est donc ainsi (cela non plus, je ne le savais pas) et ensuite (devant le canon de fusil braqué juste entre tes yeux) : c’est égal, c’était ça. En tout cas, du bon côté.

Ça, tu devras aussi le savoir par toi-même.

De toute façon, tout un chacun meurt.

La question est seulement de savoir comment, et comment tu as vécu, et l’affaire est bien claire : combattre contre les porcs comme homme pour la libération de l’être humain : Révolutionnaire au combat!

De tout notre amour de la vie : mépriser la mort.

C’est ce qui est pour moi servir le peuple.

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Holger Meins: Sur la nutrition forcée (1974)

Cinq à six flics, deux, trois infirmiers, un médecin.

Les flics me poussent, me traînent sur une chaise d’opération, c’est une table d’opération avec toutes les chicanes, en fait inclinable, pouvant être tournée dans tous les sens, etc.

Repliable en position de fauteuil accoudoirs, accessoires pour les pieds, la tête.

Ligoté : deux paires de menottes aux pieds, une courroie de 30 cm de large autour de la taille, au bras gauche deux morceaux de cuir avec quatre courroies allant du poignet au coude, au bras droit deux lanières au niveau du poignet et du coude. Une lanière autour de la poitrine.

Derrière moi un flic ou un infirmier qui maintient ma tête des deux mains au niveau du front et la pressent violemment contre la table.

En cas de résistance active au niveau de la tête, deux autres flics, l’un du côté gauche, l’autre du côté droit, tiennent les cheveux, la barbe et le cou.

De cette façon tout le corps est maintenu fixe, si cela est nécessaire un autre maintiendra les genoux ou les épaules.

Le seul mouvement possible n’est que musculaire et se situe à l’intérieur du corps.

Cette semaine ils ont serré les lanières très fortement, le sang s’accumulait dans les mains qui devenaient bleuâtres.

La nutrition forcée.

C’est un tuyau rouge, pas une sonde, qui est utilisé, pour être introduit dans l’estomac.

De la grosseur d’un doigt ; dans mon cas, au niveau des articulations il est graissé.

Cela ne va pas sans convulsions étouffantes du tube digestif car le tuyau ne fait qu’un ou deux millimètres de moins que le tube digestif.

Pour éviter cela il faut faire le mouvement d’avaler et rester tout à fait tranquille.

La moindre irritation provoque au moment de l’introduction du tuyau un réflexe de vomissement puis des crispations musculaires de la poitrine et de l’estomac, ces convulsions se prolongent en réaction en chaîne et se propagent violemment et intensément à l’ensemble du corps.

Celui-ci se cabre contre ce tuyau. Cela est d’autant plus pénible que cela dure et est violent.

Le tout n’est que torture : des vomissements qu’accompagnent des vagues de crispations.

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Ulrike Meinhof : Lettres à Hanna Krabbe (1976)

19 mars 1976

Ce que racontent les hommes politiques, ce n’est pas ce que les gens pensent, mais ce qu’il faut qu’ils pensent – et quand ils disent « nous », ils ne cherchent qu’à baratiner, pour que les gens croient y retrouver, en mieux formulé, ce qu’ils pensent et leur façon de penser.

Mais l’État n’aurait pas besoin de sondages d’opinion, il n’aurait pas besoin non plus de la garantie constitutionnelle si l’endoctrinement par la guerre psychologique était chose si simple.

Comme dit Gramsci, le pays légal n’est pas le pays réel ; ou tout simplement : l’opinion dominante n’est pas l’opinion de ceux qui sont dominés.

C’est de la merde ce que tu dis là. Tu raisonnes dans l’imaginaire. Comme si l’ennemi était l’idéologie qu’il crache, le baratin, les platitudes qu’on te serine dans la boîte à images avec le ton de consensus des hommes politiques, comme si les media et les gens à qui l’on déverse toute cette merde étaient la même chose.

Pas réelle, matérielle, la machine anti-insurrectionnelle (« counter-insurgency ») constituée par le Bureau fédéral de la police criminelle, le Procureur général de la République, le Conseil constitutionnel, le gouvernement, les media, les services secrets, etc. Comme si l’ennemi n’était pas matériel, mais idéal.

Ainsi tu ne t’interroges pas sur ce qu’est véritablement cette situation que Brandt qualifie de « normale» – et devant les propos de Buback, tu ne remarques pas que lui a pigé le caractère de l’affrontement : la guerre, et sa dimension : internationale, et qu’il parle là en fonction du capital U.S. international.

Tu les trouves seulement « absurdes », – et au lieu de les analyser, tu trouves un mot – la « C.I.A. », qui constate de façon métaphorique la déchéance morale de la politique de Buback -, et c’est gratuit.

Mais tu te dénonces par là, parce que pratiquement tu déplores que ce soit la guerre, après t’être mise clairement de notre côté dans cette guerre et avoir commencé à lutter.

Ton texte s’adresse à un public comme celui des mouvements de droits civiques aux Etats-Unis.

On peut alors se demander : si c’est cela ta cause, pour-quoi es-tu ici et pas là-bas ?

Mais tu es ici.

L’internationalisme pour lequel tu as combattu en te liant à la RAF n’est pas du tout celui des organisations internationales qui relient les Etats, telles que l’O.N.U. ou la convention de Genève ; c’est l’Internationale des mouvements de libération qui mène la guerre à l’impérialisme dans le tiers monde et dans les métropoles.

La guerre – voilà tout.

Tu ne trouveras pas à t’orienter si tu te réfères à des ragots, mais uniquement en étudiant des faits, et à la lumière de la lutte des classes.

Si, dans l’isolement, tu ne peux fournir l’effort pour toujours suivre et piger la réalité, en la ramenant au concept, à son concept matérialiste, par rapport à la lutte – la lutte des classes prise comme guerre -, c’est que tu vieillis, tu décroches, t’es malade, c’est-à-dire que tu commences à avoir une relation malade avec la réalité. Voilà la trahison, par capitulation devant la réalité de la torture et l’effort que demande la résistance – sinon elle n’est qu’un mot.

Il ne s’agit pas – tu ne peux pas te le permettre dans l’isolement – de te torturer en plus toi-même et pour tout.

Ce qui ne signifie pas – comme l’a dit Andreas là-bas – que certaines expériences ne doivent pas être endurées dans le processus de libération de l’aliénation.

Mais se crever pour comprendre la politique, les faits et leurs relations, ainsi que pour comprendre le groupe, et pour agir, est une chose ; c’en est une autre de se crever parce que l’isolement t’a enlevé toute illusion sur toi-même, et ça peut être assez dur.

Et si c’est pour être minée, dans ta propension à agir, à cause de la socialisation par l’angoisse et le désespoir, eh bien lutte à partir de ça.

Il faut bien que tu piges un jour – je ne sais pas – qu’on ne peut obtenir quelque chose avec des mots que s’ils traduisent correctement la situation concrète, celle dans la-quelle chacun se trouve dans l’impérialisme ; qu’il est absurde de vouloir faire de l’agitation avec des mots, alors que seules l’explication, la vérité peuvent agiter.

Et que, dans le milieu dans lequel nous combattons – Etat postfasciste, civilisation de consommation, chauvinisme des métropoles, manipulation des masses par les media, tactique de la guerre psychologique, social-démocratie -, et devant la répression à laquelle nous sommes confrontés ici, l’indignation n’est pas une arme.

Elle est bornée et purement stérile.

Celui qui est vraiment indigné, donc concerné et mobilisé, ne crie pas, mais réfléchit à ce qu’il peut faire.

C’est au S.P.K. – qu’on remplace la lutte par des cris.

Ça n’est pas seulement écoeurant, ça te laisse crever dans l’isolement, parce qu’on n’oppose à la répression matérielle brutale que de l’idéologie, au lieu de lui opposer un effort intellectuel, qui demande aussi un effort physique.

Armer les masses – c’est encore avant tout le Capital qui le fait : les flics, l’armée et l’extrême-droite.

Donc avant de t’en prendre aux masses de la R.F.A., ou aux « masses » tout court, réfléchis bien à ce qui se passe effectivement ici.

Ho Chi Minh écrivait en 1922, dans L’Humanité : « La masse est fondamentalement prête à la rébellion, mais complètement ignorante, elle veut se libérer, mais elle ne sait pas par où commencer. »

Ça n’est pas notre situation.

Ce à quoi nous réfléchissons le plus actuellement ici, c’est comment transmettre les expériences, en partie horribles, que nous avons faites dans l’isolement et qui se traduisent par : trahison, capitulation, autodestruction, dépolitisation, afin que vous n’ayez pas à les refaire.

Donc s’il est exact que dans la guérilla chacun peut apprendre de chacun, il doit être possible de transmettre les expériences – à condition seulement de comprendre la collectivité en tant que processus – et les établissements officiels dans lesquels on institutionnalise les personnes, en sont totalement l’opposé.

Prendre la collectivité comme un processus, cela signifie lutter ensemble – contre l’appareil qui, lui, est bien réel, et pas du tout imaginaire. —

Section « psychiatrie » : c’est de la merde.

La ligne, à la prison de] Ossendorf comme partout, c’est : anéantir, et les psychiatres y participent : voir les méthodes qu’applique le Conseil de sécurité de l’Etat, elles sont totalement conçues par des psychiatres.

La psychiatrie, comme la science impérialiste en général, est un moyen, et pas une fin.

La psychiatrisation est un front dans la tactique de la guerre psychologique : il s’agit de persuader le combattant écrasé de l’absurdité de la politique révolutionnaire, de lui en-lever toute conviction.

C’est aussi une méthode tactique de la police – pour le priver, par la destruction, d’une possible « libération par force », comme l’appelle Buback -, de leur intérêt militaire : le recrutement.

Ce que fait [le directeur de la prison d’Ossendorf] Bücker, ce n’est pas de la psychiatrisation – c’est de la terreur.

Il veut vous user jusqu’au bout.

Avec tes notions de thérapie, de tentatives de lavage de cerveau, tu n’y est absolument pas : tu mets un intermédiaire là où l’attaque est frontale.

La méthode Ossendorf, c’est la méthode taule en général, mais avec, à Ossendorf, une construction perfectionnée et une conception particulière de l’application des peines en la personne de Bücker et [l’inspecteur de la sécurité à la prison d’Ossendorf] Lodt.

Elle est aseptique, totale.

On coupe l’air au prisonnier afin qu’il perde finalement sa dignité, toute conscience de soi et le sens de ce qu’est la terreur. L’idée, c’est d’anéantir.

La psychiatrisation n’en est qu’un moment, qu’un instrument à côté d’autres.

Si tu te laisses paralyser par elle comme un lapin devant un serpent, tu ne peux rien piger à ce qui marche à côté de ça.

« Pas de fenêtres » – bien sûr.

Mais il y a plus encore sous cela : la perte de toute assurance en raison de l’isolement, le sadisme avec lequel on la calcule, la perfection dans son application, la volonté d’anéantissement intégrale de la section de sécurité.

Il y a de quoi être décontenancée devant l’acuité de l’antagonisme dans lequel nous sommes entrés en luttant, décontenancée de voir que le fascisme règne effective-ment ici.

Que ce n’est donc pas seulement en fait une affirmation de notre part, mais une idée exacte du caractère de la répression qui te frappe quand tu commences à faire de la politique révolutionnaire dans cet État.

Ils ne peuvent psychiatriser personne qui ne l’accepte ou ne le veuille pas. Jeter les hauts cris sur la psychiatrie ne fait que masquer l’isolement.

Et lui il agit – c’est contre lui qu’il faut lutter et naturellement il vous faut vous affronter aux chicanes de Bücker.

Donc exiger : qu’il n’y ait pas de contrôle acoustique, seule-ment un contrôle visuel de surveillance, comme à Stammheim.

Ici naturellement ça a été aussi une lutte pour obtenir que le flic qui venait nous écouter parte, que nous puissions nous asseoir par terre, etc.

De soi, il n’y a que la répression qui marche. C’est pourtant clair.

T’es aussi une salope.

Quand tu sors de ta boîte à ouvrage le mot d’ordre : concentration et comme ligne directrice : prisonniers de guerre. Comme si cela pouvait être une menace – contre [Président du tribunal au procès pour l’occupation de l’ambassade allemande à de Stockholm] Müller. Tu déconnes.

Nous devons viser la con-centration et l’application de la Convention de Genève – mais qu’attends-tu de Müller ?

Nous les combattons, ce combat ne prendra jamais fin.

Et ce n’est pas eux qui nous faciliteront les conditions de lutte.

Evidemment si tu ne raisonnes qu’au niveau de la morale bourgeoise, tu vas bientôt manquer de munitions. C’est débile.

Alors fais bien attention à toi – parce que personne ne peut le faire à ta place dans l’isolement.

Pas même Bernd [Rössner, membre du commando Holger Meins de la RAF, emprisonné]

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Ulrike Meinhof : Histoire de la RFA et de la gauche traditionnelle (1976)

le système impérialiste mondial s’est développé sous l’hégémonie du capital américain, la politique extérieure des états-unis en est la manifestation politico-militaire et l’armée américaine, l’instrument principal.

en 1945, les états-unis ont créé trois états pour servir de bases opérationnelles à leur politique extérieure : l’allemagne fédérale, la corée du sud et le viet-nam du sud.

pour l’impérialisme américain, ces états ont servi, et cela dès le début, de bases opérationnelles à deux titres :

pour l’armée américaine, dans la stratégie de l’encerclement et du roll-back final de l’union soviétique ou, plus justement, de l’armée rouge.

pour le capital u.s., pour soumettre aux intérêts du capital u.s., là-bas, les régions de l’asie du sud-est et de l’est, ici, les régions de l’europe de l’ouest.

l’histoire de la république fédérale nous intéresse pour deux raisons : d’abord pour l’histoire de la gauche traditionnelle, de la vieille gauche qui en 1966, au moment de l’entrée des sociaux-démocrates dans la grande coalition de bonn, s’est fait récupérer en tant qu’opposition et donc s’est trouvée paralysée.

et puis pour le rôle de la r.f.a. dans le système mondial du capital américain, point essentiel pour nous qui définissons la politique révolutionnaire par l’internationalisme prolétarien, d’adenauer à schmidt, la ligne est la même :

anti-communisme, subordination de l’europe de l’ouest à la politique extérieure américaine sur le plan politique, économique et militaire.

autrement dit, l’orientation de la politique du gouvernement ouest-allemand d’adenauer à schmidt est fonction de la politique intérieure mondiale des états-unis, c’est-à-dire : du rôle de police mondiale qu’exercent les états-unis depuis 1945.

c’est une banalité de dire que la politique intérieure et extérieure de la corée du sud et du sud-viet-nam étaient directement dirigées par la c.i.a., étant donné la faiblesse économique de la bourgeoisie compradore dans les état néo-colonisés.

un état qui a le potentiel économique de l’allemagne fédérale et qui, depuis trente ans déjà, ne dispose pas de son propre pouvoir politique, rend particulièrement difficile une orientation politique radicale et, comme notre expérience nous l’a montré, la lutte anti-impérialiste ne peut être, dans ces conditions, qu’une lutte armée.

nous ne connaissons pas d’autres pays où la gauche refuse aussi obstinément de prendre connaissance de sa propre histoire, de l’histoire de ses défaites, ce qui ne veut pas dire que les luttes qu’elle a menées n’étaient pas importantes et ne valaient pas la peine d’être étudiées, ce sont les italiens

– et nous avons déjà eu recours à eux –

qui ont produit les analyses les plus pertinentes de la politique social-démocrate, de sa fonction en faveur du capitalisme en allemagne; c’est de france que viennent les analyses réellement valables du fascisme allemand, de la politique économique du troisième reich comme politique du capitalisme monopoliste d’état allemand.

et pour ce qui est de la grande mobilisation anti-impérialiste qui a agité les métropoles en 1966-1967, il faut bien admettre que la gauche officielle a spéculé là-dessus et l’a monnayée, en souvenirs euphoriques directement consommables, mais elle n’a jamais fait l’effort de comprendre ce qui s’est passé réellement, d’où le mouvement étudiant prenait sa force explosive, la pertinence politique du facteur subjectif.

il ne pouvait sans doute en être autrement; en tout cas, les expériences des révolutions anti-colonialistes, celle du peuple algérien par exemple,

– telle que fanon l’a fait connaître à la gauche révolutionnaire dans le débat international – peuvent être utilisées en allemagne fédérale, du fait de son statut spécifique de colonie dans le système des états sous dépendance américaine.

il faudrait que, replacée dans le contexte de l’internationalisme prolétarien, l’histoire du peuple, celle du peuple allemand et donc notre histoire – dont nous avons honte – cesse d’être une histoire dont presque tous les communistes ont honte depuis 1933.

car l’histoire des allemands, celle du capital monopoliste, de la social-démocratie, des syndicats – c’est de n’avoir pas été capable d’empêcher deux guerres mondiales impérialistes et douze ans de fascisme, c’est de n’avoir pas su le combattre efficacement, telle est l’histoire du mouvement ouvrier allemand, réalité incontournable quand on veut donner une identité historique à la guérilla.

l’histoire de la gauche traditionnelle en allemagne fédérale, c’est de s’être laissée transformer en instrument, vider de tout contenu de lutte par le parti communiste, simple appendice de la république démocratique allemande et de s’être laissé corrompre par la social-démocratie avec ses grandes « figures », plus exactement ses fantoches : (l’ex président) heinemann et (le premier ministre) brandt.

en fait, la gauche traditionnelle a fini par comprendre qui était brandt en 1958, quand il passait dans toutes les grandes entreprises berlinoises avec son masque de maire de berlin, directement manipulé par la c.i.a. comme tous les maires de berlin. tout en menant une violente campagne anti-communiste, il s’était mis à la tête du combat qui se déroulait à ce moment-là dans les entreprises contre le projet de Bonn d’équiper l’armée fédérale en bombes atomiques, dans l’unique but d’usurper, d’étouffer la lutte, et de lui imposer un caractère anti-communiste.

depuis le début, le projet politique poursuivi par les états-unis en tant que force d’occupation dominante dans les trois zones d’occupation occidentales – globalement réactif et défensif, offensif et prospectif dans son expression régionale, en accord avec le gouvernement allemand – n’avait aucune légitimité :

la restauration du capital monopoliste, la reconstitution du pouvoir économique et politique des vieilles élites, dans le but de perpétuer la dictature de la bourgeoisie désormais sous l’égide du capital américain, la remilitarisation et l’intégration des trois zones ouest dans le système politico-militaire de l’impérialisme américain, l’anti-communisme comme idéologie dominante, c’était le prix à payer pour sauvegarder l’unité nationale en tant qu’état, l’unité nationale n’étant rien d’autre que pur opportunisme.

« le prolétariat comme masse manœuvrable  » (c’est-à-dire en fait l’exclusion du prolétariat de la scène politique) – on ne peut vraiment pas dire que ce soit l’idéal.

cette politique n’a bien sûr jamais été discutée, il n’y a pas eu de vote, tout s’est décidé à Washington, quand des élections ont enfin pu avoir lieu en 1949, après la fondation de l’allemagne fédérale, la monnaie allemande était déjà intégrée dans le système du dollar, élaboré à bretton wood, le conseil parlementaire avait déjà élaboré une constitution d’après les projets des alliés, c’est-à-dire des états-unis,

cette constitution donne à une seule personne, le chancelier, le pouvoir de définir les grandes lignes politiques,

si pour une fois on part de la réalité et de la pratique du gouvernement adenauer et non pas des rationalisations du droit constitutionnel permettant de dire qu’on avait tiré les leçons de weimar, il s’agit de constitution pour régime de marionnettes, à l’intérieur de la social-démocratie, les luttes de pouvoir s’étaient terminées par la victoire de la tendance anticommuniste de schuhmacher –

dorénavant financée par le capital américain, elle avait repris son vieux rôle de 1918, de rempart contre l’influence communiste et contre toute ébauche de construction d’un mouvement ouvrier autonome, dans les conseils fédéraux des syndicats et dans la fédération des syndicats (d.g.b.), tous les postes clefs étaient occupés par d’anciens fonctionnaires qui déjà, sous weimar, s’étaient prononcés pour l’intégration de la lutte des classes dans la stratégie du capital, toute tentative de reconstruire les organisations du prolétariat à partir des groupes ayant, dans l’illégalité, dirigé la résistance sous le fascisme – chose qui paraissait évidente – était vouée à l’échec.

la fonction propre à l’allemagne au sein du bloc impérialiste américain et donc dans la stratégie du capital américain, résulte de son histoire, de sa position de counter-state mis en place par les états-unis dans le conflit est-ouest, à partir de là, s’explique aussi quel rôle particulier prit la social-démocratie allemande dans la stratégie américaine, après la guerre du viet-nam.

il faut prendre en compte la continuité de la politique fédérale depuis le troisième reich et l’extrême agressivité qu’a toujours dû manifester le capital monopoliste allemand, vu sa position sur le marché mondial,

c’est-à-dire son extrême dépendance par rapport à l’exportation, pour comprendre les racines historiques de son rôle de seconde puissance à l’o.t.a.n. et de sa conception de la politique impérialiste, la plus expansionniste après celle des u.s.a.

quant aux conditions intérieures, qui ont fait de l’allemagne fédérale l’instrument de la politique extérieure des états-unis, les voici :

dans les trois zones occidentales de l’après-guerre, c’est le capital américain, avec l’aide de la social-démocratie, vendue au capital américain, et des syndicats, financés et contrôlés par la c.i.a., qui organisa directement le prolétariat, depuis le début il s’agissait de dépolitiser les luttes de classes en allemagne et de structurer, d’organiser dans la légalité, toute l’opposition politique, sur la base de l’anti-communisme.

c’est ainsi qu’il peut s’expliquer qu’aucun mouvement

d’opposition ne se soit développé en r.f.a., jusqu’à l’époque du mouvement étudiant – tout mouvement d’opposition ayant été usurpé et étouffé par la social-démocratie.

à ce parti restera attachée l’infamie particulière d’avoir été, depuis toujours, le parti révisionniste du prolétariat et, en tant que tel, l’agent du capital au sein du prolétariat, depuis toujours, et tout à fait ouvertement aujourd’hui, il s’est plié aux directives de clay à berlin, de la c.i.a., du pentagone, etc.

et cette évolution, l’alignement de la ligne politique officielle du parti social-démocrate sur celle de la politique extérieure des états-unis, et donc aussi sur celle du parti démocrate chrétien, s’accorde bien avec les efforts acharnés qu’il mena pour détruire les mouvements d’opposition qui existaient encore jusqu’en 1960

– mouvement contre la remilitarisation, contre l’infiltration fasciste dans les appareils d’état, contre l’intégration de l’allemagne dans l’o.t.a.n., contre l’équipement atomique de l’armée fédérale –

jusqu’au moment où wehner, pour réaliser la « grande coalition », se prononça ouvertement, en 1960, pour l’intégration dans l’o.t.a.n., pour l’intégration de l’allemagne fédérale dans l’europe de l’ouest, et finalement pour la même « politique de l’est », que prônait adenauer – le « roll-back », autrement dit, la prise à revers, pour la politique extérieure des états-unis, ce fut bien le signe que la social-démocratie avait rempli son contrat d’après guerre : écraser et détruire l’opposition légale en allemagne.

ce qui caractérise la dépendance spécifique de l’impérialisme ouest-allemand c’est qu’outre que l’état est obligé de s’adapter aux conditions de reproduction du capital hégémonique dans sa politique et ses institutions, dès l’instant où, comme tous les états sous la dépendance du système mondial américain, il est soumis à la totale hégémonie du capital américain,

c’est que, dans cet état, le pouvoir politique n’a jamais été remis à ces propres organes constitutionnels. ce qui signifie en clair : qu’il est un instrument de la politique.

d’emblée, d’ailleurs, il ne s’agissait pas uniquement de droits d’occupation, il s’agissait de stratégie institutionnelle;

autrement dit, après 1945, le capital américain a non seulement intégré la constitution de l’allemagne fédérale dans ses éléments opératoires (une démocratie, dirigée par un chancelier; et un parlement, aux compétences restreintes par le fédéralisme; l’intégration des fonctionnaires fascistes par l’appareil judiciaire et l’administration allemande);

il a de plus mis la main sur toutes les autres instances de contrôle caractérisant l’état impérialiste (les partis, les organisations du patronat, les syndicats, les mass-média).

on peut dire que jusqu’au mouvement étudiant, en allemagne, les luttes de classe restaient factices, là où elles atteignaient une dimension politique, et étant donné leur méconnaissance des véritables rapports de force en allemagne, restaient un pur théâtre d’ombres.

prenons par exemple le mouvement anti-atomique, qui s’est développé à partir des débats parlementaires de mars 58.

en février, il y avait eu controverse entre heinemann et dehler, d’une part, et, de l’autre, adenauer, mettant en cause sa politique de réconciliation, et les propositions faites par Staline en 1952-1955 d’autoriser, une fois l’allemagne neutralisée, des élections en allemagne démocratique sur le modèle des élections occidentales,

c’est lorsque le parlement décida d’équiper l’allemagne fédérale d’avions pouvant transporter aussi des bombes atomiques que prit naissance ce mouvement, mais cette décision ne faisait que ratifier une décision prise à l’o.t.a.n., chose dont le mouvement n’avait pas pris conscience, voilà qui est bien exemplaire de la structure gouvernementale en pays vaincu et occupé :

où toutes les décisions d’importance doivent s’intégrer dans une stratégie institutionnelle où il est exclu, ou risque d’être exclu, de permettre des élections réellement démocratiques (c’est-à-dire influant sur la vie du pays) dès l’instant où le militaire domine le productif, ce qui importe c’est que cet état n’a pu parvenir à la fonction qu’il a aujourd’hui pour le capital américain que grâce au rôle et à la fonction spécifique de la social-démocratie allemande.

jusqu’en 1960, resta paralysée l’ancienne gauche extra-parlementaire, qui s’était opposée à tous les processus de division des deux allemagne, à la militarisation, à l’intégration dans l’o.t.a.n., à la politique de reconquête des prétendus territoires de l’est, quant à l’opposition au sein des syndicats, et surtout au sein du syndicat de la métallurgie, où la fraction du s.d.s. (mouvement des étudiants socialistes), exclue du parti social-démocrate, avait encore trouvé une base politique, elle fut dissoute au cours des années suivantes, ou plutôt s’est laissée user et dissoudre, lors de l’adoption des lois d’urgence,

malgré les protestations de la gauche démocratique, en se faisant le porte-parole permanent de la critique des projets de loi gouvernementaux, le parti social-démocrate a réussi à en dégrader le contenu (portant sur l’utilisation de l’armée pour la répression des grèves à l’intérieur du pays, la destitution du parlement, la mobilisation de la population en cas d’urgence),

se cantonnant à des débats d’experts en droit constitutionnel, l’opposition a perdu sa base populaire, toujours grâce au même vieux tour de passe-passe de la social-démocratie, qui est d’institutionnaliser le débat, en l’occurrence, dans des colloques publics où on discute entre experts et où la question du pouvoir est exclue de l’ordre du jour.

pour dire en un mot comment la social-démocratie s’est finalement qualifiée pour le service du capital américain, c’est par la démagogie.

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Ulrike Meinhof : La situation de la RFA (1976)

la situation de l’allemagne fédérale est la suivante : grâce à l’énorme potentiel économique de l’impérialisme ouest-allemand, soumis à la tutelle du capital américain

– qui contrôle toutes les industries stratégiques en allemagne fédérale : l’électronique, la chimie, le pétrole, l’automobile, la construction mécanique –

c’est le parti social-démocrate qui organise en europe de l’ouest

le processus contre-révolutionnaire

dont le modèle de développement, proposé par la social-démocratie, est le moteur à deux niveaux : au niveau des crédits, dépendant directement des conditions politiques, préparant les investissements de capitaux et imposant par chantage économique la militarisation de la politique

– comme le dit brandt dans une lettre à olaf palme
« la stabilité revient à prévoir la catastrophe afin de l’éviter »

ceci revient à dire qu’aux états soumis à elle dans la chaîne impérialiste, l’allemagne fédérale impose son modèle de fascisme : par le jeu des institutions, par sa politique anti-insurrectionnelle, par l’organisation de l’état sur le modèle de la démocratie parlementaire, et l’exclusion systématique des partis communistes, de telle sorte que le clan au pouvoir soit toujours et exclusivement celui du capital u.s.

en europe de l’ouest, l’ennemi principal c’est les états-unis et l’allemagne fédérale de la social-démocratie, car elle seule, de par son histoire et son influence dans l’internationale socialiste et ses contacts avec les syndicats, dispose de moyens suffisants pour imposer en europe un nouveau fascisme : des syndicats et des partis étatisés, encore en contact avec la base.

c’est ainsi que toute attaque contre la présence ici du capital américain s’affronte immédiatement à l’état impérialiste ou directement à l’armée américaine – ce dont il a été débattu en 1972 -;

dans tous les cas, les attaques contre les installations américaines en allemagne fédérale obligent le gouvernement à montrer ce qu’il est vraiment – une branche du capital u.s. <- et dévoilent le statut réel de l’allemagne fédérale dans le système mondial américain – un territoire militairement occupé par les états-unis -.

c’est aussi une ligne de mobilisation.

mais l’essentiel, c’est que la social-démocratie, ainsi démasquée par les attaques de petits groupes armés, se retrouve dans l’impossibilité d’organiser l’europe de l’ouest en un bloc militaire au service de la stratégie du capital u.s.

parce que

le fascisme, ainsi mis à jour mobilisera nécessairement contre l’allemagne tout ce qui subiste encore à l’étranger de ressentiment politique, tout ce qui survit de tradition anti-fasciste et dans tous les groupes, depuis l’extrême-gauche jusqu’aux sociaux-démocrates et aux gouvernements nationalistes, tout ce qui existe de ressentiment contre le militarisme et l’impérialisme allemand, contre sa volonté d’hégémonie, avec justement comme mot d’ordre :

l’ennemi principal c’est les états-unis, la première ligne de démarcation, le premier front de lutte, c’est le conflit nord/sud, avec la lutte de libération des peuples du tiers-monde, ou, autrement dit, la lutte armée du prolétariat mondial contre les u.s.a.

la deuxième ligne de démarcation est déterminée par les répercussions dialectiques, sur les métropoles, des guerres de libération menées à la périphérie du système, il s’agit là aussi, sur le plan idéologique, politique, militaire, mais aussi économique (point que nous ne développerons pas ici), de créer un front de lutte, un certain combat politico-militaire
processus qui fait que la guérilla dans les métropoles participe des luttes de libération du tiers-monde, c’est-à-dire constitue l’avant-garde du prolétariat mondial.

voilà – brièvement – quelle stratégie nous envisageons à partir de notre expérience et de ce que nous avons appris ici.
cette stratégie contraint l’état à réagir avec force aux attaques de petits groupes révolutionnaires et du même coup le contraint à constituer, à développer lui-même le deuxième front, à amorcer lui-même le processus de polarisation, en poursuivant tous les gens de gauche, dans ce processus, la guérilla peut être – et nous dirons sera – l’affaire de chacun et de tous ceux qui prennent politiquement (et non individuellement, comme la plupart des spontex) conscience de leurs problèmes.

il faudrait ajouter quelques remarques sur la structure de l’organisation, l’organisation de la guérilla urbaine luttant sur ce front, mais on laissera ça de côté ici.

en fait, il faudrait analyser les visées militaires des états-unis, quand ils s’appuient sur la social-démocratie : intégration des appareils chargés de la sécurité intérieure et extérieure, transformation de l’appareil d’état et des appareils idéologiques d’état (écoles, médias et services publics) en un réseau tentaculaire de renseignements pour la sûreté de l’état, avec obligation pour tous les fonctionnaires et employés des services publics de transmettre toute information au service spécial de la protection de la constitution (c’est le texte de loi protégeant la constitution en basse saxe); un seul journal en a fait l’analyse jusqu’à présent, la frankfurter rundschau).

voilà donc, au niveau des institutions, la stratégie de ce nouveau fascisme, qui transforme la justice politique en instrument du système anti-insurrectionnel et met en pièce la machine du conseil de sécurité de l’état :

le bureau fédéral de la police cri-minelle (b.k.a.) et sa section  » anti-terroriste  » de bonn, la police des frontières (b.g.s.), les brigades mobiles d’intervention (m.e.k.); parallèlement on renforce la police dans les casernes et on unifie les polices des länder [régions] sous la direction du bureau fédéral de la police criminelle et on applique dans la guerre psychologique de nouvelles techniques de répression élaborées par informatique.

ce projet vise à créer dans chaque état comme entre les différents états de l’europe de l’ouest – donc horizontalement et verticalement – un appareil de renseignements généraux qui s’infiltre dans les sociétés et intègre les états sans avoir lui-même sa propre expression politique, ce qui veut dire en clair, hors de tout contrôle public et sous commandement du pentagone; machine militaire et appareil de propagande dans la mesure où dans la guerre psychologique, ça constitue un appareil de manipulation totale.

ce système d’obtention et d’utilisation des renseignements dans la guerre psychologique est un système clos, dans lequel il est possible d’effectuer à grande échelle manipulation, surveillance, quadrillage (et donc de nouvelles formes de manipulation), les faits sont là pour le prouver.

ce que la gauche officielle ne veut pas savoir, c’est qu’elle est complètement fichée par l’ordinateur du bureau criminel fédéral, – avec tous ses membres, tous ses amis, tous ses sympathisants, dans la mesure où des carnets d’adresse ont été saisis pendant l’opération  » voyage d’hiver  » [arrestations de sympathisants dans le milieu intellectuel] et à l’aide de toutes les autres informations, systématiquement récoltées depuis 66/67.

si le bureau criminel fédéral peut arrêter 394 collectionneurs d’armes en une seule action bien coordonnée, il peut bien évidemment expédier toute la gauche officielle dans les stades en une seule action.

la guérilla urbaine est une tactique qui dévoile la stratégie en anticipant sur elle, son but est la reconstruction internationale de la politique prolétarienne – avec pour conséquence la réaction dans le contexte international.

au niveau de l’élaboration d’une stratégie révolutionnaire, cela signifie : comprendre que le gouvernement de chaque état est un appareil de répression intérieure et qu’au niveau international, il se détermine en faveur du capital américain multinational.

le système des états nationaux soumis à l’impérialisme américain constitue une ligne de fronts dans la guerre que l’appareil répressif du capital u.s. mène sur deux secteurs : sur les points de cristallisation de la ligne de démarcation pauvres/riches, dans l’opposition nord/sud, et sur la deuxième ligne de démarcation à l’intérieur des métropoles, ici pour prévenir une contre-offensive massive du prolétariat.

et il est important de constater, d’une part, que l’état réagit à partir des contraintes que lui impose le mouvement du capital – le fondement matériel de tout le système -;

il est donc fonction du capital et, d’autre part, que le capital n’est plus capable de développer une perspective productive à partir de ses propres bases

ou, pour employer un terme de l’économie bourgeoise : iî n’est plus capable d’innover, s’il ne cesse pas d’être le terrain des interventions de l’état.

pour quelqu’un comme schmidt, il est évident que l’état du système impérialiste reste un colosse aux pieds d’argile tant que les problèmes économiques de la crise, de l’inflation, du chômage, bref les problèmes du marché mondial, n’ont pas été résolus.

l’élément nouveau, nouveau aussi pour cette sorte de fascisme, c’est qu’il ne s’agit pas simplement d’assurer la domination et de consolider le pouvoir du capital et des marchés : l’enjeu est bien plus la création d’un système d’états capable de subsister indépendamment de sa base et en dehors des contraintes de mouvement du capital.

ici l’état est sujet de la politique, il n’est plus gouverné par diverses fractions concurrentes du capital, mais il devient l’expression directe du capital, du seul et unique capital, car sous l’hégémonie du capital américain aucune autonomie politique ou économique des capitaux n’est possible en dehors du capital u.s.

il s’agit pour nous de démontrer quel est le rapport dialectique entre l’intemationalisation du mouvement du capital et la transformation des états nationaux organisés en un nouveau système fasciste international, le système des états créés par l’impérialisme américain;

et de démontrer ainsi que la fonction de l’état national a été pervertie à partir du moment où l’impérialisme s’est trouvé dans une position stratégique défensive depuis sa défaite au viet-nam.

pour nous il s’agit surtout de montrer ici qu’à partir de la répression internationale organisée par la réaction la stratégie révolutionnaire doit être internationale – quand on dit que l’analyse politico-économique de la situation coïncide aujourd’hui avec les concepts de l’analyse de marx
cela veut dire concrètement

que la stratégie du manifeste communiste

« prolétaires de tous les pays, unissez-vous »

a retrouvé son ferment organisateur dans la guérilla qui anticipe sur la reconstruction internationale de la politique prolétarienne, la forme d’organisation de l’internationalisme prolétarien dans les métropoles du capital, ce sera la guérilla urbaine.

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Ulrike Meinhof : La position de classe (1976)

Nous trouvons vraiment insupportable la position de classe au nom de laquelle tu te gonfles.

Ce n’est pas une question de définition – c’est que la lutte, donc le principal, en est éliminé.

Ta position, ça n’existe pas. Si tu restes sur ton perchoir, ça n’a pas grand chose à voir avec ce que nous, nous voulons. Nous voulons, ce que nous voulons, c’est la révolution.
Autrement dit, il y a un but, et par rapport à ce but il n’y a pas de position, il n’y a que du mouvement, il n’y a que la lutte; le rapport à l’être – comme tu dis – c’est: lutter.
Il y a la situation de classe: prolétariat, prolétarisation, déclassement, avilissement, humiliation, expropriation, servitude, misère.

Étant donné que dans l’impérialisme les rapports marchands pénètrent complètement tous les rapports, et étant donné l’étatisation continue de la société par les appareils d’État idéologiques et répressifs, il n’est pas de lieu ni de moment dont tu puisses dire: je pars de là.

Il y a l’illégalité, et il y a des zones libérées; mais nulle part tu ne trouveras l’illégalité toute donnée comme position offensive permettant une intervention révolutionnaire car l’illégalité constitue un moment de l’offensive, c’est-à-dire ne se trouve pas hors de l’offensive.

La position de classe typique, c’est la politique extérieure soviétique, supposée issue de la position du prolétariat mondial, c’est aussi le modèle d’accumulation, décrétée socialiste, de l’Union Soviétique.

C’est la position – l’apologie – du socialisme dans un seul pays, autrement dit: une idéologie assurant une domination, qui ne se détermine pas dans son opposition à l’impérialisme de manière offensive, mais de manière défensive, contrainte et forcée par l’encerclement.

Tu peux dire que la politique intérieure et extérieure soviétique aura été historiquement nécessaire – tu ne peux pas soutenir son absolutisation comme position de classe.
La position de classe – à savoir l’intérêt, le besoin, la mission d’une classe, de lutter pour le communisme afin de vivre – est partie intégrante de sa politique – je dirais même: s’y résout – ce qui est un non-sens. Position et mouvement s’excluent. C’est une dérobade, un subterfuge pour se justifier, une affirmation gratuite.

C’est supposer que la politique de classe dérive de l’économie – et c’est faux. La politique de classe résulte de la confrontation avec la politique du capital -; la politique du capital est fonction de son économie. Et je pense que Poulantzas le saisit bien quand il dit que les fonctions économiques de l’État sont parties intégrantes de ses fonctions répressives et idéologiques – c’est la lutte des classes.

La politique de classe, c’est de lutter contre la politique du capital et non contre l’économie qui prolétarise directement ou à travers l’État. La position de classe du prolétariat, c’est la guerre – il y a là contradiction in adjecto, pur bla bla.

L’Union Soviétique parle beaucoup de position de classe, parce qu’elle veut faire passer sa politique d’État pour une lutte de classes.

Je dirais: il y a là capitalisation de la politique extérieure soviétique. Ce qui signifie qu’ils peuvent être alliés dans le processus de libération, mais nullement protagonistes.
Le protagoniste n’a pas de position – il a un but, quant à la  » position de classe « , c’est toujours du matraquage – c’est penser et dispenser par l’intermédiaire d’un appareil de parti un concept de réalité ne correspondant pas à l’expérience de la réalité -, en fait ça signifie soutenir une position de classe sans lutte de classes.

Comme tu dis: ce n’est pas  » à partir d’elle  » qu’il faut agir.

En 69 ce sont les groupes ml, ksv, ao [marxistes-léninistes, union étudiante communiste, groupe de construction du parti] qui ont, avec leur « position de classe « , dépolitisé le mouvement politique dans les universités, en prônant comme juste une politique avec laquelle aucun étudiant ne pouvait plus adhérer subjectivement.

C’était une position parfaitement liquidatrice du mouvement de protestation anti-impérialiste. Et je pense que c’est là tout l’horreur du concept et de son contenu, à savoir qu’il exclut toute possibilité d’adhésion affective à la politique prolétarienne – c’est un catéchisme.

Nous ne partons pas d’une position de classe, quelle qu’elle soit, mais de la lutte des classes comme principe de toute histoire, et de la guerre de classes, comme réalité dans laquelle se réalise la politique prolétarienne, et – comme nous l’avons appris – seulement dans et par la guerre -.

La position de classe ne peut être que le mouvement de la classe dans la guerre des classes, le prolétariat mondial armé et combattant, réellement ses avant-gardes, les mouvements de libération –

ou comme dit Jackson: connections, connections, connections – c’est-à-dire mouvement, interaction, communication, coordination, lutte collective – stratégie.

Tout cela est paralysé dans le concept de  » position de classe « . (…)

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Ulrike Meinhof : Déclaration au procès (1974)

Ce procès est une manœuvre dans la stratégie de conduite psychologique de la guerre que mènent l’ « Office fédéral de police judiciaire », le bureau du procureur fédéral et la justice contre nous, il vise à faire tomber l’intérêt politique que représente notre procès en Allemagne de l’Ouest et à cacher la stratégie d’anéantissement du « procureur fédéral », ce qui est une partie de leur programme.

Le but de cette manœuvre est, par le biais de condamnations individuelles, de présenter de nous une image divisée, et en mettant au pilori certains d’entre nous, de rompre le contexte politique d’ensemble qu’ont tous les procès contre les prisonniers de la R.A.F. (Fraction Armée Rouge) face à l’opinion publique et de rayer de la mémoire des hommes, le fait qu’il y a une guérilla urbaine révolutionnaire en R.F.A. et à Berlin Ouest.

Nous, la R.A.F., ne participerons pas à ce procès, nous ne le mènerons pas.

La lutte anti-impérialiste, si cela ne doit pas rester un slogan creux, cela signifie : anéantir, briser, détruire le système de domination impérialiste sur le plan politique, économique et militaire et aussi les institutions culturelles qui lui permettent de produire l’homogénéité des élites dominantes, ainsi que des systèmes de communication assurant son emprise idéologique.

L’anéantissement militaire de l’impérialisme veut dire sur le plan international anéantir les alliances militaires de l’impérialisme U.S. tout autour du globe, ici : de l’O.T.A.N. et de l’armée fédérale, cela signifie sur le plan national anéantir les formations armées de l’appareil d’État qui incarnent le monopole de la violence des classes dominantes et son pouvoir dans l’État, ici : la police, la police des frontières (Bundesgrenzschutz), les services secrets.

Cela signifie sur le plan économique : anéantir la structure du pouvoir des trusts multinationaux, cela signifie sur le plan politique : anéantir les bureaucraties, organisations, appareils de pouvoir étatiques, autant que non étatiques qui dominent le peuple.

La lutte anti-impérialiste n’est pas, et ne saurait être une lutte de libération nationale, le socialisme dans un pays.

Aux organisations transnationales du capital, aux alliances militaires globales de l’impérialisme U.S., à la coopération des services secrets, à l’organisation internationale du capital correspond de notre côté, du côté du prolétariat, de la lutte des classes révolutionnaires, des mouvements de libération nationales anti-impérialistes du tiers monde, de la guérilla urbaine dans les centres de domination de l’impérialisme, l’internationalisme prolétarien.

« Un peuple qui en opprime d’autres, ne saurait s’émanciper lui-même », dit Marx, et il est clair depuis la Commune de Paris, qu’un peuple vivant dans un État impérialiste qui essaie de se libérer dans le cadre national s’attire la vengeance, le pouvoir armé ; l’hostilité mortelle des bourgeoisies de tous les États.

Ainsi l’O.T.A.N. est maintenant en train de mettre sur pied une réserve d’intervention en cas de troubles internes qui aurait ses bases en Italie.

Ce qui donne son importance militaire à la guérilla métropolitaine, et ici à la R.A.F., aux brigades rouges en Italie, à la S.L.A. et à d’autres groupes aux U.S.A. c’est le fait que ses objectifs d’opération dans le cadre de la lutte de libération des peuples du tiers monde sont à l’intérieur des lignes, c’est le fait que dans la lutte solidaire avec les mouvements de libération du tiers monde elle peut attaquer l’impérialisme sur ses arrières, d’où il exporte ses troupes, ses armes, ses instructeurs, sa technologie, ses systèmes de communication et son fascisme culturel pour opprimer et exploiter les peuples du tiers monde et pour anéantir les mouvements de libération.

Voilà la définition stratégique de la guérilla métropolitaine dans le cadre de l’internationalisme prolétarien : déclencher la guérilla, la lutte armée, la guerre populaire dans l’arrière-pays de l’impérialisme, au cours d’un processus prolongé –

car la révolution mondiale n’est assurément pas une affaire de quelques jours, de semaines, de mois, elle ne se fera assurément pas par quelques soulèvements populaires, n’est assurément pas un processus court, assurément pas la prise du pouvoir de l’appareil d’Etat –

comme la conçoivent les partis révisionistes et les groupes pour la formation de partis révisionnistes, ou du moins ceux qui prétendent le concevoir, car ils ne conçoivent rien du tout.

Dans les métropoles, le concept d’Etat national est devenu une fiction, qui n’est couverte par rien, ni par la réalité de la classe dominante, ni par sa politique, ni par la structure du pouvoir.

Elle ne peut même plus s’appuyer sur les frontières linguistiques depuis qu’il y a dans les pays riches de l’Europe occidentale, des millions de travailleurs immigrés.

On assiste plutôt en Europe à un internationalisme du prolétariat en voie de formation à travers l’internationalisme du capital, à travers de nouveaux médias, à travers la dépendance réciproque du développement économique, à travers l’élargissement de la communauté européenne – et les appareils syndicaux s’appliquent déjà depuis des années à l’assujettir, le contrôler, l’institutionnaliser et l’opprimer.

La fiction de l’État national à laquelle s’agripent les groupes révisionnistes avec leur forme d’organisation, correspond à leur fétichisme légaliste, leur pacifisme, et sa limitation petite-bourgeoise, leur incapacité de penser de façon dialectique.

La petite bourgeoisie a toujours été étrangère à l’internationalisme prolétarien – et sa position de classe – et sa base de reproduction excluent – que cela soit autrement – elle pense, agit et s’organise toujours en tant que complément de la classe dominante.

L’argument selon lequel les masses ne seraient pas encore assez avancées ne fait que nous rappeler, à nous R.A.F. et révolutionnaires, détenus dans l’isolement, dans les bâtiments spéciaux, dans les sections spéciales, subissant le lavage de cerveau, en prison ou encore dans l’illégalité les arguments avancés par les cochons colonialistes en Afrique et en Asie depuis 70 ans, les noirs, les analphabètes, les esclaves, les peuples colonisés, torturés, opprimés, affamés, souffrant sous le joug du colonialisme –

« ne sont pas encore assez avancés » pour prendre eux-mêmes en main, en tant qu’êtres humains, leur administration, l’industrialisation, leur école, leur avenir.

Et dans les prisons il y a en effet à peine un seul détenu, qui devant cet espèce de porc d’avocat commis d’office, ne comprenne pas tout de suite et ne reconnaisse en lui le porc colonialiste, la classe dominante, le masque, le singe.

Seul un cochon colonialiste peut avoir l’idée, que les détenus seraient des  » profanes  » face à la justice de classe, ce qui est une insulte au peuple, et relève du mépris des masses.

Ce sont les sales phrases de la petite bourgeoisie qui ne craint rien, autant que la violence prolétarienne, révolutionnaire, libératrice et par là-même, l’illégalité et la prison, parce qu’elle craint d’être expropriée du rôle de domination ridicule et chauviniste que peuvent jouer les petits bourgeois dans le système impérialiste.

Notre action du 14 mai 1970 est et reste l’action exemplaire de la guérilla métropolitaine.

Elle contient, a contenu, tous les éléments pratiques de la stratégie de la lutte armée anti-impérialiste : ce fut la libération d’un prisonnier d’entre les mains de l’appareil d’Etat, ce fut une action de guérilla – l’action d’un groupe qui s’était armé et devint le noyau politico-militaire par sa décision de faire cette action.

Ce fut la libération d’un révolutionnaire, d’un cadre, d’un type dont nous avions incontestablement besoin, nous qui avions décidé de nous armer, de construire l’armée rouge, de développer la guérilla métropolitaine, de mener la lutte anti-impérialiste plutôt que de continuer tout simplement à en jaser.

Nous l’avons libéré parce que nous avions besoin de lui pour ce que nous avions décidé de faire lutter.

Rien n’a changé depuis, et je parle ici, je fais une déposition afin de dire que les flics sont en train d’assassiner Andreas, je le dis surtout pour que vous nous aidiez à empêcher cela, vous allez peut être scander alors quelque chose avec un contenu politique et un sens politique et alors vous pourriez avoir une idée de solidarité et de lutte de classe.

L’action a été exemplaire, parce qu’il s’agit dans la lutte anti-impérialiste, de libération de prisonniers en général – de la prison que le système est devenu longtemps pour toutes les couches exploitées et opprimées du peuple, sans aucune perspective historique, sans autre avenir que la mort, la terreur, le fascisme, la barbarie.

Libération de l’emprisonnement dans la totale aliénation de soi, de l’état d’exception politique et existentiel ou le peuple est la proie de l’impérialisme, de la culture de consommation, des médias, des appareils de contrôle de la classe dominante, en proie à la dépendance du marché et à l’appareil d’Etat qui incarne l’aliénation et la domination de la bourgeoisie sur le peuple.

C’est par la violence, armés, que nous avons pris ce dont nous avions besoin, que nous avons exproprié la justice de ce type sur lequel elle réclame son droit de possession, tout comme elle réclame de tous les prisonniers et de tous les prolétaires que nous employions, valorisions, notre force de travail uniquement au service de la classe dominante- pour les buts du capital.

Or nous sommes décidés à n’utiliser notre force de travail que pour la lutte de libération, à ne plus nous vendre sous quelque chantage que ce soit et à ne plus rien produire qui ne soit la lutte anti-impérialiste, la politique révolutionnaire, le contre-pouvoir prolétarien, c’est-à-dire la contre-violence.

La guérilla ici, et il n’en n’a pas été autrement au Brésil, en Uruguay, à Cuba, pour le Che en Bolivie, part toujours de rien, et la première phrase, celle de sa constitution est la plus difficile.

On est un groupe de camarades qui ont décidé d’agir, de quitter le stade de la léthargie, du radicalisme verbal, d’assemblées, de réunions, de discussions toujours davantage sans objet – et de lutter.

Mais out manque encore.

Il s’avère que ce ne sont pas uniquement les moyens qui manquent, il s’avère, et maintenant seulement, quel type d’individu quelqu’un est.

C’est l’individu métropolitain qui est issu du processus de putréfaction et des contextes de vies mortels, faux, aliénés du système : l’usine, le bureau, l’école, l’université, et les groupes révisionnistes.

Les effets de la division du travail entre vie professionnelle et vie privée, de la division entre travail manuel et travail intellectuel, les processus de travail hiérarchiquement organisés, toutes ces déformations psychiques de la société marchande, cette société métropolitaine passée au stade de putréfaction et de stagnation, apparaissent.

Mais c’est ce que nous sommes, c’est de là que nous venons. Nous sommes l’engeance des procès d’anéantissement et de destruction de la société métropolitaine, de la guerre de tous contre tous, de la concurrence, de chacun contre chacun, du système où régnent la loi de la peur, de la contrainte, du rendement, le carriérisme, la division du peuple en hommes et femmes, en jeunes et vieux, en étrangers et allemands, où régnent les luttes de prestiges.

Et c’est de là que nous venons de l’isolement, de la maison individuelle de série, des cages à lapins, des cités en béton, des banlieues, des cellules de prisons, des recoins des cellules de prisons, des asiles et sections spéciales.

C’est de là que nous venons du lavage de cerveau par les médias de la consommation du châtiment corporel, de l’idéologie de la non-violence, de la dépression, de la maladie, du déclassement, de l’humiliation et de l’insulte, de tous les exploités de l’impérialisme.

C’est de là que nous venons de la prostitution de la bourgeoisie, de l’emprisonnement dans l’éducation bourgeoise et l’éducation prolétaire, jusqu’à ce que nous ayons compris la détresse de chacun de nous, comme la nécessité de nous libérer de l’impérialisme, comme étant la nécessité de mener la lutte anti-impérialiste.

Que cela dépend de nous si l’oppression se perpétue, si nous nous prolétarisons, si nous abandonnons la double vie et luttons.

Que la cause du peuple, des masses, des O.S., des lumpen, des prisonniers, des apprentis, des hommes dans les asiles de nuit, des masses les plus basses dans notre pays et des mouvements de libération du tiers monde est notre cause autant que notre cause, la lutte armée anti-impérialiste, est leur cause.

Notre cause est la cause des masses et inversement, quand bien même celle-ci ne pourra devenir et ne deviendra réelle qu’au cours d’un processus prolongé de développement de la guerre du peuple.

« Il n’y a pas de raison », écrivait Lénine, en 1916 ; contre le cochon colonialiste et renégat Kautsky, « de supposer sérieusement que dans le capitalisme, là majorité des prolétaires puissent être regroupés dans une organisation.

Ensuite et c’est l’essentiel, il ne s’agit pas tant de la quantité des membres que de la signification objective et réelle de sa politique.

Cette politique représente-t-elle les masses ? c’est-à-dire sert-elle les masses ?

Sert-elle à la libération des masses du capitalisme ?

Ou bien représente-t-elle les intérêts de la minorité et la réconciliation avec le capitalisme ?

Nous ne pouvons pas prévoir avec précision quelle partie du prolétariat suit, et suivra les social-chauvinistes et les opportunistes.

C’est dans la lutte que cela se révélera, cela se décidera en dernier ressort dans la révolution socialiste.

Si nous voulons rester des socialistes notre devise est d’aller vers les masses les plus défavorisées, les masses réelles, c’est la signification profonde de la lutte contre l’opportunisme, cela en est tout le contenu. »

Nous avons libéré ce type parce qu’il est un révolutionnaire et il l’a déjà été à ce moment-là.

Parce qu’il incarnait déjà ce dont la guérilla, l’offensive politico-militaire contre l’Etat impérialiste ont besoin, a savoir la volonté d’agir, la capacité de se définir uniquement et exclusivement en fonction des buts et les nécessités, des tâches et du travail qui en découlent.

Parce que dès le début, lui seul pouvait tenir la discussion ouverte, le processus d’apprentissage collectif, et pouvait empêcher et interdire que la discussion ne dégénère ou ne se termine en luttes pour le pouvoir.

Parce que dès le début, il n’y avait en lui plus rien de ce qu’est l’impérialisme, il n’était pas aliéné dans ses relations avec les autres.

Parce qu’il est un type qui n’avait en lui plus rien de petit bourgeois, qu’il a toujours, dans chaque situation, et envers tous et chacun pensé et agit de manière prolétarienne, désintéressée et partiale.

La fonction de direction dans une organisation révolutionnaire est la suivante : déterminer l’orientation, pouvoir distinguer dans chaque situation ce qui est essentiel de ce qui est accessoire, ce qui revient à dire, ne jamais perdre de vue le but : la révolution et les principes du communisme ; faire preuve de collectivisme et d’altruisme toujours et à chaque seconde.

Dans le processus de constitution de la guérilla, c’est-à-dire du groupe qui a commencé à lutter, il se débarrasse des représentations des rapports de production bourgeois qu’il a dans son psychisme, de l’Etat qui est sous sa peau et dans les rapports de communication déterminés par la concurrence, car il apprend au cours du développement de l’action de guérilla à se définir par rapport aux buts et à prendre pour objet les conditions de la lutte, car chaque individu apprend dans le procès du travail collectif justement ceci, s’orienter, penser de manière prolétarienne, désintéressée, anticapitaliste et antiimpérialiste.

Nous ne parlons pas du centralisme-démocratique parce que la guérilla urbaine ne saurait avoir un appareil centralisé, dans la métropole qu’est la R.F.A.

Elle n’est pas un parti, mais une organisation politico-militaire qui développe sa fonction de direction collectivement à partir de chaque unité individuelle – le groupe – avec pour tendance la dissolution dans un processus d’apprentissage collectif au sein du groupe, le but étant toujours l’orientation autonome et tactique des militants, de la guérilla, des cadres.

La structure du groupe est collective, c’est-à-dire les lois du marché, de la division du travail, de la séparation entre vie professionnelle et vie privée sont abrogées en son sein.

Le groupe devient libre de domination dans le processus de conquête de sa liberté d’action.

Les structures de direction autoritaires n’ont aucune base matérielle dans la guérilla parce qu’entre autre le développement volontaire de la force productive de chaque individu est la condition de l’efficacité de la guérilla révolutionnaire : intervenir avec de faibles forces pour déclencher la guerre populaire.

Comme Andreas l’est et l’a été dès le début, à savoir un révolutionnaire il se trouve dans la ligne de mire des flics, qui utilisent actuellement, la conduite psychologique de la guerre, à savoir l’office fédéral de la police judiciaire, le bureau du procureur fédéral et la presse de Springer mènent contre nous.

En essayant par la conduite psychologique de la guerre de détruire l’objet : à savoir la politique révolutionnaire, la lutte armée anti-impérialiste et d’anéantir ses effets sur l’opinion publique en nous présentant comme une affaire d’individus isolés, ils nous présentent comme ce qu’eux-mêmes ils sont ;

et présentent les structures de la R.A.F. comme celles de leur propre domination à l’image de l’organisation et du fonctionnement de leur propre appareil de domination.

Comme le Ku Klux Klan, comme la mafia – dans la mesure où les principes de domination impérialistes sont le chantage, la dépendance, la concurrence, la consommation, la séduction, la protection, la manipulation, la brutalité qui marche sur des cadavres, etc.

De telles projections sont possibles parce que chacun vivant dans ce système est habitué à se voir avec les yeux des autres.

Ce sont les autres qui déterminent ce que vaut la force de travail, que chacun est obligé de vendre pour pouvoir vivre, jamais nous-mêmes.

La radio et la télévision s’adressent à nous, comme s’il y avait une compréhension, un accord, une parenté entre ces faits sur l’écran et nous, et il y en a effectivement dans la mesure où les institutions dont ils sont les employés et celles pour lesquelles le peuple est obligé de travailler, sont les mêmes : ce sont les institutions de l’impérialisme.

Le cochon s’adresse à nous, en tant que ce que nous sommes réduits à être dans ce système, objets de domination et d’exploitation, acheteurs et consommateurs, individus guidés de l’extérieur, ce que la culture de consommation n’a fait que totaliser.

C’est la maladie de l’individu métropolitain, le regard de l’extérieur, la perte de la conscience de soi.

Ce qui donne son caractère choquant à notre action, c’est que des gens agissent sans se voir par les yeux des autres, et sans s’en occuper, que des gens agissent en partant des expériences réelles, celles qu’ils ont faites eux-mêmes, et celles du peuple.

Car la guérilla part des faits qui sont l’expérience vécue du peuple : l’oppression, l’exploitation, la terreur des médias, l’insécurité de la vie en dépit de la technologie extrêmement poussée et l’immense richesse de ce pays ; les maladies psychiques, les suicides, les brutalités, les cruautés infligées aux enfants, la misère des écoles, la misère du logement.

C’est ce qui a rendu notre action si choquante pour l’impérialisme ; que l’opinion publique, populaire ait très vite pris la R.A.F., pour ce qu’elle est – la chose qui est le résultat logique et dialectique des rapports en vigueur, la praxis qui en tant qu’expression des rapports réels rend au peuple sa dignité et redonne un sens à ses luttes, aux révolutions, aux défaites, et aux efforts, aux révoltes échouées du passé.

La chose qui rend au peuple la possibilité d’avoir conscience de son histoire.

La guérilla permet à chacun de se rendre compte de quel côté il est, de trouver, de reconnaître où il se trouve en fin de compte et de déterminer sa place dans la société de classe et de l’impérialisme.

Car il y en a beaucoup qui pensent qu’ils sont du côté du peuple, mais dès qu’il y a des heurts avec la police, dès que le peuple commence à lutter, ils se sauvent, ils dénoncent et freinent et se mettent du côté des oppresseurs.

C’est le problème que Marx a tant de fois formulé : à savoir qu’une personne n’est pas ce qu’elle croit être, mais quelle est sa fonction réelle, son rôle dans la société de classes ; qu’elle est déterminée par ce système et ses contraintes, si elle n’agit pas par elle-même, si elle ne lutte pas, si elle ne prend pas les armes.

Par le moyen de la conduite psychologique de la guerre les flics essaient de détruire l’image des réalités que la guérilla a corrigé, c’est-à-dire que :

– ce n’est pas le peuple qui a besoin, pour exister, des sociétés par actions et des usines, mais c’est la classe des capitalistes qui est, elle, dépendante du peuple ;

– ce n’est pas pour protéger le peuple des  » criminels  » que la police fonctionne, mais c’est pour protéger le système, l’ordre d’exploitation qu’est l’impérialisme des actions du peuple ;

– la justice a besoin du peuple pour continuer à agir mais le peuple n’a pas besoin de cette justice pour vivre ;

– nous n’avons pas besoin de l’impérialisme pour vivre mais l’impérialisme lui, a besoin de nous pour exister.

Dans ce but ils ne font qu’incarner ce qu’ils représentent et ce qu’ils sont, ce qu’est l’anthropologie du capitalisme, des juges, procureurs, matons et fascistes : le porc qui se complait dans ses aliénations, qui ne vit qu’en réprimant, exploitant, torturant des autres et dont la seule raison et le seul moyen d’exister est défaire carrière, de faire de la lèche, d’écraser, d être le concurrent, de vivre aux dépends des autres.

Par l’exploitation, la faim, la misère, le dénuement de quelques milliards d’êtres humains dans le tiers monde et ici même.

La bourgeoisie a accumulé toute sa haine envers
le peuple, contre nous, et plus particulièrement contre
Andréas en pratiquant la conduite psychologique de la guerre.

La notion de conduite psychologique de la guerre inclue celle de « plèbe », de « rue », d’ « ennemi ».

La bourgeoisie a reconnu en nous une menace pour elle, la seule menace capable de la mettre en péril.
La détermination, la résolution à faire la révolution, à pratiquer la violence révolutionnaire, à la praxis, révolutionnaire, à l’action politico-militaire contre le système du pouvoir impérialiste.

Toutes les persécutions contre la guérilla, contre nous R.A.F., ne sont pas seulement dirigées contre nous, mais démasquent ceux qui en sont à l’origine, les dirigent, les produisent, leurs ambitions, leurs peurs, leurs peaux de salauds.

Se nommer soi-même avant-garde n’a pas de sens, être avant-garde est une fonction pour laquelle on ne peut se déclarer comme tel, ou postuler, c’est une fonction que le peuple donne à la guérilla par sa propre conscience, dans le processus ou le peuple prend conscience de lui-même et se dresse

– en se reconnaissant lui-même –

dans l’action de guérilla, en découvrant par l’action de la guérilla sa place dans l’histoire, en faisant de la nécessité, en soi, de détruire le système, une nécessité reconnue, pour soi, par l’action de la guérilla, qui a déjà fait de cette nécessité, la sienne propre.

Car ceci est la dialectique de la stratégie des luttes anti-impérialistes, le fait que dans sa défense, sa réaction, le système, par l’escalade de la contre-révolution, est amené à transformer l’état d’exception politique en état d’exception militaire, se démasquant, apparaissant à tous comme l’ennemi et amenant par les moyens mêmes de sa terreur, les masses à prendre position contre lui.

Marighella :

« Le principe de base de la stratégie révolutionnaire dans la situation de crise politique permanente est de développer aussi bien dans les villes que dans les campagnes une telle quantité d’actions révolutionnaires que l’ennemi soit obligé à transformer la situation politique du pays en une situation militaire, de cette façon l’insatisfaction s’étendra à toutes les couches du peuple, et les seuls responsables pour tous les méfaits seront les militaires. »

Et A.P. Puyan, un camarade iranien :

« … du fait de l’oppression de la violence contre- révolutionnaire renforcée contre les combattants de la résistance, toutes les couches et classes oppressées seront encore plus massivement réprimées.

De ce fait les classes dirigeantes augmentent les contradictions entre les classes opprimées et elles-mêmes, et en créant un tel climat, la conscience politique des masses fait un grand bon en avant ».

Marx :
« Le progrès révolutionnaire se fait par là création d’une contre-révolution puissante et unifiée, par la création d’un ennemi qui amènera le parti de l’insurrection à atteindre par la lutte la maturité qui fera de lui le véritable parti révolutionnaire. »

Si en été 1972, les flics ont décrétés la mobilisation générale contre nous, avec 150000 hommes, en faisant participer la population à la chasse à l’homme par la télévision, en utilisant l’intervention du chancelier fédéral, en centralisant tout le pouvoir policier entre les mains de la police fédérale (Bundeskriminalamt) à cette époque déjà, un groupe de révolutionnaires, numériquement faible, mettait toutes les forces personnelles et matérielles, à l’intérieur de l’État, en branle et, il devenait matériellement possible de voir que la stratégie de la lutte anti-impérialiste, la destruction, la défaite de la puissance armée était :

JUSTE, POSSIBLE, ÉTAIT RÉALISTE ET RÉALISABLE.

– Qu’il dépend de nous si l’oppression se perpétue et également de nous qu’elle soit détruite.

– Que l’impérialisme ait vu tactiquement un monstre mangeurs d’hommes mais vu stratégique-ment, un tigre de papier.
Aujourd’hui les porcs sont en train d’assassiner Andrras.

Nous autres prisonniers, membres de la R.A.F. et d’autres groupes anti-impérialistes commençons aujourd’hui une grève de la faim.

La poursuite-liquidation des flics contre la R.A.F. et leur conduite psychologique de la guerre contre nous s’expriment aujourd’hui par le fait que la plupart d’entre nous sont emprisonnés dans l’isolement depuis des années, cela signifie détention-liquidation.

Mais nous sommes décidés à ne pas nous arrêter, à penser à lutter, nous sommes décidés à faire tomber la pierre que l’impérialisme a levé contre nous sur ses propres pieds.
Les flics sont en train d’assassiner Andréas – comme ils l’avaient déjà essayer en lui supprimant l’eau au cours de la grève de la faim au cours de l’été 1973.

A cette époque l’opinion publique et les avocats crurent qu’après quelques jours il aurait de nouveau de l’eau – en réalité le propre médecin de la prison de Schwalstadt lui déclarait alors qu’après neuf journées passées sans rien boire et il disait « vous êtes mort dans dix heures ou vous buvez du lait ».

Le ministre de la  » justice  » du land de Hessen Hempfler venait de temps en temps se rendre compte et le corps des médecins de prison était en réunion pendant ce temps au ministère de la  » justice  » à Wiesbaden.

Il existe un décret déclarant qu’en Hesse les grèves de la faim doivent être brisées par la privation forcée de liquide, les plaintes déposées pour tentative de meurtre par le porc-médecin ont été rejetée.

Nous déclarons maintenant que si les flics réalisaient effectivement leurs intentions et leurs plans en coupant l’eau à Andreas, tous les grévistes de la faim emprisonnés de la R.A.F. réagiront immédiatement en refusant de prendre toute forme de liquide, il en sera de même si un quelconque des prisonniers grévistes est privé de liquide quel que soit le lieu et la personne qui fasse l’objet de cette tentative de meurtre.

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Ulrike Meinhof : Lettre du couloir de la mort (1972)

Sentir ta tête exploser (sentir ta boîte crânienne sur le point d’éclater en morceaux)

sentir ta moelle épinière te remonter au cerveau à force d’être
comprimée

sentir ton cerveau comme un fruit sec

se sentir sans cesse et inconsciemment et comme électriquement
téléguidée

sentir qu’on te vole tes associations d’idées
sentir ton âme pisser de ton corps, comme si tu n’arrivais plus
à fixer l’eau

sentir la cellule bouger. Tu te réveilles, tu ouvres les yeux : la cellule bouge.

L’après-midi quand il y a du soleil, ça s’arrête tout d’un coup.

Mais elle bouge toujours, tu n’arrives pas à te dépêtrer de cette sensation

Impossible de savoir si tu trembles de froid ou de fièvre

impossible de t’expliquer pourquoi tu trembles, pourquoi tu gèles.

Pour parler de façon simplement audible, il te faut faire effort, il faut presque hurler, comme pour parler très fort

Te sentir devenir muette

Impossible de te rappeler le sens des mots, sinon très vaguement

Les sifflantes – s, ss, tz, sch -, supplice intolérable

Les gardiens, les visites, la cour – réalité de celluloïd
Maux de tête

Flashes

Ne plus maîtriser la construction des phrases, la grammaire, la syntaxe.

Si tu écris – au bout de deux lignes, impossible de te rappeler le début de la première

Sentir que tu te consumes au dedans

sentir que si tu étais libérée, dire ce qu’il en est, ce serait exactement comme jeter de l’eau bouillante à la gueule des autres et les ébouillanter, les défigurer à vie 

Une agressivité folle, sans exutoire.

C’est le pire.

Etre persuadée que tu n’as pas la moindre chance de t’en tirer : et impossible de faire entendre ça.

Des visites, il ne te reste rien.

Une demi-heure après, impossible de te rappeler, sauf de façon mécanique, si ça a eu lieu aujourd’hui ou la semaine dernière

Le bain de la semaine, c’est la chance de se laisser aller, de reprendre des forces pour un bref instant – pour quelques heures

Sentir le temps et l’espace irrémédiablement imbriqués l’un dans l’autre et te sentir vaciller, piégée dans un labyrinthe de glaces déformantes

Et après : la terrible euphorie d’entendre quelque chose – qui différencie le jour de la nuit acoustique

Sentir que maintenant le temps repart, le cerveau se dilate, la moelle épinière se remet en place pour des semaines

Et te sentir comme dépiautée

Bourdonnements d’oreilles, et au réveil te sentir comme rouée de coups

Et bouger au ralenti

Te sentir comme enfermée dans une cuve plombée, et sous vide

Et après : choc, comme si une plaque de fer te tombait sur la tête

Comparaisons, concepts qui te viennent à l’esprit :

Aux prises avec un fauve psychique.

Tambourinage impitoyable, comme dans une fusée en pleine accélération, où les types sont écrasés sous la vitesse

La colonie pénitentiaire de Kafka – le type sur une planche à
clous – et le grand huit sans arrêt.

Quant à la radio : ça permet un minimum de détente, comme un coup de freins, on chute de 240 à 190.

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