Le national-bolchevisme de Hambourg

L’un des courants relativement exemplaire du volontarisme gauchiste – avec toute l’apologie d’une énergie vitaliste se précipitant dans une sorte de recette-miracle comme « clef » de la révolution – fut ce qui sera par la suite appelé le « national-bolchevisme ».

Ce courant n’a rien rien à voir avec les courants de droite qui utilisent la démagogie sociale ; le national-bolchevisme initial est une tentative gauchiste de profiter d’une situation particulière pour faire avancer la révolution.

L’idée national-bolchevique consistait en la considération que l’Allemagne défaite en 1918 était désormais dirigée par une poignée de capitalistes servant en tant qu’agents du capital financier de l’Entente.

Une dictature militaire prolétarienne, fondée sur les Conseils ouvriers, devait mener la guerre contre l’Entente, en particulier contre la France, l’impérialisme présenté comme le plus agressif car cherchant à renverser la position dominante de l’Angleterre.

Dans ce cadre d’armement général du peuple réalisant le rêve d’Otto von Bismarck d’une population en armes – on reconnaît ici l’approche de Carl von Clausewitz – une certaine paix sociale pourrait être réalisée avec la bourgeoisie, mais sous hégémonie de la mobilisation totale et armée de tous les « travailleurs » (terme remplaçant ici celui d’ouvrier).

Cela fut conceptualisé dans la brochure de 1919 intitulée « Guerre populaire révolutionnaire ou guerre civile contre-révolutionnaire ? », diffusée par les principaux représentants de cette option « national-bolchevique » que furent Heinrich Laufenberg (1872-1932) et Fritz Wolffheim (1888-1942).

Heinrich Laufenberg

Ce dernier avait vécu plusieurs années aux États-Unis et avait été profondément marqué par l’IWW (Industrial Workers of the World), le courant syndicaliste-révolutionnaire américain, poursuivant la même stratégie qui sera celle de la CNT espagnole, où le syndicat est censé organiser une contre-société allant jusqu’à l’action directe, menant à la fin du processus une grève générale expropriatrice.

Fritz Wolffheim avait également été le rédacteur du Vorwärts der Pacific-Küste, un organe social-démocrate destiné aux émigrants allemands présents sur la côte américaine du Pacifique.

Également de Hambourg, Heinrich Laufenberg était au départ un journaliste agissant dans le cadre de la social-démocratie ; il avait d’ailleurs réalisé une étude sur l’histoire du mouvement ouvrier à Hambourg, devenant responsable de l’école du Parti dans cette ville.

Il publia également en 1919 un écrit très détaillé au sujet des événements révolutionnaires à Hambourg, et pour cause : il y avait été pas moins que le président de son grand Conseil ouvrier en 1918, lors d’une prise momentanée du pouvoir les ouvriers et les soldats insurgés.

Fritz Wolffheim avait également été au premier rang de la révolution de 1919, où il avait été l’un des principaux orateurs du grand meeting du 6 novembre 1918, où il avait appelé à prendre d’assaut la centrale militaire locale.

Heinrich Laufenberg et Fritz Wolffheim s’étaient opposés à la première Guerre Mondiale, considérée comme impérialiste, mais raisonnaient sur le fond en termes de défense nationale. Ils entrevoyaient en fait dans la question nationale le « levier » suffisant pour que la révolution bouleverse toute la société, dépassant les limites posées par la seule question sociale.

La dimension « nationale » de la révolution devait permettre de réaliser une révolution techniquement parfaite, à coups de mesures censées être décisives. Elle n’est prise en compte que dans la mesure où elle va de pair avec la formation d’une administration par les conseils ouvriers.

Heinrich Laufenberg peut ainsi explique que :

« Jusqu’à présent, le vivre-ensemble national reposait sur la violence imposée par en-haut. Le nouveau système organisera la nation par en bas. »

« La Nation bourgeoise se meurt et la Nation socialiste croît. L’idée nationale a cessé d’être un moyen de puissance aux mains de la bourgeoisie contre le prolétariat et se retourne contre celle-ci. La grande dialectique de l’Histoire fait de l’idée nationale un moyen de puissance du prolétariat contre la bourgeoisie. »

La IIIe Internationale imposa au KAPD l’exclusion de ces partisans de la « guerre nationale » comme préalable à la poursuite des discussions pour une éventuelle adhésion. Il était considéré comme inacceptable de nier l’existence des classes sociales en Allemagne au nom de la lutte contre la situation de l’Allemagne vaincue.

Lénine, dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), explique ainsi :

« Enfin, une des erreurs incontestables des « gauchistes » d’Allemagne, c’est qu’ils persistent dans leur refus de reconnaître le traité de Versailles. Plus ce point de vue est formulé avec « poids » et « sérieux », avec « résolution » et sans appel, comme le fait par exemple K. Horner, et moins cela paraît sensé.

Il ne suffit pas de renier les absurdités criantes du « bolchevisme national » (Laufenberg et autres), qui en vient à préconiser un bloc avec la bourgeoisie allemande pour reprendre la guerre contre l’Entente, dans le cadre actuel de la révolution prolétarienne internationale.

Il faut comprendre qu’elle est radicalement fausse, la tactique qui n’admet pas l’obligation pour l’Allemagne soviétique (si une République soviétique allemande surgissait à bref délai) de reconnaître pour un temps la paix de Versailles et de s’y plier. »

Le courant national-bolchevique s’ouvrit, suite à cet échec, immédiatement à une ligne nationaliste ouverte à des membres des couches sociales les plus aisées, fondant une Freie Vereinigung zum Studium des deutschen Kommunismus (Association libre pour l’étude du communisme allemand) se revendiquant ouvertement du courant de pensée ultra-nationaliste pangermaniste et servant de relais théorique à une Bund der Kommunisten (Union des Communistes) d’orientation national-révolutionnaire.

S’ensuivirent un cheminement séparé pour Fritz Wolffheim et Heinrich Laufenberg, ce dernier fondant en 1922 un Bund für Volk, Freiheit und Vaterland (Union pour le peuple, la liberté et la patrie), d’orientation national et social-révolutionnaire, tandis que Fritz Wolffheim menait le Bund der Kommunisten vers une ligne ethique ultra-nationaliste.

Heinrich Laufenberg cessa par la suite toute activité, revenant à ses origines sociales consistant en un milieu chrétien ultra conservateur, refusant désormais le marxisme pour prôner un christianisme socialisant, lui-même participant à des initiatives pour les démunis, tout en vivotant dans les milieux d’ultra-gauche.

Fritz Wolffheim, d’origine juive, rejoignit quant à lui en 1929 un Groupe de nationalistes sociaux-révolutionnaires, avant de mourir en camp de concentration.

Le terme de national-bolchevisme fut quant à lui récupéré pour désigner des nationalistes partisans d’une alliance avec l’URSS.

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Otto Rühle et le refus du Parti issu de la social-démocratie

Otto Rühle n’est pas original dans son propos, dans la mesure où il prolonge sa critique du Parti de type social-démocrate. Ce dernier s’étant développé en le parti de type léniniste, Otto Rühle ne fait que continuer sa critique, en l’adaptant à la nouvelle forme. En arrière-plan, c’est la notion même de parti social-démocrate qui est remis en cause, le léninisme étant sa forme la plus développée.

Otto Rühle insiste très lourdement sur ce point, de manière systématique. Le léninisme n’est qu’une forme de kautskysme et comme Karl Kautsky a basculé dans le réformisme, Lénine fait de même. Ce que vise Otto Rühle, dans sa période après 1925, année où il cessa toute activité politique, c’est que le léninisme soit assimilé au kautskysme.

Pour cette raison, Otto Rühle présente Lénine comme un opportuniste bureaucrate, cherchant à faire imposer ses idées par en haut. Voici comment les choses sont présentées dans La lutte contre le fascisme commence par la lutte contre le bolchevisme :

« Dès le début, Lénine concevait le bolchevisme comme un phénomène purement russe. Au cours de ses nombreuses années d’activité politique, il ne tenta jamais de hisser le système bolchevique au niveau des formes de lutte utilisées dans les autres pays.

C’était un social-démocrate, pour qui Bebel et Kautsky restaient les leaders géniaux de la classe ouvrière, et il ignorait l’aile gauche du mouvement socialiste allemand qui s’opposait précisément aux héros de Lénine et à tous les opportunistes.

Ignorant cette gauche, il resta donc isolé, entouré par un petit groupe d’émigrés russes, et il demeura sous l’influence de Kautsky alors même que la «gauche » allemande, dirigée par Rosa Luxembourg, était déjà engagée dans la lutte ouverte contre le kautskysme (…).

Quoique les soviets, développés par les mencheviks, soient étrangers au schéma bolchevique, c’est pourtant grâce à eux que les bolcheviks arrivèrent au pouvoir. Une fois la stabilisation du pouvoir assurée et le processus de reconstruction économique entamé, le parti bolchevique ne savait plus comment coordonner le système des soviets, qui n’était pas le sien, avec ses propres activités et ses décisions.

Toutefois, réaliser le socialisme était aussi le désir des bolcheviks, et cela nécessitait l’intervention du prolétariat mondial. Pour Lénine, il était essentiel de gagner les prolétaires du monde aux méthodes bolcheviques. Il était donc très gênant de constater que les ouvriers des autres pays, en dépit du grand triomphe obtenu par le bolchevisme, montraient peu d’inclination pour sa théorie et sa pratique, mais étaient plutôt attirés par le mouvement des conseils, qui apparaissaient alors dans plusieurs pays et particulièrement en Allemagne.

Ce mouvement des conseils ne pouvait plus être d’aucune utilité à Lénine en Russie. Dans les autres pays européens, il manifestait une tendance marquée à s’opposer aux soulèvements de type bolchevique. En dépit de l’énorme propagande entretenue par Moscou dans tous les pays, l’agitation menée par ce qu’on appelle l’ultra-gauche pour une révolution fondée sur le mouvement des conseils éveilla, ainsi que Lénine lui-même l’a souligné, un écho bien plus large que ne le firent tous les propagandistes envoyés par le parti bolchevique.

Le Parti Communiste Allemand, suivant l’exemple du bolchevisme, restait un petit groupe hystérique et bruyant, formé principalement d’éléments prolétarisés de la bourgeoisie, alors que le mouvement des conseils attirait à lui les éléments les plus déterminés de la classe ouvrière.

Pour faire face à cette situation, il fallait renforcer la propagande bolchevique, il fallait attaquer l’ultra-gauche et renverser son influence en faveur du bolchevisme.

Puisque le système des soviets avait échoué en Russie, comment la « concurrence» radicale osait-elle essayer de prouver au monde que là où le bolchevisme lui-même avait échoué en Russie, on pouvait réussir ailleurs en se passant de lui ?

Pour se défendre, Lénine écrivit son pamphlet Le gauchisme, maladie infantile du communisme, dicté par la peur de perdre le pouvoir et par l’indignation devant le succès des hérétiques.

Le pamphlet parut tout d’abord avec le sous-titre «Essai d’exposé populaire de la stratégie et de la tactique marxistes, mais ultérieurement cette phrase ambitieuse et idiote fut supprimée. C’en était trop.

Cette bulle papale agressive, grossière et odieuse était une véritable aubaine pour tout contre-révolutionnaire. De toutes les déclarations programmatiques du bolchevisme, c’est celle qui révèle le mieux son caractère réel. C’est le bolchevisme mis à nu. »

On a ici le cœur du gauchisme comme idéologie : le léninisme est un kautskysme, qui dénonce comme gauchisme ce qui est le communisme authentique. Pour les gauchistes, le léninisme empêche la spontanéité des masses, l’émergence des conseils révolutionnaires. Le léninisme serait par nature légaliste et parlementaire, syndicaliste et favorable aux institutions bourgeoises.

L’ouvrage de Lénine sur le gauchisme comme maladie infantile est donc considéré comme le prolongement logique du kautskysme et une pièce-maîtresse de la contre-révolution ; Otto Rühle va jusqu’à fantasmer que les nazis ne l’ont pas interdit à leur prise de pouvoir, afin de contrer la révolution.

Otto Rühle, Fascisme brun, fascisme rouge

Le léninisme apparaît pour les gauchistes comme le modèle de la prise du pouvoir par en haut, comme le putsch d’intellectuels non liés à la classe. Cette critique est commune à tout ce qui forme l’ultra-gauche : les syndicalistes-révolutionnaires, les anarchistes, les trotskystes, les conseillistes, etc.

Voici un autre passage où Otto Rühle insiste sur la question de la direction, qui est en fait au cœur de la question gauchiste. Pour le léninisme, dans le prolongement de la position de Karl Kautsky comme il est affirmé dans Que faire ?, le Parti s’appuie sur le socialisme scientifique, c’est un parti de cadres, maintenant la ligne rouge. Les gauchistes s’opposent formellement à cette approche au nom de la spontanéité des masses qui aboutirait de manière naturelle à la révolution :

« Le parti bolchevique, originellement section sociale-démocrate russe de la IIe Internationale, se constitua non en Russie, mais dans l’émigration.

Après la scission de Londres en 1903, l’aile bolchevique de la social-démocratie russe se réduisait à une secte confidentielle.

Les «masses » qui l’appuyaient n’existaient que dans le cerveau de ses chefs.

Toutefois, cette petite avant-garde était une organisation strictement disciplinée, toujours prête pour les luttes militantes et soumise à des purges continuelles pour maintenir son intégrité. Le parti était considéré comme l’académie militaire des révolutionnaires professionnels.

Ses principes pédagogiques marquants étaient l’autorité indiscutée du chef, un centralisme rigide, une discipline de fer, le conformisme, le militarisme et le sacrifice de la personnalité aux intérêts du parti.

Ce que Lénine développait en réalité, c’était une élite d’intellectuels, un noyau qui, jeté dans la révolution, s’emparerait de la direction et se chargerait du pouvoir (…).

Selon la méthode révolutionnaire de Lénine, les chefs sont le cerveau des masses.

Possédant l’éducation révolutionnaire appropriée, ils sont à même d’apprécier les situations et de commander les forces combattantes. Ils sont des révolutionnaires professionnels, les généraux de la grande armée civile.

Cette distinction entre le cerveau et le corps, entre les intellectuels et les masses, les officiers et les simples soldats, correspond à la dualité de la société, de classe, à l’ordre social bourgeois.

Une classe est dressée à commander, l’autre à obéir.

C’est de cette vieille formule de classe que sortit la conception léniniste du Parti.

Son organisation n’est qu’une simple réplique de la réalité bourgeoise. Sa révolution est objectivement déterminée par les mêmes forces qui créent l’ordre social bourgeois, abstraction faite des buts subjectifs qui accompagnent ce processus.

Quiconque cherche à établir un régime bourgeois trouvera dans le principe de la séparation entre le chef et les masses, entre l’avant-garde et la classe ouvrière, la préparation stratégique à une telle révolution. Plus la direction est intelligente, instruite et supérieure, et les masses disciplinées et obéissantes, plus une telle révolution a de chances de réussir. En cherchant à accomplir la révolution bourgeoise en Russie, le parti de Lénine était donc tout à fait adapté à son objectif.

Quand, toutefois, la révolution russe changea de nature, quand ses caractéristiques prolétariennes devinrent évidentes, les méthodes tactiques et stratégiques de Lénine perdirent leur valeur. S’il l’emporta en fin de compte, ce ne fut pas grâce à son avant-garde, mais bien au mouvement des soviets, qu’il n’avait pas du tout inclus dans ses plans révolutionnaires.

Et quand Lénine, une fois le triomphe de la révolution assuré par les soviets, décida une fois de plus de s’en passer, tout caractère prolétarien disparut de la révolution russe. Le caractère bourgeois de la révolution occupa à nouveau la scène, trouvant son aboutissement naturel dans le stalinisme.

En dépit de son souci de la dialectique marxiste, Lénine était incapable de concevoir dialectiquement l’évolution historique des processus sociaux. Sa pensée restait mécaniste, suivant des schémas rigides. Pour lui, il n’existait qu’un seul parti révolutionnaire – le sien; qu’une seule révolution – la révolution russe ; qu’une seule méthode – le bolchevisme. Et ce qui avait réussi en Russie devait réussir aussi en Allemagne, en France, en Amérique, en Chine et en Australie.

Ce qui était correct pour la révolution bourgeoise russe, l’était aussi pour la révolution prolétarienne mondiale. L’application monotone d’une formule découverte une fois pour toutes évoluant dans un cercle égocentrique où n’entraient en considération ni l’époque ni les circonstances, ni les niveaux de développement, ni les réalités culturelles, ni les idées ni les hommes.

Avec Lénine, c’était l’avènement du machinisme en politique : il était le « technicien», « l’inventeur » de la révolution, le représentant de la volonté toute-puissante du chef.

Toutes les caractéristiques fondamentales du fascisme existaient dans sa doctrine, sa stratégie, sa «planification sociale » et son art de manier les hommes. Il ne pouvait pas saisir la profonde signification révolutionnaire du rejet par la gauche de la politique traditionnelle de parti. Il ne pouvait pas comprendre la véritable importance du mouvement des soviets pour l’orientation socialiste de la société. Il ignorait les conditions requises pour la libération des ouvriers.

Autorité, direction, force, exercées d’un côté, organisation, encadrement, subordination de l’autre – telle était sa manière de raisonner.

Discipline et dictature sont les mots qui reviennent le plus souvent dans ses écrits. Staline proclamait Lénine « le génial mécanicien de la locomotive de l’histoire ».

On trouve de multiples exemples de cette conception mécaniste dans la prose bolchevique, et ce dans tous les domaines. »

Otto Rühle exprime le point de vue du petit-bourgeois pris de rage devant le triomphe des monopoles, mais incapable de saisir le principe de planification, d’organisation, propre à la classe ouvrière. Il ne saisit pas ce qu’est le socialisme scientifique comme science de la matière dans son ensemble ; il réduit tout à une colère qui se voudrait anti-démocratique.

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Otto Rühle et la rupture anti-Parti

L’une des principales figures du gauchisme allemand fut Otto Rühle. Professeur membre de la social-démocratie, il fut élu au parlement en 1912 et fit partie des 15 parlementaires sociaux-démocrates sur 111 qui le 3 août 1914 refusèrent de voter pour les crédits de guerre.

Il participa ensuite à une importante réunion de la gauche, en mars 1915, dans l’appartement de Wilhelm Pieck, qui sera par la suite dirigeant du KPD (Parti Communiste d’Allemagne), avec Karl Liebknecht, Franz Mehring et neuf autres personnes, qui fondèrent la revue Die Internationale, qui n’aura qu’un numéro mais donnera naissance au Gruppe Internationale, qui deviendra le Spartakusgruppe et donnera naissance au KPD.

Otto Rühle

Otto Rühle rompit cependant rapidement avec Karl Liebknecht, qui fondera de son côté, avec Rosa Luxemburg, le KPD sur la base du Spartakusgruppe. Il ne rejoignit pas non plus les 18 députés socialistes exclus pour ne pas avoir voté l’état d’urgence et ayant fondé la Sozialdemokratische Arbeitsgemeinschaft (communauté social-démocrate de travail), qui donnera l’USPD.

Il se revendiquera, en novembre 1918, « linksradikal », c’est-à-dire d’extrême-gauche ou encore gauchiste, se revendiquant d’une nouvelle organisation, appelée Internationalen Kommunistem Deutschlands.

Lors de la révolution de 1918, il fut président pendant une semaine du conseil révolutionnaire unifié ouvriers-soldats de Dresde, regroupant le SPD, l’USPD et le reste de la gauche révolutionnaire, accusant tous les non « gauchistes » d’être contre-révolutionnaire.

Rejoignant initialement le KAPD, Otto Rühle rompit rapidement avec également. En raison du voyage de retour bloqué en Estonie des délégués du KAPD partis en URSS, Otto Rühle y fut envoyé en juin 1920.

Il y rencontra notamment Lénine, mais ce qu’il en retient est alors que « les ouvriers russes sont plus esclavagisés, plus opprimés, plus exploités que les ouvriers allemands ».

Les gauchistes, fascinés par la révolution russe, révisèrent en effet à partir de 1919-1920 entièrement leur position, révélant leur nature syndicaliste-révolutionnaire et mettant un terme au malentendu, plus précisément leur interprétation selon laquelle Lénine avait rompu historiquement avec la social-démocratie.

Otto Rühle avait déjà une position totalement opposé au principe de « Parti » avant d’aller en URSS et la IIIe Internationale avait déjà demandé sa mise à l’écart du KAPD. Présent à Moscou, Otto Rühle refusa même de participer au second congrès de la IIIe Internationale.

Otto Rühle

La situation étant intenable et les dirigeants du KAPD – Karl Schröder, Hermann Gorter, Fritz Rasch – se rendirent eux-mêmes à Moscou à l’automne, le KAPD gagnant alors le statut de parti « sympathisant » de la IIIe Internationale, pouvant exprimer son opinion aux congrès, mais ayant comme devoir de s’unir au KPD.

Le KAPD reconnut alors la nécessité du Parti, mais à demi-mot : « au moins jusqu’à la conquête du pouvoir politique et probablement encore au-delà ». Otto Rühle fut alors exclu du KAPD en raison de ce qui sera considéré comme son « anarcho-communisme ».

Il se rapprocha alors effectivement, sans succès, du courant syndicaliste-révolutionnaire organisé en une FAU, tentant de fédérer des forces gauchistes, pour en fin de compte fonder en 1921 une AAU (organisation d’unité).

Selon Otto Rühle, dans sa vie quotidienne, l’ouvrier connaissait uniquement des formes bourgeoises comme le mariage, la famille, un certain rapport à la propriété, alors que dans l’entreprise il est un « prolétaire pur face au capital ».

Otto Rühle abandonna, de ce fait, toute prétention idéologique et culturelle – alors que historiquement la social-démocratie en faisait son noyau dur – c’est-à-dire qu’il rejettait le principe de Parti dans son essence même.

Pour lui :

« Le KPD est également devenu un parti politique. Un parti au sens historique, comme les partis bourgeois, comme le SPD et l’USPD. Les chefs ont le premier mot. Ils parlent, promettent, attirent, commandent. Les masses, quand elles s’y retrouvent, se retrouvent devant des faits établis.

Elles doivent se tenir en rang, bien droit. Doivent marcher à pas cadencé. Doivent croire, se taire, payer. Ont à recevoir les ordres et les instructions, à les appliquer. Et elles doivent voter!

Leurs chefs veulent aller au parlement. Alors il faut voter pour eux. Pendant que les masses persistent dans un muet dévouement et une passivité dévote, les chefs font la haute politique au parlement.

Le KPD est également devenu un parti politique. Le KPD veut également au parlement. La centrale du KPD dit un mensonge, quand elle persuade les masses qu’il ne veut aller au parlement que pour le faire sauter. Il dit un mensonge quand il assure ne pas vouloir faire de collaboration parlementaire – positive (…).

Mais il reste une consolation pour les masses : il y a toujours de nouveau une opposition! Cette opposition ne participe pas à la marche dans le camp de la contre-révolution (…). Les éléments les plus mûrs, révolutionnaires les plus décidés et les plus actifs, ont comme tâche de former la phalange de la révolution.

Ils ne peuvent accomplir cette tâche qu’en tant que phalange, c’est-à-dire en formation fermée. Ils sont l’élite du prolétariat révolutionnaire. Ils gagnent par la détermination une force croissante. Et une profondeur accrue de connaissance.

Ils sont visibles en tant que volonté d’agir par les vacillants et ceux dans l’obscurité. Au moment décisif ils forment le centre magnétique pour toute activité. Ils sont une organisation politique. Mais pas un parti politique. »

Otto Rühle développa alors, dans la continuité de sa démarche, un thème qui sera repris par la suite par l’historien ultra-conservateur Ernst Nolte : le bolchevisme est la cause du fascisme.

Dans un ouvrage intitulé La lutte contre le fascisme commence par la lutte contre le bolchevisme, publié en 1939, Otto Rühle affirme ainsi que :

« Il faut placer la Russie au premier rang des nouveaux États totalitaires. Elle a été la première à adopter le nouveau principe d’État. C’est elle qui a poussée le plus loin son application. Elle a été la première à établir une dictature constitutionnelle, avec le système de terreur politique et administrative qui l’accompagne.

Adoptant toutes les caractéristiques de l’État totalitaire, elle devint ainsi le modèle pour tous les pays contraints à renoncer au système démocratique pour se tourner vers la dictature. La Russie a servi d’exemple au fascisme (…).

Nationalisme, autoritarisme, centralisme, direction du chef, politique de pouvoir, règne de la terreur, dynamiques mécanistes, incapacité à socialiser— tous ces traits fondamentaux du fascisme existaient et existent dans le bolchevisme. Le fascisme n’est qu’une simple copie du bolchevisme.

Pour cette raison, la lutte contre le fascisme doit commencer par la lutte contre le bolchevisme. »

Cette thèse est exemplaire de la ligne gauchiste, qui voit en le mouvement communiste la principale menace contre-révolutionnaire. On voit tout de suite, le document datant de 1939, le rapport avec le trotskysme.

Otto Rühle et Léon Trotsky

Otto Rühle avait d’ailleurs soutenu Trotsky en participant en 1937 à une pseudo commission chargée de l’innocenter des accusations faites contre lui en URSS. Trotsky préfaça de son côté l’édition abrégée du Capital publiée par Otto Rühle en 1939.

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Le KAPD et l’AAUD

L’élan de la révolution allemande fut très profond et, malgré la mort de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht, le Parti Communiste d’Allemagne (KPD) se construisit de manière très rapide.

Toutefois, il y avait deux axes possibles qui en découlaient. Soit il fallait se tourner vers tout un ensemble de structures dispersées liées directement à la perspective de l’insurrection, dans l’idée d’aller le plus rapidement possible, en mettant l’idéologie et l’organisation de côté.

Soit il fallait, au contraire, se tourner vers la base de la social-démocratie, notamment l’USPD (Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands – Parti Social-Démocrate Indépendant d’Allemagne).

L’USPD est né en 1917 de son exclusion de la social-démocratie, en raison de son opposition à la guerre ; il rassemblait alors les principales figures historiques de la social-démocratie : Karl Liebnecht et Rosa Luxembourg, Karl Kautsky et Rudolf Hilferding, ainsi qu’Eduard Bernstein.

Le KPD est issu de la tendance de Karl Liebnecht et Rosa Luxembourg considérant qu’il fallait précipiter les choses, mais l’USPD se maintenait encore sur une ligne tout à fait social-démocrate de gauche.

Dès sa fondation, il parvient à rassembler 120 000 membres, puis pas moins de 893 000 membres en septembre 1920.

Naturellement, le KPD eut comme consigne de chercher à gagner la base de l’USPD, ce qu’il parvint. L’aile gauche de l’USPD et le KPD formèrent, en décembre 1920, le KPD unifié (VKPD), avec pas moins de 448 500 membres.

Cette évolution fut largement décriée par les secteurs « insurrectionnalistes » tenant une ligne gauchiste et considérant qu’il fallait une rupture complète avec la social-démocratie historique.

Cela fait que pour rejoindre l’USPD, le KPD a été obligé de rompre avec une partie significative de ses membres.

L’exclusion se produisit au congrès dit de Heidelberg (le KPD étant illégal, le congrès eut lieu dans plusieurs endroits autour de cette ville), en octobre 1919. La tendance exclue, d’orientation syndicaliste-révolutionnaire et d’optique insurrectionnaliste, donna alors naissance en avril 1920 au Kommunistische Arbeiterpartei Deutschlands (Parti Ouvrier Communiste d’Allemagne).

Tu ne devrais pas voter Le parlement est la coulisse de la domination du capital Tout le pouvoir aux conseils A bas le parlement Boycott des élections

Pour le KAPD, la révolution est imminente et par conséquent il faut tabler sur une prise de conscience rapide et décentralisée du prolétariat. Toute tentative de faire de la politique – par les élections ou la participation aux syndicats, notamment – retarde l’échéance.

La tentative de coup d’Etat par l’extrême-droite en mars 1920 – brisé par une grève générale historique et des masses en armes – forme l’arrière-plan culturel et idéologique expliquant l’impact du KAPD, qui dispose dès le départ d’environ 38 000 membres.

Le KPD, avant son unité avec l’USPD peu après, avait alors environ 66 000 membres.

Le KAPD profitait également de l’impact de son syndicat nouvellement formé, l’AAUD (« Union PanOuvrière d’Allemagne »), s’appuyant sur environ 200 000 membres.

L’organisation révolutionnaire d’entreprise, Union PanOuvrière d’Allemagne

L’organe de presse de l’AAUD, der Kampfruf c‘est-à-dire L’appel à la lutte, suivait la même ligne d’insultes (« reptiles », « putes », etc.) envers les réformistes, ainsi qu’envers les communistes liés à l’URSS, et de propagande pour la révolution prétendument immédiate et complète.

Voici un exemple de comment l’AAUD, à sa fondation prétendait trouver une voie « pure » :

« La croissance de l’organisation dans cette direction repoussera de plus en plus à l’arrière-plan la lutte entre ce que l’on appelle le centralisme et le fédéralisme.

Du point de vue de l’AAU, la polémique autour de ces deux principes, de ces deux formes d’organisation, deviendra une querelle de mots vides. Il faut évidemment comprendre ces termes d’après la signification qu’ils ont eu jusqu’à présent et ne leur donner aucun sens nouveau.

Nous entendons par centralisme la forme qui, par la volonté de quelques-unes, tient les masses en laisse et les asservit. Pour l’AAU il s’agit du démon qui doit être exterminé.

Il est anti-social. Le fédéralisme est sont antagoniste, mais son antagoniste sur la base du même système économique. C’est la souveraineté, l’entêtement obstiné de l’individu (ou de l’entreprise, ou de la région, ou de la nation) pris en soi-même. Il est également antisocial et on doit le combattre tout autant.

Ces deux formes se développèrent progressivement dans les siècles passés. Le fédéralisme l’emporta au Moyen Âge, le centralisme pendant la période du capitalisme avancé.

La sympathie pour le fédéralisme repose tout simplement sur le fait que voyant en lui la négation du centralisme, on suppose qu’il apporterait la libération et le aradis. Ce désir de fédéralisme conduit à une caricature d’autonomie (droit d’auto-détermination). On croit agir de façon sociale et prolétarienne quand on attribue à chaque région, chaque lieu (on devrait même le faire pour chaque personne) l’autonomie dans tous les domaines.

En fait, on ne fait qu’abolir l’empire pour le remplacer par une quantité de petites principautés. De partout surgissent des roitelets (fonctionnaires), qui régissent de leur côté de façon « centralisée » une fraction des adhérents comme si c’était leur propriété: il s’ensuit une dislocation et une ruine générale.

Le centralisme et le fédéralisme sont tous deux des formes d’expression bourgeoises. Le centralisme étant plus de caractère grand-bourgeois, le fédéralisme petit-bourgeois. Tous deux sont anti-prolétariens et entravent la pureté de la lutte de classe. »

Ce positionnement « ultra » fit que, dès 1922, il existait déjà deux KAPD (dite de Berlin et d’Essen), l’une formant en quelque sorte le « canal habituel » et l’autre le « canal historique », conservant chacun le nom de KAPD, alors que parallèlement l’AAUD se divisa elle-même rapidement en cinq structures différentes.

Le canal habituel disposait de 400 personnes dans son KAPD, 600 dans son AAUD ; sa ligne était que rien n’était possible à part la réfutation des syndicats et l’appel à la préparation pour la nouvelle vague révolutionnaire.

Le canal historique, quant à lui, était plus solide, disposant de 2000 membres dans son KAPD, de 12000 dans son AAUD, se fondant sur une ligne de type syndicaliste-révolutionnaire. Une scission se produira également lors de l’intégration dans ce KAPD canal historique de gauchistes exclus du KPD, Ernst Schwarz mettant son salaire de député et sa possibilité de transports gratuits au service du KAPD, ce qui fut considéré comme inacceptable par une fraction fondant alors un KAPD Opposition.

Du côté de l’AAUD, une des cinq tendances, d’orientation anti-organisation, disparut dès 1923, alors que la même année une autre de ces tendances rejoignit l’anarcho-syndicalisme.

Der Kampfruf, l’appel à la lutte, organe de l’Union PanOuvrière d’Allemagne

Une autre se maintint sur une ligne anarchiste violemment anti-intellectuelle, une autre suivit une ligne conseilliste tout en disparaissant en 1932, alors que la dernière fondée avec Otto Rühle basculait dans le syndicalisme-révolutionnaire, aboutissant finalement en 1931 à un rassemblement avec d’autres factions gauchistes pour fonder la Kommunistische Arbeiter-Union (Revolutionäre Betriebs-Organisationen), c’est-à-dire l’Union Ouvrière Communiste (Organisations Révolutionaires d’Entreprises), avec 343 membres.

De fait, l’échec du KAPD tenait à sa nature finalement contradictoire, puisque la démarche « conseilliste » revenait à du syndicalisme-révolutionnaire. Le KAPD rejetait le centralisme démocratique et prônait le parti comme simple regroupement conscient. Il n’y avait aucune base idéologique à part le fait de ne pas en vouloir, au nom de la spontanéité : l’effondrement était programmé dans la matrice même du KAPD.

Ne restèrent plus qu’aux gauchistes à masquer cet échec complet derrière un « reflux » de la révolution, le rôle « contre-révolutionnaire » du KPD, etc. C’est Anton Panekoek qui s’en chargea, aux côtés d’Otto Rühle.

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La source du gauchisme

Le gauchisme n’est pas sorti de nulle part ; il n’est nullement une tendance radicale spontanée qui serait le fruit d’une vague révolutionnaire, comme les gauchistes le prétendent pourtant. Il est issu des courants défaits par la social-démocratie et renouvelant leurs formes.

Il suffit de voir ainsi quelle était la situation aux Pays-Bas, pays où le gauchisme en tant que courant organisé fut particulièrement fort. Il est d’ailleurs parlé, chez les gauchistes, de la « gauche germano-hollandaise » et de la « gauche italienne ».

Les Hollandais Anton Pannekoek et Herman Gorter, ainsi que Henriette Roland Horst, formaient un courant à part dans la social-démocratie hollandaise ; largement influencés par le philosophe allemand Josef Dietzgen, ils considéraient que la conscience gagnait historiquement en puissance, jusqu’à parvenir au niveau de la vision socialiste du monde.

Anton Pannekoek

C’était, de fait, la même vision moraliste et par en bas que les syndicalistes révolutionnaires. L’approche était fondamentalement différente de celle de la social-démocratie ; dès 1907, une revue autonome intitulée De Tribune fut d’ailleurs publiée, avec notamment David Wijnkoop et Willem Van Ravesteyn.

Un congrès extraordinaire de la social-démocratie hollandaise – le Sociaal Democratische Arbeiders Partij –, se tenant à Deventer, exigea alors la fin de cette revue et l’obéissance à la discipline du Parti, à quoi fut répondu par la fondation d’un nouveau parti, le Sociaal-Democratische Partij, qui resta toujours extrêmement minoritaire, ses adhérents atteignant le chiffre de 700 en 1916, bien loin des 25 000 membres du Parti historique en 1913, son activité ouvrière n’étant réelle qu’à Amsterdam.

Il obtint cependant quatre places sur cent au Parlement en 1918, grâce à une alliance avec des petits groupes gauchistes ; il prit par la suite le nom de Parti Communiste aux Pays-Bas, puis de Parti Communiste de Hollande, enfin de Parti Communiste des Pays-Bas.

Henriette Roland Horst, figure du Parti Communiste fondé aux Pays-Bas sur une base gauchiste

Cette histoire parallèle à la social-démocratie est caractéristique du gauchisme, qui se précipitait après 1917 pour apparaître comme « communiste », alors que le communisme est issu de la social-démocratie.

En France, avant le Parti Communiste français né en 1920, il y eut en 1919 un éphémère « Parti communiste », publiant « Le communiste, organe officiel du PCF et des soviets adhérant à la section française de la IIIe Internationale de Moscou, des conseils ouvriers, de paysans et de soldats ».

Fondé par le syndicaliste Raymond Péricat, il fut classiquement sur les positions gauchistes : refus unilatéral des institutions et de la théorie au nom de la pratique immédiatement « révolutionnaire ».

Attirant à lui des anarchistes, des syndicalistes révolutionnaires, il s’effondra rapidement, après avoir pris la dénomination de « Fédération communiste des soviets ».

En Italie, ce fut Amadeo Bordiga qui, après avoir adhéré à la social-démocratie en 1910, tenta d’amener le Parti Communiste d’Italie sur des positions similaires, avec un échec finalement complet.

En Allemagne, le processus se déroula de manière similaire par une tentative de parasitage du Parti Communiste d’Allemagne fondé par Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, à la suite de 1917. Le gauchisme fut toutefois repoussé par vagues successives, avec notamment une « résolution contre le syndicalisme » en juin 1919.

Les fondements du gauchisme sont donc les mêmes, dans tous les pays où il a existé de manière significative, c’est-à-dire en Hollande, en Allemagne et en Italie. Des éléments extérieurs à la tradition social-démocrate ne cernent que les problèmes de celle-ci et posent une ligne ultra-volontariste qu’ils s’imaginent conformes au léninisme.

Puis vient la désillusion complète, le léninisme les réfutant de manière systématique, ce qui produit une tentative de formation d’une idéologie qui sera historiquement qualifiée d’ultra-gauche, rejoignant de multiple manière les rangs syndicalistes révolutionnaires.

En effet, le gauchisme est simplement une forme nouvelle du syndicalisme révolutionnaire, dont il se distingue par la mise en valeur, non pas de la forme syndicale, mais des conseils de travailleurs, les fameux Soviets ayant pris le pouvoir en URSS à l’initiative des bolcheviks.

Par contre, tant le syndicalisme révolutionnaire que le gauchisme en tant que « conseillisme » rejettent la conception d’avant-garde et de Parti Communiste comme état-major du prolétariat, c’est-à-dire le léninisme.

Mais ce n’est pas tout : il refuse surtout, fondamentalement et c’est là son noyau dur, le principe du Parti fondant sa démarche sur une théorie scientifique.

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La nature du gauchisme

Historiquement, la social-démocratie a été le mouvement ouvrier s’appuyant sur un Parti de cadres autour d’une idéologie bien précise : le socialisme scientifique.

Ce Parti dirige les luttes de classe, dans l’intégralité du processus ; la spontanéité est rejetée. Cette forme de Parti a été accepté par Lénine, lui-même un social-démocrate initialement ; dans Que faire?, il souligne son accord avec Karl Kautsky sur ce point.

Ce qu’on appelle le gauchisme est la réfutation de ce type de Parti. Le gauchisme prétend mettre dos à dos la social-démocratie réformiste et la social-démocratie révolutionnaire développée par Lénine. Tous deux auraient une démarche positiviste et dogmatique, accordant à la théorie une importance centrale alors que ce serait le mouvement spontané des masses qui compterait.

Dans toute la littérature gauchiste, quel que soit son positionnement, on trouve de visés Karl Kautsky et Lénine, la notion de Parti dirigeant, le principe d’une idéologie comme guide. C’est là la clef absolue pour comprendre le gauchisme et saisir en quoi il est très proche, dans sa nature, sa démarche, ses fondements, du syndicalisme-révolutionnaire, de l’anarchisme, du trotskysme.

Lénine

Le texte de Paul Mattick de 1939, Karl Kautsky : de Marx à Hitler, est exemplaire de l’approche gauchiste visant à refuser de voir toute différence entre la social-démocratie du début du XXe siècle et celle échouant à s’opposer à la première guerre mondiale impérialiste, ainsi qu’avec le léninisme.

Il y a d’ailleurs deux ouvrages philosophiques « marxistes », ayant un impact certain dans les milieux bourgeois, qui tentèrent d’intellectualiser cette opposition entre d’un côté la révolution comme processus prolétarien spontané, de l’autre l’orthodoxie de Karl Kautsky et Lénine, associée au réformisme.

Le premier est Histoire et conscience de classe, de Georg Lukàcs, le second est Marxisme et philosophie, de Karl Korsch, tous deux publiés en 1923. Ces deux auteurs rejettent la dialectique de la nature, accusant Karl Kautsky et Lénine d’être des positivistes, des matérialistes bourgeois. 

Histoire et conscience de classe

Karl Korsch visera ensuite particulièrement Karl Kautsky dans ses études et le grand théoricien gauchiste Anton Pannekoek, lorsqu’il s’attaquera à Lénine, visera naturellement tout particulièrement Matérialisme et empiro-criticisme.

Ce qui est très intéressant ici, c’est que le gauchisme n’étant rien d’autre qu’une posture de gauche, il est né paradoxalement en s’imaginant que le léninisme consistait en ce gauchisme. 

Marxisme et philosophie

Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, la social-démocratie n’a pas été à la hauteur de ses propres engagements révolutionnaires, à part en Russie, avec Lénine.

Ce dernier, à la tête des bolchéviks (c’est-à-dire de la majorité) du Parti Ouvrier Social-Démocrate Révolutionnaire, fut en mesure de peser sur l’histoire russe, avec le soulèvement d’Octobre 1917.

Cependant, il existait également de nombreux courants, d’esprits syndicalistes-révolutionnaire, anarchistes, marxisants, qui s’opposaient depuis le début à la social-démocratie, notamment en France. Lorsque la révolution russe se produisit en 1917, ils s’imaginèrent pendant un certain temps que cela confirmait leurs propres idées.

Ils comprirent, plus ou moins rapidement (ce qui donna naissance aux différentes variantes de gauchisme), que les bolchéviks se situaient dans la tradition social-démocrate, que leurs positions s’opposaient radicalement aux leurs, ce que Lénine souligna formellement dans le document écrit à leur sujet : « Le gauchisme (la maladie infantile du communisme) ».

Le gauchisme (la maladie infantile du communisme)

Ces courants gauchistes développèrent alors toute une théorie « anti-bureaucratique », considérant que les faits leur donnaient toujours raison, mais qu’ils étaient toujours victimes à la fois des capitalistes et des communistes « autoritaires ».

Les masses seraient aptes à faire la révolution de manière spontanée, mais les « partis » viendraient les parasiter et les empêcher de réaliser leur affirmation autonome.

Une liste sans fin de mythes fut alors diffusée, associant des lieux et des dates (Kronstadt 1921, Barcelone 1936, Budapest 1956, Prague 1968, etc.), témoignant du martyr des « véritables » révolutions par « en bas ».

Dans la foulée de mai 1968, le chef de file du spontanéisme, Daniel Cohn-Bendit publia un ouvrage représentatif de cette perspective : « Le gauchisme remède a la maladie sénile du communisme ».

En apparence, les variantes du gauchisme prétendent représenter les révolutionnaires les plus authentiques, les seuls désireux d’aller jusqu’au bout, les seuls qui seraient incorruptibles, les seuls qui sauraient se mettre au service des masses de manière dévouée. Tous les autres seraient des manipulateurs, des bureaucrates.

Pour certains gauchismes, il faut prouver qu’on a alors raison par le syndicalisme, un travail à la base uniquement économique comme garant de la « pureté » et comme refus conséquent de la théorie, pour d’autres il faut se mettre résolument à l’écart et se considérer comme uniquement la « phalange » du prolétariat insurrectionnel, ce qui signifie que le prolétariat est considéré comme entre-temps décomposé.

Dans tous les cas, le gauchisme est fondamentalement anti-démocratique. A ses yeux, les masses sont révolutionnaires ou ne sont pas. C’est la raison pour laquelle le gauchisme a toujours réfuté de manière absolue l’antifascisme, considéré comme un frein à la révolution.

Le gauchisme se pose ainsi, bien souvent, comme cinquième colonne de la réaction, happant des éléments vraiment révolutionnaires en les amenant vers une voie de garage « ultra » les coupant des masses et sabotant les progrès de celle-ci par des actions sur le mode du « coup de force ».

L’exemple le plus connu fut la tentative de « révolution » en Espagne, en pleine guerre civile. Le gouvernement républicain anti-franquiste devait être renversé et la « révolution » menée, en plein affrontement avec le général Francisco Franco et son armée.

Le gauchisme apparaît donc comme semblant le plus révolutionnaire, le plus radical en paroles, mais ses actes ne visent que le spectaculaire et sa structuration est toujours éphémère et éparse.

Le gauchisme prétend en faire, d’ailleurs, une qualité : cette dimension éphémère et dispersée est censée témoigner qu’il est issu de la « vague » révolutionnaire, qu’il forme le rassemblement des éléments les plus avancés, etc.

Dans tous les cas, aucune évaluation n’est possible, car le gauchisme le refuse par principes. Tout ce qui relève de la rationalité, de l’analyse, est rejeté comme dogmatique et organisé, c’est-à-dire en fin de compte social-démocrate.

Là est la clef du gauchisme. Il est directement issu de la critique syndicaliste-révolutionnaire et anarchiste de la social-démocratie et lorsqu’il dénonce le léninisme et le maoïsme, c’est en fait pour renouveler la critique fondamentale de la social-démocratie, c’est-à-dire du principe comme quoi un Parti fondé sur le socialisme scientifique doit diriger les masses.

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Discours de Dimitrov à la séance de clôture du 7e congrès de l’Internationale Communiste

Georgi Dimitrov

Discours au 7e congrès de l’Internationale communiste à la séance de clôture: Congrès de large mobilisation des forces contre le fascisme et la guerre

20 aout 1935

Le VIIe congrès mondial de l’Internationale communiste, le congrès des communistes de tous les pays et de tous les continents du monde, termine ses travaux.

Quel en est le bilan, qu’est-ce que le congrès représente pour notre mouvement, pour la classe ouvrière mondiale, pour les travailleurs de tous les pays ?

Ce congrès a été le congrès du triomphe complet de l’unité entre le prolétariat de l’Union soviétique, ‑ le pays où le socialisme a vaincu, ‑ et le prolétariat du monde capitaliste en lutte pour son affranchissement. La victoire du socialisme dans l’Union soviétique, victoire qui intéresse l’histoire mondiale, provoque dans tous les pays capitalistes un puissant mouvement vers le socialisme.

Cette victoire affermit l’oeuvre de paix entre les peuples, en augmentant l’importance internationale de l’Union soviétique et son rôle de puissant rempart des travailleurs dans leur lutte contre le Capital, contre la réaction et le fascisme. Elle fortifie l’Union soviétique en tant que base de la révolution prolétarienne mondiale.

Elle met en mouvement dans le monde entier non seulement les ouvriers qui se tournent de plus en plus vers le communisme, mais aussi des millions de paysans, de petits travailleurs des villes, une partie considérable des intellectuels, les peuples asservis des colonies; elle les remplit d’enthousiasme pour la lutte, elle augmente leur attachement à la grande patrie de tous les travailleurs, elle intensifie leur résolution de soutenir et de défendre l’État prolétarien contre tous ses ennemis.

Cette victoire du socialisme accroît la confiance du prolétariat international dans ses propres forces et dans la possibilité réelle de remporter sa propre victoire, confiance qui devient elle-même une immense force en action contre la domination de la bourgeoisie.

C’est dans l’union des forces du prolétariat de l’Union soviétique avec les forces de combat du prolétariat et des masses travailleuses des pays capitalistes que réside la formidable perspective d’un proche effondrement du capitalisme et la garantie de la victoire du socialisme dans le monde entier.

Notre congrès a jeté les fondements d’une vaste mobilisation des forces de tous les travailleurs contre le capitalisme, comme il n’en fut encore jamais dans l’histoire de la lutte de la classe ouvrière. Le congrès place devant le prolétariat international, comme étant la tâche immédiate la plus importante, le rassemblement de ses forces dans le domaine politique et d’organisation, et la liquidation de l’isolement où l’a conduit la politique social-démocrate de collaboration de classe avec la bourgeoisie: le rassemblement des travailleurs autour de la classe ouvrière dans un vaste Front populaire de lutte contre l’offensive du Capital et de la réaction, contre le fascisme et la menace de guerre dans chaque pays et sur l’arène internationale.

Cette tâche, nous ne l’avons pas inventée de toutes pièces. C’est l’expérience même du mouvement ouvrier mondial qui l’a mise en évidence, et surtout l’expérience du prolétariat de France. Le mérite du Parti communiste français, c’est d’avoir compris ce qu’il a à faire aujourd’hui, de ne pas avoir écouté les sectaires qui tiraillaient le Parti et gênaient la réalisation du front unique de lutte contre le fascisme, mais d’avoir, au contraire, préparé courageusement, à la manière bolchévik, par un pacte d’action commune avec le Parti socialiste, le front unique du prolétariat comme le fondement du Front populaire antifasciste en voie de formation.

Par cet acte, qui répond aux intérêts vitaux de tous les travailleurs, les ouvriers français, communistes et socialistes, mettent à nouveau le mouvement ouvrier français à la première place, en tête dans l’Europe capitaliste; ils montrent qu’ils sont les dignes descendants des communards et les héritiers des glorieux enseignements de la Commune de Paris.

C’est le mérite du Parti communiste et du prolétariat français d’avoir, par la pratique de leur lutte dans le front unique prolétarien contre le fascisme, aidé à préparer les décisions de notre congrès dont l’importance est si énorme pour les ouvriers de tous les pays.

Mais ce qui a été fait en France, ce ne sont que les premiers pas. Notre congrès qui trace la ligne tactique pour les prochaines années, ne pouvait se borner à enregistrer simplement cette expérience; il est allé plus loin.

Nous, communistes, nous sommes un parti de classe, un parti prolétarien. Mais nous sommes prêts, en tant qu’avant-garde du prolétariat, à organiser des actions communes du prolétariat et des autres classes travailleuses intéressées à la lutte contre le fascisme. Nous, communistes, nous sommes un parti révolutionnaire. Mais nous sommes prêts aux actions communes avec les autres partis en lutte contre le fascisme.

Notre but final à nous, communistes, est autre que celui de ces classes et de ces partis, mais tout en luttant pour nos buts, nous sommes prêts en même temps à lutter en commun pour les tâches immédiates dont la réalisation affaiblit les positions du fascisme et fortifie les positions du prolétariat.

Nos méthodes de lutte à nous, communistes, diffèrent de celles des autres partis; mais tout en luttant contre le fascisme par leurs propres méthodes, les communistes soutiendront aussi les méthodes de lutte des autres partis, si insuffisantes qu’elles puissent leur paraître, pourvu que ces méthodes soient réellement dirigées contre le fascisme.

Si nous sommes prêts à faire tout cela, c’est que nous voulons, dans les pays de démocratie bourgeoise, barrer la route à la réaction et à l’offensive du Capital et du fascisme, empêcher la suppression des libertés démocratiques bourgeoises, prévenir l’écrasement terroriste par le fascisme du prolétariat de la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels, soustraire la jeune génération à la dégénérescence du corps et de l’esprit.

Si nous sommes prêts à faire tout cela, c’est que nous voulons, dans les pays fascistes, préparer et précipiter le renversement de la dictature fasciste. Si nous sommes prêts à faire tout cela, c’est que nous voulons sauver le monde de la barbarie fasciste et des horreurs d’une guerre impérialiste.

Notre congrès est le congrès de la lutte pour le maintien de la paix contre la menace de guerre impérialiste.

Cette lutte, nous l’entendons aujourd’hui d’une manière nouvelle. Notre congrès repousse résolument l’attitude fataliste à l’égard des guerres impérialistes, inspirée par les vieilles conceptions social-démocrates.

Il est vrai que les guerres impérialistes sont le produit du capitalisme, que, seul, le renversement du capitalisme mettra un terme à toutes les guerres; mais il est également vrai que les masses travailleuses, par leurs actions de lutte, peuvent empêcher la guerre impérialiste. Le monde aujourd’hui n’est plus ce qu’il était en 1914. Actuellement, sur un sixième du globe, est établi un puissant État prolétarien, qui s’appuie sur la force matérielle du socialisme victorieux. Grâce à sa sage politique staliniste de paix, l’Union soviétique a plus d’une fois fait échouer les plans agressifs des fauteurs de guerre.

Actuellement, dans la lutte contre la guerre, le prolétariat mondial ne dispose pas seulement de l’arme que constitue son action de masse, comme en 1914. Aujourd’hui, la lutte de masse de la classe ouvrière internationale contre la guerre se conjugue avec l’ascendant de l’État soviétique et avec sa puissante Armée rouge, principal gardien de la paix.

Aujourd’hui, la classe ouvrière internationale ne se trouve pas, comme en 1914, sous l’influence exclusive de la social-démocratie coalisée avec la bourgeoisie. Aujourd’hui, il existe un Parti communiste mondial: l’Internationale communiste. Aujourd’hui, les masses d’ouvriers social-démocrates se tournent vers l’Union soviétique et sa politique de paix, vers le front unique avec les communistes.

Aujourd’hui, les peuples des pays coloniaux et semi-coloniaux ne considèrent pas la cause de leur affranchissement comme une cause désespérée. Au contraire, ils passent de plus en plus à la lutte résolue contre les oppresseurs impérialistes. La meilleure preuve en est fournie par la Révolution soviétique de Chine et les exploits héroïques de l’Armée rouge du peuple chinois.

La haine des peuples contre la guerre devient de plus en plus profonde et intense. La bourgeoisie, qui pousse les travailleurs dans l’abîme des guerres impérialistes, y risque sa tête.

Actuellement, on voit se dresser pour la cause du maintien de la paix non seulement la classe ouvrière, la paysannerie et les autres travailleurs, mais aussi les nations opprimées et les peuples, faibles, dont l’indépendance est menacée par de nouvelles guerres. Même certains grands États capitalistes, redoutant les pertes qu’ils pourraient subir à la suite d’un nouveau partage du monde, sont intéressés, à l’étape présente, à éviter la guerre.

De là, la possibilité d’un très vaste front unique de la classe ouvrière, de tous les travailleurs et de peuples entiers contre la menace de guerre impérialiste.

S’appuyant sur la politique de paix de l’Union soviétique et sur la volonté de paix de millions et de millions de travailleurs, notre congrès a montré la perspective du développement d’un vaste front anti-guerrier non seulement à l’avant-garde communiste, mais aussi à toute la classe ouvrière internationale et aux peuples de tous les pays. Du degré de réalisation et d’activité de ce front mondial dépendra la question de savoir si, dans l’avenir le plus proche, les fauteurs de guerre fascistes et impérialistes réussiront à allumer l’incendie d’une nouvelle guerre impérialiste, ou si leurs mains criminelles seront tranchées par la hache du puissant front de lutte contre la guerre.

Notre congrès est le congrès de l’unité de la classe ouvrière, le congrès de la lutte pour le front unique prolétarien.

Nous ne nous faisons pas d’illusions sur la possibilité de surmonter aisément les difficultés que la partie réactionnaire des leaders social-démocrates opposera à l’oeuvre de réalisation du front unique prolétarien. Mais nous n’avons pas peur de ces difficultés, parce que nous exprimons la volonté de millions d’ouvriers; parce qu’en luttant pour le front unique, nous servons au mieux les intérêts du prolétariat; parce que le front unique prolétarien est la voie sûre pour renverser le fascisme et le régime capitaliste, pour conjurer les guerres impérialistes.

Nous avons levé bien haut, à ce congrès, le drapeau de l’unité syndicale. Les communistes ne tiennent pas à tout prix à l’existence indépendante des syndicats rouges. Mais les communistes veulent l’unité syndicale sur la base de la lutte de classe et de la suppression, une fois pour toutes, de l’état de choses où les partisans les plus conséquents et les plus résolus de l’unité syndicale et de la lutte de classe subissent des exclusions hors des syndicats de l’Internationale d’Amsterdam.

Nous savons que les militants des syndicats faisant partie de l’Internationale syndicale rouge n’ont pas encore tous compris et ne se sont pas tous assimilé cette ligne du congrès.

Il existe encore des survivances de présomption sectaire, qu’il nous faudra faire disparaître chez ces militants pour appliquer fermement la ligne du congrès. Mais cette ligne, nous la réaliserons coûte que coûte et nous trouverons une langue commune avec nos frères de classe, nos camarades de lutte, les ouvriers adhérant aujourd’hui à la Fédération syndicale d’Amsterdam.

A ce congrès, nous avons adopté l’orientation vers la création du parti politique de masse unique de la classe ouvrière, vers l’abolition de la scission politique du prolétariat, causée par la politique de collaboration de classe de la social-démocratie. L’unité politique de la classe ouvrière n’est pas, pour nous, une manoeuvre, mais la question du sort futur du mouvement ouvrier tout entier.

S’il se trouvait parmi nous des gens pour envisager la formation de l’unité politique de la classe ouvrière comme une manoeuvre, nous lutterions contre eux, comme on lutte contre des gens qui font du tort à la classe ouvrière.

C’est précisément parce que nous envisageons cette question avec une gravité et une sincérité profondes, dictées par les intérêts du prolétariat que nous mettons des conditions de principe déterminées à la base d’une telle unité. Ces conditions de principe n’ont pas été inventées par nous; elles sont le fruit des souffrances du prolétariat au cours de sa lutte; elles répondent également à la volonté de millions d’ouvriers social-démocrates, volonté émanant de l’enseignement des défaites subies. Ces conditions de principe ont été vérifiées par l’expérience de l’ensemble du mouvement ouvrier révolutionnaire.

Et du fait que notre congrès s’est déroulé sous le signe de l’unité prolétarienne, il n’a pas été seulement le congrès de l’avant-garde communiste; il a été le congrès de la classe ouvrière internationale tout entière, qui aspire ardemment à l’unité de lutte syndicale et politique.

Bien qu’à notre congrès n’aient pas assisté de délégués des ouvriers social-démocrates, bien qu’il n’y ait pas eu ici de délégués sans-parti, bien que les ouvriers embrigadés de force dans les organisations fascistes n’y aient pas été représentés, le congrès n’en a pas moins parlé non seulement pour les communistes, mais aussi pour ces millions d’ouvriers; il a exprimé les pensées et les sentiments de l’immense majorité, de la classe ouvrière. Et si les organisations ouvrières des diverses tendances procédaient à l’examen vraiment libre de nos décisions devant les prolétaires du monde entier, les ouvriers soutiendraient, nous n’en doutons pas, les résolutions que vous avez votées avec une telle unanimité.

Cette circonstance nous oblige d’autant plus, nous, communistes, à faire vraiment des décisions de notre congrès le bien de toute la classe ouvrière.

Il ne suffit pas de voter pour ces résolutions. Il ne suffit pas de les populariser parmi les membres des Partis communistes. Nous voulons que les ouvriers des partis de la Deuxième Internationale et de la Fédération syndicale d’Amsterdam, aussi bien que les ouvriers adhérant aux organisations d’autres tendances politiques, étudient ces résolutions avec nous; qu’ils apportent leurs propositions et amendements pratiques; qu’ils méditent avec nous sur la meilleure façon de les appliquer dans la vie; que, coude à coude, avec nous, ils les réalisent en fait. Notre congrès a été le congrès de la nouvelle orientation tactique de l’Internationale, communiste.

En s’en tenant fermement à la position inébranlable du marxisme-léninisme confirmée par toute l’expérience du mouvement ouvrier international et, avant tout, par les victoires de la grande Révolution d’Octobre, notre congrès a révisé, dans l’esprit même et à l’aide de la méthode du marxisme-léninisme vivant, la position tactique de l’Internationale communiste en fonction de la situation mondiale modifiée.

Le congrès a pris une ferme résolution sur la nécessité d’appliquer d’une manière nouvelle la tactique du front unique.

Le congrès exige expressément que les communistes ne se contentent pas simplement de propager les mots d’ordre généraux de la dictature prolétarienne et du pouvoir soviétique, mais qu’ils fassent une politique bolchévik concrète et active sur toutes les questions de politique intérieure et extérieure de leurs pays, sur toutes les questions d’actualité touchant aux intérêts vitaux de la classe ouvrière, de tous les peuples et du mouvement ouvrier international.

Le congrès insiste de la façon la plus décidée pour que toutes les démarches tactiques des Partis soient basées sur une saine analyse de la réalité concrète en tenant compte du rapport des forces de classe et du niveau politique des grandes masses. Le congrès exige que tous les vestiges de sectarisme soient entièrement extirpés de la pratique du mouvement communiste, sectarisme qui, au moment actuel, représente l’obstacle le plus grand à l’application de la vraie politique bolchévik de masse des Partis communistes.

Inspiré par la résolution de faire appliquer cette ligne tactique et par l’assurance que cette voie mènera nos Partis à d’importants succès, notre congrès a tenu compte en même temps de la possibilité que l’application de cette ligne bolchévik ne se fasse pas toujours tout uniment sans fautes, sans certaines déviations à droite ou à « gauche », — déviations tantôt dans le sens du conformisme des suiveurs, tantôt dans le sens de l’isolement sectaire de soi-même. Lequel de ces dangers est, « en général », le plus important, c’est une question que seuls des scolastiques peuvent discuter.

Le plus grand et le pire danger est celui qui, au moment donné, dans un pays donné, gêne le plus l’application de la ligne de notre congrès, le déploiement d’une juste politique de masse des Partis communistes.

L’intérêt de la cause du communisme exige non pas une lutte abstraite, mais une lutte concrète contre les déviations, une riposte donnée à temps et de façon décisive aux tendances nuisibles qui se font jour, la correction à temps des fautes commises. Substituer à la lutte concrète nécessaire contre les déviations une sorte de sport, faire la chasse aux déviations ou aux déviationnistes imaginaires, c’est se livrer à une surenchère nuisible et inadmissible. Dans la vie pratique de nos Partis, il faut aider de toutes les façons au développement de l’initiative dans la position des problèmes nouveaux, favoriser l’examen approfondi des questions relatives à l’activité du Parti et ne pas qualifier hâtivement de déviation le moindre doute ou la moindre observation critique faite par un membre du Parti au sujet des tâches pratiques du mouvement. Il faut faire en sorte que le communiste qui a commis une erreur, puisse la corriger pratiquement et frapper sans merci ceux-là seulement qui persistent dans leurs erreurs et qui désorganisent le Parti.

Luttant pour l’unité de la classe ouvrière, nous lutterons en même temps avec une énergie et une intransigeance d’autant plus grandes pour l’unité intérieure de nos Partis.

Il ne peut y avoir de place, dans nos rangs, pour des fractions, pour des tentatives fractionnelles. Quiconque essaiera de violer l’unité de fer de nos rangs par une action fractionnelle quelconque, apprendra par lui-même ce que signifie la discipline bolchévik que nous ont toujours enseignée Lénine et Staline. Que cela serve d’avertissement aux quelques éléments qui, dans certains Partis, pensent pouvoir profiter des difficultés éprouvées par leur Parti, des blessures, des défaites et des coups de l’ennemi déchaîné, pour réaliser leurs plans fractionnels ou poursuivre leurs intérêts de groupe! Le Parti par-dessus tout! Garder l’unité bolchévik du Parti comme la prunelle de ses yeux, telle est la loi première, la loi suprême du bolchévisme!

Notre congrès est le congrès de l’autocritique bolchévik et du renforcement de la direction de l’Internationale communiste et de ses sections.

Nous n’avons pas peur de signaler ouvertement les erreurs, les faiblesses et les défauts qui se manifestent dans nos rangs, parce que nous sommes un parti révolutionnaire qui sait qu’il ne peut se développer, grandir et accomplir ses tâches qu’à la condition de se débarrasser de tout ce qui gêne son développement comme parti révolutionnaire.

Et le travail qu’a accompli le congrès par sa critique implacable du sectarisme plein de suffisance, du schématisme, de la standardisation, de la paresse de pensée, de la substitution des méthodes de direction du Parti aux méthodes de direction des masses, tout ce travail il faut le poursuivre respectivement dans tous les Partis à la base, à tous les échelons de notre mouvement, car c’est là une des conditions les plus essentielles de la juste application des décisions du congrès.

Dans sa résolution sur le rapport d’activité du Comité exécutif, le congrès a décidé de concentrer pour notre mouvement, la direction des opérations dans les sections elles-mêmes.

D’où l’obligation de renforcer à tous égards le travail de formation et d’éducation des cadres, ainsi que le travail de raffermissement des Partis communistes à l’aide de véritables dirigeants bolchéviks, afin que les Partis, forts des décisions des congrès de l’Internationale communiste et des Assemblées plénières de son Comité exécutif, puissent, au moment des brusques tournants des événements, trouver avec rapidité et par eux-mêmes une solution juste aux tâches politiques et tactiques du mouvement communiste.

En élisant les organismes dirigeants, le congrès s’est efforcé de créer une direction de l’Internationale communiste composée de gens qui ont fait leurs, non par un sentiment de discipline, mais par l’effet d’une profonde conviction, les directives et décisions nouvelles du congrès, de gens prêts et aptes à les transformer en actes fermement.

Il faut également assurer dans chaque pays l’application juste des décisions adoptées par le congrès; cela dépendra, en premier lieu, de la vérification, de la répartition et de l’orientation adéquates des cadres. Nous savons que cette tâche n’est pas facile. Il ne faut pas perdre de vue qu’une partie de nos cadres a été formée non pas par l’expérience de la politique de masse bolchévik, mais principalement sur la base d’une propagande générale. Nous devons tout faire pour aider nos cadres à se refaire, à se rééduquer dans l’esprit nouveau, dans l’esprit des décisions du congrès.

Mais là où il apparaîtra que les vieilles outres ne valent rien pour le vin nouveau, il faudra en tirer les conclusions qui s’imposent: ne pas verser ou laisser se gâter le vin nouveau dans les vieilles outres, mais remplacer les vieilles outres par de nouvelles.

Nous avons éliminé à dessein des rapports aussi bien que des résolutions du congrès les phrases sonores sur les perspectives révolutionnaires. Mais ce n’est pas parce que nous aurions des raisons d’apprécier d’une façon moins optimiste qu’auparavant l’allure du développement révolutionnaire, c’est parce que nous voulons débarrasser nos Partis de toute tendance à remplacer l’activité bolchévik par des phrases révolutionnaires ou des discussions stériles sur l’appréciation de la perspective.

Tout en combattant toute orientation vers la spontanéité, nous voyons et nous faisons entrer en ligne de compte le processus de développement de la révolution, non pas en observateurs, mais en participants actifs de ce processus. Comme parti de l’action révolutionnaire, accomplissant dans l’intérêt de la révolution les tâches posées à chaque étape du mouvement, tâches correspondant aux conditions concrètes de l’étape donnée, tenant sainement compte du niveau politique des grandes masses travailleuses, nous accélérons de notre mieux la formation des conditions subjectives nécessaires à la victoire de la révolution prolétarienne.

Prendre les choses telles qu’elles sont, disait Marx [Extrait de la lettre de K. Marx à Kugelmann, du 23 août 1866], c’est-à-dire faire prévaloir les intérêts de la révolution d’une manière conforme aux circonstances changées.

C’est là l’essentiel! Nous ne devons jamais l’oublier!

Il est nécessaire de porter dans les masses les décisions du congrès mondial, de les expliquer aux masses, de les appliquer comme des directives pour l’action des masses, en un mot d’en faire la chair et le sang de millions et de millions de travailleurs!

Il est nécessaire de renforcer partout, au maximum, l’initiative des ouvriers sur place, l’initiative des organisations de base des Partis communistes et du mouvement ouvrier dans l’application de ces décisions.

En partant d’ici, les représentants du prolétariat révolutionnaire doivent emporter dans leur pays la ferme conviction que nous, communistes, nous portons la responsabilité du sort de la classe ouvrière, du mouvement ouvrier, du sort de chaque peuple, du sort de l’humanité travailleuse tout entière. C’est à nous, ouvriers, et non aux parasites sociaux et aux oisifs, qu’appartient le monde, le monde construit par les mains ouvrières. Les gouvernants actuels du monde capitaliste, ce sont des hommes provisoires.

Le prolétariat est le véritable maître du monde, le maître de demain. Et il doit entrer en possession de ses droits historiques, prendre en main les rênes du pouvoir dans chaque pays, dans le monde entier. Nous sommes les élèves de Marx et d’Engels, de Lénine et de Staline. Nous devons être dignes de nos grands maîtres.

Avec Staline à sa tête, notre armée politique, forte de nombreux millions d’hommes, surmontant toutes les difficultés, passant courageusement à travers tous les barrages, doit et saura détruire la forteresse du capitalisme, et faire triompher le socialisme dans le monde entier!

Vive l’unité de la classe ouvrière!

Vive le VIIe congrès mondial de l’Internationale communiste!

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Décision sur l’admission de nouveaux partis au sein de l’IC au 7e congrès de l’Internationale Communiste

(Adoptée le 20 août 1935)

a) Les Partis Communistes d’Indochine, des Philippines, du Pérou, de Colombie, Costa-Rica, Porto Rico et Venezuela sont reconnus comme Sections de l’IC

b) Le Parti Populaire Révolutionnaire de Touva [de l’extrême sud de la Sibérie] est admis comme Section de l’IC ayant les droits d’un parti sympathisant.

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7e congrès de l’Internationale Communiste: La victoire du socialisme en URSS et sa portée historique mondiale

Résolution sur le rapport du camarade Manouilski, adoptée le 20 août 1935.

Après avoir entendu le rapport du camarade Manouilski sur le bilan de l’édification socialiste en URSS, le 7e Congrès Mondial de l’IC constate avec une profonde satisfaction que, sous la direction du PC de l’URSS, la reconstruction socialiste de l’économie nationale, la collectivisation agricole, l’évincement des éléments capitalistes et la liquidation des koulaks en tant que classe, ont eu pour résultat la victoire définitive et sans retour du socialisme en URSS et la consolidation sous tous les rapports de l’État de la dictature du prolétariat.

§1. Le succès de l’industrialisation socialiste.

— De pays arriéré au point de vue économique et technique, l’URSS est devenue un grand pays industriel avancé de la métallurgie, constructions mécaniques, de la construction d’avions, d’automobiles et de tracteurs.

Elle devient aussi le pays de l’électricité et de la chimie. L’URSS est en mesure de fabriquer dans ses usines n’importe quelle machine, n’importe quel instrument de production.

Dans des régions jadis inhabitées, de grandes villes industrielles ont poussé. On agrandit les anciennes régions industrielles, et l’on en crée de nouvelles. On travaille avec succès à l’Industrialisation des régions autrefois arriérées et des anciennes colonies tsaristes, qui se transforment en républiques et territoires nationaux florissants à industrie avancée.

Des cadres hautement qualifiés de techniciens, d’organisateurs et de dirigeants de branches et procédés de production multiples et variés ont été créés. Les progrès réalisés ouvrent de nouvelles et vastes possibilités au développement continu de l’industrialisation de toute l’économie soviétique.

§2. La plus grande révolution a été réalisée avec succès à la campagne : la collectivisation de l’économie agricole.

— Avec le triomphe du système des kolkhoz, a été résolu pratiquement un problème des plus difficiles : faire passer l’énorme majorité de la paysannerie dans la voie du développement socialiste. Une grande agriculture mécanisée a été créée selon les principes socialistes.

On voit s’étendre le réseau des stations de tracteurs et machines agricoles, et se consolider les sovkhoz. Les avantages que présente au point de vue matériel et sous le rapport de la production le système des kolkhoz sont devenus désormais force motrice de la consolidation croissante de ces derniers et de l’extension de la collectivisation volontaire. Le problème des céréales est résolu.

L’élevage est entré dans une période d’essor continu. L’existence d’énormes étendues de terres fertiles encore en friche et te début du revirement vers la culture intensive, allant de pair avec une application toujours plus large de l’agronomie et de la technique agricole, assurent grâce aux kolkhoz et aux sovkhoz, la possibilité d’un prodigieux essor de l’agriculture socialiste de l’URSS

§3. La situation matérielle des travailleurs de l’URSS a été radicalement améliorée et le niveau culturel porté à un degré très élevé.

— Le chômage a disparu. Le nombre des ouvriers et des employés grandit et leur qualification professionnelle augmente. Les fonds et taux de leurs salaires et des assurances sociales (sanatoriums, maisons de repos, assistance médicale gratuite, pensions aux invalides, aux vieillards, etc.) s’accroissent.

La journée de travail a été réduite à 7 et 6 heures. Les conditions de travail s’améliorent progressivement. On surmonte victorieusement les difficultés de ravitaillement (suppression des cartes de pain, augmentation de l’approvisionnement des travailleurs en viande et en graisse au fur et à mesure du développement de l’élevage).

L’aspect des grandes des villes et des centres industriels a changé : les conditions de vie et d’habitation des travailleurs s’améliorent sans cesse ; à la place des taudis typiques pour les quartiers ouvriers sous le régime du capital, on a construit et l’on continue de construire dans les grandes villes et centres industriels des maisons ouvrières spacieuses, claires et saines.

Grâce la collectivisation de l’économie agricole et à la liquidation des koulaks en tant que classe, la misère a disparu dans les campagnes et la possibilité a été assurée aux paysans de vivre dans l’aisance et de travailler dans des conditions affermissant leurs forces au lieu de les épuiser.

Le souci des hommes, des travailleurs, des cadres et, en premier lieu le souci des enfants, est au centre de l’activité du Parti, de l’État et de toutes les organisations syndicales et sociales.

Le niveau culturel des travailleurs s’élève rapidement : l’instruction primaire obligatoire et générale a été instituée dans toutes les républiques de l’Union, dans leur langue maternelle, nationale. Des millions d’enfants d’ouvriers, de paysans et d’employés fréquentent les écoles secondaires et supérieures, On a créé un réseau serré d’établissements préscolaires, ainsi qu’un réseau d’écoles du soir spéciales, cercles et cours pour adultes.

Des dizaines de milliers de clubs de théâtres et de cinémas ont été créés dans les quartiers ouvriers, dans les usines, dans les villages. On assiste au développement et à l’épanouissement de la culture, nationale par la forme et socialiste par le contenu des peuples de l’URSS, jadis opprimés, abattus et voués à dégénérescence, aujourd’hui libres et jouissant de la plénitude de leurs droits. La femme, à l’égal de l’homme, participe activement à la construction socialiste.

Celle-ci englobe la génération de Jeunes, formés dans les conditions soviétiques, des jeunes qui Ignorent l’exploitation capitaliste, les privations et l’absence de droits, et ne reconnaissent que les intérêts, les tâches les buts du socialisme. La science et tous les arts sont désormais à la portée des grandes masses.

Académiciens, savants, explorateurs, artistes, écrivains, peintres et maîtres de toutes les formes de l’art se sont tournés vers les travailleurs. Toutes ces réalisations matérielles et culturelles, si immenses qu’elles soient en comparaison d’un passé récent et de la situation des travailleurs des pays capitalistes, ne marquent que le début d’un avenir magnifique et riche, plein d’épanouissement et de prospérité vers lequel s’achemine le pays du socialisme dans tous les domaines.

§4. L’État de la dictature du prolétariat a été fortement consolidé au point de vue politique.

— Au pays des Soviets, nous avons le régime politique le plus solide, le plus inébranlable, un État de large démocratie, qui n’est pas séparé de la masse du peuple et ne lui est pas opposé, mais est organiquement lié aux masses, défend leurs intérêts, traduit et réalise leur volonté.

Les changements profonds et radicaux, intervenus dans la structure sociale de l’URSS du fait de la construction socialiste de l’économie soviétique, de la liquidation des classes d’exploiteurs et de la victoire du système des kolkhoz, ont eu pour résultat d’élargir et de consolider encore plus la base sociale du pouvoir des Soviets.

En conformité avec ces changements, et en s’appuyant sur la confiance accrue des grandes masses en la dictature du prolétariat, le pouvoir soviétique a appliqué de nouvelles mesures, d’une grande portée historique, en vue de rendre son régime encore plus démocratique : substitution du vote égal au vote qui ne l’était pas tout à fait : du vote direct et secret au vote public à plusieurs degrés ; extension des droits électoraux : de nouvelles couches de la population adulte ; rétablissement du droit de vote à ceux des anciens koulaks qui ont prouvé en fait, par un travail honnête, qu’ils ont cessé de combattre le régime soviétique.

Le développement de la dictature du prolétariat progresse de façon continue dans la voie d’un renforcement et d’une extension sans cesse accrus de la liaison directe de l’État soviétique avec les masses du peuple, avec la majorité écrasante de la population, dans la voie d’une large participation croissante, directe et active des masses populaires à la direction de l’État de l’édification socialiste.

Le développement de la démocratie prolétarienne, réalisé grâce à la liquidation des classes exploiteuses, la consécration de la propriété socialiste en tant que base de la société soviétique, réalisation de l’unité des intérêts de majorité de la population de toutes les républiques de l’US, fortifient sous tous les rapports de la dictature du prolétariat.

Fidèle à ses principes de fraternité, de liberté et d’indépendance de tous les peuples et des nations, l’URSS lutte constamment pour la paix entre les peuples, dénonce les plans agressifs des impérialistes et prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la défense de la patrie socialiste des travailleurs du monde entier contre l’agression qui la menace de la part des forbans impérialistes.

Le 7e Congrès de l’IC constate avec satisfaction qu’à la place de la vieille Russie tsariste qui se faisait battre par tout le monde, et qu’à la place du faible pays soviétique qui, au début de son développement, se trouvait devant la possibilité d’un partage entre les impérialistes, un puissant État socialiste se dresse maintenant.

L’URSS devient le pays de l’homme nouveau, d’une nouvelle vie sociale et individuelle. C’est dans le grand creuset du travail socialiste planifié, sur la base de l’émulation socialiste, du travail de choc et de l’initiative créatrice des masses, que s’opère la grande refonte des hommes. Les habitudes et mœurs antisociales, rapaces, liées l’esprit à la propriété privée et héritées du capitalisme, disparaissent progressivement.

L’atmosphère créée par le travail socialiste passionnant contribue à rééduquer les criminels et les délinquants. Les principes d’inviolabilité de la propriété collective s’implantent de plus en plus dans toutes les branches de l’économie nationale des villes et des campagnes. L’opinion publique des masses travailleuses et l’autocritique sont devenues une force puissante d’influence morale, d’éducation et de rééducation des hommes.

Grâce à la nouvelle attitude qui se fortifie de plus en plus, envers le travail et la société, une nouvelle vie est créée et on voit se transformer la conscience la mentalité des hommes et se former de nouvelles générations saines, aptes au travail et développées à tous égards.

Du plus profond du peuple sortent en masse organisateurs dirigeants, inventeurs, explorateurs hardis de régions arctiques restées inconnues jusqu’à ce jour, héros vainqueurs de la stratosphère, des airs et des profondeurs océaniques, des cimes de montagnes et des entrailles de la terre. Des millions de travailleurs prennent d’assaut les citadelles inexpugnables de la technique, de la science et de l’art.

L’URSS devient le pays de l’homme nouveau, qui, plein d’élan et de la joie de vivre, concentre son effort sur le but à atteindre, surmonte tontes les difficultés et de grandes choses…

§5. La victoire du socialisme en URSS a été remportée au cours d’une lutte énergique du PC de l’URSS contre l’opportunisme de droite et de «gauche», au cours d’une lutte opiniâtre et de longue haleine pour surmonter les difficultés énormes, dues au faible niveau technique et économique hérité du passé, provoquées par la nécessité d’assurer dans le plus bref délai, par ses propres forces et moyens dans les conditions de l’encerclement Impérialiste hostile, la reconstruction de la base technique de l’économie nationale et une refonte radicale des rapports sociaux et économiques.

Cette refonte et, surtout, cette transformation de la base technique de l’économie agricole, rattachée à l’union des petites exploitations paysannes dans de grandes fermes collectives et à la liquidation des koulaks en tant que classe, ont été réalisées sous le signe d’une offensive résolue du prolétariat contre les éléments capitalistes.

Perdant toute base économique les restes des classes d’exploiteurs soutenues par les impérialistes opposaient une résistance acharnée, recouraient à la résistance passive et au sabotage, incendiaient les récoltes, empêchaient les semailles, égorgeaient le bétail, etc. Le prolétariat a réussi à briser la résistance de ses ennemis, à créer une puissante industrie socialiste, à consolider le système des kolkhoz, vaincre les difficultés liées à la nécessité d’un essor rapide de l’économie nationale.

La possibilité de construire le socialisme dans un seul pays, pris séparément, possibilité prévue par le génie de Lénine et de Staline, est devenu une réalité tangible et palpable pour les millions de travailleurs du monde entier.

La question historique : «Qui l’emportera ?» sur l’arène intérieure, la question de la victoire du socialisme sur le capitalisme en URSS a été résolue définitivement et sans retour, en faveur socialisme, ce qui n’exclut pas le fait que les débris décimés de l’ennemi de classe, qui ont perdu tout espoir d’empêcher développement du socialisme, continueront à nuire aux kolkhoziens de l’URSS. Le développement ultérieur du socialisme victorieux se heurtera à l’intérieur de l’URSS à des difficultés d’un autre ordre, à des difficultés conditionnées par la nécessité de vaincre les survivances du capitalisme dans la conscience des hommes.

Avec le triomphe du socialisme en URSS la révolution prolétarienne mondiale conquis des positions imprenables dans la lutte de plus en plus aiguë pour la solution du problème «Qui l’emportera ?» sur l’arène internationale.

§6. La victoire du socialisme en URSS est une victoire d’une portée mondiale.

— Remportée avec le soutien du prolétariat international par les ouvriers et les kolkhoziens de l’URSS, sous la direction du meilleur compagnon d’armes du grand Lénine, le sage chef des travailleurs du monde entier, le camarade Staline, la victoire du socialisme en URSS provoque un profond revirement dans la conscience des hommes de tous les pays : elle convainc les grandes masses d’ouvriers social-démocrates et d’autres tendances, de la nécessité d’une lutte commune pour le socialisme et intervient comme un facteur décisif dans la réalisation de l’unité prolétarienne de combat.

Elle détruit des conceptions et notions inculquées durant des siècles sur l’éternité et l’immuabilité de l’ordre capitaliste, révèle la faillite théories et projets bourgeois de «rénovation» de la société capitaliste, développe les sentiments révolutionnaires des masses travailleuses, leur donne l’assurance en leurs propres forces, leur démontre la nécessité et la possibilité de renverser le capitalisme et de bâtir le socialisme.

Sous les yeux des millions de travailleurs des pays capitalistes et coloniaux, de tous les exploités et opprimés, une vive clarté illumine le chemin de la libération, le chemin du socialisme, frayé par exemple vivant de l’URSS

Le régime soviétique, socialiste, assure : Aux ouvriers : la délivrance des horreurs qu’apportent le chômage et l’exploitation capitaliste ; la possibilité de travailler pour soi et non pour les parasites exploiteurs, de gérer l’État et l’économie nationale, d’améliorer sans cesse la situation matérielle, de mener une vie cultivée.

Aux paysans : la terre et la libération du joug des propriétaires fonciers, des usuriers des banquiers, l’abolition des impôts démesurés, la fin des crises, de la ruine, de la décadence et de la misère, une aisance de plus en plus accrue, niveau culturel toujours plus élevé, un allégement énorme de leur travail.

Aux éléments petits-bourgeois des villes : la fin du cauchemar des faillites, de l’oppression par le grand capital, de la ruine et de la dégénérescence : la possibilité de travailler honnêtement dans le système de l’économie socialiste ; la possibilité d’une amélioration de leur vie matérielle et spirituelle.

Aux intellectuels : les conditions nécessaires et le plus vaste champ d’action pour le perfectionnement de leurs connaissances, de leurs aptitudes et de leurs talents : de fortes impulsions et de larges horizons d’activité créatrice, une amélioration radicale de leur vie matérielle et culturelle.

Aux peuples des colonies et pays vassaux : la libération nationale du joug de l’impérialisme, la possibilité d’élever à une cadence rapide leur économie nationale au niveau des pays les plus avancés, l’essor et l’épanouissement de culture nationale, une participation active, sur un pied d’égalité complète, à la vie internationale.

§7. Avec la victoire du socialisme, l’URSS est devenue une grande force politique d’État, une grande force économique et culturelle, influençant la politique mondiale ; un centre d’attraction et de rassemblement de tous les peuples, pays et même d’État intéressés au maintien de la paix internationale, le rempart des travailleurs de tous les pays contre la menace de guerre ; un puissant instrument de rassemblement des travailleurs du monde entier contre la réaction mondiale.

— La victoire du socialisme, transformant l’URSS en une force qui met en mouvement les grandes masses de la population, les classes, les nations, les peuples et les États, marque un nouvel et grand changement dans le rapport des forces de classes, à l’échelle mondiale, en faveur socialisme, au détriment du capitalisme. Elle marque le début d’une nouvelle étape dans le de la révolution prolétarienne mondiale.

De ce bilan historique, réalisé depuis le 6e Congrès de l’IC, bilan que le mouvement prolétarien mondial enregistre au seuil du second cycle de guerres et de révolutions et qui détermine les tâches essentielles de révolution prolétarienne mondiale, découle pour la classe ouvrière, pour les travailleurs du monde entier et pour toutes les Sections de l’IC ce devoir primordial :

Aider de toutes leurs forces et tous les moyens à la consolidation de l’URSS, lutter contre les ennemis de l’US. En temps de paix comme dans les conditions d’une guerre dirigée contre l’URSS.

Les intérêts de la consolidation de l’US, de l’accroissement de sa puissance, de la victoire qui doit lui être assurer dans tous les domaines et sur tous les secteurs de la lutte, coïncident pleinement et indissolublement avec les intérêts des travailleurs du monde entier dans leur lutte contre les exploiteurs. Ils coïncident avec les intérêts des peuples coloniaux et opprimés, en lutte contre l’impérialisme.

Ils conditionnent et favorisent le triomphe de la révolution prolétarienne mondiale, la victoire du socialisme dans le monde entier.

C’est pourquoi la défense de l’URSS, l’aide à lui prêter pour contribuer à sa victoire sur tous les ennemis, doivent dicter ses actes à chaque organisation révolutionnaire du prolétariat, à chaque véritable révolutionnaire, à chaque socialiste, à chaque communiste, à chaque ouvrier sans parti, à chaque paysan travailleur, à chaque intellectuel et démocrate honnête, à tous ceux qui veulent la suppression de l’exploitation, du fascisme et du joug impérialiste, l’abolition des guerres impérialistes, qui veulent la fraternité et la paix entre les peuples, le triomphe du socialisme dans le monde entier.

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7e congrès de l’Internationale Communiste: Les tâches de l’IC en liaison avec la préparation d’une nouvelle guerre mondiale par les impérialistes

Résolution sur le rapport du camarade Ercoli, adoptée le 20 août 1935.

1. — Préparation de la guerre pour un nouveau partage du monde

La crise économique mondiale et la rupture de la stabilisation capitaliste ont engendré une extrême instabilité de toutes les relations internationales. L’aggravation de la lutte sur le marché mondial, rétréci l’extrême à la suite de la crise économique, a conduit une guerre économique acharnée, En fait, le nouveau partage du monde a déjà commencé.

L’impérialisme japonais qui mène la guerre en Extrême-Orient, a déjà inauguré le nouveau partage du monde. L’occupation militaire de la Mandchourie et de la Chine du Nord signifie l’annulation de fait des accords de Washington qui réglaient la répartition des sphères d’influence entre les puissances impérialistes en Chine et leurs relations dans l’océan Pacifique.

L’expédition de rapine du Japon conduit d’ores et déjà un affaiblissement de l’influence des impérialismes anglais et américain en Chine, elle menace les positions de la Grande-Bretagne et des États-Unis dans l’océan Pacifique et est une préparation de la guerre contre-révolutionnaire contre l’US.

Du traité de Versailles, seules restent debout les frontières d’État et la répartition des mandats coloniaux. La liquidation du traité de Versailles a été consommée à la suite de la cessation des paiements au titre des réparations, du rétablissement du service militaire général par le gouvernement d’Hitler, ainsi que de la conclusion de l’accord naval de l’Angleterre avec l’Allemagne.

Les fascistes allemands, qui sont les principaux instigateurs de la guerre et aspirent établir l’hégémonie de l’impérialisme allemand en Europe, posent la question de la modification des frontières européennes par la voie de la guerre et aux dépens de leurs voisins.

Les plans aventuriers des fascistes allemands vont très loin : ils visent à la revanche militaire contre la France, au partage de la Tchécoslovaquie, à l’annexion de l’Autriche, l’anéantissement de l’indépendance des pays baltes dont ils entendent faire une place d’armes pour l’attaque contre l’US, au détachement de l’URSS de l’Ukraine soviétique.

Ils réclament pour eux des colonies, cherchant à exciter les esprits en faveur de la guerre mondiale pour un nouveau partage du monde. Tous ces projets des fauteurs de guerre sans scrupules contribuent à aggraver les contradictions entre les États capitalistes et créent le trouble dans toute l’Europe.

L’impérialisme allemand a trouvé en Europe un allié dans le fascisme polonais qui cherche également à étendre son territoire aux dépens de la Tchécoslovaquie, des pays baltes et de l’US.

Les milieux dirigeants de la bourgeoisie anglaise appuient les armements allemands pour affaiblir l’hégémonie de la France sur le continent européen, pour tourner la pointe des armements allemands de l’Occident vers l’Orient et, pour diriger l’agressivité de l’Allemagne contre l’US.

Par cette politique, l’Angleterre cherche à créer à l’échelle mondiale, un contrepoids aux États-Unis et à renforcer du même coup les tendances antisoviétiques, non seulement de l’Allemagne, mais aussi du Japon et de la Pologne.

Cette politique de l’impérialisme anglais est un des facteurs qui accélèrent l’explosion de la guerre impérialiste mondiale.

L’impérialisme italien passe directement à la conquête de l’Abyssine, en suscitant par là même une nouvelle tension entre les grandes puissances impérialistes.

Le principal antagonisme dans le camp des impérialistes est l’antagonisme anglo-américain qui exerce son influence sur toutes les contradictions de la politique mondiale.

Cet antagonisme a conduit dans l’Amérique du Sud, où les intérêts opposés de l’Angleterre et des États-Unis se heurtent avec le plus de violence, à la guerre entre les vassaux sud-américains des deux puissances (Bolivie, Paraguay, Colombie, Pérou) et menace de provoquer de nouveaux conflits militaires dans l’Amérique méridionale et centrale (Colombie, Venezuela).

Au moment où ce sont surtout les États fascistes — l’Allemagne, la Pologne, la Hongrie, l’Italie — qui aspirent ouvertement à un nouveau partage du monde et au changement des frontières en Europe, la tendance existe chez d’autres États à conserver la situation actuelle (statu quo). Cette tendance est représentée actuellement, à l’échelle mondiale, par les États-Unis et, en Europe, avant tout par la France.

Et la tendance de ces deux États impérialistes principaux à conserver le statu quo est appuyée par un certain nombre de petits États (la Petite Entente et l’Entente balkanique, quelques États baltes), dont l’indépendance est menacée par une nouvelle guerre impérialiste.

La victoire du national-socialisme allemand, qui et la forme la plus réactionnaire, la plus agressive du fascisme, et ses provocations à la guerre, ont poussé les partis de guerre, représentant les éléments les plus réactionnaires et les plus chauvins de la bourgeoisie, à accentuer dans tous les pays la lutte pour le pouvoir et à intensifier la fascisation de l’appareil d’État.

Les armements effrénés de l’Allemagne fasciste et, en particulier, le rétablissement du service militaire et l’énorme renforcement des armements navals et aériens de l’Allemagne ont provoqué dans tout le monde capitaliste une nouvelle course renforcée aux armements.

Malgré la crise économique mondiale, l’industrie de guerre s’épanouit dans une mesure plus grande que jamais. Dans les pays qui sont allés le plus loin dans la préparation de la guerre (Allemagne, Japon, Italie, Pologne), l’économie nationale est déjà mise sur le pied de guerre. À côté de l’armée régulière, on prépare des détachements fascistes spéciaux pour assurer l’arrière et pour faire le service de gendarmerie sur le front ; dans tous les pays capitalistes, la préparation prémilitaire est étendue même aux adolescents.

L’éducation et la propagande dans de l’esprit de la démagogie chauvine et raciste se font aux frais de l’État et sont encouragées de toutes les façons.

Bien que à l’heure actuelle l’aggravation des contradictions impérialistes rende plus difficile la formation d’un bloc antisoviétique les gouvernements fascistes et les partis de la guerre dans les pays capitalistes n’en cherchent pas moins à résoudre ces contradictions aux dépens de la patrie de tous les travailleurs, aux dépens de l’US.

Le danger de l’explosion d’une nouvelle guerre menace l’humanité de jour en jour.

2. — Le rôle de l’US dans la lutte pour la paix

L’essor rapide de l’industrie socialiste et de l’agriculture, la liquidation des koulaks — dernière classe capitaliste — la victoire définitive du socialisme sur le capitalisme et le renforcement de la capacité de défense du pays, qui en résulte, ont fait que les relations réciproques de l’US avec les pays capitalistes sont entrées dans une phase nouvelle.

La contradiction fondamentale entre le monde socialiste et le monde capitaliste est devenue encore plus aiguë. Mais, grâce à sa puissance croissante, l’US a été en mesure de prévenir l’agression déjà préparée des puissances impérialistes et de leurs vassaux, et de déployer une politique conséquente de paix contre tous les instigateurs de guerre.

Par là même, l’US est devenu le centre d’attraction non seulement des ouvriers doués d’une conscience de classe, mais aussi de tout le peuple travailleur aspirant à la paix dans les pays capitalistes et coloniaux.

En outre, la politique de paix de l’URSS a non seulement déjoué les plans des impérialistes visant à l’isolement de l’US, mais a en même temps jeté les fondements de sa collaboration en vue de conserver la paix avec les petits États, pour lesquels la guerre, qui menace leur indépendance, constitue un danger particulier, de même qu’avec ceux des États qui, au moment donné, sont intéressés au maintien de la paix.

La politique de paix de l’URSS, opposant l’internationalisme prolétarien aux querelles nationalistes et de races, n’pas seulement pour but de défendre le pays des Soviets, d’assurer la sécurité de l’édification socialiste ; elle défend la vie des ouvriers de tous pays ; la vie de tous les opprimes et exploités ; elle signifie la défense de l’indépendance nationale des petites nations ; elle sert les intérêts vitaux de l’humanité ; elle défend la culture contre la barbarie de la guerre.

Au moment où une nouvelle guerre entre les États impérialistes devient de plus en plus proche, la puissance de l’Armée rouge et paysanne de l’URSS acquiert une importance de plus en plus grande dans la lutte pour la paix. Devant les armements tassés avec frénésie par les pays impérialistes, surtout par l’Allemagne, le Japon et la Pologne, le renforcement de l’Armée rouge et son soutien actif sont d’un intérêt vital pour tous ceux qui aspirent à conserver la paix.

3. — Les tâches de l’IC dans la lutte pour la paix contre la guerre impérialiste

Le 7 e Congrès Mondial de l’IC, fort de la doctrine de Marx-Engels- Lénine-Staline sur la guerre, a élaboré concrètement les tâches des PC et du prolétariat révolutionnaire dans la lutte contre la guerre impérialiste. Guidés par ces principes, les PC du Japon et de la Chine, directement touchés par la guerre, ont mené et mènent d’une façon bolchéviste la lutte contre la guerre impérialiste, pour la défense du peuple chinois.

Le 7e Congrès Mondial de l’IC en confirmant les résolutions du 6e Congrès sur la lutte contre la guerre impérialiste, pose devant les PC, les ouvriers révolutionnaires, les paysans travailleurs et les peuples opprimés du monde entier les tâches principales suivantes :

§1. La lutte pour la paix et pour la défense de l’URSS — Face aux provocations à la guerre des fascistes allemands et des militaristes japonais et aux armements poussés à l’extrême par les partis de guerre dans les pays capitalistes, face au danger imminent d’explosion d’une guerre contre révolutionnaire contre l’US, le mot d’ordre central des PC doit être : la lutte pour la paix.

§2. Le front populaire unique dans la lutte pour la paix, contre les instigateurs de guerre. — La lutte pour la paix ouvre devant les PC les plus grandes possibilités de créer le front unique le plus large.

Dans les rangs de ce front unique doivent être entraînés tous ceux qui sont intéressés par la conservation de la paix. La concentration des forces (à chaque moment donné contre les principaux instigateurs de la guerre l’heure actuelle contre l’Allemagne fasciste et contre la Pologne et Japon qui sont liés avec elle) est la tâche tactique la plus importante des PC.

Pour le PC allemand, il est particulièrement important de démasquer la démagogie nationaliste du fascisme hitlérien, qui se dissimule sous des phrases sur l’unification du peuple allemand, mais qui, en fait, mène le peuple allemand à l’isolement et à une nouvelle catastrophe militaire. La condition nécessaire et la prémisse de l’unification du peuple allemand c’est le renversement du fascisme hitlérien.

L’établissement du front unique avec les organisations social-démocrates et réformistes (partis, syndicats, organisations coopératives, sportives et culturelles) et avec la masse de leurs adhérents, ainsi qu’avec les organisations de masse d’affranchissement national, démocratiques-religieuses, pacifistes et leurs partisans, a une importance décisive dans la lutte contre la guerre et les fauteurs fascistes de guerre dans tous les pays.

La formation du front unique avec les organisations social-démocrates et réformistes en vue de la lutte pour la paix exige une lutte idéologique résolue contre les éléments réactionnaires dans les rangs de la Social-démocratie, éléments qui, en présence du danger immédiat de guerre, tendent à une collaboration encore plus étroite avec la bourgeoisie pour défendre la patrie bourgeoise, et par leurs excitations contre l’URSS, soutiennent directement la préparation d’une guerre antisoviétique.

Elle exige une collaboration étroite avec ceux des éléments se trouvant au sein des partis social-démocrates, des syndicats réformistes et autres organisations ouvrières de masse, qui se rapprochent des positions de la lutte révolutionnaire contre la guerre impérialiste.

L’entraînement des organisations pacifistes et de leurs partisans dans les rangs du front unique de lutte pour la paix, acquiert une grande importance front unique pour la mobilisation contre la guerre des masses petites bourgeoises, des intellectuels avancés, des femmes et des jeunes. Tout en soumettant toujours à une critique explicative les conceptions erronées des pacifistes de bonne foi, en luttant énergiquement contre ceux parmi les pacifistes qui, par leur politique, masquent la préparation de la guerre impérialiste par les fascistes allemands (la direction du Labour Party en Angleterre, etc.), les communistes doivent s’assurer la collaboration de toutes les organisations pacifistes prêtes à faire avec eux au moins une partie du chemin de la lutte effective contre les guerres impérialistes.

Les communistes doivent appuyer par leur collaboration active le mouvement Amsterdam-Pleyel contre la guerre et le fascisme, et aider à l’étendre.

§3. La coordination de la lutte contre la guerre impérialiste et de la lutte contre le fascisme. — La lutte contre la guerre des masses qui aspirent conserver la paix, doit être coordonnée de la façon la plus étroite avec la lutte contre le fascisme et le mouvement fasciste.

Il est nécessaire non seulement de mener une propagande générale pour la paix, mais en premier lieu contre les principaux instigateurs de la guerre, contre les partis fascistes et autres partis de guerre impérialistes et contre les mesures concrètes de préparation de la guerre impérialiste.

§4. La lutte contre le militarisme et les armements. — Les PC dans tous les pays capitalistes doivent lutter contre les dépenses de guerre (budgets militaires) pour le rappel des forces militaires des pays coloniaux et sous mandats, contre les mesures de militarisation appliquées par les gouvernements capitalistes, et surtout contre la militarisation des jeunes, des femmes et des chômeurs ; contre les lois d’exception limitant les libertés démocratiques bourgeoises dans le but de préparer la guerre ; contre la limitation des droits des ouvriers travaillant dans les usines de guerre ; contre les subsides à l’industrie de guerre et contre le trafic et le transport des armes.

On ne peut mener la lutte contre les mesures de préparation à la guerre qu’en liant cette lutte de la façon la plus étroite à la défense des intérêts économiques et des droits politiques des ouvriers, des employés, des travailleurs et la petite bourgeoisie urbaine.

§5. La lutte contre le chauvinisme. — Dans la lutte contre le chauvinisme, la tâche des communistes est d’éduquer les ouvriers et tout le peuple travailleur dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien.

Ceci n’est réalisable que dans la lutte contre les exploiteurs et les oppresseurs pour les intérêts vitaux de classe du prolétariat, de même que dans la lutte contre chauvinisme bestial des partis nationaux-socialistes et de tous autres partis fascistes. En même temps, les communistes doivent montrer que la classe ouvrière mène une lutte conséquente pour la défense de la liberté nationale et de l’indépendance du peuple entier ; contre toute oppression et exploitation, car seul la politique communiste défend jusqu’au bout la liberté nationale et l’indépendance du peuple.

§6. La lutte pour l’affranchissement national et le soutien des guerres d’affranchissement national.

— Dans le cas où un État faible serait attaqué par une ou plusieurs grandes puissances impérialistes qui voudraient détruire son indépendance et son unité nationales, ou bien en taire le partage comme cela eut lieu dans l’histoire lors du partage de la Pologne, par exemple, la guerre de la bourgeoisie nationale d’un tel pays, pour repousser cette attaque, peut revêtir le caractère d’une guerre de libération, dans laquelle la classe ouvrière et les communistes de ce pays ne peuvent pas ne pas intervenir.

La tâche des communistes d’un tel pays consiste en ce que, tout en menant une lutte irréductible pour assurer les positions économiques et politiques des ouvriers, des paysans travailleurs et des minorités nationales, ils se mettent en même temps aux premiers rangs des combattants pour l’indépendance nationale et mènent jusqu’au bout la guerre d’émancipation, en ne permettant pas à «leur propre» bourgeoisie de rechercher des compromis avec les puissances agressives aux dépens des intérêts de leur pays.

Les communistes ont le devoir de soutenir activement la lutte pour la libération nationale des peuples opprimés des colonies et semi- colonies, et surtout la lutte de l’armée rouge des Soviets chinois contre les impérialistes japonais et autres et contre le Kuomintang, Le PC de Chine doit faire tous les efforts pour élargir le front de la lutte pour l’affranchissement national et y entraîner toutes les forces nationales prêtes à opposer une résistance à l’expédition de brigandage de l’impérialisme Japonais et des autres impérialistes.

4. — De la lutte pour la paix à la lutte pour la révolution

Le 7 e Congrès Mondial de l’IC repousse de la façon la plus énergique l’affirmation calomnieuse d’après laquelle les communistes désireraient la guerre dans l’espoir qu’elle amène la révolution. Le fait que les PC de tous les pays prennent une part dirigeante à la lutte pour la conservation de la paix et pour le triomphe de la politique de paix de l’US, démontre que les communistes tendent de toutes leurs forces à entraver la préparation et le déclenchement d’une nouvelle guerre.

Les communistes, tout en menant également une lutte énergique contre les illusions selon lesquelles il serait possible de supprimer les guerres tant que le régime capitaliste existe encore, déploient et déploieront tous les efforts pour conjurer la guerre.

Mais, dans le cas où une nouvelle guerre impérialiste mondiale éclaterait en dépit de tous les efforts faits par la classe ouvrière pour la conjurer, les communistes s’efforceront d’entraîner les adversaires de la guerre organisés dans la lutte pour la paix, à la lutte pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile contre les instigateurs fascistes de guerre, contre la bourgeoisie, pour le renversement du capitalisme.

En même temps le Congrès met les communistes et les ouvriers révolutionnaires en garde contre les méthodes anarcho-syndicalistes de lutte contre la guerre sous forme de refus de se rendre à l’appel de la classe, sous la forme dite de boycottage de la mobilisation, de sabotage dans les usines de guerre, etc.

Le Congrès estime que de pareilles méthodes de lutte ne peuvent que nuire au prolétariat. Les bolchéviks russes qui, pendant la guerre mondiale luttaient énergiquement contre la guerre et qui se prononçaient pour la défaite du gouvernement russe, repoussaient cependant de telles méthodes.

Ces méthodes ne font que faciliter la répression de la bourgeoisie contre les communistes et les ouvriers révolutionnaires, et empêchent la conquête par les communistes des masses travailleuses, et surtout la masse des soldats pour la lutte de masse contre la guerre impérialiste et pour sa transformation en guerre civile contre la bourgeoisie.

Le 7e Congrès de l’IC en fixant les tâches des PC et de toute la classe ouvrière en cas de guerre, s’en rapporte à la thèse proposée par Lénine et par Rosa Luxembourg et adoptée par le Congrès de Stuttgart de la 2e Internationale d’avant-guerre :

«Si la guerre est néanmoins déclarée, il est du devoir des travailleurs de lutter pour la faire finir promptement et en tendant tous leurs efforts, de mettre à profit la crise politique provoquée par la guerre pour soulever le peuple et précipiter la ruine de la domination de classe capitaliste.»

Dans l’étape historique actuelle, alors que sur un sixième du globe l’US défend le socialisme et la paix pour l’humanité tout entière, les intérêts les plus vitaux des ouvriers et des travailleurs de tous les pays exigent que la politique de la classe ouvrière, la lutte pour la paix, la lutte contre la guerre impérialiste avant et après le déclenchement de la guerre, soient menées sous l’angle de la défense de l’US.

Si le déclenchement d’une guerre contre-révolutionnaire contraint l’US à faire marcher l’Armée rouge ouvrière et paysanne pour la défense du socialisme, les communistes appelleront tous les travailleurs à contribuer par tous les moyens et à n’importe quel prix à la victoire de l’Armée rouge sur les armées des impérialistes.

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Maurice Thorez : Les succès du front unique antifasciste

Maurice Thorez

Discours au 7e congrès de l’Internationale communiste: Les succès du front unique antifasciste

3 aout 1935

Le rapport présenté au VIIe congrès de notre Internationale communiste sur l’offensive du fascisme et la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme soulève des questions d’une importance considérable et d’une portée internationale exceptionnelle. Nul ne pouvait traiter de telles questions avec plus de compétence et d’autorité que notre camarade Dimitrov, le héros du procès de Leipzig. [1]

L’acte d’accusation contre la barbarie sanglante du fascisme dressé à cette tribune, la plus haute qui soit, c’est à Leipzig, face aux Goebbels et aux Göring, sinistres lieutenants du sinistre Hitler, que Dimitrov l’a signifié magistralement, au nom, déclara-t-il fièrement, de l’Internationale communiste et de tous les travailleurs du monde.

L’unité de la classe ouvrière, l’union de tous les antifascistes, contre le plus grand crime que connaisse l’histoire, c’est encore Dimitrov qui l’a stimulée, par l’exemple de son courage tranquille et indomptable. À travers le monde, des millions et des millions d’hommes, communistes, socialistes, antifascistes, travailleurs manuels et intellectuels ont suivi avec une émotion angoissée la bataille héroïque livrée par Dimitrov contre les bourreaux du peuple allemand, les persécuteurs de notre vaillant Thaelmann.

Le nom du bolchévik Dimitrov est prononcé avec une reconnaissance émue et une admiration affectueuse par tous ceux qui veulent s’unir afin de repousser l’assaut brutal du fascisme. La voix de Dimitrov, retentissant bien au-delà de l’enceinte du tribunal de Leipzig, a redonné la confiance et l’espoir aux travailleurs d’Allemagne; elle a insuffle une nouvelle ardeur aux combattants antifascistes de tous les pays.

Déjà, Marcel Cachin a donné au congrès une vivante relation de la grande bataille qui se livre en France entre les forces du fascisme rétrograde et celles de l’antifascisme progressiste et révolutionnaire. Notre lutte en France revêt sans conteste une grande signification internationale.

De l’issue de la bataille, de l’avenir de notre mouvement antifasciste dépend pour de nombreuses années le sort du peuple de France et des peuples de l’Europe. Conscients des responsabilités de notre Parti communiste, non seulement devant les travailleurs de France, mais aussi devant nos frères des autres pays, nous nous permettrons d’apporter dans la discussion du rapport à la fois si puissant, si simple et si émouvant de notre camarade Dimitrov, une contribution basée sur la riche expérience de notre mouvement antifasciste.

I. Le fascisme en France, danger réel et immédiat

La puissante démonstration du Front populaire du 14 juillet en France a eu de grosses répercussions dans le monde entier.

Jamais encore on n’avait assisté à Paris à une manifestation d’une telle ampleur. Un demi-million d’hommes et de femmes parcoururent de la Bastille à la Nation, le vieux faubourg Saint-Antoine, riche de souvenirs révolutionnaires. Sur l’initiative du comité d’Amsterdam-Pleyel, de nombreuses délégations parmi lesquelles: le Parti communiste, le parti socialiste, le parti radical-socialiste, les deux CGT, la Ligue des droits de l’homme, différentes associations d’anciens combattants, la Fédération sportive unifiée et les Jeunesses communistes, socialistes, radicales et républicaines, etc., participèrent à Paris et dans toute la France aux manifestations populaires du 14 juillet. La foule était ardente, enthousiaste. Elle acclamait le Front populaire et ses mots d’ordre de lutte immédiate pour la paix, le pain et la liberté. Elle manifestait un attachement particulier pour notre Parti communiste, champion de l’unité ouvrière, initiateur et organisateur du Front populaire. Elle lançait le mot d’ordre désormais le plus répandu en France: « Les Soviets partout ». Ce fut un immense succès.

Cependant, comme le soulignait hier le camarade Dimitrov, il serait bien dangereux de se laisser aller à l’illusion que le fascisme est déjà vaincu. Tandis que le peuple de Paris proclamait sa volonté de ne pas laisser passer le fascisme, a la même heure, le colonel comte de la Rocque passait en revue ses troupes de guerre civile. Ils étaient 35 000, invités par le chef du gouvernement a ranimer la flamme du souvenir sur la tombe du soldat inconnu.

Ils défilèrent au pas cadencé, en formations militaires. Et l’on sait que les Croix de feu possèdent des armes, des motos, des autos et des avions. L’ennemi fasciste n’est pas écrasé. Il regroupe ses forces et se prépare à de prochains assauts. Le danger croit toujours. Les causes profondes qui font naître le fascisme, qui lui permettent de se développer et de se renforcer, n’ont pas disparu. L’aggravation continue de la crise générale du capitalisme, la persistance de la crise économique rendent toujours plus misérables les conditions d’existence des travailleurs. Pour prévenir et contenir la révolte des masses laborieuses et pour préparer la guerre, en assurant ses arrières, la bourgeoisie, à l’échelle internationale, a besoin du fascisme.

En France, la courbe de la production s’est de nouveau abaissée, retombant au point le plus bas enregistre en 1932. Le chômage est plus grand que l’année dernière. Malgré les restrictions de toute nature, imposées depuis trois années aux ouvriers, aux petits fonctionnaires, aux paysans, aux boutiquiers, le déficit du budget de l’État subsiste et s’aggrave. 15 milliards furent déjà rognés sur les traitements, les pensions, les allocations, les secours, les crédits utiles à la collectivité.

Mais, d’une part, les rentrées d’impôts diminuent constamment en raison de la crise économique, et, d’autre part, les budgets de guerre et de police s’enflent démesurément. Aussi le gouvernement Laval vient-il de décider à nouveau, par le moyen des décrets-lois, 11 milliards d’économies. Il réduit de 10 % les traitements des fonctionnaires, des employés et des ouvriers des grands services publics. Il prélevé 10 % sur les pensions des anciens combattants et victimes de la guerre et sur les retraites versées aux anciens fonctionnaires. Il ampute de 10 % le coupon des petits rentiers.

Une puissante vague de mécontentement se lève dans le pays. À Paris et en province, malgré les interdictions, les arrestations, les licenciements, les manifestations se multiplient, imposantes et combatives.

La poussée révolutionnaire grandit. L’influence communiste se développe. C’est pourquoi la bourgeoisie française s’oriente vers la dictature fasciste, arme et excite ses bandes mercenaires. C’est pourquoi le président Laval tolère, encourage et même légalise les Croix de feu, au moment où le Front populaire en demande le désarmement et la dissolution.

En outre, certains milieux de la grande bourgeoisie combattent le pacte d’assistance mutuelle franco-soviétique. Ils mènent campagne contre l’Union soviétique et le communisme en général. Ils préconisent un rapprochement avec l’Allemagne hitlérienne.

Ils s’appuient sur les éléments les plus réactionnaires et sur les groupements fascistes, dont les hommes ont conversé avec Hitler. Ils ont même trouve, pour sa honte, un porte-parole en la personne du renégat Doriot.

Comme nous le montrerons plus complétement tout à l’heure, le fascisme présente en France cette originalité, par rapport à d’autres pays, d’un développement moindre a la campagne. Il a recruté jusqu’alors beaucoup plus dans les villes, parmi les employés et les cadres de maîtrise des grandes entreprises et des administrations, parmi les boutiquiers et les gens de professions libérales que parmi les paysans, malgré les gros efforts qu’il fait dans les villages.

Cela tient, comme nous le verrons, à des conditions historiques et politiques, et notamment au fait que la France est, depuis la Révolution de 1789, un pays de vieille démocratie bourgeoise.

En analysant les conditions générales et particulières du développement fasciste, on doit accorder une attention toute particulière aux causes subjectives qui ont permis la victoire momentanée du fascisme dans plusieurs pays. Ce sont surtout l’isolement de la classe ouvrière, ou son influence insuffisante sur les classes moyennes entraînées par le fascisme et placées sous la direction politique de la grande bourgeoisie, et la division de la classe ouvrière provoquée et entretenue par la politique réformiste de la social-démocratie.

Le déroulement des événements en Allemagne, où l’on a connu plusieurs gouvernements purement socialistes ou de coalition, en Autriche, en Espagne, où des ministres socialistes siégèrent également dans les conseils du gouvernement, illustre particulièrement cette réalité tragique. L’accord de la social-démocratie avec la bourgeoisie avait pour complément le refus obstine du front unique avec les communistes.

La lutte armée des prolétaires d’Autriche et d’Espagne, les combats de Vienne et des Asturies, s’ils n’ont pu empêcher la victoire du fascisme, ont toutefois détermine l’élargissement du front unique. Les prolétaires communistes et socialistes ont mêlé leur sang dans la lutte contre l’ennemi commun pour la même grande et noble cause de la libération de la classe ouvrière. Les événements d’Allemagne, d’Autriche, d’Espagne ont éclairé soudainement la voie à une masse considérable de nos frères socialistes.

Ils leur ont ouvert les yeux sur une autre politique, sur la politique de Marx, d’Engels, de Lénine, de Staline, sur la politique de l’Internationale communiste.

Quel contraste saisissant entre les résultats des deux politiques, des deux voies proposées à la classe ouvrière, l’une par la social-démocratie, l’autre par l’Internationale communiste:

D’un cote, la défaite, le fascisme et son cortège d’horreurs: la crise économique et ses conséquences redoutables pour la classe ouvrière, le chômage, la misère, la famine, la dégradation de l’homme, et au-dessus de ce sombre tableau, la course folle aux armements, la préparation d’une guerre effroyable qui plongerait le monde dans un abîme de ruines et de sang.

De l’autre cote, l’édification victorieuse du socialisme, les miracles de l’industrialisation, de la collectivisation, le bien-être, l’épanouissement culturel d’un peuple libre, la joie de vivre retrouvée dans l’amour du travail créateur, un monde nouveau qui exalte la personnalité en élevant la collectivité, le pays des Soviets qui lutte pour la paix.

Gloire au Parti bolchévik! Gloire à Lénine qui a conduit la classe ouvrière au pouvoir sur un sixième du globe, et trace la voie dans laquelle nous marchons! Gloire à Staline, notre chef aime, qui a donné des solutions géniales aux problèmes de l’édification socialiste en URSS et qui conduit à la victoire le prolétariat international!

L’Union soviétique, par sa seule existence, met à nu et accentue les contradictions internes et externes du capitalisme. Elle aiguise et approfondit la crise générale du capitalisme. Elle est le levier de la révolution prolétarienne dans le monde. Par son exemple vivant, elle gagne les ouvriers et les masses laborieuses à la cause du socialisme; elle les encourage à la lutte révolutionnaire sous la direction des Partis communistes.

C’est dans ces conditions générales de l’offensive du fascisme et de la croissance parallèle des forces de la révolution, sous l’influence de l’Union soviétique, que la résistance des masses, l’ampleur du mouvement antifasciste en France acquièrent une grande signification internationale.

L’accession de Hitler au pouvoir en Allemagne a galvanise les forces de réaction dans tous les pays du capitalisme. En Autriche, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en France même, le succès du national-socialisme, tout en secouant la classe ouvrière, a renforcé les éléments et les tendances fascistes, et fortifié le fascisme là où il est au pouvoir. En même temps grandissait la menace d’une nouvelle guerre impérialiste et de l’agression contre l’Union soviétique.

Les succès de notre lutte antifasciste en France galvanisent les forces de la classe ouvrière et de l’antifascisme dans tous les pays capitalistes, en même temps qu’ils contribuent à éloigner la guerre impérialiste et à empêcher l’agression contre l’Union soviétique.

L’ampleur et l’élan du mouvement antifasciste en France modifient, dans une certaine mesure, le rapport des forces a l’échelle internationale en faveur du camp de la révolution prolétarienne.

II. Les leçons de l’expérience internationale

Avant de parler du déroulement de la bataille entre le fascisme et la classe ouvrière en France, il me paraît utile de souligner combien les travailleurs de France ont été instruits par les leçons douloureuses et l’expérience internationale, et particulièrement, par les événements d’Allemagne.

Le camarade Dimitrov a expliqué dans son rapport que les Partis communistes n’avaient pas été assez forts pour entraîner contre le fascisme la classe ouvrière et tous les travailleurs divisés par la politique néfaste de la social-démocratie.

Beaucoup de faiblesses et de lacunes de la lutte antifasciste dans d’autres pays eurent pour origine une appréciation inexacte du fascisme, et, tout au moins, une confusion sur le contenu spécifique du fascisme par rapport à la démocratie bourgeoise. Il ne pouvait résulter de cette erreur fondamentale que la passivité, la sous-estimation du danger fasciste et de la menace terrible qu’il fait peser sur tous les peuples, tant par l’exercice de sa dictature bestiale que par sa politique extérieure d’aventures et de provocations qui conduit directement à la guerre.

Lorsqu’on disait à tout bout de champ: « Le fascisme est là » pour caractériser le moindre fait de la répression, on ne donnait pas une analyse juste des événements, de leur développement.

On ne facilitait pas aux ouvriers la compréhension du danger fasciste et des méthodes à employer pour le faire reculer. Quand Neumann écrivait dans la Rote Fahne que « le gouvernement Brüning, c’était la dictature fasciste », il désorientait nos camarades d’Allemagne, il gênait le Parti communiste d’Allemagne dans son effort pour rassembler tous les travailleurs contre leur pire ennemi, le fascisme hitlérien.

L’incompréhension du rôle du fascisme qui est à la fois le produit de la décomposition capitaliste et l’instrument de l’offensive brutale et violente du Capital contre la classe ouvrière, conduisit aussi à un certain fatalisme.

A la XIe assemblée plénière, en mars 1931, le camarade Manouilski a dénoncé l’erreur monstrueuse de ceux, qui, n’apercevant que le premier de ces éléments, « auraient attribué au fascisme un rôle exclusivement révolutionnaire [2] ».

Le camarade Ercoli [3] a exposé à la XIIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste combien il pouvait être dangereux de s’attendre à un effondrement automatique et rapide du fascisme, lorsqu’il se serait empare du pouvoir. Une position analogue de notre Parti communiste d’Italie, ou les tendances sectaires dominèrent longtemps, ne lui permit pas d’agir efficacement lors de l’assassinat de Matteotti [4].

D’autres faiblesses ou défauts provenaient d’une appréciation superficielle, et forcement inexacte du développement de la lutte, de la corrélation des forces des classes, des épisodes de progrès et de recul du fascisme et des phénomènes de différenciation et de regroupement qui s’opéraient en son sein. « L’action politique ne ressemble en rien au trottoir de la perspective Nevski », aimait à répéter Lénine [5]. La marche de la contre-révolution, en conséquence, n’est pas non plus uniforme.

Elle présente des zigzags, des hauts et des bas; dans les périodes d’ascension, le fascisme a tendance à se consolider. Par contre, dans les phases de piétinement, ou parfois de recul d’influence, sous la pression des masses révolutionnaires, il peut connaître des tiraillements, des luttes intérieures, des abandons. Dans ces derniers cas, il ne faut pas se hâter de proclamer que « le fascisme est déjà battu », ni d’exagérer les dissensions intérieures et même quelques symptômes de désagrégation.

La faiblesse capitale, ce fut dans plusieurs pays, et surtout en Allemagne, l’absence du front unique de lutte de la classe ouvrière contre le fascisme, La social-démocratie allemande a préféré s’ensevelir elle-même sous les ruines de la République de Weimar plutôt que de consentir à l’unité de front de la classe ouvrière. Malheureusement, les directives de Thaelmann et du Comité central du Parti communiste d’Allemagne pour l’organisation du front unique n’ont pas été pleinement réalisées.

La crise de la social-démocratie, le recul de son influence et de ses effectifs organises, le désarroi dans les masses ouvrières ne sont pas toujours apprécies de façon juste. Dans la mesure où les prolétaires ne sont pas gagnés au front unique, c’est un affaiblissement de la classe ouvrière dont profite le fascisme. Les progrès si importants de notre Parti frère d’Allemagne, qui était parvenu à recueillir 6 millions de suffrages, étaient moindres que ceux des nationaux-socialistes.

De tels faits se sont reproduits récemment dans les régions allemandes de Tchécoslovaquie. Notre Parti communiste tchèque a remporté une grande victoire électorale dans les pays tchèque et slovaque et en Ukraine subkarpatique[6]. Dans les régions de langue allemande, c’est le parti pronazi de Heinlein qui a dévoré les partis bourgeois, et, dans une grande mesure, la social-démocratie, et qui nous a fait reculer.

Les autres faiblesses essentielles ont consisté dans l’insuffisance de l’attention accordée aux revendications partielles des masses laborieuses, principalement aux besoins des classes moyennes qui devenaient une proie facile offerte a la démagogie du fascisme.

Enfin, il y eut parfois quelques hésitations à décider et à réaliser au moment opportun l’action, qui peut seule entraîner les masses et faire pencher du côté de la classe ouvrière le plateau de la balance.

III. La marche de l’offensive du fascisme et de la résistance des masses en France

Dans son ouvrage remarquable: les Luttes de classes en France, Marx a écrit que la révolution organise la contre-révolution et que, par une application des lois de la dialectique, la contre-révolution à son tour arme la révolution en lui donnant un véritable parti révolutionnaire mûri dans la bataille contre l’adversaire.

La thèse de Marx permet de mieux saisir les étapes et les aspects du développement du fascisme en France et de la résistance croissante des masses a l’offensive du fascisme.

Les premiers groupements de caractère nettement fasciste apparurent en France à la fin de 1924, à la suite de la manifestation puissante qui accompagna la dépouille de Jaurès de la Chambre des députes au Panthéon. Nous étions à l’époque du premier cartel, c’est-à-dire des gouvernements radicaux soutenus par le parti socialiste. À la suite de la campagne courageuse menée par notre Parti contre l’occupation de la Ruhr et contre le gouvernement Poincaré, l’influence communiste était en progrès.

La bourgeoisie finança l’organisation de détachements de combat contre la classe ouvrière. Cette première tentative avorta, tant en raison de la situation générale que de la riposte vigoureuse du Parti. À l’activité des ligues répondit une plus grande activité du Parti communiste.

Nous avons alors lutte seuls a la tête des travailleurs contre la guerre du Maroc [7], puis contre l’“expérience Poincaré” [8], réalisée en 1926 sur le dos des travailleurs.

En 1929, en présence de l’autorité grandissante du Parti, en raison des répercussions de ses campagnes, et dans une période ou l’impérialisme français était a la tête des ennemis jurés de l’Union soviétique et se préparait fébrilement à la guerre, une nouvelle attaque fut dirigée contre le Parti communiste et son journal l’Humanité. Les groupements fascistes reparurent sur la scène. Une caractéristique de cette période, c’est que les bourgeois de France ne se contentaient pas de pousser à l’organisation de ligues recrutant parmi les nationaux français, mais encourageaient et soutenaient les groupements d’émigres contre-révolutionnaires, de gardes-blancs, très nombreux à Paris.

À la faveur de l’arrestation des principaux dirigeants du Parti communiste, le groupe Barbé-Celor parvint à cette époque à s’emparer de la direction du Parti. Il engagea le mouvement révolutionnaire dans une voie sectaire qui facilita l’attaque de la bourgeoisie et aussi la trahison des leaders pupistes [9].

Le groupe Barbé-Celor ayant été démasque, sa politique opportuniste sectaire ayant été rejetée, le Parti entreprit une nouvelle marche en avant. En 1932, ce fut la période du deuxième cartel, coïncidant avec l’aggravation de la crise économique, le début de la crise financière et le déficit chronique du budget de l’État.

Ce fut aussi la période de l’offensive rapide du fascisme en Europe centrale. Le mécontentement croissant des masses et une juste politique revendicative du Parti communiste, facilitèrent le courant de front unique et d’unité syndicale. Le mouvement d’Amsterdam-Pleyel se développa avec succès à l’appel de Romain Rolland et d’Henri Barbusse.

À la fin de l’année 1933, un gros scandale financier ayant éclaté, les groupements fascistes tentèrent de l’utiliser pour mener campagne contre le Parlement et contre le parti radical qui se trouvait au gouvernement.

Les dirigeants des ligues fascistes, les politiciens réactionnaires s’efforcèrent de détourner du communisme et de canaliser au profit du Capital l’indignation légitime du peuple de France contre les escrocs et leurs complices: parlementaires, ministres, hauts magistrats, ambassadeurs, préfets et généraux en retraite, grands dignitaires de la Légion d’honneur. Ils menèrent une violente campagne de presse; ils tentèrent de multiples manifestations.

Le 6 février 1934, les chefs fascistes et réactionnaires lancèrent leurs troupes à l’assaut de la Chambre des députes. Ils ne purent réussir dans leur entreprise. La riposte de la classe ouvrière fut prompte et efficace.

Dès le 6, notre Parti avait organisé des contre-manifestations. Le 7, les faubourgs alertés étaient en pleine effervescence. Le gouvernement Daladier démissionna; l’ancien président de la République, Doumergue, fut appelé au pouvoir. Toutes les manifestations furent interdites. Le parti socialiste renonça à une manifestation qu’il avait annoncée pour le 8, place de la Bastille.

Le Parti communiste, passant outre à l’interdiction de la police, maintint la manifestation qu’il avait fixée au 9 février place de la République. Les petits-fils des communards, les prolétaires de Paris et de la banlieue rouge, répondirent sans hésiter à l’appel du Parti communiste. On se battit contre la police pendant 5 heures, aux cris de « les Soviets partout! À bas le fascisme! », sur un tiers de Paris, dans les quartiers de l’Est et autour de la place de la République.

De nombreux ouvriers socialistes avaient abandonné les locaux, où on les tenait confines, pour se joindre à leurs frères communistes. Les fonctionnaires autonomes descendirent en colonne le boulevard Magenta en direction de la République. Dix morts restèrent sur le pavé, parmi lesquels un cimentier confédère et plusieurs ouvriers sans-parti.

La bataille courageuse du Paris communiste électrisa la province ouvrière et paysanne. Ce fut le signal et l’exemple. Le 12 février, la grève générale, déclenchée par la CGT sous la pression de la CGTU et du Parti communiste, faisait sortir des entreprises 4 millions et demi d’ouvriers.

Les manifestations groupèrent pour la première fois, sur une grande échelle, des communistes, des socialistes, des unitaires et des confédères. On compta plus d’un million de manifestants dont 200 000 à Paris. Une même foule émue et ardente participa le 17 février aux obsèques des victimes. La classe ouvrière de France, influencée par l’action énergique du Parti communiste, avait repoussé le premier grand assaut du fascisme.

Mais Doumergue est au pouvoir. C’est l’Union nationale, une formation politique au service du grand Capital. Le gouvernement impose de lourds sacrifices aux travailleurs. Il favorise les agissements criminels de bandes fascistes qui essayent de gagner en influence après leur demi-échec de février.

Dans tout le pays, les tentatives de parades fascistes ou de réunions provoquent de vigoureuses contre-manifestations ouvrières. Une douzaine de travailleurs sont tués dans la bataille contre les fascistes armés et protégés par la police. Mais chaque victime tombée pour la cause rend plus farouche et plus ardente la volonté des ouvriers qui ne cèdent pas et gagnent du terrain.

Dans l’intervalle, le Pacte de lutte commune contre le fascisme est signe entre le Parti communiste et le parti socialiste. Les classes moyennes commencent à subir l’attraction de la classe ouvrière unie.

Aux élections cantonales, en octobre 1934, le Parti communiste remporte un éclatant succès et limite l’avance des partis de droite favorables au fascisme. Doumergue est contraint de démissionner.

Alors, face au progrès de l’influencée communiste et au développement de l’unité d’action, les groupements fascistes redoublent d’activité. Certains sont demeures à l’état de sectes, de bandes mercenaires, sans grande influence dans les masses. Les Croix de feu, au contraire, se sont développés et ils multiplient leurs exercices de guerre civile.

Pendant les dernières crises ministérielles, le colonel comte de la Rocque, président des Croix de Feu, déclara « qu’il y aurait du sport au cas où un gouvernement de gauche prendrait la direction des affaires ». Les menaces insolentes de la Rocque, les répétitions de futures expéditions punitives eurent pour résultat de rapprocher les radicaux du Front populaire. Ils donnèrent leur adhésion au rassemblement du 14 juillet.

Et maintenant la bataille va encore se développer et s’élever à un niveau supérieur, à la suite de l’effervescence provoquée par l’application des décrets-lois Laval.

Il y a actuellement un piétinement et parfois même un recul de l’influence du fascisme en France. On assiste à des polémiques entre les différents groupements fascistes, à des dissensions dans plusieurs de ces groupements. Les fascistes français ne sont pas parvenus à unifier entièrement leur mouvement. Les Camelots du roi se disputent avec les Jeunesses patriotes; les Francistes et la Solidarité française polémisent dans leur presse avec les Croix de feu, etc.

Le parti agraire n’a pas encore réussi a organiser le front paysan. Ses dirigeants ont un moment dénoncé le fasciste Dorgères qui agit pour le compte d’un clan de hobereaux et de gros propriétaires terriens. La Ligue des contribuables, dirigée par des réactionnaires, a subi une première scission et se trouve menacée d’une seconde, parce que sa direction, inféodée au grand Capital, prétend justifier les décrets-lois. De même chez les anciens combattants et dans les syndicats de petits commerçants, parmi ceux qui étaient derrière les groupements fascistes dans la soirée du 6 février, les chefs réactionnaires et profascistes sont souvent mis en difficulté par les adhérents de la base influences par le Parti communiste et le Front populaire.

Le camp réactionnaire connaît des défaillances et des abandons.

Autre fait assez important, parmi les catholiques des voix se sont élevées contre le fascisme et contre la pénétration fasciste dans les organisations catholiques. Des sections de la Jeunesse ouvrière chrétienne ont exclu de leurs rangs des membres des Jeunesses patriotes. L’attaque de Hitler contre les Églises n’est pas sans répercussion en France.

Le 27 juillet dernier, à Boulogne, dans la banlieue de Paris, une grande assemblée pour la libération de Thaelmann a groupé 10 000 assistants. À cette réunion, après les orateurs communiste et socialiste et l’ancien ministre radical Pierre Cot, un prêtre catholique est venu dénoncer les persécutions de Hitler et appeler à la lutte organisée contre le fascisme. Enfin, certains chefs réactionnaires, tel l’ancien président du Conseil Tardieu, professent un noir pessimisme. Il exhale publiquement sa rancoeur contre ses amis d’hier. Il blâme les uns et les autres; il les accuse tous de manquer de courage.

Mais, encore une fois, sous l’aiguillon de la nécessité, la grande bourgeoisie qui craint pour sa domination, pousse les chefs et les éléments les plus résolus et les plus combatifs du fascisme a un regroupement de leurs forces. C’est ce que fait apparaître le grand développement du mouvement des Croix de feu. Les Croix de feu, les Volontaires nationaux, se donnent maintenant plus de 300 000 membres. Ils ont constitué des sections subdivisées en groupes.

Leur chef, le colonel comte de la Rocque, dont le frère est attaché au service du prétendant au trône de France, est un ancien officier du service d’espionnage du 2e Bureau. Il a servi au Maroc, comme officier du service de renseignements. Il s’est fait mettre en congé pour entrer au service du trust de l’électricité, dans un emploi grassement rétribué. Devenu président du mouvement des Croix de feu, il l’orienta dans un sens nettement fasciste. Son programme tient dans la formule: Réconciliation française, amour de la patrie, réforme de la Constitution.

La traduction, c’est le mouvement des Croix de feu au service du Capital, contre la classe ouvrière. Sa démagogie anticapitaliste, antiparlementaire, antigouvernementale dissimule mal les points précis de son programme, telles que l’abrogation de la loi des assurances sociales et, en ce moment, l’acceptation des décrets-lois. Ses dirigeants sont au service de ceux qui les paient: le trust de l’électricité avec, à sa tête, Mercier [10], membre des Croix de feu; les grandes banques françaises avec, à leur tête, Finaly [11]; le Comite des Forges [12], et la Banque de France, avec de Wendel [13], porteur de la carte n°13 des Croix de feu.

Quelques mots sur les méthodes des Croix de feu. Ils ont créé des soupes populaires, des ouvroirs pour apprendre la couture aux jeunes filles, des vestiaires, des dispensaires pour soigner les malades, des services d’infirmières-visiteuses à domicile, des services d’assistantes sociales, des groupes d’enfants, des garderies d’enfants. Ils ont organisé des foyers de jeunes, des théâtres, des chorales, des salles d’éducation physique, des colonies de vacances. Ils ont même ouvert quelques ateliers de bricolage pour les jeunes chômeurs, sous prétexte d’apprentissage. Ils ont aménagé un solarium, des maisons de convalescence.

Les Croix de feu avaient installé une de leurs soupes à Villejuif, ville administrée par une municipalité communiste. Le Parti a recommandé aux chômeurs d’aller manger la soupe des Croix de feu, tout en manifestant contre les dirigeants fascistes. Pendant trois semaines, ce fut ainsi une lutte originale qui passionna les ouvriers dans tout le pays. Les chômeurs, communistes en tête, se rendaient à la soupe en chantant l’Internationale et en conspuant les Croix de feu, aux cris de « De la Rocque au poteau! »

Il n’est pas besoin d’ajouter que les Croix de feu n’ont pas continue longtemps à distribuer leurs soupes.

J’ai déjà rappelé un discours de la Rocque à Alger annonçant qu’il y aurait du sport en cas d’un gouvernement de gauche.

Voici une autre déclaration à Chartres, le 23 juin. Il dit, parlant dans un pré, la nuit à la lueur des torches, à la façon des hitleriens:

Mesurant toute la gravite de mes paroles, Croix de feu, je vous le dis: Vous faites ce soir votre veillée d’armes. Dans quelques semaines à peine, nos idées seront au pouvoir, je vous le jure. Employez activement le peu de temps qui nous reste à perfectionner vos sections de façon à ce qu’à mon ordre et à la minute que j’aurai choisie, tout soit prêt dans les moindres détails. Nous balayerons le parlementarisme …

Les fascistes mènent des campagnes chauvines contre les ouvriers étrangers, les « métèques ». Ils sont antisémites.

Ils préconisent par ailleurs l’entente avec Hitler. Ils essayent de s’entendre avec Hitler contre l’Union soviétique, contre le communisme.

Sans insister à nouveau sur les moyens matériels considérables dont disposent les Croix de feu, je voudrais dire encore quelques mots sur leurs méthodes. Dans un rayon de 100 kilomètres, les Croix de feu se rassemblent à un endroit déterminé. Le chef arrive de Paris en auto ou en avion. Lors de son voyage en Algérie, la Rocque passa en revue sur le terrain les équipages d’une trentaine d’appareils. Les Croix de feu sont lies aux officiers supérieurs et généraux et particulièrement à l’actuel ministre de l’Air. M. Laval a dû en faire l’aveu dans sa déclaration, lors de la clôture des Chambres. Les Croix de feu sont soutenus par l’Église, par le haut clergé.

Les fascistes français ont déjà assassine des travailleurs. Ils tiennent un langage cynique. Les fascistes ont distribué en Moselle un tract dans lequel on pouvait lire:

Le fascisme triomphera, même si nous devons leur ouvrir le ventre, leur bouffer le coeur et leur mettre les tripes au soleil.

Les groupements fascistes s’exercent ouvertement au tir. Ils ont molesté et blessé même des radicaux qui penchent vers le Front populaire.

La victoire du fascisme en France, ce serait l’écrasement économique et politique des masses laborieuses.

Ce serait pour les ouvriers des salaires de famine, la suppression de leurs maigres lois sociales, l’interdiction des grèves, de toute résistance à l’offensive économique du Capital, la destruction de nos syndicats, la dispersion ou la mise au pas de nos coopératives. Pour les fonctionnaires, ce serait les traitements réduits à néant, les licenciements, le caporalisme outrancier des administrations.

Déjà le gouvernement d’Union nationale a supprimé 5000 postes d’instituteurs laïques. La victoire du fascisme, ce serait les boutiquiers et les artisans livres sans défense a l’impitoyable exploitation du grand Capital, des propriétaires, des trusts, des compagnies de transports, de M. Mercier de l’électricité, de M. de Wendel du Comité des forges; les paysans sacrifiés aux intérêts, aux privilèges des capitalistes monopolisateurs, des financiers, la ruine complète de leurs entreprises. Ce serait les intellectuels brimés; déjà les plus grands savants comme Perrin, Langevin, subissent d’odieuses attaques, les professeurs sont attaqués vilement et bassement par les bandes fascistes.

Ce serait à l’exemple de l’Allemagne hitlérienne, les autodafés moyenâgeux, la suppression de toutes les Libertés, la terreur sanglante, la population totalement asservie, les militants de la classe ouvrière emprisonnés, assassinés, les communistes, les socialistes, les républicains et les démocrates frappés par le fascisme. Ce serait comme en Allemagne, après les Juifs, les catholiques et les protestants frappés par le fascisme.

Ce serait la catastrophe pour le pays, la réaction renforcée en Europe. Ce serait la guerre entre les peuples et l’agression de l’Union soviétique.

À tout prix, nous voulons éviter et empêcher une telle horreur pour notre pays, pour le monde entier.

Nous avons commencé. Comment nous y sommes-nous pris?

IV. La défense des revendications et des libertés du peuple de France

Le point de départ des succès de notre Parti dans l’organisation du front unique et du Front populaire contre le fascisme, ce fut l’attention accordée aux revendications immédiates des masses laborieuses, la défense de leurs intérêts quotidiens.

Le Parti conseille utilement par l’Internationale communiste, s’est efforcé de formuler les revendications intéressant chaque catégorie de travailleurs.

Surtout après la XIIe assemblée plénière, après la forte critique qui fut faite alors de notre activité, le Parti apporta le plus grand soin à l’élaboration des cahiers de revendications. Les documents, appels et résolutions du Comité central accordèrent une place prépondérante à l’exposé des revendications immédiates. Les comites régionaux et de rayons, les cellules de base furent aides et guides dans la voie du travail de masse et de la lutte revendicative.

Notre fraction parlementaire popularisa à la tribune de la Chambre les cahiers de revendications.

Nous avons lutte et nous luttons contre la diminution des salaires et des traitements, pour la semaine de 40 heures sans diminution du salaire, pour des contrats collectifs, pour de véritables assurances sociales garantissant tous les risques aux frais exclusifs du patronat et de l’État.

Nous avons lutte et nous luttons pour le travail aux chômeurs, pour leur inscription au fonds de chômage, l’augmentation des allocations versées aux sans-travail, pour l’organisation de soupes et de distributions de charbon, de vêtements et de lait aux enfants.

Dans nos municipalités communistes, nous avons accordé tout ce que nous pouvions aux chômeurs. Par exemple, à Ivry, une voiture municipale distribue à domicile le lait gratuit aux petits enfants des chômeurs. Les enfants plus âgés reçoivent gratuitement leur repas à la cantine scolaire. De tels exemples portes à la connaissance des ouvriers, notamment dans la région parisienne, ont beaucoup contribué à nos succès aux dernières élections.

Nous avons lutté pour la protection de l’enfance et de la jeunesse ouvrière. Notre Fédération de la jeunesse communiste a élaboré sous la direction du Comité central, un programme de défense de la jeunesse laborieuse qui est devenu la base du front unique de la jeunesse.

Nous avons lutté et nous luttons pour la défense des petits fonctionnaires, des cheminots, des postiers, contre les décrets-lois, contre les licenciements et les révocations.

Nous avons lutté et nous luttons pour la défense des droits des anciens combattants et des victimes de la guerre, contre la diminution de leurs pensions.

Nous avons lutté et nous luttons pour le soutien des intérêts des locataires, des boutiquiers, des artisans et des paysans. Nous avons réclamé la réduction des loyers et des baux, la diminution des impôts, l’organisation d’une aide immédiate à toutes les victimes de la crise.

Nous avons soutenu les paysans qui manifestaient contre l’avilissement des prix de leurs produits, nous avons proposé pour eux le moratoire des dettes, nous avons réclamé pour eux des secours de crise, des prêts sans intérêts, la distribution de semences et d’engrais.

Nous avons lutté et nous luttons contre la vie chère, pour entraîner les femmes travailleuses dans la bataille contre les gros intermédiaires, en prenant soin toutefois de ne pas dresser consommateurs contre paysans, ou contre petits boutiquiers, mais en les associant contre l’ennemi commun, le grand Capital.

Nous avons élaboré certaines revendications, mais nous n’avons pas hésité à reprendre à notre compte celles qui avaient été lancées par d’autres organisations, même hostiles au Parti communiste, pourvu que ces revendications correspondent au désir de certaines catégories sociales et qu’elles ne soient pas en contradiction avec les intérêts de la classe ouvrière. On ne peut mieux souligner le succès de notre politique revendicative qu’en citant l’extrait suivant d’un journal de Paris, la République [14], en date du 21 juillet 1935:

Les communistes perfectionnent chaque jour leur tactique; elle est simple, mais elle a une puissance d’attraction incontestable; on appuie systématiquement sur les mécontents. Y a-t-il un mécontent quelque part, on se précipite: « Camarade, les communistes sont avec toi. » Les anciens combattants sont-ils touchés par les décrets-lois? « Camarades, voici les communistes. » Les fonctionnaires le sont-ils? « Camarades, voici les communistes. » Les communistes sont derrière les fermiers, les métayers, les paysans en général, derrière les locataires. Et parce que toute la France est mécontente, les voilà les avocats du pays.

Nous avons fait plus que formuler des revendications urgentes des masses laborieuses. Nous avons indiqué les moyens de les financer sans aggraver le déficit du budget de l’État Nous avons même proposé nos solutions pour combler le déficit du budget. Nous avons proposé la réduction des budgets de guerre et de police, la récupération des avances consenties aux grandes banques qui dominent le gouvernement et la révision des marches de l’État. Nous avons surtout proposé un prélèvement extraordinaire et progressif sur le capital.

Toute notre campagne est menée sous le mot d’ordre: « Faire payer les riches. » Et non seulement nous avons mené campagne mais, dans la mesure où l’administration des grandes municipalités nous en donnait la possibilité, nous avons donné l’exemple.

L’État permet aux municipalités de prélever une taxe progressive sur les loyers à usage commercial et industriel. À Paris, cette taxe est fixée au taux invariable de 3 %. Nous, a Ivry, dans une municipalité communiste, nous avons institué la même taxe de la façon suivante: 1 % pour les loyers de moins de 10 000 francs, pour les petits commerçants; 2 % pour les loyers moyens de 10 000 à 20 000 et 6 % au-dessus de 20 000 francs. Cette taxe a fourni à notre budget local 1 275 000 francs, et c’est l’argent versé par les industriels d’Ivry qui a permis de donner le lait aux enfants des chômeurs.

Toute la presse a parlé de notre programme financier.

À plusieurs reprises dans des discours radiodiffusés, le président du Conseil, Doumergue, polemisa avec les communistes, critiquant nos propositions financières. Le Comité central édita une affiche: « Le Parti communiste répond à M. Doumergue », qui connut un succès sans précédent et qui fit par son contenu et son ton volontairement modéré une impression considérable sur les petites gens des classes moyennes.

Le Parti s’efforce de répondre à toutes les questions du moment, de présenter ses solutions à tous les problèmes actuels. Le Comité central a élaboré ces jours derniers un « plan de redressement financier ». Il a inscrit en tête sa proposition de prélèvement sur les grosses fortunes et différentes mesures contre les riches. Il a ajouté la mainmise de l’État sur la Banque de France et le contrôle des banques privées. En raison de la crise financière et de la spéculation sur le franc, le contrôle de la Banque de France est devenu actuel.

Marx a souligné autrefois l’intérêt qu’avaient les financiers et les banquiers au déficit du budget de l’État. Le déficit, les emprunts de l’État sont à la fois pour les banquiers l’objet de la spéculation, la source de leurs profits, et le moyen de dominer l’État, de le tenir à leur merci sous la menace constante de la banqueroute. Le président Daladier, radical, a déclaré dans un congrès de son parti:

Deux cents familles sont devenues maîtresses indiscutables non seulement de l’économie française, mais de la politique française.

Lénine avait écrit, citant Lysis [15]:

La République française est une monarchie financière. L’oligarchie financière s’exerce à fond: elle domine la presse et le gouvernement [16].

Les régents de la Banque de France sont parmi ces deux cents familles. Ils sont les possesseurs et les administrateurs des grandes banques, des mines, des hauts fourneaux, des chemins de fer. Le Parti communiste propose, parce que cela est déjà maintenant dans l’esprit des masses, la déchéance pure et simple de ce conseil de régence, maître du crédit et de la monnaie, et véritable détenteur du pouvoir dans le pays.

L’efficacité de notre proposition est soulignée par la colère des journaux réactionnaires et profascistes.

Un des éléments de notre succès dans l’organisation d’un large front antifasciste en France, c’est la position conséquente de notre Parti communiste dans la question de la démocratie bourgeoise et aussi l’utilisation des traditions révolutionnaires du peuple de France. Le fascisme et la démocratie bourgeoise sont deux formes de la dictature du Capital. Il ne s’ensuit pas que nous puissions être indifférents à l’une ou à l’autre de ces formes d’asservissement économique et politique.

Le fascisme, c’est la terreur sanglante contre la classe ouvrière, c’est la destruction des organisations ouvrières, la dissolution des syndicats de classe, l’interdiction des Partis communistes, l’arrestation massive des militants ouvriers et révolutionnaires, les tortures et l’assassinat des meilleurs fils de la classe ouvrière. Le fascisme, c’est le déchaînement de la bestialité, le retour aux pogroms du moyen âge, l’anéantissement de toute culture, le règne de l’ignorance et de la cruauté, c’est la guerre hideuse à laquelle conduisent les provocations incessantes et tous les actes de Hitler et de Mussolini.

La démocratie bourgeoise, c’est un minimum de libertés précaires, aléatoires, sans cesse réduites par la bourgeoisie au pouvoir, mais qui offrent toutefois à la classe ouvrière, aux masses laborieuses des possibilités de mobilisation et d’organisation contre le capitalisme. Dans son rapport au XVIIe congrès du Parti bolchévik, Staline ayant démontré que « l’idée de l’assaut contre le capitalisme mûrit dans la conscience des masses [17] », disait:

C’est ce qui explique, à proprement parler, le fait que les classes dominantes des pays capitalistes anéantissent scrupuleusement ou réduisent à néant les derniers vestiges du parlementarisme ou de la démocratie bourgeoise, vestiges pouvant être utilises par la classe ouvrière dans sa lutte contre les oppresseurs [18].

Staline, dans le passage rappelé hier par le camarade Dimitrov, montrait ensuite que le fascisme n’était pas seulement le signe de la faiblesse de la classe ouvrière, mais aussi celle de la bourgeoisie.

Staline nous a donné la clef des problèmes posés devant les Partis communistes, le nôtre en particulier. Il nous fait comprendre d’abord que le fascisme ne résulte pas de la simple volonté de la bourgeoisie. La bourgeoisie doit s’assurer ou se conserver une base de masse pour l’exercice de sa domination de classe. Elle est obligée, souligne Staline, de recourir aux méthodes du fascisme, uniquement en raison, de l’aggravation extrême de toutes les contradictions du système capitaliste.

Staline nous fait comprendre, dès lors, l’enjeu d’une lutte conséquente pour conserver à la classe ouvrière et, en général, aux masses laborieuses, les libertés démocratiques, les restes de la démocratie bourgeoise qui peuvent être utilises contre l’ennemi capitaliste et son instrument fasciste.

La classe ouvrière de France a conscience de ces indications de Staline, chef du prolétariat international. Instruite et guidée par le Parti communiste, la classe ouvrière de France a également conscience des larges possibilités de mobilisation des classes moyennes que lui offre la défense, contre le fascisme, des libertés auxquelles est profondément attaché le peuple de France. Le camarade Dimitrov a dit justement qu’il ne fallait pas fermer les yeux sur la limitation réactionnaire croissante de la démocratie bourgeoise, sur le procès de fascisation de l’État, sur la nécessité de lutter pied à pied pour chaque possibilité, pour chaque liberté de la classe ouvrière. Nous bénéficions sans aucun doute, sous ce rapport, de conditions objectives favorables.

La France est un pays de vieille démocratie bourgeoise, le pays classique de la révolution bourgeoise. La classe ouvrière a participé à plusieurs révolutions, la Commune de Paris a été le premier exemple de la dictature du prolétariat.

Le paysan de France a en horreur les descendants et les successeurs des anciens féodaux. Il déteste le châtelain, le curé et le ci-devant noble.

Il sait que la grande Révolution lui a donné la terre. En 1848, le paysan n’a pas compris la IIe République et il s’est jeté dans les bras de Louis Bonaparte parce que la grande bourgeoisie, l’aristocratie financière, l’avaient, dès le début de la révolution de Février, frappé de nouveaux impôts, grevé d’hypothèques et par conséquent menacé dans la propriété de sa parcelle.

Par la suite, sous la IIIe République, le paysan de France, qui forme encore la masse la plus nombreuse de la population de notre pays, a bénéficié d’avantages certains.

La bourgeoisie, jusqu’à ces derniers temps, l’avait ménagé. Il avait l’illusion, par le suffrage universel, d’être le souverain du pays. En fait, il était et reste l’arbitre de la situation.

Le paysan de France est républicain. Ce n’est pas un mot. Il a suffi que l’agitateur fasciste Dorgères soit démasqué comme un royaliste pour que les paysans de la circonscription  de Blois, cependant très mécontents des gouvernants, le battent dans une élection législative partielle.

Notre Parti communiste n’a pas hésité à utiliser les traditions révolutionnaires. Engels, dans une lettre à Joseph Bloch en date du 21 septembre 1890, écrit:

Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif [19].

La bourgeoisie s’était, jusqu’alors, servie de ces traditions contre la classe ouvrière pour justifier et consolider sa domination. Maintenant les traditions révolutionnaires deviennent une arme complémentaire entre les mains de la classe ouvrière dans sa lutte contre l’État bourgeois sous sa forme fasciste. Nous puisons dans le passé pour préparer notre avenir.

Nous revendiquons, au nom de la classe ouvrière, l’héritage intellectuel et révolutionnaire des encyclopédistes du XVIIIe siècle qui préparèrent, par leurs écrits et leurs travaux, la grande Révolution de 1789. Nous montrons que leur doctrine matérialiste, approfondie, développée, enrichie par le génie de Marx, Engels, Lénine, Staline, est devenue le matérialisme dialectique, le marxisme-léninisme, la théorie et la pratique du prolétariat révolutionnaire, le grand bâtisseur du socialisme, déjà maître du pouvoir sur un sixième du globe.

Nous montrons comment les prolétaires communistes, attentifs à la recommandation de Lénine, cherchent « à s’assimiler les connaissances accumulées par la science humaine [20] ».

Et cela au moment où la bourgeoisie et particulièrement le fascisme prétendent nous ramener à la barbarie des siècles révolus, délaissent l’oeuvre des encyclopédistes, condamnent le matérialisme, refusent d’enseigner les théories de Darwin, brûlent les oeuvres de Marx et entretiennent la crédulité, la superstition et l’abrutissement.

Nous revendiquons, au nom de la classe ouvrière, l’héritage d’audace et d’énergie révolutionnaire des Jacobins. Lénine disait souvent: « Les bolchéviks sont les Jacobins de la révolution prolétarienne. » Il écrivait [21]:

Les historiens de la bourgeoisie voient dans le jacobinisme une chute. Les historiens du prolétariat y voient un des points culminants que la classe opprimée atteint dans la lutte pour son émancipation. Les Jacobins ont donné à la France les meilleurs exemples de révolution démocratique et de riposte à la coalition des monarques contre la République.

Le propre de la bourgeoisie est d’exécrer le jacobinisme. Le propre de la petite bourgeoisie est de le craindre. Les ouvriers conscients et les travailleurs croient au passage du pouvoir à la classe révolutionnaire opprimée, car c’est le fond même du jacobinisme, la seule issue à la crise, la seule façon d’en finir avec la ruine et la guerre.

Nous exaltons le souvenir de la Commune, celle de 1793 et de la Commune de Paris de 1871. Contre le chauvinisme du fascisme et le patriotisme des marchands de canons, nous proclamons notre amour du pays, de notre peuple.

Nous disons notre fierté de son passe de luttes séculaires contre l’esclavage et l’oppression. Et nous, arrière-petits-fils des sans-culottes de 1792, des soldats de Valmy, nous dénions aux aristocrates, aux descendants des émigres de Coblence, à M. le colonel de la Rocque, président des Croix de feu, dont l’arrière-grand-père était à l’armée de Condé et du roi de Prusse, nous leur dénions le droit de parler au nom de notre pays.

Nous les dénonçons comme les traîtres d’hier et de demain, prêts comme leurs aïeux autrefois, comme les gardes-blancs russes aujourd’hui, à porter les armes contre leur pays pour conserver ou recouvrer leurs privilèges et leurs profits.

La conférence nationale d’Ivry, qui s’est tenue, il y a déjà plus d’un an, en juin 1934, orienta hardiment le Parti dans ce sens, selon la thèse développée hier si brillamment par le camarade Dimitrov. Nous avons tenu ce langage à la tribune de la Chambre et dans nos meetings. Nous avons développé la même pensée dans nos affiches, nos articles, dans tout notre matériel.

Nous luttons d’ailleurs avec encore plus d’énergie pour le droit à la libre disposition des peuples d’Alsace et de Lorraine, pour l’indépendance des peuples coloniaux de l’Afrique du Nord et de l’Indochine que nous soutenons de toutes nos forces dans leur lutte contre l’impérialisme français.

En Algérie, sous l’influence de notre politique, les ouvriers arabes, soutenus, encourages par les travailleurs européens, ont répondu par de grandes manifestations à la démonstration des Croix de feu. En France même, nous sommes parvenus à nous entendre, contre les décrets Régnier [22] qui frappent le peuple d’Algérie, avec de nombreux groupements et personnalités.

La presse réactionnaire a fulmine contre la présence du drapeau tricolore a côte du drapeau rouge en tête de la démonstration du 14 juillet. La bourgeoisie réactionnaire comprend très bien que c’est le signe de l’alliance entre la petite bourgeoisie et la classe ouvrière, alliance qu’elle craint plus que tout. Nous ne voulons pas laisser au fascisme le drapeau de la grande Révolution, ni même la Marseillaise des soldats de la Convention.

Quand notre camarade Duclos a lu la déclaration du Parti communiste au rassemblement de Buffalo, le 14 juillet au matin, il a expliqué ce que représentait pour nous la Marseillaise, hymne du passe, et l’Internationale, hymne de l’avenir. L’assistance s’est levée et a chanté un couplet de la Marseillaise et un couplet de l’Internationale, en l’honneur du représentant du Parti communiste.

Nous nous sommes, dès l’année dernière, adressés aux soldats fils du peuple et aux officiers républicains. Nous avons dit notre espoir qu’ils ne se laisseraient pas entraîner contre le peuple; qu’ils sauraient, le cas échéant, déjouer le complot que des officiers et des généraux réactionnaires et fascistes préparent contre les libertés populaires et contre le pays. Le 14 juillet, au rassemblement du Front populaire, un député radical a parlé en des termes que je vous demande la permission de citer tant ils répondent à la pensée exprimée hier par notre camarade Dimitrov:

Les républicains savent qu’ils peuvent compter sur le loyalisme de l’armée, expression de la force publique ‑ de l’armée formée des fils du peuple entier ‑ pour donner un démenti a tous ceux qui tenteraient d’en faire un instrument pour l’ambition d’un homme ou pour celle d’une minorité de factieux. Ils saluent dans les armées de terre, de mer et de l’air ‑ officiers, sous-officiers, soldats et marins ‑ les forces nationales constituées pour la défense de la liberté.

Nous nous présentons aux masses populaires comme les champions de la liberté et de l’indépendance du pays, comme les représentants des intérêts actuels et futurs du peuple de France. Le ton même de nos campagnes, de nos discours, articles, affiches, exprime cette conscience de la mission historique de la classe ouvrière organisée et dirigée par son parti révolutionnaire.

C’est cette politique qui a permis au Parti communiste français de provoquer, stimuler et influencer efficacement un mouvement de masses d’une ampleur considérable.

Des éléments de la classe ouvrière jusqu’alors passifs ont été appelés à la vie politique. Des couches importantes de la petite bourgeoisie ont été entraînées à la lutte contre le fascisme. Il existe, naturellement, des intérêts particuliers, divers, parfois contradictoires, entre toutes les catégories et éléments sociaux unis sous le signe du Front populaire.

Il en résulte que le Parti doit savoir faire aboutir les revendications matérielles de toutes ces couches, influencer idéologiquement et politiquement et organiser tout le mouvement en se plaçant au point de vue du prolétariat qui représente les intérêts de tout le peuple travailleur de France. Formuler les revendications n’est pas suffisant, c’est un premier pas. Il nous faut, nous nous en rendons compte, arracher par l’action de masse des succès même minimes.

Nous devons, en outre, formuler des mots d’ordre et des propositions qui élèvent le mouvement. Nous sommes le Parti du prolétariat, de la classe la plus exploitée et aussi la plus homogène, la plus révolutionnaire, celle qui n’attend sa complète libération que d’une transformation complète de la société. Le Parti communiste, parti de la classe ouvrière, armé de la théorie marxiste-léniniste, est seul en mesure d’appliquer une politique conséquente, qui a fait ses preuves magnifiques dans l’Union soviétique.

Il n’en est pas de même pour nos amis et allies. La petite bourgeoisie commerçante et rurale hait le Capital et surtout les banquiers, détenteurs du crédit; mais elle croit à l’existence éternelle de sa propriété et même à la possibilité de l’arrondir. Les représentants des professions libérales, les fonctionnaires des cadres moyens et supérieurs ont des illusions et des préjugés d’un autre genre. Ils croient que la société actuelle peut être améliorée graduellement et pacifiquement. Parmi tous ces éléments, un grain de chauvinisme se mêle parfois à l’antifascisme.

Le fascisme leur apparaît essentiellement sous les aspects de Hitler et des bandes nazies. Les partis et les groupements s’appuyant sur les classes moyennes reflètent inévitablement leurs illusions et leurs préjugés. Ils ne sauraient mener une politique conséquente, ils oscillent fréquemment. Nous nous efforçons de leur démontrer que le succès du mouvement antifasciste, du Front populaire ne sera garanti que dans la mesure où les masses laborieuses, non prolétariennes, se grouperont autour de la classe ouvrière.

Comment faciliter cette marche de la petite bourgeoisie vers les positions de la classe ouvrière?

En montrant que la classe ouvrière est capable de diriger la lutte générale et en faisant la preuve de ses propres forces. C’est ainsi que le camarade Manouilski a répondu à cette question dans son discours de clôture à la XIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste:

Le prolétariat ne peut conquérir ses allies qu’en faisant la démonstration de sa force et de la force de son avant-garde: le Parti communiste [23].

Les masses populaires de la ville et des champs, les classes moyennes, et en particulier les paysans, jouent incontestablement un rôle historique très important. Mais, cependant, ce rôle n’est jamais indépendant, soit qu’elles tombent sous l’influence de la grande bourgeoisie, du Capital, et deviennent l’instrument de sa politique, soit qu’elles s’allient à la classe ouvrière.

Dans le premier cas, les résultats sont un renforcement de l’exploitation et de l’oppression de tous les travailleurs et à notre époque du fascisme. C’est ce que montrent les expériences de la France en 1848‑1852, de l’Allemagne de 1918 à 1933, de l’Espagne depuis 1931.

Dans le deuxième cas, les résultats sont la fin de l’exploitation et de l’oppression du peuple, l’épanouissement de la démocratie et des libertés populaires. C’est ce que prouve de façon éclatante l’expérience de l’Union soviétique.

Enfin, notre Parti communiste doit « dépenser des trésors d’organisation » pour unifier et consolider le mouvement populaire antifasciste.

Malgré de réels progrès, l’organisation reste notre point faible. Les comités de front unique se comptent par milliers. Le mouvement d’Amsterdam, sous la: direction attentive de Barbusse, rayonne à lui seul sur 2 000 comités. Mais c’est encore bien insuffisant.

En outre, beaucoup de comités sont constitués simplement au sommet par la réunion des représentants des organisations participantes. L’effort du Parti doit tendre vers l’élection démocratique de comités à la base dans les usines, dans les assemblées de village et de quartier. L’expérience nous a déjà appris qu’en ce domaine on doit faire appel à l’initiative des masses qui ont déjà trouvé pour se grouper les formes les plus variées.

V. L’organisation du front populaire

Notre Parti, en menant activement la politique de masse que je viens d’esquisser, en s’intéressant aux revendications de toutes les couches laborieuses, en prenant position sur toutes les questions, a réussi à faire triompher dans tout le pays le Front populaire. Nous sommes parvenus à étendre dans une mesure considérable le rayonnement de notre influence sur la classe ouvrière et sur les petites gens des classes moyennes.

Quand le Comité central a conçu l’idée du Front populaire et qu’il en a fixé le programme, en octobre 1934, nous ne pouvions imaginer combien les succès en seraient rapides.

Nous avons d’abord fait part de nos intentions au parti socialiste. Puis, sans attendre une réponse, qui tarda longtemps, nous avons posé la question dans un grand meeting central, dès le lendemain de notre entrevue avec les représentants du parti socialiste.

Le Parti mena une campagne soutenue dans la presse, par affiches, dans les meetings et à la tribune de la Chambre. À la veille de chacun des deux congrès du parti radical, à Nantes, en octobre, et à Lyon en mars, le Parti communiste organisa de grands meetings où les représentants du Comité central exposèrent notre conception du Front populaire, en s’adressant tout particulièrement aux délégués radicaux.

Une longue discussion publique s’engagea avec le parti socialiste. Mais les ouvriers et les petites gens acclamaient le Front populaire. La formule et son contenu triomphèrent dans les masses au cours des dernières élections municipales. Les adversaires bourgeois fascistes eux-mêmes n’emploient plus d’autre expression pour désigner le large rassemblement antifasciste qui s’opère peu à peu sous l’influence de notre politique.

À la fin du mois de mai, le Parti décida d’étendre encore le Front populaire et de s’adresser aux partis de gauche en vue d’une action contre les ligues fascistes, pour déposer au Parlement une résolution exigeant du gouvernement le désarmement et la dissolution des ligues fascistes.

La fraction communiste, alors composée de 9 députes sur 615 que compte la Chambre, prit l’initiative d’une réunion des groupes parlementaires de gauche. Le parti socialiste, invité, s’associa à notre initiative.

Le parti radical, le parti républicain-socialiste, le parti socialiste de France (néo-socialiste), le groupe des indépendants de gauche et le groupe pupiste (compose de dissidents de notre Parti communiste) répondirent à la convocation. La réunion eut lieu le 30 mai. La discussion s’engagea sur la déclaration faite par le représentant du Parti communiste. Nous avons, nous communistes, avons-nous dit, la volonté de battre le fascisme. Les élections municipales et cantonales montrent que la majorité du pays est contre la politique dite d’Union nationale qui fraye la voie au fascisme.

Cette majorité peut trouver une expression ici même, à la Chambre, les groupes qui ont répondu à notre invitation constituant la majorité de cette Chambre. Si cette majorité veut appliquer un programme frappant les riches et les spéculateurs, soulageant les pauvres et les chômeurs, nous, communistes, nous soutiendrons cette mesure. Si cette majorité veut défendre les libertés démocratiques, non pas en paroles mais en prenant des mesures efficaces, telles que le désarmement et la dissolution des ligues fascistes, l’arrestation de leurs chefs, nous soutiendrons ces mesures.

Une telle politique, avons-nous ajoute, créerait, en outre, les conditions les meilleures pour le maintien de la paix et elle aurait notre appui non seulement au Parlement, mais dans tout le pays.

L’impression fut considérable. Nos déclarations furent renouvelées en séance publique, à la tribune de la Chambre.

Le soir même, le gouvernement Flandin était renverse.

Nous avions donné un peu plus d’audace aux députés radicaux.

Ensuite, toujours sur l’initiative des communistes, les groupes de gauche se réunirent à nouveau. Une discussion s’engagea sur l’éventualité d’un gouvernement de gauche. C’est notre Parti communiste qui animait les séances, posait les questions, précisant d’ailleurs qu’il n’entendait nullement participer à un gouvernement de gauche, mais déclarant qu’il était toujours prêt à appuyer des dispositions favorables aux masses laborieuses.

Le parti socialiste et le parti radical furent amenés à définir leur politique respective.

Dans l’intervalle, le gouvernement Bouisson [24] s’était constitué. Mais la poussée des masses, se reflétant dans l’attitude de la majorité des députés radicaux, élus par des paysans, fut telle que, le jour de sa présentation, Bouisson était renversé.

Et les séances de la délégation des gauches reprirent.

Le parti socialiste soumit comme base de son accord à une collaboration avec le parti radical un programme de socialisation dont je reparlerai encore et que le parti radical repoussa. Alors, notre Parti fit la déclaration suivante, rendue publique:

Le Parti communiste constate qu’à deux reprises la Chambre s’est prononcée contre les pleins pouvoirs qui mettraient en péril les libertés démocratiques et aggraveraient la situation des masses laborieuses.

Ces votes traduisent la volonté du pays, exprimée notamment dans les élections municipales et cantonales, de mettre fin à la politique dite d’Union nationale, à laquelle sont sacrifies les intérêts les plus légitimes de la classe ouvrière et de tous les travailleurs.

Le Parti communiste, dont le programme fondamental comporte la socialisation des moyens de production et d’échange, qui sera réalisée par le gouvernement ouvrier et paysan, croit qu’il est possible et nécessaire, dans le moment actuel, d’appliquer une politique d’action positive, s’appuyant sur un large Front populaire.

Le Parti communiste, renouvelant ses déclarations antérieures concernant son attitude éventuelle à l’égard d’un gouvernement de gauche, rappelle qu’il est dispose à appuyer à la Chambre et dans le pays toutes mesures propres à assurer la sauvegarde du franc, la répression énergique de la spéculation, la protection des intérêts de la population laborieuse, la défense des libertés démocratiques, le désarmement et la dissolution des ligues fascistes et le maintien de la paix.

Le ministère Laval fut constitué entre-temps. Le Parti communiste avait joué un rôle de premier plan au cours des deux crises ministérielles. La presse réactionnaire et fasciste souligna de ses cris de colère le succès de notre tactique.

Le comité d’Amsterdam-Pleyel prit à ce moment l’initiative du rassemblement populaire du 14 juillet. Il reçut l’adhésion de nombreux groupements et organisations parmi lesquels la CGT et le parti radical. Le Comité exécutif du parti radical, convoqué spécialement à cet effet, fut unanime à une voix près dans sa décision.

Et maintenant? Le Parti a influencé, a entraîné vers la gauche, vers la classe ouvrière, des masses importantes des couches moyennes. S’appuyant sur la poussée des masses, le Parti communiste a contribué à jeter bas deux ministères successifs. De nouveaux problèmes vont se poser devant notre Parti. Il s’agit de l’éventualité d’un gouvernement du front unique ou du Front populaire antifasciste.

Certes, il ne saurait être question de combinaisons parlementaires analogues à celle de Brandler [25] en Saxe en 1923. Il ne s’agit pas non plus, d’un « gouvernement ouvrier », du genre de ceux que nous avons connus ou que nous connaissons encore, en Angleterre et dans tel ou tel pays scandinave; encore moins de ces gouvernements de coalition comme ceux auxquels participent ou ont participé les partis socialistes en Belgique, en Tchécoslovaquie et en Espagne.

Il ne s’agit pas de gérer les affaires de la bourgeoisie. Il s’agit de se battre contre le fascisme, de lui barrer à tout prix le chemin du pouvoir, en s’appuyant sur la poussée de masses et sur l’action extra-parlementaire.

Nous, communistes, nous luttons pour le pouvoir des Soviets, pour la dictature du prolétariat. Nous savons que c’est le seul moyen d’en finir à jamais avec la crise, la misère, le fascisme et la guerre. Mais nous savons aussi que pour l’instant une minorité seulement de la classe ouvrière et surtout une minorité seulement du peuple de France, partage notre conviction et se bat avec la ferme volonté d’établir le pouvoir des Soviets.

C’est pourquoi le pouvoir des Soviets ne peut constituer le but immédiat de notre lutte actuelle. Mais, tout en étant la minorité, nous pouvons et nous devons diriger la majorité du pays qui est résolue à éviter à tout prix l’établissement d’une dictature fasciste, nous pouvons et nous devons convaincre les masses, dans la lutte et sur la base de leur propre expérience, de la nécessité d’aboutir à la République des Soviets.

Le mécontentement qui s’accumule et se manifeste par de nombreuses démonstrations contre les décrets-lois peut exploser et aboutir au renversement du gouvernement Laval. Le développement du Front populaire, son renforcement constant peuvent l’amener à prendre la succession des gouvernements d’Union nationale.

Une nouvelle crise ministérielle signifiera le début d’une crise politique sérieuse. Laval aurait dit à Herriot: « Si je pars sur l’opposition des radicaux, les vacances parlementaires se termineront par une dictature des Croix de Feu. » Le Parti communiste, animateur du Front populaire, peut peser d’un poids décisif sur les événements.

Si le Front populaire manque de cohésion et de hardiesse, au gouvernement Laval, au gouvernement de l’Union nationale peut succéder une formation politique encore plus réactionnaire, peut même succéder une dictature fasciste. Il faut se souvenir des étapes qui ont conduit, par des voies en apparence légales, du gouvernement Müller au gouvernement Hitler en passant par Brüning, von Papen et von Schleicher.

Si, au contraire, le Parti communiste lance, propage, popularise et fait admettre à temps, dans les conditions où la crise révolutionnaire surgirait et s’aggraverait, un minimum de mesures de caractère transitoire qui puissent « ébranler davantage le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie et augmenter les forces de la classe ouvrière », alors la poussée du mouvement des masses peut imposer la nécessité d’un gouvernement du Front populaire, que notre Parti appuierait et auquel il pourrait même participer le cas échéant.

La bataille antifasciste deviendrait encore plus rude, car l’assaut réactionnaire et fasciste serait brutal et immédiat. Mais le Front populaire et le Parti communiste auraient occupé de nouvelles positions, que nous aurions à utiliser pour préparer l’instauration du pouvoir des Soviets, de la dictature du prolétariat.

C’est sans doute une politique audacieuse qui exige beaucoup de fermeté et de prudence. Notre Parti peut la réaliser; il ne risque plus de se confondre ou d’être confondu avec les autres partis. Nous avons conquis de haute lutte, par quinze années de bataille, notre place, dans l’arène politique.

Non seulement le Parti communiste, ses membres et ses militants, et aussi ses sympathisants ont conscience de leur rôle unique, et des buts uniques, qu’ils poursuivent de façon absolument indépendante ‑ mais les allies et les adversaires du communisme reconnaissent désormais, chacun à leur façon, notre originalité prolétarienne et révolutionnaire, et ils tiennent compte de notre force et de notre activité propres.

Nous devons en particulier cette indépendance à l’application de la tactique « classe contre classe » qui nous a fait apparaître sur un plan absolument diffèrent, distinct de tous les autres partis, y compris du parti socialiste. Notre action du 9 février a été guidée par ces principes d’indépendance.

VI. La lutte pour l’unité de la classe ouvrière

L’Internationale communiste n’a pas cessé de combattre pour que se réalise le désir d’unité de la classe ouvrière. Elle n’a pas cessé de préconiser l’unité de lutte de tous les prolétaires. Elle s’est adressée vainement, depuis de nombreuses années a l’Internationale ouvrière socialiste en vue d’organiser le front unique dans tous les pays.

Le 5 mars 1933, l’Internationale communiste invitait les Partis communistes à s’adresser aux partis socialistes en vue de réaliser partout le bloc de tous les travailleurs contre les progrès menaçants de l’offensive du fascisme et d’assurer l’aide à nos frères d’Allemagne.

Le 10 octobre 1934, l’Internationale communiste s’adressait directement aux ouvriers socialistes et à leur direction, pour l’organisation urgente de l’action commune en faveur des ouvriers et des paysans d’Espagne attaques férocement par la réaction, les fascistes et les monarchistes.

Le 15 octobre 1934 eut lieu l’entrevue de Bruxelles, où, au nom de l’Internationale communiste, nous rencontrâmes, Cachin et moi, les représentants de l’Internationale ouvrière socialiste: Vandervelde et Friedrich Adler.

Alors que nous pressions les dirigeants de la social-démocratie internationale de répondre favorablement à notre proposition loyale et sérieuse, ils nous posèrent la question: « Est-ce une manoeuvre de grand style ou un changement de cours a Moscou? » Nous avons répliqué comme il convenait. Notre camarade Cachin disait [26]:

Je suis peiné de vous entendre parler de manoeuvres…

Nous sommes dans une Europe aux deux tiers fasciste; si demain le fascisme s’établit en Espagne [nous étions en pleine bataille des Asturies (M.T.)], quelle force, quelle puissance ne va-t-il pas acquérir et combien le fascisme en France ne va-t-il pas tirer de là un encouragement formidable? Combien partout dans l’univers le fascisme ne deviendra-t-il pas dangereux? Et penser alors que nous songerions à des manoeuvres, ce serait vraiment à l’heure actuelle avoir de nous une bien médiocre opinion. Le danger est là, le feu est dans nos maisons, la classe ouvrière est menacée partout de la manière la plus tragique.

Et j’ajoutai:

Je vous dirai très franchement, citoyen Adler, qu’il n’y a pas de nouveau cours, ni de manoeuvre de grand style du côté de Moscou. Il n’y a pas et il n’y aura pas de changement dans la politique de l’Internationale communiste… Nous considérons comme juste ce que nous avons fait.

J’ajoute même que nous considérons que l’expérience des bolchéviks, en contraste avec l’expérience des partis socialistes, dans d’autres pays, nous paraît désormais concluante, je dirai même décisive [27].

Vous connaissez les résultats: les délégués de la IIe Internationale ajournèrent leur réponse jusqu’à la tenue de la conférence de leur Internationale, réunie à Paris au mois de novembre. Cet ajournement équivalait à un refus. Et, à cette conférence, les délégués ne purent se mettre d’accord sur la teneur de leur réponse à l’Internationale communiste. Ils durent se borner à retirer, ainsi qu’ils se sont eux-mêmes exprimés dans leur lettre, leur résolution des 18 et 19 mars 1933, interdisant à leurs partis d’établir le front unique à l’échelle nationale. Désormais, écrivaient-ils, chaque parti socialiste reste libre d’agir à sa guise.

Nous avions remporté un premier grand succès.

Faut-il rappeler encore qu’au mois d’avril, notre Internationale communiste s’est adressée a nouveau à l’Internationale ouvrière socialiste pour lui demander d’organiser en commun les démonstrations du 1er mai, contre le fascisme et la guerre, cette fois encore en vain.

Cependant le front unique s’organisait peu à peu en France.

Depuis 1923, en douze années, nous nous sommes adresses 26 fois au parti socialiste.

Nous avions essuyé chaque fois un refus, parfois même grossier. Le premier pas sérieux fut réalisé en juillet 1932 avec le congrès d’Amsterdam. Au congrès d’Amsterdam, la délégation française comprenait de nombreux socialistes délégués officiellement par des sections, et même des fédérations. Malgré les sanctions et les exclusions dont furent l’objet les camarades socialistes, un contact fraternel s’établit dans les comités d’Amsterdam.

Au mois de mars 1933, lorsque, sur la base de la lettre de l’Internationale communiste, nous nous sommes adressés aux ouvriers socialistes et à leur direction, on ne nous a pas répondu directement, mais Blum s’employa dans une série d’articles à détourer son parti du front unique.

Mais déjà les événements internationaux, et notamment ceux d’Allemagne, influençaient l’état d’esprit des ouvriers socialistes.

Le 6 février 1934 donna l’élan décisif. Les ouvriers socialistes se jetèrent dans la bataille aux côtés des ouvriers communistes, participant à l’action décidée par notre Parti à Paris et en province.

Le 30 mai, nous nous adressions à la Commission administrative permanente du parti socialiste en lui demandant d’organiser en commun la lutte pour la libération de Thaelmann. Nous avions pour la première fois une entrevue avec Blum et Zyromski [28].

Après plusieurs semaines de réflexions, la direction du parti socialiste refusa une fois de plus le front unique. Mais, dans l’intervalle, la Fédération socialiste de la Seine avait accepté d’organiser et de participer le 8 juillet à une démonstration commune contre les Croix de Feu. Depuis, les initiatives communistes obtinrent de plus en plus la faveur des ouvriers socialistes. Le Conseil national socialiste, réuni le 15 juillet pour se prononcer sur notre proposition publique d’un Pacte de lutte commune contre la guerre et le fascisme, accepta enfin le front unique.

Vous connaissez le contenu du Pacte. Il s’agit d’organiser l’action en commun, de mettre en commun nos moyens d’organisation pour la lutte contre le fascisme. Nous avions proposé que l’action contre les décrets-lois comportât, en plus des moyens habituels d’agitation et des manifestations publiques, la préparation et le déclenchement de grèves. Nous avions proposé que le Parti communiste et le parti socialiste, ensemble, s’adressent aux deux centrales syndicales, CGT et CGTU.

Le parti socialiste a refusé. Pour conclure le pacte, nous avons fait une concession à propos de la critique, en nous inspirant de la lettre de l’Internationale communiste en date du 5 mai 1933. Nous avons souscrit au texte ci-après:

Au cours de cette action commune, les deux partis s’abstiendront réciproquement d’attaques et de critiques contre les organismes et les militants participant loyalement a l’action. Toutefois, chaque parti, en dehors de l’action commune, gardera son indépendance pour développer sa propagande sans injures ni outrages à l’égard de l’autre Parti et pour assurer son propre recrutement.

Le pacte a beaucoup donne à la classe ouvrière en France. Il a renforcé l’élan vers l’unité syndicale, il a permis d’entraîner plus efficacement les classes moyennes. Mais ce qu’il faut souligner c’est qu’avant comme depuis la signature du pacte, notre Parti à aucun moment n’a oublié que le contenu essentiel du front unique, c’est l’action.

Nous avons pris l’initiative de l’action le 9 février 1934. Puis le 10 février 1935, lorsque le Parti communiste a décidé seul d’inviter le prolétariat parisien à honorer la mémoire de ses morts du 9 février 1934. Nous avons ensuite propose au parti socialiste de participer à notre manifestation.

Nous avons également eu l’initiative, le 19 mai, cette année, à l’ occasion de la manifestation traditionnelle du Mur, organisée sous la direction du Comité central du Parti communiste. Sous l’influence d’éléments trotskisants, la Fédération socialiste de la Seine voulait nous engager, le 19 mai, à participer à une contre-manifestation contre les Croix de feu. Nous lui avons répondu: « Voilà notre décision. Si vous voulez aller au Mur des Fédérés le 19, c’est bon, vous aurez votre place dans le cortège.

Si vous ne voulez pas, nous irons au Mur sans vous. » Et la Fédération socialiste de la Seine a dû renoncer à son projet et se joindre à notre cortège. 200 000 travailleurs étaient au Mur sous la direction du Parti communiste.

Parallèlement a l’organisation du front unique à la base, nous nous sommes efforcés de développer la lutte pour l’unité syndicale. La prochaine étape de l’organisation de l’unité de la classe ouvrière en France doit être la réalisation de l’unité syndicale.

Je veux souligner combien, grâce au front unique, nous avons pu avancer dans la voie de l’unité syndicale, et cela malgré la grande résistance de certains dirigeants réformistes. 700 syndicats uniques ont été créés. Les unions de réseaux de cheminots ‑ à l’exception de deux ‑ se sont unifiées. Des unions locales uniques et des unions départementales uniques ont été constituées.

La direction de la CGT a dû accepter de reprendre la discussion avec les représentants de la CGTU en vue de la réalisation de l’unité syndicale.

Une très grande responsabilité pèse maintenant sur les Partis communistes en présence de la crise de l’Internationale ouvrière socialiste, en présence de la régression de son influence, de ses effectifs. Il s’agit de ne pas laisser aller les ouvriers socialistes à la désillusion et au désespoir.

Il s’agit même de ne pas laisser une partie d’entre eux tomber sous l’influence du fascisme et de les amener maintenant à la lutte commune contre le fascisme, même s’ils ne sont pas encore entièrement d’accord avec nous, même s’ils conservent contre nous des préventions que la lutte commune atténuera ou fera disparaître.

Nous avons travaillé, selon l’expression de Blum, à rendre le front unique « inévitable » et l’avons, en effet, rendu inévitable.

En signant le Pacte, certains dirigeants socialistes ont pensé rétablir leur autorité sur des adhérents et des organisations socialistes qui étaient amenés peu à peu à choisir entre la discipline de parti et le front unique nécessaire avec les communistes. Mais les ouvriers ont parfois le sentiment que certains dirigeants du parti socialiste recherchent toutes les occasions de susciter ou d’aggraver les difficultés, de ralentir l’action commune, voire de rompre le front unique.

Trois faits précis ont contribué à donner cette impression.

C’est d’abord la discussion sur le Front populaire.

Le parti socialiste, dès le début, a été hostile à notre conception de Front populaire. Il a tendance à considérer les différents problèmes sous un aspect parlementaire et manifeste une certaine crainte de l’action des masses. Mais il voulait se donner une allure plus gauche. Il a trouvé notre programme trop modéré; il a trouvé que revendiquer le prélèvement sur le capital n’était pas suffisant. Il a proposé la socialisation des banques et des grandes industries.

Nous avons très tranquillement réplique: « Nous, communistes, nous sommes pour la socialisation, nous sommes pour l’expropriation pure et simple des expropriateurs capitalistes, mais nous considérons que pour socialiser, il faut remplir une condition, une toute petite condition: posséder le pouvoir, prendre le pouvoir.

Or, pour prendre le pouvoir il n’y a jusqu’alors qu’une méthode qui ait fait ses preuves, c’est la méthode des bolchéviks, l’insurrection victorieuse du prolétariat, l’exercice de la dictature du prolétariat et le pouvoir des Soviets. Cependant, nous, communistes, nous ne vous proposons pas, à vous, socialistes, notre programme fondamental.

Nous vous proposons de vous mettre d’accord avec nous sur ce qu’il est possible de faire ensemble des aujourd’hui. Ne nous demandez pas d’adopter votre programme. Nous pouvons ensemble lutter pour les revendications immédiates; nous pouvons imposer un prélèvement sur le capital. Cette revendication du prélèvement sur le capital, nous avons d’autant plus de chances de la faire admettre qu’elle a figure autrefois dans le programme du parti radical. C’est au surplus une mesure qui a déjà été appliquée en d’autres pays. »

Après quatre mois de discussions publiques, menées dans les colonnes de notre journal l’Humanité et par l’échange de documents, de lettres, de résolutions, il a fallu constater le désaccord persistant. Nous avons poursuivi notre effort. Et le congrès socialiste de Mulhouse, après les élections municipales et cantonales, a dû adopter une résolution en faveur du Front populaire.

Deuxième fait. Au moment de l’assassinat criminel de notre camarade Kirov [29] le prolétariat de l’Union soviétique, son Parti communiste ont pris énergiquement, comme se devaient de le faire les prolétaires qui détiennent le pouvoir, des mesures sévères, rigoureuses, contre les assassins et leurs auxiliaires.

Les bolchéviks ont appris et retenu la leçon des révolutions passées. Ils savent que la générosité des Communards à l’égard des Versaillais a été payée par l’assassinat féroce de 35 000 Communards. Les bolchéviks ont frappé les assassins du glaive de la justice prolétarienne, mais ces contre-révolutionnaires ont trouvé des avocats jusque parmi des socialistes.

Léon Blum écrivit un article larmoyant. Son journal le Populaire publia l’odieuse déclaration des mencheviks russes.

Nous avons riposte énergiquement et sans tarder et dit vertement leur fait aux mencheviks. Nous avons rappelé la phrase historique de Robespierre: « La sensibilité qui gémit seulement sur les misères des ennemis du peuple nous est suspecte. » Nous avons proclame notre entière solidarité avec la justice révolutionnaire, avec les bolchéviks. Les mencheviks et leurs amis se sont tus.

Troisième fait. Quand fut conclu le pacte d’assistance mutuelle franco-sovietique, et surtout quand, à la suite des entretiens du président du Conseil Laval avec notre camarade Staline, fut publié le communique, la presse bourgeoise eut la prétention de triompher des communistes de France. Elle soulignait bruyamment la déclaration de Staline, « comprenant et approuvant la politique de défense nationale de la France », et « la nécessité pour le pays de mettre ses moyens matériels au niveau de sa défense ». L’attaque ne vint pas seulement du côté réactionnaire.

Le parti· socialiste, ses journaux, nous criblèrent de leurs sarcasmes. Léon Blum écrivit qu’il n’en revenait pas. Il se demandait, il s’interrogeait: « Staline a-t-il bien réfléchi, avant de désapprouver l’action du Parti communiste et du parti socialiste? »

Trotskistes, renégats, pupistes, Doriot en tête, jouèrent leur vilain rôle.

Dès le lendemain de la publication du communique avait lieu une assemblée des communistes et sympathisants de Paris. Le rapporteur du Bureau politique déclarait en substance: 1° la politique de paix de l’Union soviétique est conforme aux directives historiques de Lénine, elle est menée fermement par Staline, elle répond aux intérêts du prolétariat international; 2° étant donné la situation internationale et notamment l’accession en Allemagne du fascisme, il y a momentanément coïncidence entre les intérêts de la France bourgeoise et de l’Union soviétique, contre Hitler et son national-socialisme, principaux instigateurs de la guerre en Europe.

Nous avons ajoute: « La classe ouvrière de France et son Parti communiste continuent résolument leur lutte contre la bourgeoisie de France; ils restent contre toute union sacrée, contre l’utilisation éventuelle de l’armée contre la classe ouvrière, contre le joug que l’impérialisme français fait peser sur les peuples coloniaux.

Nous n’avons pas à nous solidariser avec la politique de classe de la bourgeoisie française. Nous continuons à dénoncer et a protester an nom de la classe ouvrière, à la tête de la classe ouvrière, contre l’augmentation des crédits militaires, contre le retour aux deux ans. Mais nous, communistes de France, qui ne jugeons pas de la guerre a la façon des partis bourgeois, des réformistes ou des pacifistes, nous déclarons qu’en cas d’agression contre l’Union sovi6tique, nous saurons rassembler toutes les forces et la défendre par tous les moyens. »

À la suite de ce rapport, une résolution unanime, moins une voix, fut adoptée par les 5000 assistants. Les communistes s’en allèrent dans les assemblées, dans les réunions, dans les meetings organisés par le Parti à l’occasion des élections cantonales. Ils développèrent le contenu de la grande affiche que nous avions fait placarder immédiatement, sous le titre: « Staline a raison ». Dans cette affiche nous avions reproduit et commente les sages paroles prononcées par le chef du prolétariat international, notre camarade Staline.

Les résultats: aux élections cantonales, qui eurent lieu 8 jours après, notre Parti communiste augmentait encore ses voix sur les élections municipales; il obtenait 25 sièges sur 50 au conseil général de la Seine. Nous ne possédions que 4 sièges auparavant.

Les prolétaires, les travailleurs de la banlieue rouge, et par eux, le peuple de France éclairé par notre Parti communiste, faisait confiance à Staline, au chef éprouvé de notre Internationale communiste.

Que penser encore du fait suivant: la Commission administrative permanente du parti socialiste décide avec le Comité central du Parti communiste une campagne en commun a propos de l’anniversaire de la guerre et pour célébrer la mémoire de Jaurès et de Guesde. Or, à Roubaix, un des dirigeants socialistes les plus en vue, Lebas, organise une manifestation dont il exclut les communistes et les unitaires.

Nous continuerons à Roubaix, dans le Nord, et dans tout le pays à travailler pour que se réalise effectivement le front unique.

Au lendemain du congrès de Mulhouse, un membre de la Commission administrative permanente écrivit dans le Populaire: « Qu’il y ait un malaise dans le parti, la chose n’est pas à contester… Le différend essentiel, ajoute-t-il, porte sur l’unité d’action. »

Pendant longtemps les dirigeants socialistes opposèrent l’unité au front unique, mais notre Parti répondait: « Le front unique préparera le parti unique. » Lorsque grâce à nos efforts et au soutien des masses, l’unité d’action commença à se réaliser et à s’étendre, nous avons nous-mêmes formule notre conception du parti prolétarien unique.

Nous avons proposé, en novembre dernier, au Conseil national du parti socialiste de réunir une conférence nationale d’unification, de tenir des .assemblées communes ouvertes aux membres des Partis communiste et socialiste, et de faire discuter dans ces assemblées communes les problèmes de l’action immédiate et la question du parti unique du prolétariat.

Nous avons renouvelé notre proposition en mai dernier dans un document intitule: la Charte d’unité de la classe ouvrière.

Dans l’introduction qui donne une brève analyse de la situation nous avons reproduit la phrase de Staline: « L’idée de l’assaut mûrit dans la conscience des masses. »

Les principes formulés dans notre proposition sont: a) Pas de collaboration de classe; b) aucune union sacrée; c) transformation de la guerre impérialiste en guerre civile; d) défense dans tous les cas et par tous les moyens de l’Union soviétique; e) soutien des peuples coloniaux; f) préparation à l’insurrection armée, à la dictature du prolétariat, au pouvoir des Soviets, comme forme du gouvernement ouvrier; g) internationalisme conséquent; h) appartenance à un parti unique mondial de la classe ouvrière; i) centralisme démocratique, travail dans les entreprises.

Nous avons terminé par un expose général du programme que réaliserait l’État prolétarien, ce qu’il donnerait aux différentes catégories de travailleurs.

La direction du parti socialiste n’a pas encore répondu, bien que notre Comité central l’ait priée de bien vouloir faire connaître son opinion sur la question de l’unité.

Le front unique a été très utile à la classe ouvrière, il lui a permis de mieux résister à l’offensive du fascisme, à l’offensive du Capital. Le front unique a rapproché de la classe ouvrière les couches de la petite bourgeoisie. Certains chefs socialistes, ceux de droite en particulier, disaient: « Si nous acceptons le front unique, les couches moyennes s’éloigneront de la classe ouvrière. » Les faits ont démenti cette affirmation.

Le front unique a aussi renforcé notre Parti communiste. Ce n’était pas le but essentiel. Ce fut une des conséquences de l’unité d’action. L’influence et l’autorité du Parti communiste ont augmenté. Ses effectifs se sont accrus considérablement. La capacité politique du Parti a progressé.

Les cadres se sont élevés. Oh, il y a eu de grandes difficultés, des hésitations, des tâtonnements! Tout ne fut pas bien, tout n’est pas encore bien. Mais quels immenses changements! Combien l’esprit de responsabilité et d’initiative s’est développé dans nos rangs!

Nous enregistrons d’excellents résultats non seulement pour notre Parti, mais aussi pour notre Jeunesse. Nous avons posé à notre Fédération la tâche de gagner la jeunesse, de l’arracher à la démagogie fasciste, de satisfaire son besoin d’activité, de travailler à créer une organisation de la jeunesse qui ne copie pas étroitement les formules et les mots d’ordre du Parti communiste.

Notre Jeunesse communiste a quintuple ses effectifs; elle a pris une grande part au mouvement d’Amsterdam-Pleyel, a entraîné sur sa plate-forme du front unique les organisations des Jeunesses socialistes et des Jeunesses républicaines et laïques; elle a conclu un pacte avec la Jeunesse socialiste, malgré la résistance prolongée du parti socialiste.

Le mouvement sportif ouvrier s’est unifié, il a gagné 10 000 nouveaux membres et en groupe actuellement près de 40 000.

L’ARAC, association d’anciens combattants, s’est développée. Elle a été créée par Henri Barbusse et comptait au début quelques milliers de membres, elle est arrivée jusqu’à 20 000. Elle a obtenu son admission dans la Confédération générale des anciens combattants qui groupe 2 millions et demi d’adhérents.

Notre tactique électorale a été inspirée par le souci permanent de battre les candidats du fascisme el de la réaction. Au premier tour, nous avons mené une lutte indépendante. Sur la base de l’application du Pacte, au deuxième tour, nous avons vote réciproquement socialiste pour communiste et communiste pour socialiste, sauf en quelques rares exceptions. Aux élections municipales, nous avons permis quelques listes communes.

Étant donné notre ligne du Front populaire, nous avons fait voter pour des radicaux à Paris et en province, nous n’avons posé que les conditions suivantes: défense des libertés démocratiques et désarmement et dissolution des ligues fascistes. À Paris, nous avons demandé en plus: votez contre Chiappe. Nous avons même constitué en quelques cas des listes communes avec les radicaux.

À Paris, nous avons retiré notre candidat arrivé le premier des antifascistes et nous avons fait élire le socialiste Rivet contre l’un des hommes les plus représentatifs de la réaction.

Cette politique a grandi notre Parti dans l’esprit des travailleurs. Il apparaît comme ne menant pas une politique mesquine, mais comme un grand parti politique, agissant avec bon sens et selon une claire perspective des efforts et des batailles à mener, une juste notion des moyens à employer pour remporter la victoire.

Nous avons l’espoir que notre expérience servira utilement les travailleurs des autres pays. Et je m’adresse tout particulièrement à nos frères d’Allemagne, aux ouvriers socialistes allemands. Je leur dis mon espoir de retourner un jour prochain, comme ce 15 mars 1933, sur la tombe de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg, profanée par les chiens de Hitler, pour y célébrer, aux côtés de Thaelmann, leur victoire obtenue grâce à l’unité de la classe ouvrière.

Nous sommes heureux de saluer l’unité d’action réalisée partiellement par nos frères d’Autriche et d’Espagne, pays où l’on s’est battu.

Nous sommes fiers que notre Internationale proclame une fois de plus hautement, nettement, qu’elle est prête à engager des pourparlers avec la direction de l’Internationale ouvrière socialiste, à la fois pour l’organisation du front unique et pour la préparation de l’unité totale du prolétariat international.

La situation en France et dans le monde nous fait un devoir d’être toujours plus exigeants a l’égard de nos propres succès. De trop grandes faiblesses subsistent dans notre mouvement et dans notre Parti, notamment dans le domaine des luttes économiques et du travail syndical chez les paysans; les femmes et d’une façon générale dans les questions d’organisation.

Si quelques progrès sont réalisés dans le travail d’organisation, il est bien évident que nous devons faire beaucoup plus. Il subsiste une grande lenteur, un rythme insuffisant dans le travail du Parti aux différents échelons.

Il nous faut aussi réaliser un plus gros effort pour élever le niveau idéologique de notre Parti.

Nous allons en France vers de grandes batailles. Nous avons devant nous la perspective des grands conflits de classe que montrait notre camarade Pieck dans son discours de clôture. Déjà, en ce moment, l’effervescence grandit en raison de l’application des décrets-lois.

Les 800 000 fonctionnaires ‑ cette armature de l’État dont parlait Marx dans son 18 Brumaire ‑ se soulèvent; la petite bourgeoisie perd confiance dans la direction des partis de la grande bourgeoisie.

Les manifestations sont fréquentes, nombreuses, ardentes, combatives. La poussée vers le front unique, vers l’unité, vers le Front populaire antifasciste grandit. Mais grandit aussi la menace du fascisme qui renforce ses organisations, arme ses détachements de combat. La bourgeoisie cherchera à isoler notre grand Parti afin de le frapper et de briser la résistance des masses laborieuses.

Nous portons une grande responsabilité devant la classe ouvrière de France, devant le peuple de notre pays et devant le prolétariat international. Nous avons conscience de cette responsabilité et des obligations qu’elle nous crée.

Renforcer le front unique dans le domaine politique, plus encore dans le domaine économique, aboutir à l’unité syndicale; étendre, consolider le Front populaire antifasciste, gagner les larges masses paysannes, obtenir la dissolution et le désarmement des ligues fascistes qui conspirent contre le peuple et contre la République, qui complotent avec Hitler contre la paix, combattre contre toutes les forces de la réaction, contre l’Église, combattre pour épurer l’armée, pour la défense des libertés, pour la défense de l’Union soviétique.

Pour réaliser ces tâches, nous devons renforcer notre Parti communiste en nous inspirant de la pensée de Staline:

La victoire de la révolution ne vient jamais d’elle-même. Il faut la préparer et la conquérir. Or, seul peut la préparer et la conquérir un fort parti prolétarien révolutionnaire [30].

Nous avons la volonté d’accomplir ces tâches. Nous avons la volonté de répondre aux espoirs que Lénine plaçait en notre classe ouvrière et dans le Parti communiste de France lorsqu’il nous écrivit, en 1920, pour nous demander d’adhérer à la IIIe Internationale.

Nous avons la volonté d’être dignes à la fois du passé révolutionnaire du peuple de France, des combattants de la glorieuse Commune ct de l’exemple du Parti bolehévik, bâtisseur du nouveau monde socialiste.

Nous avons la volonté d’éviter à notre pays la honte et l’horreur du fascisme, de contribuer a la libération de nos frères courbés sous le joug du fascisme, de lutter de tout notre coeur, de toutes nos forces pour le pain, pour la liberté, pour la paix, pour la défense de l’Union soviétique.

Nous avons la volonté d’aller plus loin jusqu’a la République française des soviets que nous ferons triompher sous le drapeau de l’Internationale communiste, sous la bannière invincible de Marx, Engels, Lénine, Staline.

Nous savons que la bataille sera rude, mais nous sommes sûrs de la victoire et nous ne craignons pas, à l’appel de Dimitrov, d’affronter les flots tumultueux, car la barre de notre navire est entre les mains fermes du plus grand des pilotes, notre cher et grand Staline. 

NOTES[1] Le 21 septembre 1933 débuta à Leipzig le procès concernant l’incendie du Reichstag, survenu le 27 février de la même année. Le 9 mars, Georgi Dimitrov, Blagoï Popov et Vassili Tanev avaient été arrêtés, contre lesquels un mandat d’arrêt avait ensuite été décrété le 31 mars. L’acte d’accusation avait été formulé le 24 juillet. Le 23 décembre sera prononcé le jugement: Ernst Torgler (du KPD), G. Dimitrov, B. Popov et V. Tanev sont libérés pour cause de manque de preuves. Marinus van der Lubbe, qui avait été arrêté sur les lieux la nuit de l’incendie, est condamné à mort pour haute trahison et incendie volontaire, il sera exécuté le 10 janvier 1934. Le 27 février 1934, G. Dimitrov, B. Popov et V. Tanev seront expulsés vers l’URSS. E. Torgler restera en détention préventive jusqu’en novembre 1936. [2] Voir D. Z. Manouilski: les Partis communistes et la crise du capitalisme [3] Palmiro Togliatti. [4] Giacomo Matteotti, dirigeant du parti socialiste italien, assassiné le 10 juin 1924 par les fascistes. [5] Voir V. I. Lénine: la Maladie infantile du communisme [6] Région de population ruthène dans les Carpates qui après la première guerre mondiale avait été intégrée dans la Tchécoslovaquie. [7] Il s’agit de la guerre menée par l’impérialisme français en 1925 (Pétain commandant les troupes françaises) pour réprimer le mouvement d’indépendance du peuple marocain et, en particulier, le soulèvement armé des Riffains (population du Riff, région du Nord du Maroc) que dirigeait Abd-el-Krim. [8] Raymond Poincaré dirigea, de 1926 à 1928, un gouvernement dit d’Union nationale, dont faisaient partie Tardieu et Edouard Herriot. [9] Parti d’unité prolétarienne, constitué essentiellement par des ancien membres du Parti communiste (Louis Sellier, Jean Garchery, etc… ). La plupart des dirigeants de ce petit groupe entrèrent ensuite au parti socialiste. [10] Ernest Mercier. Membre de nombreux conseils d’administration de sociétés de pétroles et d’électricité, et de la Banque de Paris et des Pays-Bas. Fut aussi le dirigeant de l’organisation “Redressement Français”. [11] Horace Finaly. Administrateur de nombreuses banques et de quelques sociétés (parmi ces dernières la Standard franco-américaine, filiale de la Standard Oil). Fut longtemps directeur général de la Banque de Paris et des Pays-Bas. [12] Entente réalisée par le haut patronat de la sidérurgie française pour la répartition des marches et de la production. Ce comité, étroitement lié aux grandes banques d’affaires, a exercé une influence considérable sur la politique intérieure et extérieure française, et par ses liaisons avec de grands trusts similaires (Krupp en Allemagne, Vickers en Grande-Bretagne, Skoda en Tchécoslovaquie, etc.) sur la politique internationale. [13] Grande famille d’industriels et financiers· français (et quelques fois allemands) jouant un rôle considérable dans la sidérurgie française et ayant notamment des intérêts prédominants dans les mines de fer et la métallurgie de Lorraine. [14] Journal radical que dirigeait Émile Roche. [15] Journaliste et économiste français, auteur d’un ouvrage Contre l’oligarchie financière en France, que Lénine cite dans l’ouvrage L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme. [16] V. I. Lénine: L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme[17] J. Staline: Deux Mondes [18] Ibidem. [19] F. Engels: Études philosophiques[20] Dans Lénine, Staline et la jeunesse[21] V. I. Lénine [22] Marcel Régnier. Sénateur radical de l’Allier, Ministre de 1’Interieur dans le gouvernement Doumergue en 1934. [23] D. Z. Manouilski: les Partis communistes et la crise du capitalisme[24] Fernand Bouisson. À l’époque, députe socialiste des Bouches-du-Rhône, président de la Chambre des députés. [25] Heinrich Brandler. Dirigeant du Parti communiste allemand qui constitua en Saxe, en 1923, un gouvernement avec des représentants de la social-démocratie. [26] Front unique international, voir Oeuvres de Maurice Thorez [27] ldem [28] Jean Zyromski. Membre de l’aile gauche du parti socialiste avant 1934. Pendant l’occupation, adhéra au Parti communiste français. [29] Serguei Kirov, membre du Bureau politique du Parti bolchévik, secrétaire de la région de Leningrad, fut assassine le 1er décembre 1934. [30] J. Staline: Les Questions du Léninisme, « Rapport au XVIIe congrès du P C(b) »

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7e congrès de l’Internationale Communiste: l’Offensive du Fascisme et les Tâches de l’IC dans la Lutte pour l’Unité de la Classe Ouvrière contre le Fascisme

Résolution sur le rapport du camarade Dimitrov, adoptée le 26 août 1935.

1. — Le fascisme et la classe ouvrière

§1. Le 7 e Congrès de l’IC constate que les changements fondamentaux suivants survenus dans la situation mondiale, déterminent la disposition des forces de classes sur l’arène internationale et les tâches du mouvement ouvrier mondial.

a) La victoire définitive et sans retour du socialisme dans le pays des Soviets, victoire d’une portée mondiale, qui a prodigieusement élevé la puissance et le rôle de l’URSS en tant que rempart des exploités et opprimés du monde entier, et qui pousse les travailleurs à la lutte contre l’exploitation capitaliste, la réaction bourgeoise et le fascisme, pour la paix, pour la liberté et l’indépendance des peuples ;

b) La crise économique la plus importante dans l’histoire du capitalisme, crise dont la bourgeoisie a tenté de sortir en ruinant les masses populaires, en voulant à la famine et au dépérissement des dizaines de millions de chômeurs, en abaissant dans des proportions inouïes le niveau de vie des travailleurs.

Malgré la croissance de la production industrielle dans nombre de pays et une augmentation des profits des magnats de la finance, la bourgeoisie mondiale n’a réussi en somme ni à sortir de la crise et de la dépression ni à contenir l’aggravation incessante des contradictions du capitalisme. Dans certains pays (France, Belgique, etc.) la crise continue, dans d’autres elle a passée à l’état de dépression et dans les pays où la production a dépassé le niveau d’avant la crise (Japon, Angleterre) de nouvelles perturbations économiques sont en maturation ;

c) L’offensive du fascisme, l’accession des fascistes au pouvoir en Allemagne, la menace toujours plus grande d’une nouvelle guerre impérialiste mondiale et d’une agression contre l’URSS, par lesquelles le monde capitaliste cherche à sortir de l’impasse de ses contradictions ;

d) Une crise politique qui s’est manifestée par la lutte armée des ouvriers d’Autriche et d’Espagne contre les fascistes, laquelle n’a pas encore abouti à la victoire du prolétariat sur le fascisme, mais a empêché la bourgeoisie de stabiliser sa dictature fasciste ; un puissant mouvement antifasciste en France qui a commencé par la manifestation de février et la grève générale du prolétariat ;

e) La poussée révolutionnaire des masses travailleuses dans le monde capitaliste tout entier, qui se poursuit sous l’influence de la victoire du socialisme eu URSS et de la crise économique mondiale, ainsi que sur la base des leçons de la défaite momentanée du prolétariat au centre de l’Europe, en Allemagne, ainsi qu’en Autriche et en Espagne, dans les pays où la majorité des ouvriers organisés soutenaient la social-démocratie.

Un puissant élan vers l’unité d’action grandit dans la classe ouvrière internationale. On voit s’étendre le mouvement révolutionnaire dans les pays coloniaux et la révolution soviétique en Chine. Le rapport des forces de classes à l’échelle mondiale se modifie de plus en plus dans le sens de la croissance des forces de révolution.

En présence de cette situation, la bourgeoisie dominante cherche de plus en plus son salut dans le fascisme, l’instauration d’une dictature ouverte, terroriste, des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins et les plus impérialistes du capital financier, en vue d’appliquer des mesures exceptionnelles de spoliation des travailleurs, de préparer une guerre de rapine impérialiste, l’agression contre l’URSS, d’asservir et de dépecer la Chine et de conjurer par tous ces moyens la révolution. Le capital financier cherche à maitriser l’indignation des masses petite-bourgeoises contre la classe ouvrière, que le fascisme conduit à un assez-adapte démagogiquement ses mots d’ordre à l’état d’esprit de ces couches.

C’est en se créant ainsi une base de masse et en dirigeant ces couches, comme une force réactionnaire contre la classe ouvrière que, le fascisme conduit à une asservissement encore plus accentué de tous les travailleurs par le capital financier.

Dans un certain nombre de pays, le fascisme est au pouvoir. Mais la croissance du fascisme et sa victoire attestent non seulement de la faiblesse de la classe ouvrière, désorganisée suite à de la politique scissionniste de la social- démocratie, basée sur la collaboration de classe avec la bourgeoisie, mais aussi la faiblesse de la bourgeoisie elle-même, qui tremble devant la réalisation de l’unité de lutte de la classe ouvrière, qui tremble devant la révolution et n’est plus à même de maintenir sa dictature par les vieilles méthodes de démocratie bourgeoise.

§2. La variété la plus réactionnaire du fascisme est le fascisme du type allemand, qui se donne impudemment le nom de national- socialisme, mais qui n’a absolument rien de commun ni avec le socialisme ni avec la défense des véritables intérêts nationaux du peuple allemand, et qui ne remplit d’autre fonction que celle de valet de la grande bourgeoisie et représente non seulement le nationalisme bourgeois, mais un chauvinisme bestial.

À la face du monde entier l’Allemagne fasciste montre nettement ce qui attend les masses populaires au cas d’une victoire du fascisme.

Le pouvoir fasciste déchaîné extermine dans les prisons et les camps de concentration l’élite de la classe ouvrière, ses chefs et ses organisateurs, Il a détruit les syndicats, les coopératives et toutes les autres organisations légales des ouvriers, de même que toutes les autres organisations politiques et culturelles non fascistes.

Il a enlevé aux ouvriers les droits élémentaires de défense de leurs intérêts. Il a transformé un pays cultivé en un foyer d’obscurantisme, de barbarie et de guerre. Le fascisme allemand est le principal instigateur d’une nouvelle guerre impérialiste. Il est le détachement de choc de la contre-révolution mondiale.

§3. En soulignant l’accroissement de la menace fasciste dans tous les pays capitalistes, le 7e Congrès de l’IC met en garde contre toute sous-estimation du danger fasciste. Le Congrès repousse également les conceptions fatalistes sur l’inéluctabilité de la victoire du fascisme ; ces conceptions, foncièrement erronées, ne peuvent qu’engendrer la passivité et affaiblir la lutte de masse contre le fascisme.

La classe ouvrière peut empêcher la victoire du fascisme si elle parvient à réaliser l’unité de sa lutte et si, développant à temps ses actions de combat, elle ne permet pas au fascisme de s’affermir, si elle sait sous une direction révolutionnaire juste, grouper autour d’elle les larges couches des travailleurs des villes et des campagnes.

§4. La victoire du fascisme n’est pas durable. Malgré les atroces difficultés que la dictature fasciste crée pour le mouvement ouvrier, on voit, sous le pouvoir fasciste, se poursuivre l’ébranlement des bases de la domination de la bourgeoisie. Les conflits intérieurs dans le camp de la bourgeoisie atteignent une acuité particulière.

Les illusions légalistes des masses s’écroulent. La haine révolutionnaire des ouvriers s’accumule. La bassesse et le mensonge de la démagogie sociale du fascisme se découvrent de plus en plus.

Non seulement le fascisme n’a pas apporté aux masses l’amélioration qu’il leur avait promise, de leur condition matérielle, mais il a augmenté encore d’avantage les bénéfices des capitalistes en abaissant le niveau de vie des masses travailleuses, il a intensifié leur exploitation par une poignée de magnats de la finance, il a réalisé une nouvelle spoliation de ces masses au profit du capital.

La déception des couches petite-bourgeoises des villes et de la paysannerie travailleuse, trompées par les fascistes, grandit. La base de masse du fascisme se décompose et se rétrécit. Toutefois, le Congrès met en garde contre les illusions dangereuses d’un écroulement automatique de la dictature fasciste et rappelle que seule la lutte révolutionnaire unie de la classe ouvrière, la tête de tous les travailleurs, conduira au renversement de la dictature fasciste.

§5. En liaison avec la victoire du fascisme en Allemagne et le danger fasciste croissant dans d’autres pays, est accentué et continue de s’accentuer la lutte de classe du prolétariat qui, de plus en plus passe à une résistance décidée contre la bourgeoisie fasciste.

Dans tous les pays capitalistes se développe le mouvement du front unique contre l’offensive du capital et du fascisme. Le déchaînement de la terreur nationale-socialiste en Allemagne a donné également une forte impulsion au front unique international du prolétariat (procès de Leipzig, campagne pour la libération de Dimitrov et de ses camarades, défense de Thaelmann, etc.).

Bien que le mouvement du front unique ne se trouve, pour le moment, qu’au début de son développement, les ouvriers communistes et social-démocrates de France, luttant la main dans la main, ont réussi à repousser les premières attaques du fascisme, et ont exercé par là une action mobilisatrice sur le mouvement du front unique à l’échelle internationale.

La lutte armée commune des ouvriers social-démocrates et communistes en Autriche et en Espagne a montré aux travailleurs des autres pays, non seulement l’exemple héroïque, mais aussi l’entière possibilité d’une lutte efficace contre le fascisme, s’il n’y avait pas eu de sabotage des chefs de droite, ni oscillations des chefs de «gauche» de la social-démocratie (et aussi, en Espagne, la trahison ouverte de la plupart des chefs anarcho- syndicalistes), dont l’influence sur les masses privait le prolétariat d’une direction révolutionnaire décidée et l’empêchait d’établir clairement les objectifs de la lutte.

§6. La faillite du parti principal de la 2 e Internationale, de la social-démocratie allemande, qui, par toute sa politique, facilita la victoire du fascisme, ainsi que l’échec de la social-démocratie réformiste de «gauche» d’Autriche qui, même à l’approche de l’inévitable conflit armé avec le fascisme, détournait les grandes- masses de la lutte, ont puissamment contribué à la désillusion des ouvriers social-démocrates à l’égard de la politique de la social- démocratie.

La 2e Internationale traverse une crise profonde. À l’intérieur des partis social-démocrates et de la 2e Internationale tout entière, il se produit une différenciation en deux camps principaux : à côté du camp existant des éléments réactionnaires qui s’efforcent de continuer la politique de collaboration de classe avec la bourgeoisie, on voit se former le camp des éléments qui deviennent révolutionnaires, qui se prononcent pour l’établissement du front prolétarien et passent de plus en plus aux positions de la lutte de classe révolutionnaire.

Le 7e Congrès de l’IC salue l’aspiration des ouvriers social- démocrates vers le front unique avec les communistes, comme preuve du développement de leur conscience de classe et commencement de la liquidation de la scission de la classe ouvrière, dans l’intérêt du succès de la lutte contre le fascisme, contre la bourgeoisie.

2. — Le front unique de la classe ouvrière contre le fascisme

Devant la grave menace que représente le fascisme pour la classe ouvrière et pour toutes ses conquêtes pour tous les travailleurs et leurs droits élémentaires, pour la paix et pour la liberté des peuples, le 7e Congrès de l’IC déclare que la réalisation du front unique de la classe ouvrière est, à l’étape historique actuelle, la tâche principale immédiate du mouvement ouvrier international.

La lutte efficace contre l’offensive du capital, contre les mesures réactionnaires de la bourgeoisie, contre le fascisme, ce pire ennemi de tous les travailleurs qu’il prive de tous les droits et libertés, quelles que soient leurs opinions politiques, exige impérieusement que l’unité d’action de toutes les couches de la classe ouvrière, quelle que soit l’organisation à laquelle elles appartiennent, soit réalisée avant même que la majorité de la classe ouvrière s’unisse sur la plate-forme commune de la lutte pour le renversement du capitalisme et la victoire de la révolution prolétarienne.

Mais c’est précisément pour cela que cette tâche fait un devoir aux PC de tenir compte du changement de la situation et d’appliquer la tactique du front unique d’une nouvelle manière s’efforçant d’obtenir un accord pour des actions communes avec les organisations de travailleurs des différentes tendances politiques à l’échelle de l’usine, à l’échelle locale, régionale, nationale et internationale.

Partant de là, le 7e Congrès de l’IC invite les PC à s’inspirer dans l’application de la tactique du front unique, des directives ci-après :

§1. La défense des intérêts économiques et politiques immédiats de ouvrière, la défense de celle-ci contre le fascisme doit être le point de départ et forme le principal contenu du front unique des ouvriers dans tous les pays capitalistes. Pour mettre en mouvement les masses, il est nécessaire de mettre en avant des mots d’ordre et des formes de lutte qui découlent des besoins vitaux des masses, du niveau de leur capacité de combat à chaque étape donnée du développement.

Sans se borner aux seuls appels à la lutte pour la dictature du prolétariat, les communistes doivent indiquer aux masses ce qu’elles ont à faire aujourd’hui pour se défendre contre le pillage capitaliste et la barbarie fasciste.

Ils doivent, par l’action commune des organisations ouvrières, tendre à mobiliser les masse autour d’un programme de revendications visant à reporter effectivement les conséquences de la crise sur le dos des classes dominantes, des revendications telles que la lutte pour leur réalisation désorganise le fascisme, rende difficile la préparation de la guerre impérialiste, affaiblisse la bourgeoisie et renforce les positions du prolétariat.

Préparant la classe ouvrière à une succession rapide de formes et de méthodes de lutte pour le cas où la situation viendrait de changer, il est nécessaire, dans la mesure où le mouvement se développe, d’organiser le passage de la défense à l’offensive contre le capital et de s’orienter vers la grève politique de masse, en faisant tout pour assurer la participation à cette organisation des principaux syndicats du pays.

§2. Sans renoncer un instant à leur travail indépendant de propagande communiste, d’organisation et de mobilisation des masses, les communistes doivent, pour faciliter aux ouvriers le chemin de l’unité d’action, s’efforcer de réaliser des actions communes avec les partis social-démocrates, les syndicats réformistes et autres organisations des travailleurs contre les ennemis de la classe du prolétariat sur la base d’accords brèves ou de longue durée.

Ici, il faut prêter la plus grande attention au développement d’actions de masse réalisées à l’échelle locale par les organisations de base aux moyens d’accords locaux.

En remplissant loyalement les conditions de l’accord, il est nécessaire de dévoiler à temps tout fait de sabotage des actions communes de la part des personnes et organisations participant au front unique et, en cas de rupture de l’accord, en appeler au immédiatement aux masses en continuant de inlassablement la lutte pour le rétablissement de l’unité d’action compromise.

§3. Les formes de réalisation du front unique prolétarien, qui dépendent de l’état et du caractère des organisations ouvrières et de la de situation concrète, doivent être variées.

Ces formes peuvent être, par exemple, des actions communes concertées des ouvriers, à telle ou telle occasion concrète, pour des revendications particulières ou sur la base d’une plate-forme commune des revendications ; actions concertées dans telle ou telle entreprise, dans telle ou telle branche de production ; actions concertées à l’échelle locale, régionale, nationale ou internationale ; actions concerté pour l’organisation de la lutte économique des ouvriers, la défense des intérêts des chômeurs, la réalisation d’actions politiques de masse, l’organisation d’une autodéfense commune contre les agressions fascistes ; actions concertées pour l’aide aux détenus et à leurs familles, pour la lutte contre la réaction sociale ; actions communes pour la défense des intérêts de la jeunesse et des femmes, dans le domaine coopératif, culturel, sportif ; actions communes pour soutenir les revendications des paysans travailleurs, etc. création d’alliances ouvrières ou ouvrières et paysannes (Espagne); création de ou coalitions durables sous la forme de «parti ouvrier» ou d’un «parti ouvrier et paysan» (États-Unis), etc.

Afin de développer le mouvement du front unique en tant qu’œuvre des masses elles-mêmes les communistes doivent tendre à créer des organismes de front unique de classe hors-parti par voie d’élection (ou, dans les pays de dictature fasciste, parmi les participants les plus autorisés du mouvement) dans les entreprises, parmi les chômeurs, dans les quartiers ouvriers, parmi les petites gens des villes et dans les campagnes.

Seuls de tels organismes, qui ne doivent évidemment pas se substituer aux organisations participant au front unique, pourront englober dans le mouvement du front également l’immense masse inorganisée des travailleurs, pourront contribuer au développement de l’initiative des masses dans la lutte contre l’offensive du capital et contre le fascisme et, sur cette base, la création d’un large actif ouvrier du front unique.

§4. Partout où les chefs de la social-démocratie, cherchant à détourner les ouvriers la lutte pour la défense de leurs intérêts quotidiens et à faire échouer l’établissement du front unique, mettent avant des projets «socialistes» grandiloquents (plan de Man et autres), il faut dévoiler le caractère démagogique de pareils projets, en expliquant aux travailleurs l’impossibilité de réaliser le socialisme aussi longtemps que le pouvoir reste entre les mains de la bourgeoisie.

Toutefois, il convient d’utiliser, en même temps, telle ou telle mesure proposée dans ces projets et que l’on peut relier aux revendications vitales des travailleurs, comme point de départ pour développer la lutte de masse sur un front unique, en commun avec les ouvriers social-démocrates.

Dans les pays où le pouvoir est exercé par des gouvernements social-démocrates (ou des gouvernements de coalition avec participation des socialistes) il ne faut pas se borner à dénoncer par la propagande seule la politique d’un tel gouvernement, il est nécessaire de mobiliser les larges masses autour de la lutte pour la réalisation de leurs revendications pratiques et vitales de classe, revendications dont les social-démocrates proclamaient la réalisation dans leur plate-forme lorsqu’ils n’étaient pas encore au pouvoir ou ne faisaient pas encore partie du gouvernement.

§5. Les actions communes avec les partis et organisations social- démocrates, non seulement n’excluent pas mais, au contraire, rendent encore plus nécessaires une critique sérieuse et motivée du réformisme, social-démocratisme en tant qu’idéologie et pratique de collaboration de classe avec la bourgeoisie, ainsi qu’une explication patiente, aux ouvriers social-démocrates, des principes et du programme du communisme.

Dévoilant devant les masses le sens des arguments démagogiques des clefs de la social-démocratie de droite contre le front unique, intensifiant la lutte contre la partie réactionnaire de la social- démocratie, les communistes doivent établir la collaboration la plus étroite avec ceux des ouvriers, militants et organisations social-démocrates de gauche qui luttent contre la politique réformiste et s’affirment pour le front unique avec le PC.

Plus nous accentuerons notre lutte contre le camp réactionnaire de la social-démocratie formant bloc avec la bourgeoisie, plus effective sera notre aide aux éléments social-démocrates qui deviennent révolutionnaires. De même, la lutte la plus résolue des communistes pour le front unique avec les partis social-démocrates accélérera, à l’intérieur du camp de gauche, le processus de l’autodétermination de ses divers éléments.

La question de l’attitude vis-à-vis de la réalisation pratique du front unique sera le principal indice des positions effectives prises par les déférents groupements de la social-démocratie.

Dans le cours de la lutte pour la réalisation pratique du front unique, ceux des chefs social-démocrates qui se présentent, en paroles, étant de la gauche seront contraints de montrer pratiquement qui d’entre eux est effectivement prêt à lutter contre la bourgeoisie et les social- démocrates de droite, et qui avec la bourgeoisie contre la cause de la classe ouvrière.

§6. Les campagnes électorales doivent être utilisées pour poursuivre le développement et l’affermissement du front unique de lutte du prolétariat,

En se présentant aux élections d’une façon indépendante, en développant devant les masses le programme du PC, les communistes doivent tendre à l’établissement du front unique avec les partis social-démocrates et les syndicats (ainsi qu’avec les organisations des paysans travailleurs, des artisans, etc.) en appliquant tous les efforts pour empêcher l’élection des candidats réactionnaires et fascistes.

Face au danger fasciste, les communistes peuvent, en tenant compte du développement et des succès du mouvement de front unique ainsi que du système électoral en vigueur, mener la campagne électorale avec une plate-forme commune et des listes communes de front antifasciste, en se réservant la liberté de leur propagande politique et la liberté de critique.

§7. Visant à unifier, sous la direction du prolétariat, la lutte de la paysannerie travailleuse, de la petite bourgeoisie des villes et les masses travailleuses des nationalités opprimées, les communistes doivent s’efforcer de créer un large front populaire antifasciste sur la base du front unique prolétarien, en défendant toutes les revendications spéciales de ces couches de travailleurs qui vont dans le sens des intérêts fondamentaux du prolétariat.

Il importe particulièrement de mobiliser les paysans travailleurs contre la politique fasciste de spoliation des masses paysannes essentielles, contre leur exploitation par la politique des prix du capital monopoliste et des gouvernements bourgeois, contre le fardeau exorbitant des impôts, les fermages, l’endettement, contre les ventes-saisies des biens des paysans, pour le secours de l’État à la paysannerie ruinée.

Travaillant partout parmi la petite bourgeoisie urbaine et les intellectuels, ainsi que parmi les employés, il est nécessaire de dresser ces couches contre les augmentations des impôts et la vie chère, contre leur spoliation par le capital monopoliste, par les trusts, contre l’esclavage de l’usure, contre les licenciements et la réduction des traitements des travailleurs de l’État et des municipalités.

En défendant les intérêts et les droits des intellectuels avancés, il faut soutenir par tous les moyens leur mouvement contre la réaction culturelle et faciliter leur passage aux côtés de la classe ouvrière dans ta lutte contre le fascisme.

§8. Dans les conditions d’une crise politique, lorsque les classes gouvernantes ne peuvent plus avoir raison du puissant essor du mouvement de masse, les communistes doivent mettre en avant des mots d’ordre révolutionnaires fondamentaux (par exemple le contrôle de la production, des banques, le licenciement de la police, son remplacement, par une milice ouvrière armée, etc.), tendant à ébranler encore davantage le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie et à augmenter les forces de la classe ouvrière, à isoler les partis conciliateurs — des mots d’ordre rapprochant de près les masses ouvrières de la prise révolutionnaire du pouvoir.

Si au moment d’une telle poussée du mouvement de masse il apparaît possible et nécessaire, dans l’intérêt du prolétariat, de créer un gouvernement de front unique prolétarien ou de front populaire antifasciste, qui ne sera pas encore un gouvernement de la dictature du prolétariat, mais qui s’engagera à prendre des mesures énergiques contre le fascisme et la réaction, le PC doit tendre à la création d’un tel gouvernement. La condition essentielle qu’un tel gouvernement de front unique soit créé est la situation suivante :

a) lorsque l’appareil d’État de la bourgeoisie est fortement paralysé, au point que la bourgeoisie n’est pas en état d’empêcher la création d’un tel gouvernement ;

b) lorsque les grandes masses de travailleurs se dressent violemment contre le fascisme et la réaction, mais ne sont pas encore prêtes à se soulever pour la lutte pour le pouvoir soviétique ;

c) lorsqu’une partie considérable des organisations de la social- démocratie et des autres partis qui participent au front unique réclame déjà des mesures impitoyables contre les fascistes et les autres réactionnaires, et est prête à lutter en commun avec les communistes pour l’application de ces mesures.

Pour autant que le gouvernement de front unique effectivement des mesures décisives contre les magnats contre-révolutionnaires de la finance et leurs agents fascistes ne gênera en aucune manière l’activité au PC et la lutte de la classe ouvrière, le PC soutiendra par tous moyens ce gouvernement, la participation des communistes au gouvernement de front unique devant être décidée dans chaque cas particulier en tenant compte de la situation concrète.

3. — L’unité du mouvement syndical

Soulignant l’importance particulière de l’établissement du front unique dans le domaine de la lutte économique des ouvriers et de la création de l’unité syndicale en tant qu’étape la plus importante de l’affermissement du front unique du prolétariat, le Congrès fait un devoir aux communistes de prendre toutes les mesures pratiques pour réaliser l’unité syndicale à l’échelle de chaque industrie et à l’échelle nationale.

Les communistes sont partisans résolus du rétablissement de l’unité syndicale dans chaque pays, ainsi qu’à l’échelle internationale ; des syndicats de classe uniques, qui constituent un des remparts les plus importants de la classe ouvrière contre l’offensive du capital et du fascisme ; d’un syndicat unique dans chaque industrie ; d’une confédération syndicale unique dans chaque pays ; d’une fédération internationale unique pour chaque industrie ; d’une Internationale syndicale unique sur la base de la lutte de classes.

Dans les pays où existe des syndicats rouges peu importantes, il est nécessaire d’obtenir leur entrée dans les grandes syndicats réformistes, en réclamant la liberté de défendre leurs opinions et la réintégration des exclus ; et, dans les pays où existent parallèlement de grands syndicats rouges et réformistes leur fusion sur une base d’égalité, sur la plate-forme de la lutte contre l’offensive du capital, avec garantie de la démocratie syndicale.

Dans les syndicats réformistes et les syndicats unifiés les communistes doivent travailler activement, renforcer ces syndicats, y recruter les ouvriers inorganisés, faire tous les efforts pour que ces organisations défendent véritablement les intérêts des ouvriers et deviennent en fait de véritables organisations de classe. Les communistes doivent, pour cela, s’assurer le soutien de tous les adhérents, des militants et des organisations dans leur ensemble.

Les communistes ont le devoir de défendre les syndicats contre toutes les tentatives de la bourgeoisie et du fascisme, de restreindre leurs droits ou de les détruire.

Si les dirigeants réformistes appliquent une politique d’exclusion, des syndicats, des ouvriers révolutionnaires ou d’organisations entières, ou bien une politique de répression d’un autre genre, les communistes doivent mobiliser toute la masse des syndiqués contre l’activité scissionniste de la direction en organisant en même temps la liaison des exclus avec la masse des syndiqués et la lutte commune pour la réintégration, pour l’établissement de l’unité compromise.

Les syndicats rouges et l’I.S.R. doivent recevoir le plus grand appui de la part des PC dans leurs efforts pour aboutir à la lutte commune des syndicats de toutes les tendances et réaliser l’unité syndicale nationale et internationale sur la base de la lutte de classes et de la démocratie syndicale.

4. — Les tâches des communistes dans les différents secteurs du mouvement antifasciste

§1. Le Congrès attire l’attention la plus sérieuse sur la nécessité d’une lutte idéologique systématique contre le fascisme. Considérant que le chauvinisme est la principale et la plus dangereuse forme de l’idéologie fasciste, il est nécessaire de montrer aux masses que la bourgeoisie fasciste, sous prétexte de défendre les intérêts de la nation tout entière, réalise sa politique intéressée de classe, politique d’oppression et d’exploitation de son propre peuple, comme aussi de spoliation et d’asservissement d’autres peuples.

Il importe de montrer que la classe ouvrière qui lutte contre tout esclavage et toute oppression nationale, est le seul, le véritable champion de la liberté nationale et de l’indépendance des peuples.

Les communistes doivent combattre énergiquement a falsification fasciste de l’histoire du peuple en faisant tout pour éclairer les masses travailleuses d’une façon historiquement juste et dans un esprit véritablement léniniste— staliniste, sur le passé de leur propre peuple afin de relier sa lutte actuelle avec les traditions révolutionnaires du passé.

Le Congrès met en garde contre toute attitude dédaigneuse l’égard de la question de l’indépendance nationale et des sentiments nationaux des grandes masses populaires, attitude qui facilite le développement des campagnes chauvines des fascistes (Sarre, région allemande de Tchécoslovaquie, etc…); il insiste sur la nécessité d’une application juste et concrète de la politique nationale léniniste-staliniste.

Adversaires de principe intransigeants du nationalisme bourgeois dans toutes ses variétés, les communistes ne sont nullement partisans du nihilisme national, d’une attitude de dédain à l’égard du sort son propre peuple.

§2. Les communistes doivent entrer dans toutes les organisations fascistes de masse ayant le monopole de la légalité dans les pays respectifs, utilisant à cet effet la moindre possibilité légale ou semi-légale de travail dans ces organisations, afin d’opposer les intérêts des masses qui en font partie à la politique du fascisme et de décomposer sa base de masse.

En commençant par les mouvements les plus élémentaires de protestation autour des besoins vitaux des travailleurs, les communistes doivent, par une tactique souple, s’efforcer d’entraîner dans le mouvement des masses de plus en plus nombreuses et surtout les ouvriers qui, par inconscience, suivent encore les fascistes.

Au fur et à mesure que le mouvement s’étend en largeur et eu profondeur, il faut changer les mots d’ordre de lutte en préparant le renversement de la dictature fasciste avec l’aide des masses qui se trouvent dans les organisations fascistes.

§3. En défendant énergiquement et avec conséquence les intérêts et revendications des chômeurs, en les organisant et les conduisant à la lutte pour l’obtention du travail, pour des allocations suffisantes, pour les assurances, etc., les communistes doivent entraîner les chômeurs dans le mouvement de front unique, éliminant de toutes les façons l’influence du fascisme dans leur milieu. Ce faisant, il faut tenir rigoureusement compte des particularités des différentes catégories de chômeurs (qualifiés et non qualifiés, organisés et inorganisés, hommes et femmes, jeunesse, etc…).

§4. Le Congrès insiste devant tous les PC des pays capitalistes sur le rôle extrêmement important de la jeunesse dans la lutte contre le fascisme. C’est principalement dans les rangs de la jeunesse que le fascisme recrute ses détachements de choc.

Combattant la sous-estimation de l’importance du travail de masse parmi la jeunesse travailleuse, prenant des mesures effectives pour en finir avec le caractère fermé des organisations des Jeunesses Communistes : les PC doivent contribuer de toutes les façons à grouper les forces de toutes les organisations non fascistes de masse des jeunes, et notamment, des organisations de jeunes des syndicats et des coopératives, etc., sur la base du plus large front unique, allant jusqu’à la création de toutes sortes d’organisations communes pour la lutte contre le fascisme, contre la spoliation inouïe de la jeunesse de tous ses droits et sa militarisation pour les intérêts économiques et culturels de la jeune génération.

Il faut poser le problème de la création d’une association antifasciste des jeunesses communistes et socialistes, sur une plate- forme de lutte de classes. Les PC doivent aider par tous les moyens au développement et au renforcement des organisations des Jeunesses Communistes.

§5. La nécessité vitale d’entraîner le Front populaire unique des millions de femmes travailleuses, et en premier lieu les ouvrières et paysannes travailleuses, quelles que soient leurs opinions de parti ou leurs convictions religieuses, exige des communistes une activité renforcée en vue de développer un mouvement de masse parmi les femmes travailleuses autour de la lutte pour leurs revendications et intérêts vitaux, notamment dans la lutte contre la vie chère, l’inégalité de la femme et son asservissement par le fascisme, contre les licenciements massifs, pour l’augmentation des salaires selon le principe : «À travail égal, salaire égal», contre le danger de guerre.

Il faut, dans chaque pays, ainsi qu’à l’échelle internationale, appliquer avec souplesse les formes d’organisation les plus diverses afin d’établir un contact et d’assurer le travail en commun des organisations féminines, révolutionnaires, social-démocrates et progressistes, avec garantie de la liberté d’opinion et de critique, sans reculer devant la création, là où il le faudra, d’organisations féminines distinctes.

§6. Les communistes doivent lutter pour entraîner dans les rangs du front unique du prolétariat et du front populaire antifasciste les organisations coopératives.

Il faut que les communistes prêtent une aide des plus actives dans la lutte des coopératives pour les intérêts vitaux de leurs membres, notamment dans la lutte contre la vie chère, pour les crédits, contre l’introduction de droits de douane spoliateurs et de nouveaux impôts, contre la limitation de l’activité des coopératives et leur destruction par les fascistes, etc.

§7. Les communistes doivent prendre l’initiative de la création d’une autodéfense antifasciste de masse contre l’agression des bandes fascistes, autodéfense composée des éléments fermes et éprouvés du mouvement de front unique.

5. — Le front populaire antiimpérialiste dans les pays coloniaux

Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, la principale tâche des communistes est de travailler à la création d’un front populaire antiimpérialiste.

Dans ce but, il faut entraîner les plus larges masses dans le mouvement de libération nationale contre l’exploitation impérialiste croissante, contre l’asservissement atroce, pour l’expulsion des impérialistes, pour l’indépendance du pays ; participer activement aux mouvements anti-impérialistes de masse dirigés par les nationaux-réformistes, travailler à réaliser des actions communes sur la base d’une plate-forme anti-impérialiste et concrète, avec les organisations nationales révolutionnaires et nationales réformistes.

En Chine, il est nécessaire de coordonner l’extension du mouvement soviétique et le renforcement de la puissance de combat de l’Armée rouge avec le développement du mouvement populaire anti-impérialiste dans tout le pays. Ce mouvement doit être conduit sous le mot d’ordre de la lutte nationale révolutionnaire du peuple armé contre les asservisseurs impérialistes, avant tout contre l’impérialisme japonais, et leurs valets chinois. Les Soviets doivent devenir le centre d’union de tout le peuple chinois dans sa lutte libératrice.

Le prolétariat des pays impérialistes, dans l’intérêt de sa lutte de libération, doit soutenir par tous les moyens la lutte libératrice des peuples coloniaux contre les envahisseurs impérialistes.

6. — Le renforcement des PC et la lutte pour l’unité politique de la classe ouvrière

Le Congrès souligne avec une insistance particulière que seuls un renforcement continu à tous égards des PC eux-mêmes, le développement de leur initiative, et leur politique conforme aux principes marxistes-léninistes et leur tactique juste et souple, qui tient compte de la situation concrète et de la disposition des forces de classes, peuvent assurer la mobilisation des plus larges masses travailleuses pour la lutte unie contre le fascisme, contre le capitalisme.

La réalisation effective du front unique exige des communistes qu’ils surmontent dans leurs propres rangs le sectarisme présomptueux qui, au moment actuel, dans nombre de cas, n’est plus une «maladie infantile» du mouvement communiste, mais un vice enraciné. En surestimant le degré de maturité révolutionnaire des masses, en créant l’illusion qu’on avait réussi déjà à barrer la route au fascisme alors que le mouvement fasciste continuait à croître, ce sectarisme cultivait en fait la passivité devant le fascisme.

En substituant, dans la pratique, aux méthodes de la direction des masses, les méthodes de direction d’un groupe étroit du parti, en remplaçant la politique de masse par une propagande abstraite et un doctrinarisme gauchiste ; en renonçant au travail dans les syndicats réformistes et les organisations fascistes de masse, en standardisant la tactique et les mots d’ordre pour tous les pays sans tenir compte des particularités de la situation concrète dans chaque pays donné, ce sectarisme ralentissait dans une notable mesure le développement des PC, rendait plus difficile l’application d’une véritable politique de masse, empêchait d’utiliser les difficultés éprouvées pour l’ennemi de classe pour fortifier le mouvement révolutionnaire, empêchait de gagner aux PC les grandes masses prolétariennes.

Tout en luttant de la façon la plus énergique pour extirper tous les restes du sectarisme qui, à l’heure actuelle, constitue un obstacle extrêmement sérieux à l’application d’une véritable politique bolchéviste de masse des PC, les communistes doivent redoubler de vigilance à l’égard du danger que représente l’opportunisme de droite et mener une lutte résolue contre toutes ses manifestations concrètes, considérant qu’avec l’application large de la tactique du front unique le danger de droite ira croissant.

La lutte pour l’établissement du front unique, de l’unité d’action de la classe ouvrière exige que l’on convainque par les faits les ouvriers social-démocrates de la justesse de la politique communiste et de la fausseté de la politique réformiste.

Elle fait un devoir à chaque PC de mener une lutte intransigeante contre toute tendance à estomper la différence de principe entre le communisme et le réformisme. Social-démocratisme, à affaiblir la critique du social-démocratisme, en tant qu’idéologie et pratique de la collaboration de classe avec la bourgeoisie, contre l’illusion que le socialisme peut être réalisé par la voie pacifique légale, contre toute orientation vers l’automatisme et la spontanéité, tant pour la liquidation du fascisme que pour la réalisation du front unique, contre l’abaissement du rôle du Parti et contre les moindres hésitations au moment de l’action décisive.

Estimant que les intérêts de la lutte de classe du prolétariat et le succès de la révolution prolétarienne rendent nécessaire l’existence, dans chaque pays d’un Parti politique unique de masse de la classe ouvrière, le Congrès assigne aux PC la tâche : forts de l’élan croissant des ouvriers vers l’unification des partis social-démocrates ou d’organisations particulières avec les PC, ceux-ci doivent prendre en leurs mains l’initiative de cette œuvre d’unification.

À cet effet, il est absolument nécessaire d’expliquer aux ouvriers qu’une telle unification n’est possible que si les conditions suivantes se trouvent remplies : la condition de l’indépendance complète vis-à-vis de la bourgeoisie et la rupture complète du bloc de la social-démocratie avec la bourgeoisie ; la condition de la réalisation préalable de l’unité d’action ; la condition de la reconnaissance de la nécessité du renversement révolutionnaire de la domination de la bourgeoisie et de l’instauration de la dictature du prolétariat sous forme de soviets ; la condition du renoncement au soutien de sa propre bourgeoisie dans une guerre impérialiste ; la condition de l’édification du Parti sur la base du centralisme démocratique, assurant l’unité de volonté et d’action, et éprouvé par l’expérience des bolchéviks russes.

En même temps, il faut combattre résolument les tentatives des démagogues social-démocrates de «gauche» visant à profiter de la déception parmi les ouvriers social-démocrates pour créer des partis socialistes nouveaux et une nouvelle «Internationale», tentatives dirigées contre le mouvement communiste et approfondissant ainsi la division de la classe ouvrière.

Estimant que l’unité d’action est une nécessité impérieuse et le moyen le plus sûr de réaliser également l’unité politique du prolétariat, le 7e Congrès de l’IC déclare au nom de toutes ses Sections que celles-ci sont prêtes à engager immédiatement des pourparlers avec les partis respectifs de la 2e Internationale, en vue de réaliser l’unité d’action de la classe ouvrière contre l’offensive du capital, le fascisme et la menace de guerre impérialiste, ainsi que l’IC se déclare prête à entrer en pourparlers, dans ce but, avec la 2e Internationale.

7. — Pour le pouvoir des Soviets

Dans la lutte pour la défense des libertés démocratiques bourgeoises et des conquêtes des travailleurs contre le fascisme, le prolétariat révolutionnaire prépare ses forces, affermit les liaisons de combat avec ses alliés et oriente la lutte vers la conquête de la démocratie véritable des travailleurs, du pouvoir soviétique.

L’affermissement continu du pays des Soviets, le rassemblement autour de lui du prolétariat mondial et le puissant essor de l’autorité internationale du PC de l’US, le revirement amorcé des ouvriers social-démocrates et des ouvriers organisés dans les syndicats réformistes vers la lutte de classe révolutionnaire, le développement de la résistance de masse au fascisme et la croissance du mouvement révolutionnaire dans les colonies, le déclin de la 2 e Internationale et l’ascension de l’IC, autant de facteurs accélèrent et continueront d’accélérer le développement de révolution socialiste mondiale.

Le monde capitaliste entre dans une période de conflits violents à la suite de l’aggravation des contradictions intérieures et extérieures du capitalisme.

S’orientant vers cette perspective de développement révolutionnaire, le 7e Congrès de l’IC appelle les PC à la plus grande activité et hardiesse politiques, une lutte inlassable pour l’établissement de l’unité d’action de la classe ouvrière.

L’établissement du front unique de la classe ouvrière est le chaînon décisif de la préparation des travailleurs aux grands combats imminents du deuxième cycle de révolutions prolétariennes. Seul le rassemblement du prolétariat en une armée politique unique de masse assurera sa victoire dans la lutte contre le fascisme et le pouvoir du capital, pour la dictature du prolétariat et le des Soviets.

«La victoire de la révolution ne vient jamais d’elle-même. Il faut la préparer et la conquérir. Or, la préparer et la conquérir, seul un Parti prolétarien révolutionnaire fort peut le faire.» (Staline)

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Discours de Dimitrov en conclusion aux débats après son rapport

Georgi Dimitrov

Discours au 7e congrès de l’Internationale communiste en conclusion aux débats après son rapport: Pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme

13 aout 1935

Les débats circonstanciés qui se sont déroulés sur mon rapport, témoignent de l’immense intérêt du congrès pour les principaux problèmes et tâches tactiques de la lutte de la classe ouvrière contre l’offensive du Capital et le fascisme, contre la menace de guerre impérialiste.

Si nous dressons maintenant le bilan des huit jours de discussion, nous pouvons constater que toutes les thèses essentielles du rapport ont reçu l’approbation unanime du congrès. Personne parmi les orateurs n’a soulevé d’objection contre les thèses tactiques formulées par nous et contre la résolution proposée.

On peut affirmer hardiment qu’à aucun des congrès précédents de l’Internationale communiste, il ne s’était manifesté une cohésion idéologique et politique pareille à la cohésion actuelle. La complète unanimité du congrès est l’indice que, dans nos rangs, on a acquis la pleine conscience de la nécessité de reconstruire notre politique et notre tactique en conformité avec la situation modifiée et sur la base de l’expérience particulièrement riche et instructive des dernières années.

Cette unanimité, on peut incontestablement la considérer comme une des conditions les plus importantes pour résoudre la tâche centrale immédiate du mouvement international du prolétariat, à savoir l’établissement de l’unité d’action de tous les détachements de la classe ouvrière dans la lutte contre le fascisme.

Pour résoudre cette tâche avec succès, il est nécessaire, premièrement, que les communistes sachent manier habilement l’arme de l’analyse marxiste-léniniste, en étudiant soigneusement, dans leur développement, la situation concrète et le rapport des forces de classe, et qu’ils dressent en conséquence leurs plans d’action et de lutte.

C’est de la façon la plus implacable que nous devons extirper cet attachement, trop fréquent parmi les communistes, aux schémas factices, aux formules sans vie, aux clichés tout faits.

Il faut en finir avec l’état de choses où des communistes, dépourvus des connaissances ou des aptitudes nécessaires pour faire une analyse marxiste-léniniste, remplacent cette analyse par des phrases générales et des mots d’ordre généraux, comme l' »issue révolutionnaire de la crise », sans faire aucune tentative sérieuse pour expliquer dans quelles conditions, sur la base de quel rapport des forces de classe, à quel degré de maturité révolutionnaire du prolétariat et des masses travailleuses, à quel niveau d’influence du Parti communiste, une telle issue révolutionnaire de la crise est possible. Or, à défaut d’une telle analyse, tous les mots d’ordre de ce genre ne sont qu’un hochet, une phrase vide de contenu, qui ne fait qu’obscurcir nos tâches du jour.

Sans une analyse marxiste-léniniste concrète, nous ne saurons jamais poser et résoudre judicieusement ni la question du fascisme, ni la question du front unique prolétarien et du Front populaire, ni celle de notre attitude à l’égard de la démocratie bourgeoise, ni celle du gouvernement de front unique, ni celle des processus qui se déroulent au sein de la classe ouvrière et, en particulier, parmi les ouvriers social-démocrates, ni la foule des autres problèmes nouveaux et compliqués que la vie elle-même et le développement de la lutte de classe posent et poseront devant nous.

Deuxièmement, nous avons besoin d’hommes vivants, d’hommes qui sortent de la masse ouvrière, de sa lutte quotidienne, d’hommes d’action de combat, dévoués sans réserve à la cause du prolétariat, d’hommes qui, de leur énergie et de leurs bras, travailleront à réaliser les décisions de notre congrès.

Sans cadres bolchéviks, léninistes-stalinistes, nous ne résoudrons pas les tâches énormes qui se dressent devant les travailleurs dans la lutte contre le fascisme.

Troisièmement, il nous faut des hommes armés de la boussole de la théorie marxiste-léniniste, car sans le maniement habile de cette boussole, les hommes tombent dans un étroit praticisme sans horizon, ne trouvent de solutions qu’au jour le jour, perdent de vue la vaste perspective de lutte qui montre aux masses où nous allons et pourquoi, et où nous menons les travailleurs.

Quatrièmement, il nous faut une organisation des masses pour faire passer nos décisions dans les actes. Notre influence idéologique et politique seule ne suffit pas.

Nous devons en finir avec l’orientation vers la spontanéité du mouvement qui est une de nos principales faiblesses. Nous devons nous souvenir que sans un travail d’organisation, obstiné, long, patient, qui semble parfois ingrat, les masses n’accosteront pas la rive communiste.

Pour savoir organiser les masses, il faut que nous apprenions l’art léniniste-staliniste de faire de nos décisions le bien non seulement des communistes, mais aussi des plus grandes masses de travailleurs. Il faut apprendre à parler aux masses, non pas la langue des formules livresques, mais la langue des champions de la cause des masses, dont chaque parole, chaque idée reflète les pensées et les sentiments des millions de travailleurs.

C’est sur ces questions que je voudrais d’abord insister dans mon discours de clôture.

Le congrès a accueilli les nouvelles thèses tactiques avec un grand enthousiasme et à l’unanimité. Certes, l’enthousiasme et l’unanimité sont en eux-mêmes d’excellentes choses, mais ce qui est mieux encore, c’est qu’ils s’accompagnent d’un examen profondément réfléchi et critique des tâches qui se présentent à nous, d’une assimilation complète des décisions prises et d’une compréhension réelle des moyens et des méthodes nécessaires pour appliquer ces décisions à la situation concrète de chaque pays. Car, auparavant aussi, nous adoptions unanimement des décisions qui n’étaient pas mauvaises. Mais le malheur était que, souvent, nous ne les adoptions que pour la forme et que, dans la meilleure des hypothèses, nous faisions de ces décisions le bien d’une avant-garde peu nombreuse de la classe ouvrière. Nos décisions ne devenaient pas la chair et le sang des grandes masses, elles ne devenaient pas un guide pour l’action de millions d’hommes.

Peut-on affirmer que nous nous sommes déjà débarrassés définitivement de cette manière formelle de traiter les résolutions adoptées? Non. Il faut dire qu’à ce congrès aussi, dans les interventions de certains délégués, il se manifeste des vestiges de formalisme, qu’on y sent parfois la tendance à remplacer l’analyse concrète de la réalité et l’expérience vivante par un nouveau schéma quelconque, une nouvelle formule simplifiée, sans vie, la tendance à présenter comme une réalité, comme une chose existante, ce que nous désirons, mais qui n’existe pas encore en fait.

La lutte contre le fascisme doit être concrète

Il n’est point de caractéristique générale du fascisme, si juste qu’elle soit par elle-même, qui nous dispensera de la nécessité d’étudier concrètement et de prendre en considération les particularités du développement du fascisme et des formes diverses de la dictature fasciste dans les différents pays et aux différentes étapes. Dans chaque pays, il est nécessaire de scruter, d’étudier et de découvrir ce que le fascisme a de proprement national, de spécifiquement national, et d’établir, en conséquence, les méthodes et formes efficaces de lutte contre le fascisme.

Lénine nous mettait en garde avec insistance contre « la standardisation, l’ajustement mécanique, l’identification des règles tactiques, des règles de lutte ». Cette indication est particulièrement vraie quand il s’agit de la lutte contre un ennemi qui exploite avec autant de raffinement, autant de jésuitisme les sentiments et les préjugés nationaux des masses ainsi que leurs inclinations anticapitalistes dans l’intérêt du grand Capital.

Un tel ennemi, il faut le connaître exactement et sous toutes ses faces. Nous devons, sans le moindre retard, réagir contre ses manoeuvres variées, déceler ses subterfuges, être prêts à riposter sur n’importe quel terrain et à n’importe quel moment. Il ne faut avoir aucun scrupule à apprendre même de l’ennemi, si cela nous aide à lui tordre le cou plus vite et plus sûrement.

Ce serait une erreur grossière que d’établir un schéma général du développement du fascisme applicable à tous les pays et à tous les peuples. Un tel schéma ne nous serait d’aucun secours, il nous empêcherait au contraire de mener la lutte véritable.

C’est ainsi qu’on en arrive au surplus, à rejeter sans distinction dans le camp du fascisme des couches de la population qui, à condition qu’on les aborde de façon judicieuse, peuvent être, à un certain stade de développement, engagées dans la lutte contre le fascisme, ou tout au moins neutralisées.

Prenons, par exemple, le développement du fascisme en France et en Allemagne. Certains communistes estiment qu’en France le fascisme ne peut en général se développer aussi facilement qu’en Allemagne. Qu’y a-t-il dans cette affirmation d’exact et qu’y a-t-il d’erroné? Il est exact que les traditions démocratiques n’étaient pas, en Allemagne, aussi profondément enracinées qu’elles le sont en France, dans ce pays qui, aux XVIIIe et XIXe siècles, est passé par plusieurs révolutions.

Il est exact que la France est un pays qui a gagné la guerre et imposé le système de Versailles à d’autres pays; qu’en France il n’existe pas dans les masses ce sentiment national blessé qui a joué un rôle si important en Allemagne. Il est exact que les masses fondamentales de la paysannerie en France sont animées d’un état d’esprit républicain, antifasciste, surtout dans le Midi, à la différence de l’Allemagne où, dès avant l’arrivée du fascisme au pouvoir, une partie considérable de la paysannerie se trouvait sous l’influence des partis réactionnaires.

Mais, en dépit des différences qui existent dans le développement du mouvement fasciste en France et en Allemagne, en dépit des facteurs qui mettent des entraves à l’offensive du fascisme en France, ce serait faire preuve de myopie que de ne pas voir la croissance ininterrompue, dans ce pays, du danger fasciste et de sous-estimer la possibilité d’un coup d’État fasciste.

Il existe en France de nombreux facteurs qui, d’autre part, favorisent le développement du fascisme. N’oubliez pas que la crise économique commencée en France plus tard que dans les autres pays capitalistes, continue à s’approfondir et à s’aggraver, et cela facilite singulièrement le déchaînement de la démagogie fasciste. Le fascisme français possède dans l’armée, parmi les officiers, de solides positions telles que les nationaux-socialistes n’en possédaient pas dans la Reichswehr avant leur arrivée au pouvoir.

En outre, il n’y a peut-être pas de pays où la corruption du régime parlementaire ait pris des proportions aussi monstrueuses, et où elle ait provoqué une indignation des masses aussi grande qu’en France. C’est là-dessus, comme on sait, que les fascistes français spéculent démagogiquement dans leur lutte contre la démocratie bourgeoise.

N’oubliez pas non plus que la crainte aiguë de la bourgeoisie française de perdre son hégémonie politique et militaire en Europe favorise également le développement du fascisme.

Il s’ensuit que les succès du mouvement antifasciste en France, dont Thorez et Cachin nous ont parlé ici et dont nous nous réjouissons de tout notre coeur, ne sauraient encore être envisagés, loin de là, comme une preuve que les masses travailleuses ont réussi à barrer définitivement la route au fascisme. Il faut, une fois de plus, souligner avec insistance toute l’importance des tâches de la classe ouvrière française dans la lutte contre le fascisme, tâches que j’ai déjà indiquées dans mon rapport.

Il est dangereux également de se faire des illusions sur la faiblesse du fascisme dans d’autres pays où il ne dispose pas d’une large base de masse. Nous en avons des exemples tels ceux de la Bulgarie, de la Yougoslavie, de la Finlande, où le fascisme, tout en manquant de base large, n’en est pas moins arrivé au pouvoir en s’appuyant sur les forces armées de l’État, et où il a cherché ensuite à élargir sa base en se servant de l’appareil d’État.

Dutt avait raison d’affirmer qu’il existait dans nos rangs une tendance à considérer le fascisme “en général”, sans tenir compte des particularités concrètes des mouvements fascistes dans les différents pays et en taxant à tort de fascisme toutes les mesures réactionnaires de la bourgeoisie, ou même en qualifiant tout le camp non communiste de camp fasciste. Loin de renforcer la lutte contre le fascisme, tout cela l’a, au contraire, affaiblie.

Or, il subsiste encore maintenant des vestiges de l’attitude schématique à l’égard du fascisme.

N’est-ce pas une manifestation de cette attitude schématique que l’affirmation de certains communistes assurant que l’“ère nouvelle” de Roosevelt représente une forme encore plus nette, plus aiguë de l’évolution de la bourgeoisie vers le fascisme que, par exemple, le “gouvernement national” d’Angleterre?

Il faut être aveuglé par une dose considérable de schématisme pour ne pas voir que ce sont justement les cercles les plus réactionnaires du Capital financier américain en train d’attaquer Roosevelt, qui représentent, avant tout, la force qui stimule et organise le mouvement fasciste aux États-Unis. Ne pas voir le fascisme réel prendre naissance aux États-Unis sous les phrases hypocrites de ces cercles en faveur de la « défense des droits démocratiques des citoyens américains », c’est désorienter la classe ouvrière dans la lutte contre son pire ennemi.

Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux se développent également, comme on l’a signalé dans la discussion, certains groupes fascistes, mais, évidemment, il ne peut y être question du même genre de fascisme que nous connaissons en Allemagne, en Italie et dans les autres pays capitalistes. Là, il faut étudier et peser les conditions économiques, politiques et historiques tout à fait particulières, qui font et feront prendre au fascisme des formes spéciales.

Certains communistes qui ne savent pas envisager concrètement les phénomènes de la réalité vivante et qui souffrent de paresse d’esprit, remplacent l’étude minutieuse et approfondie de la situation concrète et du rapport des forces de classe par des formules générales qui ne disent rien.

Ils rappellent non point les tireurs d’élite qui frappent en plein but, mais ces “habiles” tireurs qui frappent systématiquement et infailliblement à côté du but et dont les coups portent tantôt plus haut, tantôt plus bas que le but, tantôt plus loin tantôt plus près de la cible. Eh bien ! nous, nous voulons, en tant que militants communistes du mouvement ouvrier, en tant qu’avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière, être de vrais tireurs d’élite qui sans manquer un seul coup frappent en plein but.

Front unique prolétarien, Front populaire antifasciste

Certains communistes se creusent vainement la tête pour savoir par quoi commencer: par le front unique du prolétariat ou par le front populaire antifasciste?

Les uns disent: on ne pourra pas entreprendre l’établissement du Front populaire antifasciste avant d’avoir organisé un solide front unique du prolétariat.

Mais, raisonnent les autres, comme l’établissement du front unique prolétarien se heurte dans nombre de pays à la résistance de la partie réactionnaire de la social-démocratie, mieux vaut commencer du coup par le Front populaire et, sur cette base seulement, déployer ensuite le front unique de la classe ouvrière.

Les uns et les autres, évidemment, ne comprennent pas que le front unique du prolétariat et le Front populaire antifasciste sont liés l’un à l’autre par la dialectique vivante de la lutte, qu’ils s’interpénètrent, se transforment l’un en l’autre au cours de la lutte pratique contre le fascisme, au lieu d’être séparés l’un de l’autre par une muraille de Chine.

Car, on ne saurait croire sérieusement qu’on puisse vraiment réaliser le Front populaire antifasciste sans établir l’unité d’action de la classe ouvrière elle-même, qui est la force dirigeante de ce Front populaire. Et, d’autre part, le développement ultérieur du front unique prolétarien dépend dans une mesure notable de sa transformation en un Front populaire contre le fascisme.

Imaginez-vous l’amateur de schémas qui, placé devant notre résolution, construit son schéma avec le zèle d’un véritable exégète:

D’abord le front unique du prolétariat par en bas, à l’échelle locale;

Puis le front unique par en bas, à l’échelle régionale;

Ensuite le front unique par en haut, passant par les mêmes degrés;

Après cela, l’unité du mouvement syndical;

Ensuite, le ralliement des autres partis antifascistes;

Puis le Front populaire déployé par en haut et par en bas;

Après quoi, il conviendra d’élever le mouvement à un degré supérieur, de le politiser, de le révolutionnariser, etc., et ainsi de suite. Vous direz que c’est un pur non-sens. Je suis d’accord avec vous. Mais c’est précisément le malheur qu’un tel non-sens sectaire, sous une forme ou sous une autre, se rencontre encore, à notre vif regret, dans nos rangs.

Comment donc la question se pose-t-elle en réalité? Évidemment, nous devons partout travailler à créer un vaste Front populaire général de lutte contre le fascisme. Mais, dans un grand nombre de pays, nous ne sortirons pas des conversations générales sur le Front populaire, si nous ne savons pas, par la mobilisation des masses ouvrières, briser la résistance de la partie réactionnaire de la social-démocratie au front unique de lutte du prolétariat. C’est ainsi que la question se pose avant tout en Angleterre, où la classe ouvrière forme la majorité de la population, où les trade-unions anglaises et le Parti travailliste ont derrière eux la masse essentielle de la classe ouvrière. C’est ainsi que la question se pose en Belgique, dans les pays Scandinaves, où, face à des Partis communistes numériquement faibles, se dressent de puissants syndicats de masse et des Partis social-démocrates numériquement forts.

Les communistes commettraient dans ces pays une faute politique très grave s’ils se dérobaient à la lutte pour l’établissement du Front unique prolétarien derrière des formules générales sur le Front populaire, lequel ne peut être établi sans la participation des organisations de masse de la classe ouvrière.

Pour réaliser dans ces pays un véritable Front populaire, les communistes doivent accomplir un immense travail politique et d’organisation dans les masses ouvrières. Ils doivent surmonter les préjugés de ces masses, qui considèrent leurs organisations réformistes de masse comme l’incarnation déjà réalisée de l’unité prolétarienne ; ils doivent convaincre ces masses que l’établissement du front unique avec les communistes signifie leur passage sur les positions de la lutte des classes, et que, seul, ce passage garantit le succès de la lutte contre l’offensive du Capital et le fascisme. Ce n’est pas en nous proposant dans ces pays des tâches plus vastes que nous surmonterons les difficultés que nous rencontrons.

C’est, au contraire, en luttant pour faire disparaître ces difficultés que nous préparerons non en paroles, mais en fait, la formation d’un véritable Front populaire de lutte contre le fascisme, contre l’offensive du Capital, contre la menace de guerre impérialiste.

La question se pose autrement dans des pays tels que la Pologne, où, à côté du mouvement ouvrier, se développe un puissant mouvement paysan, où les masses paysannes ont leurs propres organisations qui se radicalisent sous l’influence de la crise agraire, où l’oppression nationale suscite l’indignation parmi les minorités nationales.

Là, le développement du Front populaire de lutte se fera parallèlement au développement du front unique prolétarien et, parfois, dans ce type du pays, le mouvement du Front populaire peut même devancer le mouvement du front ouvrier.

Prenez un pays tel que l’Espagne, qui traverse un processus de révolution démocratique bourgeoise. Peut-on dire ici que la dispersion du prolétariat, au point de vue de l’organisation, exige l’établissement de la complète unité de lutte de la classe ouvrière avant la formation d’un front ouvrier et paysan contre Lerroux et Gil Robles?

En posant ainsi la question, nous isolerions le prolétariat de la paysannerie, nous abandonnerions en fait le mot d’ordre de la révolution agraire, nous faciliterions aux ennemis du peuple la possibilité de diviser le prolétariat et la paysannerie et d’opposer la paysannerie à la classe ouvrière. Comme on le sait, ce fut là une des causes principales de la défaite de la classe ouvrière asturienne lors des batailles d’octobre 1934.

Toutefois, il y a un point à ne pas oublier: dans tous les pays où le prolétariat est relativement peu nombreux, où la paysannerie et les couches petites-bourgeoises de la ville prédominent, dans ces pays il importe encore plus de déployer tous les efforts pour établir un solide front unique de la classe ouvrière elle-même, afin que celle-ci puisse occuper sa place de facteur dirigeant par rapport à tous les travailleurs.

Ainsi, par rapport à la solution du problème du front prolétarien et du Front populaire, on ne peut fournir des recettes universelles pour tous les cas de la vie, pour tous les pays et pour tous les peuples. L’universalisme dans ces choses-là, l’application des seules et mêmes recettes à tous les pays, équivaudrait, permettez-moi de vous le dire, à l’ignorance. Or, l’ignorance, nous devons la frapper même et surtout lorsqu’elle se manifeste sous l’enveloppe de schémas universels.

Le rôle de la social-démocratie et son attitude à l’égard du Front unique du prolétariat

Du point de vue de nos tâches tactiques, il importe beaucoup de donner une réponse juste à la question de savoir s’il est vrai que, et où il est vrai que la social-démocratie reste dans le moment présent, le principal soutien de la bourgeoisie.

Certains délégués qui sont intervenus dans les débats (Florin, Dutt), ont effleuré cette question, mais, vu son importance, il est nécessaire d’y faire une réponse plus complète. C’est une question que posent et que ne peuvent manquer de poser les ouvriers de toutes tendances, et surtout les ouvriers social-démocrates.

Il faut tenir compte que, dans beaucoup de pays, la situation de la social-démocratie dans l’État bourgeois ainsi que l’attitude de la social-démocratie à l’égard de la bourgeoisie se sont modifiées ou se modifient.

Premièrement, la crise a ébranlé à fond même la situation des couches les plus assurées de la classe ouvrière, de ce qu’on appelle l’aristocratie ouvrière, sur qui, comme on le sait, la social-démocratie s’appuie principalement. Et ces couches se mettent de plus en plus à réviser leurs anciennes opinions sur l’utilité de la politique de collaboration de classe avec la bourgeoisie.

Deuxièmement, dans un certain nombre de pays, comme je l’ai indiqué dans mon rapport, la bourgeoisie elle-même est contrainte de renoncer à la démocratie bourgeoise et de recourir à la forme terroriste de sa dictature, en privant la social-démocratie non seulement de son ancienne position dans le système étatique du Capital financier, mais même de son existence légale dans certaines conditions déterminées, en la soumettant aux persécutions, voire en l’écrasant complétement.

Troisièmement, sous l’influence, d’une part, des enseignements de la défaite des ouvriers d’Allemagne, d’Autriche et d’Espagne, défaite qui a été surtout le résultat de la politique social-démocrate de collaboration de classe avec la bourgeoisie et, d’autre part, sous l’influence de la victoire du socialisme dans l’Union soviétique, qui est due à la politique bolchévik et à l’application du marxisme révolutionnaire ‑ les ouvriers social-démocrates prennent un état d’esprit révolutionnaire, commencent à opérer un tournant vers la lutte de classe contre la bourgeoisie.

L’ensemble de ces causes rend plus difficile et, dans certains pays, tout à fait impossible pour la social-démocratie la continuation de son ancien rôle de soutien de la bourgeoisie. L’incompréhension de ce fait est particulièrement nuisible dans les pays où la dictature fasciste a ravi à la social-démocratie sa légalité. De ce point de vue, les délégués allemands qui, dans leurs discours, ont marqué la nécessité de cesser de se cramponner à la lettre de formules et de décisions surannées concernant la social-démocratie et de cesser de méconnaître les changements intervenus dans sa situation, avaient raison dans leur autocritique. Il est clair qu’une telle méconnaissance conduit à la déformation de notre ligne orientée vers l’établissement de l’unité de la classe ouvrière, et facilite aux éléments réactionnaires de la social-démocratie leur sabotage du front unique.

Mais le processus de poussée révolutionnaire au sein des Partis social-démocrates qui s’opère maintenant dans tous les pays, se développe d’une façon inégale.

On ne saurait se représenter les choses de telle sorte que les ouvriers social-démocrates en train d’acquérir un état d’esprit révolutionnaire, passeront d’un seul coup et en masse sur les positions de la lutte des classes conséquente et, sans aucune étape intermédiaire, s’uniront directement avec les communistes. Ce sera dans beaucoup de pays un processus plus ou moins difficile, plus ou moins compliqué et long, qui, en tout cas, dépendra essentiellement de la justesse de notre politique et de notre tactique. Nous devons compter même avec la possibilité que certains partis et certaines organisations social-démocrates, en passant des positions de collaboration de classe avec la bourgeoisie sur les positions de lutte de classe contre la bourgeoisie, continuent à subsister encore un certain temps comme organisations et partis indépendants.

En pareil cas, évidemment, il ne saurait être question de considérer de tels partis ou organisations social-démocrates comme un soutien de la bourgeoisie.

On ne saurait espérer que les ouvriers social-démocrates qui se trouvent sous l’influence de l’idéologie de collaboration de classe avec la bourgeoisie, idéologie qui leur est inculquée depuis des dizaines d’années, aillent renoncer d’eux-mêmes à cette idéologie sous l’action des seules causes objectives. Non. C’est à nous, communistes, de les aider à s’affranchir de la domination de l’idéologie réformiste.

L’explication des principes et du programme du communisme doit être poursuivie patiemment, en toute camaraderie, et en tenant compte du niveau de développement politique de chaque ouvrier social-démocrate. Nôtre critique du social-démocratisme doit devenir plus concrète et plus systématique.

Elle doit se baser sur l’expérience des masses social-démocrates elles-mêmes. Il ne faut pas perdre de vue que c’est avant tout sur la base de l’expérience de la lutte commune, menée coude à coude avec les communistes contre l’ennemi de classe, que l’on peut et que l’on doit faciliter et accélérer le développement révolutionnaire des ouvriers social-démocrates. Il n’est pas de moyen plus efficace de vaincre les hésitations et les doutes des ouvriers social-démocrates que la participation au front unique prolétarien.

Nous ferons tout ce qui dépend de nous pour faciliter le travail commun avec nous et la lutte commune contre l’ennemi de classe non seulement aux ouvriers social-démocrates, mais aussi à ceux des militants des partis et organisations social-démocrates qui désirent sincèrement passer sur la position de classe révolutionnaire.

Mais nous le déclarons en même temps: ceux des leaders socialistes, des simples militants et des ouvriers, qui continuent à soutenir le rôle scissionniste des chefs réactionnaires de la social-démocratie et à s’élever contre le front unique, aidant ainsi directement ou indirectement l’ennemi de classe, prennent par là-même devant la classe ouvrière une responsabilité non moindre que la responsabilité historique de ceux qui ont soutenu la politique social-démocrate de collaboration de classe, politique qui, dans une série de pays européens, a causé la perte de la révolution de 1918 et frayé la route au fascisme.

C’est la question de l’attitude à l’égard du front unique qui sert de ligne de démarcation entre la partie réactionnaire de la social-démocratie et ses couches en train de prendre un état d’esprit révolutionnaire. Notre aide en faveur de ces couches-là, sera d’autant plus efficace que notre lutte sera plus forte contre le camp réactionnaire de la social-démocratie, coalisé avec la bourgeoisie.

Et, à l’intérieur du camp de gauche de la social-démocratie, on verra ses différents éléments se définir eux-mêmes d’autant plus vite que les communistes lutteront plus résolument pour le front unique avec les partis social-démocrates.

La pratique de la lutte des classes et la participation des social-démocrates au mouvement de front unique feront voir qui, dans ce camp, se déclare “pour la gauche” en paroles, et qui est effectivement de la gauche.

À propos du gouvernement de Front unique

Ainsi, l’attitude de la social-démocratie à l’égard de la réalisation pratique du front unique du prolétariat est, en général, dans chaque pays, l’indice principal permettant de voir si l’ancien rôle du parti social-démocrate ou de certains de ses détachements dans l’État bourgeois s’est modifié et dans quelle mesure il s’est modifié; mais on aura aussi un indice particulièrement clair dans l’attitude de la social-démocratie sur la question du gouvernement de front unique.

Dans la situation où la question de former un gouvernement de front unique figurera à l’ordre du jour comme tâche pratique immédiate, c’est cette question qui deviendra décisive, qui servira de pierre de touche pour la politique de la social-démocratie du pays donné: ou bien avec la bourgeoisie en voie de fascisation contre la classe ouvrière, ou bien avec le prolétariat révolutionnaire contre le fascisme et la réaction, non en paroles, mais en actes; c’est ainsi que sera posée la question inéluctable au moment de la formation du gouvernement de front unique, comme aussi pendant le temps où le pouvoir sera exercé par ce gouvernement.

Quant au caractère et aux conditions de la formation d’un gouvernement de front unique ou de Front populaire antifasciste, il me semble que, dans mon rapport, j’ai déjà dit ce qui est nécessaire pour l’orientation tactique générale. Vouloir que nous fixions par surcroît tous les modes possibles et toutes les conditions de formation d’un tel gouvernement, c’est se livrer à des conjectures stériles.

Je voudrais vous mettre en garde contre toute simplification et tout schématisme dans cette question. La vie est plus compliquée que tous les schémas. Il est faux, par exemple, de présenter les choses comme si le gouvernement de front unique était une étape indispensable sur la voie de l’instauration de la dictature du prolétariat.

C’est aussi faux qu’il était faux autrefois de présenter les choses comme si dans les pays fascistes, il n’y avait aucune étape intermédiaire, la dictature fasciste étant obligatoirement et directement remplacée par la dictature du prolétariat.

Le fond de la question se réduit à savoir si le prolétariat lui-même se trouvera prêt, au moment décisif, à renverser immédiatement la bourgeoisie et à instaurer son pouvoir, avec la possibilité dans ce cas de s’assurer le soutien de ses alliés, ou bien si c’est le mouvement de front unique qui se trouvera simplement en mesure, à l’étape donnée, d’écraser ou de renverser le fascisme, sans passer immédiatement à la liquidation de la dictature de la bourgeoisie. Dans le dernier cas, renoncer à créer et à soutenir le gouvernement de front unique ou de Front populaire pour cette seule raison, serait un exemple inadmissible de myopie politique et non pas une politique révolutionnaire sérieuse.

Il n’est pas difficile non plus de comprendre que la formation d’un gouvernement de front unique dans les pays où le fascisme n’est pas encore au pouvoir, c’est autre chose que dans les pays à dictature fasciste. Dans ces pays-ci, la formation d’un tel gouvernement n’est possible qu’au cours du processus de renversement du pouvoir fasciste. Dans les pays où se développe la révolution démocratique bourgeoise, un gouvernement de Front populaire pourrait devenir le gouvernement de la dictature démocratique de la classe ouvrière et de la paysannerie.

Comme je l’ai déjà indiqué dans mon rapport, les communistes soutiendront, par tous les moyens, le gouvernement de front unique, dans la mesure où celui-ci combattra réellement les ennemis du peuple et laissera leur liberté d’action au Parti communiste et à la classe ouvrière. Quant au problème de la participation des communistes au gouvernement, il dépend exclusivement de la situation concrète. Les questions de ce genre seront résolues dans chaque cas particulier. Ici, on ne saurait donner d’avance aucune recette toute faite.

De l’attitude à l’égard de la démocratie bourgeoise

Il a été dit ici qu’au sein du Parti polonais qui mobilise les masses contre les attaques dont les droits des travailleurs sont l’objet de la part du fascisme, « il existait cependant la crainte de formuler positivement des revendications démocratiques, pour ne pas créer d’illusions démocratiques parmi les masses ». Cette crainte de formuler positivement des revendications démocratiques n’existe pas seulement, sous une forme ou l’autre, dans le Parti polonais.

D’où vient cette crainte? De la façon erronée, non dialectique, de poser la question de l’attitude à l’égard de la démocratie bourgeoise. Nous, communistes, nous sommes les partisans irréductibles de la démocratie soviétique dont la dictature prolétarienne a donné un grand exemple dans l’Union soviétique, jusqu’ici, ‑ au moment même où dans les pays capitalistes on liquide les derniers restes de démocratie bourgeoise, ‑ par décision du VIIe congrès des Soviets, on proclame l’introduction du scrutin égal, direct et secret.

Cette démocratie soviétique suppose la victoire de la révolution prolétarienne, la transformation de la propriété privée des moyens de production en propriété sociale, le passage de la majorité écrasante du peuple sur la voie du socialisme.

Cette démocratie ne constitue point une forme achevée; elle se développe et continuera à se développer au fur et à mesure des succès ultérieurs de l’édification socialiste, de la création de la société sans classes et de la disparition des survivances du capitalisme dans l’économie et dans la conscience des hommes.

Mais, aujourd’hui, le problème pour les millions de travailleurs qui vivent dans les conditions du capitalisme, c’est de déterminer leur attitude à l’égard des formes que la domination de la bourgeoisie revêt dans les différents pays. Nous ne sommes pas des anarchistes, et nous ne sommes pas le moins du monde indifférents à la question de savoir quel régime politique existe dans tel pays donné: la dictature bourgeoise sous la forme de la démocratie bourgeoise, fût-ce avec les droits et les libertés démocratiques les plus réduits, ou bien la dictature bourgeoise sous sa forme fasciste déclarée. Partisans de la démocratie soviétique, nous défendrons chaque pouce des conquêtes démocratiques qui ont été arrachées par la classe ouvrière au cours de longues années de lutte opiniâtre, et nous lutterons résolument pour leur extension.

Que de sacrifices a dû consentir la classe ouvrière d’Angleterre avant de conquérir le droit de grève, l’existence légale de ses trade-unions, la liberté de réunion, la liberté de la presse, l’extension du droit de suffrage, etc. ! Combien de dizaines de milliers d’ouvriers ont donné leur vie dans les combats révolutionnaires livrés en France au XIXe siècle pour conquérir les droits élémentaires et les possibilités légales d’organiser leurs forces pour la lutte contre les exploiteurs! Le prolétariat de tous les pays a versé beaucoup de sang pour conquérir les libertés démocratiques bourgeoises, et l’on conçoit qu’il veuille lutter de toutes ses forces pour les conserver.

Notre attitude envers la démocratie bourgeoise n’est pas la même dans toutes les conditions. Ainsi, pendant la Révolution d’Octobre, les bolchéviks russes menaient un combat à mort contre tous les partis politiques qui, sous le drapeau de la défense de la démocratie bourgeoise, se dressaient contre l’instauration de la dictature du prolétariat.

Les bolchéviks combattaient ces partis parce que le drapeau de la démocratie bourgeoise était devenu alors le drapeau sous lequel toutes les forces contre-révolutionnaires se mobilisaient pour la lutte contre la victoire du prolétariat.

La situation des pays capitalistes est aujourd’hui tout autre. Aujourd’hui c’est la contre-révolution fasciste qui attaque la démocratie bourgeoise, dans son effort pour soumettre les travailleurs au régime d’exploitation et d’écrasement le plus barbare.

Aujourd’hui, dans une série de pays capitalistes, les masses travailleuses ont à choisir concrètement, pour l’instant présent, non entre la dictature du prolétariat et la démocratie bourgeoise, mais entre la démocratie bourgeoise et le fascisme.

En outre, la situation actuelle diffère de celle qui existait, par exemple, à l’époque de la stabilisation du capitalisme. Il n’y avait pas alors de danger fasciste aussi accentué qu’au moment présent. Alors, les ouvriers révolutionnaires, dans une série de pays, avaient devant eux la dictature bourgeoise sous la forme de la démocratie bourgeoise, et c’était contre elle qu’ils concentraient principalement leur feu.

En Allemagne, ils combattaient la République de Weimar non en tant que République, mais parce que c’était une République bourgeoise qui avait réprimé le mouvement révolutionnaire du prolétariat, particulièrement dans les années 1918‑1920 et en 1923.

Mais les communistes pouvaient-ils demeurer sur cette position même au moment où le mouvement fasciste commençait à lever la tête, où, par exemple en Allemagne, en 1932, les fascistes organisaient et armaient leurs troupes d’assaut par centaines de milliers d’hommes contre la classe ouvrière? Évidemment, non.

La faute des communistes dans une série de pays, et, notamment, en Allemagne, fut que, méconnaissant les changements survenus, ils continuaient à répéter les anciens mots d’ordre et à rester sur les positions tactiques qui avaient été justes plusieurs années plus tôt, surtout au moment où la lutte pour la dictature du prolétariat portait un caractère d’actualité et où, sous le drapeau de la République de Weimar, s’était groupée toute la contre-révolution allemande, comme ce fut le cas en 1918‑1920.

Et le fait que nous sommes obligés, aujourd’hui encore, de constater dans nos rangs la crainte de formuler des revendications démocratiques positives, prouve tout simplement combien les communistes sont encore loin de s’être assimilé la méthode marxiste-léniniste quand ils abordent des questions aussi importantes de notre tactique.

D’aucuns disent que la lutte pour les droits démocratiques peut détourner les ouvriers de la lutte pour la dictature du prolétariat. Il ne sera pas inutile de rappeler ce que Lénine disait à ce sujet:

Ce serait une erreur radicale de croire que la lutte pour la démocratie est susceptible de détourner le prolétariat de la révolution socialiste, ou de la masquer, de la voiler, etc. Au contraire, de même que le socialisme victorieux est impossible sans réaliser la démocratie complète, de même le prolétariat ne peut se préparer à vaincre la bourgeoisie sans mener une lutte détaillée, conséquente et révolutionnaire pour la démocratie.

Ces paroles, tous les communistes doivent se les graver fortement dans la mémoire, en tenant compte que c’est de petits mouvements pour la défense des droits élémentaires de la classe ouvrière que sont sorties, au cours de l’histoire, de grandes révolutions. Mais ce qu’il faut avant tout pour savoir rattacher la lutte en faveur des droits démocratiques à la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme, c’est renoncer à la manière schématique d’aborder la question de la défense de la démocratie bourgeoise.

Avoir une ligne juste n’est pas encore suffisant

L’élaboration d’une ligne juste est, cela va de soi, l’essentiel pour l’Internationale communiste et chacune de ses sections. Mais la ligne juste à elle seule ne suffit pas encore pour diriger concrètement la lutte de classe. Pour cela, il est nécessaire de remplir un certain nombre de conditions et, avant tout, les conditions suivantes:

La première condition, c’est d’assurer par les mesures d’organisation l’application des résolutions adoptées dans tout le travail pratique, et de surmonter résolument tous les obstacles dressés sur cette voie. Ce que Staline a dit au XVIIe congrès du PC de l’URSS sur les conditions requises pour appliquer la ligne du Parti, peut et doit se rapporter aussi, entièrement et sans réserve, aux décisions adoptées par notre congrès [J. Staline: « Deux Mondes », rapport au XVIIe congrès du Parti communiste (bolchévik) de l’URSS]:

D’aucuns pensent qu’il suffit d’élaborer une ligne juste du Parti, de la proclamer hautement, de l’exposer sous forme de thèses générales et de résolutions, et de l’adopter à l’unanimité pour que la victoire vienne d’elle-même, pour ainsi dire spontanément. C’est faux évidemment. C’est une grande erreur. Seuls des bureaucrates et des paperassiers incorrigibles peuvent penser ainsi (…)

De bonnes résolutions, des déclarations en faveur de la ligne générale du Parti, ce n’est qu’un début: elles ne signifient que le désir de vaincre et non la victoire elle-même. Après qu’une ligne juste, une juste solution du problème a été donnée, le succès dépend du travail d’organisation, de l’organisation de la lutte pour l’application pratique de la ligne du Parti, du choix judicieux des hommes, du contrôle de l’exécution des décisions adoptées par les organismes dirigeants. Sans cela, la ligne juste du Parti et les justes décisions risquent d’être sérieusement compromises.

Bien plus: la ligne politique juste une fois donnée, c’est le travail d’organisation qui décide de tout, y compris du sort de la ligne politique elle-même, de sa réalisation ou de son échec.

Il n’est guère nécessaire d’ajouter quoi que ce soit à ces remarquables paroles de Staline, qui doivent devenir le principe directeur dans tout le travail de nos Partis.

Une autre condition, c’est de savoir, faire des décisions de l’Internationale communiste et de ses sections les décisions des grandes masses elles-mêmes. Et c’est encore plus nécessaire maintenant que nous sommes devant la tâche de créer le front unique du prolétariat et d’entraîner les plus grandes masses populaires dans le Front populaire antifasciste. Là où le génie politique et tactique de Lénine et de Staline apparaît avec le plus d’évidence et d’éclat, c’est dans leur maîtrise à amener les masses, par leur propre expérience, à la compréhension de la ligne juste et des mots d’ordre du Parti.

Si l’on suit toute l’histoire du bolchévisme, ce trésor incomparable de la stratégie et de la tactique politiques du mouvement ouvrier révolutionnaire, on peut se convaincre que les bolchéviks n’ont jamais substitué aux méthodes de direction des masses les méthodes de direction du Parti.

Staline a indiqué comme une des particularités de la tactique des bolchéviks russes, dans la période de préparation d’Octobre, le fait qu’ils ont su déterminer de façon juste les voies et tournants qui amènent naturellement les masses aux mots d’ordre du Parti, jusqu’au « seuil de la révolution », en les aidant à saisir, à vérifier, à discerner par leur propre expérience la justesse de ces mots d’ordre ; qu’ils n’ont pas confondu la direction du Parti avec la direction des masses et voyaient nettement la différence entre la direction du premier genre et la direction du second genre ; et qu’ils ont élaboré ainsi la tactique non pas seulement comme la science de la direction du Parti, mais aussi comme celle de la direction des millions de travailleurs.

Ensuite, il faut tenir compte du fait que l’assimilation de nos décisions par les grandes masses est impossible si nous n’apprenons pas à parler une langue intelligible aux masses. Nous ne savons pas toujours, loin de là, parler simplement, concrètement, en nous servant des images familières et compréhensibles aux masses. Nous ne savons pas encore renoncer aux formules abstraites et apprises par coeur. Regardez de plus près nos tracts, nos journaux, nos résolutions et nos thèses et vous verrez qu’ils sont souvent rédigés en un langage tellement lourd que même nos militants ont de la peine à les comprendre et, à plus forte raison, les simples ouvriers.

Si l’on songe que les ouvriers qui diffusent et lisent ces tracts, surtout dans les pays fascistes, risquent leur vie, on se rend mieux compte encore de la nécessité d’écrire pour les masses en une langue qui leur soit compréhensible, pour qu’ainsi les sacrifices consentis ne le soient pas en pure perte. Cette remarque ne s’applique pas à un moindre degré à notre agitation et à notre propagande orales. À cet égard, il faut reconnaître en toute sincérité que les fascistes sont souvent plus habiles et plus souples que beaucoup de nos camarades.

Je me souviens, par exemple, d’une réunion de chômeurs tenue à Berlin avant l’arrivée de Hitler au pouvoir. C’était pendant le procès des fameux accapareurs et spéculateurs, les frères Sklarek, procès qui durait depuis plusieurs mois. L’orateur national-socialiste qui parla à cette réunion, utilisa ce procès pour ses buts démagogiques.

Il cita les spéculations, les affaires de corruption et les autres crimes commis par les frères Sklarek; il souligna que le procès intenté contre eux traînait depuis des mois; il calcula combien de centaines de milliers de marks ce procès avait déjà coûté au peuple allemand et, aux vifs applaudissements des assistants, il déclara qu’il fallait, sans tarder, fusiller des bandits comme les Sklarek et verser au profit des chômeurs l’argent dépensé pour le procès.

Un communiste se lève et demande la parole. Le président refuse d’abord; mais, sous la pression des assistants qui voulaient entendre le communiste, celui-ci obtient enfin la parole. Lorsque le communiste monta à la tribune, tous les assistants dressèrent l’oreille dans l’attente de ce qu’il allait dire. Eh bien, que dit-il:

Camarades, déclare-t-il d’une voix ferme et puissante, l’assemblée plénière de l’Internationale communiste vient de terminer ses travaux. Elle a indiqué la voie du salut pour la classe ouvrière. La tâche essentielle qu’elle pose devant vous, c’est, camarades, la « conquête de la majorité de la classe ouvrière ». L’assemblée plénière a indiqué qu’il est nécessaire de « politiser » le mouvement des chômeurs. L’assemblée plénière vous invite à élever ce mouvement à un degré supérieur.

Et l’orateur continua à parler dans le même sens, convaincu apparemment qu’il “expliquait” les décisions authentiques de l’assemblée plénière.

Un tel discours pouvait-il émouvoir les chômeurs? Pouvaient-ils être satisfaits qu’on s’apprêtât d’abord à les politiser, puis à les révolutionnariser et ensuite à les mobiliser pour élever leur mouvement à un degré supérieur?

Assis dans un coin, j’observais avec amertume comment les chômeurs présents, qui avaient tant voulu entendre le communiste pour apprendre de lui ce qu’il leur fallait faire concrètement, se mettaient à bâiller et à manifester une déception bien claire. Et je ne fus pas du tout étonné qu’à la fin, le président retirât brutalement la parole à notre orateur sans aucune protestation dans les rangs de l’assemblée… Malheureusement, le cas n’est pas isolé dans notre agitation. Des cas pareils, on en a vu ailleurs qu’en Allemagne. Faire une telle agitation, c’est faire de l’agitation contre soi-même. Il est temps d’en finir une fois pour toutes avec ces méthodes d’agitation enfantines, passez-moi le mot, pour ne pas employer d’expression plus forte.

Pendant mon rapport, le président de séance, Kuusinen, a reçu de la salle du congrès une lettre bien caractéristique qui m’était adressée. Je vais vous en donner lecture:

Dans votre intervention au congrès, je vous prie de toucher une question, à savoir: qu’à l’avenir toutes les résolutions et décisions de l’Internationale communiste soient écrites de telle sorte que non seulement les communistes instruits puissent s’y retrouver, mais que n’importe quel travailleur sans aucune préparation puisse, du premier coup, en lisant les documents de l’Internationale communiste, comprendre ce que veulent les communistes et de quelle utilité le communisme est pour l’humanité.

C’est ce qu’oublient certains dirigeants du Parti. Il faut le leur rappeler, et cela très fortement. De même que l’agitation en faveur du communisme soit faite en un langage compréhensible.

Qui est l’auteur de cette lettre, je ne le sais pas exactement. Mais je ne doute pas que ce communiste ait exprimé dans sa lettre l’opinion et le désir de millions d’ouvriers. Beaucoup de nos camarades pensent que plus ils emploient de mots ronflants, de formules et de thèses incompréhensibles aux masses, meilleures sont leur agitation et leur propagande, en oubliant que précisément les plus grands chefs et théoriciens de la classe ouvrière de notre époque, ‑ Lénine et Staline, ‑ ont toujours parlé et écrit dans une langue tout à fait compréhensible aux grandes masses.

Chacun de nous doit fermement s’assimiler comme une loi, comme une loi bolchévik, cette règle élémentaire:

Lorsque tu écris ou que tu parles, il faut toujours songer à l’ouvrier du rang qui doit te comprendre, ajouter foi à ton appel et être prêt à te suivre. Il faut songer à celui pour qui tu écris, à celui à qui tu parles.

Des cadres

Nos décisions les meilleures resteront lettre morte si l’on manque d’hommes qui sachent les mettre en oeuvre. Or, force m’est de constater malheureusement qu’une des questions essentielles, la question des cadres est passée dans notre congrès sans attirer presque aucune attention.

Le rapport sur l’activité du Comité exécutif de l’Internationale communiste a été discuté pendant sept jours; quantité d’orateurs de différents pays ont pris la parole, et seuls quelques isolés ont touché, en passant, à cette question extrêmement importante pour nos Partis communistes et le mouvement ouvrier. Dans leur pratique, nos Partis n’ont pas encore pris conscience, loin de là, que ce sont les hommes, les cadres qui décident de tout. Ils ne savent pas, selon l’enseignement de Staline, élever les cadres « comme un jardinier soigne son arbre fruitier préféré »,  » apprécier les hommes, apprécier les cadres, apprécier chaque travailleur capable d’être utile à notre cause commune ».

L’attitude de dédain pour le problème des cadres est d’autant plus inadmissible que, dans la lutte, nous perdons sans cesse une partie de nos cadres les plus précieux. Car nous ne sommes pas une société scientifique, mais un mouvement combatif qui se trouve constamment sous la ligne de feu.

Chez nous, ce sont les éléments les plus énergiques, les plus courageux et les plus conscients qui se trouvent aux premiers rangs. C’est précisément à ces éléments, à ces combattants avancés que l’ennemi fait la chasse, il les assassine, il les jette en prison, dans les camps de concentration ; il leur fait subir les pires supplices, surtout dans les pays fascistes. De là résulte la nécessité particulièrement aigüe de compléter, d’élever, d’éduquer de façon permanente de nouveaux cadres, comme de conserver soigneusement les cadres existants.

Le problème des cadres prend encore une acuité particulière parce que c’est sous notre influence que se déploie un vaste mouvement de front unique, qui forme des milliers et des milliers de nouveaux militants prolétariens. En outre, dans les rangs de nos Partis n’affluent pas seulement de jeunes éléments révolutionnaires et des ouvriers à l’esprit de plus en plus révolutionnaire, mais qui jusqu’ici n’ont jamais participé au mouvement politique: bien souvent, d’anciens adhérents et militants des partis social-démocrates viennent aussi nous rejoindre. Ces nouveaux cadres demandent une attention spéciale, surtout dans les Partis illégaux, d’autant plus que ces cadres, faiblement préparés au point de vue théorique, se trouvent déjà fréquemment placés dans leur travail pratique devant les problèmes politiques les plus sérieux, qu’ils ont à résoudre par eux-mêmes.

La question d’une juste politique des cadres est pour nos Partis, de même que pour les Jeunesses communistes et toutes les organisations de masse, pour l’ensemble du mouvement ouvrier révolutionnaire, le problème le plus actuel.

En quoi consiste une juste politique des cadres?

Premièrement, il est nécessaire de connaître les hommes. En règle générale, on ne procède pas dans nos Partis à l’étude systématique des cadres. C’est depuis quelque temps seulement que les Partis communistes de France et de Pologne et, en Extrême-Orient, le Parti communiste de Chine ont obtenu certains succès dans ce sens.

En son temps, avant d’être dans l’illégalité, le Parti communiste allemand avait, lui aussi, abordé l’étude de ses cadres. Et l’expérience de ces Partis a montré que, dès qu’on a commencé à étudier les hommes, on s’est mis à découvrir des militants qu’on n’avait pas remarqués auparavant; d’autre part, les Partis ont commencé à s’épurer des éléments qui leur étaient étrangers, nuisibles au point de vue idéologique et politique.

Il suffit de rappeler l’exemple de Celor et Barbé en France qui, quand on les eut examinés au microscope bolchévik, s’avérèrent des agents de l’ennemi de classe et furent chassés du Parti. En Pologne et en Hongrie, la vérification des cadres a facilité le repérage de nids de provocateurs, d’agents de l’ennemi soigneusement masqués.

Deuxièmement, il est nécessaire de procéder à l’avancement des cadres de façon judicieuse. Cet avancement ne doit pas être le fait du hasard, mais il faut en faire une des fonctions normales du Parti. Les choses vont mal si l’avancement se fait exclusivement pour des considérations strictement intérieures au Parti, sans se rendre compte si le communiste promu est lié aux masses.

On doit opérer l’avancement à la fois sur la base du recensement des militants avec leur aptitude à telle ou telle fonction dans le Parti, et sur la base de la popularité dont les cadres promus jouissent dans les masses. Nous avons dans nos Partis des exemples d’avancement qui ont donné d’excellents résultats. Au présidium de notre congrès, par exemple, figure une communiste espagnole, Dolorès. Il y a deux ans, elle travaillait encore à la base.

Dès les premiers conflits avec l’ennemi de classe, elle s’est révélée excellent agitateur et combattant. Élue par la suite à la direction du Parti, elle s’est montrée un des membres les plus dignes de ce choix.

Je pourrais citer un certain nombre de cas analogues dans d’autres pays également.

Cependant, dans la plupart des cas, la promotion se fait d’une façon inorganisée, accidentelle et, par conséquent, pas toujours heureuse. Il arrive qu’on confie des postes dirigeants à des raisonneurs, des phraseurs, des bavards qui nuisent directement à la cause.

Troisièmement, il est nécessaire d’utiliser judicieusement les cadres. Il faut savoir trouver et utiliser les qualités précieuses de chaque militant. Il n’est point d’hommes parfaits: il faut les prendre tels qu’ils sont, corriger leurs faiblesses et leurs défauts. Nous connaissons dans nos Partis des exemples criants d’utilisation erronée de bons, d’honnêtes communistes qui pourraient être d’une grande utilité, s’ils étaient chargés d’un travail qui leur convienne mieux.

Quatrièmement, il est nécessaire de répartir judicieusement les cadres. Il faut, avant tout, qu’aux échelons essentiels du mouvement soient placés des hommes fermes, liés aux masses, sortis de leur sein, pleins d’initiative et sûrs ; il faut que dans les plus grands centres il y ait un nombre suffisant de tels militants.

Dans les pays capitalistes, le déplacement des cadres d’un point à l’autre n’est pas chose facile. Cette tâche s’y heurte à toutes sortes d’obstacles et de difficultés, entre autres, aux questions d’ordre matériel, familial, etc., difficultés dont il faut tenir compte et venir à bout grâce à la solution appropriée, ce qui, chez nous, d’ordinaire, ne se fait pas du tout.

Cinquièmement, il est nécessaire d’accorder aux cadres une aide systématique. Cette aide doit consister dans des instructions scrupuleuses, dans un contrôle fraternel, dans la correction des imperfections et des fautes, dans une direction concrète des cadres jour par jour.

Sixièmement, il est nécessaire de veiller à la conservation des cadres. Il faut savoir, en temps opportun, ramener les cadres à l’arrière, les remplacer par de nouveaux si les circonstances l’exigent. Nous devons exiger, surtout dans les Partis illégaux, la plus grande responsabilité de la direction pour la conservation des cadres.

La juste conservation des cadres suppose aussi l’organisation la plus sérieuse du travail conspiratif dans le Parti. Dans certains de nos Partis, nombreux sont les communistes qui pensent que les Partis sont préparés à l’illégalité du seul fait qu’ils se sont réorganisés d’après un schéma purement formel. Nous avons dû payer cher le fait de n’avoir commencé la réorganisation effective qu’après le passage à l’illégalité, sous les coups pénibles assénés directement par l’ennemi. Rappelez-vous à quel prix nous est revenu le passage à l’illégalité du Parti communiste d’Allemagne ! Cet exemple doit être un sérieux avertissement pour ceux de nos Partis qui, aujourd’hui encore, sont légaux, mais qui demain peuvent perdre leur légalité.

Seule, une juste politique des cadres permettra à nos Partis de déployer et d’utiliser au maximum les forces des cadres existants et de puiser les éléments actifs les meilleurs dans l’immense réservoir du mouvement de masse, où ils se renouvellent constamment.

Quel critère essentiel doit nous inspirer dans le choix des cadres?

Premièrement: le dévouement le plus profond à la cause de la classe ouvrière, la fidélité au Parti vérifiée dans les batailles, dans les prisons, devant les tribunaux, face à face avec l’ennemi de classe.

Deuxièmement: la liaison la plus étroite avec les masses, vivre dans l’intérêt des masses, sentir le pouls des masses, leur état d’esprit et leurs aspirations. L’autorité des dirigeants de nos organisations du Parti doit être avant tout fondée sur le fait que la masse voit en eux ses chefs, qu’elle se convainc par sa propre expérience de leurs aptitudes de chef, de leur résolution et de leur esprit d’abnégation dans la lutte.

Troisièmement: la capacité de s’orienter par soi-même dans toutes les situations et de ne pas craindre de prendre la responsabilité de ses décisions. Qui craint de prendre des responsabilités, n’est pas un chef. Qui ne sait pas faire preuve d’initiative, qui sait seulement raisonner ainsi: « Je ne ferai que ce qu’on me dira », n’est pas un bolchévik.

Celui-là seul est un véritable chef bolchévik, qui ne perd pas la tête dans le moment de la défaite, qui ne devient pas présomptueux au moment du succès, qui fait preuve d’une fermeté inébranlable dans l’application des décisions. C’est quand ils sont placés devant la nécessité de résoudre par eux-mêmes les tâches concrètes de la lutte et qu’ils en sentent peser sur eux toute la responsabilité que les cadres se développent et grandissent le mieux.

Quatrièmement: l’esprit de discipline et la trempe bolchévik aussi bien dans la lutte contre l’ennemi de classe que dans l’intransigeance à l’égard de toutes les déviations de la ligne du bolchévisme.

Nous devons souligner la nécessité de ces conditions d’un choix judicieux des cadres avec d’autant plus de force que, dans la pratique, on accorde très souvent la préférence à un communiste qui, par exemple, sait écrire de façon littéraire, parle bien, mais n’est pas un homme d’action et ne convient pas pour la lutte, sur un autre camarade qui, peut-être, ne sait pas aussi bien écrire et parler, mais est un camarade ferme, ayant de l’initiative, lié aux masses, capables de marcher au combat et de conduire les autres à la lutte.

Sont-ils rares, les cas où un sectaire, un doctrinaire, un raisonneur évince un dirigeant de masse dévoué, un vrai chef ouvrier?

Nos cadres dirigeants doivent allier la connaissance de ce qu’ils ont à faire à la fermeté bolchévik, au caractère révolutionnaire ainsi qu’à la volonté nécessaire pour convertir tout cela en actes.

À propos du problème des cadres, permettez-moi de m’arrêter aussi sur le rôle immense qu’est appelé à jouer le Secours rouge international à l’égard des cadres du mouvement ouvrier. L’aide matérielle et morale que les organisations du SRI, accordent aux détenus et à leurs familles, aux émigrés politiques et aux révolutionnaires et antifascistes persécutés, a sauvé la vie, conservé les forces et la combativité, de milliers et de milliers de lutteurs précieux de la classe ouvrière dans les différents pays. Ceux d’entre nous qui ont été en prison, ont éprouvé directement par eux-mêmes la grande importance de l’activité du SRI

Par son activité, le Secours rouge international s’est acquis l’affection, l’attachement et la profonde gratitude de centaines de milliers de prolétaires et d’éléments révolutionnaires paysans et intellectuels. Dans les conditions présentes, en présence de la réaction bourgeoise grandissante, du fascisme déchaîné et de l’aggravation de la lutte de classe, le rôle du Secours rouge international grandit considérablement.

Au Secours rouge international se pose maintenant la tâche de se transformer en une véritable organisation de masse des travailleurs dans tous les pays capitalistes (en particulier dans les pays fascistes, en s’adaptant aux conditions spéciales de ces pays). Il doit devenir, pour ainsi dire, une sorte de “Croix-Rouge” du front unique du prolétariat et du Front populaire antifasciste, englobant des millions de travailleurs ‑ une “Croix-Rouge” de l’armée des classes laborieuses, en lutte contre le fascisme, pour la paix et le socialisme.

Pour que le Secours rouge international puisse remplir avec succès ce rôle qui lui incombe, il lui faut créer son propre corps de militants fort de milliers d’hommes, ses propres cadres nombreux, les cadres du Secours rouge international répondant par leur caractère et leurs aptitudes à la mission spéciale de cette organisation entre toutes importante. Ici encore, il faut le dire de façon la plus tranchée et la plus catégorique: si le bureaucratisme, l’attitude sans coeur à l’égard des hommes sont répugnants dans le mouvement ouvrier en général, dans le domaine de l’activité du Secours rouge international c’est un mal qui touche au crime. Les combattants de la classe ouvrière, les victimes de la réaction et du fascisme languissant dans les cachots et les camps de concentration, les émigrés politiques et leurs familles doivent faire l’objet de l’attention la plus délicate et de la plus grande sollicitude de la part des organisations et des militants du Secours rouge international.

Le Secours rouge international doit encore mieux comprendre et mieux accomplir son devoir dans l’organisation de l’aide aux combattants du mouvement prolétarien et antifasciste, et notamment, en ce qui touche la conservation physique et morale des cadres du mouvement ouvrier. Les communistes et les ouvriers révolutionnaires participant à l’organisation du Secours rouge international doivent sentir à chaque pas la responsabilité énorme qui leur incombe devant la classe ouvrière et devant l’Internationale communiste, pour la bonne exécution du rôle et des tâches du SRI.

Comme on le sait, l’éducation des cadres la meilleure, s’acquiert dans le cours de la lutte, dans les efforts faits pour surmonter les difficultés et les épreuves, de même que dans les exemples positifs et négatifs. Nous avons des centaines de cas de conduite exemplaire pendant les grèves et les manifestations, dans les prisons, au cours des procès.

Nous avons des milliers de héros, mais, malheureusement, nous enregistrons aussi pas mal d’exemples de pusillanimité, de manque de fermeté et même de désertion. Or, on oublie souvent les exemples de l’un et de l’autre genre, on ne les fait pas servir à des fins éducatives, on ne montre pas ce qu’il faut imiter, ce qu’il faut rejeter. Il faut étudier la conduite des communistes et des militants ouvriers pendant les conflits de classe, lors des interrogatoires de police, dans les prisons et les camps de concentration, devant les tribunaux, etc. De tout cela, il faut tirer ce qu’il, y a de positif; il faut montrer les exemples à imiter et rejeter ce qu’il y a de pourri, de non bolchévik, ce qu’il y a de petit-bourgeois.

Depuis le procès de Leipzig, nous avons un nombre considérable de déclarations de communistes devant les tribunaux bourgeois et fascistes qui montrent comment des cadres nombreux grandissent chez nous avec une magnifique compréhension de ce que signifie l’attitude bolchévik devant le tribunal.

Mais sont-ils nombreux, même parmi vous, délégués du congrès, ceux qui connaissent en détail le procès des cheminots de Roumanie, le procès de Fiete Schultz décapité par les fascistes en Allemagne, le procès de notre courageux camarade japonais Itakava, le procès des soldats révolutionnaires bulgares, et nombre d’autres procès où se sont manifestés les plus dignes exemples d’héroïsme prolétarien? Ces dignes exemples d’héroïsme prolétarien, il faut les populariser et les opposer à la pusillanimité, à l’esprit petit-bourgeois, à la pourriture et à la faiblesse de tout genre qui se manifestent dans nos rangs et dans ceux de la classe ouvrière. Il est nécessaire d’utiliser ces exemples de la façon la plus complète pour éduquer les cadres du mouvement ouvrier.

Chez nous, les dirigeants de Partis se plaignent souvent qu’ils manquent d’hommes, ils n’en ont guère pour l’agitation propagande, guère pour le journal, guère pour les syndicats, guère pour le travail à mener parmi les jeunes, parmi les femmes. Il en manque partout et toujours, il n’y a point d’hommes. À cela, nous pourrions répondre par ces paroles de Lénine, vieilles et éternellement nouvelles [Lénine: Que faire?]:

Point d’hommes, et des hommes en quantité. Des hommes en quantité parce que la classe ouvrière et des couches de plus en plus variées de la société fournissent chaque année un nombre toujours plus grand de mécontents, prêts à protester…

Et, en même temps, il n’y a point d’hommes parce qu’il n’y a pas de… talents capables d’organiser un travail à la fois vaste et condensé, harmonieux, permettant d’utiliser toutes les forces, même les plus insignifiantes.

Ces paroles de Lénine, nos Partis doivent s’en imprégner profondément et les appliquer comme une directive quotidienne. Il y a beaucoup d’hommes, il s’agit seulement de les découvrir dans nos propres organisations, pendant les grèves et les manifestations, dans les diverses organisations ouvrières de masse, dans les organismes du front unique, il faut les aider à grandir dans le déroulement du travail et de la lutte; il faut les placer dans une situation telle qu’ils puissent réellement se rendre utiles à la cause ouvrière.

Nous autres, communistes, sommes des hommes d’action.

Nous sommes placés devant la tâche de lutter pratiquement contre l’offensive du Capital, contre le fascisme et la menace de guerre impérialiste, de lutter pour le renversement du capitalisme. C’est précisément cette tâche pratique qui impose aux cadres communistes la nécessité de s’armer de la théorie révolutionnaire. Car, ainsi que Staline nous l’enseigne, ‑ ce maître suprême de l’oeuvre révolutionnaire, ‑ la théorie donne aux praticiens la force d’orientation, la clarté de perspective, l’assurance dans le travail, la foi dans la victoire de notre cause.

Mais la théorie vraiment révolutionnaire est l’ennemi intransigeant de toute vaine manie de théoriser, de tout jeu stérile avec les définitions abstraites. « Notre théorie n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action », a dit maintes fois Lénine. C’est cette théorie-là qui est nécessaire à nos cadres, nécessaire comme le pain quotidien, comme l’air, comme l’eau.

Qui veut réellement chasser de notre travail le schématisme mortel, la scolastique pernicieuse, celui-là doit les détruire au fer rouge, ‑ tant par une lutte pratique efficace, menée en commun avec les masses et à la tête des masses, que par un travail inlassable en vue de s’assimiler la vigoureuse, la féconde, la toute-puissante doctrine de Marx-Engels-Lénine-Staline.

À ce propos, je tiens à attirer particulièrement votre attention sur le travail de nos écoles du Parti. Ce ne sont pas des exégètes, des raisonneurs et des maîtres de la citation que nos écoles doivent former. Non! Ce sont des combattants pratiques d’avant-garde de la cause de la classe ouvrière qui doivent sortir de leurs murs.

Des combattants d’avant-garde non seulement par leur courage, leur empressement à se sacrifier, mais aussi parce qu’ils voient plus loin et connaissent mieux que les ouvriers du rang, le chemin de l’affranchissement des travailleurs. Toutes les sections de l’Internationale communiste doivent, sans traîner les choses en longueur, s’occuper sérieusement de l’organisation des écoles du Parti, pour en faire autant de forges de ces cadres de combattants.

Il me semble que la tâche essentielle de nos écoles du Parti consiste à enseigner aux membres du Parti et aux jeunes communistes qui en suivent les cours, comment appliquer la méthode marxiste-léniniste à la situation concrète du pays donné, aux conditions données, à la lutte non contre l’ennemi “en général”, mais contre l’ennemi concret. Pour cela, il est nécessaire d’étudier non pas la lettre du léninisme, mais son esprit vivant, révolutionnaire.

Il y a deux façons de préparer les cadres dans nos écoles du Parti.

La première: on prépare les gens d’une façon théorique abstraite. On s’efforce de leur donner la plus grande somme possible de connaissances arides; on les entraîne à écrire de façon littéraire thèses et résolutions, et l’on ne touche qu’en passant aux problèmes du pays donné, de son mouvement ouvrier, de son histoire, de ses traditions et de l’expérience du Parti communiste de leur pays. On ne fait cela qu’en passant.

La seconde: un cours théorique où l’assimilation des principes essentiels du marxisme-léninisme est basée sur l’étude pratique, par l’élève, des questions fondamentales de la lutte du prolétariat dans son propre pays, de telle sorte que, revenu au travail pratique, il puisse s’orienter tout seul, devenir un organisateur pratique indépendant, un dirigeant capable de mener les masses à la bataille contre l’ennemi de classe.

Ceux qui sont sortis de nos écoles du Parti n’ont pas tous fait preuve de capacité. Beaucoup de phrases, d’abstractions, de connaissances livresques, de science apparente. Or, nous avons besoin de vrais organisateurs et de vrais dirigeants des masses, vraiment bolchéviks. Voilà ce qu’il nous faut aujourd’hui à tout prix.

Peu importe que tel étudiant ne soit peut-être pas en mesure de rédiger de bonnes thèses, bien que cela aussi nous soit très nécessaire, mais il faut qu’il sache organiser et diriger sans reculer devant les difficultés, il faut qu’il sache surmonter ces difficultés.

La théorie révolutionnaire donne l’expérience totalisée, généralisée du mouvement révolutionnaire ; les communistes doivent soigneusement utiliser dans leur pays respectif non seulement l’expérience du passé, mais aussi celle de la lutte présente des autres détachements du mouvement ouvrier international.

Toutefois, l’utilisation rationnelle de l’expérience ne signifie nullement la transposition automatique, et telle quelle des formes et méthodes de lutte, de telles conditions dans telles autres, d’un pays dans l’autre, comme cela arrive souvent dans nos Partis.

La pure imitation, la simple copie des méthodes et des formes de travail, même de celles du Parti communiste de l’URSS, dans les pays où domine encore le capitalisme, peut, en dépit de toutes les bonnes intentions, être non pas utile, mais nuisible, comme cela s’est vu assez fréquemment dans la réalité. C’est précisément par l’exemple des bolchéviks russes que nous devons apprendre à appliquer de façon vivante et concrète, aux particularités de chaque pays la ligne internationale unique dans la lutte contre le Capital, que nous devons apprendre à chasser sans pitié, à stigmatiser, à ridiculiser devant les masses populaires les phrases, les clichés, le pédantisme et le doctrinarisme.

Il faut apprendre, apprendre, constamment, à chaque pas, dans le déroulement de la lutte, en liberté et en prison. Apprendre et lutter, lutter et apprendre. Il faut savoir allier la grande doctrine de Marx- Engels-Lénine-Staline à la fermeté staliniste dans le travail et la lutte, à l’intransigeance de principe staliniste à l’égard de l’ennemi de classe et de ceux qui renient la ligne du bolchévisme, à l’intrépidité staliniste en face des difficultés, un réalisme révolutionnaire staliniste.

Jamais, pour aucun congrès international de communistes, l’opinion publique mondiale n’a manifesté un intérêt aussi vif que celui que nous voyons se manifester aujourd’hui à l’égard de notre congrès. On peut dire sans exagération qu’il n’est pas un seul journal important, pas un seul parti politique, pas un seul homme politique et public de quelque importance qui ne suive avec une attention soutenue la marche du congrès.

Les regards de millions d’hommes, ouvriers, paysans, petites gens des villes, employés et intellectuels, peuples coloniaux et nationalités opprimées, sont tournés vers Moscou, vers la grande capitale du premier, mais non du dernier État du prolétariat international. Dans ce fait, nous voyons la confirmation de l’importance et de l’actualité énormes des questions étudiées par le congrès et de ses décisions.

Les hurlements rageurs des fascistes de tous les pays, en particulier du fascisme allemand en démence, ne font que confirmer le fait que, par nos décisions, nous avons réellement frappé en plein but. Dans la nuit noire de la réaction bourgeoise et du fascisme où l’ennemi de classe s’efforce de maintenir les masses travailleuses des pays capitalistes, l’Internationale communiste, Parti mondial des bolchéviks, se dresse comme un phare qui montre à l’humanité tout entière la seule voie sûre pour s’affranchir du joug du Capital, de la barbarie fasciste et des horreurs de la guerre impérialiste.

L’établissement de l’unité d’action de la classe ouvrière est une étape décisive dans cette voie. Oui, unité d’action des organisations de la classe ouvrière de toutes tendances, rassemblement des forces de la classe ouvrière dans tous les domaines de son activité et dans tous les secteurs de la lutte de classe!

La classe ouvrière doit parvenir à l’unité de ses syndicats. C’est en vain que certains dirigeants syndicaux réformistes cherchent à effrayer les ouvriers en agitant le spectre de la destruction de la démocratie syndicale par suite de l’immixtion du Parti communiste dans les affaires des syndicats unifiés, par suite de l’existence de fractions communistes à l’intérieur des syndicats. Nous représenter, nous communistes, comme adversaires de la démocratie syndicale, c’est une pure sottise. Nous défendons et revendiquons de façon conséquente le droit pour les syndicats de régler leurs affaires eux-mêmes.

Nous sommes prêts même à renoncer à la création de fractions communistes dans les syndicats, si cela est nécessaire dans l’intérêt de l’unité syndicale. Nous sommes prêts à nous entendre sur l’indépendance des syndicats unifiés à l’égard de tous les partis politiques. Mais nous sommes résolument contre toute dépendance des syndicats à l’égard de la bourgeoisie, et nous ne renonçons pas à notre point de vue de principe sur le caractère inadmissible qui s’attache pour les syndicats à la neutralité en face de la lutte de classe entre le prolétariat et la bourgeoisie.

La classe ouvrière doit travailler à réaliser l’union de toutes les forces de la jeunesse ouvrière et de toutes les organisations de la jeunesse antifasciste, et conquérir la partie de la jeunesse travailleuse tombée sous l’influence néfaste du fascisme et des autres ennemis du peuple.

La classe ouvrière doit imposer et elle imposera l’unité d’action dans tous les domaines du mouvement ouvrier. Et cela se fera d’autant plus vite que nous, communistes, et les ouvriers révolutionnaires de tous les pays capitalistes, nous appliquerons en fait, de la façon la plus résolue et la plus ferme, la nouvelle orientation tactique adoptée par le congrès pour les principaux problèmes d’actualité du mouvement ouvrier international.

Nous savons que bien des difficultés se dressent sur notre chemin. Notre chemin n’est pas une route asphaltée, notre chemin n’est pas semé de rosés. Non, la classe ouvrière aura à surmonter bien des obstacles, des obstacles même dans son propre milieu: elle aura avant tfout à rendre absolument inoffensives les menées scissionnistes des éléments réactionnaires de la social-démocratie.

Dans ses rangs, de nombreuses victimes sont appelées à tomber sous les coups de la réaction bourgeoise et du fascisme. Son navire révolutionnaire devra se diriger parmi de nombreux écueils, avant d’atteindre la rive du salut.

Mais la classe ouvrière des pays capitalistes n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était en 1914, au début de la guerre impérialiste, et elle n’est plus ce qu’elle était en 1918, à la fin de la guerre. La classe ouvrière a derrière elle la riche expérience de vingt années de lutte et d’épreuves révolutionnaires, les leçons amères de défaites nombreuses, en particulier en Allemagne, en Autriche et en Espagne. La classe ouvrière a devant elle l’exemple exaltant de l’Union soviétique, pays du socialisme victorieux, exemple de la façon dont on peut vaincre l’ennemi de classe, instaurer son propre pouvoir et édifier la société socialiste.

La bourgeoisie ne domine déjà plus sans partage dans le monde entier.

Un sixième du globe est gouverné par la classe ouvrière victorieuse. Les Soviets règnent sur une énorme partie du territoire du grand pays de Chine.

La classe ouvrière a une avant-garde révolutionnaire forte, compacte, l’Internationale communiste. Elle a un chef éprouvé et reconnu, grand et sage, Staline.

Tout le cours du développement historique travaille en faveur de la classe ouvrière. C’est en vain que les réactionnaires, les fascistes de tout poil, la bourgeoisie mondiale tout entière s’efforcent de faire revenir en arrière la roue de l’histoire. Non, cette roue tourne et tournera jusqu’à l’avènement de l’Union mondiale des Républiques socialistes soviétiques, jusqu’à la victoire définitive du socialisme dans le monde entier.

Une seule chose manque encore à la classe ouvrière des pays capitalistes: c’est l’unité de ses propres rangs.

Puisse donc de cette tribune retentir avec d’autant plus de force dans le monde entier l’appel de combat de l’Internationale communiste, l’appel de Marx et d’Engels, de Lénine et de Staline:

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

Les gouvernements actuels des pays capitalistes sont des hommes provisoires; le véritable maître du monde est le prolétariat.

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