BR-PCC: Déclaration au procès de Simonetta Giorgeri (1990)

Simonetta Giorgeri

Militante des Brigate Rosse
per la costruzione del Partido Comunista Combattente

Déclaration au procès

(Gênes, 15 février 1990)

En 1984, sur le plan du rapport révolution / contre-révolution, émergeaient deux dynamiques opposées qui s’influençaient réciproquement.

D’une part étant ouverte la phase de la Retraite Stratégique, les BR per il PCC cheminaient plus avant, en particulier dans la rédéfinition de certains termes de l’implantation politique, y compris au milieu de contradictions, fruits de la confrontation avec la contre-révolution, et démontraient dans la praxis révolutionnaire et dans le spécifique, avec les initiatives combattantes contre Gino Giugni et Leamon Hunt, être l’unique force révolutionnaire en Italie à même de reconstruire ce que la contre-révolution avait mis en pièces et dispersé, se reproposant comme réfèrent révolutionnaire autorisé pour agréger et recomposer ces éléments révolutionnaires et prolétariens non disposés à renier ce qui avait été sédimenté en 14 années d’affrontement révolutionnaire, ni à se rendre.

D’autre part après la phase la plus élevée de déploiement de l’offensive, l’État opérait sur tous les plans pour réguler les rapports de force déterminés par la dynamique contre-révolutionnaire.

A l’intérieur de la donnée générale de la modification du caractère de la médiation politique entre les classes dont on régulait certains passages (dans le spécifique le « pacte social néocorporatiste »), on précisait et affinait une activité contre-guérillera essentiellement destinée à prévenir la réagrégation des forces et leur réorganisation autour de la proposition politique et stratégique des BR avec des interventions ciblées et sélectives, des actes de dissuasion, des « admonestations » et des pressions de tout type.

Deux dynamiques parallèles, du moment où le processus de réagrégation était en cours et portait ses fruits, comme les initiatives combattantes sont là pour en témoigner, et d’autre part, l’État bien conscient dans la tentative de l’endiguer et le contrecarrer.

L » »étude » sur laquelle l’on basait ce processus a été « accouchée » dans ce contexte, où il faut le situer pour ce qu’il est: un acte politique à caractère et avec des finalités contre-révolutionnaire.

Le saut de qualité, mûri successivement par les BR avec le dépassement de l’optique défensive, a démontré dans les faits combien la tentative de l’Etat était velléitaire; en particulier, la relance des termes globaux de l’activité révolutionnaire a permis aux BR de « peser » sur l’affrontement de classe, en déterminant un plus grand approfondissement de l’affrontement révolutionnaire et en fournissant la mesure de la vitalité de la proposition politique et stratégique des BR et de leur capacité de reconstruction et de reproduction, y compris dans les conditions les plus dures de l’affrontement.

L’activité révolutionnaire, déployée par les BR durant les dernières années, qui fournit sa substance au processus de réadéquation globale, a jusqu’ici mis en œuvre et ouvre des perspectives politiques concrètes, tant sur le terrain classe/Etat que sur celui de l’anti-impérialisme;

la capacité démontrée de se dialectiser (à partir de l’attaque) en termes de construction/organisation/direction avec les instances les plus natures de l’autonomie de classe,

et dans le même temps de pratiquer (à partir de l’activité concrète déployé sur le terrain de l’anti-impérialisme) une politique d’alliance avec les forces révolutionnaires qui combattent l’impérialisme dans l’aire géo-politique (Europe Occidentale, Méditerranée, Moyen-Orient), en donnant un apport actif à la construction/consolidation du Front Combattant Anti-impérialiste : tels sont les termes actuels autour desquels se définit aujourd’hui le rapport révolution / contre-révolution, et se détermine le déplacement vers l’avant du plan d’affrontement! révolutionnaire.

Comme militante des BR per la costruzione del PCC, j’entends avant tout réaffirmer la valeur politique et le caractère propulsif de la relance des termes globaux de l’activité révolutionnaire opérée par les BR a l’intérieur de la phase de Retraite Stratégique qui, étant donné les perspectives politiques qu’elle a ouvertes tant sur le terrain du rapport classe/État que sur celui de l’anti-impérialisme, s’est traduite dans l’approfondissement du plan d’affrontement révolutionnaire.

Une dynamique produite et calibrée consciemment, eu égard aux rapports de force généraux entre les classes et au rapport impérialisme/anti impérialisme, dont le poids politique et l’incisivité concrets s’évidencient dans le déploiement de l’activité révolutionnaire,

tant par la capacité d’activer, à partir de l’attaque au point le plus élevé de l’affrontement de classe, la dialectique avec les instances les plus matures du prolétariat, œuvrant pour catalyser autour des stratégies, ligne politique et programme des BR, les composantes révolutionnaires et prolétariennes vives du pays, en les organisant et les dirigeant dans l’affrontement prolongé contre l’État,

que sur le terrain de l’anti-impérialisme avec la contribution à la construction/consolidation du Front Combattant Anti-impérialiste, véritable saut de qualité, au sens propre, dans la lutte prolétarienne et révolutionnaire, dans le pratiquer une politique d’alliance avec les forces révolutionnaires qui combattent l’impérialisme dans l’aire géopolitique Europe Occidentale/ Méditerranée / Moyen-Orient, pose à un niveau plus adéquate et mature la nécessité et praticabilité de l’attaque à l’impérialisme, pour l’affaiblir et le redimensionner dans l’aire.

A ce propos, en tant que militante des BR per il PCC, force révolutionnaire opérant activement dans le cadre de la politique d’alliance du Front Combattant Anti-impérialiste, je revendique la récente initiative combattante de la RAF contre Alfred Herrhausen.

L’attaque au « patron/chef » de la Deutsche Bank vise à désarticuler un des nœuds principaux du pouvoir économique et politique assumé par la banque allemande, en mettant en évidence le rôle qu’elle a joué dans la gestion/orientation des processus de concentration économique et financière en Europe Occidentale ; une position de pouvoir qui est actuellement rampe de lancement pour la pénétration économique et politique dans les pays de l’Est européen et dans les pays en voie de développement, contraints de se soumettre au diktat et à la logique de l’exploitation capitaliste.

La qualité du processus de réadéquation globale entrepris par les BR est substantiellement le fruit de la rencontre de deux facteurs (demeurant ferme le patrimoine d’expériences enraciné dans le tissu prolétarien qui caractérise la sphère de référence et de reproduction de la guérilla) :

d’une part avoir su maintenir avec fermeté, sans concession au révisionnisme, les discriminants de fond, l’unité du politique et du militaire comme principe stratégique caractérisant la guérilla, en réaffirmant la nécessité et la praticabilité du terrain de la guerre et l’actualité de la question du pouvoir,

de l’autre avoir tiré, dans le choc de la contre-révolution des années 80 et dans la pratique des premières années de Retraite Stratégique, ces enseignements relatifs au caractère de l’affrontement révolutionnaire et à la nature de ses contradictions qui ont permis aux BR d’approfondir certains termes de la guerre de classe de longue durée, en replaçant au centre son caractère non linéaire, et ensuite en clarifiant contenus, dynamiques et objectifs de la phase révolutionnaire ouverte (en précisant, entre autres, le positionnement tactique en termes de disposition des forces), et les objectifs de programme dans la phase politique intérieure et internationale actuelle.

La capacité renouvelée de se mesurer avec le caractère et le niveau de l’affrontement révolutionnaire, que la qualité de la réadéquation exprime, s’est traduite dans la relance des termes globaux de l’activité révolutionnaire.

La continuité et la cohérence réaffirmées par les BR dans la poursuite des directions stratégiques n’a rien à voir avec le « continuisme » idéologique et dogmatique mécanique et « irréductible », nais tire ses racines essentiellement des raisons de fond qui président et définissent la lutte armée comme avancement et adéquation de la politique révolutionnaire aux formes de domination de la bourgeoisie impérialiste.

L’affirmation de la lutte armée comme stratégie pour tout le prolétariat, plan systématique d’action et de disposition des forces, qui oriente et caractérise le processus révolutionnaire du début à la fin, est donnée par les conditions historiques et politiques, économiques et sociales qui ont été déterminées avec la seconde guerre mondiale.

Le niveau de maturation atteint par l’impérialisme dans cette phase posait comme dominants, dans le cadre économique du bloc occidental, des processus d’internationalisation et d’interdépendance des économies;

une donnée qui d’une part, se reflétait sur le développement de niveaux toujours plus élevés d’intégration politique et militaire entre les pays de la chaîne impérialiste (qui, le moment venu, se traduisait entre autres dans le déploiement de la « contre-révolution impérialiste », destinée à « normaliser » les pays du bloc occidental de manière à les rendre idoines au recouvrement de leur propre rôle dans la division internationale du travail et des marchés qui allait se dessinant, et à se charger des intérêts globaux de la chaîne);

d’autre part une donnée qui voyait s’affirmer une fraction dominante de bourgeoisie impérialiste agglomérée au capital financier US, comme point le plus avancé du monde occidental et tractant les mouvements économiques du monde occidental et, dans le même temps, lie prolétariat métropolitain, expression du processus de polarisation entre les classes et, en découlant, prolétarisation de larges couches de la société.

Comme reflet structurel à la formation de fractions de bourgeoisie impérialiste et du prolétariat métropolitain (et donc en général, au niveau de développement atteint par le capitalisme) la démocratie parlementaire moderne assume le rôle de représenter et mener ‘en avant les intérêts et les nécessités de la bourgeoisie impérialiste et- en particulier, de sa fraction dominante.

Du point de vue économique (étant donne la connaissance acquise), s’affine la capacité de gestion et de gouvernement de l’économie a travers des politiques économiques de support qui, dans la phase de crise générale (de valorisation), assument un caractère de contre-tendance, intervenant pour atténuer les effets négatifs de la crise, du moment où elles ne peuvent agir sur ses causes (qui sont structurelles).

Du point de vue politique, on exalte encore plus le rôle que l’Etat assume en référence à l’antagonisnc inconciliable entre les classes.

A partir des rapports de force généraux entre les classes qui caractérisaient le cadre d’affrontement dans l’après-guerre (après les ruptures opérées par la contre-révolution Impérialiste), la « démocratie représentative » s’organisa de manière à se charger du contrôle et du gouvernement du conflit de classe, en dépassant le caractère essentiellement répressif qui l’avait orientée -par exemple, l’État fasciste d’avant-guerre-, pour se servir des institutions démocratiques couine sphère politique en qui faire converger et rendre compatibles les poussées et les tensions antagonistes qui se produisent dans le pays, lesquelles canalisées à l’intérieur des « carcans institutionnels » sont vidées de tout contenu déstabilisant.

Partis, syndicats, organisations politiques sont délégués pour « représenter » la classe et deviennent l’unique « contre-partie » légitime en ce que structurelle et loyale aux institutions démocratiques et donc sensible et. respectueuse des intérêts de la bourgeoisie impérialiste.

Le contrôle et le gouvernement du conflit de classe passe donc par son « institutionnalisation » afin de prévenir la rencontre entre l’antagonisme prolétarien et la projectualité révolutionnaire.

Le sens concret de la contre-révolution apparaît alors évident, âme de la démocratie représentative, il lui est structurellement connexe; politique continue et constante, propre aux États capitalistes matures, insérée dans les instruments et dans les organismes « démocratiques », indépendamment de la présence ou non d’an processus révolutionnaire.

Le caractère de médiation politique qui s’affirme incoporé les termes de contre-révolution préventive, mûris et mis en règle dans le rapport d’affrontement entre les classes.

Il ne s’agit pas d’une donnée statique mais dynamique qui se redétermine en relation (au-delà de la donnée structurelle, et c’est-à-dire, aux niveaux de développement de l’impérialisme et des nécessités qui en découlent) avec les modifications des termes de l’affrontement et en particulier, avec celles du rapport révolution/contre-révolution.

Ce saut de qualité clarifie la nature politique de l’affrontement de classe dans les pays capitalistes matures et son degré d’approfondissement, et il pose le facteur de l’augmentation de la subjectivité comme une question dont on ne peut faire abstraction si l’on veut intervenir dans les dynamiques de l’affrontement.

Du coté prolétarien et révolutionnaire, influer sur le cadre d’affrontement s’étant affirmé dans l’après-guerre comporte nécessairement une réadéquation substantielle de la stratégie pour la prise de pouvoir.

En effet, la donnée de la contre-révolution préventive rend dépassée, impraticable, inefficace, la « politique des deux temps » qui en octobre 1917, avait porté au pouvoir le prolétariat soviétique et que la Troisième Internationale avait placé à la base de la stratégie révolutionnaire.

C’est-à-dire, n’est plus sûr un processus d’accumulation de force sur le terrain politique, à employer en ternes militaires contre l’Etat lorsque seront mûres toutes les conditions, objectives :et subjectives, pour l’insurrection.

Le processus révolutionnaire reprend un caractère concret et redevient praticable, parcontre dans la mesure où la marche de l’affrontement advient globalement, ce qui signifie, dès le début, intervenir (y compris en situation non révolutionnaire) sur tous les ternes de l’affrontement en opérant simultanément sur les deux plans, politique et militaire.

La stratégie de la lutte armée rend donc explicite le rapport de guerre en vigueur dans l’affrontement de classe.

Une guerre qui manifeste des caractéristiques particulières et dont les lois générales font référence à son caractère de classe qui implique les deux classes antagoniques: la bourgeoisie y intervient pour maintenir son pouvoir mais ne peut détruire le prolétariat, clef de voûte du mode de production capitaliste, -en ce que facteur unique de création de plus-value; le prolétariat révolutionnaire, au contraire, y intervient pour prendre le pouvoir et ce processus vit et se développe dans l’objectif d’anéantir la bourgeoisie comme classe.

Dans ce contexte, les dynamiques du rapport de guerre ne peuvent faire abstraction des caractéristiques politiques particulières de la guerre elle-même, c’est-à-dire, du niveau défini de la médiation politique classe/État.

Placée dans ce cadre même si c’est comme aspect « exceptionnel » (en ce sens que ce n’est pas la règle) et limité dans le temps, l’intervention contre-révolutionnaire de l’État, ainsi que nous avons pu le constater dans les années 80, apparaît comme ciblée et sélective, elle n’est pas massifiée, ni prolongée au-delà d’un certain seuil.

L’orientation poursuivie est de frapper au niveau de l’avant-garde pour ensuite en répercuter et en déployer les effets politiques sur la classe toute entière, de rompre la dynamique -de croissance et d’enracinement mise en marche par la guérilla et l’isoler de son terrain de reproduction, d’éloigner la classe du point de référence politico-militaire de direction de l’affrontement révolutionnaire.

Et en fin de compte d’imposer un climat politique en termes de rapports de force qui permette à l’Etat d’organiser à son avantage un cadre différent du rapport classe/Etan, en modifiant le caractère même de la médiation politique entre les classes, de manière a restaurer le contrôle des dynamiques antagoniques et à mettre le gouvernement du conflit en conformité avec les nouveaux termes posés par le niveau de développement et d’approfondissement de la crise du mode de production capitaliste (gouvernement de l’économie).

A l’intérieur du rapport existant entre processus révolutionnaire dirigé par la guérilla et contre-révolution de l’État, la contre-révolution des années 80 doit être lue comme produit et approfondissement du processus révolutionnaire, ainsi que des -conditions générales des rapports politiques entre les classes.

Par les temps et modalités avec lesquels elle s’est déployée, par les proportions atteintes et les termes employés, elle est la manifestation de la conscience atteinte par l’État de la valeur stratégique -et du poids politique de la lutte armée, réponse conséquente à l’avancement du plan d’affrontement révolutionnaire et, dans le même temps, cause de son approfondissement ultérieur.

D’autre part, le cadre des rapports politiques entre les classes est re-déterminé et le caractère de la contre-révolution préventive qui s’affirme incorpore et cristallise la substance de la contre-révolution déployée durant ces années, à travers des passages successifs, chacun d.’entre eux est un temps-étape de réglage « institutionnel » (en des termes donc constants et intégrés au mode de gouverner le conflit de classe) des rapports de force généraux atteints et point de départ pour des forçages successifs dans les rapports politiques entre les classes.

Le « pacte social néo-corporatif, les modifications institutionnelles, tendant à une plus grande centralisation des pouvoirs dans l’Exécutif, jusqu’ici opérées et le projet plus général de refonctionnalisation des pouvoirs et des institutions de l’Etat, dans lequel elles s’insèrent, sont autant de moments de ce processus, autant de ratifications des rapports de ‘force généraux produits par la contre-révolution.

Il ne s’agit donc pas d’une involution du système démocratique, d’une régression vers la restauration de l' »Etat autoritaire », nais se contraire, de passages vers un approfondissement sensible de la démocratie représentative, de sa capacité de gouvernement du conflit de classe et de gestion de l’économie.

Une dynamique qui évolue vers le maximum de la démocratie formelle, hors et contre le contexte de classe du pays, où les choix de l’exécutif, dans le répondre aux exigences de la fraction dominante de la bourgeoisie impérialiste (détentrice du pouvoir réel, substantiel), doivent s’affirmer en temps réels, détachés au plus haut degré des poussées antagonistes qui se produisent dans le tissu prolétarien.

Ce processus, tendant à aligner la démocratie italienne sur les démocraties d’Europe les plus matures, a cependant clairement un cours discontinu, devant toujours faire les comptes avec les résistances exprimées par la classe et avec la capacité de la guérilla à prendre en charge le niveau atteint par l’affrontement (en plus d’avec la poursuite d’échéances imposées par l’évolution/crise de l’impérialisme, raison structurelle du ré-ordonnancement des États).

Du côté guérillera, la contre-révolution des années 80 a représenté la vérification matérielle du caractère non linéaire de la guerre de classe, sujette par sa nature même à des avancées et des reculs, sapant avec brutalité toute conception mécanique et simpliste du processus révolutionnaire, signant la condamnation de toutes ces forces et organisations combattantes qui n’ont pas su lire le caractère et le sens concret des dynamiques en cours et dont les réponses se sont révélées inadéquates (lorsqu’il ne s’est pas agit d’une véritable reddition inconditionnelle au sens propre).

Seules les BR per il PCC ont été en état de se mesurer avec les lois de l’affrontement contre-révolutionnaire et, en ouvrant la phase de la Retraite Stratégique, de donner l’unique réponse possible et positive à la situation qui était en train de se déterminer.

Le heurt avec la contre-révolution a ouvert la voie (et fournit certains termes) à la compréhension du caractère de l’affrontement révolutionnaire, faisant justice au schématisme avec lequel durant la phase; précédente, l’affrontement avait été mené et avaient été conduites les phases révolutionnaires.

Il s’agissait d’un positionnement, fruit de la jeunesse et expérience guérillera, qui réduisait le processus révolutionnaire à une phase d’accumulation linéaire de capital révolutionnaire, de force disponibles à la lutte armée de manière générique qui dans la phase suivante seraient déployées dans la guerre civile.

D’une part de fait, on réduisait le caractère de longue durée de la guerre de classe, avec tout ce que cela entraîne en termes de disposition des forces pour leur relance; d’autre part il en dérivait une vision schématique de l’État comme une somme d’appareils séparés entre eux et mis sur le même plan.

Due et nécessaire, la Retraite Stratégique a apporté avec elle un premier plan de reconnaissance d’erreurs et de contradictions, en recouvrant entre autres la centralité de programme de l’attaque au cœur de l’Etat, centralité qui découle du fait que la plan classe/État est l’axe principal sur lequel se construisent les termes de la guerre de classe (l’État étant le siège politique des rapports entre bourgeoisie et prolétariat), et d’autre part que l’État centralise sur le plan politique le caractère fonctionnel de ses appareils.

Mais la valeur politique déterminante de la Retraite Stratégique réside dans son sens concret de loi fondamentale de la guerre révolutionnaire, expression du caractère non linéaire de la guerre elle-même, et c’est-à-dire, de repli de positions qui de fait se démontrent inadéquates et non réellement avancées, comme réponse nécessaire face à l’impossibilité de se mesurer « à égalité » avec l’ennemi de classe.

Par conséquent, loi dynamique qui ouvre une phase générale non résolvable dans le seul repositionnement d’une corps de thèses mais qui, au-delà de l’adéquation du dispositif organisationnel, investit surtout la manière par laquelle on construit les termes politico-militaires de la guerre elle-aême.

La Retraite Stratégique, fruit du caractère et du niveau de l’affrontement révolutionnaire, en détermine, dans le même temps, l’approfondissement dans la mesure où elle place correctement le revers subi en termes de défaite tactique et ouvre une phase révolutionnaire centrée, dans ses finalités et dans la disposition tactique des forces en conséquence, autour du problème de construire les conditions politico-militaires nécessaires pour inverser l’état actuel des rapports de force.

Un processus dynamique au cours discontinu et contradictoire, qui dans la phase initiale a pu faire les comptes avec les marques laissées par l’offensive de l’État : l’incompréhension qui s’était produite du niveau réel d’affrontement alimentait un plan de contradictions qui réduisait de fait la Retraite Stratégique à un acte défensif et par conséquent, conduisait à subir l’initiative de l’Etat et à la consomption des forces, dont la disposition non adéquate limitait le caractère fonctionnel eu égard aux nécessités dictées par la phase révolutionnaire elle-même.

C’est-à-dire, la logique défensive se démontrait incapable, face aux nécessités imposées par le niveau d’affrontement, s’empêtrant dans le possible entendu, de manière limité, aux conditions matérielles du moment.

Dans cette dynamique ont trouvé de l’espace des positions qui, lorsqu’elle se sont clairement dessinées dans le débat interne, ont été expulsées de l’organisation pour ce qu’elles étaient: des positions liquidatrices qui « intériorisaient » la défaite et portant à l’extrême la logique défensive, « jetaient le bébé avec l’eau du bain », c’est-à-dire, révisaient la lutte armée à un instrument de lutte, se soustrayant de ce fait au niveau de l’affrontement.

Le dépassement de l’optique défensive, mûri par les BR dans la praxis révolutionnaire, a marqué une étape importante pour le développement de la phase de Retraite Stratégique, car il a signifié saisir et dépasser une contradiction qui conduisait à éluder certaines lois de la guerre révolutionnaire et à ne pas se placer dans l’affrontement d’une manière adaptée à son niveau.

Ce passage s’est traduit par un saut en avant dans la mesure où il s’est réfléchi dans une praxis révolutionnaire qui demandait une réponse aux attentes posées par le rapport politique actuel entre les classes, tant sur le plan classe/État que sur le terrain de l’anti-impérialisme, permettant ainsi de faire front aux échéances politiques.

La récupération du sens politique profond de la Retraite Stratégique comme loi dynamique de la guérilla et la mesure acquise des nécessités, qui se mettaient en évidence en son sein, ont permis aux BR d’impulser les termes et les objectifs de la phase révolutionnaire, actuelle, identifiée comme ‘ »phase de reconstruction des forces prolétariennes et révolutionnaires et de construction des instruments politiques et organisationnels, destines a équiper le camp prolétarien dans l’affrontement prolongé contre l’État ».

Objectifs qui sont poursuivis en dialectique avec (et à partir de) l’initiative combattante sur les autres points du programme.

Il s’agit d’une phase interne à celle plus générale de Retraite Stratégique, au caractère de laquelle elle est conditionnée, mais par ses modes, substance et temps politiques, elle ne peut être considérée comme un moment conjoncturel, mais cornue une phase révolutionnaire véritable au sens propre, finalisée à la modification et au déplacement vers l’avant du plan révolutionnaire et en conséquence, des positions de force du camp prolétarien.

Par un autre aspect, avec la reconnaissance de la condition générale en qui vit la guérilla dans les pays capitalistes avancés comme condition d’encerclement stratégique dans lequel il ne peut y avoir de « zones libérées » où se replier et d’où repartir pour lancer des offensives, avec la conscience, à un niveau plus mature, du fait que la guérilla vit et opère en territoire ennemi, côte à cote avec l’ennemi de classe, et demeurant ferme la nature essentiellement politique de l’affrontement de classe, ce sont les implications émanant de l’opérer dans l’unité du politique et du militaire, en relation à tous les termes de l’affrontement de classe qui se sont mieux précisées.

Concrètement, affirmer que la conduite de l’affrontement advient globalement et que l’unité des deux plans se reproduit en chaque aspect de l’activité révolutionnaire des BR signifie que l’Etat, à travers l’action militaire, est frappé dans ses aspects politiques centraux: le cadre d’affrontement ainsi ouvert présente un avantage momentané favorable au camp prolétarien, avantage, qui pour ne pas être réabsorbé et dispersé par les mesures mises en champ par l’État pour récupérer le terrain perdu, doit se traduire en organisation de classe sur le terrain de la lutte armée, calibrée dans ses formes et dans ses modes à la phase révolutionnaire et au niveau de l’affrontement.

Tel est le sens concret de « travail de masse » à l’intérieur de la stratégie de la lutte arme comme proposition politique pour la classe toute entière; de cette manière, il est possible de préparer le camp prolétarien pour l’affrontement prolongé contre l’État. Plus concrètement encore, cela signifie organiser les fragments les plus matures de l’autonomie de classes activés par l’intervention révolutionnaire qui influe sur l’équilibre entre les classes, en organismes armés et clandestins de la classe.

Dans ces structures politico-militaires, les camarades révolutionnaires sont organisés selon les mêmes critères fondamentaux et la méthode de travail qui orientent et régulent l’Organisation dans son complexe, en tenant évidemment compte des différentes fonctions et rôles qu’ils ont dans l’affrontement et du cadre de conscience exprimé.

A l’intérieur des instances révolutionnaires et des réseaux prolétariens eux-mêmes se reproduit l’organisation et, à partir de cet élément de fond et dans la pratique concrète du travail politique révolutionnaire nécessaire, les forces sont formées et préparées à soutenir l’affrontement.

Dans le même temps, ces structures politico-militaires sont disposées et dirigées par l’Organisation dans l’affrontement en fonction de l’activité révolutionnaire globale des BR, qui à un moment les activent en leur indiquant les limites et les termes du travail politique révolutionnaire et en centralisant chaque aspect de leur- activité.

L’axe stratégique, auquel elles adhèrent .et dont elles reproduisent les termes, est incompatible avec une conception de la formation des forces type « école de cadres » ou du même genre; au contraire, il ne peut s’agir que d’organismes politico-militaires qui dès le début se rendent fonctionnels au plan de travail général dans la mesure où leur activité est d’une part centralisée par l’Organisation, de l’autre en conformité avec l’activité globale de l’Organisation.

En synthèse, formation/organisation des forces advient à l’intérieur et à partir d’un cadre organisé, clandestin et compartimenté, calibré à la phase révolutionnaire et aux rapports de force généraux, dans les formes qu’il assume et dans les modalités par lesquels il interagit avec l’affrontement; elle advient dans le travail révolutionnaire concret et calibré au niveau de conscience exprimé et au rôle de la structure dans l’ensemble du plan général de disposition des forces mises en champ par l’organisation; travail nécessaire et fonctionnel à l’activité globale, centralisé à partir des indications et sous la direction de l’Organisation.

Cette activité de formation/organisation des forces se meut parallèlement au processus de reconstruction. dans le milieu ouvrier et prolétarien, des conditions politiques et matérielles endommagées et dispersées par la contre-révolution, pour un équilibre politique et de forces favorable au camp prolétarien va processus qui mûrit en référence à l’initiative de la guérilla destinée à rompre les équilibres politiques généraux se formant, entre classe et État, au sein duquel s’évidencie et s’affirme la contradiction dominante en antagonisme entre la classe et l’État.

L’intervention sur ce plan, avec l’attaque au point le plus élevé de l’affrontement, pesé sur les équilibres de l’affrontement lui-même et se répercute, en conséquence, sur l’ensemble du panorama des rapports entre les classes, jusqu’au plan capital/travail, mettant en mouvement des dynamiques dans le tissu prolétarien et dans les composantes les plus matures de l’autonomie de classe en particulier, d’où il est possible de « libérer » l’énergie prolétarienne qui doit être formée, organisée et disposée de manière adéquate pour être en mesure de soutenir le niveau d’affrontement et se rendre fonctionnelle à l’approfondissement de la guerre de classe.

Reconstruction et formation/organisation constituent le rail sur lequel se concrétise La nécessaire dialectique guérilla/autonomie de classe.

Poursuivre cette dialectique entraîné de se mesurer avec les conditions politiques générales du rapport classe/État, et, c’est-à-dire, pour en définir l’attaque et toute l’activité révolutionnaire, de se référer au caractère de la médiation politique qui s’affirme et se consolide au projet politique qui émerge comme dominant dans une conjoncture Intérieure (référence aux exigences de la bourgeoisie impérialiste de notre pays) et Internationale (référence au rôle de l’Italie dans le contexte de la chaîne impérialiste et en particulier en Europe Occidentale) donnée; au niveau d’approfondissement démontré face aux dynamiques Révolution/contre-révolution.

Eu égard à ce dernier aspect s’évidencie, en ‘synthèse, l’intervention constante et globale d’une appareil antiguérilla dont les finalités, essentiellement politiques, visent à contrecarrer les effets et la valeur de la proposition politique des B.R, en tenant sous pression et en intervenant  »en termes de dissuasion sur les composantes prolétariennes et révolutionnaires qui expriment de l’antagonisme contre l’Etat.

Cet aspect s’interpénètre avec le caractère de La médiation politique entre les classes, en donnant vie à un ensemble réticulaire d’actes politiques et matériels contrecarrant le milieu même de for-nation des avant-gardes dans la tentative d’empêcher à l’autonomie de classe de s’exprimer.

La dialectique guérilla/autonomie de classe qu’il est possible et nécessaire à partir de ce cadre d affrontement de développer, présuppose la formation et l’organisation des forces militantes en un module politique et organisationnel organique qui soit non seulement cohérent avec le principe de l’unité du politique et du militaire, mais à l’intérieur duquel les cadres militants se forment et se positionnent tactiquement de manière à être en mesure d’exprimer la direction et l’organisation adéquate des forces, à partir de la voie duale de reconstruction / formation, à l’intérieur de la projectualité actuelle et en syntonie avec les objectifs de la phase révolutionnaire.

Le projet politico-organisationnel qui, historiquement, s’est révélé lé plus adéquat, est celui auquel le statut des-B.R fait référence (cf. la Résolution de la direction Stratégique n°2).

Son absence ne peut que provoquer un appauvrissement et un affaiblissement de l’entité militante, privée de moyen et de l’outil pour intervenir dans l’affrontement au niveau nécessaire.

Proposer de nouveau ce dispositif dans ses principes généraux a constitué un point d’appui du processus de redéfinition, à un moment donné, de vérification du processus en cours et de l’instrument politico-militaire, afin de lui donner un nouvel élan, pour qu’il permette d’amener les forces révolutionnaires au niveau politique nécessaire, en faisant vivre et en exploitant au mmelaim la capacité des individus dans le collectif.

Un tel dispositif a, dans, ses présupposés généraux, un caractère stratégique et il ne peut se transformer au gré des phases révolutionnaires.

Il est fondé sur le critère du centralisme démocratique, selon lequel les instances horizontales et verticales sont structurées.

La totalité du travail révolutionnaire est centralisée et se situe à l’intérieur du plan de travail général élaboré par l’instance dirigeante.

Il va de soi qu’il opère à l’intérieur des principes stratégiques de la clandestinité et de la compartimentation, principes de base qui reflètent l’unité du politique et du militaire et qui orientent chaque aspect de l’activité révolutionnaire.

Ils répondent aux lois de la guerre révolutionnaire en ce qu’ils permettent de rendre explicite le caractère offensif de la guérilla, en limitant dans le même temps les pertes qui sont toujours élevées dans la guérilla.

Ces principes parcourent horizontalement et verticalement toute l’organisation et les forces qu’elle organise et déploie.

En particulier, la clandestinité est un choix offensif, à caractère stratégique, qui permet aux révolutionnaires de se situer au coeur de l’affrontement dans les meilleurs conditions -les seules qui soient adéquates- pour porter l’attaque et approfondir la guerre de classe.

La structuration en cellules, unités de base du dispositif politico-organisationnel des BR, permet de manière générale la reproduction de l’organisation dans la mesure où, en son sein se reproduisent les critères généraux du dispositif et le patrimoine politique de l’organisation.

A partir du dispositif général des forces de l’organisation, on précise tactiquement, en fonction des objectifs de la phase révolutionnaires, la disposition des structures politico-militaires elles-mêmes, et donc des cellules qui, dans cette phase, doit être fonctionnelle à la construction, à l’organisation et à la direction des forces, en faisan’ vivre la dialectique guérilla/autonomie de classe, parce qu’elles visent dans leur activité à atteindre les lignes d’attaque, c’est-à-dire les objectifs de programme.

La matrice stratégique étant immuable, la position tactique est fonction de chaque phase du processus révolutionnaire afin de répondre aux finalités de chacune de ces phases, et elle influe sur la disposition tactique des forces en présence qui, de toute façon, a toujours un caractère dynamique en regard des caractéristiques politiques de l’affrontement.

Toutes les forces ainsi organisées et conduites deviennent fonctionnelles à l’attaque de manière à influer au plus haut degré et à se disposer positivement dans l’affrontement.

Dans ce processus de construction, d’organisation et de direction, les BR s’affirment corme un parti en précisant et en pratiquant le rôle de direction de l’affrontement.

Les BR comme force révolutionnaire qui agit et « armée révolutionnaire », se situent donc dans la pratique comme noyau fondateur du parti et de là elles travaillent à concrétiser le mot d’ordre de l’unité des communistes.

En conclusion, les étapes de la réadaptation parcourues jusque-là et la relance qui en découle constituent la donnée politique centrale dans là dialectique actuelle entre la révolution et la contre-révolution.

Les mesures que l’État a promulguées face à cela, qui déterminent l’activité de la contre-guérilla directement orienté par l’Exécutif, visent surtout à « congeler » les attentes créées par l’intervention révolutionnaire dans la classe.

Par exemple, les attaques contre la guérilla qui sont un aspect évidemment! intrinsèque à tout contexte de guerre révolutionnaire, sont utilisés pour peser sur le tissu prolétarien, d’où elles sont balayées du fait de l’épuisement des conditions du processus révolutionnaire.

Mais s’il est évident que l’approfondissement des conditions dans lesquelles se déroule le processif révolutionnaire, influence le cours de la phase actuelle de reconstruction, ce qui influe de manière centrale sur les perspectives de la phase révolutionnaire, c’est son positionnement dans une phase politique générale lourde de contradictions et, dans le même temps -mais non canne conséquence mécanique-, de potentialités favorables à l’approfondissement de la guerre de classe.

Dans le camp prolétarien, en effet, la « stérilisation » du tissu de luttes, ouvrier et prolétarien, n’est en effet pas donnée, ni non plus l’annulation des dynamiques qui reproduisent l’autonomie de classe.

Mais, au contraire, une large résistance ouvrière et prolétarienne au coût de la crise et aux effets de la réforme des pouvoirs de l’Etat se manifeste comme élément constant, d’où émergent, en particulier, des luttes qui tendent à briser les carcans et les filtres des relations industrielles, qui sont le reflet, sur le plan du rapport capital/travail, des modifications des équilibres politiques . généraux, ratifiées au niveau institutionnel dans les nouvelles « règles du jeu » de la démocratie représentative, pour exprimer des instances de lutte autonomes.

Dans des formes et des manières qui sont le fruit du cadre de transformé des rapports politiques entre les classes, elles représentent cependant la continuité de la tradition d’autonomie de classe qui s’est déterminée historiquement en Italie.

D’autre part et parallèlement, le plan d’intervention global dans l’affrontement que la guérilla a fait mûrir et les perspectives politiques ouvertes sur le terrain de l’affrontement entre la classe et l’État, et sur celui de l’anti-impérialisme -en conservant le patrimoine que vingt années de pratique -révolutionnaire ont consolidé dans le tissu prolétarien et qui donne sa substance à ce fil organique qui relie, aujourd’hui encore, les BR à ce tissu-, permet aux B.R d’agir dans l’affrontement et en concordance avec les échéances politiques dictées par les conditions politiques générales du rapport entre la classe et l’État.

Dans la mesure où l’initiative de la. guérilla influe sur les barrières et les filtres de la médiation politique, à partir des niveaux d’agrégation ouvrière et prolétarienne évoqués ci-dessus, une énergie révolutionnaire émarge qui peut et doit être organisée, formée et dirigée sur le terrain de la guerre révolutionnaire, pour aller de l’avant.

Par conséquent, en tenant compte comme il se doit de l’approfondissement du plan! d’affrontement révolutionnaire actuel, c’est aux dynamiques qui se développent à partir de la dialectique entre ces deux facteurs, guérilla et autonomie de classe, que les BR font référence lorsqu’elles procèdent à la reconstruction des instruments politiques et organisationnels qui permettent de doter le camp prolétarien des moyens de soutenir l’affrontement et de poursuivre les lignes d’attaques inhérentes aux points de programme.

ATTAQUER ET DESARTICULER LE PROJET ANTI-PROLETARIEN ET CONTRE-REVOLUTIONNAIRE DE REFORME DES POUVOIRS DE L’ETAT.

CONSTRUIRE ET ORGANISER LES TERMES ACTUELS DE LA
GUERRE DE CLASSE.

ATTAQUER LES LIGNES CENTRALES DE LA COHESION POLITIQUE DE L’EUROPE OCCIDENTALE: DANS LE SPECIFIQUE ET LES PROJETS IMPERIALISTES DE NORMALISATION AU MOYEN-ORIENT OUI SE FONT SUR LE DOS DES PEUPLES PALESTINIEN ET LIBANAIS.

TRAVAILLER AUX ALLIANCES NECESSAIRES A LA CONSTRUCTION ET A LA CONSOLIDATION DU FRONT COMBATTANT ANTI-IMPERIALISTE, POUR AFFAIBLIR ET REPOUSSER L’IMPERIALISME DANS L’AIRE GEOPOLITIOUE EUROPE OCCIDENTALE / MEDITERRANEE / MOYEN-ORIENT.

HONNEUR AU CAMARADE UMBERTO CATABIANI « ANDREA », ABATTU EN MAI 1982.

HONNEUR A TOUS LES CAMARADES REVOLUTIONNAIRES ANTI-IMPERIALISTES MORTS AU COMBAT.

>Sommaire du dossier

BR-PCC: Action contre Ezio Tarantelli (1985)

Le 27 mars 1985, un noyau armé de notre Organisation a exécuté Ezio Tarantelli, un des plus grands responsables de l’attaque contre le salaire ouvrier et contre l’histoire des conquêtes politiques et matérielles du prolétariat de notre pays.

Qui était Ezio Tarantelli ?

Celui que, avec beaucoup de fantaisie, la bourgeoisie définit comme un « professeur », un « chercheur » sur les problèmes de relations industrielles, était en réalité un des plus compétents exposants technico-politiques au service du grand capital, qui « travaillent » a l’essai de la bourgeoisie pour faire front a la crise économique par un de ses aspects fondamentaux : celui de la réglementation institutionnelle du rapport antagoniste entre les classes se référant aux conditions et aux mécanismes d’achat et vente de la force de travail ; celui donc de la ratification juridico-législative des rapports plus généraux de force entre la classe ouvrière et le patronat, du point de vue des intérêts bourgeois.

Non, le « professeur » ne sort pas par hasard de cette tanière internationale de la politique anti-prolétarienne et de l’oppression impérialiste qu’est le MIT, une des centrales au niveau mondial de la politique économique et financière du grand capital multinational, noyau opérationnel responsable aux plus hauts niveaux, tant de l’exploitation prolétarienne dans les pays a capitalisme avance que du vol, de l’holocauste par la faim et de l’oppression de l’impérialisme occidental sur les 3/4 de la population mondiale.

Le « professeur brillant » est celui qui a appris l’art et la technique de l’exploitation capitaliste et c’est la qu’il réussit constamment a se renouveler au cas ou quelque chose lui échapperait

Le plus grand expert économique de la CISL, président de l’Institut des Études de l’économie du Travail, ex-consultant de la Banque d’Italie, a été le concepteur des plus importantes étapes qui ont appuyé la politique économique des derniers gouvernements, de la réforme du marché du travail (appelée nominative, mobilité, temps partiel, etc…) a celle du salaire (blocage et prélèvement prédéterminés des points de contingence, diversification salariale soumise a la productivité) a celle plus générale de la négociation centralisée Gouvernement – Confindustrie – Syndicat, selon le modèle néo-corporatif qui s’est révélé dans les faits le plus efficace pour la bourgeoisie pour poursuivre le sévère réajustement du poids d’ensemble de la classe ouvrière.

Le réactionnaire « pacte social » avec ses révoltants « changements politiques » redéfinit le rôle du syndicat qui, particulièrement dans certains secteurs, n’est pas son promoteur direct, en considérant désormais comme marginale son activité administrative et en privilégiant la participation directe a l’élaboration et a la gestion de la politique des restructurations.

La crise économique qui depuis plus d’une décennie déchire le système économique occidental, d’un côté accentue la concurrence intermonopoliste et d’un autre coté exige l’attaque immédiate de la classe en essayant de la piéger par des mesures anti-crises.

La restructuration de l’appareil producteur tendant a abaisser les coûts par unité de produit ne fait qu’accentuer les contradictions dans le camp bourgeois et accélérer les fins de la concurrence.

Toutes les contre-tendances rassemblées dans un camp ne font que clarifier encore une fois l’impossibilité pour la bourgeoisie de résoudre sa crise sinon a travers une solution unique : la guerre impérialiste, la destruction qui en découle des moyens de production, des marchés, de la force de travail, de la surproduction de capitaux et « obsoleti », dans le cadre d’une plus grande centralisation et concentration des capitaux et d’un nouvel ordre mondial dirige par des monopoles multinationaux plus forts.

Ce dessein trouve en face de lui un formidable obstacle représenté par l’antagonisme de la classe ouvrière a se faire le comparse de ce « nouveau » pacte social pour soutenir les intérêts de la bourgeoisie a résoudre la crise.

Pour cela, la défaite politique du prolétariat est, pour la bourgeoisie, un objectif vital de première importance.

Conjoncturellement, cet objectif se traduit par l’élaboration et la mise en oeuvre d’un projet de pacte néo-corporatif qui caractérise la redéfinition plus générale des rapports sociaux dans un sens réactionnaire. La restructuration des relations industrielles et du rôle même des syndicats et des partis, va dans le sens de la redéfinition des fonctions des représentants institutionnels du prolétariat dans le but déclaré de pacifier I’ affrontement social sur le dos de la classe ouvrière.

Dans ce cadre doit être comprise l’offensive anti-prolétarienne qui a objectivement réduit a la défensive le mouvement de classe. L’objectif que la bourgeoisie se propose est la fragmentation du front prolétarien en une tour de Babel de micro-intérêts conflictuels, qui si elle trouvait la voie libre de résistance, pourrait bien amener vers une défaite historique de la classe, et vers une pacification mortifiée du front interne, situation idéale pour affronter les échéances de la tendance dominante a la guerre impérialiste.

La contribution donnée a l’élaboration et a l’exécution d’une telle politique par le « professeur » est ultérieurement clarifiée par les prochaines échéances auxquelles il « travaillait » : la proposition de réduction de l’horaire de travail, cheval de bataille de la CISL durant ces derniers mois.

La démonstration la plus évidente de l’esprit anti prolétarien, démagogique, mystificateur et en parfaite syntonie avec les plans confindustriels, réside dans le fait qu’une telle réduction n’est destinée a rien d’autre qu’a l’augmentation de la productivité a travers l’introduction sauvage de la flexibilité, de la mobilité, du temps partiel et de l’utilisation du travail extraordinaire, selon la nécessite des entreprises.

Celui qui lutte au chômage ! On jette de la poudre aux yeux pour prévenir de cette manière l’exacerbation des tensions sociales favorisant en même temps une meilleure utilisation de la force de travail selon les exigences productives capitalistes.

De leur côté, les syndicats et les partis révisionnistes jouent dans ce cadre le rôle de mur anti-subversif dans l’édifice bourgeois branlant, rôle revendiqué apparemment par le PCI et par Lama, le présentant comme monnaie d’échange. Cela s’est vu clairement dans l’échange politique pendant les vicissitudes du décret sur le fisc, vraie feuille de vigne en « couverture » des récentes attaques contre le salaire ouvrier et, encore plus, dans cette loi de l’obstructionnisme qu’est le décret coupe-salaire.

A ces occasions, on peut voir le PCI dans le rôle d’incomparable contrôleur des luttes ouvrières, alternant le frein dans les actions publiques et l’accélérateur démagogique dans l’opposition parlementaire, le tout sur un terrain de compatibilité institutionnelle. Le jeu à la hausse du référendum, un référendum qui, pour les mêmes défenseurs « n’est pas a faire », est la manifestation la plus évidente de l’ambiguïté que démontre un parti bourgeois comme le PCI qui chevauche les intérêts ouvriers.

Notre initiative politico-militaire a encore une fois clarifie la nature réelle de la rixe entre les partis au sujet de ces questions et, par dessus tout, les réels intérêts qui sont a la base des diverses propositions.

Le PCI a utilise encore une fois la lutte ouvrière pour ses calculs mesquins de pouvoir, parcourant avec maladresse un terrain miné et trébuchant ponctuellement sur l’obstacle le plus redoutable pour la réalisation de ses programmes de contrôle de l’antagonisme de classe : l’activité révolutionnaire des Brigades Rouges.

Parallèlement à la clarté et à la centralité de l’objectif poursuivi par notre Organisation, tombent les derniers voiles de la mystification, tant du gouvernement que du parti de Natta, et le problème mal cache jusqu’à aujourd’hui de la recherche d’un accord politique, se révèle pour ce qu’il est : éviter l’imprévisible riposte de la classe au durcissement du conflit social a travers la solution « pacificatrice » d’un nouvel accord général, encore une fois sur le dos des intérêts matériels et politiques du prolétariat, énième échange politique entre le PCI et le gouvernement, pas ultérieur vers une défaite de la classe.

Mais c’est justement la difficulté que le développement de ce projet rencontre, la meilleure démonstration que la défaite politique du prolétariat dans notre pays est, a tous les yeux, une velléité, velléité certainement pas privée de réelles possibilités, mais reddition toujours plus faible de par 1’énorme potentiel de lutte et la combativité de la classe ouvrière contre les politiques gouvernementales internes et internationales.

Le caractère de résistance que les luttes ont inévitablement atteint représente un premier moment indispensable pour la reconstitution d’un tissu prolétarien organisé, qui s’est exprime embryonnairement d’une manière plus claire avec l’auto-convocation des assemblées des conseils d’usine.

Mais si le tout reste ancré dans le temps au caractère de pure et simple résistance par la défense de positions piégées, la classe pourrait bien se retrouver enfermée dans un cul-de-sac a la fin de quoi ce serait une défaite de dimension historique. Notre devoir, comme Organisation communiste, est évidemment celle de représenter les intérêts généraux du prolétariat, le guidant dans la lutte contre la régimentation réactionnaire de la société et contre les préparatifs de la guerre impérialiste.

Se basant sur ce devoir et travaillant a l’approfondissement de la crise politique de la bourgeoisie, nous disons a la classe la matérialisation de notre proposition stratégique : la Lutte Armée pour le Communisme, pour transformer la guerre impérialiste en guerre de classe pour la conquête du pouvoir politique et la dictature du prolétariat

Les Brigades Rouges appellent les communistes a resserrer les rangs autour des devoirs principaux que la lutte des classes met aujourd’hui en évidence : construire l’offensive prolétarienne et révolutionnaire contre les restructurations et contre la guerre impérialiste, et lutter sur le terrain politique révolutionnaire pour la modification des rapports de force en faveur du prolétariat.

Et ceci a partir d’une pratique politico-militaire contre les politiques anti-prolétariennes et réactionnaires de pacification sociale, contre les politiques de guerre de la bourgeoisie impérialiste.

La crise du mode de production capitaliste est en train de créer des conditions favorables a la lutte prolétarienne dans tous les pays occidentaux. Elle crée d’autre part les bases pour l’identification de l’ennemi commun constitue par les politiques de restructuration de la bourgeoisie impérialiste effectuées partout par l’entremise de l’attaque des conditions de vie du prolétariat, la militarisation croissante et le réarmement de tous les pays dûs aux préparatifs de guerre.

Ces conditions engendrent des contradictions sociales de plus en plus profondes amenant au centre le devoir des communistes de travailler a la construction du Parti Communiste Combattant.

Seulement ainsi, il sera possible de poursuivre l’objectif de la direction prolétarienne de l’affrontement social, aiguisé par les mesures anti-crise prises par toute la bourgeoisie occidentale et démontré par des cycles de lutte antagoniste qui – à plusieurs niveaux – secouent toute l’Europe.

L’unité objective des intérêts du prolétariat international, les motivations d’une alliance a travers cela et la lutte des peuples progressistes contre l’oppression impérialiste, sont la moelle épinière du nécessaire caractère internationaliste de la révolution prolétarienne.

La lutte contre l’impérialisme occidental est pour cela une caractérisation commune a toutes les forces révolutionnaires, indépendamment des objectifs stratégiques qui sont poursuivis, que ce soit la libération nationale ou la conquête prolétarienne du pouvoir politique.

Pour ce motif, les Brigades Rouges ont fait de la lutte militante anti-impérialiste un point particulier et incontournable, une constante de la vraie perspective politique et de la vraie pratique combattante, comme l’ont démontre la capture du général Dozier et l’exécution du diplomates Hunt.

Cette campagne contre I’OTAN a été conçue comme point du programme fondamental pour le processus révolutionnaire dans notre pays, et ceci parce que l’affaiblissement et la défaite de l’impérialisme dans l’aire géographique et politique dans laquelle est située l’Italie, est une des conditions qui contribuent au succès de notre révolution.

De cette manière, les Brigades Rouges ont l’intention de travailler au renforcement et a la consolidation du Front de lutte contre l’impérialisme occidental qui a trouve ces derniers temps une vigueur renouvelée et une force unitaire démontrant la difficulté et les défaites que les entreprises impérialistes rencontrent dans le monde entier, de Grenade a Beyrouth au Nicaragua, par une campagne unitaire contre l’OTAN de la guérilla en Europe en lien dialectique avec l’exceptionnelle mobilisation de masse contra les missiles américains dans les métropoles européennes.

ATTAQUER ET ABATTRE LA COALITION CRAXI-CARNITI-CONFINDUSTRIA, AXE POLITIQUE DOMINANT DU PROJET REACTIONNAIRE DU PACTE SOCIAL NEOCORPORATIF !

RENFORCER ET CONSOLIDER LE FRONT DE LUTTE ANTI-IMPERIALISTE !

TRANSFORMER LA GUERRE IMPÉRIALISTE EN GUERRE DE CLASSE POUR LA CONQUÊTE DU POUVOIR POLITIQUE ET LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT !

Pour le Communisme

Brigades Rouges pour la construction du P.C.C.

>Sommaire du dossier

BR-PCC : Les luttes de la classe ouvrière et la situation politique (1984)

RESOLUTION STRATEGIQUE N°19

Chapitre I

La « phase deux » de la manœuvre de politique économique du gouvernement, le coût du travail et la riposte ouvrière.

1983 s’était terminé de la meilleure des manières.

Pour Bettino Craxi et son gouvernement, l’adoption de la Loi des Finances d’ici la fin de l’année constituait indéniablement un succès politique.

Bien sûr, l’institution de la soi-disant « session de budget » était devenue nécessaire, c’est-à-dire une période de temps déterminée dans laquelle le travail parlementaire est exclusivement dédié à la discussion et à l’adoption du budget de l’État et de la Loi des Finances.

De plus, le P.C.I. avait offert au « premier président du Conseil socialiste » une « opposition constructive».

Mais, à la fin des fins, rien n’ôtait au gouvernement Craxi le mérite d’être le premier, après de nombreuses années, qui soit en mesure d’éviter le recours à l’exercice provisoire du budget.

Télévision et presse du régime applaudirent extasiées, le triomphe de la « volonté politique » des forces de la majorité.

Quand celle-ci existe, dit-on, il est possible de faire cela et autre encore.

Après la rafale de réductions des dépenses sociales contenues dans le texte de loi, Craxi n’hésite pas à faire un dernier cadeau aux Italiens : le 28 décembre, avec une « touche de classe », le gouvernement augmente l’essence.

Une fois conclue la « phase un », c’est maintenant le moment de s’occuper de la « phase deux ».

Le nœud crucial de la « phase deux » de la manœuvre de politique économique du gouvernement est, naturellement, le coût du travail. Il faut le réduire.

Le lieu opportun pour atteindre cet objectif a déjà été institué il y a un an, au moment de la signature de l’accord du 22 janvier 1983 entre gouvernement, syndicats et Confindustria [la Confindustria est le syndicat patronal de l’industrie privée, N.T.].

L’article 7 du texte dit en effet : « … la fin de chaque année, le gouvernement et les parties se rencontreront pour vérifier l’avancée de l’inflation par rapport au taux d’inflation programmé et pour évaluer les mesures de compensation en cas de dépassement».

Que, alors que les prix et tarifs publics sont augmentés, seul le coût du travail n’a pas franchi le seuil fatidique de 13 % au cours de l’année 1983, ne semble pas préoccuper outre mesure la bourgeoisie italienne : il faut diminuer le coût du travail. Mieux, pour parler plus clairement, il faut couper l’échelle mobile 2 [l’indexation, N.T.].

Une date est alors fixée, le 12 janvier, et, en vue des consultations, le duel commence.

L’« enfant prodige » de la D.C., le ministre du Trésor Goria, ouvre les hostilités : Il y a un trou, dit-il, dans le déficit d’État prévu par la Loi des Finances à peine approuvée, et il s’agirait de 10 mille milliards de lires et peut-être de plus !

On donne ainsi l’ouverture d’une garce tragique qui voudrait le gouvernement divisé entre « optimistes » et « pessimistes ». Des chiffres différents à toutes heures explosent comme des éclairs.

Le parti de Spadollini [ex-Président du Conseil et Secrétaire du P.R.I., N.T.] diffuse un document dans lequel on relève que l’action prévue par les accords de gouvernement « est encore entièrement à réaliser» et qu’il est nécessaire de trouver « un accord qui permette de ramener les augmentations de salaires moyens dans la limite des 10 % en 1984, au moyen d’opportunes modifications du mécanisme de l’échelle mobile ».

Il n’est pas très difficile de comprendre ce qui est en train de se passer : le début des négociations gouvernement-patronat- syndicats approchant, la D.C. et le P.R.I., « axe de droite » de la majorité, tiennent à nous faire savoir clairement qu’ils n’accepteront aucune contrepartie fiscale à la diminution des salaires.

Ces derniers doivent étre diminués et c’est tout !

Les caisses de l’État sont déjà assez vides pour des raisons précédentes et il n’y a vraiment pas besoin de « demander » des dégrèvements fiscaux ou des projets de développement de l’emploi.

L’État « assistanciel », comme on le dit maintenant, est mort et enterré.

Que Craxi, De Michelis [Ministre du Travail, N.T.] et le piduiste [membre de la loge maçonique P2 et secrétaire général du P.S.D.I., N.T.] Longo (qui, sans le sens du ridicule, occupe le ministère du Budget) se le mettent en tête.

L’effronterie et le cynisme du gouvernement sont tels que, dans le même temps où se développe cet édifiant débat, le ministre des Finances Visentini déclare, à la veille des consultations, une interview à La Republica – qui, pour l’occasion, dérange son directeur, le néo-réactionnaire / réformiste / repenti Eugenio Svalfari – dont la teneur est plus ou moins la suivante : aucun dégrèvement fiscal pour les travailleurs, aucun impôt sur le patrimoine pour les grandes fortunes, aucune taxation des titres d’État, et l’on ne parle même pas pour rire d’une lutte réelle contre l’évasion fiscale !

Le ministre conclut, avec un calme franciscain : « Le Trésor Public n’a plus un sou à donner.

Il est mieux de le savoir dès le départ. Les syndicats le savent, comme le savent les collègues ministres qui négocieront.

Sur le point, il est bon que chacun prenne ses responsabilités. Moi, je prendrai les miennes jusqu’au bout. »

Visentini est notoirement un « gentilhomme », il fait même partie de cette troïka des « gentilhommes » (Visentini, Martinazzoli et Scalfaro) qui est un peu la fleur à la boutonnière d’un gouvernement composé de canailles de toutes espèces.

Mais, il s’avère être un «gentilhomme» un peu particulier.

Dans notre manière de voir, il est beaucoup plus proche de l’espèce des vulgaires détrousseurs de rue, ce ministre qui fait peser une montagne de taxes sur les seules épaules des prolétaires et qui ne veut pas respecter les pactes signés par tous les gouvernements précédents.

Du reste, les deux autres « gentilhommes » sont, respectivement, le ponsable des prisons italiennes, où sont entassées plus de 40 000 personnes dans des conditions répugnantes, et un ministre de l’intérieur qui, comme il l’admet lui-même, se réclame de l’exemple de l’assassin Mario Scelba [l’un des ministres de l’intérieur de l’après-guerre, N.T.].

Entre-temps, le 7 janvier, est réapparu le proffesseur Gino Giugni qui, malgré qu’il ait eu une discussion un peu particulière avec notre Organisation, ne réussit vraiment pas à se taire.

Toujours dans La Republica, il écrit, entre autres : «On peut affirmer que les propositions courantes pour contenir l’échelle mobile sont toutes et aucune aptes à atteindre l’objectif.

Modification de la valeur de l’indice, comme l’on en a décidé il y a un an ; ralentissement ou suspension de la cadence ; prédétermination des points de l’échelle mobile : chacune de ces solutions peut rejoindre l’objetif défini plus haut, mais à la condition qu’elle ne soit pas entendue comme définitive.

Celle-ci ne devra pas constituer des entraves à de nouvelles et différentes manœuvres par la suite… »

Le « Père du Statut des Travailleurs », à peine élu sénateur dans les rangs craxiens, ne manifeste pas la moindre retenue : on diminue le salaire des travailleurs mais, s’il vous plaît, que l’on ne croit pas l’avoir fait une fois pour toutes Nous devons au contraire instituer des réunions périodiques dans lesquelles on puisse envisager d’éventuelles « retouches » à faire sur la feuille de paye. Et qui a des oreilles pour entendre entendra !

D’autre part, pour ainsi dire, les oreilles ils en ont, et ils en ont même de grandes.

Benvenuto [Secrétaire de l’U.I.L., N.T.] après avoir épousé la thèse de la C.I.S.L. sur la prédétermination des points de l’échelle mobile, propose le 8 janvier de ne faire valoir que six points au cours de l’année 1984, ce qui revient à réduire l’échelle mobile de moitié puisque la prévision la plus optimiste prévoit douze points d’augmentation pour l’année à venir.

Nous verrons plus loin que c’est aussi la position de la Confindustria.

Mais, à ce moment, la classe ouvrière a bien autre chose à faire qu’à regarder ce révoltant spectacle.

Lundi 9 janvier, à l’Alfa d’Arèse, dans une assemblée à laquelle participent 97 % des ouvriers, des initiatives de luttes sont décidées contre la cassa integrazione à zéro heure pour 500 employés et contre celle à rotation pour 3 000 ouvriers.

Les ouvriers se retrouvent seuls face au patron, après la trahison de Pomigliano d’Arco, où le syndicat a signé un accord en forme de guillotine qui divise la classe ouvrière Alfa en deux tronçons, celle de Pomigliano contre celle d’Arese.

Les syndicalistes ont des difficultés à contenir la colère ouvrière, des grèves, des ralentissements des cadences, des manifestations à l’Intersind [Syndicat du patronat de l’industrie publique, N.T.] sont décidées.

Jeudi 12 janvier, les ouvriers du groupe Italsider sont en grève.

À Naples, les travailleurs de Bagnoli bloquent les rues avec des banderolies et des panneaux et se dirigent sur le siège de l’Intersind.

Là, ils trouvent la police du « gentilhomme » Scalfaro qui, sans galanterie, charge en matraquant comme un fou.

Avec un retard d’un jour sur la date fixée, les consultations gouvernement-syndicats-patronat s’ouvrent en grande pompe le 13 janvier.

Le commencement de la négociation a été précédé de déclarations en rafales de l’infatigable De Michelis qui, pour l’occasion, a choisi la tactique de l’«optimisme à outrance».

De Michelis (qui est connu des travailleurs de toute l’Italie pour avoir fait le tour des usines, quand il était ministre des Participations d’État, pour annoncer des licenciements et la cassa integratiozione avec des expressions aussi béates qu’hébétées) parle de « grande occasion » qu’il serait « fou » de laisser passer.

Il se réfère vraisemblablement à l’occasion d’escroquer, encore une fois, les ouvriers.

À la table des négociations, il n’y a que beaucoup de fumée : on y parie et divague sur l’emploi, les prix et les tarifs publics, les facilités fiscales, mais le seul point stable reste la nécessité « inéluctable » de diminuer le coût du travail.

Les jeux réels, on commence à les comprendre, se font ailleurs. Le jour même où commencent les négociations, la D.C. rejette le projet de loi gouvernemental sur les soi-disant « bassins de crise », motivant son geste par le fait qu’« une loi de ce genre ne résoudrait rien, mais créerait au contraire de nouvelles contradictions et de nouveaux déséquilibres dans l’appareil productif italien ».

Le sens de la manœuvre est parfaitement clair : il s’agit d’un nouveau coup contre cette partie de la coalition gouvernementale qui voudrait « adoucir » les pilules que la classe ouvrière doit avaler.

L’effet est double : d’une part, certaines mesures prévues dans le projet de Loi, comme les mises en retraite anticipées dans la sidérurgie, deviennent une monnaie d’échange à la table des négociations sur le coût du travail ; de l’autre, on rend un nouveau service aux grands groupes industriels qui, étant donné leurs projets de restructuration des soi-disant « facteurs de production » (loi licenciements et plus grande exploitation dans l’usine), sont fermement décidés à ne pas tolérer une quelconque réglementation de leur activité.

En pratique, de cette manière, la D.C. livre des milliers et des milliers de travailleurs à l’éreintante logique du marché capitaliste.

La riposte de la classe ouvrière est immédiate, dès le lendemain.

Samedi 14 janvier, à Verbania, les ouvriers de la Montefibre et de la Cartiera Prealpina bloquent quelques rues de la ville et la nationale 34 du lac Majeur, en mettant le feu à des pneus et à des caisses en bois.

Les pompiers doivent intervenir pour éteindre les incendies.

La zone de Verbania, après avoir enregistré au cours de l’année écoulée la perte de 2 600 emplois, doit faire partie des « bassins de crise ».

Moins d’une semaine plus tard, au cours d’une visite à Gênes – ville ravagée par la crise et par la restructuration industrielle -, Ciriaco De Mita [Président de la D.C., N.T.] déclare avec un impayable « visage de bronze » : « Des bassins de crise ? Je ne sais pas ce que c’est. »

Cependant qu’à Rome on ne fait que bavarder, les ouvriers de la sidérurgie publique, qui sont mobilisés en permanence depuis plus d’une semaine, se font de nouveau entendre : le 17 janvier, à Naples, Gênes et Tarante, les travailleurs font grève pour s’opposer aux décisions de la C.E.E. sur les établissements italiens.

À Naples, où les ouvriers ont déjà goûté aux matraques de Scalfaro moins d’une semaine avant, la circulation est paralysée en bloquant avec des véhicules lourds les voies d’accès au centre-ville.

Le 19 janvier est une journée importante : la Confindustria va chez De Michelis pour lui exposer sa position.

Les patrons – quelle bonté ! – renvoient toute décision sur la « réforme structurelle du salaire » et se contentent… de réduire de moitié l’échelle mobile (déjà réduite par la « victoire syndicale » du 22 janvier 1983) pour deux années !

Merloni [dirigeant de la Confindustria, N.T.], pris par sa fougue, fait dans sa culotte : il exige la diminution brute du coût de l’argent et des modifications radicales des mécanismes qui régulent le marché du travail.

En pratique, il ne lui suffit pas de vaincre, mais de remporter une victoire écrasante sur toute la ligne ! Cela serait-il possible ?

Benvenuto répond que oui, vu qu’il est parfaitement d’accord sur la réduction de moitié de l’échelle mobile ( la « prédétermination drastique », comme il l’appelle), et qu’il a de plus l’accord tacite de Carniti et de Del Turco [Carniti est le Secrétaire de la C.I.S.L., Del Turco est quand à lui le « numéro deux » de la C.G.I.L., N.T.].

Seuls les communistes de la C.G.I.L. font la grimace et insistent sur leurs propositions : blocage des salaires et des prix durant six mois.

Proposition hypocrite avancée pour masquer le fait qu’ils sont à la remorque des socialistes, prisonniers de l’aberrante logique corporative-autoritaire sanctionné le 22 janvier 1983 par l’accord que Lama [Secrétaire de la C.G.I.L. et dirigeant du P.C.I., N.T.] lui-même a qualifié de « victoire ».

Mais le 19 janvier est aussi une journée importante pour ce qui se passe hors de Rome : le premier sérieux avertissement aux sommets des organisations syndicales arrive.

À Milan, 136 Conseils d’usines de la ville et de la province se réunissent et signent un document dont le ton est extrêmement clair : intitulé « Pourquoi nous défendons l’échelle mobile », le communiqué défie officiellement les Secrétariats Confédéraux « d’entreprendre de nouvelles initiatives qui aient pour objectif la réduction de l’échelle mobile, le salaire, l’emploi ».

Pour toute réponse, le 21 janvier, l’exécutif de la C.G.I.L. se déclare disposé à prendre en considération le ralentissement des salaires (on abandonne donc la proposition précédente de blocage contemporain des salaires et des prix) en échange de changements dans l’attitude du gouvernement.

Comme d’habitude, la C.G.I.L. ménage misérablement la chèvre et le chou avec la claire intention de sauver la face devant les travailleurs en préparant, dans le même temps, les conditions pour un accord avec le gouvernement et avec les patrons.

Les opinions des travailleurs ont évidemment des difficultés à parvenir jusqu’aux palais romains.

Mais elles se font bien entendre à Turin le jour même où la C.G.I.L. décide de se préparer à escroquer une nouvelle fois les travailleurs : Gianni De Michelis, venu dans la ville à un rencontre organisé par le Conseil régional, est accueilli par de nombreux cassa-integrati et chômeurs qui, en lui tendant les quittances d’électricité à payer et les cartes du bureau de placement, lui interdisent de parler et le chassent.

Des jours suivants, on tire la nette impression que sont en cours dans le pays deux événements sociaux absolument indépendants, incommensurables entre eux : d’une part, les négociations romaines, fatiguantes, se poursuivent ; de l’autre, l’opposition et la mobilisation ouvrière s’étend dans les usines et dans les lieux de travail de toute l’Italie.

À Rome, les syndicalistes passent d’une humiliation à l’autre : non du gouvernement à l’imposition sur le patrimoine, non à une lutte réelle contre l’évasion fiscale, oubliée la taxation des B.O.T. [les Bons du Trésor Italien, N.T.].

La Confindustrïa oppose son véto au blocage des prix et des tarifs publics – qui, quoiqu’on en dit, est unanimement reconnu comme impossible.

Bien que les « visages de bronze », Benvenuto et Carniti, continuent effrontément à faire des déclarations satisfaites, pour la classe ouvrière ce serait un véritable Caporetto [localité de Yougoslavie où les Italiens furent battus par les Autrichiens et les Allemands en octobre 1917, N.T.].

Dans les usines, on parle peu, mais on parle clair : interrompez les négociations et venez entendre ce que nous pensons de la réduction de l’échelle mobile !

Dans les usines, la pression croît de jour en jour et, à ce point, les pitoyables pourparlers entre les sommets de la C.G.I.L., de la C.I.S.L. et de l’U.I.L. sur la question des consultations de base sont mis en scène.

La C.G.I.L. y serait favorable, pressée comme elle l’est par une intolérance ouvrière croissante, tandis que la C.I.S.L. et l’U.I.L. ne veulent même pas y penser : la direction C.I.S.L. est en effet désavouée jusque par certains de ses secrétaires régionaux, alors qu’il n’y a aucun doute sur l’infime réprésentativité de l’U.I.L. à l’usine, et Benvenuto le sait bien.

On arrive à un grotesque compromis, le vendredi 3 février : on continue de rechercher une position unitaire dans la Fédération [des trois syndicats, N.T.] et l’on procédera seulement après à une consultation de la basse.

À partir de ce moment, les événements se succèdent sans aucune continuité : à Milan, les Conseils d’usines préparent une grève générale de la ville avec l’adhésion, dès le début, des usines Baggina, Alfa, Pirelli, Breda, Magneti Marelli, Italtel, Nuova Innocenti, G.T.E., Carlo Erba, Philips et O.M. À O.M., il y a déjà eu une heure de grève contre le gouvernement.

À Turin, une nette reprise de la combativité ouvrière s’opère. Le Conseil d’usine de Mirafiori est le premier à se bouger.

Au centre de la mobilisation et de la discussion, il y a le refus de concéder de nouvelles réductions de salaire aux patrons et au gouvernement.

La protestation de masse qui se développe dans les lieux de travail se répercute avec violence aux sommets des organisations syndicales, créant de profondes fissures.

Les militants du P.C.I. dans la C.G.I.L. ne sont pas partants pour se suicider avec Benvenuto, Carniti et Del Turco, car ils comprennent qu’une nouvelle trahison du genre de celle opérée le 22 janvier ne serait pas pardonnée par la classe ouvrière.

Une longue série de réunions entre militants du P.C.I. et du P.S.I. de la C.G.I.L., entre C.G.I.L. et U.I.L., entre syndicats et De Michelis ne mènent à rien.

La mobilisation de classe a imposé à chacun d’opérer ses propres choix, et c’est ainsi que la directien unitaire qui a lieu le 7 février se conclut par une rupture : tous crient à l’unité, mais il est clair que chacun y va maintenant pour son propre compte, certains plus et d’autres moins influencés par les partis au gouvernement ou non. Le lendemain, ce sera la grève générale milanaise, convoquée par les Conseils d’usines.

La grève a été décidée par 250 Conseils d’usines et, tout en n’ayant l’appui d’aucune des trois Confédérations, réussit splendidement.

Un long cortège avec à sa tête la banderole de la Pirelli Bicocca part de Place San Babila et se dirige vers la Préfecture pour arriver à l’Assolombarda [siège de l’association des industriels, N.T.].

Aux côtés de la classe ouvrière des principales usines de la Mécanique, de la Chimie et du Textile, adhèrent à la grève le secteur de l’alimentation, les travailleurs de l’édition, du commerce, de la santé, de l’État et des institutions semi-étatiques.

La protestation est dirigée contre le gouvernement : « La classe ouvrière le crie en chœur, vous nous les cassez avec le coût du travail ! », et contre les sommets des organisations syndicales : « L’unité du syndicat, elle est dans l’usine entre les travailleurs ! »

Il y a 70.000 travailleurs dans la rue. Des assemblées ont lieu à Turin, Gênes, et Brescia a convoqué pour le vendredi 10 février les Conseils des usines italiennes les plus représentatives.

Face à ces événements, à une classe ouvrière qui revendique en plein l’autonomie de ses propres décisions et de ses propres intérêts, les partis, le gouvernement et les patrons ne perdent pas de temps : le « sommet » entre les cinq partis de la majorité [D.C., F.R.I., P.S.I., P.S.D.I., P.L.I., N.T.] est fixé au jeudi 9 février et, comme par hasard, est « préparé » deux jours avant par une réunion De Mita-Spadolini qui se conclut par la rencontre de « significatifs points de convergence ».

La Confindustria, un jour avant le sommet des cinq partis, réunit sa direction, au terme de laquelle le vice-directeur général Paolo Annibaldi réclame officiellement au nom des patrons « une initiative autonome de l’Exécutif ».

Sur la rencontre politique incombe aussi la Commission Istat pour le calcul de l’échelle mobile, qui devrait se réunir ces jours-ci.

En février, en effet, l’échelle mobile devrait gagner quatre ou cinq points, ruinant ainsi la « phase deux » de la manœuvre gouvernementale.

Mais, qui sait comment, la Commission tarde inexplicablement à être convoquée.

Le sommet des secrétaires de la majorité se tient au cœur des polémiques qui ont explosé sur les nominations lotizzate [au « piston », N.T.] à la radio et à la télévision d’État, sur les remises dans l’immobilier (loi pour forbans proposés par des forbans) et sur les francs-tireurs. Mais c’est presque exclusivement de coût de travail que l’on parle.

Au terme de la réunion, Spadolini rapelle la nécessité de freiner les dépenses publiques et un Zanone [dirigeant du P.L.I., N.T.], brutal de façon insolite, déclare : « Non, il n’y a aucune contrepartie à donner aux syndicats, le bénéfice se trouve entièrement dans le ralentissement de l’inflation que la diminution du coût du travail comporterait. »

Seul Claudio Martelli, vice-secrétaire de Craxi, va plus loin et rappelle expressément aux journalistes les accords de gouvernement, dans lesquels est prévue la « politique des revenus » et, de manière explicite, le ralentissement de l’échelle mobile.

Si l’on n’obtient pas le consensus des parties sociales, dit cet horrible sous-produit d’une déjà misérable classe politique, l’Exécutif sera appelé à mettre en œuvre le programme de la majorité. Autrement dit, celui-ci usera de la force. Sur le plan pratique, vu que le ministre De Michelis a fait fiasco, dès demain Craxi traitera directement avec les syndicats et les patrons. Les dirigeants confédéraux se présentent chez Craxi en plein schyzophrénie politique : ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur quoi que ce soit et, de plus, la grève milanaise a accru les ressentiments réciproques.

Carniti et Benvenuto accusent Lama d’être le promoteur de l’agitation.

Lama se défend, indigné, nouvel épigone du classique et fourbe « ni adhérer, ni saboter ».

En réalité, alors qu’à peine un jour avant, à l’O.M. de Brescia, les Conseils d’usines des principales entreprises italiennes ont réaffirmé avec force leur opposition à un gouvernement qui n’en veut qu’aux salaires, non seulement la C.S.I.L. et l’U.I.L., mais aussi la C.G.I.L. continuent à gravir les marches du Palais Chigi, siège de la poignée de salauds dirigée par Craxi.

Il est clair que Lama, Trentin et Garavini (ces trois « héros » qui ont trahi la classe ouvrière il n’y a qu’un an, le 22 janvier 1983, pour ne pas parler du résultat du contrat des métallurgistes) veulent démonter au « pays » – mais à qui, vu que les ouvriers ont dit ce qu’ils avaient à dire ? – la bonne volonté et le « sens des responsabilités » des syndicalistes du P.C.I. Samedi 11 février, la phase finale des négociations commence.

Comme hors-d’œuvre, il y a le énième, éhonté, renvoi de la Commission Istat qui devrait calculer les points de l’échelle mobile à compter sur la prochaine fiche de paye. Les patrons gracieusement, ne se présentent pas, déclarant qu’ils attendent les résultats des négociations.

Le responsable de la C.I.S.L., s’il est présent, explique que « selon nous, il n’était pas opportun d’entamer l’examen de l’avancement de l’indice trimestriel du coût de la vie ». Au Palais Chigi, le « premier président du conseil socialiste » présente aux patrons et aux syndicats un texte d’accord en forme d’ultimatum, à prendre ou à laisser.

En faisant beaucoup de fumée sur l’emploi, la lutte contre l’évasion fiscale et le contrôle des prix et des tarifs publics, Craxi (au côté du ministre-fiasco De Michelis) ne modifie pas d’une virgule la position de fond du gouvernement en soumettant à ses interlocuteurs un document humiliant pour les travailleurs, énième escroquerie aux dépens du prolétariat : il faut diminuer l’échelle mobile pour pouvoir ainsi s’accrocher à la reprise économique qui, cela paraît certain, fait ravage dans le monde entier.

La Confindustria feint de s’entêter : elle est déçue par les restrictions miroitées sur le marché du travail.

Depuis un an, en effet, les patrons se sont habitués à avoir les mains complètement libres pour les embauches (pour la précision, encore une fois depuis l’« historique » accord du 22 janvier, signé par le gouvernement, la Confindustria et les C.G.I.L., C.I.S.L. et U.I.L.).

En vérité, on ne fait la grosse voix que pour masquer la proche victoire. Et puis, en fait de marché du travail, le patron sait bien comment se débrouiller face aux fameuses « entraves ».

C.I.S.L. et U.I.L. acceptent sans réserve : Carniti et Benvenuto (le chat et le renard ou le vautour et la hyène ?) sont une fois de plus prêts à « chanter victoire » sur le dos de millions de travailleurs. La C.G.I.L. est désormais complètement divisée : Del Turco, qui s’est fait passer un sérieux savon par Craxi, est pour l’accord ; « Désormais, la parole est au gouvernement », titrent entre assurance et préoccupation les quotidiens du lendemain.

Et la parole, le gouvernement l’a effectivement. Au terme d’une journée chargée de consultations entre politiciens, industriels et syndicalistes, et marquée par des démonstrations de protestation ouvrière dans toute l’Italie, le Conseil des ministres se réunit, opportunément « préparé » par cette sorte de directoire de l’Exécutif qu’est le Conseil de cabinet.

La situation est plus que claire et décantée : la C.I.S.L. et l’U.I.L. promettent leur soutien à une initiative autonome du gouvernement, la composante craxienne de la C.G.I.L. (même si elle est empêtrée par les décisions de la majorité) épouse la même orientation.

La Confindustria, divisée entre « faucons » et « colombes », se résoud enfin à donner son approbation politique à d’éventuelles manœuvres unilatérales du gouvernement.

Se crée ainsi un bloc politique et social, relativement soudé, qui est favorable à une épreuve de force de nette empreinte classiste antiprolétarienne menée par l’Exécutif.

Il faut naturellement proportionner les décisions (et là-dessus, il y a indéniablement diversité de vues) à une protestation ouvrière et prolétaire qui, dans la seule journée « cruciale », pour le gouvernement, mène dans les rues plus de 40.000 personnes à Florence, met en grève Rivalta et Mirafiori sans compter les cheminots romains, les ouvriers milanais et bolognais.

Mais, ce qui compte est que la grande bourgeoisie italienne ne se préoccupe pas de faire tomber la mystification du « pacte social », qui avait encore fonctionné le 22 janvier, du moment qu’elle puisse asséner un nouveau coup décisif au prolétariat.

Fidèle à son rôle de marche, la bourgeoisie procède impertubablement sur la route qui devrait la mener à une capacité rénovée et autoritaire de gestion de la société italienne.

À la nuit tombée, entre le 14 et le 15 février, le Conseil des ministres adopte le décret-loi. L’échelle mobile ne progressera en 1984 que de 9 points sur les 12 prévus (mais, répétons-le, c’est là une prévision optimiste faite à l’usage des patrons).

La réduction sèche et autoritaire du salaire serait contrebalancée, selon les sales gueules du Palais Chigi, par le contrôle de quelques tarifs publics, par le blocage de l’équo canone [l’indice de la construction qui sert de base au calcul des loyers, N.T.] pour un an (par rapport auquel, attention, un projet de loi est à l’examen au Parlement, qui en prévoit la complète libéralisation !) et par une politique fiscale plus rigoureuse, garantie par le grand bourgeois Visentini !

Alors que le décret gouvernemental est le fait du jour et que se lève un chœur répugnant d’applaudissement à l’action « responsable » de Craxi et de son cabinet, on commence à comprendre – bien qu’en la mystifiant et en la minimisant – qu’elle est la chose la plus importante qui est en train de se produire en Italie : des millions de travailleurs en ont ras-le-bol ; les ouvriers, aux côtés des travailleurs des services publics, des fonctionnaires, des chômeurs et aussi des étudiants, investissent les rues et les places de toute l’Italie, cessent le travail dans les établissements, bloquent les gares, organisent d’énormes manifestations de masse contre le « décret-escroquerie » gouvernemental.

Et ils le font en autonomie des partis, syndicats et institutions de toute sorte.

Déjà, le 13 février, à Pomigliano d’Arco, on fait grève durant deux heures, en effectuant une manifestation dans le centre-ville au cours de laquelle on imprime quelques coups sur la face des syndicalistes craxiens de la C.G.I.L. et de l’U.I.L.

À Bologne, un cortège défile jusqu’à la maison communale où l’on réclame la suspension immédiate des négociations, alors en cours [la maison communale de Bologne est un fief P.C.I., N.T.]

Des assemblées se tiennent dans le Piémont, en Ombrie, en Toscane et en Sicile.

Le 14, comme nous l’avons déjà dit, toute la Toscane est en grève et 40.000 personnes défilent à Florence. Le trafic ferroviaire est complètement bloqué. L’immense majorité des cheminots romains est, elle aussi, en grève. De nombreuses usines s’arrêtent à Milan, Bologne et Turin, le Fiat Rivalta et Mirafiori en tête.

Mardi 15 janvier, le jour suivant le « décret-escroquerie », l’Italie est pratiquement bloquée.

Grèves, manifestations, barrages des routes, des chemins de fer et des aéroports, se succèdent un peu partout.

On se mobilise à Milan, Turin, Gênes, Porto Marghera, Rome, Naples, Salerne, Tarante, Brindisi et Palerme.

À Milan, ils sont 50.000 dans la rue et, pour exprimer l’état d’âme des ouvriers à l’égard des sommets syndicaux, des pierres et des œufs pourris sont lancés contre le siège milanais de l’U.I.L.

À Pozzuoli, les ouvriers, sans se poser trop de problèmes, entrent dans le siège de la C.I.S.L. et passent proprement un savon à quelque bonze imprudent.

La Ligurie est entièrement mobilisée : à Gênes la grève prévue de la sidérurgie se transforme en une imposante manifestation de plus de 20.000 travailleurs contre le gouvernement.

Des démonstrations et des grèves de protestation ont lieu à San Margherita, à Savone, à Vado Ligure et à La Spezza. À Rome, une coordination de 70 Conseils d’usines mène la protestation en un cortège auquel participent plus de 20.000 personnes.

La circulation est complètement bloquée dans la capitale et, si cela ne suffisait pas, les travailleurs des aéroports bloquent Fiumicino.

Dans le Piémont, la classe ouvrière retourne manifester dans les rues : à Orbassano, dans le Val de Suse, dans le Val Chissone, dans le Novarais, à Borgaro, à Borgomanero, à Ovado et à Casale, les travailleurs sont dans la rue. À Turin, les travailleurs de la Chimie, du Textile, de la Métallurgie et des chemins de fer sont en grève.

À Naples, les ouvriers de l’Italsisder forment un cortège qui, parti de l’usine, rassemble chemin faisant les cheminots et les autres métallurgistes de la zone. À l’autre bout de la ville, les travailleurs de la zone de Pomigliano ont bloqué l’autoroute avec des barrières de pneus enflammés.

Un compte-rendu détaillé de tous les épisodes de ces jours-ci est pratiquement impossible, vu que c’est toute la classe ouvrière italienne qui est en lutte, solidement unie au prolétariat des services publics, aux travailleurs de l’État et des institutions para-étatiques, aux chômeurs et aux étudiants. Le 16 février, de nouveau, manifestations dans toute l’Italie : à Turin, Gênes, Trieste, Naples, Bari, Tarante, Palerme.

À Ban, la gare est bloquée. À Tarante, nouvelle manifestation. On fait grève à Rivalta, à Mirafiori et à la Lancia de Chivasso. À Palerme, les travailleurs du Bâtiment s’affrontent à la police de Scalfaro, à qui les mains commencent évidemment à démanger.

À Trieste, les ouvriers sifflent Liverani (U.I.L.) et réussissent à rendre la pareille à quelque égaré syndicaliste de profession. Le 17, grève générale à Bologne, avec plus de 100.000 personnes dans la rue. À Naples, grève de quatre heures avec un cortège de 50.000 personnes.

On fait grève en Calabre, en Ombrie, dans toute la Toscane et à Brescia. Le trafic ferroviaire est pratiquement bloqué dans toute la péninsule.

Pour donner l’ampleur de la lutte prolétarienne, durant cette seule journée (qui est la quatrième de protestation de masse !), ce sont plus de 250.000 hommes et femmes qui défilent dans les rues et les places de notre pays.

Le 19, de nouveau, de nombreuses gares sont bloquées et des assemblées se tiennent dans toute l’Italie.

Dans les jours qui suivent, l’agitation ouvrière se poursuit dans les chemins de fer, qui sont en proie au désordre le plus complet.

La bourgeoisie crie au scandale et Signorile (ex-représentant de la « gauche » socialiste, ex-adversaire de Craxi, et maintenant fidèle esclave de l’omnipotent secrétaire du P.S.I.), en brave ministre des Transports, rappelle les syndicats à l’« autoréglementation », alors que se répandent les demandes de limiter le droit de grève par voie législative.

À Rome, la grève générale de la ville convoquée par 70 Conseils d’usines pour le mercredi 22 rencontre une adhésion massive : dans la rue, il y a nettement plus de cent mille personnes pour représenter le prolétariat de la capitale.

Nous sommes contraints d’interrompre ici cette chronique concise des luttes prolétariennes, non parce que celles-ci seraient conclues – au contraire, est en train de s’imposer à l’ordre du jour l’éventualité d’une grève générale (à laquelle ce n’est pas par hasard que s’opposent les militants du P.C.I. et de la C.G.I.L. eux-mêmes) – mais simplement parce que nous sommes en train d’écrire et que, nécessairement, nous devons mettre un point final, quand bien même arbitraire.

Comment réagit la classe politique italienne à ce qui est, indiscutablement, la plus grande démonstration de force et de détermination ouvrière et prolétaire qui ait eu lieu depuis de nombreuses années ?

En premier lieu, elle en réduit les caractéristiques sociales à de simples manifestations du jeu interne au système des partis, en niant hypocritement que les partis eux-mêmes ont été mis le dos au mur par une riposte ouvrière certainement inattendue.

Ainsi, le P.S.I. accuse le P.C.I. d’être derrière les grèves qualifiées de spontanées entre guillements.

Le P.C.I. promet une opposition très dure et, par la bouche de son Secrétaire politique lui-même, propose… un gouvernement « différent », pont vers une « alternative démocratique », qui, à son tour, devrait préparer la bénie alternative de gauche !

Dans le syndicat, c’est la guerre totale.

Les échanges d’accusations réciproques s’accumulent de jour en jour : la plus redoutée est sûrement celle d’être influencé par les partis, et les principaux dirigeants des organisations syndicales se la lancent bruyamment les uns aux autres.

Lama donne une mesquine interview dans laquelle, à la question de savoir si la C.G.I.L. aurait abandonné le réformisme, il répond significativement : « Mais le savent-ils ce qu’est un syndicat vraiment réformiste ?… Moi, le réformisme, je l’ai dans le sang ! ».

Du côté opposé, pour le nommer ainsi, Agnelli loue le gouvernement, qui « a été là où les autres n’avaient pas été en mesure d’aller », et De Mita, qui, bien que démo-chrétien est toujours très franc dans ses déclarations, tient un discours qui, commencé par « Permettez-moi cette petite revanche à l’égard du syndicat », poursuit sur des tons du genre des suivants : « Maintenant, vous devez reconnaître que la pantomime, créée en 1977, selon laquelle la négociation entre les parties pourrait remplacer la décision politique, a fait naufrage. »

C’est un spectacle inconvenant.

Alors que les rues sont pleines de gens qui protestent contre la énième escroquerie gouvernementale, partis et syndicats s’obstinent à réduire cet énorme fait social aux assommants mécanismes physiologiques d’aménagement du pouvoir politique bourgeois italien.

Au milieu de toute cette « bagarre » [en français dans le texte, N.T.], où chacun trépigne et hurle pour feindre d’être surpris et triste de ce qui est arrivé, calme et imperturbable comme les lois d’airains de l’histoire, vendredi 17 février se réunit la Commission Istat sur l’échelle mobile, jusque-là en cavale, avec les épaules couvertes par le décret du « premier président du conseil socialiste ».

La chronique s’arrête ici.

Chapitre II

La signification politique de la lutte de la classe ouvrière contre le gouvernement Craxi et son « décret-escroquerie ».

Les perspectives pour l’organisation de classe.

L’accord du 22 janvier avait déjà suscité une forte opposition dans la classe ouvrière, en l’amenant à manifester ouvertement dans la rue son total désaccord à l’égard de l’entente gouvernement – syndicats – patronat. Les consultations effectuées dans les usines avaient ensuite démontré avec éclat l’hostilité des ouvriers à l’égard de la dangereuse logique corporatiste qui était à la base des négociations et de leur résultat.

Inconscients de ce fait, méprisants des opinions des travailleurs, les sommets des organisations syndicales se sont de nouveau présentés face au gouvernement et aux patrons, en ce début d’année, bien disposés à poursuivre cette scélérate course au massacre des conquêtes ouvrières, qui caractérise désormais depuis quelques années de toute évidence la ligne de la C.G.I.L., de la C.I.S.L. et de l’U.I.L..

En effet, tout le déroulement de cette dernière négotiation démontre amplement que même la composante du P.C.I. dans la C.G.I.L. était disposée à trouver une médiation avec le gouvernement et avec les patrons si elle ne s’était pas trouvée face à une volonté de lutte ouvrière impossible à récupérer.

Si l’on n’était même pas encore convaincu de cela, la preuve a posteriori en est que tout la C.G.I.L. (y compris les « héroïques » Messieurs Lama, Trentin et Garavini) se rencontre avec le ministre-fiasco De Michelis pour résoudre ensemble la question du maintien des prix et des tarifs publics, en reconnaissant de fait le « décret-escroquerie » contre lequel, en paroles, elle s’est battue.

À quoi sert-il, demandons-nous , de ne pas signer un accord lorsqu’ensuite on contribue à en mettre en application les éléments ?

Il est bien vrai, cependant, qu’une appréciation de ce genre peut s’avérer réductive si l’on ne prend pas en compte de plus près l’attitude du P.C.I..

Ce parti accepta l’accord du 22 janvier – qui, nous ne nous laisserons jamais de le répéter, est le précédent qui a préparé en tout et pour tout les derniers événements – pour de sales raisons de pouvoir relatives aux juntes locales et aux probables élections anticipées et, pour de toutes aussi sales raisons de pouvoir, il a décidé d’utiliser la lutte des ouvriers afin de piquer un peu Craxi et son gouvernement.

L’année dernière, en effet, s’était à peine constitué le classique gouvernement de transition vers les élections anticipées dirigé par un Fanfani ressuscité, et il était absolument nécessaire au P.C.I. de maintenir de bonnes relations avec Craxi et se bande.

Dans une situation de rupture entre le P.C.I. et le P.S.I., avec quel courage Berlinguer aurait-il pu parler d’« alternative démocratique » ?

En effet, le P.S.I. s’appuyait sur l’habituel chantage aux juntes locales, en menaçant de transformer une bonne partie de celles « de gauche » en juntes à cinq partis [P.S.I., D.C., P.R.I., P.S.D.I., P.L.I., N.T.].

Pressé par ces exigences, le P.C.I. donna avec désinvolture son consentement à la trahison du 22 janvier, en réussissant même à la définir comme une « victoire ».

Mais les dispositions des partis à la suite des élections, avec le gouvernement Craxi qui suivit, loin de représenter un « pont » vers la cooptation du P.C.I. dans le gouvernement, ont de plus en plus repoussées les révisionnistes dans les marges pour toutes les décisions importantes (politique économique, missiles, Liban), en les utilisant, au mieux, comme « esclaves idiots » en quelques sporadique occasion.

Pour ces raisons, en plus naturellement du fait du développement d’une mobilisation de masse dont il y a peu de précédents, le P.C.I. a décidé de s’investir dans la lutte prolétarienne.

Pour cela, malgré que l’état d’âme des masses soit plus que clair, le P.C.I. avance des byzantines propositions de gouvernements « différents » en faisant de l’œil au gras éléphant Spadolini [président du Conseil précédent et dirigeant du P.R.I., N.T.].

Le plus exemplaire de tout cela est sans aucun doute la manière par laquelle le P.C.I. a effrayé les autres partis bourgeois : seul notre parti, claironnent pompeusement les pompiers des Botteghe Oscure [la rue où se trouve le siège du P.C.I., N.T.] peut garantir la paix sociale, seuls nous pouvons faire cesser les agitations ouvrières qui empêchent la ponctualité des trains et la production dans les usines.

L’objectif du P.C.I. n’est pas la défense des intérêts du prolétariat (combien de fois les révisionnistes ne les ont-ils pas vendus pour un plat de lentilles ?), mais bien la « paix sociale » avec Berlinguer au gouvernement !

Laissant de côté les interminables querelles qui occupent les partis bourgeois dans leurs risibles carrousels, c’est l’importante substance de fond de l’actuel affrontement social qui doit être saisie si l’on veut déterminer les perspectives possibles qui s’ouvrent pour le prolétariat dans cette importante, autant que critique, conjoncture.

De ce point de vue, l’appréciation générale que l’on doit donner de ce cycle de luttes est qu’il s’agit de la plus grande et de la plus consciente opposition de masse au projet réactionnaire bourgeois de gestion autoritaire de l’économie et, en général, de l’ensemble de la société.

Les clownesques tendances corporatistes exagérées qui sont depuis longtemps présentes dans le syndicat ne sont certainement pas un facteur isolé dans le cadre politique et social actuel : le néo-contractualisme qui est agité comme une « découverte scientifique » par les sommets des organisations syndicales n’est que l’extrême rameau de la croissante sensibilité bourgeoise à l’appel de l’autorité, de la « décision » prise indépendamment du consensus social recherchable.

La lutte ouvrière de ces derniers jours a donc le mérite fondamental d’avoir fait tomber le voile qui recouvrait, avec l’hypocrite mise en scène du « pacte social », les choix de fond effectués par la bourgeoisie impérialiste italienne, en démontrant dans le même temps qu’il existe un vaste front de classe disposé à s’y opposer et à le combattre.

Il serait utile de consacrer quelques lignes à la question du « pacte social ». Notre Organisation, en frappant le 3 mai 1983 le professeur Gino Giugni, entendait attaquer l’un des artisans matériels de l’accord du 22 janvier, en s’insérant ainsi sur le terrain de la lutte d’avant-garde contre le projet réactionnaire que cette entente préfigurait.

Dans le communiqué où étaient exposées les raisons et les implications de cette initiative politique combattante, nous affirmions, entre autre, que le « pacte social » sanctionné le 22 janvier permettait en réalité « le lancement des licenciements de masse, une gestion encore plus rigide du marché de la force de travail, la compression jusqu’à l’invraisemblable des dépenses sociales et des mécanismes de récupération de l’inflation ».

De même, nous mettions en garde ceux qui, ingénument, s’obstinaient à considérer ces accords comme un fait isolé, délié de la réponse plus générale que la bourgeoisie tentait et tente donner à la profonde crise économique, politique et sociale dans laquelle notre pays est désormais depuis longtemps plongé.

Les faits nous ont donné raison. Dans l’année qui s’est écoulée, des événements divers et significatifs ont confirmé notre point de vue.

Du contrat des travailleurs de la Métallurgie aux décisions de la C.E.E. et du gouvernement sur les installations sidérurgiques, des augmentations continuelles des prix et des tarifs publics les plus importants aux lois des Finances qui réduisent sans pitié les fonds destinés aux dépenses sociales, il y a eu cette année une croissance continue de la pression gouvernementale et patronale sur les conditions matérielles d’existence du prolétariat.

La surdité et l’arrogance des dirigeants syndicaux à l’égard des ouvriers ont augmenté ; on a usé et abusé des décrets-loi pour frauder des plus diverses manières ceux qui vivent de leur propre travail ; le gouvernement Craxi s’est révélé pour ce qu’il est : un troupeau de voleurs au service des patrons, uniquement préoccupé de favoriser la restructuration sauvage de l’appareil productif italien.

Tout cela, toute l’indignation et la volonté de lutte que ces graves épisodes ont engendré dans le prolétariat se sont concentrées dans le très fort mouvement de luttes ouvrières commencé en février, réduisant ainsi en miettes toute ultérieure velléité de mystification du conflit social.

En quelques mots : la logique même qui était à la base des accords du 22 janvier a mené à la dissolution du « pacte social » , qui s’est révélé une manœuvre de nette empreinte classiste et, malgré lui, une incitation au développement de la lutte entre les classes.

La lutte de masse contre la réédition du « pacte social » s’est cependant dirigée, non seulement contre le gouvernement, mais aussi contre les directions bureaucratiques et bourgeoises des syndicats.

Ou mieux : le mouvement ouvrier, pour pouvoir réellement lutter contre le gouvernement et les patrons, devrait nécessairement se débarraser de la nauséabonde tutelle des sommets des Confédérations.

Le déroulement de la négociation a confirmé une fois de plus ce que les ouvriers savaient déjà depuis longtemps : que les directions des syndicats sont des structures aux mains des partis et qu’elles fonctionnent comme purs instrument de contrôle et d’embobinement des masses.

Les événements mêmes de ces dernières semaines témoignent amplement qu’une dure lutte des travailleurs contre les gouvernements bourgeois n’est pas possible sans qu’ils ne se libèrent pas dans le même temps des instruments de contrôle que la bourgeoisie exhibe jusque dans le mouvement ouvrier.

Comment ne pas voir, en effet, l’énorme explosion d’énergies prolétariennes que la « rupture syndicale » a permise ? Comment nier que le désaveu des actes du syndicat, loin de consciente, s’est transformé en un puissant facteur de mobilisation de masse ?

En vérité, la « rupture syndicale » n’est que la manifestation la plus apparente des contradictions que la lutte ouvrière a créé dans ces institutions bourgeoises que sont, pris dans leur ensemble, les syndicats.

La division des sommets confédéraux, en ce qu’elle entame l’unité et la solidité de ces instruments de contrôle des masses, représente un succès pour la lutte de classe prolétarienne.

Même en ne considérant que certains des traits caractéristiques du mouvement ouvrier de ces dernières semaines, on doit reconnaître que la profonde opposition exprimée par la classe ouvrière au gouvernement et à son « décret-escroquerie » avait comme condition incontournable le désaveu radical des actes du syndicat et une clarification militante sur la substance de l’unité de classe.

Comme chacun peut le voir, nous sommes en présence d’une mobilisation réellement de masse, exceptionnellement durable et consciente, en mesure de se doter de l’organisation nécessaire et de pratiquer des formes de lutte – blocage des gares, des aéroports, cortèges internes avec « coups de balai », savons à des syndicalistes mal vus, etc. -, capable, enfin, de faire fonction de pivot pour la lutte de tout le prolétariat, unissant en un front compact les travailleurs des services publiques, du commerce, les fonctionnaires, les chômeurs et les étudiants.

Soyons sérieux : quand Lama, Cartini et Benvenuto [respectivement dirigeants de la C.G.I.L., de la C.I.S.L. et que l’U.I.L., N.T.] ont-ils jamais permis un tel mouvement ?

Le maximum que depuis toujours ils concèdent aux ouvriers est de faire des « manifestations très ordonnées », qui se concluent immanquablement sous la tribune du pompier de service.

Pour conclure, le débat sur la soi-disante « unité syndicale » qui se déroule dans le cadre dirigeant des trois Confédérations est très significatif (et serait aussi très divertissant, s’il ne s’agissait d’une question très serieuse pour le prolétariat).

On y parle excessivement sur l’unité, on y estime nécessaire de reconstruire une fédération unitaire, fut-elle modifiée.

Mais, de quelle fédération s’agit-il ? Quelle unité veut-on reconstruire ?

En toute clarté, l’unité que Lama, Cartini et Benvenuto recherchent est celle qui leur permette de nouveau de contrôler la classe ouvrière, est celle qui leur permettra de continuer à offrir leurs services aux secrétaires des partis dans lesquelles ils militent, est celle qui leur permet déjà, malgré toute la farce mise en scène, de siéger ensemble devant le ministre-fiasco De Michelis pour se mettre d’accord sur l’application du « décret-escroquerie » gouvernemental.

L’irrésistible besoin d’unité qui croît et s’affirme dans la classe ouvrière est une chose absolument différente et opposée à cette haleine fétide qui se répand depuis les palais romains jusqu’aux usines.

L’unité des directions syndicales doit être combattue par la classe ouvrière, tandis qu’il faut, au contraire, résolument développer la solidarité de classe existant dans les usines et dans les lieux de travail, l’unité qui se fonde sur la volonté de lutte contre le gouvernement et les patrons.

Cette unité est la seule qui soit vraiment en mesure de représenter les exigences et les opinions des travailleurs.

La question que chaque avant-garde de classe est en train de se poser, l’interrogation que chaque ouvrier et prolétaire qui participe de manière conséquent au mouvement de cette dernière semaine trouve face à lui est : quelles perspectives s’ouvrent au mouvement ouvrier italien ?

Quels objectifs, organisationnels et politiques, doivent être posés à l’ordre du jour du prolétariat conscient ?

Avant tout, tout triomphalisme de manière doit être banni de la sérieuse discussion qui est en train de se mener dans le mouvement de classe.

La route à parcourir est encore très longue et, de plus, les institutions bourgeoises (du gouvernement aux structures dirigeantes des syndicats) travaillent à plein régime pour briser la vague puissante de la lutte de masse, avec l’objectif précis de la réduire aux termes d’une manifestation physologique du système des partis bourgeois.

Mais les luttes de la classe ouvrière qui se sont développées en ce début d’année permettent certainement de mettre à l’ordre du jour quelque objectifs politiques et organisationnels valides pour tout le prolétariat italien et, en premier lieu, pour le prolétariat d’usine.

Une des raisons principales du développement de la lutte ouvrière a été, comme nous avons cherché à l’expliquer jusqu’ici, la capacité du prolétariat d’usine à rejeter l’hypothèque syndicale, et avec elle l’ensemble de la logique autoritaire et corporative qui est à la base du soi-disant « pacte social » sanctionné le 22 janvier 1983.

Cet énorme fait politique a ou un pendant organisationnel précis dans les usines et dans les lieux de travail, en contribuant à faire croître parmi les ouvriers et les prolétaires la conscience de la nécessité d’une organisation de masse réelle, soustraite à l’influence bureaucratique et conciliatrice des sommets des confédérations.

Des coordinations d’usines en dehors des Conseils unitaires de zone se sont créées, des centaines et des centaines de Conseils d’usines se sont réunis, en assumant directement la responsabilité des décisions importantes comme la convocation des grèves générales de villes.

La discussion ouvrière, depuis longtemps contrainte à une existence souterraine par le despotisme patronal et par la répugnante servilité syndicale, s’est remise on route.

Le prolétariat a retrouvé la confiance dans l’engagement militant et non épisodique, le seul qui garantisse d’atteindre des objectifs politiques importants.

On ne doit pas laisser tomber cette poussée à l’organisation de classe : l’indication générale, valide pour tout le prolétariat, est alors de consolider les formes d’organisation nées de la lutte prolétarienne, de consolider ces liens de solidarité de classe qui se sont développés en opposition à l’orientation bureaucratique et conciliatrice du syndicat.

Chaque avant-garde de lutte, chaque ouvrier et prolétaire conséquent doit s’engager dans ce travail, doit dépenser toute son énergie dans l’extension de l’unité de la classe sur des bases organisationnelles réellement capables de représenter les intérêts des travailleurs. Lutte – organisation – lutte est le principe que nous devons maintenir constamment !

La lutte de classe produit l’organisation et celle-ci, à son tour, est un puissant moyen de développement d’une nouvelle lutte, parce qu’elle concentre des énergies et les réutilise de manière consciente dans le scénario social.

Mais c’est l’existence d’objectifs réels, d’objectifs politiques communs à toute la classe travailleuse, qui garantit le déroulement positif de ce processus essentiel. Si l’on considère les caractéristique principales des luttes ouvrières dont on s’occupe dans cette brochure, leur ampleur et leur force sont directement proportionnelles au contenu politique qui en est à la base.

L’opposition générale à la manœuvre de politique économique du gouvernement se diffuse dans chaque lieu de travail, dans chaque usine, dans les rues et sur les places d’Italie.

Elle seule est en mesure de dépasser les intérêts sectoriels de chaque usine, en brisant la logique infernale qui veut que le mouvement du prolétariat soit fractionné en mille rigoles, incapables de s’opposer efficacement à une bourgeoisie forte de la restructuration sauvage qui est passée dans l’usine et d’une armée industrielle de réserve accrue et qui a besoin de vendre se propre force de travail.

Il ne fait pas de doute que la classe ouvrière italienne a subi une attaque extrêmement lourde du patronat et des ses serviables gouvernements.

Dans ces dernières années, le mouvement ouvrier a été progressivement poussé sur la défensive, et nombre de ses principales conquêtes se sont dissoutes l’une après l’autre, comme pour démontrer que dans la lutte de classe rien ne peut être donné pour acquis et définitif.

Les usines, martyrisées par le développement des techniques capitalistes d’exploitation et par la restructuration technologique, ont connu une expulsion massive de travailleurs, perdant leur liaisons et se repliant dans la recherche de solutions individuelles à chaque problème spécifique.

Le dernier cycle de lutte confirme qu’aujourd’hui, plus encore qu’au cours des années passées, c’est justement la dimension politique de la lutte de classe qui permet au prolétariat de s’opposer avec succès à des gouvernements et à un patronat de plus en plus déterminés dans leurs choix réactionnaires et antiprolétairiens.

La lutte politique du prolétariat, la mobilisation de masse autour d’un programme politique précis représentent la direction juste à prendre pour le mouvement de classe dans notre pays.

Dans ce sens, une indication politique générale, valide pour tout le prolétariat, est d’étendre la mobilisation de masse et d’avant-garde sur ce mot d’ordre : Non au « décret-escroquerie » et à la politique économique du gouvernement Craxi !

C’est ce mot d’ordre qui a guidé le puissant cycle de luttes ouvrières et prolétaires commencé en février.

Sur ces objectifs politiques, la classe ouvrière a retrouvé une unité réelle et militante en mesure d’outrepasser les étroites limites de chaque usine.

Le cadre des problèmes que ce cycle de luttes a posé à l’attention générale des avant-gardes de classe ne serait pas complet sans un examen des possibles déviations dont le mouvement ouvrier est susceptible de pâtir dans la complexe situation actuelle.

En principe, il y a deux dangers à prendre en compte avec la considération voulue : le danger de l’opportunisme et de l’hégémonie de droite sur la classe ouvrière et ses luttes ; celui d’une déviation de nature extrémiste et petite-bourgeoise, incapable de considérer comme il le faut l’importance de la question de l’unité de classe.

Des deux, le premier danger est sûrement le plus évident et le plus actuel. Il doit donc être combattu avec une plus grande énergie.

Nous nous sommes longuement arrêtés sur les positions du P.C.I. et de la C.G.I.L., certainement pas par cajolerie « anti-révisionniste », mais justement parce qu’un des plus gros équivoques des ces derniers jours porte sur le rôle réellement joué par les syndicalistes du P.C.I. et par leur parti dans les événements en cours.

Il faut combattre et démasquer de toutes nos forces la position philistine qui voudrait que Lame, Trentin et Garavini soient les « portes-drapeaux » de la protestation prolétaire.

En réalité, et nous croyons avoir fourni à tous suffisamment d’éléments de jugement à ce propos, le P.C.I. et ses syndicalistes sont montés en croupe du cheval prolétaire parce qu’ils ont très bien compris qu’on ne pouvait plus lui mettre les brides.

Ils ont appuyé, jusqu’à un certain point, la protestation ouvrière pour pouvoir ainsi mieux la canaliser dans le soi-disant « lit institutionnel ».

Oui, nous, Brigades rouges, nous accusons publiquement le P.C.I. d’avoir chevauché les luttes de la classe ouvrière et, pour confirmer ce que nous disons, nous énumérons – parmi tant d’autres – trois faits précis :

1. Alors que les rues d’Italie étaient pleines d’ouvriers qui protestaient contre les choix d’un gouvernement bourgeois, Berlinguer propose un gouvernement « différent », à constituer probablement avec Spadolini, Craxi et quelque « technicien » ramassé dans les pires repaires bourgeois

2. Trentin siège tranquillement devant le ministre-fiasco De Michelis pour appliquer de concert le « décret-escroquerie » ;

3. Les syndicalistes du P.C.I. s’opposent et boycottent sans pudeur la proposition d’une grève générale contre le gouvernement.

Qui est-ce qui chevauche les luttes des ouvriers ? Qui instrumentalise les opinions des travailleurs ?

Nous croyons, à ce point, que la réponse est établie.

Dans le mouvement ouvrier doit alors être menée une dure lutte contre toutes les tendances de droite, qui convergent toutes dans la volonté de canaliser sous la direction des militants du P.C.I. dans la C.G.I.L., l’opposition antigouvernementale consciente et radicale exprimée par la classe ouvrière.

C’est une lutte qui doit être menée avec décision, et qui ne doit pas épargner toutes ces forces qui, comme Democrazia Proletaria et la soi-disant « gauche syndicale », prisonnières d’une logique très voisine du minoritarisme groupusculaire, se fixent comme unique objectif d’exploiter les explosions de colère prolétaire pour gagner un siège en plus au Parlement ou à la direction confédérale.

D’un autre côté, toutes les attitudes extrémistes sont également dangereuses – même si elles le sont beaucoup moins que les tendances de droite – qui, pour critiquer le syndicat et le P.C.I., finissent par perdre de vue la question de l’unité de classe et les grands problèmes du mouvement ouvrier italien.

L’existence de telles positions est peut-être un produit nécessaire et, et à sa manière, inconscient de la lourde influence révisionniste qui, depuis des années, s’exerce sur les luttes de la classe ouvrière.

Mais cela n’ôte pas que la maturité des avants-gardes de classe ne se mesure pas seulement sur le plan de leur engagement anti-opportuniste et antirévisionniste, mais aussi et surtout sur la capacité de prendre clairement en compte l’intérêt général du prolétariat dans la dynamique globale de l’affrontement social.

Les perspectives pour l’organisation de classe sont donc positives.

La lutte politique de la classe ouvrière contre le gouvernement Craxi et son « décret-escroquerie » a réouvert de remarquables espaces au travail des avant-gardes ouvrières et prolétaires dans le mouvement antagoniste.

Consolider les formes d’organisation réelles et de masse nées de la lutte prolétarienne en opposition à l’orientation bureaucratique et conciliatrice du syndicat. Étendre la mobilisation de masse et d’avant-garde pour lutter contre le « décret-escroquerie » et la politique économique du gouvernement Craxi. Ce sont là les tâches politiques que les avant-gardes de classe doivent se fixer. Voilà la perspective concrète pour le mouvement ouvrier italien !

Chapitre III

La situation politique générale italienne et les tâches du prolétariat.

1. Aperçus sur la crise crise capitaliste actuelle.

Depuis plus d’une décennie persiste dans le monde capitaliste la plus profonde crise économique que les sociétés aient connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

De brefs et éphémères interludes d’expansion n’ont pas rompu la substantielle unité de fond d’une période historique marquée par la crise générale du mode de production capitaliste : la crise des formes d’accumulation assumées par le capital à une échelle internationale au cours des quarante dernières années a investi, même avec des intensités différentes, chaque secteur productif et chaque pays.

Les effets de cette crise se sont manifestés dans les plus différents domaines de la société : de la sphère politique à la sphère militaire, de l’idéologie à la religion, chaque terrain a considérablement ressenti des contradictions qui se sont ouvertes dans la base économique, chaque activité d’une quelconque importance sociale a dû se mesurer avec les étroites restreintes de mouvement établies par la récession généralisée de la production capitaliste.

Bien sûr, des crises de ces proportions ont déjà été dépassées par le capitalisme.

Mais elles l’ont été au prix d’énormes destructions de forces productives sociales, de grandes répartitions de marchés nationaux et de sauts effrayants dans le processus de développement de la concentration et de la centralisation du capital.

Dans l’histoire, telle qu’elle s’est réellement déroulée, le moment décisif, le lieu concret où s’est condensée la poussée objective et propre au mode de production capitaliste à surmonter les contradictions (en les déplaçant, pour ainsi dire, plus loin) est constitué par la guerre directe entre les impérialismes, qui a permis et permet encore de bouleverser complètement l’ordre économique, politique et social précédant en jetant dans le même temps les bases structurelles d’un nouveau cycle d’expansion.

La guerre impérialiste est, naturellement, le résultat matériel qui jaillit de la rencontre contemporaine de nombreux intérêts et de nombreuses tendances, contingentes et nécessaires.

Les grands groupes monopolistes et financiers, dans leur compétition, pèsent sur les États nationaux pour influencer de manière décisive les choix gouvernementales et trouvent souffle et nouvelles perspectives dans la production des armements, en se liant étroitement aux castes militaires.

Les classes politiques se font progressivement sensibles à ces appels, en développant leurs activités en direction d’une plus grande agressivité, tant sur le terrain intérieur que sur le terrain extérieur.

Il se crée un climat idéologique et culturel empreint de chauvinisme, de culte du militarisme et de l’emploi résolu de la force. La crise morale de la société bourgeoise atteint ses pointes les plus avancées.

Tous ces éléments, qui se superposent entre eux en s’influençant réciproquement, concourent à déterminer la situation dans laquelle, occasionnellement, se produit le casus belli.

Mais ce dernier, justement, n’est pas seulement l’accident inévitable qui permet le bouleversement total des contradictions sociales qu’ils contiennent.

En somme, à la base de la compétition entre les nations, se trouve le contenu antagoniste des relations sociales capitalistes ; c’est la crise générale du mode de production capitaliste que engendre la guerre.

Les principales caractéristiques du scénario international actuel confirment ce point de vue.

La restructuration générale des économies des pays capitalistes avancés s’accompagne d’une nette définition dans un sens agressif et réactionnaire des orientations politiques de la bourgeoisie.

Les millions de licenciements, le développement de la technologie et l’intensification de l’exploitation marchent du même pas que les choix politiques de plus en plus dangereux, avec des confrontations militaires répétées dans diverses régions du globe qui rapprochent peu à peu l’affrontement direct entre impérialismes.

La politique économique et la politique extérieure des U.S.A. de Reagan ne sont, de ce point de vue, que le côté le plus évident d’un processus global qui, sous des formes spécifiques et conformes aux situations nationales particulières, intéresse tout le monde capitaliste avancé.

C’est donc de ces tendances globales qu’il faut tenir compte si l’on veut commencer un quelconque discours sur la situation politique générale italienne.

2. La situation italienne.

La grande bourgeoisie de notre pays, la bourgeoisie impérialiste de chez nous, est désormais consciente depuis longtemps de la nécessité d’imprimer de très grands tournants au cours général de la société italienne.

C’est là un besoin que la classe dominante commence à ressentir très profondément suite des luttes ouvrières et prolétaires de 68/69, et qui croît et se renforce dans la conscience bourgeoise au cours des années 70, qui sont marquées par l’approfondissement de la crise du modèle de développement économique spécifiquement italien et par le surgissement contemporain d’un puissant mouvement prolétarien, dont la pointe la plus avancée est constituée par l’existence d’un véritable mouvement révolutionnaire armé.

L’Italie perd alors à vue d’œil la position internationale qu’elle s’était laborieusement reconquise dans l’immédiat après-guerre : dans un monde profondément marqué par le bipolarisme U.S.A.-U.R.S.S. et, dans le camp occidental, par les soi-disant « locomotives » (U.S.A. et R.F.A.) ; l’instable réalité de notre pays se trouve irrésistiblement repoussée aux marges du cercle des décisions stratégiques et d’un déjà difficile développement économique.

La possibilité d’invertir cette tendance s’avère fondamentalement impraticable, pour la bourgeoisie, durant tout le cours des années 70 : la faiblesse intrinsèque de l’économie italienne (plus que les autres sujettes aux fluctuations des cycles internationaux) et un cadre politique qui par la force des choses et du temps est invétérablement fractionné et instable, ne permettent pas de réponses d’une certaine généralité à une situation sociale ressentie comme très dangereuse par les classes dirigeantes.

L’unique tentative sérieuse de résoudre la « question italienne », celle de la cooptation du P.C.I. dans la majorité gouvernementale avec la fonction do contrôler les masses, sort de l’Histoire en même temps que son principal idéologue et artisan : entre le 16 mars et le 9 mais 1978, les Brigades Rouges capturent et exécutent Aldo Moro, assénant ainsi le coup politique décisif à ce projet totalisant de fermeture des espaces d’opposition sociale qui avait déjà suscité un ample mouvement de protestation prolétarienne, qui culmina dans les luttes de masses de 1977.

Toutefois, l’aggravation progressive de la crise économique nationale et internationale et la détérioration des relations entre les États au niveau mondial engendrent dans la bourgeoisie italienne une intolérance de plus en plus accentuée à l’égard d’une situation dans laquelle les rapports de force globaux entre les classes ne permettent pas une gestion de la société, et en premier lieu de l’économie, qui convienne aux règles rigides imposées par la crise capitaliste.

Cependant, toute une série d’expériences économiques, politiques, répressives, accumulées jusque là de manière fragmentaire ou épisodique, subissent, au début des années 80, une sensible accélération, déterminant ainsi une réunification objective et générale des plus importants secteurs bourgeois sur des lignes de politique intérieure et extérieure purement réactionnaires et antiprolétariennes.

Les forces révolutionnaires, et surtout les organisations communistes combattantes, se présentent impréparées à ce crucial rendez-vous ; le début des années 80 les trouve fondamentalement incapables d’accomplir le saut de la jeunesse à la maturité politique, et toutes les contradictions théoriques et pratiques irrésolues durant toute une phase exploseront de manière destructrice.

La Fiat de Giovanni Agnelli, comme d’habitude, donne le la aux chatouillements de revanche patronales en distribuant 24.000 lettres de licenciements (préparés par les désormais fameux 61 licenciements politiques de 1979) aux ouvriers de l’entreprise turinoise.

C’est le début d’une brusque accélération dans le processus, commencé depuis longtemps, de la restructuration industrielle.

Tout le capital italien, privé et d’État, s’engage dans une entreprise – qui n’est pas encore conclue – dont l’objectif est un énorme saut de composition organique et dont la condition est représenté, en termes pratiques, par des centaines de milliers de licenciements et par l’emploi massif de la caisse de chômage, par la mutation totale de l’organisation du travail dans l’usine afin d’augrnenter démesurément l’exploitation.

Sur le terrain politique, traditionnellement somnolent, certaines choses sont sensiblement modifiées : le P.S.I. de Bettino Craxi, parvenu à la fin du processus de libération du populisme nennien et demartinien [du nom de deux dirigeants socialistes « historiques », Nenni et De Martini, N.T.] se révèle être un agile et moderne parti bourgeois, enclin à épouser certaines des orientations politiques prévalant dans la grande bourgeoisie. Giovanni Spadolini, dans le P.R.I., développe de manière explicite et désinvolte les bases réactionnaires du lamalfisme [du nom de La Malfa, président du P.R.I, N.T.], en se proposant comme alter ego chez nous de Reagan et Thatcher.

La D.C., après un interminable travail d’accouchement qui dure à partir du 16 mars 1978, trouve une très fragile et très relative unité sous la direction de De Mita, qui la rive avec une inopinée décision au char des grands groupes monopolistes financiers.

Du côté – si l’on peut dire ! – les révisionnistes perdent toute perspective d’engagement gouvernemental, en se limitant à une hypocrite proposition, l’« alternative démocratique », qui ne les empêchera de toutes manières pas de se rendre disponibles à un quelconque compromis pour obtenir quelques torchons de ministère.

En bref, un cadre politique se compose qui, même dans les soubresauts propres à une classe politique escroc, privée du soi-disant « sens de l’État » et disposée à toutes sortes d’intrigues pour se taquiner en son sein, permet d’opérer des tournants importants et qui ne peuvent plus être différés sur le terrain politique et d’imposer à l’ordre du jour des questions du genre de la réforme des Institutions, de la réduction du coût du travail à travers une nette réduction de l’échelle mobile, de la réforme structurelle du salaire, de l’instalation des missiles nucléaires de l’O.T.A.N. sur notre territoire et de l’engagement dans deux missions militaires au Moyen Orient hors de l’égide de l’O.N.U.

L’accélération du mouvement de la sphère économique et politique permet de graduels aménagements dans uns sens réactionnaire sur les terrains les plus divers des relations sociales. Sous la direction de Lagorio au ministère de la Défense, commence une aussi grotesque qu’éloquente revalorisation des militaires, et en premier lieu des Carabiniers.

Forlani (qui était alors Président du Conseil) en vient à définir les Carabiniers comme « la meilleure partie de la nation », admettant ainsi implicitement que l’Italie est une République fondée… sur les flics !

À quoi sert toute cette fanfare, à quoi servent les Dalla Chiesa, les Cappuzzo et maintenant les Angioni [hauts responsables d’État major italiens, N.T.] est vite dit : L’Italie est en train de se conquérir « un nouveau rôle dans l’O.T.A.N. et en Méditerranée » au prix d’un protagonisme scélérat dans les milieux atlantiques, d’énormes augmentations des dépenses militaires et d’une politique extérieure indécemment soumise aux volontés des U.S.A.

Le monde de la soi-disant « culture », comme de bien entendu, se fait rapidement l’interprète du nouveau cours des choses, abandonnant joyeusement en bloc jusqu’aux derniers souvenirs de positions pseudo-marxistes déjà ambiguës.

De misérables « parcours intellectuels » s’achèvent ; la énième, lassante « crise du marxisme » explose ; l’ensemble de l’intelligentzia professionnelle italienne est envahie d’un sincère frisson réactionnaire et individualiste.

L’intérêt des moyens de communication de masse suit, docile, la même parabole.

Wojtyla, le pape de l’ O.T.A.N., offre au monde quelques-unes des plus remarquables mises en scène en matière de religion : s’employant tout entier à piétiner continuelIement sur les durillons de Jaruzelsky, le « successeur de Pierre » ne dédaigne pas avoir pour hôte à son couronnement le général Videla, assassin de dizaines de milliers d’Argentins et, lors d’un voyage resté tristement fameux, serre chaleureusement les mains des cruels tyrans d’Amérique Centrale, en réprimandant en même temps le sentiment démocratique populaire nicaraguayen.

Sur le front de la répression interne, les flics et les magistrats ne perdent pas de temps : les « repentis », c’est-à-dire les traîtres soudoyés, permettent des campagnes d’arrestations de masse qui, en peu plus de deux ans, mèneront en prison quelques milliers de militants communistes et d’avant-gardes prolétaires.

1982 marquera aussi le début de l’usage systématique et programmé de la torture dans les interrogatoires de police, tandis que dans les prisons de haute sécurité est appliqué le tristement célèbre article 90. Cet énorme « nettoyage », entre autres choses, bouleverse complètement la composition du droit pénal italien, en le modifiant structurellement dans un sens de corruption et, à priori, punitif.

Bien entendu, il ne s’agit pas ici d’un mouvement unique et concerté jusque dans ses plus infimes détails par quelque « intelligence supérieure ». En réalité, ces modifications critiques de la société italienne n’interviennent pas de manière plane et linéaire, mais résultent de l’affrontement et du croisement d’intérêts multiples, capables de trouver de temps en temps des points de convergence concrète et, par conséquent, médiatisée.

De plus, tout cela se trouve brisé, interrompu, proportionné et confronté à l’existence d’un fort mouvement prolétarien qui, malgré les défaites subies et les cages qui lui sont imposées par les représentations institutionnelles, n’a pas l’intention de courber l’échine face à l’arrogance bourgeoise retrouvée.

Il en résulte donc un processus fortement contradictoire, intimement marqué par les particularités italiennes et, surtout, à l’issue incertaine. En substance, le mouvement global d’une société est toujours et de toute façon déterminé par la lutte de classe : par la lutte entre les différentes fractions d’une même classe et, avant tout, par la lutte entre les deux principales classes en lesquelles se divise la société elle-même.

Mais, perdre de vue le sens concret d’une telle, fondamentale, assertion mène tout droit sur le terrain d’une conception métaphysique et, en soi. réactionnaire de la réalité.

Mais cela n’ôte pas que, une fois établie l’importance de l’étude des particularités d’un phénomène, c’est la substance générale qui doit être extraite par l’analyse, même détaillée, de la réalité actuelle de notre pays.

Et, de ce point de vue, on doit reconnaître que le mouvement général de la société italienne dans ses diverses composantes, est de plus en plus influencé par la tranchante logique de la crise capitaliste et par les directives bellicistes de l’impérialisme nord-américain.

3. Le gouvernement Craxi.

Donc, la politique économique, la politique intérieure et la politique extérieure de la bourgeoisie italienne, évoluent de manière prononcée dans un sens réactionnaire et antiprolétarien.

Comme nous l’avons vu, il s’agit de la vérification nationale d’un mouvement bien plus général, qui trouve ses ultimes motivations dans les caractéristiques profondes de la crise capitaliste actuelle.

Ceci étant établi, il est nécessaire de descendre sur le terrain des événements concrets si l’on veut concrètement déterminer le terrain d’affrontement obligé entre la bourgeoisie et le prolétariat dans cette conjoncture.

Et, en ce sens, il sera utile de s’interroger sur la nature du gouvernement Craxi, en prenant en compte les continuités et les innovations que l’on peut trouver dans l’activité de l’Exécutif.

Au lendemain des élections du 26 juin 1983 [qui virent l’« effondrement historique » de la D.C., N.T.], les partis de l’unique majorité parlementaire crédible, celle du soi-disant « pentapartito » (le parti à cinq : P.S.I., D.C., P.S.D.I., P.R.I., P.L.I., N.T.], se trouvent face à de très sérieux problèmes : la retentissante défaite de la D.C. de De Mita faisait indiscutablement exclure une candidature démochrétienne à la Présidence du Conseil sur un programme explicitement conservateur.

Toutefois, la question du coût du travail et celle des missiles nucléaires représentaient un goulot que devait obligatoirement passer quiconque aspirait au fauteuil du Palais Chigi.

De plus, le prochain gouvernement aurait dû s’occuper de la « réforme des Institutions », du « ré-assainissement » global de l’économie, de la « moralisation » de la vie publique.

En substance, tous les partis de la majorité présomptive était, plus ou moins selon les uns ou les autres, parfaitement conscients du fait que certaines décisions importantes ne pouvaient plus être différés, sous peine d’une crise de gestion du délicat processus d’alignement de la société italienne sur les niveaux économiques et politiques établis par la crise capitaliste internationale.

Surtout, les questions de politique économique et celle des missiles laissaient supposer une forte opposition prolétaire et populaire, assignant ainsi préalablement au futur gouvernement – au lieu d’une relative recherche d’un relatif consensus – une période d’affrontement social âpre et ouvert.

De nombreuses exigences, différentes entre elles et parfois opposées, convergent alors sur la désignation de Craxi.

La D.C., occupée à lécher ses blessures, choisit d’user l’image du secrétaire du P.S.I. dans une aventure gouvernementale avec de maigres perspectives de consensus populaire.

Dans le même temps, dans le parti de majorité relative, on espère que la direction socialiste du gouvernement pourra ramollir l’opposition du P.C.I., et par contre-coup la beaucoup plus redoutée opposition de classe.

Craxi, quoique avec quelque perplexité, ne peut pas ne pas accepter la charge : il travaille depuis 1976 à s’asseoir au Palais Chigi, en créant à ses arrières, avec les pires méthodes de gangster, une clique de délinquants professionnels qui cherche à devenir « le parti du Président ».

Le premier fauteuil du gouvernement, ensuite, serait l’occasion d’agiter avec plus de force l’idée de « réforme des Institutions », qui est le véritable cheval de bataille de Bettino Craxi, la proposition politique qui met le mieux en évidence l’autoritarisme désinvolte qui caractérise la pensée et l’œuvre du secrétaire du P.S.I.

En tout cas, Craxi-Premier-Ministre ne concède rien aux trouillardes espérances des révisionnistes du P.C.I. : l’« alternative » de Berlinger sort une fois de plus battue du jeu post-électoral.

En réalité, à part quelque rare sympathie glanée ici et là, la grande bourgeoisie italienne ne considère pas comme crédible ce bloc de classes moyennes d’inspiration moraliste que représenterait l’« alternative démocratique » des frustrés des Botteghe Oscure [la rue où se trouve le siège du P.C.I., N.T.].

C’est de tout autre chose qu’a besoin, sur le terrain politique, un capitalisme qui a redécouvert le goût de licencier, de commander à la baguette dans l’usine et, regarde un peu, de produire des armes pour les militaires, mais plus pour rigoler.

La bourgeoisie, donc, a besoin justement d’un gouvernement fondé sur un programme comme celui que s’engage à respecter le « premier président du Conseil socialiste ».

Réduction des dépenses sociales, réduction de l’échelle mobile, missiles à Comiso, troupes à Beyrouth.

Le tout complété par une « réforme des Institutions » dont le véritable objectif est d’éloigner encore plus le travail des gouvernements du contrôle parlementaire. Voilà le programme du gouvernement Craxi, voilà clarifiée la nature de l’actuelle coalition gouvernementale !

Le programme du gouvernement Craxi est sans aucun doute la carte de visite la plus limpide, le témoignage le plus éloquent du projet réactionnaire et autoritaire qui fait son chemin à pas de géant dans les rangs bourgeois.

Comme prévu par les accords stipulés au niveau de l’O.T.A.N., les missiles seront installés à Comiso indépendamment de l’opposition extrêmement répandue dans toutes les couches sociales.

Comme il en a été décidé avec Reagan, les troupes italiennes resteront à Beyrouth, complices du fasciste Gemayel et des jeux stratégiques des U.S.A. et des sionistes.

Si l’on ne réussit pas à mettre en scène avec un dénouement heureux une autre pantomime du genre de celle qui a mené à l’accord du 22 janvier, il y aura une initiative de l’Exécutif afin de réduire d’autorité le salaire ouvrier.

De toute manière, on se garantira la manœuvrabilité du Parlement pour faire passer des rafales de décrets-lois, d’amnisties pour les spéculateurs immobiliers et les piduistes [les membres de la confrérie maçonnique secrète P2, véritable centre des principales conspirations putschistes ouvertes ou rampantes des quinze dernières années, N.T.], et des effrayantes réductions du côté des dépenses sociales.

Ce programme est mis au point par les cinq secrétaires des partis de la majorité, et il reflète en tout et pour tout les indications de De Mita et Spadolini [respectivement secrétaires généraux de la D.C. et du P.R.I.,
N.T.], sera mis en application.

En définitive, le gouvernement Craxi, indépendamment des alchimies politiques qui sont à la base de sa constitution, est avant tout un gouvernement basé sur des objectifs nettement antiprolétariens et à atteindre de toutes les manières, même en faisant usage de l’autorité. Ce gouvernement, en bref, marque un pas en avant décisif dans la redéfinition globale de la société Italienne dans un sens réactionnaire.

4. Deux grands mouvements de masse dans notre pays.

La force et la conscience de classe du prolétariat italien constitue depuis toujours une des caractéristiques principales et particulières du cadre politico-social de notre pays. Ainsi, aujourd’hui encore, l’évolution réactionnaire que la bourgeoisie tente d’imprimer à l’ensemble de la société est considérablement enrayée par l’existence d’une large opposition de classe, qui se manifeste de manière organisée sur le terrain de la politique économique et sur celui du réarmement et de la tendance à la guerre.

Deux grands mouvements de masse sont nés en Italie en opposition aux choix économiques et politiques de la bourgeoisie.

Malgré que le gouvernement, les partis et les patrons s’efforcent de cacher cette réalité à travers la désinformation et la mystification opérés par les moyens de communication de masse, c’est un fait établi irréfutable que le mouvement contre la guerre et le réarmement et celui d’opposition à la politique économique du gouvernement représentent le plus sérieux obstacle aux manœuvres anti-prolétariennes et bellicistes de la classe au pouvoir.

En effet, ces deux mouvements, qui luttent apparemment séparés, combattent en réalité le même ennemi : le capitalisme de la crise, la bourgeoisie agressive sur le plan intérieur. Il y a une relation nécessaire entre le crise économique, la détérioration des relations internationales et la course au réarmement : il existe donc une unité dialectique et objective entre les luttes de la classe ouvrière et celle du mouvement contre la guerre.

La manifestation qui s’est tenue à Rome le 22 octobre 1983 n’est que l’aspect le plus évident d’une mobilisation prolongée et de masse qui engage désormais depuis de nombreux mois des milliers de prolétaires contre la course au réarmement et à la guerre impérialiste.

Les luttes ouvrières commencées en février ont fait voler en éclats le pot de terre du « pacte social », contraignant Bettino Craxi à jetter le masque.

Le conflit social se manifeste alors comme affrontement politique, c’est-à-dire un affrontement qui touche à des questions générales qui intéressent l’ensemble du prolétariat dans son rapport avec la classe adverse.

Ce n’est pas par hasard que la grande bourgeoisie, avec Agnelli [le super-boss de la Fiat, N.T.] en tête, apprécie de l’affaire du « décret-escroquerie » surtout le côté politique : seule la volonté générale d’attaquer le prolétariat permet ensuite d’opérer des virages substantielles sur tout l’arc des problèmes spécifiques.

C’est l’affrontement politique avec l’adversaire de classe, affrontement qui, en changeant les rapports de forces globaux, crée les conditions pour les victoires économiques dans les usines et pour l’engagement belliciste sur le champ extérieur.

La bourgeoisie impérialiste de notre pays a désormais depuis longtemps programmé la défaite politique des masses ouvrières et prolétaires, mais celles-ci ont justement démontré qu’il existe en Italie un large front de classe résolu à s’opposer aux choix capitalistes !

Mais, la bourgeoisie ne se limite cependant pas à l’affrontement net et explicite avec l’opposition de classe, mais travaille aussi à en briser la nature et à en obscurcir même la conscience.

Nous avons vu tout à l’heure, en examinant la nature et le rôle social des syndicats et du P.C.I., comment l’influence bourgeoisie pénètre dans le mouvement ouvrier.

Également, et peut-être plus, dans le mouvement contre la guerre et le réarmement s’exercent une série de pressions visant à le transformer en un vague mouvement de pression « pacifiste » à base sociale interclassiste.

En réalité, le pacifisme proprement dit n’a jamais été en mesure d’arrêter aucune guerre, et ceux qui aspirent vraiment à la paix ne doivent pas avoir peur de combattre ceux qui causent les massacres entre les peuples : seule la direction prolétarienne de l’opposition populaire à la guerre permet de renverser en faveur de la paix l’infernale logique de la course aux armements, parce que seul le prolétariat est en mesure de modifier radicalement les mécanismes sociaux qui engendrent la compétition entre les nations, jusqu’à la faire déboucher sur la guerre.

C’est pour de telles raisons que derrière le mot « paix » se cachent tant de faces et tant d’intérêts, alors que derrière le mot d’ordre « lutte contre la guerre impérialiste », qui révèle le contenu et la signification de classe du phénomène considéré, on ne trouve aligné compact que le seul prolétariat.

C’est pour cela que nombreux sont ceux qui sont disposés à faire la grimace face aux missiles nucléaires, mais qu’assez peu sont ceux qui se sont engagés dans une lutte conséquente pour le retrait immédiat du contingent italien de Beyrouth, et que presque personne ne s’engage dans la lutte pour le retrait des dragueurs tricolores du Sinaï.

Et c’est encore et toujours pour cela que de nombreux louches personnages s’affairent à maintenir désunis les deux grands mouvements dont nous sommes en train de parler, et que seules les vraies avant-gardes de classe et les communistes travaillent à rejoindre l’unité consciente et militante du front général d’opposition prolétarienne.

Ce que la bourgeoisie craint plus que toute autre chose est que le prolétariat ne relève de manière consciente le défi politique qui lui a été lancé. Ce que la classe dominante voit comme la peste est l’union des deux grands mouvements de masse sous la direction du prolétariat révolutionnaire.

Pour les avant-gardes de classe et pour les communistes italiens, s’ouvre alors une période de travail politique qui réclame force et engagement.

La présence militante dans les luttes de la classe ouvrière et dans celle contre le réarmement et la guerre doit s’accompagner d’un infatigable et constant effort unitaire et d’un travail quotidien de clarification autour des perspectives générales de la lutte de classe : dans la période où la crise capitaliste évolue de manière prononcée vers la guerre, le prolétariat doit transformer ce processus en celui de la guerre civile entre classe sociales, en celui du révolutionnement total de la société entière.

Tenir compte de cette perspective veut dire, dans la situation actuelle, consolider l’unité des deux grands mouvements de lutte sous la direction du prolétariat révolutionnaire et étendre la mobilisation de masse et d’avant-garde sur la base d’un programme politique précis !

5. Le programme politique et la lutte communiste des Brigades Rouges.

Depuis 1970, les Brigades Rouges luttent et combattent les armes à la main avec le but précis de mener les masses à la destruction de l’État bourgeois et à l’instauration de la dictature du prolétariat.

Dans le cours de son activité, notre organisation a toujours placé au centre de sa réflexion et de sa pratique l’exigence du parti révolutionnaire du prolétariat et le principe communiste de la direction politique consciente sur le mouvement de masse.

Seule la conscience politique révolutionnaire de sa propre situation permet en effet au prolétariat de se fixer le but de la modification radicale de la société entière.

Seule la direction politique consciente et révolutionnaire sur le mouvement de masse permet de ne pas s’arrêter aux victoires éphémères, en utilisant chaque affrontement pour accroître la conscience de classe du prolétariat, en préparant jour après jour les conditions pour la victoire.

La direction politique du prolétariat par le parti révolutionnaire, la lutte sur le terrain d’avant-garde pour mener les masses à la conquête du pouvoir politique, sont donc les principes fondamentaux de notre organisation, qui conforment chacun de ses actes politiques et chacune de ses initiatives combattantes.

Les Brigades Rouges, en bref, organisent et généralisent de manière consciente la lutte de classe du prolétariat dans la perspective de la conquête du pouvoir politique, et en cela agissent en parti révolutionnaire fondé rigoureusement sur le marxisme-léninisme.

Cela pris en compte, de quelle manière, alors, les Brigades Rouges développent-elles leur politique par rapport aux deux mouvements de masse pris en considération tout à l’heure ?

En premier lieu, les militants des Brigades Rouges participent à ces mouvements et contribuent à l’organisation et à l’extension de la mobilisation de masse, par tous les moyens à leur disposition.

En second lieu, ils soutiennent dans le mouvement le point de vue strictement prolétarien, en développant un intransigeant travail de clarification politique et de propagande sur la situation générale et sur les tâches de classe.

En troisième lieu, ils regroupent autour d’eux les avant-gardes de lutte les plus sérieuses et les plus conséquentes.

Ils se confrontent de manière militante avec tous les révolutionnaires, ils créent des cellules clandestines de communistes, en développant ainsi l’activité politique révolutionnaire.

Mais, surtout, les Brigades Rouges lancent un programme politique valable pour tout le prolétariat et le soutient avec constance à travers des initiatives efficaces, en premier lieu à travers des initiatives politiques combattantes.

En bref, les Brigades Rouges se proposent d’augmenter la conscience politique révolutionnaire dans le mouvement de masse, de raffermir son unité, de mener dans la lutte contre le gouvernement et contre l’État vers un programme politique clair et cohérent.

Elles développent ce travail en étant conscientes du fait que la lutte du prolétariat n’a pas pour but réel tel ou tel objectif particulier, mais la modification et le révolutionnement général de la société entière.

Un rapide examen dos initiatives combattantes des Brigades Rouges pourra de nouveau éclairer le sens de ces concepts.

Avec l’action Giugni, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’aborder dans une autre partie de la présente brochure, notre organisation a frappé un des artisans matériels des accords du 22 janvier 1983 sur le coût du travail.

Mais il ne faut pas confondre cette initiative avec une sorte de « complément » de la protestation ouvrière qui a explosé au lendemain de ces infâmes transactions. Au contraire, Giugni entendait surtout sensibiliser les masses sur la substance politique qui était derrière cet événement, c’est-à-dire au « décret-escroquerie ».

Sa finalité était donc de créer une conscience politique de masse sur ce thème, en la ramenant de manière cohérente à la lutte contre le gouvernement.

Ainsi, les faits nous ont donné raison, cela est démontré par le développement des dernières luttes ouvrières, qui ont imposé à l’évidence générale l’explicite refus de la classe travailleuse de solder sa propre autonomie et sa propre volonté de lutte.

L’action contre Hunt, au contraire, a été une grande initiative politique combattante dirigée simultanément contre l’impérialisme nord-américain et contre son esclave l’impérialisme italien.

Elle a représenté un moment significatif de clarification politique autour de la nature de l’impérialisme italien dans son enchevêtrement avec les U.S.A., et autour des perspectives générales du mouvement prolétarien international.

L’exécution de Hunt par notre organisation a explicitement relié la lutte du prolétariat italien à celle du prolétariat international et des peuples progressistes du monde entier, en posant l’une des conditions essentielles au développement d’un front compact d’opposition international aux choix bellicistes de la bourgeoisie impérialiste.

Par conséquent, elle est avant tout une initiative internationaliste qui, en réaffirmant avec force le principe selon lequel la lutte du prolétariat n’a pas de frontières, oriente de manière précise et efficace le mouvement contre la guerre et le réarmement existant dans notre pays sur une ligne conséquemment de classe.

Ces deux initiatives démontrent donc avec clarté voulue de ce que les Brigades Rouges entendent lorsqu’elles parlent de direction politique consciente sur le mouvement de masse, dans la perspective de la conquête du pouvoir politique par le prolétariat.

La lutte communiste de notre organisation se développe avec la plus grande cohérence autour d’un programme politique précis.

Il s’agit d’un programme qui tient compte de la situation générale italienne, du cours correspondant de la lutte de classe et des perspectives nationales et internationales de la révolution prolétarienne.

Par conséquent, c’est un programme que les Brigades Rouges s’engagent à soutenir et qu’elles proposent avec résolution à l’ensemble du prolétariat, en battant le rappel, autour de celui-ci, des communistes, des avant-gardes de classe et surtout des grands mouvements de masse.

En voulant alors résumer en peu mais efficaces paroles ce qui a été dit jusqu’ici, nous pouvons sans aucun doute conclure cette brochure avec l’indication générale suivante : étendons la mobilisation de masse et d’avant-garde sur le programme politique des Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant !

CONTRE LES POLITIQUES ÉCONOMIQUES AUTORITAIRES ET ANTIPROLÉTARIENNES : RETRAIT IMMÉDIAT DU DÉCRET-ESCROQUERIE !

NON À LA RÉDUCTION DU SALAIRE !

CONTRE LES CHOIX BELLICISTES EN POLITIQUE EXTÉRIEURE : RETRAIT DE TOUTES LES TROUPES DU MOYEN-ORIENT !

NON AUX MISSILES À COMISO !

L’ITALIE HORS DE L’O.T.A.N. !

DEHORS LE GOUVERNEMENT CRAXI, ESCLAVE DES PATRONS ET DE L’IMPÉRIALISME !

UNITÉ DU PROLÉTARIAT INTERNATIONAL AVEC LES PEUPLES PROGRESSISTES DU MONDE ENTIER DANS LA LUTTE CONTRE L’IMPÉRIALISME !

INTENSIFIONS ET ORGANISONS LA MOBILISATION DE MASSE ET D’AVANT-GARDE CONTRE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET BELLICISTE DU GOUVERNEMENT CRAXI !

Brigades Rouges
pour la construction du Parti Communiste Combattant

>Sommaire du dossier

BR-PCC: Sur l’action contre Gino Giugni (1983)

Mardi 3 mai, un noyau armé de notre organisation a frappé Gino Giugni, rond de cuir du staff des têtes pensantes du « Parti de la Guerre  » dans notre pays.

Nos intentions à l’égard de ce porc étaient et restent claires : la liquidation du personnel impérialiste est un problème que la guerre de classe saura de mieux en mieux affronter!

Qui est Giugni?

Qui est celui-ci et ce qu’est le projet qu’il représente est vite dit : il s’est construit son  » succès « , sur le terrain national et international, comme représentant conscient des intérêts de la bourgeoisie impérialiste sur le terrain des différentes stratégies d’enchaînement de l’antagonisme de classe que la bourgeoisie nomme  » négociation « , ou plutôt conciliabilité (évidemment de son point de vue !) des luttes et des conquêtes prolétariennes dans un cadre de compatibilité avec les intérêts et les exigences capitalistes.

Tout cela dans la tentative d’institutionnaliser et de corporativiser l’antagonisme prolétarien et de l’enfermer dans la logique syndicale de la négociation.

Appartenant aux plus hauts niveaux de la bande à Craxi, traducteur dans la réalité italienne des politiques impérialistes de restructurations antiprolétariennes, cerveau politico-technique au service des divers ministères économiques et, plus généralement, des politiques économiques de l’Etat dans les différents gouvernements, Giugni représente toutes les étapes parcourues par la bourgeoisie depuis plus de vingt ans dans la tentative de mener la lutte de classe selon ses exigences.

Selon les conjonctures politico-économiques, cet  » homme de toutes les saisons  » a chevauché le tigre du mouvement ouvrier, en cherchant de le plier aux limites de la négociation syndicat-bourgeoisie.

Nous l’avons vu à l’œuvre dans les années 69/70, quand un formidable mouvement de luttes ouvrières et prolétaires, au nom de l’égalitarisme et de l’autonomie de classe par rapport au révisionnisme, commençait à détacher les intérêts et les besoins des masses, des nécessités de la production et de raccumulation capitaliste, et arrachait de consistantes conquêtes politiques et matérielles à une bourgeoisie encore en mesure de mettre en œuvre une politique de recherche du consensus à l’égard de l’antagonisme de classe.

Celui que les mass-média présentent comme » le père du Statut des Travailleurs  » n’est pas autre chose que le diligent législateur qui enregistre et institutionnalise un état des rapports de force entre les classes -alors en faveur du prolétariat – en tentant de traduire en des normes écrites, et donc concordantes, ce que le mouvement prolétarien conquiérait en dehors de toute négociation possible.

Ce qu’a toujours théorisé cet individu louche est justement la force non médiable de la lutte de classe et, pour cela, il a toujours travaillé à faire du conflit entre les classes une confrontation calme et « démocratique » entre les « différents » représentants en présence, en désaccord entre eux mais de toute manière unis par une volonté unique : subordonner les intérêts prolétariens aux exigences et aux choix du capital.

Mais si, en 69/70, la bourgeoisie pouvait encore mettre en œuvre une politique réformiste du fait des possibilités économiques et politiques qui lui étaient encore permises (sauf que dans le même temps elle attaquait directement la classe par les massacres et la chasse aux avant-gardes), la crise générale du mode de production capitaliste à l’échelle mondiale a complètement mis à la lumière la nature réelle de classe des différents projets réformistes et syndicaux que Giugni a contribué à élaborer.

Selon les rudes nécessités de la restructuration pour la guerre impérialiste, le prolétariat devrait consciemment accepter la défaite totale de son autonomie de classe et se faire  » représenter  » à la table des négociations, dans le jeu de la confrontation entre ce qu’ils appellent les  » parties « ,

Les résultats sont sous les yeux de tous : les accords sur la cassa-integrazione, l’accord sur les indemnités de départ et sur le coût du travail.

En particulier, l’accord de janvier est la base du projet de « pacte social  » et représente un saut qualitatif dans l’expulsion de la classe des  » négociations  » entre force de travail et capital.

Cet accord a été réalisé grâce, justement, au niveau atteint par le projet de redéfinition de l’Etat et par la fonctionnalisation des partis et du syndicat au plan de plus grand développement du caractère exécutif (esecutivizzazione en italien, NDT) des choix généraux sur le terrain de la politique économique.

Il représente en effet un saut qualitatif par rapport à la négociation traditionnelle entre force de travail et capital, en ce qu’il établit un plan de décisions qui investit tout l’arc de coûts de la reproduction sociale et toutes les normes du salaire social global (assistance, sécurité sociale, etc.).

Cet accord permet le lancement des licenciements de masse, une gestion encore plus rigide du marché de la force de travail, la compression jusqu’à l’invraisemblable des dépenses sociales et des mécanismes de récupération salariale de l’inflation, mais surtout le déplacement de la contradiction hors des usines, des places, des postes de travail : c’est la matérialisation des choix récessifs de la politique économique de guerre qui signifie imposer au prolétariat de travailler toujours plus, de travailler à peu, de travailler pour peu.

C’est l’attaque directe à la baisse du coût de la reproduction de la force de travail, obtenue au moyen de freins des dépenses contractuelles et, plus généralement, aux dépenses sociales qui bloquent pour trois ans et demi les augmentations salariales dans le cadre rigide des  » plafonds anti-inflationnistes  » établis par le gouvernement, la Confidustria et les syndicats.

Selon les plans de ces Messieurs, la lutte ouvrière devrait se réduire à constituer la masse de manœuvre dans le jeu des partis, dans lequel les objectifs à atteindre sont déjà établies au départ par le cadre de compatibilité avec les exigences de « gestion » du cycle de l’accumulation.

C’est la restructuration du marché du travail, qui vise à rendre les conditions de vente de la force de travail telles que le coût en reste bas.

C’est la stérilisation des automatismes et de l’échelle mobile, qui rend aujourd’hui la capacité de revenu prolétarien très en-dessous des nécessités effectives.

C’est la plus grande différenciation entre catégories, contre ce que les patrons appellent  » i’applatissement « .

C’est la réduction des dépenses sociales et leur détournement vers les dépenses militaires et de soutien aux multinationales.

C’est, surtout, l’attaque politique à la classe, pour en annuler les conquêtes, la résistance, les niveaux d’organisation construits par des années de lutte.

L’attaque contre le Prolétariat Métropolitain pour transformer le rapport de force général au plus grand avantage de la bourgeoisie impérialiste mène à une détérioration des conditions de vie des masses et conclut définitivement toute velléité capitaliste de gérer le conflit de classe, en ce sens que les limites de la médiation réformiste avec l’antagonisme se réduisent de manière drastique, ouvrant une phase d’affrontement ouvert.

La seule  » gouvernabilité  » possible serait dans le fait que le prolétariat accepte de participer à un vaste front inter-classiste de soutien aux nécessités de restructuration du capital multinational.

Giugni et ses compères rêvent d’un prolétariat divisé et corporativisé, au sein duquel règne la concurrence pour pouvoir être introduit dans le cycle de production, au prix et aux conditions dictées par les limites restreintes de la crise.

A l’intérieur de la paix contractuelle et de la prévisîonnabilité des objectifs des luttes, la négociation individuelle s’ouvre sur l’accès aux postes de travail disponibles et sur les conditions de l’exploitation dans l’usine et à tous les postes de travail.

Ce que ces accords sanctionnent politiquement est la possibilité pour la bourgeoisie de déclencher une attaque frontale contre tout le prolétariat métropolitain, alors que le mouvement révolutionnaire et antagoniste connaît une relative faiblesse.

Tout accord est en effet le fruit de rapports de force précis entre les classes et constitue un nouveau pas en avant pour renforcer la position de force de la bourgeoisie.

Tout ceci a immédiatement pour effet une détérioration générale des conditions de vie et de la négociation du prix de la force de travail.

Mais il a surtout le sens politique d’une attaque pour liquider l’autonomie de classe du prolétariat et sa politique révolutionnaire.

C’est la stratégie de l’anéantissement de la possibilité historique de transformer la restructuration pour la guerre impérialiste en guerre de classe pour le communisme.

Les désirs des divers Giugni, Merloni, Benvenuto, De Mita, Lagorio ne fonctionneraient que si, dans notre pays, le Prolétariat Métropolitain avait réellement choisi de vivre pacifiquement avec ses exploiteurs et s’était dissocié de la lutte des classes au profit du « pacte social » et néocorporatiste.

Que les choses ne soient pas exactement ainsi ainsi est démontre par les luîtes décomposées des différents syndicalistes de toutes les places d’Italie et par les  » non  » secs opposés par les luttes les plus significatives de ces derniers mois aux choix de politique économique.

La tentative de faire reculer le mouvement antagoniste jusqu’au seuil de la résistance extrême est la tentative révisionniste de canaliser les tensions de classe vers la défense de conditions politiques générales, aujourd’hui indéfendables du fait du niveau atteint par la crise, et par conséquent, des choix obligatoires du capital multinational pour pouvoir continuer à fonctionner comme tel.

Dans le projet de liquidation de toute apparence, même minime, de politique prolétarienne antagoniste (pour ne même pas parler de tout projet révolutionnaire!), l’attaque vise à reconstruire un cadre de rapports entre les classes dans lequel les progrès de restructuration pour la guerre impérialiste soient assurés du maximum de paix sociale.

On ne concède plus rien au prolétariat.

Pour lui, on prévoit seulement le  » privilège  » de contribuer, par une kyrielle de pactisations continuelles, à soutenir les choix de la bourgeoisie impérialiste, dans une position définitivement subordonnée.

Cela n’a été possible que par la rupture de la résistance ouvrière et prolétaire à l’exploitation capitaliste, par le recul des positions d’autonomie politique conquises au cours d’années de luttes et d’organisation prolétarienne sur le terrain révolutionnaire.

Face à l’attaque généralisée de la bourgeoisie, le problème aujourd’hui n’est pas de se river à des positions d' » extrême défense « , mais de reconquérir les conditions politiques et les rapports de force toujours plus favorables, afin de pouvoir briser le niveau des contradictions sur le terrain de l’antagonisme de classe et de situer l’initiative révolutionnaire dans un sens contraire aux projets de pacification entre les classes.

Le Prolétariat Métropolitain n’a rien à défendre si ce n’est la possibilité d’expression de sa politique révolutionnaire, condition pour briser les tentatives de le ravaler aux limites du pacifisme lâche et le transformer en son contraire, pour se libérer définitivement de la chaîne révisionniste qui travaille à la défaite de son autonomie de classe et pour pouvoir faire reculer de manière significative les projets de restructuration pour la guerre impérialiste dans son parcours de libération de l’esclavage du travail salarié.

La fonction de l’Etat dans cette phase et le fait qu’il assume de nouvelles tâches sur le terrain de la politique économique, de la politique contrerévolutionnaire et de la politique extérieure, sa plus grande fonctionnalisation aux exigences de la restructuration profilent encore plus clairement le rôle de l’Etat comme interprète au plus haut niveau des intérêts de la bourgeoisie impérialiste.

La fin de  » l’assistantialisme  » redéfinit l’Etat, non plus comme régulateur du conflit entre les classes, mais comme expression explicite de la domination de la bourgeoisie, comme garant, en termes politiques, économiques, militaires et idéologiques de la restructuration pour la guerre impérialiste.

Tout cela porte en soi l’accélération de la prise de conscience par le prolétariat de la nature politique de l’affrontement, en dévoilant dans le même temps l’inconsistance de toute proposition qui vise à la défense des conditions politiques générales propres à la phase passée.

La capacité de reconstruire la résistance ouvrière et prolétaire aux projets de guerre de la bourgeoisie impérialiste est liée au déchirement révolutionnaire du cadre politique actuel et à la redéfinition du nouveau caractère de l’autonomie de classe.

Cela a été rendu possible aussi par la difficulté croissante qu’ont les révisionnistes à avoir ne serait-ce que le minimum de crédibilité pour pouvoir continuer à  » représenter  » les intérêts, même les plus immédiats, du Prolétariat Métropolitain.

La politique révisionniste est aujourd’hui prise entre deux forces opposées: d’une part la bourgeoisie impérialiste qui tend à la subordonner complètement à ses projets et de l’autre le Prolétariat Métropolitain qui 1’oblige  » à garantir d’une certaine manière ses intérêts.

Ce  » pot de terre  » ne pourra que se briser bruyamment, et avec lui toutes les tentatives de subordonner l’antagonisme prolétarien aux projets de la bourgeoisie impérialiste.

Si la restructuration pour la guerre impérialiste ouvre et aiguise les contradictions entre les intérêts matériels et politiques du prolétariat et sa  » représentation historique « , en la poussant dans une crise de son rôle sans représentation, les forces révolutionnaires doivent favoriser cette crise.

Ce n’est qu’à partir de la désagrégation de ces  » cages  » qu’il est possible de libérer toutes les nouvelles forces prolétariennes produites par l’antagonisme à la restructuration pour la guerre.

II s’agit de favoriser la démystification des contenus et des propositions qui empêchent l’expression de la classe, justement au moment où apparaît leur usure et où leur faiblesse face au projet dans cette phase de la bourgeoisie impérialiste se dévoile.

Il s’agit de contribuer à faire émerger chaque élément qui s’affirme dans la lutte contre le ‘projet dirigé par le  » parti de la guerre « , il s’agit d’appuyer, de soutenir les contenus les plus avancés des luttes du Prolétariat Métropolitain et de recomposer la classe sur le terrain révolutionnaire, en attaquant dans le même temps ceux qui tentent de l’enfermer dans des schémas vieux et perdus d’avance.

Les contenus politiques les plus avancés apparus dans les luttes contre la guerre, contre l’Etat de la torture, contre le projet de la reddition et de la désolidarisation, contre la politique économique du gouvernement, ont encore une fois mis en évidence la capacité du Prolétariat Métropolitain, et en particulier de la classe ouvrière, de notre pays, malgré le déchaînement de la contrerévolu-tion et les erreurs des forces révolutionnaires, à être en mesure de tenir tête aux projets guerriers de la bourgeoisie.

Ceci éclaire déjà les modifications opérées (et surtout celles à venir) dans l’activité générale des masses contre l’Etat et son projet de phase.

La spontanéité prolétarienne s’oppose à la restructuration de l’Etat pour la guerre impérialiste dans les manières par lesquelles elle réussit à s’exprimer, mais cette résistance risque de se fixer à une défense passive et sans issue.

On doit au contraire porter cette résistance à se transformer dans un sens révolutionnaire pour s’opposer victorieusement à la perspective de guerre, en développant les contenus de l’antagonisme prolétarien et l’activité générale des masses en une participation consciente à l’affrontement imposé par la bourgeoisie.

Il s’agit donc de se doter de la politique révolutionnaire apte à œuvrer sur l’ensemble des contradictions, que les plans de l’ennemi de classe déchaînent à l’intérieur du Prolétariat Métropolitain, en dirigeant les luttes et le combat prolétarien contre les articulations du projet de la bourgeoisie dans les différentes conjonctures, et de doter les programmes du plan stratégique révolutionnaire, en visant à atteindre l’objectif politique de phase : la destruction du projet de restructuration pour la guerre impérialiste par la conquête du pouvoir politique par le Prolétariat Métropolitain.

A partir d’aujourd’hui, cet objectif doit vivre et guider l’activité de direction des luttes et du combat prolétarien, en ce sens que les programmes des différentes conjonctures sont liés à la conquête de rapports de force toujours plus favorables au prolétariat, dans le parcours par étapes de la libération de l’esclavage du travail salarié.

La possibilité de vaincre est liée à la capacité de l’avant-garde communiste à identifier clairement les objectifs que l’on entend poursuivre en rapport aux niveaux réels et concrets de conscience et d’organisation des masses.

L’attaque contre Giugni est pour nous le premier moment de la relance de l’initiative révolutionnaire qui identifie le programme des B.R. contre le cœur de l’Etat dans cette conjoncture comme attaque multiforme de tout le Prolétariat Métropolitain contre le  » pacte social « , étape fondamentale pour la mise en œuvre du projet de la bourgeoisie impérialiste de liquidation de la politique révolutionnaire.

L’attaque portée s’insère au niveau le plus élevé des contradictions entre Prolétariat Métropolitain et Etat dans cette conjoncture, et en cela elle constitue un pas avant puissant dans la redéfinition du rapport entre avant-garde communiste et masses prolétariennes, qui va dans le sens de la nécessité de :

Conquérir l’antagonisme prolétarien au programme révolutionnaire!

Conquérir et organiser les avant-gardes pour la stratégie de la lutte armée pour le communisme!

La conjoncture politique internationale actuelle est caractérisée par une accélération marquée de la préparation des conditions politiques et matérielles du déploiement de la guerre impérialiste.

L’Est et l’Ouest accélèrent ce processus en restructurant leurs appareils politiques, économiques, militaires et idéologiques dans le but avoué que les problèmes créés par la crise actuelle ne puissent être résolus que par un conflit armé qui redessine globalement le visage du monde.

Ce qui déchaîne la dynamique conflictuelle entre les deux blocs impérialistes est le fait que les conditions de la reproduction du capital à l’échelle internationale commence à manquer.

La modification de la position de chaque pays à l’intérieur de la division internationale du travail, les termes toujours plus âpres de la concurrence sur un marché mondial qui n’est plus en mesure de s’étendre, les difficultés d’accès aux sources d’énergie et aux matières premières dues à la dégradation de l’ensemble des relations entre les pays, sont les causes qui amèneront la barbarie impérialiste à déchaîner le génocide des prolétaires et la destruction des biens et moyens de production, pour un nouveau partage du monde et pour une plus grande exploitation des peuples.

Cette tendance, aujourd’hui dominante, n’est établie ni par un « destin fatal » ni par un esprit occulte qui élaborerait plans et stratégies [manque une ligne] et militaires, opérées par les fractions du capitalisme les plus fortes pour découper leur propre part de marché, pour augmenter les profits et pour accroître leur propre capital au détriment de ceux plus faibles.

Le mouvement de ces capitaux modifie et redéfinit par rapport à leurs propres exigences les conditions générales de toute la formation économique et sociale, ainsi que les rapports entre les classes, en polarisant les intérêts respectifs.

Ce processus et ses finalités étant, par-delà les différences spécifiques à chaque pays, conformé par de grands facteurs communs, trouve unie toute la bourgeoisie impérialiste occidentale.

Cela est démontré d’un côté par le processus de raffermissement des alliances et des liens entre pays de la même aire et par la création de nouvelles alliances en vue du déploiement final, et de l’autre, par la mise en œuvre de procès de restructuration des Etats nationaux, en cherchant à les rendre fortement exécutifs et dirigés par une fraction politique que nous appelons  » Parti de la guerre « , en mesure de représenter les intérêts de classe bourgeois parmi les intérêts plus généraux de l’ensemble de l’aire.

L’hypothèse d’une guerre entre les deux principales super-puissances est ouvertement discutée dans les mass-média, accompagnée de symptômes sans équivoques de barbarisation politique, telle que la propagande qui vise à présenter l’ennemi potentiel comme un monstre.

Si le terrain des négociations sur la réduction des armements stratégiques est celui auquel on fait le maximum de publicité, il est aussi le moins représentatif des rapports réels en gestation, parce qu’il est le théâtre d’initiatives de propagande continuelles, d’amélioration de l’image internationale des protagonistes.

A presque toutes les époques, les ambassadeurs assis à la table des négociations ont été surpris par les déclarations de guerre!

La mesure réelle des rapports interimpérialistes est au contraire donnée par un ensemble de décisions économico-politico-militaires que les deux blocs impérialistes sont en train de mettre en œuvre, et qui démontrent sans équivoque une volonté de réarmement colossal à court terme.

Pour l’Occident, avec l’avènement de Reagan, la politique extérieure américaine vise au rétablissement de la suprématie US au niveau planétaire, en s’assignant la  » charge  » de défendre et élargir ses propres intérêts  » vitaux  » en toute partie du monde.

 » Nous vivons à une époque où un coup d’Etat, une grève de grandes dimensions, un attentat terroriste ou une guerre entre pays voisins, même loin de nos frontières, peuvent, comme jamais jusqu’à aujourd’hui, déchaîner des conséquences à l’échelle mondiale qui frapperaient notre bien-être national et notre sécurité.

Il est nécessaire que nous ayons une vaste vision stratégique qui insère les problèmes régionaux dans un cadre global.  » (D. Jones, chef d’Etat-major américain.)

L’administration Reagan entend relancer la politique internationale américaine en tentant de récupérer toutes les défaîtes des dernières années, du Vietnam à l’Angola, du Nicaragua à l’Iran.

Une politique impérialiste, donc, qui vise à rétablir le rapport de force général entre les USA et l’URSS de manière résolument favorable aux Américains et qui  » dissuade  » l’URSS d’une politique d’expansion dans des zones dangereuses pour la  » sécurité  » des USA, c’est-à-dire en toute partie du monde!

Dans le développement de cette stratégie, l’installation des euromissiles est essentielle, dans la mesure où c’est en Europe et en Méditerranée que les blocs se confrontent directement.

Mais non seulement cette stratégie veut recouvrer force et agressivité en dépassant le concept de  » discussion réciproque « , c’est-à-dire l’impossibilité (la non-convenance) concrète d’un conflit nucléaire direct, pour au contraire affirmer aujourd’hui concrètement la possibilié d’un conflit nucléaire, limité, mais direct, entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie dans des zones comme l’Europe et la Méditerrannée.

Dans le contexte actuel de la crise, cette politique détermine, aux USA et en Europe, une situation nouvelle, sur le plan intérieur et dans toute l’aire occidentale, par rapport aux décennies passées.

Si avant, les augmentations des dépenses sociales croissaient parallèlement – même avec des volumes différents – à celles des dépenses militaires, il existe aujourd’hui un rapport rigide entre ces deux domaines, et la croissance de Tune se fait au détriment de l’autre.

Cette situation fait que la politique militaire dirigée par les USA dans toute l’aire occidentale rencontre l’opposition et la résistance de vastes mouvements de masse composés de toutes les couches sociales qui sont attaquées par une politique d’atteinte aux dépenses sociales, et qui, par leur valeur  » interne « , se situent objectivement en termes anti-impérialistes, comme le sont subjectivement les mouvements contre la guerre.

Cette politique constitue un choix obligatoire pour l’impérialisme, déterminé par un contexte international caractérisé par une récession économique généralisée qui persiste pour la troisième année consécutive, et dans lequel toutes les mesures et contre-tendances mises en œuvre ne peuvent constituer autre chose qu’un frein temporaire à la tendance dominante.

La  » gestion contrôlée  » de la récession constitue actuellement le  » credo  » de la majorité des pays à capitalisme avancé, et l’aspect phénoménologique qu’elle recouvre est le processus en œuvre dans tout l’Occident que nous appelons « restructuration pour la guerre impérialiste « .

Les choix faits pour chaque pays en matière de politique économique et monétaire, tout en étant cohérents avec les orientations générales et les perspectives de fond, développent de fortes contradictions au niveau économique entre les pays du même bloc, comme par exemple en Europe, entre Europe et USA, USA et Japon, et Europe et Japon.

De ce point de vue, l’exigence du renforcement des liens politico-militaires ne se réduit pas aux exigences spécifiques de chaque pays, mais à la nécessité pour le système impérialiste dans son ensemble de dépasser la crise en s’acheminant vers la confrontation avec le bloc adverse.

Le capitalisme, au stade de l’impérialisme des multinationales, a créé un système de rapports tellement intégré qu’il ne peut se développer qu’en accroissant tant les dimensions que la force de cohésion de l’interdépendance.

En Italie, partie organique du système de relations (chaîne impérialiste) de l’Occident, les caractères généraux de la crise ne diffèrent pas de ceux de l’aire dont elle fait partie : récession productive, inflation, chômage, etc.

Le caractère spécifique se trouve, par contre, dans l’acuité et la gravité particulières de ces phénomènes, qui confirment le rôle de « maillon faible de la chaîne impérialiste  » de l’Italie.

Plus encore que dans d’autres pays, le capitalisme italien voit se restreindre l’éventail des choix possibles, dans un système d’équilibres où la reprise d’un rôle compétitif est encore plus liée à l’aggravation de la crise.

C’est ainsi que les facteurs qui ont concouru à aggraver localement les phénomènes critiques communs à tout le système impérialiste font aujourd’hui partie de la psychologie même de la société italienne et, dans le même temps, sont les principaux obstacles à la reprise  » en temps utile  » de la compétitivité commerciale.

Le plus puissant de ces obstacles est aujourd’hui constitué par la capacité de la classe ouvrière et du Prolétariat Métropolitain à établir des rapports de force généraux qui puissent peser sur la détermination des choix capitalistes.

C’est pourquoi la défaite politique de la classe devient l’un des principaux objectifs delà bourgeoisie impérialiste, en même temps que la redéfinition de la physionomie sociale du système des partis et de l’Etat.

Camarades prolétaires,

La stratégie de la Lutte Armée, comme aspect le plus avancé de la Politique Révolutionnaire, doit savoir conquérir les niveaux divers et différenciés de l’antagonisme prolétarien au programme révolutionnaire qui ne peut être synthétisé comme programme de tout le Prolétariat Métropolitain dans la conjoncture que dans une dialectique concrète avec les mouvements de masse existants sur le terrain de la lutte anti-impérialiste et avec des contenus exprimés dans les luttes de la classe ouvrière.

Conquérir l’antagonisme prolétarien au programme révolutionnaire signifie orienter et diriger les formes et les contenus exprimés dans les luttes des divers secteurs du Prolétariat Métropolitain dans le cadre de la stratégie de conquête du Pouvoir Politique.

Cela signifie réunifier et généraliser les contenus politiques les plus avancés des luttes qui mettent en commun les conditions et les exigences de tout le prolétariat contre les projets de restructuration antiprolétariens de la bourgeoisie.

Les intérêts prolétariens rencontrent le même adversaire dans toute l’Europe, au-delà des différences existantes entre les mouvements qui se mobilisent et entre les contenus qu’ils mettent en avant et qui constituent un ensemble d’antagonisme prolétarien qui investit non seulement les choix que l’impérialisme est en train de faire, mais aussi la substance même de l’organisation capitaliste du travail et de la société.

Le prolétariat a de plus en plus conscience, qu’au-delà de toute solution que la bourgeoisie puisse mijoter pour faire face à la crise, son future dans ce mode de production ne peut être fait que d’une exploitation plus grande et de la misère face, paradoxalement, à un développement de la richesse sociale à la seule disposition de secteurs de classe toujours plus restreints.

Les perspectives sont assez claires : cycles de production de plus en plus automatisés qui réduisent l’emploi, augmentation de l’exploitation de la force de travail qui reste employée, etc.

Tout cela en fonction d’une réduction des coûts de production des marchandises pour favoriser la part d’exportation vers les marchés extérieurs, dans une mesure directement proportionnelle à l’appauvrissement des conditions de vie des masses prolétariennes à l’intérieur.

L’antagonisme que cette conscience développe dans le Prolétariat Métropolitain, à travers mille formes et contenus, doit être synthétisé dans ses aspects politiques les plus avancés en un programme révolutionnaire des avant-gardes communistes, et organisé et dirigé en un affrontement politique four le pouvoir.

La réunification des avant-gardes doit être recherchée dans ce processus, autour du projet politique révolutionnaire et ses formes organisationnelles (système de pouvoir prolétaire armé), qui dirigent l’affrontement de classe en construisant une projectualité révolutionnaire en mesure de poser dans chaque phase les lignes directrices et les objectifs à poursuivre pour conquérir le pouvoir politique, instaurer la dictature ouvrière et prolétaire comme condition pour le déploiement de la Transition au Communisme.

La manière d’apparaître du projet de la Lutte Armée dans le cadre de la Politique Révolutionnaire menée par des millions de prolétaires, se redéfinit aujourd’hui en situant au centre de sa théorie-praxis les contenus politiques les plus avancés et généralisés, comme expression des intérêts généraux du Prolétariat Métropolitain qui, dans la conjoncture, se trouvent en conflit maximum avec les projets de restructuration mis en œuvre par le  » Parti de la guerre « .

Cela permettra de construire les conditions politiques et les rapports de force favorables au Prolétariat Métropolitain pour faire face aux problèmes posés par l’attaque contre-révolutionnaire, non seulement du point de vue des avant-gardes combattantes, mais aussi de toute la classe.

Nous pensons que toutes les pratiques révolutionnaires menées par les avant-gardes qui sont conformées par ces présupposés politiques constituent de réels points de référence pour la construction du Parti Communiste Combattant, dans la mesure où elle n’exprime pas simplement une  » expression « , une  » représentation  » des intérêts du Prolétariat Métropolitain, mais l’une de ses composantes d’avant-garde, qui se trouve en son sein, soumise à sa critique et vérification constantes, et sous la direction de laquelle le Prolétariat Métropolitain peut et doit se constituer en classe dominante.


Camarades,


Les difficultés, les erreurs et les déviations dans le mouvement révolutionnaire ont aussi mis en lumière toute sa faiblesse, en même temps que l’énorme possibilité de relance dej la proposition révolutionnaire dans notre pays.

L’attaque de la bourgeoisie contre les avant-gardes combattantes, la mise en œuvre des plans contre-révolutionnaires de dissociation et de reddition, la tentative d’isoler les communistes du mouvement de classe, ont contraint même les plus réticents à réfléchir sur les erreurs commises, qui ont tant favorisé lès projets de l’ennemi.

Aujourd’hui, pilotées et amplifiées par les mass-media, on assiste aux prises de position les plus diverses qui, sous couvert de  » procès autocritique « , visent à proclamer la faillite de la lutte armée, parfois même par la bouche de quelque illustre  » protagoniste « .

Au-delà des différences de positions qui sont apparues, et qui sont un terrain de débat et de bataille politique entre révolutionnaires, nous voulons mettre au clair que les autocritiques dont sont capables les communistes sont tout autre chose que des théorisations qui n’ont rien à voir avec les problèmes réels du mouvement révolutionnaire.

Ceux qui, aujourd’hui, en se cachant derrière d’élégantes élucubrations sur les nouveautés de l’affrontement, nient la fonction de l’arme de la politique révolutionnaire, la nécessité de la construction du parti, la stratégie de la lutte armée pour le communisme comme unique politique prolétarienne pour la conquête du pouvoir politique, sont le soutien théorique le plus dangereux à la liquidation du patrimoine le plus précieux de ces dernières années qui, même à travers des incertitudes et des erreurs, a puissamment favorisé le mûrissement du mouvement prolétarien le plus fort d’Europe.

Nous voulons dire que les difficiles tâches de cette phase laissent peu d’espace à une cohabitation pacifique entre les différentes positions qui ont mûri dans le mouvement révolutionnaire.

Contre la liquidation

Il faut aujourd’hui mener à fond une bataille politique qui soit en mesure de battre politiquement dans le Prolétariat Métropolitain toute l’influence néfaste de thèses qui visent consciemment à la liquidation de plus d’une décennie de projets révolutionnaires dans notre pays.

Il ne s’agit plus de cohabiter avec les théoriciens de l’antimarxisme viscéral, avec ceux qui reparcourent la stratification de classe en en exaltant les comportements transgressifs de groupe ou même individuels, avec les analyses de type sociologique dans lesquelles tout caractère de classe disparaît, mais de comprendre à fond toute l’influence désagrégatrice qu’ils ont à l’égard du Prolétariat Métropolitain, d’en dénoncer l’ultra-subjectivisme inhérent aux déclarations de guerre auxquelles la classe ne participe pas et les contemplations radicales-chics de ceux qui, selon le sens du vent, font et défont des projets révolutionnaires à leur image et ressemblance.

La dureté des conditions de l’affrontement aujourd’hui met à nu les discriminantes politiques entre ceux qui travaillent à la reconquête d’une configuration stratégique adéquate à la phase de ceux qui visent consciemment à la destruction de toute capacité prolétarienne à s’organiser comme classe contre l’Etat.

Contre toute tentative, plus ou moins camouflée, de trouver la cause de tous les maux dans le fait d’avoir lutté et combattu au cours de ces années, guidés par les armes du marxisme-léninisme, se dresse, puissante, une reprise du mouvement révolutionnaire qui, matérialiste, est hors l’idéalisme et l’ultrasubjectivisme, et qui est en train de se poser de tout autres problèmes : précisément les problèmes liés à la construction de la théorie révolutionnaire dans les métropoles impérialistes, et des instruments politiques, théoriques et militaires aptes à soutenir la guerre de classe contre la bourgeoisie impérialiste.

C’est en référence à ces forces que les B.R. ont travaillé cette année dans les propositions d’autocritique et de reconstruction des premiers éléments de programme politique.

C’est avec ces forces que nous entendons trouver les éléments d’unité sur le plan stratégique de l’attaque au projet dominant de la bourgeoisie, comme expression de la capacité de direction du mouvement antagoniste selon les critères de l’agir en parti pour construire le parti.

Dans ce travail politique, le dernier problème n’est pas celui de combattre, en même temps que les thèses qui prêchent ouvertement la reddition émanant de la petite-bourgeoisie effrayée de ne plus se trouver en [ici manque une ligne, Ndt] ultrarévolutionnaires en paroles qui, aux premiers symptômes de durcissement de l’affrontement, ont déjà démontré toute leur inconsistance et leur fausseté.

Si le mouvement de classe en Italie a dû assister, jusque dans la banque de Turin,- à la faillite des fauteurs de l’offensive à tous prix, cela a mis en lumière toute l’extériorité du subjectisme transgressif aux problèmes réels de l’affrontement entre les classes.

Nous pensons au contraire que la reprise du mouvement révolutionnaire et la possibilité de vaincre sont liées à la capacité des communistes d’entamer un parcours de confrontation et de bataille politique qui, même dans la diversité, vise à revoir de manière critique les limites d’analyse qui nous ont caractérisées dans les dernières années.

Les erreurs commises dans l’évaluation des formes et des contenus des luttes menées par les larges masses sur le terrain du nucléaire, de la guerre, de la politique économique de la guerre, la sous-évaluation de l’élément conscient et un rapport erroné avec la classe, ont mené à dépeindre ces mouvements comme sur le point de descendre sur le terrain de la lutte armée et ont réduit la politique révolutionnaire, d’une part à la proposition armée, d’autre part à d' » inécoutés » appels aux masses à s’organiser immédiatement sur le terrain politico-militaire.

Ce qui a favorisé des erreurs de ce type doit être recherché dans la carence de projet, de programme, de théorie révolutionnaires, qui synthétisent dans chaque conjoncture les passages nécessaires à opérer et les objectifs à atteindre que les contenus des luttes ouvrières et prolétaires, ou bien les rapports de force, rendent possibles.

Il faut ajouter qu’en l’absence de cela, il en découle inévitablement une dispersion de l’initiative combattante qui, en ne se polarisant pas sur l’élément central du programme dans la conjoncture, se fragmente et se replie sur soi, rendant l’affrontement endémique au niveau purement militaire avec la contre-révolution, jusqu’à la défaite.

L’autocritique doit servir à renforcer la stratégie de la lutte armée pour le communisme, en épurant le dispositif révolutionnaire des positions subjectivistes qui nous ont fait perdre de vue les conditions réelles de l’affrontement et qui nous ont empêché de situer notre initiative dans un rapport correct avec le mouvement antagoniste, qui lançait même des messages significatifs sur le terrain révolutionnaire.

Avoir réduit les indications d’avant-garde au seul terrain du combat, en donnant déjà pour établie l’existence d’un système de pouvoir armé déployé sur le terrain de la guerre de classe, nous a empêché de saisir les contenus réels de pouvoir exprimés par de bien plus vastes expressions de l’antagonisme prolétarien contre les projets de la bourgeoisie impérialiste.

Ceci a signifié l’exclusion de l’activité générale des masses de nos programmes, en réduisant nos capacités de proposition au cercle restreint des avant-gardes.

L’erreur n’est pas d’avoir voulu agir en parti, mais exactement l’opposé : elle est de n’avoir pas su matérialiser la fonction de direction qu’un parti révolutionnaire doit exercer à l’égard des luttes et du combat de millions de prolétaires sur le terrain de la transformation révolutionnaire de la société.

Cette fonction n’est pas toujours égale à elle-même, mais doit se transformer selon les différentes étapes du parcours révolutionnaire.

Ne pas avoir compris les tâches nouvelles de direction à la clôture de la phase de la propagande armée, avoir continué à se référer aux niveaux d’avant-garde, en rêvant d’un mouvement de masse révolutionnaire surgi spontanément de la crise du mode de production capitaliste qu’il suffisait de diriger contre les centres périphériques de la domination capitaliste, nous a non seulement séparés du mouvement de classe, mais, surtout, nous a relégués à son arrière-garde.

Avoir donné la forme du combat pour absolue nous a menés à désarmer politiquement notre proposition politique et à ne pas placer au centre de la possibilité de transformation révolutionnaire la globalité des niveaux et la diversité des contenus du mouvement antagoniste, à orienter sur le plan de la participation constante des masses organisées contre la bourgeoisie impérialiste et son Etat.

En ce sens, nos programmes ont recouvert soit le caractère idéaliste de tout communisme par allusion, soit le caractère économiste et empirique de la conquête immédiate de tous ces besoins qui étaient définis comme  » irréductiblement inconciliables  » avec les exigences de l’accumulation capitaliste.

C’est ainsi qu’a été théorisé le caractère irrécupérable des luttes contre la restructuration, sans jamais aborder les les contenus et les formes à travers lesquels ces luttes s’expriment, qui sont les éléments qui permettent d’avancer des points de programme et de ligne politique révolutionnaire.

Ce présumé  » caractère irrécupérable  » est la base sur laquelle s’est construit tout l’édifice baroque du  » système des programmes « , avec la fragmentation de la pratique politico-militaire qui en découlait.

Selon nous, il y a affrontement de pouvoir lorsque les intérêts généraux de la classe entrent en contradiction non médiable avec les intérêts de la bourgeoisie, et qu’autour de ces intérêts généraux se mobilise un mouvement de classe de grande ampleur, constitué de la lutte de millions de prolétaires sur des objectifs qui, dans la mesure où ils sont généraux, communs à toute la classe, sont politiques parce qu’ils rendent antagonistes aux patrons et à leur Etat une masse de prolétaires qui tend objectivement (et, à des niveaux divers, aussi subjectivement) à se comporter comme classe  » pour soi « , comme classe consciente.

Mais ce mouvement antagoniste, qui tend déjà à échapper à la capacité de contrôle syndical et révisionniste, n’est pas lui non plus  » irrécupérable  » en soi, mais constitue uniquement la base réelle sur laquelle peut se développer un processus d’organisation révolutionnaire de la classe.

Ce passage n’est pas donné à l’avance.

Il n’est pas un  » produit objectif de l’aggravation de la crise « , mais un parcours conscient de masse qui prend sa source dans la dialectique entre le mouvement antagoniste et l’avant-garde révolutionnaire.

Le concept même de  » caractère irrécupérable  » est un fruit de l’idéalisme, vu que l’expérience historique enseigne que l’unique chose irrécupérable pour la bourgeoisie est la perte du pouvoir politique et l’édification de la société communiste.

Le programme naît donc de l’affrontement entre l’activité générale des masses et le projet dominant de la bourgeoisie. Il est donc programme de tout le Prolétariat Métropolitain.

Le parti doit lire les contenus généraux qui parcourent de manière diversifiée tous les secteurs de la classe, il doit analyser les étapes possibles que l’affrontement peut parcourir et atteindre, en guidant le développement du processus révolutionnaire dans une direction : la conquête du pouvoir politique.

La généralisation des contenus les plus avancés, l’amélioration des niveaux d’organisation et des formes de lutte, l’identification de plus en plus claire de l’ennemi principal à abattre, sont la concrétisation de la Politique Révolutionnaire comme activité globale et articulée du Système de pouvoir prolétaire armé en construction, qui doit trouver dans les différentes conjonctures du parti et les organismes révolutionnaires des masses en mesure de déterminer correctement les tâches toujours nouvelles, dans la diversité des objectifs à atteindre, en relation avec le niveau réel de conscience et d’organisation des masses.

En ce sens, le programme, né des niveaux de concentration maximum de l’affrontement entre les classes, et synthétisé par le Parti, doit retourner, comme plan unitaire, dans les luttes, dans la mobilisation et dans le combat de tout le Prolétariat Métropolitain, contre les articulations du projet de l’ennemi dans les différentes conjonctures.

Ce programme, en dialectique avec les besoins immédiats, mais surtout avec les besoins généraux du Prolétariat Métropolitain, est soumis aux lois de la guerre : il n’y a pas de conquête permanente pour le Prolétariat Métropolitain, il n’y a que la possibilité de conquérir, non tel ou tel besoin, mais tout son propre destin !

Guerre au pacte social, articulation conjoncturelle du projet d’anéantissement de la Politique Révolutionnaire du Prolétariat Métropolitain!

Guerre à la guerre impérialiste! Guerre à l’OTAN!
Guerre au Parti de la guerre !

Développer l’internationalisme prolétarien contre les choix de guerre de la bourgeoisie impérialiste!

Construire le Parti Communiste Combattant!

Construire le Système de pouvoir prolétaire armé pour la conquête du pouvoir politique!

Liquider les projets de reddition et de dissociation de la lutte de classe !

Battre les lignes erronées dans le mouvement révolutionnaire!

Honneur à Umberto Catabiani  » Andréa  » et à tous les camarades tombés en combattant pour le Communisme !

Pour le Communisme

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges – Noyaux Armés Prolétaires: Pour l’unité de la guérilla (1976)

Noyaux Armés Prolétaires
Brigades Rouges

Pour l’unité de la guérilla (1er mars 1976)

Camarades,

Les multinationales, Agnelli, Cefis, la Confindustria (Confederazione Générale dell’Industria Italiana) ont déclenché depuis longtemps une grande attaque contre la classe ouvrière, en créant, par des licenciements massifs et le coût de la vie croissant, un climat de terreur avec lequel ils espèrent avoir ensuite carte blanche pour rétablir leurs profits, que les luttes ont définitivement compromis.

Mais ils savent que tout cela ne suffit pas et que leur « ordre » devra être imposé par les armes. Dans ce projet, les carabiniers (CC) représentent la pointe de diamant et le noyau stratégique de la répression armée contre-révolutionnaire.

C’est ainsi que, dernièrement, la pratique de l’homicide contre les prolétaires avec laquelle les CC ont construit leur « lumineuse » histoire, s’est déchaînée dans la tentative de liquider les avant-gardes révolutionnaires.

La mise en marche de tout leur appareil terroriste veut rejoindre l’objectif de décourager et vaincre toute phase de résistance prolétarienne.

La « permission de tuer » de la célèbre loi Reale est devenue un « ordre de tuer » explicite.

La politique suivie par le parti de Berlinguer, qui jusqu’ici pouvait être prise pour une complaisance honteuse avec les patrons » se révèle maintenant être une vraie complicité dans les plans de restructuration de l’ordre impérialiste des multinationales de la classe ouvrière :

– s’organiser sur le terrain de la guerre de classe, de la
lutte armée pour empêcher qu’à travers l’oppression militai
re, l’Etat impérialiste des multinationales décrète sa défaite

– lutter dans n’importe quel milieu pour approfondir la crise de la bourgeoisie, parce que les besoins prolétariens sont, aujourd’hui plus que jamais, antagonistes à ce qu’attendent les patrons, et leur seul intérêt est la Révolution Communiste

– unifier le mouvement ouvrier autour de la stratégie de la lutte armée pour le pouvoir prolétarien en isolant et en
écrasant les paladins du « compromis » et de l' »Intérêt
national ».

L’attaque des casernes des CC n’indique pas un gout de la représaille, mais une ligne de lutte que nous entendons poursuivre avec toutes les autres forces révolutionnaires JUSQU’A LA VICTOIRE !

PORTER L’ATTAQUE CONTRE L’ETAT !

IL NE DOIT Y AVOIR QU’UNE SEULE FORCE ARMEE : LES PROLETAIRES AVEC LE FUSIL A L’EPAULE !

LUTTE ARMEE POUR LE COMMUNISME !

Le 1er Mars 1976 des noyaux armés des B.R. et des N.A.P. ont attaqué simultanément les casernes de CC suivantes, détruisant de nombreux engins militaires :

Milan : commandement de la Compagnie de Rhô, via Buon Turin : caserne de Madonna di Campagna, via Zubrieno
Gêns : commandement de la Compagnie de Sampierdarena, corso L.A. Martinetti n. 7
Rome : 3 casernes de carabiniers ont été attaquées : caserne de Quadraro, celle de via Quintilli 130 et la caserne Garbanella de via Luigi Orlandi 8
Naples: caserne zone Fuorigrotta, via Benedetto Cariteo Florence : caserne du Campo di Marte
Pise : la brigade d’assaut « Dante di Nanni » a attaqué la caserne des carabiniers de via Guido da Pisa.

Camarades,

Le présent communiqué est signé par deux organisations combattantes : Brigades Rouges et Noyaux Armés Prolétariens.

Dans la perspective de la construction du Parti Combattant, il faut oeuvrer pour la réunification de tout le mouvement révolutionnaire, en faisant tous les efforts pour que de chaque expérience de lutte armée naisse une capacité de plus en plus grande, tant du point de vue politique que militaire et d’organisation du prolétariat révolutionnaire.

C’est dans ce sens qu’une confrontation politique est en cours depuis longtemps entre les B.R. et les N.A.P.

Une fois vérifié qu’il n’existe pas de divergences stratégiques substancielles entre les deux organisations, celles-ci permettent toutefois des diversités de praxis politique dues surtout à l’histoire différente des B.R. et des N.A.P. et au chemin différent parcouru Jusqu’ici.

Donc, dans le respect de leur propre autonomie, les B.R. et les N.A.P. peuvent jusqu’à présent pratiquer des luttes communes et réaliser une unité d’action en un front unique de combat.

A la bourgeoisie, qui a tout intérêt à présenter les forces combattantes comme étant divisées, brisées, dispersées, il faut opposer une unité de plus en plus grande des Organisations Révolutionnaires qui combattent pour une société communiste par la stratégie de la lutte armée.

FACE A L’ENNEMI COMMUN, UNITÉ DES FORCES COMBATTANTES !

TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE ARMÉ !

>Sommaire du dossier

Quatre questions aux Noyaux Armés Prolétaires (1975)

[20 Juin 1975.]

1) COMMENT SONT NES LES NOYAUX ARMES PROLETARIENS ET QUELS OBJECTIFS SE PROPOSENT-ILS ?

Les N.A.P. sont nés d’expériences de masse précises dans différents secteurs, qui ont poussé certains camarades à se poser concrètement le problème de la clandestinité.

Pour nous, clandestinité signifie conquérir des structures politiques et d’organisation qui nous permettent de développer et de consolider toutes ces expériences de lutte violente illégale qui furent et demeurent une période centrale pour la croissance de l’autonomie prolétarienne et de l’alternative révolutionnaire dans la lutte de classe de l’Italie d’aujourd’hui.

Par lutte violente illégale, nous entendons soit des expériences de masse telles que l’occupation de FIAT, S.Basilio, les journées d’Avril à Milan, soit la lutte conduite par des avant-gardes armées clandestines accomplissant toutes les actions qui ne peuvent être organisées à un niveau de masse, bien que répondant à des exigences profondes et générales du mouvement révolutionnaire dans la période actuelle, celle-ci ne pouvant pas, selon nous, être considérée comme pré-insurrectionnelle.

Ces actions sont pour nous les pointes émergeantes d’une pratique politique quotidienne, d’une vraie praxis alternative qui s’est répandue assez massivement ces dernières années en Italie, et représente une première ébauche d’un programme communiste général.

Pour nous, l’unique terrain d’évolution commune et d’homogénéisation fut la construction d’une expérience de lutte armée, période essentielle de notre développement, dont la continuité a été assurée par une croissance permanente de l’organisation.

C’est le seul terrain sur lequel il a été possible de réaliser en nous-même un niveau d’unité non formel.

Les développements des différentes expériences ont amené à la création de noyaux de camarades qui agissent dans des endroits et des situations diverses, de manière totalement autonome et qui conservent entre eux un rapport d’organisation et de confrontation politique.

Nous voyons le sigle « Noyaux Armés Prolétariens », non comme une signature qui caractérise une organisation avec un programme d’ensemble, mais comme une synthèse de caractères propres à notre expérience.

Pour définir encore mieux l’autonomie des différents noyaux, les camarades qui ont répondu à ces questions ont signé leurs actions « Noyau armé 29 Octobre ».

2) QUELS RAPPORTS LES N.A.P. ONT OU VEULENT-ILS AVOIR AVEC LES ORGANISATIONS DE MASSE NON CLANDESTINES ?

Nous pensons que l’on peut, aujourd’hui en Italie, s’organiser et agir efficacement de manière non clandestine.

Il faut cependant garder bien présent à l’esprit que la dureté et la violence de la lutte des classes demandent de la part de tous les camarades révolutionnaires, quel que soit le secteur de la société où ils agissent, qu’ils soient conscients de la nécessité de construire des niveaux de clandestinité qui leur permettent, non seulement de résister à la répression qu’ils auront à subir, mais aussi de pratiquer efficacement, et avec le maximum de sécurité possible, les formes de lutte illégales et violentes que leur travail de masse, quel qu’il soit, réclame.

Sur les rapports que nous avons avec les camarades non clandestins : d’une part, ils veulent mettre à leur disposition les instruments pratiques et théoriques qui nous viennent de notre expérience de la clandestinité, d’autre part, ils nous sont utiles pour trouver, à travers une confrontation la plus large possible, de nouvelles formes à nos actions, de nouveaux objectifs, des éléments qui accélèrent le développement de notre expérience et donc, du mouvement révolutionnaire dont nous sommes une composante.

Naturellement, ces rapports revêtent différentes formes qui dépendent :

a) du niveau réel d’illégalité réclamé par la situation où opèrent les camarades auxquels nous sommes confrontés,

b) de la maturité avec laquelle ils affrontent le problème de la clandestinité et les risques qui y sont liés pour eux et pour nous,

c) de notre pouvoir à nous mesurer réellement avec le niveau de lutte de classe dans les différents secteurs avec lesquels nous entrons en contact, et donc de donner une contribution non formelle à la croissance révolutionnaire dans ce secteur.

Il fauten effet être conscient que les expériences et les situations de militantisme au milieu desquelles on agit dans l’Italie d’aujourd’hui ont encore des caractéristiques assez particulières pour lesquelles il n’est pas dit que les périodes et les formes de la clandestinité qu’il est nécessaire de pratiquer, soient homogènes entre elles. Cependant aujourd’hui déjà, certains mouvements comme les journées d’Avril à Milan constituent une échéance pour le mouvement tout entier et donc aussi pour nous.

C’est ainsi qu’il faut voir notre action à Rome contre Filippo De Jorio, agent du S.I.D. (Service Information de la Défense) et conseiller régional Démocrate Chrétien.

La confrontation pratique et théorique avec les camarades de l’extérieur doit nous faire poursuivre l’objectif d’une réelle unité d’action dans des occasiona comme celle-ci, soit pour les développer au plus haut niveau possible, soit pour expérimenter de nouvelles formes d’action et d’organisation.

3) QU’AVEZ VOUS A DIRE AU SUJET DE L’IMAGE QUE LA PRESSE BOURGEOISE ET NEO-REFORMISTE DONNE DE VOTRE EXPERIENCE ?

En ce qui concerne la presse bourgeoise, la seule chose à dire, c’est qu’elle assume son devoir de provocation et de calomnie contre les avant-gardes révolutionnaires, méritant la paye des patrons.

Certains journalistes et journaux, que nous n’oublierons pas, ont exécuté ce rôle avec un zèle particulier ; en ce qui concerne les presses réformiste et néo-réformiste, dans leur peur de perdre la petite part légale qu’elles se sont créées dans un Etat où la légalité est celle des patrons, elles sont habituées à crier à la provocation chaque fois qu’elles sont confrontées à la violence prolétarienne armée et se conduisent en vrais chacals quand elles subissent des défaites.

Leur rôle (Avant-Garde Ouvrière en tête) se présente objectivement comme provocateur.

Il est tempe que chacun prenne ses responsabilités.

D’une part, des camarades tombés ou arrêtés ont été calomniés, d’autre part, en acceptant pleinement et même en enrichissant de détails inventés de toutes pièces les versions que la police fournissait de nos actions, ils ont introduit un soupçon d’infiltrations pour discréditer un choix et des hypothèses politiques, et les périodes d’organisation qui en découlent.

Tout ceci en faisant étalage d’une attitude professorale et experte en problèmes de clandestinité, attitude profondément ridicule pour tous les camarades qui connaissent le passé de fainéants des aspirants conseillers communaux Corvisieri et compagnie, ainsi que les exploits héroïques des divers « services d’ordre » à commencer par celui d’Avant-Garde Ouvrière, plus connu sous le nom de « brigade lièvre ».

Les Noyaux Armés Prolétariens se sont caractérisés jusqu’ici par la parfaite connaissance réciproque de tous les militants de chaque noyau, qui est autonome politiquement et dans son organisation.

A travers la discussion et le travail politique commun, on tend à avoir le contrôle réciproque maximum sur les militants et les structures.

Cela ne veut pas dire que l’on ne commette pas d’erreurs technico-militaires ou d’évaluation politique dans certaines actions.

Ces erreurs très lourdes de conséquences sont difficiles à éviter quand on fréquente un terrain, celui de la construction d’une organisation clandestine, pour lequel les expériences sont extrêmement limitées.

Nous revendiquons comme notre patrimoine les erreurs commises et tenons comme fondamental de les comprendre : trop de fois nous avons payé pour notre inexpérience et trop de fois aussi pour la légèreté des camarades extérieurs à nos structures, sur lesquels nous n’avons pas eu le contrôle nécessaire.

Pour terminer, les camarades, et spécialement ceux qui agissent ou désirent agir dans la clandestinité, doivent être bien conscients du renforcement qualitatif et quantitatif continuel de l’appareil répressif bourgeois et le coût politique, humain, organisationnel, que cela comporte.

A chacune de nos actions, nous nous renforçons au niveau politique et d’organisation, cependant, nous nous battons avec une répression plus forte et raffinée.

Dans cette situation, il serait illusoire de penser pouvoir éviter les erreurs et les défaites qui peuvent même être fatales pour tel noyau ou tel autre.

La valeur d’une expérience de clandestinité doit être évaluée seulement pour juger si elle se présente ou non comme une composante du projet d’ensemble que le prolétariat est en train d’élaborer actuellement en Italie.

4) SUR LES BASES DE QUELLES ANALYSES ET DANS QUELLES PERSPECTIVES ENTENDEZ-VOUS AGIR ?

Avant tout, précisons que d’après nous, le mouvement révolutionnaire en Italie n’a pas encore atteint un niveau et une généralisation telles pour posséder une réelle analyse qui prévoie sur le plan tactique et stratégique l’époque et les formes du combat de classe, et un programme communiste articulé à tous les aspects de la société.

Il y a sans doute certains points théoriques et pratiques arrêtés qui sont le patrimoine du mouvement révolutionnaire, tels que : le refus du travail dans sa forme actuelle, la lutte violente contre l’oppression capitaliste, le droit de se réapproprier complètement ea propre existence.

Il s’agit plus d’un programme pratique que théorique, programme d’ores et déjà posé en actes à un niveau de masse.

Certains camarades en sont plus conscients et en voient plus clairement les implications, d’autres en ont une conscience théorique moins claire mais leur praxis politique est différente.

La dimension de masse de ces faits et le potentiel révolutionnaire qu’ils peuvent exprimer nous semblent amplement démontrés par des dizaines d’épisodes particuliers de la lutte de classe dans ces dernières années et par les époques générales de lutte auxquelles nous avons été confrontés.

A l’intérieur de ce processus dont nous sommes une composante, nous entendons développer au maximum nos capacités d’intervention, soit pratiques, soit comme contribution théorique sur la base de notre expérience.

Le fait d’avoir amené récemment à leur terme, dans de bonnes conditions, certaines opérations ne nous fait pas penser que nous sommes invincibles.

La mort des camarades Sergio, Luca Vito, la valeur des camarades arrêtés et condamnés, souvent sur la base de fausses preuves, par lesquels nous avons payé toute erreur minime, ne sont pas choses que l’on peut sous-estimer.

Mais nous tenons à répondre par notre action et par nos expériences à une réelle exigeance de la lutte des classes, et à contribuer au développement du programme communiste.

Ce fait et cette perspective justifient les risques que nous courrons.

CREER, ORGANISER 10 100, 1000 NOYAUX ARMES PROLETARIENS

LUTTE ARMÉE POUR LE COMMUNISME 

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Communiqué du 15 mai 1975

[Ce communiqué revendique la « jambisation » de Massimo De Carolis lors de l’attaque menée contre le siège d’Initiative Démocratique à Milan le 15 mai 1975]

Une unité armée des Brigades Rouges a recherché et éliminé un nid démocrate-chrétien situé au 15 de la rue Monte de Pieta : le siège d’Initiative Démocratique, un groupe de provocateurs anti- communistes mieux connu sous le nom de « bande à De Carolis ».

La Démocratie Chrétienne est le dirigeant politique principal du plan pour la réorganisation impérialiste de l’Etat. C’est le centre d’unité pour le regroupement des forces réactionnaires et contre- révolutionnaires qui ont uni Fanfani à Tanassi, Sogno Pacciardi, Almirante et les groupes terroristes.

LA DC EST L’ENNEMI PRINCIPAL DU MOMENT : c’est le parti organique de la bourgeoisie, des classes dominantes et de l’impérialisme.

C’est le centre politique et organisationnel de la réaction et du terrorisme.

C’est la force motrice de la contre-révolution générale et la force directrice du fascisme moderne : le fascisme impérialiste.

Nous ne devons pas nous laisser tromper par les «professions de foi démocratiques et anti-fascistes» qui sont faites de temps en temps par certains leaders de ce parti.

Ces professions de foi sont faites parce qu’elles répondent au besoin tactique de maintenir en vie la dialectique entre «fascisme» et «anti-fascisme» qui permet à la DC de récolter des voix, en faisant croire au peuple qu’en tant qu’opposée au danger «fasciste», la «démocratie réformée», c’est-à-dire l’Etat impérialiste, est une meilleure chose.

Le problème posé aux avant-gardes révolutionnaires est faire toute la clarté sur ce manège, en frappant ses nids cachés, ses connexions, ses connivences et ses plans.

La DC n’est pas seulement un parti, c’est l’âme noire d’un régime qui depuis 30 ans opprime les masses populaires et ouvrières du pays. Cela n’a aucun sens d’être en paroles pour la défaite de ce régime et de proposer en fait un compromis historique avec la DC. Cela a encore moins de sens de bavarder au sujet de la façon de le réformer.

LA DC DOIT ETRE LIQUIDEE, BATTUE ET DISPERSEE.

La ruine de ce régime doit emporter avec elle cet immonde parti et l’ensemble de ses dirigeants, comme cela est arrivé en 1945 au régime fasciste et au parti de Mussolini.

La liquidation de la DC et de son régime est la prémisse indispensable pour atteindre un véritable « tournant historique » dans notre pays. Voilà la tâche principale du mouvement.

Initiative Démocratique est un centre réactionnaire et contre- révolutionnaire étroitement lié aux structures politiques et économiques de la métropole milanaise.

Les hommes de ce centre, qui selon les mots de son leader Massimo De Carolis représentent aujourd’hui « la plus importante force démocrate-chrétienne de la ville et de la région, et numériquement le groupe le plus fort au conseil municipal » sont tous compromis, de façon ouverte ou dissimulée, avec la réaction la plus sinistre.

En ce moment, la bande à De Carolis est en train de préparer dans sa tanière une campagne électorale visant à « drainer les voix des Milanais vers la DC et celles de la DC vers les candidats du parti les plus sûrs ».

Avec cette action, nous avons donné une anticipation du jugement que les prolétaires portent sur lui, ses associés et son immonde parti.

Mais ce n’est qu’un acompte. Le reste il pourra l’encaisser directement dans les quartiers prolétaires s’il essaie d’y poser un seul pied.

Les lois spéciales pour l’ordre public désirées par la Démocratie Chrétienne encouragent l’usage des armes contre la « criminalité politique ». Nous avons, pour une fois, suivi cet avis en tirant dans les jambes d’un des partisans les plus convaincus de ces lois liberticides.

Il méritait certainement plus, mais pour ces choses-là rien ne presse. Nous pouvons très vite serrer la vis et identifier qui sont les vrais « criminels » !

PORTER L’ATTAQUE CONTRE LES TANIERES DEMOCRATES-CHRETIENNES, FOYER DU CRIME DE DROIT COMMUN ET DU CRIME POLITIQUE, DE LA REACTION ET DE LA CONTRE-REVOLUTION.

BRIGADES ROUGES

15 mai 1975.


Nous précisons qu’il n’existe aucun lien organisationnel ou opérationnel entre les Noyaux Armés Prolétaires (NAP) et les Brigades Rouges. Vive la lutte des Noyaux Armés Prolétaires !                          

>Sommaire du dossier  

Brigades Rouges: Résolution de la direction stratégique (1975)

avril 1975

 » Les Etats-Unis ont choisi d’être l’ennemi mortel de tous les gouvernements populaires, de toutes les mobilisations de la conscience socialiste scientifique partout dans le monde, de tous les mouvements anti-impérialistes de la terre. Leur histoire dans les cinquante dernières années et plus, les caractéristiques intrinsèques de leurs structures fondamentales, leur dynamique politique, économique et militaire, font des Etats-Unis le prototype de la contre-révolution fasciste internationale « .

George L. Jackson

Nous commençons ce texte par une citation du grand combattant afro-américain assassiné par les gorilles impérialistes dans la prison de S. Quentin parce qu’elle saisit dans son essentiel le coeur d’une question fondamentale pour nous: la question de l’impérialisme.

On peut résumer les termes généraux du problème de la façon suivante.

L’impérialisme est un système de domination mondiale au centre duquel se trouvent les Etats-Unis, au milieu desquels siègent les grandes compagnies multinationales et leurs intérêts.

Au cours des années, ce système s’est articulé et stratifié en zones fonctionnelles de production et de consommation qui sont en même temps des zones politiques et militaires. Les pays du « vieux continent » composent une importante aire économique, politique et militaire de l’impérialisme.

Cette aire, d’un point de vue capitaliste substantiellement homogène, est définie en termes stratégiques comme « système démocratique occidentale ».

Récemment, après la victorieuse lutte de libération du Viet-Nam et du Cambodge, après la crise de Chypre et du Moyen-Orient, ce « système » avec le Japon est devenu le banc d’essai du système impérialiste tout entier.

Cela veut dire que c’est principalement en Europe que se joueront toujours plus la permanence et le bouleversement des équilibres mondiaux sanctionnés par la deuxième guerre mondiale.

En d’autres termes, l’unité économique politique et militaire, sous le signe atlantiste, de cette zone, est décisive pour les Etats-Unis.

Et c’est à tel point qu’il n’est pas du tout hasardeux de soutenir que du point de vue « amérikain » (qui n’est pas seulement celui des USA mais aussi celui de ses alliés atlantistes), le « système démocratique occidental  » constitue dans cette conjoncture une totalité stratégique (politique, économique, militaire) qui n’admet pas de mutilations et ne tolère pas de modifications de substance.

L’Italie, en tant que composante organique de ce système et donc du système impérialiste mondial dirigé par les USA, se trouve dans une position extrêmement importante parce que: -avec la crise de régime qui l’afflige, elle forme un facteur de crise du dispositif impérialiste tout entier, -par la grande influence qu’a le PCI (parti communiste italien), elle constitue un point fort du dispositif social-impérialiste et après les récents événements portugais, cela n’est pas négligeable; -par l’énergie assez importante du mouvement révolutionnaire, elle peut se transformer en une zone révolutionnaire explosive de l’Europe.

Cette situation est très favorable pour les forces révolutionnaires de notre pays car, au niveau mondial, l’impérialisme est secoué de violentes convulsions et tout fait penser que le pire n’est pas encore arrivé.

La crise qu’il traverse est sans aucun doute la plus grave depuis la deuxième guerre mondiale, elle est en même temps économique, politique et militaire.

Economique parce c’est une crise cyclique de surproduction en présence d’une inflation galopante et d’un désordre financier et monétaire jamais enregistré; politique puisqu’elle déchaîne les facteurs d’instabilité de certains régimes subalternes et attise la lutte ouvrière, prolétarienne et révolutionnaire des classes opprimées tant aux USA qu’en Europe.

Militaire puisqu’elle détermine un décollement croissant de l’OTAN et la défection de certains pays importants.

Les luttes des peuples et des classes qui avec une détermination révolutionnaire, ont opposé une résistance idéologique, politique et armée à des prétentions hégémoniques planétaires, ont été une force de déchaînement de la crise.

Plus précisément, les contradictions qui ont contraint l’impérialisme à la « crise », à la défensive et donc à entrer dans la phase historique de sa dissolution sont au nombre de trois :

-les pays qui luttent pour leur libération et pour le communisme;

-le social-impérialisme soviétique, lui aussi intéressé par le contrôle des zones stratégiques, le ratissage des matières premières, les nouveaux marchés et les débouchés pour ses investissements;

-les luttes ouvrières et la montée des guérillas prolétariennes dans ses centres industriels et métropolitains.

C’est dans la dialectique complexe entre ces contradictions qui pousse irréversiblement vers une redéfinition des rapports de force entre impérialisme, social-impérialisme et forces révolutionnaires et donc qui alimente, dans le monde capitaliste occidental en général, et en Italie en particulier, des conditions objectivement favorables à la croissance de l’initiative ouvertement révolutionnaire.

Il appartient aux classes révolutionnaires et à leurs avant-gardes politiques et militaires de saisir l’occasion.

Sur la scène européenne, l’impérialisme réagit à sa crise en poursuivant trois objectifs fondamentaux :

-favoriser un processus de contre-révolution globale et ouverte  contre toute force antagoniste,

-mesurer de nouveau à l’intérieur de chaque pays la force de la classe ouvrière et rétablir des rapports de force favorables aux classes dirigeantes locales  » assurément atlantistes « , -décourager les velléités autonomistes qui ont fait leur chemin dans certains pays pour les reconduire sous  » l’aile américaine « .

Manoeuvres économiques et services secrets travaillent assidûment dans cette perspective.

L’utilisation de la « crise du pétrole » en est le dernier exemple même si, à l’épreuve des faits, il s’est montré une arme à double tranchant.

En effet, si d’un côté l’inflation sauvage, la récession économique et le danger d’une vraie dépression ont permis le chantage politique (« si vous voulez combler le déficit pétrolier et remettre en ordre, au moins en partie, les balances des paiements avec nos emprunts, il faut liquider sans hésitation les poussées « communistes » qui érodent à la base la stabilité des régimes politiques »); de l’autre côté, ils ont rendu plus aigués les tensions de classe et ainsi favorisé les poussées révolutionnaires.

Toutefois, il apparaît clairement que « crise de l’impérialisme », dans l’immédiat, ne signifie pas « effondrement » mais contre-révolution impérialiste globale, c’est-à-dire :

a) restructuration des modèles économiques de base;

b) restructuration rigidement planifiée des fonctions économiques à l’intérieur d’une division internationale du travail et des marchés;

c) réajustement des structures institutionnelles, militaires et étatiques des régimes moins stables et plus menacés dans le cadre de l’ordre impérialiste.

Affirmer que l’Italie est le maillon faible du « système démocratique occidental » veut donc aussi dire que c’est le pays où la contre-révolution se déchaînera le plus fort et le système impérialiste entier assumera la responsabilité de ce processus.

Cela signifie que le prolétariat italien, à mesure que la guerre de classe s’intensifie dans le pays, ne se trouvera pas seul pour « régler ses comptes » avec un ennemi interne, mais bien avec l’entière organisation économique, politique et militaire de l’impérialisme.

Cela veut dire, plus généralement, que la guerre de classe révolutionnaire dans les métropoles européennes est immédiatement, aussi, guerre de libération anti-impérialiste, parce que l’émancipation d’un peuple dans un contexte impérialiste doit affronter la répression impérialiste.

Il n’existe pas de « voies nationales » au communisme, parce qu’il n’existe pas actuellement de possibilité de se soustraire de façon singulière au système de domination impérialiste.
Face à la demande de pouvoir qui est à la base des mouvements des forces communistes qui oeuvrent sur le continent européen, la contre-révolution impérialiste assume une spécificité différente seulement par la forme et l’intensité, pas par la qualité.

Quelle différence y a-t-il entre la CDU et la DC?

Strauss est bien semblable à Fanfani!

Pour cet ensemble de motifs, l’internationalisme prolétarien est notre premier étendard de lutte; la zone continentale est le décor général dans lequel sont étudiées « les lois de la conduite de la guerre qui influent sur la situation d’ensemble de la guerre »; le territoire national est le théâtre opérationnel de notre guérilla; les pôles de classe industriels et métropolitains, les points de force et d’irradiation de la guerre civile révolutionnaire.

Aspects économiques de la crise du régime

Si l’on admet que la crise est le résultat de la contradiction qui a opposé les forces productives aux rapports de production capitalistes, donc de l’antagonisme exprimé continuellement par les luttes ouvrières des six dernières années, on en voit la spécificité économique.

La crise économique actuelle présente trois caractères principaux :

– c’est une crise de surproduction ou mieux de sous-consommation: après la forte expansion des années 50/60 (miracle économique à, nous sommes entrés dans une phase caractérisée par un fort déséquilibre entre la quantité de marchandises produites ou productibles et l’absorption du marché. Ceci est l’aspect historique de la crise actuelle;

– c’est une crise en présence d’une forte augmentation des matières premières, dont le pétrole. Ceci a pour effet que, dans la mesure où le prix des machines augmente, en conséquence de l’augmentation du prix,, soient des matières premières qui les composent, soient des matières premières auxiliaires à leur fonctionnement, le taux moyen de profit diminue proportionnellement. L’augmentation du coût des matières premières produit en outre la réduction ou l’arrêt du processus entier de reproduction du capital, soit parce que le produit de la vente des marchandises est insuffisant pour reproduire tous les éléments constitutifs de la marchandise elle-même, soit parce que la continuation du processus reproductif à une échelle correspondant à son élargissement technique est impossible;

-c’est une crise en présence d’une forte chute du taux moyen de profit. Ceci est l’aspect spécifique de la crise économique actuelle. Il est important d’analyser les conséquences que cette forte chute du taux moyen de profit a produit et produira sur la structure économique et politique du système.

Si la chute tendancielle du taux moyen de profit est une caractéristique fondamentale du processus capitaliste (d’autant plus que le capital constant tend toujours plus à augmenter par rapport au capital variable) en Italie dans cette dernière décennie (1966-1974) cette chute tendancielle a subi un processus d’accélération notable dû surtout au violent jaillissement de l’industrie chimique comme industrie impérialiste multinationale (Montedison).

L’industrie chimique est caractérisée en effet par un taux de plus-value élevé (c’est-à-dire hautes valeurs de la productivité pour chaque ouvrier), mais par un taux moyen de profits très bas.

Ceci entraîne qu’il est de plus en plus difficile pour un capitaliste dans la chimie de repérer à l’intérieur même du processus de production les capitaux nécessaires à la restructuration technologique, et il doit recourir à l’endettement.

Mais, étant donné la grande quantité de capital financier, il devient de plus en plus dur de ratisser ces fonds à l’intérieur du marché financier privé (finance privée et actionnariat), c’est pourquoi il doit recourir aux emprunts d’Etat.

Dans ces conditions apparaît pour le capitaliste de la chimie la nécessité d’établir de bons rapports avec l’appareil d’Etat pour obtenir ces prêts aux conditions les plus avantageuses.

De là à transformer l’appareil d’Etat en une structure étroitement subordonnée à ses exigences de développement, il n’y a qu’un pas et il est même absolument nécessaire.
L’Etat assume donc, dans le camp économique les fonctions d’une grosse banque au service des grands groupes impérialistes multinationaux.

Du moyen par lequel l’Etat/banque ramasse « au niveau social » ces capitaux nécessaires (qui ne sont autres que la plus-value globale « assignée » aux multinationales) naît le fort processus inflationniste caractéristique du développement capitaliste actuel, dominé par les grands, groupes impénalistes multinationaux.

Il est clair que le processus ici simplifié pour le secteur chimique est valable pour tout autre secteur où domine la structure capitaliste multinationale (c’est-à-dire pour Montedison, comme pour Pirelli) et pour toute fonction de l’Etat (économique, politique et militaire).

L’Etat devient l’expression directe des grands groupes impérialistes multinationaux, avec un pôle national.

C’est-à-dire que l’Etat devient une fonction spécifique du développement capitaliste dans la phase de l’impérialisme des multinationales; il devient: Etat impérialiste des multinationales.

Cela signifie aussi que l’Italie tente de rejoindre le modèle germano-américain.

Modifications sur la composante de classe.

Voyons les conséquences que la chute du taux moyen de profit produit sur la structure de classe.

Dans les secteurs où le taux de profit est très bas. on note une diminution absolue de la force-travail utilisée. Par exemple, pour la Montedison, dans les années 66-71. dans le secteur chimique, on a des investissements en installations fixes pour 600 milliards, avec une augmentation notable par rapport aux années précédentes, et une diminution de la force-travail de 70.761 à 70.661 unités.

Cette tendance est aussi plus que confirmée dans les quatre dernières années.

D’autre part, le système capitaliste, aussi en tant que producteur de la marchandise force-travail, produit une forte augmentation de la population globale. Il suffit de penser que, vers 1800, la population de la terre était évaluée à environ 1 milliards d’unités; avec l’avènement du système capitaliste, on assiste en 150 ans à une multiplication par quatre de la population mondiale (actuellement nous en sommes autour de 4 milliards).

De cela on peut tirer une généralisation: la chute tendancielle du taux moyen de profit produit une diminution de la force-travail utilisée par rapport à la population totale: c’est-à-dire que, face à une augmentation constante de la population totale, il n’y a pas une augmentation proportionneDe de la force-travail utilisée.

Nous avons dit précédemment que l’aspect scientifique de la crise économique est la forte chute du taux moyen de profit. Donc, on peut soutenir que la crise actuelle produira une diminution notable de la force-travail utilisée par rapport à la population globale.

Ce phénomène se développera de manière de plus en plus accélérée et sera une caractéristique constante de notre développement économique.

Tout ceci produit et produira sur la composante de classe des modifications stables que l’on peut schématiser ainsi. Par rapport à la population globale, on aura :

a) une diminution continue des salariés ayant un emploi stable;

b) une augmentation de « l’armée de réserve » (réservoir où puiser dans les moments d’expansion), c’est-à-dire des salariés ayant un emploi instable (voir actuellement.l’utilisation de la Caisse d’Intégration)

c) une augmentation de cette partie de la population qui sera éjectée définitivement par le processus capitaliste (les marginaux).

Ce dernier phénomène ne s’était pas manifesté nettement jusqu’à présent grâce à l’émigration qui a signifié pour toute une période, le débouché à la surproduction de force-travail.

Actuellement, étant donné la forte chute du taux moyen de profit, cette soupape de sécurité ne peut plus fonctionner. Les émigrés retournent chez eux pour repeupler le rang des chômeurs totaux ou partiels, c’est-à-dire, en définitive, des marginaux.

Par rapport aux comportements de classe, on peut formuler l’hypothèse suivante:
– salariés ayant un emploi stable –

Une partie de ceux-ci reflète le niveau de conscience immédiate qui est la défense de leur condition de salariés (salaire équitable).

Ceux-là forment la base matérielle du réformisme.

Une autre partie, et c’est la couche la plus productive, celle dont l’exploitation s’accentue de plus en plus (travailleurs à la chaîne), développe une conscience révolutionnaire, c’est-à-dire l’abolition du travail salarié et la destruction de la société capitaliste.

– les marginaux

Les marginaux sont un produit de la société capitaliste dans sa phase actuelle de développement et leur nombre est en constante augmentation. Ils sont utilisés comme consommateurs par la société capitaliste en tant que société de consommation.
Ce sont toutefois des consommateurs sans salaire.

De cette contradiction naît la  » criminalité « .

L’utilisation  » économique  » de la criminalité de la part du capitalisme réside dans le fait que celle-ci contribue à la destruction de la marchandise nécessaire pour continuer le cycle.

Par exemple, on pourrait très bien construire des voitures à l’épreuve des voleurs, mais cela irait contre les intérêts de Fiat.

Une partie des marginaux reflète au niveau immédiat la conscience bourgeoise: individualisme extrême, aspiration à toujours « consommer  » plus.

Une autre partie reflète la conscience révolutionnaire d’abolition de leur condition de marginaux, d’où l’abolition de la société fondée sur le travail salarié.

– l’armée de réserve

En ce qui concerne l’armée de réserve, les niveaux de conscience sont donnés par l’entrelacement des niveaux de conscience rencontrés parmi les salariés ayant un emploi stable et les marginaux.

Le projet politique démocrate-chrétien

Si les années 70/74 ont été caractérisées par de fortes contradictions à l’intérieur de la bourgeoisie (par exemple: duel Montedison-Fiat), contradictions qui ont fendu verticalement la structure de l’Etat, des partis, des forces syndicales, la période actuelle semble caractérisée par une phase d' »armistice » entre les différents groupes capitalistes italiens: c’est-à-dire que face à l’aggravation de la crise les différents groupes capitalistes ont serré les rangs.

Armistice ne signifie cependant pas la fin des contradictions à l’intérieur du front bourgeois, cela signifie simplement un gel momentané de ces contradictions, gel qui se manifeste à travers un accord (lui aussi momentané) sur la répartition du pouvoir entre les groupes bourgeois les plus forts.

C’est au moyen de cette clef qu’il faut interpréter l’accord au sommet de la cofindustria au printemps 74 (Agnelli président et Cefis vice-président), l’unité établie autour de Fanfani des plus forts courants de la DC (Fanfaniens, Dorotéistes, Andreottistes, etc…), l’actuelle composition et la fonction du gouvernement Moro.

Penser que les contradictions qui divisent le front de la bourgeoisie sont des contradictions de caractère antagoniste serait donc une erreur.

Ce sont simplement des tactiques variantes du même projet: la construction de l’Etat impérialiste des Multinationales. L’essence du conflit inter-capitaliste se situe simplement en cela; quel sera le groupe impérialiste multinational qui, en guidant le projet de construction de l’Etat impérialiste, s’assurera la part la plus grosse du pouvoir.

Le projet politique de la DC, qui trouve en ce moment en Fanfani son interprète le plus autorisé, vise à faire de la DC elle-même, l’axe principal de ce projet d’Etat impérialiste.

En se posant à tout moment comme gérant de « l’armistice », la DC cherche à être l’élément de médiation dialectique continue entre les intérêts des différents groupes capitalistes.

Dans les intentions de la DC on devra ainsi réaliser, à l’intérieur d’un processus caractérisé par des contradictions dans le dispositif bourgeois et par une forte opposition entre bourgeoisie et prolétariat, la construction « pièce par pièce » de l’Etat impérialiste et, à la fin de ce processus, une complète intégration entre DC et Etat impérialiste.

Il est clair cependant que ce processus ne se déroulera certainement pas de manière pacifique, mais prendra de plus en plus les caractères de « guerre civile ».

Ceci aussi, et surtout, par la profonde crise d’hégémonie qui contraint la bourgeoisie, ses représentations politiques et les institutions de l’Etat, à résoudre les contradictions de classe de plus en plus au moyen de la force, c’est-à-dire en utilisant l’appareil de coercition tout entier, et seulement celui-là.

Le projet politique démocrate-chrétien, plus particulièrement, soutenu ouvertement aussi par Tanassi, Sogno et Almirante, se propose de construire autour du bloc intégrationniste de la DC, un « bloc historique » plus vaste et articulé ouvertement réactionnaire et contre-révolutionnaire, fonctionnel pour la construction de l’Etat impérialiste.

On joue les élections administratives de juin, et encore plus les prochaines élections politiques, dans cette perspective à long terme.

De même que les thèmes « dominants » de la propagande politique en ces sinistres campagnes électorales n’ont pas un caractère contingent comme paraissent le croire les révisionnistes, mais sont eux aussi une étape de la construction  » pièce par pièce  » de l’Etat impérialiste.

A cet égard la question de « l’ordre public » et de la guerre à la « criminalité politique » fait figure d’emblème, car elle vise moins à une augmentation des voix qu’à la militarisation préventive du territoire et de la lutte de classe, ou bien c’est un instrument direct de la nécessité de reconstruire un cadre des valeurs de masse qui consentent à la restructuration et à la concentration de tous les pouvoirs de l’Etat dans la perspective de la guerre civile contre-révolutionnaire.

Parce que c’est la voie, l’unique voie que la DC indique et suit pour faire front à la crise du régime.

Au-delà des apparences « conciliaires », ce que veut la DC, c’est un conflit entre les forces révolutionnaires et progressistes et le bloc historique contre-révolutionnaire.

Elle cherche une fente verticale qui marginalise et anéantisse les forces hostiles à la restructuration impérialiste de l’Etat du régime.

Elle propose de garantir aux patrons des multinationales impérialistes :

1) un renforcement des structures et de l’organe militaire clans les deux sens de fonctionnalisalion aux projets de l’OTAN et de spécialisation anti-guérilla contre la subversion interne;

2) la création d’une « magistrature de régime » et le raidissement des mesures pénales sur les chapitres particulièrement inhérent à la guerre de classe, de la législation sur la détention d’armes à celle sur la détention préventive, l’arrestation, les frontières, les peines exemplaires pour les militants révolutionnaires;

3) l’adoption de mesures « préventives » comme la militarisation des grandes villes, des institutions, des hommes les plus exposés du régime.

Et plus généralement, justement pour réaliser ces objectifs avec le plus petit nombre de contradictions, elle vise à une réforme constitutionnelle précise, à l’élection directe du président de la république et à une augmentation décisive du pouvoir de l’exécutif: en bref, à la « république présidentielle ».

Restructurer l’Etat pour battre le mouvement ouvrier sur le terrain de la guerre civile, tel est l’essentiel du projet politique démocrate-chrétien.

Le pacte corporatif

La tentative de construire des liens corporatifs entre la classe dirigeante du régime et les organisations syndicales des travailleurs joue un rôle plus important qu’on ne le croit pour la formation de l’Etat impérialiste.

Agnelli en tant que porte-parole du patronat tout entier, l’avait prévu dans son premier discours comme président de la confindustria, quand il soutenait la nécessité d' »en venir à un pacte social qui, trente ans après avril 45, redéfinisse les objectifs nationaux du peuple italien en vue des années 80-90.

Il ne s’agit cependant pas d’un pacte entre syndicats-patronat et gouvernement ».

Il l’a également confirmé cette année: « la dureté de la crise économique, ses complications d’ordre social et l’exigence d’un prompt retour au développement, donnent à l’organisation industrielle des objectifs de caractère général qui sont en grande partie communs aux organisations de travailleurs.

Je pense que les syndicats et patronat se trouvent devant le même problème: celui de la construction d’un cadre général, fait de choix et de directions qui favorisent non pas la consommation passive, les rentes, et l’accumulation parasitaire, mais bien l’initiative et la capacité ».

Donc, selon Agnelli les plus grandes forces industrielles-multinationales du pays devraient assumer une responsabilité plus directe dans la gestion du pouvoir en fixant une série de principes politiques et de solutions techniques pour réaliser une gestion commune de la crise d’aujourd’hui et de la reprise, demain, avec les confédérations syndicales et le gouvernement.

Ce qui nous intéresse, c’est qu’on justifie le « pacte social » non pas dans une fonction « anticonjoncturelle », donc comme accord tactique, mais comme exigence anticipée et, par conséquent, comme projet de stabilisation pour les années 80!

On peut définir ainsi l’opération d’emprisonnement que cela présuppose: incorporation organique de la classe ouvrière dans le capital et dans l’Etat.

Il s’ensuit la logique que la classe ouvrière, pour se sauver, doit sauver le patron; pour sauver le patron, doit sauver l’Etat; pour sauver l’Etat, doit assumer les coûts économiques de la reconversion de la production et les sacrifices de la restructuration impérialiste.

C’est une logique misérable et il faut en tenir compte uniquement parce qu’elle est faite justement par les directions des syndicats et du Parti Communiste.

Les argumentations pour la justification du « pacte corporatiste » sont fausses en ceci :

– on identifie l’intérêt ouvrier avec l’intérêt de développement du grand capital des multinationales, et l’intérêt des multinationales avec l’intérêt national;

– on introduit habilement par une disposition réformiste, l’exigence de reconversion productive du grand capital.

Le « pacte corporatif » en ce qui concerne l’usine veut cacher une réalité que les avant-gardes ouvrières appellent depuis des années « fascisme d’usine », c’est-à-dire une restructuration du cycle et de l’organisation du travail avec ses revers :

a) Rupture de la rigidité de la force-travail (mobilité: destruction systématique des noyaux d’avant-garde; utilisation plus grande des installations; intensification de l’exploitation);

b) Militarisation de l’appareil de domination (corporatisation des dirigeants, des cadres, des chefs; syndicalisme jaune; utilisation des fascistes pour les « travaux de basse oeuvre »; espionnage).

Quant à la lutte ouvrière, une conséquence décisive du « pacte » est donc une conception plus moderne de la répression: syndicaliste et flic, espionnage patronal et contrôle syndical se fondent en un but unique d’anéantissement de l’autonomie et de l’opposition.

La tendance, déjà démontrée dans de nombreuses usines où la lutte autonome est particulièrement incisive, qui voit les représentants syndicaux et les directions du personnel engagés à collaborer pour l’identification des « provocateurs » avec comme objectif spécifique leur élimination par le licenciement ou la dénonciation à la magistrature, cette tendance en est un exemple.

En substance, cette proposition corporatiste est résolument réactionnaire.

Elle préfigure une dictature féroce dans les conflits des forces de classe révolutionnaire; et, dans la mesure où elle s’affirme à l’usine, elle tend à se projeter sur le terrain politique général en fermant tout espace à la guerre de classe révolutionnaire.

Le compromis historique

La gauche officielle ne comprend pas les profondes transformations structurelles et politiques qui s’accomplissent sous l’égide de la DC et de la confindustria à l’intérieur de la contre-révolution globale impérialiste.

Le P.C.I. surtout montre son incapacité à indiquer une stratégie alternative de classe. La ligne rappelée au XTVème Congrès en est une évidente démonstration. Les données de la « stratégie » du Compromis Historique sont rendues caduques pour deux raisons: le caractère partisan de la guerre à outrance de l’impérialisme et le caractère réactionnaire et impérialiste de la DC.

Berlinguer, ce Kautsky de 1916, indique comme tendance au niveau mondiai et même justifie par le comportement des USA, la politique de la « coexistence » et de la « coopération », allant jusqu’à prophétiser « un système de coopération et d’intégration assez vaste pour dépasser progressivement la logique de l’impérialisme et du capitalisme et renfermer les les aspects les plus différents du développement économique et civil de l’humanité entière ».

Pour Berlinguer, il n’y a pas d’antagonisme entre impérialisme, social-impérialisme et révolution, mais des contradictions sur la voie d’une solution « pacifique » et « civile ».

La réalité l’a démenti.

La tendance générale aujourd’hui dans le monde est celle qu’indiquent les camarades chinois: c’est la révolution.

Impérialisme et social-démocratie se trouvent de plus en plus souvent en contradiction ouverte et les guerres de libération des peuples connaissent de nouvelles victoires.

C’est le cas au Viet-Nam, au Cambodge, ou au Portugal.

En ce qui concerne l’Italie, l’idylle philosophico-capitaliste de Berlinguer dépasse les limites de la pudeur.

Avec une opération théorique très éloignée du matérialisme historique et dialectique, il propose le « compromis avec les masses populaires catholiques », c’est-à-dire avec la DC dont il néglige, ou tout simplement, nie le caractère impérialiste, antinational et antipopulaire qui depuis trente ans fait de ce parti l’âme et le cerveau de toutes les poussées réactionnaires et fascistes, de plus en plus croissantes dans le pays.

On déserte le marxisme-léninisme, on s’éloigne de l’analyse de classe à un tel point que la contradiction principale est désormais présentée comme contradiction entre « démocrates » et « antidémocrates »; les premiers étant tous ceux qui agissent dans le milieu constitutionnel, les seconds, tous les autres, peu importe qu’ils soient fascistes, révolutionnaires ou ouvriers, qui poursuivent des objectifs de luttes « particularistes » ou « corporatifs ».

La fonction que s’est assigné le PCI est donc de récupérer à l’intériieur du système « démocratique » toutes les poussées antagonistes du prolétariat en les détournant en termes réformistes.

En effet, le « compromis historique » ne présuppose pas une opposition stratégique à l’égard du programme de réalisation de l’Etat impérialiste (dans l’Etat impérialiste « démocrate-chrétien », il y aura un peu plus de flics, dans celui du PCI un peu moins, mais seulement parce que chacun devra être son propre flic), mais se présente simplement comme une formule différente pour la gestion du pouvoir de ce même pouvoir.

Le « compromis historique » ne correspond pas à un besoin politique de classe, mais, plutôt, au profit opportuniste d’une couche de classe qui tire quelques misérables avantages du renforcement du système capitaliste. Pour cette raison le PCI s’oppose désormais violemment au mouvement révolutionnaire et aux forces de classe dont il tire sa vigueur et ses ressources.

C’est pourquoi les projets révisionnistes échoueront certainement.

Toutefois, il ne faut pas sous-estimer la fonction ambivalente que la ligne du « compromis historique » développe dans la crise du régime en une courte période :

– d’un côté il constitue un puissant facteur de crise politique du régime; il inspire la terreur et accélère les contradictions dans les secteurs les plus conservateurs et les plus réactionnaires.

-de l’autre il évite que le pays devienne ingouvernable, c’est-à-dire qu’il fasse obstacle au développement de la guerre des classes.

En effet, cela signifie que, alors que les secteurs conservateurs ou réactionnaires, préoccupés par la tournure des événements, conçoivent et développent des projets ouvertement contre-révolutionnaires, de larges secteurs du mouvement ouvrier et populaire restent prisonniers du piège paralysant qu’est la ligne du « compromis ».

Et cette ligne, en figeant les forces de classe, retarde et entrave la prise de conscience, au niveau de la masse, de la nécessité de la guerre, et ce, juste au moment où la situation est très favorable aux forces révolutionnaires. Dès qu’on oublie que ce sont les exploités qui doivent vouloir la guerre, on est prêt pour la paix du patron!

Porter l’attaque au coeur de l’Etat

Notre ligne, dans ce cadre général de projets et de contradictions, reste d’unifier et de renverser toute manifestation partielle de l’opposition prolétarienne en une attaque convergente au « coeur de l’Etat ».

Elle commence par la considération évidente, que c’est l’Etat, par son comportement, qui garantit et impose le projet global de restructuration et que, par conséquent, en-dehors du rapport classe ouvrière/Etat, il n’y a pas, comme de reste il n’y a jamais eu, de lutte révolutionnaire.

L’objectif intermédiaire est l’affaiblissement et la crise définitive du régime démocrate-chrétien, prémisse nécessaire pour un « virage historique » vers le communisme.

Le devoir principal de l’action révolutionnaire dans cette phase est donc la plus grande désarticulation politique possible tant du régime, que de l’Etat.

C’est-à-dire le plus grand développement possible de contradictions entre les institutions, à l’intérieur de chacune d’elles entre les différents projets tactiques de solution de la crise, et à l’intérieur de chacun d’eux.

Le passage à une phase plus avancée de désarticulation militaire de l’Etat et du régime est prématurée et donc échoue, pour deux motifs :

1) La crise politique du régime est très avancée, mais nous ne sommes pas encore près du « point de rupture »;

2) L’accumulation des forces révolutionnaires sur le terrain de la lutte armée, même si elle a connu une grande accélération dans les deux dernières années, n’est pas encore assez puissante, par son expansion sur le territoire et sa maturité politique et militaire pour consentir le passage à une nouvelle phase de la guerre.

La destruction de l’ennemi et la mobilisation politique et militaire des forces populaires ne peuvent qu’aller de pair.

En d’autres termes, le renforcement du pouvoir prolétarien est la condition préliminaire du passage à la phase la plus avancée de la désarticulation militaire du régime et de l’Etat ennemi.

La guérilla urbaine

A notre avis, on doit affronter la question à partir de la couche de classe qui plus que toute autre subit l’intensification de l’exploitation due aux projets de restructuration capitaliste et impérialiste.

La théorie révolutionnaire, c’est la théorie des besoins politico-militaires de « libération » de cette couche de classe.

Elle seule en fait exprime en puissance, sinon en conscience (qui signifie « organisation », l’universalité des intérêts de classe.

C’est seulement autour de ses besoins que peuvent être organisés et assumés les besoins des couches sociales marginalisées par le processus de restructuration et que peuvent être battues les résolutions révisionnistes, réformistes ou corporatives de cette partie de la classe ouvrière qui trouve un avantage, même moindre, dans le renforcement du système de domination impérialiste.

La guérilla urbaine joue un rôle décisif dans l’action de désarticulation politique du régime et de l’Etat. Elle atteint directement l’ennemi et fraye un chemin au mouvement de résistance.

C’est dans la guérilla que se constitue et s’articule le mouvement de résistance et le terrain de l’autonomie, et non le contraire.

Elargir ce terrain signifie en premier lieu développer l’organisation de la guérilla, sa capacité politique et militaire.

Toutes les positions qui considèrent la croissance de la guérilla comme une conséquence du développement du terrain légal ou semi-légal de « l’autonomie » sont fausses.

Il est nécessaire de faire la lumière sur ce point. Dans ce qui est défini comme « terrain de l’autonomie » s’entassent des positions très diverses.

Certains, qui situent leur place dans la lutte des classes par la voie « subjective », se reconnaissent comme faisant partie de ce terrain, plus pour lui imposer ses problèmes et ses besoins, c’est-à-dire pour le « récupérer », si bien qu’ils expriment, aujourd’hui, une interprétation très partiale et surtout sectorielle de ses besoins.

A leur source, ils ont constitué un facteur décisif dans le processus de dépassement de « l’esprit de chapelle », mais aujourd’hui ils risquent de finir eux-mêmes dans le cul-de-sac de ce processus.

C’est le « fétichisme de la légalité » qui prédispose à ce danger, c’est-à-dire l’incapacité à sortir de la fausse opposition entre « légalité et illégalité ».

En d’autres termes, les assemblées autonomes ne réussissent pas à poser le problème de l’organisation à partir des besoins politiques, et finissent ainsi par les délimiter dans le type d’organisations légales existantes.

Ce qui correspond à couper le pied pour le faire entrer dans la chaussure!

Certains, plus conscients de la contradiction où ils se débattent, arrivent à admettre un dualisme d’organisation et ainsi à reproposer l’improposable théorie du « bras armé », dans la vieille logique de faillite de la 3ème Internationale.

Mais, dans cette nouvelle situation, sous peine d’extinction de leur fonction révolutionnaire, ils doivent faire un saut dialectique s’ils veulent rester fidèles à l’engagement fondamental d’organiser sur le terrain de la guerre de classe l’opposition de la couche « objectivement » révolutionnaire.

En-dehors de cette perspective, il n’y a que conceptions minoritaires ou inféodés au révisionnisme.

La guérilla urbaine organise le « noyau stratégique » du mouvement de classe, pas le bras armé.

Dans la guérilla urbaine, il n’y a pas contradiction entre penser et agir militairement et donner la première place à la politique.

Celle-ci développe son initiative révolutionnaire selon une ligne de masse politico-militaire.
Pour la guérilla, ligne de masse ne veut pas dire, comme quelqu’un l’a mal compris, « organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée », tout au moins pas pour le moment.

Dans l’immédiat, l’aspect fondamental du problème reste la construction du « Parti Combattant » comme interprète des besoins politiques et militaires de la couche de classe « objectivement » révolutionnaire et l’articulation des organismes de combat au niveau de classe sur les divers fronts de la guerre révolutionnaire.

La différence n’est pas sans importance et cela vaut la peine de l’expliquer, car elle cache une divergence sur une question primordiale: l’organisation.

Cette divergence réside dans le fait que la première thèse aplanit jusqu’à la faire disparaître l’organisation du « mouvement » qui, dans le même temps, gonfle jusqu’à atteindre des dimensions mythiques; la seconde conçoit organisation et mouvement en tant que réalités nettement distinctes en perpétuelle discussion.

Le parti combattant est un parti de cadres combattants. C’est donc une unité avancée et armée de la classe ouvrière, par conséquent distincte et en même temps partie intégrante de celle-ci.

Le mouvement est une réalité complexe et hétérogène où de multiples niveaux de conscience coexistent et se combattent.

Il est impensable, et impossible d’ « organiser » cette multiplicité de niveaux de conscience « sur le terrain de la lutte armée ».

Parce que ce terrain, bien qu’étant stratégique, n’est pas encore le principal, parce que le noyau que constitue le parti combattant, c’est-à-dire les BR, n’a certainement pas mûri les capacités politiques, militaires et d’organisation, nécessaires à son objectif.

Il ne s’agit pas d' »organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée » mais d’enraciner l’organisation de la lutte armée et la conscience politique de sa nécessité historique, dans le mouvement de classe.

Cela reste le principal objectif du parti combattant actuellement dans sa période de construction.

Pour l’ensemble des motifs que nous avons exposé, le niveau de combat adéquat à cette période reste celui de la propagande armée.

Les objectifs principaux de l’action de propagande armée sont au nombre de trois :

– Créer le plus grand nombre possible de contradictions politiques à l’intérieur du système ennemi, c’est-à-dire le désarticuler, l’empêcher de fonctionner.

– Ouvrir la voie au mouvement de résistance en utilisant des terrains de combat souvent inconnus, mais non mois essentiels.

– Organiser le niveau de classe avancé, dans le Parti ou dans des organismes de combat sur les divers fronts de la guerre.

La propagande armée réalisée à travers l’action de guérilla indique une phase de la guerre de classe, et non comme le pense quelqu’un, une « forme de lutte ».

A cette phase succède celle de la « guerre civile en action », où la tâche principale de l’avant-garde armée sera de désarticuler, même militairement, et de briser la machine bureaucratique et militaire de l’Etat.

L’assaut de la prison de Casale pour la libération d’un camarade, éclaire l’idée de la propagande armée de la façon suivante :

– il a produit une désarticulation profonde de l’Etat: renversement de la campagne de propagande, dont la tentative de nous faire passer pour « désespérés »; échec des projets démocrates-chrétiens de « procès exemplaire » durant les élections; accentuation des contradictions entre magistrature et C.C., entre magistrature de Milan et magistrature de Turin, entre grades supérieurs et grades inférieurs de la magistrature, entre DC et autres forces politiques, etc…

– il a ouvert la voie au mouvement de résistance dans les deux sens: avoir réalisé un mot d’ordre du programme révolutionnaire (libération des prisonniers politiques) et aussi avoir crée un climat de confiance dans la masse des prisonniers politiques au-delà des avant-gardes révolutionnaires; avoir exploré un nouveau terrain de combat et en avoir tiré des indications et une expérience décisifs dans un proche avenir.

– il a crée les prémices pour organiser l’avant-garde révolutionnaire, enfermée dans les prisons du régime, sur un programme révolutionnaire d’attaque de l’Etat.

Maintenant il appartient au Parti Combattant de transformer, à l’intérieur et en-dehors des prisons, les prémices en structures, les puissances révolutionnaires libérées, en pouvoir prolétarien armé.

Sur quel terrain doit se développer notre initiative tactique?

On peut le définir en trois mots d’ordre fondamentaux :

1 – rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante industrielle et les organisations de travailleurs

2 – briser la DC, centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme

3 – frapper l’Etat dans ses maillons les plus faibles

Rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante industrielle et les organisations de travailleurs

Sur le terrain de la lutte ouvrière, le noeud à défaire est aussi le point central du programme de lutte, c’est le « pacte corporatif »: le rapport Confindustria-Syndicats-Gouvernement comme axe porteur de la restructuration capitaliste et comme élément fondamental de l’Etat corporatiste impérialiste des multinationales.

Il est très important, bien qu’insuffisant dans cette perspective, d’intensifier les mouvements autonomes de lutte contre tout aspect de la restructuration, comme la caisse d’Intégration, la mobilité du travail, les licenciements et l’intensification forcenée de l’exploitation.

Ces niveaux de lutte se situent dans la direction juste et assument un caractère offensif, dans la mesure où ils réussissent à briser la « cage » syndicale et à mettre en échec, c’est-à-dire à miner, la capacité de contrôle des Confédérations.

Mais l’attaque doit surtout être étendue à la structure politico-militaire du commandement; parce que la Confindustria réformée est le principal centre de l’initiative patronale; parce qu’elle se sert des organisations « syndicales » des dirigeants, des cadres, des petits chefs et des ouvriers à mentalité de patron, comme courroies de transmission de la nouvelle idéologie et comme centres d’organisation corporatiste.

Désarticuler à fond cette « courroie » en en expliquant la structure, les fonctionnements et les liens avec les centres de pouvoir politique et avec le projet général, est une exigence immédiate de la lutte révolutionnaire.

Jusqu’à présent nous avons mené l’épuration au niveau de la production.
Dorénavant, il sera nécessaire d’attaquer également les niveaux administratifs, dirigeants, ou directement les patrons les plus importants.

Désarticuler cette trame veut dire en faire sauter la fonction politique et militaire.

En effet, la tendance corporatiste porte en elle l’exigence et l’organisation de la répression violente contre l’opposition de classe, c’est-à-dire de ceux qui refusent le suicide révisionniste.

En conséquence, la fonction du commando va de plus en plus se spécialisant aussi dans cette direction.

La récolte d’informations sur les noyaux d’avant-garde ouvrière, l’espionnage politique, l’infiltration, la provocation, et tout autre genre de travail contre-révolutionnaire sont amenés à de niveaux d’efficacité.

Il s’agit de ne pas les laisser fonctionner, de les prévoir, de les neutraliser, et de punk avec la dureté opportune quiconque assume la responsabilité de leur fonctionnement.

Briser la démocratie chrétienne, centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme

Sur le terrain politique, c’est la D.C. qu’il faut combattre et vaincre, parce qu’elle est le vecteur principal du projet de restructuration impérialiste de l’Etat, et le point d’unification du faisceau des forces réactionnaires et contre-révolutionnaires qui lie Fanfani à Tanassi, à Sogno, à Pacciardi, à Almirante, aux groupes terroristes.

La démocratie chrétienne est l’ennemi principal.

C’est le parti organique de la bourgeoisie, de la classe dominante, et de l’ impérialisme.

C’est le centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme, c’est le moteur de la contre-révolution globale et le support du fascisme moderne: le fascisme impérialiste.

On ne doit pas se laisser tromper par les professions de foi « démocratique et antifasciste » parfois tenues par certains dirigeants de ce parti, parce qu’elles répondent au besoin tactique de maintenir la substitution dialectique entre « fascisme » et « antifascisme » qui permet à la D.C. de récupérer des voix en faisant croire que la « démocratie réformée », c’est-à-dire l’Etat impérialiste, est le meilleur rempart contre le danger « fasciste ».

Le problème des avant-gardes révolutionnaires est de faire la lumière sur tout le jeu en frappant les liaisons, les complicités et les projets.

La D.C. n’est pas seulement un parti, mais l’âme noire d’un régime qui depuis 30 ans opprime les masses ouvrières populaires du pays.

Déclarer la nécessité d’abattre le régime et proposer dans les faits, un compromis « historique » avec la D.C. n’a pas de sens.

Bavarder sur le moyen de la « réformer » en a encore moins.

Il faut liquider, battre et disperser la démocratie chrétienne. La défaite du régime doit entraîner avec elle cet immonde parti et l’ensemble de ses dirigeants.

Comme cela s’est passé en 45 pour le régime fasciste et le parti de Mussolini.

Liquider la D.C. et son régime est la prémisse indispensable pour arriver à un « tournant historique » effectif dans notre pays.

C’est le principal devoir du moment!

Frapper l’Etat dans ses maillons les plus faibles

La question de l’Etat est celle qui nous différencie le plus des forces révisionnistes et para-révisionnistes qui travaillent inlassablement à perfectionner cette machine anti-prolétarienne.

Avec Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao, nous aussi nous disons que: « Briser la machine bureaucratique et militaire de l’Etat est la condition préliminaire à une réelle révolution prolétarienne ».

La lutte contre le corporatisme, le fascisme et le régime ne peut pas être séparée de l’action directe contre les institutions de l’Etat, et revient, dans cette phase, à leur désarticulation politique maximale.

« Désarticulation politique » et non pas « érosion propagandiste de la crédibilité démocratique » parce que cet Etat en voie de restructuration est déjà l’Etat de la guerre civile.

Pour cela, il est nécessaire d’obtenir des résultats sur le terrain de la libération des camarades détenus; sur le terrain des représailles contre al structure militaire des prisons; contre l’anti-guérilla dans toutes ses articulations; contre la magistrature du régime; contre ces secteurs du journalisme qui se distinguent dans la « guerre psychologique ».

L’actualité de cette perspective est plus que démontrée à travers les niveaux de l’action contre-révolutionnaire dans nos confrontations et dans les confrontations de toutes les forces qui se sont mobilisées sur le terrain de la guerre de classe; démontrée également à travers les excellents résultats politiques qui ont suivi l’opération Sossi et l’assaut de la prison de Casale Monferrato.

Notre présence dans le mouvement révolutionnaire et notre initiative de guérilla et de construction du pouvoir prolétarien se conformeront à ces lignes.

Mais il est important d’ajouter une dernière chose: il est nécessaire de surmonter toute tension particulariste et tout esprit de secte.

Nous croyons à la nécessité de  » s’unir au peuple pour unir le peuple  » dans la guerre pour le communisme.

Nous combattons et luttons dans cette perspective pour l’unité du mouvement révolutionnaire.

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Contre le néo-gaullisme, porter l’attaque au coeur de l’Etat

[Avril 1974.]

Parallèlement à l’approfondissement de leur propre crise gouvernementale, un processus contre-révolutionnaire est en train de se dérouler inexorablement, dans lequel l’ensemble de la classe possédante s’unit dans la tentative de détruire les mouvements de lutte et les niveaux autonomes et révolutionnaires d’organisation qu’ils ont produit.

A l’heure actuelle, si dans les usines l’autonomie ouvrière est assez forte et assez organisée pour maintenir un état permanent d’insubordination et même conquérir un espace de pouvoir de plus en plus grand, elle reste par contre trop faible en dehors des usines pour offrir une résistance aux attaques de la contre-révolution.

Pour cette raison, les forces de la contre-révolution tendent à déplacer la contradiction principale en-dehors des usines. Ils s’engagent désormais dans des batailles décisives pour isoler notre lutte pour le pouvoir à l’intérieur des usines, afin d’être capable de la contrôler plus facilement et d’ensuite la détruire.

L’initiative révolutionnaire génère inévitablement son antagonisme organisé : la contre-révolution.

Marx avait déjà fait toute la clarté sur cette loi scientifique qui règle les rapports de classe, en nous avertissant que « ce n’est point par ses conquêtes tragi-comiques directes que le progrès révolutionnaire s’est frayé la voie; au contraire, c’est seulement en faisant surgir une contre-révolution compacte, puissante, en se créant un adversaire et en le combattant que le parti de la subversion a pu enfin devenir un parti vraiment révolutionnaire. »

Néanmoins, la contre-révolution dans cette période ne suit pas un chemin linéaire. En son sein, il y a deux lignes politiques qui se combattent, dont l’opposition est de nature tactique.

L’une est la tendance putschiste, l’autre est la tendance néo-gaulliste pour la « réforme constitutionnelle ». Les deux tendances jouent leur rôle spécifique dans le processus stratégique de la contre-révolution.

La ligne putschiste

Une considération est fondamentale : aussi longtemps qu’il y a aura une place en Italie pour les solutions contre-révolutionnaires qui maintiennent les apparences et la forme de la démocratie bourgeoise, ces solutions prendront le dessus sur les solutions putschistes…

Le plan néo-gaulliste de « réforme constitutionnelle »

L’aggravation de la crise économique, l’incapacité de contrôler les tensions sociales potentiellement explosives et les luttes impérieuses du mouvement ouvrier… démontrent toujours plus clairement que la crise gouvernementale en cours ne peut pas être résolue par de simples changements au sommet du gouvernement.

Ayant écarté l’hypothèse d’un « compromis historique », les groupes dominants de la bourgeoisie n’ont plus qu’un seul choix : « le virage à droite ».

Mais cette fois-ci, le virage à droite doit leur donner toutes les garanties de stabilité, d’organicité et de crédibilité ; il doit affronter tous les problèmes politiques, économiques et d’ordre public à la racine, avec des changements constitutionnels précis, capables de créer une nouvelle base pour l’ensemble du système institutionnel de notre pays.

Ce plan, dont le premier ministre Leone a parlé explicitement pour la première fois dans son discours à la fin de l’année 1973, vise à la transformation de la république née de la Résistance en une république présidentielle.

Les points fondamentaux de ce projet sont : renforcer l’exécutif par l’attribution de plus grands pouvoirs législatifs et administratifs au chef de l’Etat et au président du conseil ; vider progressivement le parlement de son pouvoir législatif ; recourir à la législation directe par le référendum ; réviser la loi électorale pour la faire passer de proportionnelle à majoritaire.

Mais, pour mener  à bien un plan si ambitieux, il faut une direction politique solidement unie et surtout un contrôle de fer sur les mouvements des diverses forces sociales et politiques existantes.

Pour cette raison, le plan néo-gaulliste pour la réforme constitutionnelle doit être un projet armé, et chaque phase de sa réalisation doit aller de pair avec une militarisation croissante du pouvoir.

Le néo-gaullisme est un plan armé

L’objectif principal des forces néo-gaullistes est nécessairement le renforcement de leur contrôle sur les noeuds centraux de l’appareil d’Etat.

Les « corps séparés » de l’Etat, qui jusqu’à maintenant ont opéré indépendamment les uns des autres et souvent contradictoirement, doivent maintenant être soumis à une nouvelle discipline…

Est très révélateur de cela le processus de réorganisation qui se développe dans le pouvoir judiciaire.

Le néo-gaullisme est en train d’essayer ce que même le fascisme n’est pas arrivé à faire : construire une identité stricte entre ses propres intérêts de pouvoir et la « loi ».

L’affrontement politique au sujet du référendum

Le plan néo-gaulliste pour la « réforme constitutionnelle » par l’entremise du référendum, trouve, outre les premiers pas de sa réalisation, l’opportunité de rassembler autour de lui toutes les forces de la droite, du MSI [Mouvement Social Italien] à la DC [Démocratie Chrétienne].

Donc le référendum est une étape fondamentale pour ce plan, une première preuve de la force politique générale de ce nouveau bloc de pouvoir… La stratégie politique de la DC, dans cette phase est de :

– ruiner définitivement la stratégie du centre-gauche

– créer un climat général d’insécurité qui permet à la DC, à la tête des forces néo-gaullistes, de se présenter au public comme la seule force capable de restaurer l’ordre et la tranquillité politique et économique dans le pays…

Il est clair que si la DC venait à gagner le référendum à la tête des forces né-gaullistes, le plan pour la « réforme constitutionnelle » recevrait un énorme élan.

Il deviendrait immédiatement une plateforme « démocratique » pour la « restauration » de l’Etat et le ré-établissement de la domination intégrale de la bourgeoisie…

Jusqu’à aujourd’hui, le mouvement révolutionnaire ne s’est opposé au processus révolutionnaire que sur le terrain restreint de l’anti-fascisme militant.

Mais comme l’initiative contre-révolutionnaire est désormais dirigée personnellement par le bloc de pouvoir interne à l’Etat, alors c’est avant tout contre ces forces que nous devons déchaîner nos coups les plus durs.

Il est temps de percer les brumes du passé et de dépasser les formulations traditionnelles de l’anti-fascisme militant.

Frapper les fascistes par tous les moyens et où qu’ils se trouvent est correct et nécessaire. Mais la contradiction principale aujourd’hui est celle qui nous oppose au faisceau de forces de la contre- révolution.

Car s’il est vrai que la crise du régime et la naissance par conséquent d’une contre-révolution organisée et aguerrie ont été produites par des années de dures luttes de classe ouvrière et populaire, il est encore plus vrai que pour vaincre, le mouvement de masses doit maintenant dépasser la phase spontanée et s’organiser sur le terrain stratégique de la lutte pour le pouvoir.

Et la classe ouvrière ne prendra le pouvoir que par la lutte armée.      

>Sommaire du dossier                

Brigades Rouges: Communiqué de septembre 1971

Nous sommes fatigués des interminables déclarations de principe, de concepts déjà énoncés dans les -C.P.M, -« Sinistra Proletaria », -« Nuova Résistenza ». La nouveauté consiste par dessus tout dans l’opération de systématisation accomplie.

La bourgeoisie, face à sa crise n’a pas d’autre alternative que la militarisation non pas de type fasciste traditionnelle, mais fasciste-gaulliste qui prend une apparence démocratique (prépondérance du premier ministre et du président de la République sous la Constitution de la Verne).

La gauche non réformiste n’est pas préparée à faire face à ce type d’affrontement armé.

Il y a donc deux possibilités :

1°) répondre sur le mode de la troisième Internationale avec des variantes anarcho-syndicaliste ; les « groupes » ont déjà choisi celle-ci.

2°) ou rejoindre l’expression révolutionnaire métropolitaine de notre époque à savoir : les B.R. et ce en référence au marxisme-léninisme, la révolution culturelle prolétarienne sur le modèle d’expériences des mouvements de guérillas métropolitaines.

Nous voulons seulement être le premier point de rencontre des formations du parti armé, qui n’est pas le bras armé d’un mouvement de masse désarmé, mais plutôt le point d’unification le plus élevé.

Nous n’acceptons pas les schémas du P.C européen, surtout en ce qui concerne la question des rapports entre une organisation politique et militaire.

Nous voulons une guérilla !

1°) Comment voyez-vous la phase actuelle de l’affrontement de classe?

La gauche révolutionnaire extra-parlementaire s’est trouvée démunie, pas préparée face à la recherche d’un nouvel équilibre de la part de la bourgeoisie.

Notre expérience politique naît de cette exigence.

2°) Quelles sont les causes à la base de la crise actuelle?

Aujourd’hui on est face à un revirement de prospective politique de la bourgeoisie mise au pied du mur face à l’initiative de la classe ouvrière qui a refusé le réformisme comme projet de stabilisation sociale, mettant à l’ordre du jour la fin de l’exploitation.

3°) Comment va évoluer la situation politique ?

Il n’y a qu’une seule possibilité pour la bourgeoisie : rétablir la situation, moyennant une organisation toujours plus despotique du pouvoir. Le despotisme croissant du capital sur le travail, la militarisation progressive de l’Etat et de l’affrontement de classe, la montée de la répression comme fait stratégique sont les conséquences objectives et inexorables.

En Italie on assiste à la formation d’un bloc de type réactionnaire alternatif au centre gauche, tout ça sous le drapeau de la droite nationaliste qui tend à se réassurer le contrôle de la situation économique et sociale ; c’est-à-dire de la répression de toute forme de lutte révolutionnaire et anti-capitaliste .

4°) Pensez-vous à un retour du fascisme ?

La question ne se pose pas en ces termes. La décision répressive pour le moment vise moins à la liquidation institutionnelle de l’Etat « démocratique » comme l’a fait le fascisme qu’à la répression plus féroce du mouvement révolutionnaire.

En France le « coup d’Etat » de De Gaulle et l’actuel « fascisme » gaullien vivent sous les apparences de la démocratie.

Il serait cependant ingénu d’espérer une stabilisation modérée de la situation économique et sociale en présence d’un mouvement révolutionnaire combatif.

5°) Quels sont donc vos choix?

La réponse de la bourgeoisie par la répression est déjà amorcée et tend à supprimer la capacité de résistance de la classe ouvrière.

L’heure X de l’Insurrection n’arrivera pas, en tout cas pas celle que se figurent de nombreux camarades, à savoir un affrontement décisif entre prolétariat et bourgeoisie, comme ce fut le cas en 1922.

6°) Finalement à quel filon idéologique et historique vous rattachez-vous?

Nos points de repère sont le marxisme-léninisme, la révolution culturelle chinoise et l’expérience d’actes des mouvements de guérilla métropolitaine en un mot : la tradition scientifique du mouvement ouvrier et révolutionnaire international ; ce qui signifie aussi que nous n’acceptons pas en bloc les schémas qui ont guidé les partis communistes européens dans la phase r évolutionnaire de leur histoire, surtout en ce qui concerne la question de l’organisation politique et militaire.

8°) Votre problème est donc celui de commencer la lutte armée ?

La lutte armée a déjà commencé.

C’est la bourgeoisie qui frappe, il faut donc créer l’instrument de classe capable de l’affronter au même niveau.

Les B.R. sont le premier sédiment du processus de transformation de l’avant-garde politique de classe en avant-garde politique armée.

La lutte armée en Italie doit être conduite par une organisation qui soit la directe expression du mouvement de classe, et pour cela nous travaillons à l’organisation des noyaux ouvriers d’usine et de quartiers dans les pôles industriels et métropolitains où il existe une concentration de révolte et d’exploitation.

10°) Vous êtes donc dans une phase de préparation ?

On ne peut en être qu’à ce stade car en fonction de la route que nous avons choisi, il nous faut accumuler expériences et schémas ; mais elle ne constitue pas une phase détachée de la lutte de classe mais se réalise à l’intérieur de celle-ci.

11°) Les B.R. sont donc engagées dans l’affrontement ?

Nous exigeons, à la différence des organisations extra-parlementaires, de nouvelles formes d’organisation de la lutte révolutionnaire : organisation de l’auto-défense, premières formes de la clandestinité, actions directes.

De ces premières expériences de phase tactique nécessaire, nous devons passer à la phase stratégique de lutte armée.

12°) Quelles sont les conditions pour que ce passage se produise?

Il existe deux conditions fondamentales : se mesurer à tous les niveaux avec le pouvoir (libérer les détenus politiques, exiger la peine de morts contre les policiers assassins, exproprier les capitalistes… et bien sûr, prouver qu’on peut survivre à ce stade d’affrontement.

Faire naître un pouvoir alternatif dans les usines et les quartiers populaires.

13°) Qu’entendez -vous par pouvoir prolétaire alternatif ?

La révolution n’est pas seulement un fait technico-militaire ; et l’avant-garde armée n’est pas le bras armé d’un mouvement de masse désarmé, mais son point d’unification le plus élevé, de sa demande de pouvoir.

14°) Quelle direction désirez-vous suivre dans la phase actuelle?

Radicaliser le discours stratégique, casser l’offensive tactique de la bourgeoisie, lier la lutte à tous les aspects de l’organisation capitaliste du travail, ne pas laisser les sbires espions impunis, ni les magistrats qui attaquent le mouvement de classe dans ses intérêts ni ses militants.

Dans l’immédiat cette action doit se maintenir à un haut niveau de mobilisation populaire pour empêcher tout courant pessimiste et défaitiste ; le choc ne peut déboucher par un retour à la situation précédente mais constituer la promesse pour un choc stratégique : la lutte armée pour le pouvoir. 15°) Les B.R. c’est donc un organisme de transition?

Non, car la lutte armée ne peut être envisagée par des organismes intermédiaires comme les comités de base, les cercles étudiants, ouvriers ou des organisations politiques extra-parlementaires ; iI faut une organisation stratégique à la base.

16°) Vous voulez dire un parti ?

Exactement.

Les B.R. sont un premier point d’agrégation pour la formation du parti armé du prolétariat.

>Sommaire du dossier

La planification soviétique : biogéocénose et biosphère

Ce qui est frappant c’est que si les zapovedniks n’avaient pas été compris par les communistes d’Union Soviétique, une fois le révisionnisme ayant triomphé après 1953, les révisionnistes avaient tout à fait compris que les zapovedniks formaient pour eux une menace terrible.

Le principe des zapovedniks tient à celui de Biosphère, de superorganisme ; il s’oppose à la conception bourgeoise d’écosystème où tout est relatif et individualisé, défendue par exemple en URSS par Leontii Ramensky (1884-1953), qui rejoignit le PCUS(b) en 1946.

La base du zapovednik n’est pas que des êtres vivent en commun, mais bien qu’ils forment un ensemble. Pour cette raison, un nouveau concept fut développé et établi en URSS, en 1944 : celui de biogéocénose.

Ce concept fut élaboré par Vladimir Sukachev (1880-1967), qui rejoignit le PCUS(b) en 1937 et fut un disciple de Ivan Borodine et de Georgy Morozov (1867-1920), devenant un spécialiste des sols dans la lignée de Vassili Dokoutchaïev. Georgy Morozov concevait également la forêt comme un système, considérant qu’il n’était pas possible de la considérer comme une sorte de « ferme » produisant des arbres.

Selon lui, la forêt est « un seul organisme complexe avec des interconnections régulières entre ses parties et, comme tout autre organisme, se distinguant par une stabilité définie ». Ainsi, « une forêt n’est pas simplement une accumulation d’arbres, mais est elle-même une société, une communauté d’arbres s’influençant mutuellement, donnant ainsi naissance à toute une série de nouveaux phénomènes qui ne sont pas la propriété des arbres seulement ».

C’est là un point de vue tout à fait matérialiste et bien entendu Georgy Morozov élargit le champ d’action des forêts au sol et à l’atmosphère ; la forêt n’est pas un phénomène géographique seulement, mais bien biologique.

Georgy Morozov (1867-1920)

Le concept de biogéocénose se situe dans cette perspective, étudiant la biocénose – un ensemble d’être vivants en interaction dans un milieu précis – en y ajoutant la dimension planétaire exigée par Vladimir Vernadsky. On a ici une assimilation de la biologie et de la géologie dans une même science planétaire d’étude des forêts.

Il faut donc étudier le rapport entre les plantes, les micro-organismes, les animaux, les champignons, les bactéries, etc. c’est-à-dire voir comment l’énergie solaire permet à la vie de se développer et d’adapter l’ensemble de la réalité matérielle où elle se développe.

Le problème est que le concept de biogéocénose a été limité à certains systèmes au sein de la Biosphère, sans que la dimension unifiée de celle-ci n’ait été soulignée. Cela n’aurait pu l’être justement qu’avec une juste compréhension matérialiste dialectique et des forces productives suffisamment développées pour avoir un niveau de conscience adéquat.

La situation après 1950 a alors été la suivante : le révisionnisme rejetait tout ce qui se rapprochait du matérialisme dialectique et de son monisme, de sa vision unifiée de la réalité – même si dans le domaine de la Biosphère, les communistes soviétiques n’ont pas su aller jusqu’au bout de leur démarche.

Cependant, les défenseurs de la nature ont formé, dès les années 1950, un frein au révisionnisme en défendant les zapovedniks et empêché que celui-ci réussisse sur toute la ligne à imposer ses vues.

Le prix à payer était par contre que les zapovedniks se voyaient limiter à la fonction de ressources d’étalons, d’exemples de développement naturel propres à une région géographique, qu’il pourrait être utile de comparer avec des développements imposés par les humains. La question de l’écotourisme se développa également.

De plus, étant donné que le plan avait échoué et se voyait remplacé par la concurrence capitaliste des entreprises soviétiques, les zapovedniks faisaient face à un environnement autour d’eux toujours plus agressif, polluant et pollué, modifiant leur propre situation. Au lieu d’un paradis universel vert, les zapovedniks formaient des îlots de résistance ne pouvant triompher à eux seuls.

C’est bien là le sens de ce qui a été raté par le plan soviétique : se mettre au niveau du développement de la nature sauvage, synthétiser la nature et la culture.

Pour cette raison, et depuis les années 1960, les zapovedniks – tant en URSS qu’en ex-URSS, ainsi qu’en république tchèque – sont les témoins d’un même débat sans fin pour savoir dans quelle mesure la zone est vraiment sauvage, dans quelle mesure il n’y a pas eu historiquement de changements faits par l’humanité, dans quelle mesure par conséquent il faut intervenir ou non pour réguler, notamment en cas de maladies ou d’insectes bouleversant les forêts.

C’est toute la conception d’un zapovednik n’évoluant pas, formant un îlot indépendant, existant de manière séparée du reste du monde, qui montre à chaque fois son absurdité. C’est là le prix à payer pour l’échec du plan à fusionner, à se synthétiser avec les zapovedniks.

>Sommaire du dossier

La planification soviétique et l’erreur du plan révélé par le rapport aux zapovedniks

Le plan considère l’ensemble des forces productives. Par conséquent, l’existence de zones naturelles fait face à lui comme une possibilité et une menace. C’est une possibilité, car le développement de l’humanité se déroule au sein même de la nature et il y a donc une nécessaire rencontre qui doit se faire. C’est une menace, au sens où les zones naturelles échappent à la tendance historique formée par le plan.

La question de la résolution de cette question était vitale pour le plan ; on peut considérer que cet aspect – qui va de pair avec la question de l’agriculture, arriérée malgré sa base socialiste majoritaire, en raison de l’importance de la production des kolkhozes relativement autonomes, ainsi que de l’infime secteur privé – a joué un rôle central dans l’émergence et la victoire du révisionnisme.

L’évolution du nombre de zapovedniks exprime parfaitement bien cette crise. On reconnaît tout à fait qu’il y a ici une tendance démocratique qui se renforce avec le socialisme avant de se voir brisée.

En 1946, un décret sur la protection de la nature en Russie soviétique annonçait qu’il y aurait davantage de zapovedniks ; de nouveaux zapovedniks furent instaurés : Denezkhin Kamen et Visim en 1946, Chita ainsi que Sakhaline du centre et du sud en 1948, alors que d’autres zones furent agrandies.

La Russie soviétique comptait 19 zapovedniks en 1937, 27 en 1940, 31 en 1948.

Cependant, en 1950, en URSS en tant que telle, dix zones furent réduites en taille, passant 8 784 800 hectares à 5 591 200. 1951 est l’année charnière, avec un conseil des ministres qui organisa le décret « Sur les zapovedniks » en août, avec la liquidation de 88 zapovedniks sur 128.

La surface des zapovedniks passa alors de 12,5 millions d’hectares à 1,5 million, ceux-ci étant cette fois unifiés au-delà des républiques, de manière centrale, avec une élévation des salaires des scientifiques. En Russie soviétique, en 1952, les vingt zapovedniks restants formaient 6,8 % de la surface du total deux années auparavant.

Toutefois, au sens strict, moins de 100 000 hectares devaient rester véritablement sauvages. La nature devait s’intégrer au plan, comme s’il y avait une contradiction entre elle et lui.

On ne sera nullement surpris qu’avec le révisionnisme, la tendance se prolonge, réalisant ouvertement cette tendance erronée. Un conseil des ministres de décembre 1960 exige une étude sur les zapovedniks, amenant Nikita Khrouchtchev à affirmer devant le Comité Central en 1961 :

« Qu’est-ce qu’un zapovednik ? C’est de la richesse nationale ayant besoin d’être protégée. Mais il apparaît que nos zapovedniks ne sont d’aucune valeur. Nous devons régler cela… Qu’arriverait-il dans les forêts si les zapovedniks n’existaient pas ? Rien du tout… »

On peut aisément opposer cette conception de Nikita Khrouchtchev à celle de Grigori Aleksandrovich Kozhevnikov (1866–1933), une figure des zapovedniks.

Grigori Aleksandrovich Kozhevnikov

Celui-ci considérait que : 

« Protéger la nature vierge, sauvage, pour elle-même, est l’idée à la base même de la protection de la nature. La considération de ses applications [pour un usage humain] est de valeur, mais d’intérêt secondaire. »

Sa vision allait par ailleurs de pair avec une conception résolument scientifique : 

« Afin d’étudier la nature, nous devons nous efforcer de préserver la terre dans un état parfait, non touché, protégeant les exemples les plus typiques de tels territoires. Bien sûr, avant tout nous avons besoin de protéger la steppe vierge et les forêts primaires de la taïga.

Quel est l’objectif de telles zones non dérangées ? Tout d’abord, il y en a un scientifique, et ainsi également purement pratique, étant donné que seule la recherche scientifique nous donne une base ferme pour l’utilisation pratique de la nature…  (…)  De telles zones préservées doivent être protégées au sens strict du terme. Aucune chasse ou trappage en aucune forme ne doit être permis, des prélèvements seulement pour des objectifs scientifiques. »

Nikita Khrouchtchev, de son côté, fut alors connu comme la figure se moquant publiquement des zapovedniks, insistant sur le passage d’un film où l’on voit un scientifique regardant un écureuil manger une noix.

S’ensuivit un document intitulé « Sur la rationalisation du réseau d’État des zapovedniks et des zakazniks [c’est-à-dire des réserves pouvant être partiellement utilisées] », amenant la fermeture de six zapovedniks, deux autres étant réduits au total de 353 600 hectares, trois autres étant transformés en branches d’autres.

En pratique, en 1961, la moitié de la surface est laissée aux « besoins » de l’économie et il faut se rappeler ici que Nikita Khrouchtchev a sabordé la totalité du matérialisme dialectique, ne préservant de l’époque de Staline qu’une seule chose : la perspective anthropocentrique, par conséquent, idéaliste de Trofim Lyssenko, qui considérait qu’il était possible d’agir arbitrairement sur la nature pour la « forcer » à pratiquer des synthèses.

On se doute évidemment que le plan de transformation de la nature fut stoppé par la clique de Nikita Khrouchtchev. Le programme des forêts ne fut réalisé selon les zones qu’à 27, 29, 31, 33, 46, 49, 71, 98, 100 %, dans des conditions particulièrement mauvaises amenant rapidement un grand retour en arrière ; le Minleskhoz, le ministère de la gestion de la forêt, fut liquidé et intégré dans le ministère de l’agriculture.

C’était là une rupture avec toute une tendance historique soviétique. La VOOP, Société panrusse pour la protection de la nature, avait été fondée dès 1924 sur l’initiative de scientifiques, notamment des biologistes.

En 1926, un Comité d’État pour la protection de la nature fut mis en place, ayant la capacité d’examiner toutes les décisions étatiques concernant les ressources et en mesure de proposer un veto en cas de dégâts écologiques trop prononcés.

En 1931 fut fondé le Journal d’écologie et de biocénologie (« Zhurnal ekologii i biotsenologii »), la biocénologie désignant l’étude des biocénoses, c’est-à-dire de l’ensemble de la vie dans un biotope ; existait aussi Protection de la nature(« Okhrana prirody »), qui devint La nature et l’économie socialiste (« Priroda i sotsialisticheskoe khoziaistvo »).

La loi exigea qu’autour des fleuves, une bande boisée d’au moins un kilomètre inviolable fut formée ; en 1932, la VOOP avait 15 000 membres et était soutenue par un bureau central d’étude des connaissances locales de 60 000 membres ; dans les années 1930, la VOOP disposait de 5000 ouvrages, en 16 langues et tint son premier congrès en 1938, après la tenue d’un congrès pour la protection de la nature en 1933, prolongeant celui de 1929. A Kharkov, en Ukraine, eut également lieu en avril 1935 la première conférence soviétique sur le contrôle de l’air pollué.

Par la suite participèrent l’académie des sciences, le comité des zapovedniks, l’administration des forêts et du reboisement, alors qu’à partir de 1936 fut fondée une section ornithologique et en 1938 une section dédiée aux mammifères, établissant des listes d’espèces menacées et oeuvrant notamment pour la défense des dauphins de la Mer noire, celle des lions de mer dans l’Est du pays ou encore celle des ours polaires lors des opérations dans l’océan arctique soviétique. En 1941, une section pour la protection de la mer et des voies navigables fut aussi mise en place.

Une section pour la protection de la croûte terrestre fut fondée par Alexandre Fersman (1883-1945), un disciple de Vladimir Vernadsky, qui fut la grande figure du congrès géologique international qui se tint à Moscou en juillet 1937 et avait dirigé de 1917 à 1930 la revue scientifique à visée populaire, Priroda (« nature »), qui dépendit de la Commission pour l’étude des forces productives de la nature, puis directement de l’académie des sciences.

Il fut appelé à former une ceinture de forêts de 25 kilomètres de large autour de Moscou, ce qui fut réalisé après 1950 ; en juin 1948 fut établie une société panrusse pour la promotion et la protection des plantations vertes urbaines (VOSSOGZN), qui regroupa rapidement 100 000 adultes et jeunes, avec 26 unités administratives fonctionnelles, alors qu’en Géorgie la société « L’ami de la forêt » comptait pas moins de 800 000 membres.

Toutefois, la VOOP fut incapable de proposer un modèle concret au plan et devint subordonnée au révisionnisme, fusionnant avec la VOSSOGZN pour donner naissance en septembre 1954, sur décision du conseil des ministres la Société panrusse pour la promotion de la protection de la nature et du verdissement des centres de populations, VOSOPiONP, avant de redevenir la VOOP en 1959, dirigée par l’ancien responsable de l’Administration principale de protection des forêts et de reforestation qui avait été fondée en 1936.

Le plan de transformation de la nature n’avait pas été en mesure de converger avec les zapovedniks ; la porte était ouverte au révisionnisme.

>Sommaire du dossier

La planification soviétique et la question des zapovedniks

Il existe une contradiction dans la société soviétique, qui n’a pas été vue par le PCUS(b). Celle-ci ne tient pas seulement aux restes idéologiques de la bourgeoisie, mais à l’arriération de l’agriculture. C’est d’ailleurs cette arriération qui empêche la liquidation complète des restes idéologiques du passé.

Ainsi, en 1931, une loi organisa l’établissement de « zones de culture de forêts » et appela le Commissariat au peuple à l’agriculture à empêcher les sécheresses par une ceinture de forêts, en formulant bien que cela devait être réalisé sur le terrain de l’État et celui des fermes collectives.

C’est là reconnaître une contradiction sociale, implicitement ; le problème qui sera évident lors de la formation de ces ceintures, y compris dans les années 1950, est l’indifférence totale des fermes collectives à ce sujet, leur non participation. Il n’y a pas eu d’engouement des masses, ni de mobilisation par le PCUS(b), à part idéologiquement et symboliquement au niveau de l’État.

Cela tient à une erreur de positionnement du PCUS(b) sur la question de la Nature.

En 1932, 40 000 hectares de ceinture de forêts sont formés et 350 000 au total de 1933 à 1936. De ce point de vue, c’est un succès et en 1936 est également formé la GLO, l’organisme central de protection des forêts et de boisement. La GLO dispose également d’une revue, au titre parfaitement évocateur : Za zashchitu lesa, « En défense de la forêt ».

Toutefois, en 1947 la GLO devient le Ministère de la Gestion de la Forêt et la GUPL fut formée, un organisme directement dédié à la formation de la ceinture de protection. Cela révèle un glissement dans la démarche soviétique, reflétant le positionnement quant à la nature.

Le problème qui se posa fut celui des zapovedniks. Il s’agit de vastes parcs naturels, ayant cependant le statut de sanctuaires. La Nature y est absolument sauvage et y pénétrer est strictement interdit, sauf pour des scientifiques triés sur le volet, dans des conditions bien spécifiques, etc.

Le processus commença avant 1917, mais dès 1919 Lénine donne une base légale aux zapovedniks, qui furent érigés au fur et à mesure.

Celui de l’Astrakhan fut fondé en 1919, celui d’Ilmen en 1920, celui du Caucase et celui de Galichya Gora, ainsi que celui de Kedrovaya Pad et celui de Stolby, en 1925, celui de Voronezh en 1927, celui de Bashkirsky et celui de Pechoro-Ilych en 1930, celui de Kivach en 1931, celui de l’Altaï et celui de Kandalaksha furent fondés en 1932, celui de Belogorye et celui du Tsernozemsky central, ainsi que celui de Khopyor, celui de Mordovski, celui de Sikhote-Alin et celui d’Oka, en 1935, celui de Teberda en 1936, celui de Polistovsky en 1944, celui de Prioksko-Terrasny en 1945.

Deux raisons historiques sont à l’origine des zapovedniks, qui ont de fait une même base. Dans la culture russe, la forêt se voit attribuée une grande valeur culturelle et à ce titre dispose d’un large respect.

C’est cela qui a aidé à la formation de perspectives scientifiques particulières, notamment celle de Vassili Dokoutchaïev (1846-1903), le fondateur de la pédologie (la science des sols) et qui a joué un grand rôle pour la naissance des zapovedniks.

Vassili Dokoutchaïev est aux sols ce que Vladimir Vernadsky est à la géologie, Vladimir Vernadsky sera d’ailleurs un de ses élèves. Il a compris qu’il existait des interactions, que les sols relevaient d’un ensemble, lié aux roches d’un côté et lié à la vie de l’autre côté, c’est-à-dire connaissant une évolution en propre et ne relevant pas simplement de la géographie, mais également de la climatologie, de la chimie, de la biologie, de la physique, de la minéralogie, etc.

Voici comment Vassili Dokoutchaïev avait formulé, initialement, au début du XXe siècle, sa demande de formation d’un zapovednik :

« Afin de restaurer la steppe, si possible dans un état parfait… pour témoigner cette influence puissante de la couverture herbacée vierge sur la vie et la qualité du sol et de la surface de l’eau… afin de prévenir finalement de la destruction des steppes… afin de préserver ce remarquable monde de la steppe pour nos descendants, pour toujours… afin de le préserver pour des objectifs scientifiques (et pratiques)…. afin de prévenir de la part de toute une série d’organismes particuliers, animaux et végétaux, de la steppe, dans sa lutte avec l’humanité… l’État devrait placer sous protection permanente une étendue plus ou moins large dans le Sud de la Russie et la placer à la disposition de ces organismes primordiaux, et maintenant disparaissant.

Et si une station de recherche permanente est établie dans un tel endroit, il n’y a pas de doute que les dépenses reviendront rapidement et pleinement en retour. »

Ivan Borodine (1847-1930) contribua également à avoir une vue d’ensemble des zapovedniks, en les formant non plus selon les occasions mais comme représentatifs des différents types propres à la nature russe. Le groupe de travail fondé par Vassili Dokoutchaïev fut intégré en 1919 par Féodor Loewinson-Lessing dans une Commission pour l’étude des forces productives naturelles, qui devint en avril 1927 l’Institut d’études des sols Dokoutchaïev, basé à Léningrad puis Moscou.

Le problème se posa alors : comment fallait-il considérer les zapovedniks, alors que la planification se renforçait toujours davantage ?

>Sommaire du dossier

La planification soviétique et le plan de transformation de la nature

Le plan le plus connu qui fut développé parallèlement aux plans quinquennaux est ce qui fut connu sous le nom doctobre 1948 avait comme nom complet « Plan des plantations forestières protectrices, de l’introduction d’ensemencement en herbes variables, sur la construction des digues et d’étangs artificiels en vue d’obtenir des rendements élevés et stables dans les régions de la steppe et de la steppe boisée de la partie européenne de l’URSS ».

C’était une décision du Conseil des ministres de l’URSS et du Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik) ; administrativement, un poste de vice-premier ministre à l’irrigation fut constitué et l’Administration Centrale de l’Économie des Eaux, dépendant du ministère de l’agriculture, fut renforcée.

Il s’agissait de faire en sorte que la production puisse exister dans une zone marquée par la sécheresse et de vents particulièrement secs provenant d’Asie centrale. 

Voici comment la revue Etudes Soviétiques présente la question, en décembre 1948 :

« Cette méthode est fondée sur l’observation suivante, jamais controuvée : des récoltes abondantes et sans cesse croissantes (ce qui, entre parenthèses, démolit la théorie réactionnaire de l’appauvrissement des sols) ne sont possibles que sur un sol de structure solide et finement granuleuse. Or, le moyen le plus efficace d’assurer une structure finement granuleuse du sol est l’introduction périodique dans les assolements d’un mélange d’herbes vivaces, de légumineuses et de céréales. En se putréfiant, les racines des herbes vivaces accomplissent un travail gigantesque d’amélioration et d’enrichissement des qualités physiques du sol. Ce dernier acquiert une structure solide et fine qui possède une remarquable capacité d’accumuler et de conserver l’humidité qui apparaît à l’époque des pluies et de la fonte des neiges. L’eau des averses orageuses de l’été ne parvient pas non plus à raviner les terres; elle est retenue et utilisée ultérieurement par les plantes. »

Le plan devait permettre un accroissement de 656 000 hectares de la superficie des terres irriguées et de 615 000 hectares des terres asséchées. Pour ce faire, devaient être formées des forêts sur une longueur de 5320 kilomètres, d’une largeur entre 30 et 300 mètres, 60 mètres étant la norme.

L’opération devait s’étaler sur quinze ans, de 1950 à 1965, sur les bords de la Volga de Saratov à Astrakhan sur 900 kilomètres ainsi que de Chapaevsk jusqu’à Vladimirova sur 580 km, depuis Stalingrad vers le sud pour une longueur de 570 kilomètres et 170 kilomètres, sur les bords de l’Oural sur 1080 kilomètres (trois de chaque côté, espacé chacun de 200 mètres), sur les deux bords du fleuve Don de Voronezh à Rostov, sur 920 kilomètres, sur les bords de la rivière Donets sur 500 kilomètres et 600 kilomètres.

De 1949 à 1965 devaient également être formés 5 709 000 hectares de plantations forestières dans les régions des steppes et steppes boisées, dont 3 592 000 hectares par les kolkhozes, 580 000 par les sovkhozes et 1 536 500 par le ministère de l’économie forestière.

C’était là bien sûr un pas en avant pour renforcer l’économie des kolkhozes et les amener à s’intégrer plus en avant dans le socialisme, liquidant l’opposition villes-campagnes un peu plus.

Les nouvelles forêts s’étendraient alors sur 16 provinces, 204 districts, sur un territoire plus grand que la France, l’Angleterre, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas réunis ; unie en une seule ceinture de 30 mètres, celle-ci ferait 50 fois le tour de la planète.

En plus de cela, le ministère de la sylviculture devait procéder à des travaux d’endiguement et de reboisement sur 322 000 hectares.

Enfin, de 1949 à 1955, les kolkhozes devait produire 41 300 étangs artificiels, les sovkhozes 2928 ; 570 stations de protection forestière devaient être formées, 22 000 tracteurs et 5 000 machines fabriqués et fournis aux stations pour planter les semences, des pépinières et des plantations d’herbes organisées, la formation d’une Administration centrale des plantations forestières de protection dépendant directement du conseil des ministres.

Parallèlement à ce projet, il exista également celui de former un barrage sur le fleuve Ob, qui fait 5400 kilomètres et se jette dans la partie sibérienne dans l’océan Arctique, où règne parfois une température de -60°C, et de construire un canal 930 kilomètres pour le faire aboutir dans la mer d’Aral et la mer Caspienne.

Ce projet était l’aboutissement logique de l’idéologie portant la planification ; de par son ampleur toutefois, il formulait l’expression d’une nouvelle étape. A celle de la construction d’une économie suit celle d’un rapport nouveau à la nature.

Comme expression de ce passage, le 15 novembre 1949, Le Chant des forêts du compositeur Dmitri Chostakovitch fut joué au philarmonique de Léningrad, sous la direction de Ievgueni Mravinski.

Staline y est présenté comme « le grand jardinier », la composition étant divisée en sept parties : « Lorsque la guerre fut finie » (Andante), « L’appel retentit à travers le pays » (Allegro), « Souvenir du passé » (Adagio), « Les pionniers plantent les forêts » (Allegretto), « Les combattants des forges de Stalingrad avancent » (Allegro con brio), « Promenade dans l’avenir » (Adagio), « Gloire » (Allegro non troppo).

Or, à ce moment-là, la contradiction entre les villes et les campagnes est encore présente ; si l’industrie est socialisée, les campagnes sont encore dépendantes des kolhozes, qui sont des fermes collectives autonomes par rapport à l’État en grande partie, et où existe une production individuelle jouant encore un grand rôle dans l’économie.

Le plan de transformation de la nature va alors connaître une contradiction importante, propre à la société soviétique de l’époque.

>Sommaire du dossier

La planification soviétique et la libération des forces productives

La planification de la totalité de l’économie permet, plan quinquennal après plan quinquennal, d’agrandir la production et par conséquent de renforcer la consommation qui n’a, dans le socialisme, pas le même sens que dans le capitalisme. Ce dernier, en effet, nivelle culturellement vers le bas, tend à des produits de masse de mauvaise qualité et à des marchandises élitistes sans intérêt réel bien souvent.

En URSS, la planification visait donc à renforcer le développement matériel et spirituel, en attribuant une part toujours plus grande à la culture, aux sciences, à la vie sociale, aux soins médicaux, etc. Une partie des ressources servait à l’accumulation pour lancer et renforcer le prochain cycle quinquennal, une autre partie à la consommation afin de satisfaire de mieux en mieux les masses.

Plus l’accumulation permettait de renforcer la production, plus celle-ci permet de déverser ses avancées dans le domaine de la consommation.

Cela allait d’autant plus vite que la distribution des marchandises échappait au parasitage commercial réalisé par les capitalistes existant normalement dans ce secteur, à la spéculation, à l’absurdité de la concurrence, aux crises, etc.

Le problème de l’URSS était que le pays partait de très loin, d’une arriération économique terrible ; le plan quinquennal ne pouvait pas profiter d’un socle déjà solide en termes de développement. Toutefois, on voit d’autant plus comment la production s’est agrandi justement grâce à la planification.

Entre 1929 et 1932, 2 400 usines et ateliers sont formés, entre 1933 et 1937 4 500 y sont ajoutés et 3 000 entre 1938 et 1940, 8 000 entre 1946 et 1954. Entre 1929 et 1933, la production industrielle a doublé et représente déjà plus de quatre fois celle de 1913 ; en 1938, elle est 4,7 fois plus grande qu’en 1929.

Staline, dans son rapport de 1933 sur le bilan du premier plan quinquennal, qui fut réalisé en quatre ans, explique la chose suivante :

« La tâche essentielle du plan quinquennal était de faire passer notre pays, de sa technique arriérée, parfois médiévale, à une technique nouvelle, moderne. La tâche essentielle du plan quinquennal était de transformer l’U.R.S.S., de pays agraire et débile, qui dépendait des caprices des pays capitalistes, en un pays industriel et puissant parfaitement libre de ses actions et indépendant des caprices du capitalisme mondial.

L’idée que le pouvoir des Soviets ne peut longtemps se maintenir sur la base d’une industrie arriérée; que seule une grande industrie moderne, qui non seulement ne le cède en rien à l’industrie des pays capitalistes mais est capable, avec le temps, de la surpasser, peut servir de fondement réel et sûr au pouvoir des Soviets.

L’idée que le pouvoir des Soviets ne peut longtemps se baser sur deux fondements opposés, sur la grande industrie socialiste qui anéantit les éléments capitalistes, et sur la petite économie paysanne individuelle, qui engendre les éléments capitalistes.

L’idée qu’aussi longtemps qu’une base de grosse production ne sera pas assignée à l’agriculture; qu’aussi longtemps que les petites exploitations paysannes ne seront pas groupées en de grandes exploitations collectives, le danger de restauration du capitalisme en U.R.S.S. est le danger le plus réel de tous les dangers possibles (…).

Avons-nous remporté la victoire dans ce domaine ? Oui, nous l’avons remportée. Et non seulement nous l’avons remportée, mais nous avons fait plus que nous n’attendions nous-mêmes, plus que ne pouvaient attendre les têtes les plus chaudes de notre Parti. Cela, nos ennemis eux-mêmes ne le nient plus maintenant. D’autant moins peuvent le nier nos amis.

Nous n’avions pas de sidérurgie, base de l’industrialisation du pays. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie des tracteurs. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie automobile. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie des constructions mécaniques. Nous l’avons maintenant.

Nous n’avions pas une sérieuse industrie chimique moderne. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas une véritable et sérieuse industrie pour la fabrication des machines agricoles modernes. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie aéronautique. Nous l’avons maintenant.

Pour la production de l’énergie électrique nous occupions la toute dernière place. Nous sommes maintenant arrivés à une des premières places. Pour la production des produits du pétrole et du charbon, nous occupions la dernière place. Maintenant nous sommes arrivés à une des premières places. Nous ne possédions qu’une seule base houillère et métallurgique, — celle de l’Ukraine, — que nous avions beaucoup de mal à exploiter.

Nous sommes arrivés non seulement à remettre debout cette base, — mais encore nous avons créé une nouvelle base houillère et métallurgique dans l’Est, qui fait l’orgueil de notre pays.

Nous ne possédions qu’une seule base de l’industrie textile, dans le nord du pays. Nous avons fait en sorte que d’ici peu nous aurons deux nouvelles bases de l’industrie textile, en Asie centrale et en Sibérie occidentale. Et non seulement nous avons créé ces nouvelles et vastes industries, mais nous les avons créées sur une échelle et dans des proportions qui font pâlir les échelles et les proportions de l’industrie européenne.

Tout cela a abouti au fait que les éléments capitalistes sont éliminés de l’industrie, définitivement et sans retour, cependant que l’industrie socialiste est devenue la seule forme de l’industrie en U.R.S.S.

Tout cela a abouti au fait que notre pays, d’agraire est devenu industriel, puisque la part de la production industrielle par rapport à la production agricole a passé de 48%, au début de la période quinquennale (1928), à 70% vers la fin de la quatrième année du plan quinquennal (1932).

Tout cela a abouti au fait que, vers la fin de la quatrième année de la période quinquennale, nous avons accompli le programme de l’ensemble de la production industrielle, établi pour cinq ans, à 93,7%, en augmentant ainsi le volume de la production industrielle de plus du triple en comparaison du niveau d’avant-guerre, et de plus du double en comparaison du niveau de 1928. Quant au programme de la production de l’industrie lourde, nous avons réalisé le plan quinquennal à 108%. »

Voici comment Staline présente cela en 1934 au XVIIe congrès du PCUS(b) :

« Comment ces changements prodigieux ont-ils pu s’opérer en quelque trois ou quatre ans, sur le territoire d’un immense Etat, à technique et à culture arriérées ? N’est-ce point là un miracle ?

C’en eût été un, si ce développement s’était fait sur la base du capitalisme et de la petite économie individuelle. Mais on ne peut parler de miracle, si l’on tient compte que l’essor s’est poursuivi chez nous sur la base du développement de l’édification socialiste.

On conçoit que cet essor gigantesque n’ait pu se développer que sur la base des succès de l’édification socialiste, sur la base du travail social de dizaines de millions d’hommes, sur la base des avantages que le système d’économie socialiste a sur le système d’économie capitaliste, sur le système d’économie paysanne individuelle.

Il n’est donc pas étonnant que le prodigieux essor économique et culturel de l’U.R.S.S., pendant la période écoulée, ait marqué en même temps la suppression des éléments capitalistes et le refoulement à l’arrière-plan de l’économie paysanne individuelle.

C’est un fait que la part du système d’économie socialiste dans l’industrie est actuellement de 99% et, dans l’agriculture, si l’on tient compte des emblavures de céréales, de 84,5%, tandis qu’à l’économie paysanne individuelle il n’en revient que 15,5%.

Il en résulte que l’économie capitaliste est d’ores et déjà liquidée en U.R.S.S., et le secteur des paysans individuels à la campagne, refoulé sur des positions de second plan. »

La planification a permis de libérer les forces productives, qui pouvaient s’élancer alors de manière naturelle, sans les freins du capitalisme décadent.

>Sommaire du dossier