Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Les problèmes fondamentaux au sein de la seconde Internationale

    Tous les commentateurs sont d’accord pour évaluer la social-démocratie au début du 20e siècle selon le schéma suivant : il y aurait une gauche, un centre et une droite.

    La droite préfigurerait la gauche réformiste, acceptant l’État tel qu’il est et ne faisant pas du socialisme un objectif en tant que soi. La gauche préfigurerait le bolchevisme. Le centre consisterait en des tendances aux mêmes objectifs que la gauche, mais céderait aux sirènes de la droite.

    Cette lecture est tout à fait formelle. Elle semble d’autant plus vraie qu’après 1917, tant l’Internationale Communiste que l’Internationale formée par la « droite » agiront avec cette grille de lecture, du moins en apparence.

    Lénine, dirigeant de la révolution russe et orchestrateur de la mise en place de la troisième Internationale

    En réalité, l’échec de l’Internationale Communiste dans les années 1920 et, inversement, les grands succès communistes à former des démocraties populaires après 1945, soulignent que c’est un autre aspect qui a joué.

    La clef n’est en effet pas tant qu’une gauche s’oppose à une droite, que le fait qu’il existe une contradiction entre la perspective social-démocrate et la démarche socialiste. Cette contradiction était l’aspect principal et elle complique particulièrement l’opposition entre la gauche et la droite.

    La perspective social-démocrate était en effet de type rationnelle et idéologique ; le Parti choisit sur la base de discussions internes, agit selon un programme. Les syndicats, souvent formés par le Parti lui-même, sont considérés comme une courroie de transmission.

    La démarche socialiste était volontariste, avec un Parti considéré comme une organisation rassemblant des tendances s’exprimant publiquement de manière contradictoire. Les syndicats étaient considérés comme indépendants, voire même intouchables et le but était de toutes façons était de courir derrière les luttes pour proposer une sortie politique socialiste aux questions qui se posent.

    En ne comprenant pas cet aspect, le Parti Communiste d’Allemagne ne sut pas arracher la base du Parti Social-démocrate d’Allemagne. Il ne comprit pas la fidélité de cette base, son insistance concernant la formalisation des propositions.

    Couverture de la revue communiste d’Allemagne Notre travail, juste après 1945 : SPD, KPD, L’unité de tous les travailleurs assurent le succès

    De la même manière, le Parti Communiste d’Autriche resta littéralement une secte marginale politiquement, sans jamais comprendre l’envergure des sociaux-démocrates autrichiens qui organisaient l’écrasante majorité des ouvriers de Vienne tout en soutenant ouvertement l’URSS considérée comme socialiste.

    Lorsque la majorité des socialistes français forment la Section Française de l’Internationale Communiste, cela sembla une victoire. Les communistes d’URSS s’aperçurent cependant que leurs traditions étaient socialistes, à rebours des traditions social-démocrates, et ne cessèrent de batailler contre cela, y compris au moyen de purges régulières.

    Il ne faut donc pas considérer de manière abstraite comme quoi il y aurait ainsi une gauche, dont les principaux représentants sont Lénine et Rosa Luxembourg, faisant face à une droite de type révisionniste, alors que Karl Kautsky en diffusant le centrisme forme un obstacle à toute avancée réelle.

    Cela est juste, mais l’aspect principal est le conflit, jamais apparent de manière ouverte, entre les socialistes et les sociaux-démocrates. La seconde Internationale est d’ailleurs une sorte de compromis, de 1900 à 1914, entre les deux tendances, un compromis se transformant même en une sorte de syncrétisme, qui ajoutera d’autant plus au chaos provoqué par le déclenchement de la guerre mondiale.

    La social-démocratie allemande ne cessa jamais de pousser à la direction de l’Internationale le socialiste belge Émile Vandervelde, véritable incarnation de l’esprit de conciliation politique tout en étant inversement solidement ancré dans une tradition culturelle social-démocrate, notamment contre l’alcool.

    Émile Vandervelde

    Et si la social-démocratie allemande considérait Jean Jaurès comme relevant du réformisme, elle ne cessa jamais de pousser à une unité de tous les socialistes français, y compris avec Jean Jaurès. Ce fut même le moteur de la fondation de la Section Française de l’Internationale Ouvrière, en 1905.

    Pareillement, en 1908, le Parti du Labour fut intégré à la seconde Internationale, alors que ce parti britannique, une sorte de fédération servant de voix politique aux syndicats, ne reconnaissait même pas la lutte des classes.

    Lénine fut extrêmement critique par rapport à cette intégration complète et sans critique du Labour. Car il y avait toutefois une contre-tendance, massive, jouant un rôle historique toujours plus grand : en Russie, dans la social-démocratie, Lénine avait emporté la majorité avec lui et lui faisait se réaliser une ligne authentiquement révolutionnaire.

    La direction de la seconde Internationale fit tout pour neutraliser cette affirmation du « bolchevisme », mais Lénine sut tenir tête à ces appels à rejoindre le camp du centrisme, dénonçant toujours davantage Karl Kautsky et récupérant lui-même tous les fondamentaux du marxisme, pour les développer.

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  • Discours de clôture du débat sur la situation internationale et les tâches de l’I.C. au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    [Boukharine]

    I. Les aspects positifs et les aspects négatifs de la discussion

    Camarades,

    Les discussions qui se sont déroulées ici sont remarquables sous beaucoup de rapports. Ce qui frappe avant tout, c’est le grand nombre de camarades qui ont pris la parole sur le rapport du CE de l’IC : près de 90 orateurs ont exprimé leur pensée.

    C’est un fait qui n’a été constaté à aucun de nos précédents congrès. Il faut particulièrement faire remarquer et souligner les discours de nos camarades noirs, des délégués des pays asiatiques orientaux, des pays coloniaux en général et, spécialement, de nos camarades chinois.

    Il est essentiel aussi de signaler la participation active aux débats des communistes de toute une série de pays de l’Amérique du Sud : depuis la fondation de l’Internationale communiste, c’est la première fois qu’on peut constater ce fait dans de telles proportions.

    Il faut aussi indiquer ici les nombreuses manifestations des représentants de beaucoup de petits partis auxquels on n’accorde pas toujours une attention suffisante. En résumant les discussions, je dois dire qu’elles ont eu une importance positive énorme. Je voudrais, en commençant, faire ressortir les côtés caractéristiques positifs de la discussion.

    Et avant tout parlons de la critique et de l’auto-critique. La critique a porté sur nos thèses, sur mon rapport, sur la pratique de l’Internationale communiste et de divers partis.

    Il faut saluer chaleureusement le courant d’auto-critique active qui s’est manifesté au cours de notre travail. C’est un côté positif ainsi que la participation aux discussions de représentants de presque tous les partis. Et je le répète, ce qui est particulièrement réjouissant, c’est la participation des partis « nouveaux » : coloniaux, sud-américains, etc.

    Un grand nombre des observations qui ont été faites sont absolument justes. Il est nécessaire d’en tenir compte, tant dans les décisions du congrès que dans le travail ultérieur du Comintern. Il est vrai que c’étaient surtout des observations qui n’avaient pas un caractère de principe, des observations portant sur des questions secondaires, mais le fait est que des observations critiques assez nombreuses et tout à fait essentielles ont été présentées sur toute une série de problèmes des plus importants.

    Je range dans cette catégorie les observations critiques sur la question paysanne, les allusions à la nécessité d’accorder plus d’attention au problème du chômage en rapport avec l’analyse de la période actuelle du développement capitaliste, une série de questions du travail colonial, la question noire, un certain nombre d’observation concernant la tactique quotidienne de divers partis et du C.E. de l’I.C. et, particulièrement, les observations se rapportant aux défauts d’organisation de tout notre appareil.

    Mais il y a aussi des côtés négatifs dans ces débats. Un de ces côtés est avant tout, une certaine limitation, une certaine étroitesse du contenu de la discussion. La plupart des camarades qui ont pris la parole ici n’ont parlé ou presque que de « leur » pays et non des problèmes fondamentaux du mouvement découlant de la situation actuelle.

    Il va sans dire que je n’objecte point contre l’analyse et le développement par telle ou telle délégation de questions la concernant directement; au contraire, c’est une chose tout à fait désirable puisqu’elle contribue à l’échange d’expériences, à la collectivisation de notre expérience. Sans cet échange, le travail de l’I.C. et de ses congrès est inconcevable, absurde. Mais, d’autre part je considère tout de même que c’est un côté négatif de la discussion que le fait que les orateurs n’ont point touché dans leurs exposés les problèmes fondamentaux.

    Je ne m’arrêterai pas sur les quelques algarades qui ont eu lieu ici et qui me rappellent certains vers d’Henri Heine :« Ce ne sont point des chevaliers qui combattent ici pour la gloire de leur dame ; ce sont des capucins, et leurs adversaires des rabbins. »

    (Rires.)

    Je ne crois pas nécessaire de m’arrêter sur ce combat singulier de « capucins et de rabbins »

    II. La stabilisation du capitalisme et les discussions sur la « troisième période »

    Le Ve Congrès de l’I.C. et la question de la stabilisation

    Camarades, je toucherai ici en premier lieu le problème fondamental ; celui de la stabilisation du capitalisme et la question la plus importante de toutes nos discussions : la question dite de la troisième période.

    Au dernier, au Ve Congrès, comme vous le savez, le terme de « stabilisation » n’a même pas figuré. Que s’est-passé au Ve Congrès et quel fut son appréciation de la situation économique et politique générale ?

    Dans les thèses sur l’économie mondiale, le Ve Congrès constata tout d’abord l’écroulement de cette économie ; dans les thèses, il est parlé textuellement de l’écroulement de l’économie mondiale, du chaos des devises, de la crise de l’économie européenne. Dans nos thèses économiques, nous faisions alors remarquer que l’économie européenne se trouvait enfermée dans un cercle vicieux et qu’elle ne pouvait sortir de l’état de crise. Nous faisions également remarquer l’existence d’une crise agraire mondiale. L’I.C. soulignait dans ses thèses l’incapacité de la bourgeoisie à surmonter le chaos des devises, etc.

    Le Ve Congrès adopta aussi une résolution de tactique sur le rapport du camarade Zinoviev. En quoi consistaient l’essentiel de l’analyse politique générale dans cette résolution ? On constatait comme point fondamental l’existence d’une ère dite « ère pacifiste-démocratique ».

    Ainsi donc, comme résultat de l’appréciation de la situation d’alors, nous avons constaté une désagrégation de l’économie mondiale, une crise permanente de l’économie européenne et l’existence comme superstructure politique, d’une « ère de pacifisme-démocratique ». L’expression de l’ère pacifiste-démocratique, comme les camarades le savent, ce fut « le gouvernement ouvrier » en Angleterre, la victoire « du bloc des gauches » en France, le « gouvernement ouvrier » au Danemark et toutes sortes de tendances coalitionnistes dans d’autres pays.

    Telle était la situation générale et telle fut son appréciation par le Ve Congrès mondial. Pas une parole sur la stabilisation n’y fut prononcée. Le terme même de « stabilisation » retentit pour la première fois dans notre milieu, seulement en 1925.

    Au Ve Congrès mondial — je le souligne trois fois, afin de signaler un certain renversement de toute la situation — il ne fut pas encore question de stabilisation. Quelle importance y a-t-il à souligner ce fait ? Il est indispensable de le faire ressortir afin de montrer plus clairement le sens des modifications qui se sont produites dans la situation objective depuis le Ve Congrès.

    C’est pour cela précisément que, dans la première partie de notre thèse, nous avons émis l’hypothèse de la troisième période. Nous avons discuté cette affirmation des trois périodes aussi dans la délégation du P.C. de l’U.R.S.S. et nous l’avons quelque peu précisée. Il va sans dire que l’adoption de cette subdivision en trois périodes par la délégation du P.C. de l’U.R.S.S. ne saurait servir à elle seule de preuve logique de son indiscutabilité. Il faut la fonder pratiquement.

    Pourquoi n’est-il pas juste de nier l’existence des trois périodes ?

    Le passage respectif des thèses dit :« I. Après la première guerre mondiale impérialiste, le mouvement international ouvrier subit toute une série de phases historiques de développement exprimant les diverses phases de la crise générale du système capitaliste.La Première période, période de manifestations révolutionnaires directes du prolétariat, période dont le point culminant se trouve en 1921, s’acheva d’une part, par la victoire de l’U.R.S.S. sur les forces de l’intervention et de la contre-révolution intérieure, la consolidation de la dictature du prolétariat et l’organisation de l’I.C, et de l’autre, par toute une série de lourdes défaites du prolétariat de l’Europe occidentale. Le chaînon final de cette période, ce fut la défaite du prolétariat allemand en 1923. Cette défaite sert de point de départ à là deuxième période, à la période de la stabilisation partielle et graduelle du/système capitaliste, du processus de « restauration » de l’économie capitaliste, de l’offensive universelle du capital, des luttes défensives de l’armée prolétarienne affaiblie par de lourdes défaites ; d’autre part, cette période est une période de restauration rapide de l’U.R.S:S. et de succès très sérieux dans l’œuvre de construction socialiste. Enfin, la troisième période est, dans son essence, la période du relèvement de l’économie capitaliste au dessus du niveau d’avant-guerre et presque simultanément du relèvement de l’économie de l’U.R.S.S. au dessus de ce niveau (commencement de la période dite « constructive » ; de l’accroissement des formes socialistes de l’économie sur la base d’une nouvelle technique).

    Pour le monde capitaliste, cette période est une période de progrès extrêmement rapides de la technique, de l’accroissement renforcé des cartels, des trusts, des tendances au capitalisme d’Etat et, en même temps, de puissant développement des contradictions de l’économie mondiale se mouvant dans des formes déterminées par tout le cours précédent de la crise générale du capitalisme (marchés rétrécis, U.R.S.S., mouvements coloniaux, accroissement des contradictions internes de l’impérialisme). Cette troisième période qui a particulièrement aggravé les contradictions entre l’accroissement des forces productives et le rétrécissement des marchés, rend inévitable une nouvelle vague de guerres impérialistes entre les Etats impérialistes, une guerre contre l’U:R.S.S., des guerres nationales d’affranchissement contre l’impérialisme et l’intervention des impérialismes ; des luttes de classe gigantesques.

    En aggravant tous les conflits internationaux (conflits entre les Etats capitalistes et l’U.R.S.S., occupation militaire de la Chine du Nord, comme début du partage de la Chine et de la lutte entre impérialistes, etc.), en aggravant les conflits intérieurs dans les pays capitalistes (processus de radicalisation des masses de la classe ouvrière, aggravation de la lutte des classes), en déchaînant les mouvements coloniaux (Chine, Inde, Egypte), cette période évolue inévitablement à travers de nouveaux développements des contradictions de la stabilisation capitaliste vers un nouvel ébranlement de la stabilisation capitaliste et vers une aggravation violente de la crise générale du capitalisme. »

    Les adversaires de la division en trois périodes affirment que la seconde ne se distingue nullement de la troisième et que, par conséquent, la subdivision en deuxième et troisième périodes ne se justifie nullement, qu’elle est superflue.

    Admettons qu’il n’y ait pas de distinction. Mais alors, que dire du fait que l’économie mondiale a dépassé le niveau d’avant-guerre ? A mon avis, c’est là un fait extrêmement important. Pourquoi ? Permettez-moi de l’interpréter vulgairement.

    L’importance du fait cité consiste en ce qu’il fait ressortir la dynamique du développement. Tant que le niveau d’avant-guerre n’avait pas encore été dépassé, on pouvait penser que l’augmentation des forces de production dans tel ou tel pays portait un caractère accidentel, cette augmentation n’était point quelque chose de typique, n’était point une particularité organique de la période donnée.

    Mais lorsque l’économie mondiale ou le secteur capitaliste de cette économie mondiale commença à dépasser le niveau d’avant-guerre et à se développer sur une nouvelle base, il fallut recourir à une appréciation plus prudente, il fallut apporter des corrections assez appréciables dans notre précédente estimation. Nous ne sommes pas myopes au point de ne pas voir des faits aussi essentiels.

    Ainsi donc, il y a là une distinction objective. Elle est déterminée aussi bien techniquement qu’économiquement. On ne saurait la passer sons silence.

    On dit qu’il n’y a pas de différence entre la deuxième et la troisième période. Mais alors, on se demande pourquoi notre appréciation de la situation générale s’est modifiée ? Ce n’est pourtant pas que nous soyons devenus plus intelligents : le fait est que c’est la situation qui s’est modifiée. Au début du processus, il y avait des germes de stabilisation et nos étions sérieusement fondés de considérer ces phénomènes comme plus ou moins accidentels.

    A présent, nous n’avons plus la moindre raison de les considérer ainsi. Le tableau est devenu beaucoup plus net : à présent, les faits parlent avec plus d’éloquence et déterminent une autre appréciation de la situation.

    Un certain nombre de camarades ont nié la distinction entre la seconde et la troisième période, tout en parlant d’une aggravation considérable des contradictions.

    Mais alors, d’où vient cette « aggravation des contradictions » ? Elle n’est pourtant pas tombée du ciel. Ces deux points de vue sont inconciliables. On ne saurait dire : « Il n’y a pas de différence de situation et reconnaître en même temps une aggravation des contradictions, car alors, sur quoi cette aggravation serait-elle basée ? On dit : pas de différence de situation et pourtant, la guerre se poursuit en Chine. En voilà une « bagatelle », n’est-ce pas ? C’est là une sous-estimation absolue du danger de guerre et de la guerre existant déjà.

    « Il n’y a point de différence dans les situations », mais les préparatifs de guerre entre l’U.R.S.S. battent leur plein. C’est donc encore une « bagatelle » ? Or, dans notre naïveté, nous pensions que c’était là le trait essentiel de la situation politique mondiale. Si nous sommes tellement aveugles que nous ne voyons pas ces « bagatelles » nous ne valons rien et nous ne saurions prétendre à la direction.

    Quels chefs que ceux-là qui ne voient aucune différence dans la situation, pour qui c’est la même chose que l’économie européenne soit à toute extrémité ou qu’elle progresse rapidement ; que la guerre se poursuive en Chine ou non ; que l’impérialisme se prépare en vue d’une attaque contre l’U.R.S.S. ou non, etc. etc. Si nous ne sommes pas en mesure de voir tous ces faits nouveaux, nous sommes des gens finis. Alors on ne comprend plus notre nouvelle tactique (en Angleterre, en France, etc.) ; elle est superflue, puisque nous piétinons sur place.

    J’ai donné ici les arguments les plus vifs qu’on a avancés contre la troisième période. Mais il y en a encore d’autres moins catégoriques, par exemple : la troisième période, ma foi, n’existe pas, mais il faut quand même en parler. Je voudrais bien soumettre cet « argument » aussi à une analyse consciencieuse et précise.

    Je répondrai avant tout à la Camarade Kostrzewa de la délégation polonaise.

    Elle nous dit :« En ce qui concerne les trois périodes dans lesquelles on divise l’époque d’après-guerre, nous considérons que la limite qui sépare la deuxième de la troisième période n’a pas pour caractéristique le progrès technique, car ce progrès, était la condition préalable de toute la période de restauration universelle du développement capitaliste d’après-guerre. Et quelle est donc la caractéristique de la troisième période ?

    C’est le fait que les contradictions qui s’étaient accumulées sur la base du processus stabilisation en rapport avec le puissant développement des forces de production, que ces contradictions apparaissent maintenant avec évidence et ébranlent tout le système de la société capitaliste. »

    Franchement, je ne comprends pas la logique de ce raisonnement. Non pas développement technique, mais contradictions ! Mais d’où viennent donc ces contradictions elles-mêmes ? La camarade Kostrzewa parle de contradictions en rapport « avec le puissant développement des forces productives ». Je vous le demande, camarade Kostrzewa, « le puissant développement des forces productives » est-il possible sans progrès technique ?

    Jusqu’à présent, de même que beaucoup d’autres camarades, je croyais, comme Marx, que les forces productives, c’est un ensemble d’instruments de travail et de forces ouvrières. On ne saurait donc séparer « l’accroissement des forces productives » du « progrès technique ». Cela est faux et nullement fondé théoriquement.

    Émettre l’affirmation du puissant développement des forces productives, précisément pendant la période donnée, et nier l’accroissement puissant de la technique pour ta même période ; insister sur l’aggravation violente des contradictions en rapport avec les modifications dans le domaine des forces productives et en même temps rejeter ce critérium, c est quelque chose de tout à fait peu ordinaire, même du point de vue de la plus élémentaire logique.

    Le second orateur qui s’est arrêté sur cette question, ce fut le camarade Strakhov (Chine) [Qu Qiu Po]. Il a dit :« Nous ne comprenons pas cette question et c’est pourquoi nous croyons qu’il n’y a pas de troisième période. Mais nous voulons qu’elle soit inscrite dans les thèses. »

    La modestie est une vertu en général ; elle s’impose aussi à certains communistes. Je suis parfaitement d’accord là-dessus. Mais, camarades, je ne puis reconnaître que tout soit bien fondé ici. Lorsque le camarade Strakhov nous dit qu’il n’y a point de différence entre la deuxième et la troisième période, quelqu’un lui a crié de sa place « juste ».

    Je ne sais quel est le camarade qui lança cette approbation, mais elle ne prouve pas des capacités logiques spéciales. Si entre le développement de la technique, il y a une dépendance intime incontestable, ces dépendances n’existent évidemment pas toujours entre la logique et les capacités vocales.

    A la fin de son discours, le camarade Strakhov a dit que la troisième période doit, malgré tout, figurer dans les thèses. Cependant, si entre la deuxième et la troisième période, il n’y a aucune différence, cher camarade Strakhov, alors pourquoi se donner tant de mal ? C’est-il donc que nous n’avons que faire de notre papier ?

    Ce n’est pas là non plus un comble de logique que de dire : la troisième période n’existe pas en réalité, mais elle doit rester dans les thèses. Il arrive parfois qu’on met dans les thèses des choses qui ne sont pas dans la réalité. D’accord. Mais, que de telles thèses soient l’expression de la sagesse tactique, cela, personne de nous ne le croira.

    Ainsi donc, si la troisième période n’existe pas, il vaut mieux la rejeter de notre thèse. Mais, si vous proposez de la laisser dans les thèses, c’est que vous n’avez pas la conscience tranquille et que vous sentez que cette malheureuse troisième période peut bien « servir » à quelque chose. Elle servira certainement, elle servira à tracer la vraie tactique.

    Dans quel but faut-il poser la question de la troisième période ? Quel est le « sens de cette, philosophie » ? C’est que nous voulons par là faire ressortir le fait que la stabilisation du capitalisme ne peut disparaître du jour au lendemain. Et il indispensable de souligner cela. C’est de là qu’est partie notre délégation, quand il fut question de la troisième période.

    III. La question de la guerre est une question centrale

    L’axe de la situation est le danger de guerre

    Je passe maintenant à la seconde question fondamentale qui a provoqué ici une discussion plus animée en comparaison de la première. D’abord, je voudrais poser la question préliminaire suivante : Qu’exige-t-on du rapporteur de l’Exécutif ?

    Faut-il qu’il parcoure toute la planète et qu’il expose ensuite : au Mexique les choses vont ainsi, en Argentine, autrement, au Nicaragua elles sont encore tout autres et dans le mouvement coopératif il se produit ceci et cela ? Est-il nécessaire que je parcoure tout le globe terrestre et que je parle décidément de tout : du mouvement coopératif et du gouvernement mexicain ?

    Oh, alors, naturellement, tous les camarades sans exception se considéreraient satisfaits. Le camarade Murphy, par exemple, serait complètement satisfait, parce que j’aurais parlé du mouvement coopératif. (Rires.) Les camarades mexicains seraient contents si j’avais dit quelques mots sur le Mexique. Peut-être serait-ce là une bonne méthode, car tous les camarades seraient satisfaits de ce que j’aurais mentionné « leur » mouvement.

    Mais pour le marxisme, le fond de la chose consiste à tirer d’un ensemble de faits variés les tendances fondamentales et à déterminer sur cette base la principale ligne de tactique.

    C’est en cela, j’estime, que consistait ma tâche. Nous avons noté de grands changements à la situation mondiale et dans de nombreuses directions. Mais où donc se trouve l’axe de toute la situation mondiale, où est !a clef de notre tactique ?

    Dans mon rapport, j’ai répondu à cette question d’une façon claire et précise : l’axe de route la situation est le problème de la guerre. La menace de guerre, tel est le point central de la situation. A mon avis, la menace de guerre est l’indice le plus caractéristique de la période en cours dans son ensemble.

    Les échos impérialistes et social-démocrates

    Camarades, je me permettrai ici d’entamer une « discussion » avec les ennemis du prolétariat, les impérialistes et les social-démocrates. Des échos à mon rapport retentissent déjà dans leur presse. Je m’arrêterai avant tout sur la presse impérialiste polonaise.

    Le journal officieux Epoka commente mon rapport dans un éditorial intitulé : « La loyauté soviétique ». Il y est dit entre autres :« Le discours de Boukharine a prouvé que l’I.C. et le gouvernement soviétique ne font qu’un. Jusqu’à présent le gouvernement soviétique établissait une ligne de démarcation entre lui et l’I.C. et cette formule était prise en note par les Etats qui désiraient à tout prix conserver des rapports normaux avec l’U.R.S.S. La Pologne était de ce nombre.

    A présent, cette formule est devenue inconsistante. Le gouvernement soviétique ne peut désavouer Boukharine qui est membre du Bureau politique, c’est-à-dire de l’organe suprême du pouvoir en U.R.S.S. Le fait que Rykov siège au présidium du Congrès de l’I.C. (apparemment on a confondu ici Rykov avec un Américain ou un Hindou. — N.B.) et que le rapport de Boukharine est publié dans tous les journaux soviétiques, témoigne de ce que le gouvernement soviétique n’établit plus une ligne de démarcation entre lui et l’I.C. et qu’il enlève son masque.

    A présent, nous savons que le gouvernement soviétique et l’I.C. ne font qu’un, que le gouvernement soviétique se prépare à la guerre contre la Pologne, et que dans, cette guerre, les communistes polonais doivent jouer le rôle d’espions et organiser des diversions »

    Un autre journal polonais, organe du ministère de la Guerre, le Polska Zbrojna, écrit :« Les déclarations de Boukharine sur le rôle des communistes polonais en cas de guerre polono-soviétique ne sont pas inattendues.

    Cependant le ton audacieux, impudent, pourrait-on dire, avec lequel cet homme politique qui occupe différents postes supérieurs dans la mafia qui gouverne actuellement la Russie, parle de la possibilité de guerre avec la Pologne, sans juger bon de masquer ses plans et ses perspectives, attire l’attention. Ici nous remarquons seulement la démoralisation inouïe et néfaste qu’apporte dans les rapports intérieurs et extérieurs de chaque Etat le seul fait de l’existence du soi-disant régime communiste et de l’attitude tolérante des Etats-Unis vis-à-vis de lui.

    La déclaration de Boukharine fera taire tous ceux qui exigeaient jusqu’à présent la légalisation des communistes polonais. Car le communisme, voilà l’ennemi. L’ennemi le plus dangereux pour le régime communiste est Pilsudski, autour duquel doivent se grouper pour cette raison tous les adversaires du communisme. »

    Vous comprenez parfaitement, camarades, le sens de ces raisonnements. Ce n’est pas le fait du hazard que de mon rapport on ait tiré précisément le passage concernant la menace de guerre.

    La presse social-démocrate a également fait écho à mon rapport.

    L’organe central de la social-démocratie internationale, le Vorwaerts, écrit dans son numéro du 27 juillet : « Cette foi politique dans les miracles a dicté les thèses bien formulées du congrès de l’I.C. à Moscou ; Boukharine en est le prophète. La foi politique dans les miracles a déjà pris des formes diverses dans l’I.C.

    Le miracle devait tantôt venir d’Allemagne, tantôt des Balkans, tantôt des îles du Pacifique. A présent, Boukharine jure par la Chine, par les contradictions entre l’Amérique et l’Europe, mais avant tout par la guerre. »

    Ensuite viennent les « commentaires » :« On a de nouveau réchauffé la vulgaire théorie marxiste : l’accroissement des forces productives sous le capitalisme mène à la lutte pour les marchés, la lutte pour les marchés mène à la guerre, d’une façon absolue et sans aucune possibilité d’éviter cette perspective.

    Aussi vrai que demain se lèvera le soleil, aussi vrai éclatera bientôt la guerre, très prochainement même, car Boukharine dit : « La guerre est la question du jour. Mais si la guerre arrive, on ne peut éviter ce qui doit la suivre : la guerre impérialiste donne, naissance « à la guerre civile, à la révolution mondiale, à la victoire du système soviétique dans le monde entier ! Vive la révolution mondiale, ou plutôt, comme ce n’est que le second acte, vive la guerre ! »

    Il s’ensuit donc que notre mot d’ordre serait : Vive la guerre !

    « Et ils croient au miracle que la permanence du développement et la continuité du progrès de la social-démocratie dans le domaine de la politique pratique au nom du socialisme, seront interrompus.

    L’histoire commencera de nouveau par 1914. La nouvelle année 1914, c’est une illusion qui est donnée aux partis communistes du monde, pour qu’ils puissent fermer les yeux sur les perspectives peu radieuses qu’ils ont en face d’eux et la situation sans issue où ils se trouvent. Et ils sont revenus avec bonheur à la thèse : la guerre est le commencement de tout. »

    Permettez-moi, camarades, à mon tour de commenter ces commentaires. Avant tout, voyons la question de la théorie marxiste. 

    Il suffirait de lire les dernières résolutions des congrès du parti de la social-démocratie allemande qui se sont tenus immédiatement avant la guerre, pour voir comment les social-démocrates agissent avec cette théorie marxiste qui déterminait autrefois leurs positions dans la question de la guerre. Personnellement, je me trouvai au congrès de Chemnitz de la social-démocratie.

    Je me souviens, c’était en 1912 ou 1913. Haase fit un rapport et toutes ces « vulgaires théories marxistes » déterminaient aussi alors la ligne de conduite de la social-démocratie allemande dans la question de la guerre. Prenons les résolutions des congrès internationaux. Elles sont toutes basées sur cette « vulgaire théorie marxiste »

    Marx, Engels et Lénine sur la guerre et la révolution

    Voyons comment Marx, Engels et Lénine envisageaient ces questions. Par exemple, « un marxiste aussi vulgaire » que Marx écrivait le 2 février 1864 dans son article : « La guerre européenne », publié dans le New York Tribune : « Mais nous ne devons pas oublier qu’il existe encore en Europe une sixième puissance qui, à des moments déterminés, affirme sa domination sur toutes les cinq « Grandes Puissances » et les fait trembler. Cette puissance, c’est la révolution. Après une longue période de calme et de tranquillité, elle est de nouveau appelée sur les champs de bataille par les crises et le spectre de la mort…« Il suffit d’un simple signal et la sixième puissance européenne, la plus grande, entrera en lice brillamment armée, l’épée à la main…« Ce signal sera donné par la guerre européenne imminente… »

    Ainsi fut appréciée la situation par ce « vulgaire » marxiste que fut Karl Marx. Et que disait le « vulgaire marxiste » Engels ?

    Engels écrivit en 1887 dans sa préface à la brochure de Sigismund Borkheim : « …Pour la Prusse et l’Allemagne, une autre guerre, une guerre mondiale est impossible maintenant. La prochaine guerre sera une guerre mondiale d’une force inconnue jusqu’à présent. De 8 à 9 millions de soldats s’entr’égorgeront et dévasteront l’Europe comme jamais les nuées de sauterelles ne l’ont fait.

    Les dévastations causées par la guerre de Trente Ans se reproduiront en trois à quatre années et s’étendront sur tout le continent. La famine, les épidémies, la sauvagerie générale des armées et des masses populaires, provoquées par la grande disette, par le chaos sans issue dans notre mécanisme artificiel, commercial, industriel et de crédit, tout cela se terminera par la faillite générale, la banqueroute des vieux Etats et de la routine de la sagesse des nations, par un krach tel que les couronnes par dizaines rouleront sur le pavé et qu’il ne se trouvera personne pour les ramasser.

    Dans l’impossibilité absolue de prévoir comment tout cela finira et qui sortira victorieux de la lutte, un seul résultat est absolument incontestables c’est l’épuisement général et la création de conditions pour la victoire définitive de la classe ouvrière.

    « Telle est la perspective, si le système de la concurrence réciproque dans les armements militaires est poussé à bout. Tels seront finalement ses fruits. Voici, messieurs les rois et hommes d’Etat, où votre sagesse a acculé la vieille Europe. S’il ne vous reste rien d’autre qu’à ouvrir la dernière danse guerrière, nous ne pleurerons pas. Peu importe que la guerre nous rejette même pour un temps au second plan, peu importe qu’elle nous enlève même certaines positions conquises précédemment. Mais si vous déchaînez les forces que vous ne pourrez plus contenir ensuite, à la fin de la tragédie, vous serez une ruine, la victoire du prolétariat sera déjà remportée, ou bien elle sera imminente. »

    Je cite ce long passage pour montrer ce que des marxistes, aussi « vulgaires » que Marx et Engels, pensaient de la liaison entre les guerres et les révolutions. Mais on peut objecter : Oui, c’étaient des prévisions qui se sont déjà réalisées en partie. Toute la question se pose précisément ainsi : ce que vous avez cité c’est un bon argument dans une discussion avec les social-démocrates.

    Mais est-ce que tout cela peut servir pour expliquer la situation actuelle  Pour cela, je voudrais m’en référer au point de vue d’un autre marxiste « vulgaire », le camarade Lénine.

    Il estimait possible que le capitalisme se ranime après la première guerre mondiale. Il écrivait et pensait au sujet des perspectives du développement de la révolution. Que dit Lénine à ce sujet? Il écrit :« Nous ne voulons pas ignorer la triste possibilité que l’humanité traversera — au pis-aller — une seconde guerre impérialiste, si la révolution ne surgit pas de la guerre présente, malgré les nombreuses explosions de l’effervescence et du mécontentement des masses et malgré nos efforts. » (T. XIII, p. 455 du texte russe.)1

    A la suite de la guerre, la révolution a triomphé dans certains pays. En U.R.S.S. existe déjà la dictature du prolétariat. Mais après la victoire du prolétariat en U.R.S.S., Lénine voyait encore la perspective d’une nouvelle guerre impérialiste.

    Dans son dernier ouvrage, écrit peu avant sa mort, il souligna encore une fois cette perspective. Il parla et écrivit du second tour de guerres impérialistes, d’une seconde série de grandes révolutions. Je pense qu’il continue ici les traditions de Marx et d’Engels et de tous les hommes qui furent effectivement en état de comprendre la situation mondiale.

    Pourquoi les impérialistes et les social-démocrates sont-ils nerveux ?

    Maintenant, camarades, pourquoi les impérialistes sont si nerveux lorsqu’ils parlent de la guerre ? D’où provient cette nervosité dans le camp social-démocrate, justement sur cette question ? Pourquoi réagissent-ils si violemment, si directement, d’une façon si inattendue, précisément sur cette question de mon rapport.

    Réfléchissez à cela. Pourquoi critiquent-ils en premier lieu la thèse de la prochaine guerre mondiale ? Pourquoi entreprennent-ils autre chose encore pour protester contre ma « façon d’agir impudente » et contre mon « discours audacieux » ?

    Ceci, parce que, objectivement, la question de la menace de guerre est l’axe central de toute la situation mondiale, voilà pourquoi nos adversaires, réagissent avec tant de nervosité à notre analyse.

    Et ceci est parfaitement compréhensible, parce que nous dévoilons leurs menées criminelles, parce que nous en arrachons tous les masques, détruisons tous les paravents, disons hautement la vérité sur la façon dont les impérialistes préparent la guerre et sur la façon dont ils la conduisent. De nombreux camarades oublient totalement que la guerre se déroule en fait dans l’Asie orientale. Peut-on supprimer ce fait ?

    Peut-être devons-nous dire que, du fait qu’elle est menée contre un peuple « non civilisé », contre les Chinois, elle n’existe pas pour nous autres Européens « hautement civilisés » ? Seuls les aveugles ne voient pas que la guerre existe en Chine.

    Seuls les aveugles ne voient pas comment le conflit japonais-américain est devenu plus aigu. D’ailleurs, il est parfaitement compréhensible que c’est l’intérêt des impérialistes, des social-démocrates, de tous les gens qui désirent soutenir le régime capitaliste mondial d’estomper cette thèse en ayant recours à toutes sortes de subtilités.

    L’impérialisme agit, manœuvre. Il propose certains pactes « pacifistes », tel celui de Kellogg, il procède à des manœuvres habiles, telle la dernière note du gouvernement américain au gouvernement de Nankin ; il a recours à d’autres procédés ; il organise la conférence de la S.d.N., il proclame à cor et à cri son désir de paix, en un mot, il cherche de toutes ses forces à masquer l’essentiel de son travail criminel.

    Et la social-démocratie, en quoi consiste maintenant son rôle principal ? Son principal rôle consiste aussi à voiler ce fait essentiel du développement actuel, à l’estomper idéologiquement, à le faire disparaitre. Voilà pourquoi les social-démocrates crient que les puissances capitalistes ont soif de paix, que le trouble-paix est le « maudit » pays du prolétariat. Voilà pourquoi ils chantent les louanges de la S.d.N. et de toute autre invention pacifiste.

    N’est-ce pas compréhensible? Il existe un seul Etat qui mène réellement une politique de paix, c’est l’U.R.S.S. Il existe un seul Etat qui proposa sérieusement le désarmement général, c’est l’U.R.S.S. Il existe un seul Etat qui n’est intéressé à aucun partage du monde, à aucune colonie, à aucun mandat, c’est l’U.R.S.S. C’est précisément pour cette raison que les impérialistes et leurs valets montrent l’inverse de la véritable situation.

    IV. Les contradictions extérieures et intérieures du système capitaliste

    La sous-estimation de la menace de guerre est le plus grand danger pour l’I.C.

    Ainsi les impérialistes déclarent : nous n’avons nul besoin de la guerre, c’est l’U.R.S.S. qui la veut. Pilsudski aussi proclame : je ne veux pas de guerre, c’est l’U.R.S.S. qui la veut. Et tous en même temps, avec une énergie fiévreuse, folle, se préparent à la guerre offensive contre l’U.R.S.S. et à la guerre entre eux.

    Je ne veux nullement dire par là que cette guerre doit éclater absolument dans quelques mois. Ce n’est pas ce que je veux dire; d’ailleurs, il n’existe pas un seul homme capable de déterminer exactement le mois, voire même l’année de la guerre. La question n’est pas de savoir si la guerre éclate quelques années plus tôt on plus tard ; non, la menace de guerre s’accroît de mois en mois. Je pense que c’est absolument évident. L’impérialisme est intéressé à estomper cette thèse.

    Les social-démocrates y sont intéressés de même, mais nous n’avons aucune raison de cacher évidencec’est pourquoi il m’est impossible d’atténuer l’importance de ce fait, même, sous la forme une insistance insuffisante sur la liaison entre les contradictions intérieures et extérieures.

    Certains camarades, – dans notre délégation il y eut quelques voix qui restèrent isolées – tiennent dans l’une de leurs poches les contradictions internes, et dans l’autre les contradictions extérieures. Est-ce juste? Non, c’est faux. C’est l’expression de la sous-estimation de la menace de guerre. Au point de vue objectif, c’est l’expression des dangers de droite au sein de l’I.C., le danger essentiel qui nous menace c’est de sous-estimer la menace de guerre. 

    Or, comme cette question n’est pas du tout simple, mais qu’elle est, au contraire, très compliquée, je juge de mon devoir de l’expliquer sous la forme la plus populaire afin d’éviter tout malentendu de donner un tableau aussi clair que possible.

    Tout d’abord, existe-t-il chez nous, au sein de l’Internationale communiste, une sous-estimation de la menace de guerre ? Elle existe sans contredit : nombreux sont les camarades qui en ont parlé ouvertement, les camarades Thorez, Semard, Ercoli et autres.

    Nous avons tous dit et souligné que, par exemple, la révolution chinoise, la guerre du Japon contre la Chine, n’ont pas trouvé un écho suffisant dans la pratique des partis adhérant à l’I.C. Or, si la situation objective révèle une croissance constante de la menace de guerre, si la situation des impérialistes et des social-démocrates est absolument claire, nous devons tenir compte sérieusement de la sous-estimation de la menace de guerre.

    Elle découle précisément de ce que la question de la guerre est considérée comme un problème ordinaire à côté des nombreux autres problèmes. Nous n’établissons pas une corrélation telle entre la menace de guerre et les autres questions que nous subordonnions toutes les autres tâches à la lutte contre la guerre imminente.

    Précisément, cette façon de poser la question est entièrement conforme à la situation objective et à nos tâches. C’est pourquoi je voudrais développer cette thèse un peu plus en détail.

    Dans son article au sujet de la Conférence de La Haye, Lénine écrivit que pendant la guerre, ou immédiatement à la veille, une partie de la presse communiste ferait certainement des sottises. Naturellement, on pourrait dire aussi à l’adresse de Lénine qu’il était un « pessimiste » avéré, mais telles sont les paroles que Lénine a écrite.

    C’est ainsi que Lénine, en exposant la situation, s’exprima « imprudemment » : Je ne sais si ces prévisions se réaliseront, mais je sais une chose, c’est que le danger de sous-estimation de la guerre existe réellement. Et je demande quel danger peut-on comparer à celui-ci ? Presque aucun, car c’est là la question fondamentale de la situation.

    Comment faut-il poser la question des contradictions intérieures et extérieures ?

    Je vous prie de vérifier si c’est là, en réalité, une question fondamentale. Si vous la considérez comme telle, il sera facile d’en tirer des déductions nécessaires. Mais en essayant de transférer le centre de gravité de cette question de la menace de guerre sur les contradictions intérieures ou quelqu’autre question, on ferait preuve d’une incompréhension totale de tout le sérieux de la situation.

    Cette façon de poser la question est liée, en particulier, à une certaine sous estimation de l’intervention qui a déjà commencé en Chine. Avec ceci, je pense, est lié également le défaut dont nous avons parlé et qui nous indique l’insuffisance du caractère international de nos partis communistes.

    Néanmoins, la question des contradictions intérieures, la question de savoir quelle liaison existe entre ces contradictions intérieures et les contradictions extérieures est une question assez compliquée.

    J’ai déjà indiqué la manière d’agir de certains camarades : Dans une poche, ils tiennent les contradictions intérieures, dans l’autre, les contradictions extérieures. Un pareil point de vue ne correspond pas à l’état objectif des choses et aboutit fatalement à des déductions de tactique erronées. Essayons de nous orienter dans cette question. Je demande : une situation révolutionnaire est-elle possible sans guerre ? C’est une .question parfaitement légitime.

    En voici la réponse : évidemment c’est possible. Il serait absurde d’affirmer que la situation directement révolutionnaire peut seulement naître à la suite d’une guerre. Il est vrai que l’histoire nous montre que dans la plupart des cas les grandes révolutions éclatent en liaison avec la guerre.

    La Commune de Paris qui surgit pendant la guerre franco-prussienne, la première révolution en Russie (1905), qui éclata immédiatement après la guerre russo-japonaise, les révolutions de février et d’octobre 1917 en Russie et différentes autres révolutions européennes et asiatiques qui éclatèrent en corrélation avec la guerre mondiale, peuvent nous servir d’exemples, car ces révolutions furent étroitement liées à des guerres. Mais peut-on affirmer que, de notre temps, une situation directement révolutionnaire ne peut surgir, même dans des pays tels que l’Allemagne ou la Tchécoslovaquie, qu’en liaison avec la guerre ?

    Une pareille assertion serait dans le fond une absurdité et, pratiquement, signifierait que nous devons « attendre » la guerre et tenir compte dans notre travail de cette seule perspective. Nous pouvons nous demander également, […] devons nous préparer à tout prix à une situation révolutionnaire. Évidemment, sans aucun doute, nous le devons ! Je répète : il serait absurde de proposer une autre tactique. Mais le degré de probabilité de la révolution, du moment que nous en parlons, n’est pas le même dans un cas comme dans l’autre.

    Je pourrais formuler ceci comme suit : Des situations directement révolutionnaires sont possibles, voire probables, sans guerre, également en Europe. Mais lors d’une guerre, elles sont absolument inévitables...

    Elles nous sont historiquement données en liaison avec la guerre. Les guerres seront fatalement accompagnées de révolutions. Ainsi, il serait complètement faux de nier la possibilité d’une situation directement révolutionnaire comme résultat du développement des seules contradictions intérieures.

    Tout en repoussant le point de vue éclectique des camarades qui considèrent séparément les contradictions intérieures et extérieures, je dois maintenant éclairer la question de l’action réciproque de ces contradictions.

    Quels sont les rapports réciproques entre ces deux catégories de faits, où se trouve le point de contact d’où il faut partir et quelles déductions se dégagent de l’analyse ? Sur quoi faut-il baser toute notre orientation tactique ? A mon avis, les contradictions économiques mondiales, les grands conflits mondiaux ont une importance primordiale. Prenons l’Angleterre. Les contradictions intérieures y prennent-elles plus d’acuité ? Évidemment.

    Or, l’accroissement de ces contradictions en Angleterre, lié au processus de déclin de l’Empire britannique mondial n’est-il pas dû, dans la plupart des cas, à la situation internationale ?

    N’est-il pas déterminé par la concurrence des États-Unis, par l’existence de forces centrifuges dans les dominions anglais et, en partie, dans les colonies, ainsi que par toute une série d’autres facteurs internationaux ? Figurez-vous un autre milieu international pour le capitalisme anglais et les résultats seront tout autres.

    Prenons maintenant les contradictions intérieures en Allemagne. Qui ignore que la stabilisation en Allemagne a été réalisée grâce au concours du capitalisme américain ? Peut-on complètement isoler dans ce pays les rapports intérieurs des facteurs internationaux ? Supposez un instant que l’Amérique ait refusé d’ouvrir des crédits à l’Allemagne (perspective qui fut exposée par Paish) et la faillite intérieure est inévitable.

    Abordons une autre catégorie de faits : pourquoi nous borner au domaine de l’économie ? Voyons la politique et, en partie, la politique économique. Nous parlons de la « paix industrielle » du « mondisme », de la trahison de la social-démocratie, de la fusion avec l’appareil d’Etat, etc. — Tout ceci est absolument exact.

    Essayez maintenant d’expliquer ces processus seulement au point de vue de l’accroissement des contradictions intérieures.

    Vous ne serez pas en état de le faire.

    Qu’est-ce que la « paix dans l’industrie » ? C’est la forme la plus vive de la paix civile, le meilleur moyen de préparation de la guerre ; celui qui ne comprend pas cela ignore le fond même de la question. Qu’est-ce qui a motivé le bill antisyndical en Angleterre ?

    Peut-on comprendre ce bill « intérieur », en ignorant les problèmes extérieurs et en négligeant totalement la préparation de la guerre ? Avec une telle incompréhension nous ne saurions même pas procéder à une agitation tant soit peu efficace contre ce bill.

    Et la nouvelle orientation de la social-démocratie en corrélation avec le problème de la paix civile, ne renforce-t-elle pas le rôle de trahison de la social- démocratie dans la politique extérieure ? N’est-ce pas compréhensible à un enfant ?

    Toute l’orientation de la social-démocratie s’accentue dans ce sens. Peut-on trouver un homme qui puisse nier la liaison entre la loi militaire de Boncour, la situation intérieure en France et sa situation extérieure ? 

    Je pourrais citer de nombreux exemples analogues, mais ceux que j’ai relatés montrent d’une façon assez convaincante que le problème central de la menace de guerre, le problème de la guerre, prime tous les autres; ceci se rapporte également aux problèmes politiques et aux contradictions intérieures.

    Une autre façon d’accorder les questions de la politique intérieure et les problèmes de tactique qui sont liés à elles, serait insoutenable et nullement révolutionnaire

    La lutte contre la menace de guerre doit imprégner tout notre travail quotidien

    Nous nous basons tous sur la nécessité d’intensifier le travail de masse quotidien. Dans ce domaine la pratique de certains partis laisse fortement â désirer. Mais en théorie, tout le monde est d’accord sur ce point. En quoi consiste la différence entre notre travail quotidien et celui des social-démocrates ? Je présume qu’il doit y avoir une différence.

    En quoi consiste-t-elle ? En ce que les communistes doivent établir une liaison entre les questions d’actualité, — c’est, d’ailleurs, obligatoire pour chaque communiste, — et les problèmes de la « grande politique » : Figurez-vous un communiste anglais. Comment peut-il mener l’agitation dans les masses lorsqu’il doit prendre part à une grève, si petite soit-elle ? La lutte contre la limitation de la liberté des; syndicats doit être liée absolument avec les revendications d’actualité, avec la lutte pour l’annulation de la loi syndicale.

    Cette loi syndicale doit être liée à son tour avec le « mondisme » et la préparation de la guerre, la lutte contre la guerre doit être liée avec la lutte pour la dictature du prolétariat. Ainsi doit-il agir, sinon, il n’est pas un communiste.

    Les larges couches du prolétariat qui ont participé à la dernière guerre mondiale connaissent le « prix » et l’infamie immense de ce fléau imposé par la bourgeoisie impérialiste à l’humanité. Dans notre travail de tous les jours nous devons établir une corrélation entre la menace de guerre et chaque question d’actualité, si petite soit-elle. Laisser tomber de ses mains cet atout est techniquement possible, mais est politiquement absurde au plus haut point. Je voudrais poser nettement ce problème aux camarades, pour qu’ils y réfléchissent.

    A mon avis, deux appréciations de la situation sont possibles ; de chaque analyse différente découle aussi une orientation de tactique différente. L’une d’elles est sans coordination des problèmes généraux avec les problèmes quotidiens ; l’autre établit une corrélation absolue entre chaque revendication quotidienne et le problème de la guerre, comme problème central de nos jours.

    Dans leur tactique, les communistes doivent absolument lier tout problème partiel d’actualité aux grands problèmes généraux. Il va de soi que cette coordination exige une grande habileté : les grandes phrases, les hauts cris sont insuffisants, il faut employer des méthodes subtiles de propagande et d’agitation, ne pas isoler les problèmes, mais les coordonner, en les subordonnants au problème courant fondamental, au problème de la guerre.

    En critiquant les social-démocrates (ceux de droite et surtout ceux de « gauche » qui sont les trompeurs les plus rusés et les plus nuisibles de la classe ouvrière), nous devons souligner que « la démocratie économique » et l’arbitrage ont non seulement une signification économique, mais qu’ils sont aussi une préparation à la guerre.

    Il faut ouvrir les yeux des prolétaires, des paysans pauvres sur cette liaison; c’est ainsi qu’il faut construire toute notre propagande, c’est dans ce sens qu’il faut orienter toute notre tactique. Il ne faut pas un amoncellement chaotique de faits, mais de tous les faits, de toutes les tendances qui se développent, il faut tirer le point central, le problème central de la menace de guerre.

    En coordonnant nos revendications partielles avec le problème de la guerre, avec la lutte contre elle, nous devons le lier avec la propagande de la dictature du prolétariat. Evidemment, il se peut que la lutte directe pour la dictature du prolétariat surgisse à l’ordre du jour sans guerre. Mais également ici, il faut marquer que la guerre qui vient montre déjà son ombre funeste.

    Ainsi, j’ai donné l’analyse des rapports entre les problèmes intérieurs et les problèmes extérieurs. J’ai souligné qu’il était inadmissible d’aborder cette question d’une façon éclectique. 

    Cette analyse a montré la nécessité d’observer une ligne ferme et énergique, de réserver toute l’attention au problème de la guerre, de lier à celui-ci tous les autres problèmes, de procéder à une propagande et à une agitation spéciales pour préparer le prolétariat à une lutte contre la bourgeoisie, contre la social-démocratie. Telle est notre position de tactique fondamentale. C’est l’unique ligne possible pour l’Internationale communiste.

    V. Problèmes partiels du travail des partis communistes

    Il faut lutter pour une ligne politique juste dans la question syndicale

    Je passe maintenant aux problèmes partiels dont chacun joue un rôle extrêmement important. Permettez-moi pour commencer, de faire quelques observations au sujet de notre tactique syndicale, de notre travail dans les syndicats en rapport avec les discussions qui ont eu lieu ici sur cette question.

    Les organes exécutifs de l’I.C. soulignent infatigablement dans leurs résolutions, circulaires; lettres et autres documents la nécessité d’un travail acharné dans les syndicats en rapport avec la tactique du front unique.

    Tout le monde sait cela. La situation mondiale que j’ai caractérisée et analysée ici rend plus aigüe l’importance de ce problème en faisant ressortir de plus en plus la tâche de la conquête des masses. Dans la situation actuelle, notre lutte contre les dangers de guerre, contre la guerre comme telle, pour qu’elle soit couronnée de succès, exige avant tout la conquête des masses. 

    Or, on ne saurait conquérir les masses sans travailler dans les syndicats. Sous l’angle de nos rapports internationaux, nous devons répéter ce que nous avons dit auparavant, à savoir que le travail énergique dans les syndicats est profondément nécessaire.

    Nous ne devons à aucun prix, perdre l’initiative dans la lutte pour l’unité syndicale. Dans la situation crée actuellement, nous avons particulièrement besoin de points d’appui dans les masses.

    C’est pourquoi l’une des tâches fondamentales du travail des partis communistes, c’est, de plus en plus, le renforcement du travail syndical en général et, plus particulièrement, le renforcement du travail de l’I.S.R.

    Au cours des discussions, à ce congrès, sur la question syndicale, diverses tendances sont apparues.

    Certains camarades ont indiqué la nécessité d’organiser les inorganisés, de créer des- organisations autonomes pour faire contrepoids aux syndicats réactionnaires et, dans des conditions parfaitement déterminées, de rattacher aux, syndicats de l’I.S.R. les organisations professionnelles et syndicales conquises sur les réformistes.

    C’est là la ligne .politique que nous avons défendue et qui fut généralement adoptée au IVe Congrès de l’I.S.R.

    Cependant, on nous a parlé ici de diverses tendances de résistance à ces décisions, du manque d’un travail proprement communiste dans les syndicats, de capitulation complète devant le réformisme par crainte d’être exclu des syndicats. On constate encore une autre tendance qui cherche même à se justifier théoriquement, c’est la tendance qui cherche à nier le travail dans les syndicats réactionnaires.

    Cette tendance provient jusqu’à présent de la base, ce qui s’explique par la difficulté du travail dans les syndicats réactionnaires : il est vrai qu’on nous exclut des syndicats réactionnaires et il faut une grande fermeté et une foi solide dans notre ligne politique pour travailler dans circonstances aussi pénibles.

    La tendance qui veut la sortie des syndicats réactionnaires est entretenue aussi par l’existence parmi les ouvriers de beaucoup de pays d’un nombre considérable de travailleurs inorganisés syndicalement. C’est le cas aux Etats-Unis et même dans un pays tel que la France.

    Le camarade Thorez a fait observer dans son discours qu’une partie infime seulement des ouvriers est organisée en France. Il est bien compréhensible que la tâche de l’organisation des inorganisés est un des problèmes fondamentaux de la situation actuelle.

    Cependant, nous ne pensons nullement qu’il faille renoncer à notre mot d’ordre de travail dans les syndicats réactionnaires, même dans des pays possédant un mouvement syndical divisé. Certains camarades cherchent à prouver théoriquement que l’appareil des organisations ouvrières réformistes, les syndicats, etc., ne sauraient en général être conquis.

    Ils établissent une sorte d’analogie entre l’appareil syndical et l’appareil d’Etat. Or, on ne saurait concevoir au sens littéral, la conquête de l’appareil d’Etat bourgeois. En effet, Marx et Engels, et, ultérieurement Lénine, dans sa brochure L’Etat et la Révolution ont montré que la conquête de l’Etat, c’est la destruction de la machine étatique et son remplacement par un nouvel appareil ; c’est en cela que consiste le processus de la conquête de l’Etat.

    Par analogie avec ce qui précède, les camarades émettent un jugement identique sur la situation dans les syndicats. Là aussi, disent-ils, il y a un appareil de fonctionnaires organisé solidement ; cette machine est analogue à celle de l’Etat bourgeois. Impossible de conquérir cette machine, disent certains, il faut la briser.

    Or, briser cette puissante machine, ce n’est possible qu’en brisant l’appareil bourgeois d’Etat. La conclusion, c’est qu’avant la conquête du pouvoir, on ne saurait s’emparer des syndicats réactionnaires.

    De ces prémisses, il est facile de déduire la négation du travail dans les syndicats ayant une direction réformiste. On ne saurait cependant démontrer l’impossibilité de la conquête des syndicats réactionnaires.

    Il est vrai, c’est là une tâche très difficile ; il est bien probable que, dans toute une série de pays, on ne saurait obtenir la victoire définitive sur tout le front dans ce domaine qu’au cours du processus de la révolution Socialiste, après la conquête du pouvoir.

    Il y avait des cas analogues chez nous aussi ; mais, nous n’avons jamais renoncé au travail dans les syndicats menchéviks. C’est une appréciation trop pessimiste de la situation que de parler de l’impossibilité de la conquête.

    L’appareil d’Etat bourgeois n’est pas constitué par des ouvriers. L’appareil syndical, au contraire, est tel que si, à son sommet, il se forme un groupe de bonzes, les couches de base sont constituées par la masse des ouvriers organisés syndicalement.

    On n’arrivera pas à « conquérir » toute la machine ; on conquerra la base, les comités d’usine, les divers chaînons de l’appareil ; ayant brisé le front en un endroit, on pourra ensuite poursuivre la victoire. Avec l’aide des masses, on pourra élargir cette brèche sur certains secteurs de ce front syndical.

    Peut-on considérer cela comme une destruction de l’appareil ? Oui, dans un certain sens. En balayant les chefs réformistes et en les remplaçant par les nôtres, nous réorganisons l’appareil. Toute conquête de tel ou tel appareil signifie dans une certaine mesure son « épuration », sa réorganisation, Cela est clair. Mais, l’analogie théorique entre les syndicats et l’Etat n’est pas fondée.

    Dans la célèbre brochure La maladie infantile de gauche du communisme, Lénine a posé assez nettement la question de la nécessité du travail dans les syndicats réactionnaires.

    Les arguments de Lénine sont bien connus. Il faut éviter de tomber d’un extrême dans l’autre. Il faut, d’une part, combattre l’opposition au moyen des décisions du IVe Congrès de l’I.S.R. On a raconté ici des cas révoltants qui se sont produits au sein du parti communiste allemand. Nous devons aussi combattre les mots d’ordre tel le contrôle ouvrier de la production, lorsqu’ils sont lancés en dehors d’une situation révolutionnaire (c’est là un danger très sérieux).

    Contre des tendances aussi prononcées de droite, il faut lutter en premier lieu. Il ne faut cependant pas tomber dans l’extrémité opposée et nier toute possibilité d’un travail fertile dans les syndicats réactionnaires.

    Le travail dans les organisations de masses

    La proposition que nous avons émise lors de la discussion de la question de la jeunesse garde toute sa force dans son application au travail syndical. Nous avons exigé de la jeunesse qu’elle aille avec sa propagande dans les organisations de masse ou il y a des travailleurs, sans se laisser arrêter par la considération que ces organisations ne sont pas communistes, ni même simplement révolutionnaires.

    A notre époque de lutte renforcée contre la social-démocratie (sans cette lutte acharnée, nous ne saurions faire avancer notre cause), devant les perspectives de guerre, la pénétration dans les masses du prolétariat est une condition indispensable de notre succès. Sans la réalisation de cette condition, nous ne concevons même pas notre existence en tant que parti communiste. Les seuls espoirs optimistes, quant à l’augmentation de notre influence, ne suffisent pas.

    Nous saluons chaleureusement cette augmentation d’influence, mais nous connaissons tous la disproportion qui existe entre l’influence de notre parti et la consolidation organique de cette influence. La suppression de cette disproportion exige de nous un travail énergique dans les syndicats et dans les autres organisations de masse. Le camarade Willi Münzenberg a dit avec beaucoup de justesse que nous devons accorder la plus grande attention aux organisations de masse.

    Les formes de ces organisations sont très variées et cependant, partout, nous devons y occuper nos positions. Soit dit en passant, le camarade Münzenberg m’a très injustement reproché de sous-estimer l’importance de la Ligue anti-impérialiste.

    J’ai, dans mon rapport, polémisé précisément contre les tendances de liquidation de certains camarades A l’égard de cette Ligue, ces tendances de liquidation cherchent à se baser théoriquement. Les partisans de ces tendances disent que ce sont là des organisations non purement communistes, que ce ne sont même pas des organisations de prolétaires, qu’il y a là beaucoup d’intellectuels, de représentants des mouvements nationaux-révolutionnaires qui nous trahiront demain, etc.

    Les adversaires du travail dans ces organisations craignaient que ces institutions amorphes, non communistes, ne viennent à « remplacer » les partis communistes. La « Ligue anti-impérialistes », les « groupes d’unité », sont au nombre de ces organisations.

    Peuvent aussi être rangés dans ce nombre les délégations d’ouvriers ou autres en U.R.S.S. avec ou sans participation d’intellectuels. Certains camarades redoutent que ces organisations n’éliminent le parti communiste. Il va sans dire que si l’on concevait ces organisations comme des institutions devant remplacer le parti communiste, ce serait trahir le communisme.

    C’est une chose qui va de soi. Mais, qui est-ce donc qui considère les choses de la sorte? Nous n’estimons pas ces organisations comme un succédané des partis communistes, mais comme des points d’appui pour notre action sur les grandes masses. Le camarade Münzenberg m’a reproché de n’avoir pas vu, par manque d’informations, disait-il gentiment, la manifestation grandiose de la Ligue au Mexique. En effet, camarades, je n’ai pas touché à cette question.

    Mais, est-ce que le Mexique rachète tous les péchés ? Ainsi, par exemple, je ne vois pas que la Ligue ait effectué le travail positif indispensable dans la question chinoise.

    Dans ce domaine, elle a fait bien peu de choses. Le camarade Münzenberg sait mieux que bien d’autres les faiblesses d’organisation de la Ligue. Je rappelle les lacunes de la Ligue, non pas que je propose de lui enlever notre appui, mais au contraire, pour l’aider dans son travail. Ce n’est pas Willi Münzenberg qui est coupable ici. Nous le sommes tous.

    Nous avons très peu soutenu la Ligue, nous ne lui avons pas accordé un appui suffisant. Nos partis ne l’ont pas suffisamment aidée. Ce sont là des faits évidents et nous devons en tirer les conclusions qui s’imposent.

    Le problème des organisations de masse est un: des plus essentiels et le prochain Plénum devra élaborer une série de mesures pratiques pour résoudre correctement cette question. La ligne politique: est claire, mais nous manquons d’expérience pratique.

    Plus d’une fois, nous avons adopté des résolutions sur cette question, que nous avons étudiées d’innombrables fois. Ces résolutions existent, mais la pratique ne correspond pas à ces décisions, c’est un fait.

    Le chômage

    On s’est arrêté avec raison sur le problème du chômage. Un certain nombre de camarades, notamment le camarade Hannington, en ont parlé. Il est indispensable de développer le point correspondant dans les thèses et d’accorder à cette question la plus vive attention.

    Hier a eu; lieu ici une discussion sur la question du chômage en rapport avec les problèmes spéciaux concernant l’Amérique.

    Le camarade Lominadzé a lancé un certain nombre de reproches à l’adresse du camarade Varga. Il a dit, d’une part, que le camarade Varga révise les principes fondamentaux de Marx lorsqu’il parle de la diminution du nombre des ouvriers occupés par un travail productif. En réalité, il n’y a, il ne peut, y avoir rien de pareil.

    D’autre part, le camarade Lominadzé a déclaré qu’il n’était pas d’accord avec moi, quand je disais que pour la première fois dans l’histoire, quelque chose d’analogue se produisait, car un nombre considérable de faits de ce genre sont indiqués chez Marx.

    Je crois qu’il faut faire un choix parmi ces deux thèses : ou bien, quelque chose d’analogue existait et existe encore, ou la chose est impossible. (Lominadzé : « Il n’y a pas de loi de développement »).

    Oui, il n’y a point de loi de développement (Interruption du camarade Lominadzé : « C’est contre Varga que j’ai dit cela »). Oui, mais vous avez polémisé aussi contre moi.

    En ce qui concerne la seconde thèse, elle exclut la première. Ici, le camarade Lominadzé voudrait être de plusieurs noces à la fois.

    Mais, voyons ce qu’il en est au fond. Une diminution du nombre des ouvriers est-elle possible en général ? Elle est possible de même que les cas isolés cités par Marx dans le tome I du « Capital ».

    Ce n’est pas n’importe qui, mais bien l’économiste français assez connu, Ganilh, dont a parlé le camarade Lominadzé, qui a développé là-dessus toute une théorie, dont la substance est que plus le capitalisme se développe, plus le nombre des ouvriers se réduit tandis que le nombre des capitalistes augmente au contraire. Ce serait donc que les ouvriers se transforment en capitalistes. 

    Marx a déclaré que c’était là une blague, une construction ridicule et pourrie. Mais, s’agit-il de quelque chose d’analogue dans le cas « américain » ? Est-ce que Varga se solidarise avec Carver (et Ganilh) ? Est-ce que Varga a affirmé que les ouvriers deviennent des capitalistes ? Dieu l’en garde !

    Varga a dit qu’ils devenaient des chômeurs. Il n’y a donc pas trace de Ganilh ici. Qu’on laisse donc Ganilh tranquille ! Ensuite, on trouve chez Marx l’indication de cas isolés d’usines isolées où le nombre des ouvriers diminue. Est-il possible que la même chose se produise à présent (pour la première fois ! !) pour tout un pays, ne serait-ce que pendant une période déterminée ?

    Je crois que cela est possible. Il est possible qu’un pays quelconque occupe une position exceptionnelle dans l’économie mondiale, qu’il se distingue par quelque particularité spécifique du développement, de la même façon que se distinguèrent certaines usines ou certaines régions de l’industrie anglaise du temps de Marx. Il serait imprudent et faux de notre part de tirer à présent du développement capitaliste une « nouvelle loi naturelle ».

    Premièrement, nous disposons de trop peu de matériel empirique pour nous permettre une telle généralisation, mais on peut toujours parler des faits existants. Un pays occupe une position exceptionnelle, dans toute l’économie mondiale.

    Ce sont les Etats-Unis. Il est bien compréhensible qu’un pays possédant des forces économiques aussi énormes, un pays où le progrès technique se réalise suivant un rythme si rapide, ne suive pas la ligne moyenne générale et que nous y ayons, de temps en temps, des soubresauts assez violents. C’est-ce qui se produit précisément en Amérique.

    Mais, qu’est-ce à dire ? Le résultat de toute l’analyse est que nous observons divers processus déterminant le chômage : renforcement du chômage par suite de dépressions, de crises, renforcement du chômage comme conséquence de la rationalisation ; enfin, une réduction spasmodique du nombre absolu des ouvriers sur la base d’un développement technique à grands sauts, tel qu’il a lieu aux Etats-Unis.

    Je ne suis pas du tout d’accord avec la proposition émise ici par beaucoup de camarades affirmant que les possibilités intérieures de l’impérialisme américain « sont épuisées ». Elles ne sont pas encore épuisées et je suis contre ce point de vue : théoriquement et en principe, cela n’est pas exact, c’est la théorie de Luxemburg. (Interruption : « C’est Varga qui l’a dit ».)

    Oui, Varga l’a dit, mais sur cette question, je ne suis pas d’accord avec Varga. Cette théorie est la répétition de celle de Rosa Luxemburg ; elle est fausse. Ce qui est vrai, c’est que dans les conditions actuelles du marché, dans un pays comme les Etats-Unis, tout placement de capital supplémentaire n’est pas aussi lucratif, rentable que dans l’Amérique du Sud par exemple ?

    Et ce problème n’est pas aussi simple que le pensent certains camarades. Il est au contraire très compliqué. Voici donc quelles sont nos conclusions générales : il y a actuellement des causes diverses au chômage, et ces causes doivent être analysées.

    Chômage se développant en période de dépression, chômage déterminé par le processus de rationalisation, même en période de courbe ascendante de développement, courbe rapidement ascendante dans les conditions de progrès technique extrême. Prenons par exemple le chômage anglais et américain.

    Ce sont là deux types très différents de chômage. Naturellement, comme communistes, nous considérons tous ces aspects du chômage comme des produits du développement des contradictions du capitalisme. L’augmentation de ces contradictions, nous les utilisons dans un but d’aggravation de la lutte des classes.

    La question paysanne

    Et maintenant, quelques mots sur la question paysanne. Les observations critiques faites sur cette question par le camarade Kolarov, par les camarades italiens, balkaniques, sud-américains, persans et quelques autres sont, à mon avis, parfaitement fondées. Mais, de mon côté, je puis reprocher à tous ces camarades de n’avoir pas dit un mot sur la question du prolétariat agricole.

    Or, ce problème est particulièrement sérieux dans les Etats européens capitalistes développés, Comment la question paysanne se pose-t-elle à présent dans son ensemble ?

    Je pense que la façon dont nous avons posé cette question en 1925 dans les résolutions respectives, reste juste pour la période actuelle. Avec le début de la stabilisation partielle du capitalisme, je pense que dans les pays de l’Europe occidentale hautement développés, le travail parmi les paysans est devenu pour nous objectivement beaucoup plus difficile.

    Les grandes masses de la paysannerie, — non de la paysannerie paupérisée de Chine, de Russie ou de Roumanie, mais la paysannerie du type « moyen » et « sous-moyen » de l’Europe occidentale (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, etc.) — se trouvent à l’état de grande fermentation au moment d’un ébranlement considérable de tout l’organisme capitaliste.

    On ne saurait établir une analogie entre les paysans chinois et les paysans allemands, entre notre paysan moyen et le paysan moyen allemand. Ce sont là des catégories sociales absolument hétérogènes ; ce sont d’autres paysans.

    Lénine en a déjà parlé au second congrès en soulignant énergiquement cette différence. Sous l’influence de la guerre, des grandes secousses en Europe occidentale, ces couches ont aussi été ébranlées. Mais, dans les conditions actuelles, de stabilisation, le travail parmi cette paysannerie dans les grands pays capitalistes sera, il me semble, très difficile.

    C’est pourquoi nous devons souligner plus énergiquement l’importance du travail parmi les travailleurs ruraux. Dans divers pays, une offensive est actuellement en cours sur toute la ligne contre le prolétariat agricole.

    En même temps, dans un certain nombre de pays d’un autre type, la question agraire s’est vivement aggravée : les événements dans les Etats balkaniques, et particulièrement en Roumanie, nous ont montré que cette question acquiert une importance spécifique et que pour cette raison, nous devons la poser pour ces pays comme la question principale de notre politique.

    Nous devons faire de même par rapport aux pays coloniaux où nous pouvons compter sur une situation directement révolutionnaire dans un avenir plus ou moins rapproché ; ainsi, par exemple, la question paysanne est actuellement le problème central de la révolution en Chine. Nous devons consacrer une attention spéciale à la question paysanne aussi dans les pays sud-américains. 

    Presque dans tous les pays de l’Amérique du Sud, il y a une structure spécifique du pouvoir d’Etat (ce sont les gros propriétaires fonciers, les possesseurs des latifundia qui sont au pouvoir dans ces pays). Dans une partie de ces pays, il y a des latifundia qui se trouvent sous un régime mixte d’exploitation capitaliste et de méthodes féodales-esclavagistes.

    Des conditions analogues se rencontrent aussi dans certaines colonies exotiques avec leur système de plantations régies par des lois exceptionnelles spéciales, par exemple les lois contre les nègres, etc. La question paysanne joue un rôle énorme, parfois même décisif, en Indonésie aux Indes, en Afrique du Sud (expropriation des noirs). Pour certains de nos partis dans ces pays, la question paysanne est fondamentale, essentielle. En Pologne, pour prendre un pays européen, ce problème a également la plus haute importance.

    Cependant, les camarades qui ont parlé sur cette question n’ont presque pas apporté de propositions concrètes. Je rappelle parmi ces propositions, une seule dont le sens se résume en ce que nous devons réviser le point de vue adopté par nous en 1925 à l’égard des partis paysans. L’auteur de cette proposition préconise que, dans les conditions objectives indiquées (conditions de l’importance extraordinaire de la question paysanne dans divers pays), nous devons organiser des partis paysans.

    Je ne suis pas d’accord avec cette proposition et je pense qu’il n’y a pas la moindre raison de l’adopter. Les arguments apportés en faveur de cette proposition ne sont pas très convaincants.

    On nous dit que puisque nous devons accorder une plus grande attention à la question paysanne, surtout dans les divers pays coloniaux et semi-coloniaux, dans les pays de l’Amérique du Sud, il s’ensuit la nécessité d’organiser des partis paysans. Mais, pourquoi donc ?

    Nous avons déjà étudié cette question et nous l’avons résolue dans ce sens qu’il fallait organiser des syndicats paysans, conquérir l’influence dans ces syndicats et les contrôler par l’intermédiaire de nos fractions. Il me semble que cette orientation était absolument juste et qu’elle le reste à présent. Pourquoi avons-nous besoin de partis paysans spéciaux ?

    Que signifie la création de partis nouveaux si l’on envisage cette question dans la perspective du développement de révolutions bourgeoises nationales dans les colonies et leur transformation en révolutions socialistes ? Cela signifierait une concurrence pour le parti communiste. Pour le parti du prolétariat.

    Vous ne pouvez pourtant pas poser la question ainsi : pour le moment, nous « autorisons » ce parti et ensuite, nous « l’écartons », nous le liquidons sans discussion. Non, camarades, un tel parti se développerait et se transformerait en fin de compte, en parti faisant concurrence au parti communiste.

    Naturellement, dans les cas où le parti paysan existe déjà, nous devons chercher à le conquérir, à le soumettre à notre influence. Mais, là où la question de l’organisation de la paysannerie se pose pour la première fois, il me semble qu’il vaudrait bien mieux que nous organisions des syndicats paysans puisque, par cette voie, nous pourrions organiser des masses bien plus vastes de paysans et nous serions en mesure d’entraîner derrière nous, par une voie bien plus sûre, les couches laborieuses de la paysannerie.

    Une telle forme d’organisation paysanne peut amener plus de membres et les soumettre bien plus facilement à l’influence du parti communiste prolétarien. Voilà les raisons politiques qui s’opposent à l’adoption de la proposition considérée.

    C’est ainsi que déjà, autrefois, nous avons résolu cette question et c’est ainsi que nous avons motivé notre ligne politique. Il n’y a pas la moindre raison actuellement de nous en écarter.

    Importance du travail dans l’Amérique du Sud

    Permettez-moi de m’arrêter encore sur quelques questions.

    Avant tout, je tiens à faire ressortir le problème des pays de l’Amérique du Sud. Nous avons dit que pour la première fois au congrès actuel, les partis de l’Amérique du Sud, étaient aussi largement représentés.

    Cela prouve naturellement l’extension de notre mouvement dans les pays de l’Amérique du Sud. Ces pays sont actuellement d’une particulière importance pour nous puisqu’ils jouent un rôle très grand, quoique extrêmement spécifique, dans la politique mondiale.

    Nous avons déjà indiqué l’agressivité croissante du capitalisme de l’Amérique du Nord en Amérique du Sud, nous avons également fait allusion à la guerre d’affranchissement du Nicaragua contre l’invasion impérialiste des Etats-Unis de l’Amérique du Nord. Nous savons tous parfaitement l’importance énorme de la résistance du Mexique, nous savons aussi que cette résistance; et ce puissant mouvement populaire contre l’impérialisme de l’Amérique du Nord augmentent à présent dans toute une série de pays de l’Amérique du Sud.

    Nous savons parfaitement que ce problème se complique de certains problèmes intérieurs dans les pays en question, surtout du problème agraire et de la lutte contre le féodalisme.

    Il y a diverses tendances dans nos milieux sur la question de la ligne tactique dans les pays américains. Je ne saurais donner, en ce moment une réponse à ces questions discutées.

    Je voudrais seulement faire ressortir que, du point de vue de la lutte contre la guerre et contre l’impérialisme, plus généralement du point de vue du développement de puissantes révolutions populaires et agraires, dans lesquelles, sans doute, se manifestent aussi des tendances de transformation de ces révolutions en révolutions socialistes, tout le : complexe des problèmes sud-américains acquiert chaque jour une importance toujours plus grande.

    La question noire

    Il faut encore faire ressortir l’importance du problème noir. Sur cette question, l’I.C. a adopté toute une série de résolutions. Il n’en reste pas moins que les partis respectifs n’ont pas accordé, jusqu’à présent une attention suffisante à cette question.

    Presque tous nos camarades noirs déclarent en outre que les préjugés du chauvinisme de races ne sont pas encore tout à fait déracinés à leur égard. Je ne conteste pas ce fait.

    Si, sur des questions nationales de moindre importance, par exemple en Europe occidentale, nous avons au sein des partis communistes aujourd’hui encore des tendances diverses, comment pouvons-nous croire que des distinctions de race et de culture aussi puissantes puissent ne laisser aucune trace an sein des partis communistes ?

    On peut observer le ton incorrect pris au cours des discussions de telle ou telle question concernant les problèmes noirs, même dans les commissions de l’I.C. ; j’ai été témoin de ce fait lors de la discussion de la question de l’Afrique du Sud.

    Il faut absolument et tout de suite modifier énergiquement cette situation. Au nom du congrès, nous devons dans nos thèses, imposer à tous nos camarades l’obligation de mener sur ce terrain la ligne politique juste, de combattre implacablement la moindre manifestation « de chauvinisme de race ».

    La question noire doit être étudiée non seulement sous l’angle de la situation dans l’Amérique du Nord, mais aussi, par exemple, du point de vue de la situation dans l’Afrique du Sud, etc.

    La question de la situation aux Indes

    Quelques mots au sujet des Indes. Certains camarades hindous ont polémiqué avec moi, je dois donc leur répondre. Ainsi, par exemple, le camarade Raza a objecté contre la caractéristique que j’ai donnée de la situation économique actuelle aux Indes. Il a déclaré que j’ai eu tort de ne pas dire un mot de l’industrialisation des Indes.

    Je dois cependant faire remarquer au camarade que, dans la création de la théorie « de la décolonisation des Indes », les camarades hindous ont cherché à s’appuyer sur un seul de mes discours où je ne disais rien, il est vrai, de la décolonisation des Indes, tout en faisant cependant remarquer que, dans ces pays, nous constations de puissants investissements de capitaux étrangers.

    Et maintenant, parlons de mon rapport. Est-ce que je n’y ai vraiment rien dit de l’industrialisation des Indes ? Je n’ai pas employé le mot « d’industrialisation », mais, puisque j’ai parlé de grands investissements de capitaux pendant la période de guerre et d’après-guerre, c’est donc que j’ai parlé de la question même de l’industrialisation. D’ailleurs, ce n’est pas là le moment décisif dans l’étude de la situation actuelle aux Indes.

    Le moment décisif, c’est la question suivante : y a-t-il à présent volte-face dans la politique de impérialisme anglais ou non ? Y a-t-il une certaine transformation dans la politique économique de l’impérialisme britannique ? Je crois que, précisément, au cours de ces temps derniers, l’afflux du capital anglais a considérablement diminué.

    Nous ne constatons plus, en ce moment, le rythme fiévreux d’autrefois dans l’investissement du capital, la courbe ascendante des grands investissements. C’est pourquoi il n’y a plus, aux Indes ce processus de développement économique forcé, constaté autrefois. Un changement certain s’est produit ces temps derniers sous ce rapport.

    C’est pour cela précisément que se poursuit le processus d’appauvrissement, de paupérisation qui fait que les paysans se transforment en ouvriers de la ville et en mendiants dans les campagnes, mendiants dépouillés et enchaînés de tous côtés ; c’est pourquoi dans ces conditions, le marché intérieur n’augmente pas et que le développement industriel est également freiné, écrasé qu’il est en outre par la concurrence anglaise dans laquelle les privilèges de la métropole britannique se manifestent par toute une série « de droits et d’avantages ».

    Tels sont les traits spécifiques de la situation aux Indes. Le camarade Raza a dit que l’Angleterre cherche à corrompre les couches supérieures de la paysannerie. Cela est vrai. Mais il me semble que le camarade Raza exagère ce processus.

    En réalité, un processus de paupérisation continue se produit et c’est là le fondement des explosions révolutionnaires à venir. C’est également là la raison des « frondes » bourgeoises contre l’impérialisme britannique. J’ai parlé précédemment de la tactique aux Indes.

    Le soulèvement de Vienne et la social-démocratie « de gauche »

    En ce qui concerne les plus petits partis, je crois de mon devoir de dire quelques mots particulièrement sur la question autrichienne. Certains camarades m’ont demandé si le silence que j’ai gardé au sujet du soulèvement viennois du mois de juillet ne signifiait pas que nous avons modifié notre point de vue sur cette question.

    Ainsi que tous les camarades le savent, nous avons étudié en son temps la question autrichienne et nous avons pris énergiquement position contre le parti communiste frère autrichien.

    Dans la résolution que nous avions adoptée, nous indiquions que le soulèvement de Vienne était effectivement un mouvement révolutionnaire de masse très puissant et que notre parti aurait dû obligatoirement lancer le mot d’ordre des soviets, diriger le soulèvement avec ce mot d’ordre, etc. Tous les camarades connaissent sans doute cette résolution.

    Il me semble que nous n’avons aucune raison de réviser notre point de vue d’alors. C’est une autre question que de savoir si ce mouvement n’était pas quelque peu isolé dans la phase qu’il avait atteinte. Les masses du prolétariat allemand ou tchécoslovaque ne pouvaient être invitées à faire la grève générale et on ne pouvait déclencher parmi elles une manifestation décisive de masse.

    De ce point de vue, le soulèvement de Vienne fut, dans une certaine mesure, isolé. Cependant, avec le développement ultérieur des événements, nous aurions pu avoir aussi une autre situation. C’était là une chose parfaitement possible. Qui peut assurer que si les événements s’étaient développés, nous n’aurions pas eu de grandes fermentations en Allemagne, en Tchécoslovaquie ?

    Une telle éventualité ne pouvait être exclue à priori. La thèse de l’isolement, quoique relatif, ne pouvait nullement être donnée comme un argument contre notre tactique révolutionnaire en Autriche. Avions-nous à ce moment-là, du point de vue de notre parti autrichien, la possibilité de développer davantage ce mouvement ? Je le crois.

    Le parti a commis une erreur en ne favorisant pas la création d’organisations de masse sous forme de soviets. Il avait la possibilité de le faire et il a commis la grosse erreur de laisser passer le moment opportun. La résolution du Plénum du C.E. de l’I.C. est à mon avis absolument juste.

    C’est une autre, question que de savoir-dans quelle mesure des événements analogues sont probables dans la situation actuelle. Je considère qu’une telle perspective n’est pas particulièrement vraisemblable. Mais, c’est là une toute autre question.

    Les événements d’Autriche ont souligné avec une force particulière la justesse de la thèse sur le rôle des social-démocrates « de gauche », qui constituent les ennemis les plus dangereux du prolétariat révolutionnaire.

    VI. Certains problèmes de tactique et de la vie intérieure des partis

    Le changement de tactique et le danger de droite

    A présent, quelques mots sur les affaires intérieures des partis. Camarades, il est absolument évident maintenant, après la défaite de l’opposition trotskiste qui représentait le bloc de la droite et de l’extrême-gauche, que le principal danger nous vient actuellement de la droite. Ce danger est assez grand, tant au point de vue des tâches actuelles qu’au point de vue des tâches futures.

    On a déjà parlé maintes fois ici de ce danger, au point de vue de la période en cours, on en a parlé en ce qui concerne le Parti allemand à propos du travail syndical, on en a parlé en ce qui concerne le Parti tchèque à propos de la « Journée Rouge », on en a parlé à propos de l’opposition à laquelle se heurte notre « nouvelle tactique » en France, etc. Le danger de droite est un fait dangereux, non seulement au point de vue des intérêts du moment actuel, mais au point de vue de demain. Nous ne devons pas perdre ceci de vue.

    Prenons la question tchèque. Le Parti s’efforça de mobiliser les masses, mais il ne fut pas en état de le faire. Ce fut en quelque sorte une mauvaise répétition des événements à venir. Le diagnostic de la maladie intérieure a été posé ; cette maladie fut assez sérieuse.

    A présent nous devons établir nos calculs de sang froid. Je ne suis pas partisan de pousser des cris au sujet du danger de droite et des déviations de gauche. J’estime que durant l’année qui vient de s’écouler, l’Internationale communiste a procédé à un grand changement, — un grand, et non pas un petit. — en premier lieu en ce qui concerne les partis anglais et français.

    Le camarade Lominadzé a tort de dire: que seul fut effectué un petit changement vers la gauche. Il me semble que c’est un grand changement à gauche qui a été effectué, en particulier dans le Parti anglais.

    Ceux qui connaissent la vie intérieure du Parti britannique comprennent que nous avons rompu avec toutes les vielles traditions qui existaient dans le mouvement ouvrier anglais et avaient aussi une grande influence sur le Parti. (Une voix : « En France aussi ! »)

    Oui, en France aussi. Mais je ne puis en même temps parler de deux pays à la fois. Je continue. La plus forte tradition qui existait dans la classe ouvrière anglaise était celle du « travail unique organisé ». Cette « unité » fut un grand atout entre les mains des réformistes. Mais utilisant ce mot d’ordre d’une façon trompeuse, ils purent lutter contre les idées révolutionnaires, contre le Parti révolutionnaire, etc.

    Cette « unité » (des ouvriers révolutionnaires avec les loups réformistes) fut le plus grand obstacle à l’affranchissement du prolétariat de l’influence des réformistes, qui menèrent ouvertement une politique éhontée d’exclusion et de scission, se couvrant, d’une part, de la police, d’autre part, de grandes phrases sur l’unité. Cette tradition était si profondément enracinée au sein du prolétariat anglais, que certains de nos meilleurs camarades considéraient comme absolument impossible la pensée même d’une lutte simultanée contre le gouvernement Baldwin et contre le Labour Party. 

    Le plus grand danger, disaient-ils, est le gouvernement Baldwin, et l’on ne peut lutter contre lui qu’en établissant le front unique de toute la classe ouvrière: mais cette dernière est sous l’influence du Labour Party, par conséquent ce n’est qu’avec l’aide de ce dernier que nous pouvons renverser le gouvernement Baldwin.

    Telle était l’orientation première. De là découle le mot d’ordre adopté par le Congrès du Parti, mot d’ordre du « gouvernement ouvrier contrôlé par le Comité Exécutif du Labour Party ».

    Ensuite, les camarades anglais procédèrent à un brusque changement, non pas sans l’influence du C.E. de l’I.C. Ainsi, lorsqu’on est parvenu à obtenir ce changement, comment ne peut-on pas voir ce que cela signifie pour toute la vie du Parti ? Nous avons réalisé ce changement sans cris inutiles, sans stigmatiser des camarades, nous l’avons réalisé par la persuasion et une longue discussion fraternelle et honnête avec les camarades.

    Il en sera d’autant plus solide, malgré les frottements inévitables. Ce changement de tactique est un gros événement dans l’histoire du mouvement ouvrier anglais.

    Nous savons tous parfaitement qu’il existait aussi dans le parti français des traditions parlementaires, profondément ancrées. N’est-il pas vrai qu’il y a quelques mois à peine, les traditions parlementaires se sont manifestées, par exemple, dans la question de la loyauté envers l’Etat (sur la question des arrestations) ?

    Etait-ce l’effet du hasard ? Était-ce un fait superficiel ? Non, ces tendances ont de profondes racines dans les cadres du Parti. Et lorsque deux mois plus tard, nous procédions à un changement radical et lancions le mot d’ordre « classe contre classe », le mot d’ordre « ne pas voter pour le Parti socialiste », c’est là, camarades, non pas un petit, mais un grand changement dans la tactique du Parti français. Ici aussi, ce changement fut effectué sans paroles vaines, mais avec l’appui de la base du Parti, par la persuasion des camarades hésitants et par la lutte contre ceux qui persistaient dans leur erreur.

    Cette tactique ne fut pas réalisée sans frottements, sans conflits intérieurs, sans difficultés. Mais le tournant accompli par le Parti communiste français est un tournant de principe. Il est le plus grand tournant de principe dans l’histoire du Parti français depuis sa fondation. Je ne veux pas dire, naturellement, que le P.C.F., que le Parti communiste britannique et l’I. C. ont accompli un « haut fait » quelconque.

    Mais si l’on examine cette question d’une façon absolument objective, n’est-ce pas un grand tournant qui a été effectué dans la tactique des deux grands Partis ? Je pense que oui. Et ce tournant n’est-il pas un coup décisif contre le danger de droite ? Naturellement, il en est ainsi. Ce changement de tactique n’est-il pas un morceau de papier de tournesol grâce auquel on peut tirer au jour le danger de droite dissimulé ?

    Naturellement, il en est ainsi. Ceci explique l’opposition de droite, les différents doutes sur la justesse de cette tactique. Ceci explique la lutte contre cette tactique. Le meilleur moyen de lutte contre les courants de droite dans les Partis français et anglais est l’emploi rationnel de ce que l’on appelle la « nouvelle tactique »

    Comme je l’ai déjà dit, le danger de droite peut encore s’accentuer à l’avenir. Pourquoi ? Il n’est pas impossible que se produise le fait dont Lénine a parlé dans l’article que j’ai cité, à savoir qu’une partie de notre presse ne sera pas à la hauteur de la situation. Cette chose n’est nullement impossible. Jusqu’à quel point ira cette position erronée, c’est là une autre question.

    Mais il ne s’agit pas seulement de la presse : on peut dire la même chose au sujet de certaines organisations du Parti également. Où est la garantie que dans la période d’un danger direct de guerre, lorsque nous aurons à résoudre différents changement de tactique d’un tout autre genre, certaines « déviations » ne se manifesteront pas ?

    Il faudra alors procéder à une série de changements dans notre tactique, dans les questions d’organisation, dans notre attitude envers la question du travail légal et illégal et autres.

    Où est la garantie que dans certains partis il ne se produira, pas de scission, des faits et événements rappelant une crise ? Il est probable que de pareilles déviations auront lieu. En premier lieu, elles proviendront, naturellement, des milieux d’extrême-droite dans les différents partis.

    C’est pourquoi, si nous analysons la situation existant actuellement et nos perspectives, nous aboutirons dans la question de l’orientation à l’intérieur du Parti, à la déduction qu’il faut battre la droite sur tout le front, sur toute la ligne.

    Les questions intérieures des Partis

    Les différents cas d’infraction à la discipline, derrière lesquels se dissimule le danger de droite, sont inadmissibles. Nous devons mener contre eux une lutte énergique.

    Mais en même temps, je dois déclarer : le problème de la lutte la plus énergique contre la guerre, de la lutte la plus acharnée à l’intérieur du Parti contre le danger de droite, ne supprime nullement le problème de l’unité du Parti, le problème de la réalisation sensée de cette lutte, d’un genre de tact à l’intérieur du Parti.

    En Allemagne, nous avons aussi un danger de droite. Dans nos thèses, nous proposons de lutter énergiquement contre lui. Dans nos thèses, nous proposons de liquider systématiquement l’attitude conciliante envers les dangers de droite. Mais, en même temps, nous devons par tous les moyens grouper les camarades qui se trouvent sur la plate-forme du Congrès d’Essen, des décisions de l’I.C. et des promesses de mener une lutte implacable contre le danger de droite. (Une voix : « Mais cela se fait ».)

    La délégation du P.C. de l’U.R.S.S. m’a chargé de déclarer, — en ce qui concerne le Parti allemand, — que nous nous prononcions contre les tentatives d’évincer le camarade Ewert de la Direction du Parti. Je dois dire cependant que les camarades allemands de la Direction n’ont pas cette intention.

    Nous voulons créer ici, au Congrès, des conditions excluant toute possibilité de fissure au sein des organes de Direction actuels. Tous les camarades doivent agir sur la base d’une discipline stricte, de la subordination stricte de la minorité à la majorité.

    Sans cette condition, il est impossible de mener une lutte politique. De nouvelles divergences et fissures dans la Direction, des scissions à l’intérieur de nos Partis, auraient des suites fatales. C’est pourquoi je présume que la condition fondamentale et nécessaire pour le succès de notre travail, doit être la discipline.

    Nous avons vu en toute évidence comment cette question est particulièrement aiguë en Pologne. La consolidation, l’unité, la discipline, sont absolument indispensables au développement victorieux des événements révolutionnaires. Ces derniers temps, nous avons eu au sein de l’I.C. différentes périodes de crise.

    Ces périodes que certains partis ont traversées, ont une très mauvaise influence sur les masses ouvrières. Ces crises ne peuvent être liquidées que grâce à une ligne politique déterminée et fermement réalisée.

    C’est là la condition préliminaire et indispensable à tout le développement ultérieur. Il existe, par exemple, au sein de la minorité du Parti allemand certaines tendances à vouloir modifier la Direction. J’estime que ces tendances sont fausses.

    Nous ne pouvons pas faire cela : ceci aboutirait à une lutte intestine dans le Parti allemand. Le C.E. de l’I.C. appuie entièrement et complètement le noyau du Bureau politique du C.C. qui s’est constitué historiquement avec Thaelmann en tête. Je présume que des questions comme celle de la démocratie à l’intérieur du Parti, celle des nouveaux cadres du Parti, celle du relèvement du niveau théorique du Parti, celle de l’animation des cellules de base, celle de leur travail de masse, etc. doivent être posées comme de grandes questions du Parti.

    Les partis doivent apprendre beaucoup plus à vivre d’une véritable vie politique et à éloigner tous les politicaillons sans principe.

    Prenons par exemple un parti comme le Parti polonais. Il s’y produit une lutte fractionnelle féroce dans l’absence de grandes divergences politiques. Prenons le Parti américain actuel. Ces derniers temps, tout au moins, il nous semblait que le Parti américain commençait à liquider ses frottements intérieurs.

    Mais nous constatons que la lutte reprend de nouveau. Cette lutte a pris une telle « animation » que l’on veut utiliser la conjoncture actuelle pour continuer la lutte sous une forme plus intense. Existe-t-il de grandes divergences politiques ? Il me semble que dans le Parti américain ces divergences sont peu importantes. Leur ampleur justifie-t-elle la constitution de fractions ?

    Je pense que non. Prenons un exemple, la fameuse question sur l’attitude envers l’impérialisme américain. Certains disent que l’impérialisme américain s’est fortement consolidé ; d’autres affirment que leurs adversaires, c’est-à-dire les camarades qui sont du premier avis, font de la « réclame à l’impérialisme américain ».

    Pourquoi ces accusations ? Elles ne mènent à rien et n’expliquent pas la question. Pour son malheur, je ne pense pas qu’on puisse compter aux Etats-Unis sur une prochaine situation révolutionnaire. Je déclare cela ouvertement. Dans aucun pays du monde, le capitalisme n’est aussi puissant qu’aux Etats-Unis d’Amérique où il atteint son apogée. Lorsqu’un camarade quelconque déclare qu’une situation directement révolutionnaire est peu probable, qu’y a-t-il de terrible là-dedans ?

    Mais lorsque l’on dit qu’il n’existe décidément aucune base pour le travail au sein des masses ouvrières américaines, c’est mal, naturellement. Mais autant que je le sache, personne n’affirme pareille chose.

    Le chômage est un fait avéré ; les changements qui sont survenus dans l’industrie américaine, c’est aussi un fait ; l’effervescence parmi les ouvriers non-qualifiés, est également un fait. Existe- t-il une base pour le développement du Parti communiste? Oui, elle existe.

    Mais peut-on justifier la lutte aiguë des fractions ? Non. Il faut prendre toutes les mesures indispensables pour prévenir cette lutte.

    La question la plus difficile parait-être celle du Parti tchécoslovaque. Il est possible que nous ne possédions pas toutes les données pour procéder à une analyse exacte de la situation et élaborer les mesures adéquates ; cependant, le cas de la « Journée Rouge » est très symptomatique.

    Dans le Parti tchécoslovaque les choses ne vont pas bien non seulement au sein de la Direction, mais aussi dans la base du Parti, dans tout le Parti ; l’état de choses est défavorable au point de vue de la ligne politique, de l’orientation fondamentale du Parti, et des sérieux vestiges social-démocrates.

    C’est pourquoi il est absolument nécessaire qu’après ou pendant le Congrès, l’Exécutif s’occupe spécialement de la question tchèque pour prendre des mesures nécessaires non seulement à l’égard des organes de Direction, mais aussi à l’égard de l’orientation du Parti. Ces derniers temps, nous avons observé certaines erreurs dans le Parti tchèque.

    Ces erreurs se sont manifestées, par exemple, dans le projet de loi sur les comités d’usines; dans le projet de vote en faveur de Masarik aux élections présidentielles ; dans d’autres questions où nous avons constaté une passivité de la part du Parti.

    Mais à présent, on observe quelque chose de plus grave qu’une simple passivité. Ceci nous impose la tâche de procéder à une analyse très minutieuse et de prendre des mesures sérieuses pour l’assainissement du Parti.

    Actuellement, où il nous faut consolider nos rangs par tous les moyens, il me semble que nous avons à résoudre une tâche importante, celle de l’éducation idéologique du Parti. 

    Nous procédons avec insuffisamment d’énergie au travail d’éducation idéologique de nos Partis. A mon avis, une de leurs tâches est d’intensifier le travail intellectuel, la lutte idéologique, les discussions idéologiques, etc… Ceci est conforme à la ligne générale de notre développement.

    Si, par exemple, nous devons nous préparer à la guerre, cela veut dire que nous devons procéder à une grande action de propagande tant parmi les ouvriers social-démocrates, que parmi les nôtres. Cependant, nous possédons très peu de littérature d’agitation et de propagande. Il est impossible par de grandes phrases seulement d’étendre notre influence aux ouvriers social-démocrates.

    C’est pourquoi, dans la période où la guerre devient plus menaçante, il est absolument nécessaire d’animer la vie intérieure de nos Partis, d’intensifier l’activité des membres du rang du Parti, de créer les conditions qui leur permettent de se développer, qui permettent de produire de nouveaux cadres de militants actifs.

    La discipline est notre loi. Cependant, camarades, je voudrais encore parler d’une lettre de Lénine non encore publiée, et adressée à moi et à Zinoviev. Dans cette lettre, Lénine nous écrivait : Si vous chassez tous ceux qui ne sont pas très obéissants, mais qui sont intelligents et que vous ne conserviez que les sots obéissants, vous mènerez certainement le Parti à sa perte.

    Je pense que cette opinion de Lénine est très juste. Il nous faut une main ferme dans les organes de Direction de nos Partis, une main qui ne s’arrête pas devant l’exclusion de tout dissident. Mais en même temps, il nous faut dans les organes de Direction des Partis des hommes qui, nous l’espérons, y existent et sauront lutter, avec tact, contre tout membre intelligent du Parti pour le faire revenir dans la droite ligne du Parti.

    VII. Conclusions

    Camarades, je vais terminer. Il ne subsiste aucun doute sur ce que la situation internationale va s’aggravant. Nous allons vers une seconde guerre impérialiste mondiale. Cela ne veut pas dire que demain, par exemple, commencera la guerre contre l’U.R.S.S. Mais s’il faut parler du temps qui nous reste pour nous préparer, je dois déclarer qu’il nous en reste très peu.

    C’est un fait immuable. Le temps qui nous reste, le répit qui nous est donné, doit être mis à profit avec toute l’énergie, avec toute la tension voulue des forces révolutionnaires pour renforcer notre Parti, pour gagner à notre cause les larges masses du prolétariat, pour attirer les larges couches de la paysannerie.

    Ce sont là des tâches considérables et de toute importance. Nous ne pourrons pas les résoudre sans un travail tenace, sans une action de tous les jours, de toutes les minutes, de tous les instants.

    Tous les camarades savent que dans ses instructions aux camarades qui se rendaient à la Conférence de La Haye, Lénine écrivit : « Ce qui importe, ce n’est pas de grandes phrases sur la grève générale, etc., c’est de se préparer systématiquement à l’éventualité de la guerre, de lutter systématiquement contre la menace de guerre, de lutter systématiquement contre la social-démocratie, de démasquer systématiquement ses sophismes, de préparer systématiquement l’organisation, etc. »

    Nous ne pouvons y procéder sans une tension extrême des forces de nos Partis. Nous devons exiger de nos Partis et du C.E. de l’I.C. un renforcement du travail idéologique, une plus grande énergie dans le recrutement des membres, une amélioration de l’appareil de nos Partis, une amélioration du travail dans le domaine des questions quotidiennes, une nouvelle consolidation des Partis, un redoublement d’énergie de la part de nos organisations de jeunes dans le recrutement de nouveaux membres, une action plus énergique dans les colonies, dans l’armée, une préparation pour passer à une situation illégale.

    Penser que nous continuerons à vivre d’une façon relativement « tranquille » comme maintenant, c’est se plonger dans des illusions. En outre, nous devrons prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il n’arrive pas à nos Partis le même malheur qui est arrivé au Parti tchécoslovaque lors de la « Journée Rouge ».

    Camarade, l’Internationale Communiste est née de la guerre.

    L’Internationale Communiste a remporté plus d’une grande victoire. Le plus grand succès du prolétariat mondial est la formation de l’Union Soviétique. Si la bourgeoisie déchaîne la guerre, le prolétariat conquerra finalement le monde.

    Ce n’est nullement un point de vite pessimiste. Au contraire, avec Frédéric Engels, nous autre, communistes, déclarons à toute la classe dirigeante : Essayez, messieurs, de déchaîner les forces et les horreurs de votre guerre !

    En réponse, l’Internationale Communiste serrera ses rangs pour la révolution, pour la guerre civile, pour le triomphe de la dictature du prolétariat ! (Vifs applaudissements. Tous les délégués se lèvent et font une ovation à l’orateur.)

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    de l’Internationale Communiste

  • Rapport sur l’activité du C.E. de l’I.C. au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    [Boukharine]

    Deuxième séance

    (18 Juillet 1928 — après-midi)

    I. Analyse générale du capitalisme contemporain et formes particulières de la crise capitaliste

    Les trois périodes du développement d’après-guerre

    Chers camarades,

    Depuis le dernier Congrès de l’I.C., nous avons vécu bien des choses. Pour mieux comprendre ce qui s’est passé, pour mieux tracer les perspectives, il est nécessaire de considérer l’étape que nous avons passée, non pas séparément, non pas isolément, mais en liaison avec les étapes précédentes. Pour l’évaluation générale de tout le développement d’après-guerre, il est bon de diviser cette époque en trois périodes.

    La première, c’est la période de la crise révolutionnaire aiguë, surtout dans les pays d’Europe. C’est dans cette période que le développement révolutionnaire atteignit son point culminant. Une vague révolutionnaire puissante déferla alors sur toute l’Europe. Les points culminants de cette période furent les années 1920-1921.

    A cette première période se rapportent la révolution de février et la révolution d’octobre en Russie, la révolution ouvrière en Finlande de mars 1918, les soulèvements d’août 1918 au Japon, provoqués par les prix élevés du riz, la révolution prolétarienne en Hongrie, l’insurrection de mars 1919 en Corée, l’établissement en avril 1919 du pouvoir des Soviets en Bavière, la révolution nationale bourgeoise de janvier 1920 en Turquie, la prise des usines par les ouvriers d’Italie en 1920 ; font également partie de cette période la marche de l’armée rouge sur Varsovie et, enfin, les événements d’Allemagne en 1921.

    Nous voyons que cette première période fut saturée d’événements révolutionnaires d’une ampleur et d’une portée historique des plus considérables. Ces événements ont montré avec une grande acuité le processus de décomposition du régime capitaliste et, en premier lieu, du capitalisme européen. Dans l’ordre chronologique, c’est la fin de l’année 1923 qui clôtura cette première période. En septembre 1923, le soulèvement en Bulgarie se termina par une grave défaite et, en automne 1923, le prolétariat allemand essuya une nouvelle défaite.

    Les défaites du prolétariat d’Europe Occidentale constituèrent pour la bourgeoisie une prémisse politique pour son développement ultérieur. Ces défaites et, en particulier, la défaite du prolétariat allemand, furent pour l’Europe Centrale, et même pour l’Europe tout entière, le point de départ de la seconde période de développement, période d’offensive du capital, période de lutte défensive du prolétariat en général et des grèves ouvrières défensives en particulier, période d’élaboration de la stabilisation partielle du capitalisme.

    Il faut dire que certains de ces combats défensifs du prolétariat ont atteint une ampleur et une importance formidables, telles par exemple, la grève générale et la grève des mineurs en Angleterre. La deuxième période apporta plus de « paix et d’ordre » au capitalisme européen et au capitalisme mondial en général. Les événements directement révolutionnaires se sont transportés du continent européen aux pays coloniaux et semi-coloniaux. En avril 1925 éclata le soulèvement au Maroc, en août 1925 celui de Syrie ; au cours de la même année s’aggrava la grande lutte en Chine.

    Si, dans la première période, la situation immédiatement révolutionnaire avait un caractère nettement européen, nous voyons que, dans la seconde période, la situation immédiatement révolutionnaire s’était transportée dans la périphérie coloniale de l’impérialisme mondial.

    Du point de vue économique, du point de vue de l’analyse de l’économie capitaliste, la seconde période peut être considérée comme période de reconstitution des forces productives du capitalisme. Dans cette période, le capitalisme, s’appuyant sur ses victoires politiques, sur la stabilisation politique relative, essaya d’obtenir et obtint une certaine stabilité économique.

    Cette période céda la place à la troisième étape, à la période édification capitaliste qui s’exprime par un progrès quantitatif et qualitatif dépassant l’état d’avant-guerre. L’accroissement des forces productives du capitalisme découle d’une part d’un progrès technique assez considérable et, d’autre part, d’une large réorganisation des liaisons économiques capitalistes.

    La reconstruction technique, la réorganisation économique et le processus intense de trustisation capitaliste sont toutefois accompagnés de l’accroissement des forces contraires au capitalisme et du développement extrêmement intense des contradictions du capitalisme. Ici il faut mentionner aussi et avant tout l’accroissement de l’U.RS.S.

    Avec la période de reconstruction du capitalisme « coïncide » la période de reconstruction en U.R.S.S., période de création d’une nouvelle base technique, d’une certaine réorganisation économique dans le sens social-économique de ce terme (agrandissement du secteur collectivisé de notre économie), et de consolidation croissante de notre appareil de production.

    Le développement économique et politique de l’U.RSS, le développement de la révolution chinoise, l’effervescence dans un pays comme l’Inde, enfin, l’accroissement rapide des contradictions intérieures dans le secteur capitaliste de l’économie mondiale contemporaine et le danger de guerre de plus en plus grand qui résulte de tout cela : tel est l’autre aspect du développement mondial.

    Il est nécessaire d’analyser soigneusement la nouvelle situation mondiale qui s’est créée dans la troisième période. Sans connaître, sans comprendre les principales modifications économiques et politiques mondiales, il nous sera impossible de tracer une ligne politique juste et d’aborder dune façon juste les problèmes tactiques du moment actuel.

    Il faut établir dès le début et avec la plus grande netteté que la thèse de la stabilisation du capitalisme a actuellement un caractère quelque peu différent de celui qu’elle avait il y a quelques années et qu’en analysant la situation internationale, nous devons tenir compte de cette modification.

    Je vais passer maintenant à cette analyse.

    Les éléments du progrès technique

    Je vais examiner avant tout la question de la technique du monde capitaliste actuel. Nous devons constater un accroissement assez considérable de l’électrification de l’économie des plus importants pays capitalistes. Des inventions très importantes ont été faites dans le domaine de la chimie appliquée. Les nouvelles méthodes de production de combustibles synthétiques, de différentes matières premières, la méthode de Bergius de production de la benzine, la fabrication artificielle de la soie, etc…, tels sont les traits caractéristiques de l’industrie capitaliste actuelle.

    Parallèlement à cela, il faut noter l’emploi de plus en plus grand des métaux légers et, en particulier, de l’aluminium, l’emploi de nouvelles machines et appareils dans industrie aussi bien que dans l’agriculture, par exemple de machines agricoles combinées et très compliquées employées aux Etats-Unis d’Amérique, le développement des transports par autos, l’emploi de plus en plus considérable du système de travail à la chaîne et la nouvelle organisation du travail dans les fabriques et usines, la standardisation, typisation, normalisation, production en séries, etc… Tels sont les traits les plus caractéristiques de la technique capitaliste actuelle.

    Je vais citer quelques chiffres sur la production de l’énergie électrique aux Etats-Unis d’Amérique.

    Production en millions de kW heures
    1912192219261927
    17 57247 65973 79179 724

    On peut citer d’innombrables exemples prouvant que la courbe de développement de l’économie capitaliste marque un progrès déterminé aussi bien quantitatif que qualitatif.

    Voici quelques chiffres montrant la dynamique de l’accroissement de la production et du changement du rôle des divers métaux dans la production mondiale. En supposant la production totale de métaux en 1913 égale à 100 nous aurons pour l’année 1926 les chiffres suivants pour les divers métaux :

    Acier122
    Cuivre150
    Plomb107
    Aluminium310

    Aux Etats-Unis et en Allemagne, l’aluminium soutient une concurrence victorieuse avec les autres métaux dans l’industrie électrotechnique, dans les constructions de chemins de fer, de tramways, etc.

    Les chiffres illustrant la production de la soie artificielle sont encore plus significatifs. La production mondiale de soie artificielle s’exprime par les chiffres suivants (en milliers de kilogrammes) :

    Production d’avant-guerre11 000
    192130 000
    192584 000
    1927125 000

    En mettant le chiffre d’avant-guerre égal à 100, nous obtenons les chiffres suivants :

    1921173 %
    1925668 %
    19271 036 %

    En ce qui concerne les nouvelles inventions et leur influence sur la production, citons par exemple, la méthode de Bergius : la benzine synthétique obtenue par sa méthode constitue déjà en Allemagne 12 % de la benzine consommée.

    Dans plusieurs pays, ainsi en Allemagne et en Angleterre, on projette de nouvelles innovations techniques très importantes par leur conséquence économique : conduites de gaz à grande distance en Allemagne, électrification en Angleterre, etc…

    Il est facile de se rendre compte que ces succès techniques, même si nous les mettons entre guillemets, signifient indiscutablement un accroissement de là productivité du travail social. C’est ainsi que Guenther Stein écrit dans le Berliner Tageblatt qu’aux Etats-Unis, la production de l’industrie de transformation a augmenté de 25 % en comparaison de l’année 1923-24, tandis que le nombre d’ouvriers a diminué de plus de 5 %. Cela veut dire que le rendement l’un ouvrier a augmente d’environ 30 à 40 %.

    Le développement de l’industrie chimique acquiert une importance non seulement du point de vue économique général, mais aussi de deux points de vue que voici :

    1) du point de vue de la préparation de la guerre, l’industrie chimique étant une industrie de guerre de premier ordre

    et 2) du point de vue des modifications considérables possibles dans le domaine de la technique de l’agriculture. La production mondiale de produits chimiques s’élevait avant la guerre à 10 milliards de marks allemands ; en 1923-24, elle était de 18 milliards, l’indice des prix étant de 120. Vous voyez que la production de produits chimiques s’est considérablement accrue. Voici la progression de la consommation de produits azotés dans les pays capitalistes les plus importants :

    (en milliers de tonnes d’azote pur)

    Avant la guerreEn 1926
    Allemagne260430
    Anglet5461
    France79152
    Italie2254
    Etats-Unis167341

    Le développement des monopoles capitalistes, les tendances de capitalisme d’Etat et leur importance politique

    Je pense que ces chiffres n’ont pas besoin de commentaires, ils parlent d’eux-mêmes. Ces modifications techniques qui, dans certains pays et, en premier lieu aux Etats-Unis et en Allemagne, se rapprochent d’une véritable révolution technique, sont liés d’une façon déterminée à la trustisation de l’économie nationale, à la formation de consortiums bancaires énormes et, depuis la fin de la guerre à l’accroissement des tendances de capitalisme d’Etat sous les formes les plus diverses. J’indiquerai ici quelques exemples.

    Tout le monde connaît l’existence des trusts gigantesques, telle la société par actions de l’industrie des colorants en Allemagne et en d’autres pays. Je crois que tout le monde est au courant de la création du trust formidable de l’industrie chimique en Angleterre (le konzern Mond, d’où le fameux « mondisme » tire son origine) tous les camarades savent ce que c’est que la « Standard Oil » aux Etats- Unis.

    Nous vivons actuellement non seulement dans une époque de formation et de développement rapide d’organisations gigantesques du patronat au sein des pays capitalistes, mais aussi dans une période de création de trusts géants d’un caractère international. J’ai ici, devant moi toute une liste de ces trusts qu’il serait trop long d’énumérer tous.

    Il y a quelque temps, au congrès du P.C. de l’U.S., j’ai émis la thèse qu’actuellement s’opère un certain accroissement des tendances de capitalisme d’Etat, et cela non pas sous la forme du « capitalisme de guerre » (que les imposteurs réformistes de divers poils osaient appeler « socialisme de guerre » !) avec le système des cartes et les traits spécifiques déterminés par la guerre. C’est sous une forme nouvelle ou plutôt sous des formes nouvelles que se développe actuellement le processus de fusion, l’interpénétration de plus en plus marquée des trusts, des cartels, des consortiums bancaires avec les organes étatiques de la bourgeoisie capitaliste.

    Peu importe d’ailleurs la forme, l’enveloppe sous laquelle se développe ce processus : que ce soit l’Etat qui possède des entreprises industrielles et augmente son intervention dans la vie économique ou que ce soient les organisations économiques capitalistes qui entreprennent « par en bas », selon l’expression des libéraux. « la conquête de l’Etat ».

    Il est de toute-évidence que nous devons repousser énergiquement cette dernière thèse : la bourgeoisie impérialiste n’a pas à conquérir l’Etat puisque l’appareil gouvernemental est déjà entre ses mains. Il s’agit des formes d’organisation de la fusion des organes économiques de la bourgeoisie impérialiste avec ses organes gouvernementaux. Ainsi, la question de la forme de ce processus n’a qu’un caractère secondaire. Ici, je tiens seulement à constater et à souligner que ce processus est un fait certain. Nous l’observons en Italie, au Japon, aux Etats-Unis, en Allemagne, et sous des formes les plus variées.

    Mais le fait que ce processus existé est incontestable. Certains camarades avaient auparavant exprimé des doutes à ce sujet ; Mais depuis ont paru des études spéciales de camarades s’occupant de ce problème. J’ai particulièrement en vue les travaux des camarades Vurms et Lapinsky qui ont étudié cette question du point de vue tant de la structure du budget d’Etat que du développement de l’industrie étatisée et municipalisée ainsi que des rapports .entre les organisations patronales et gouvernementales de la bourgeoisie impérialiste.

    Toutes les données sur cette question dont nous disposons actuellement confirment l’existence d’une tendance de capitalisme d’Etat dans le développement actuel de l’économie impérialiste.

    Quels sont les résultats politiques de ce processus ? Nous pouvons le voir à l’exemple américain suivant : voici en effet ce qu’un nommé Théodore Knappen écrit dans un article publié dans le Magazin of Wall Street du 19 mai 1928 et intitulé : « Les qualités de businessmen des principaux candidats à la présidence » : Il n’est pas exagéré de dire qu’il (Hoover) se considère et qu’il est réellement le dirigeant du monde d’affaires américain. Il n’y eut encore jamais et nulle part une institution aussi étroitement liée au monde d’affaires que précisément le département de Hoover… Il respecte le grand capital (big business) et admire les big businessmen (capitalistes). Il est d’avis qu’une seule personne faisant une grande chose est meilleure qu’une dizaine de rêveurs savants qui parlent de ce qu’ils n’ont jamais tente de faire et qu’ils ne sauront jamais faire. Il est incontestable que Hoover, président, ne ressemblera à aucun de ses prédécesseurs. Il sera un businessman-président dynamique, tandis que Coolidge était un business-président statique. Il sera le premier business-président, en opposition aux présidents politiques que nous avons eus jusqu’à présent.

    Hoover, ainsi caractérise comme directeur général des trusts, constitue une expression politique du processus de fusion entre les organisations trustisées du capital et les organisations gouvernementales politiques de ce dernier.

    Les modifications de structure

    Dans cette circonstance, la question suivante s’impose : si tous ces faits correspondent à la réalité, que devient l’analyse de ce qu’on a coutume d’appeler « stabilisation du capitalisme » : Que deviennent nos thèses sur la stabilisation partielle, temporaire, sur la stabilisation avec toutes ses définitions et épithètes ?

    Que devient la question de la crise générale du système capitaliste mondial, puisque nous constatons nous-mêmes les succès dans le domaine de la technique, le développement des trusts et autres organisations du capital, puisque, en ce sens, nous constatons un renforcement considérable du capitalisme ? Que devient cette caractéristique spécifique de la stabilisation ? Je pense qu’il faut poser clairement cette question et y répondre avec non moins de netteté, autrement nous risquons de nous égarer dans un chaos idéologique.

    Je tiens à rappeler ici quelques souvenirs politiques, quelques renseignements se rapportant à cette question. Quelles furent, il y a quelques années, nos idées sur le processus du développement ultérieur ou de la décomposition ultérieure du système capitaliste ?

    J’envisage notamment la période de l’élaboration de notre premier projet de programme. Voici comment, à cette époque, nous formulions la thèse sur l’état du capitalisme : le système capitaliste est en voie de décomposition. Nous ne faisions aucune réserve à cette thèse. Notre idée sur l’avenir du capitalisme pouvait être représentée sous forme d’une courbe descendante continue.

    Mais déjà lors du second examen du projet, nous comprimes la nécessité d’y apporter quelques corrections. Déjà au Ve Congrès mondial, nos thèses sur l’Etat et l’avenir de l’économie capitaliste ont été formulées d’une façon quelque peu différente. Ensuite, nous avons commencé à employer le terme « stabilisation » avec diverses réserves : partielle, provisoire, etc.

    Maintenant, je pose la question suivante : quel sens ont actuellement ces définitions et ces réserves ? Ont-elles en général un sens quelconque ? Si elles en ont un, est-ce le même sens qu’auparavant ou est-il quelque peu différent ? A mon avis, ces définitions ont actuellement un sens quelque peu différent qu’auparavant.

    Je pense, en somme, qu’on peut définir notre position précédente de la façon suivante :

    On supposait qu’un certain accroissement de la production ne s’observait que dans tel ou tel pays, et encore à titre d’exception. Cet accroissement ne paraissait pas particulièrement caractéristique, on le considérait comme un phénomène secondaire « conditionnel », croyant que le lendemain déjà ou un avenir très proche apporterait un développement tout autre. En observant dans un pays quelconque une amélioration de la technique, un accroissement des forces productives, une bonne conjoncture, nous pensions que c’était là « un phénomène d’un jour », qu’on ne pouvait prendre au sérieux.

    On peut et il faut dire qu’à cette époque il y avait des raisons déterminées pour évaluer ainsi la situation. Mais cette évaluation de la stabilisation, de la stabilisation relative, ne correspond plus en de nombreux points à la situation présente.

    Voyons les différents pays.

    Les Etats-Unis d’Amérique progressent Que les prophéties au sujet d’une crise en Amérique soient justes, — cela n’est pas exclu, bien plus, cela est même très probable, — n’empêche que la ligne .générale du développement est l’accroissement de la production.

    C’est dans ce pays que, pour la première fois dans l’histoire mondiale, dans l’histoire du mouvement ouvrier, le « V » (le capital variable, la valeur de la force de travail), pour employer la terminologie de Marx, diminue non seulement en comparaison de « C » (le capital constant, valeur des moyens de production).- mais aussi en chiffres absolus. Le nombre d’ouvriers employés dans l’industrie diminue. Cela se produit pour la première fois sur une grande échelle dans l’histoire mondiale, dans l’histoire du mouvement ouvrier.

    Certains camarades diront peut-être que c’est là une appréciation pessimiste. Mais nous devons faire la distinction entre l’optimisme et la stupidité. Ce sont deux choses différentes. Si nous ne voulons pas être stupides, nous devons tenir compte des faits. C’est la première condition obligatoire pour toute tactique non stupide.

    Prenons un autre pays, l’Allemagne. Il y a quelque temps j’écrivis sur l’amélioration de la technique et sur l’accroissement des forces productives en Allemagne. L’anticommuniste « extrême-gauche » Maslow y trouva un prétexte pour m’injurier. Maintenant, il faut être aveugle pour ne pas voir que le capitalisme allemand se développe assez rapidement et que toutes ces conversations sur le néo-impérialisme, sur l’aspiration aux « mandats », la nostalgie des colonies, la construction de nouveaux cuirassés, etc., ne sont pas fortuites.

    Voyons la France. Chacun peut se rendre compte qu’il y a une grande différence entre la France d’avant-guerre et la France d’après-guerre, que la vieille France usurière a acquis des qualités nouvelles, qu’elle se transforme maintenant en un pays industriel très puissant.

    Et l’Angleterre ? L’Angleterre traverse une période de déclin ; ses forces sont affaiblies, la puissance de l’Empire suit une courbe descendante. Mais l’Angleterre aussi tend toutes ses forces. Sur certains secteurs, la bourgeoisie anglaise réussit à augmenter les forces productives, par exemple dans les brandies nouvelles de l’industrie.

    Si ces faits sont exacts, pouvons-nous dire qu’ils signifient la reconnaissance de la liquidation de la crise du capitalisme ? Ou bien signifient-ils autre chose ? Je voudrais poser la même question sous une forme politique encore plus nette : cette analyse concorde-t-elle avec l’analyse de la social-démocratie ?

    Je pense qu’il est très facile de comprendre la véritable situation. Voici la réponse juste : la crise générale du capitalisme continue, bien plus, elle se développe, bien que la forme de la crise soit actuellement différente. Auparavant, nous déterminions les symptômes les plus importants de la crise de la façon suivante : nous considérions les pays les uns après les autres et nous disions : dans tel pays, le capitalisme décline, dans le second et dans le troisième, on observe le même processus, dans un tel autre encore, le même processus se manifestera, bien qu’il ne se développe pas aussi vite.

    Comme tout dans le monde, notre idée de la crise avait sa racine dans les conditions économiques de cette époque. En Allemagne, c’était le comble de la désagrégation économique. Dans plusieurs autres pays, surtout en Europe Centrale, la situation était analogue. Les anciennes formules étaient basées sur des faits réels bien que quelque peu exagérés. Maintenant, l’ancienne forme de la crise a cédé la place à une autre forme ; c est là toute la question.

    Il ne faut pas se figurer que la crise générale du capitalisme et du système capitaliste c’est la ruine du capitalisme dans presque tous les pays, ou dans la majeure partie des pays. La situation est différente.

    La crise du capitalisme consiste dans le fait que nous avons actuellement, à la suite de la phase précédente de guerre et d’après-guerre, des modifications radicales de structure dans toute l’économie mondiale, des modifications qui aggravent énormément et inévitablement toute contradiction dans le système, capitaliste et qui, finalement, le conduisent à sa perte.

    Prenons par exemple un fait comme l’existence de l’U.R.S.S. Que signifie-t-il ? Ce fait est, premièrement, le résultat de la crise d’après-guerre du capitalisme, et, deuxièmement, il est l’expression de cet autre fait, à savoir que la crise continue. En effet, il existe et se développe un fort corps étranger, antagoniste en principe, au sein du système économique mondial du capitalisme. Oui, un corps étranger. N’est-ce pas là une modification radicale de structure dans l’économie mondiale ?

    Les modifications dans la disposition des forces

    J’ai déjà noté le fait du déplacement de la situation révolutionnaire immédiate vers l’Orient, vers la .périphérie coloniale, en général. Cela aussi est un résultat de la crise d’après-guerre. Car les chocs révolutionnaires puissants sur cette périphérie du capitalisme ne sont-ils pas une expression d’une crise profonde ?

    Ensuite, que signifie ce que nous appelons la disproportion entre les Etats-Unis et l’Europe qui s’efforce de se soustraire à l’hégémonie de l’Amérique ? Elle traduit aussi une modification de structure dans tout le système économique mondial.

    Enfin, le rétrécissement des marchés dans les pays capitalistes, la ruine et la paupérisation des colonies posent la question des rapports entre la production et la consommation d’une façon différente qui est loin d’être la même que dans les conditions du capitalisme « normal ». La situation découle du fait que tout le développement ultérieur du système capitaliste ne peut s’opérer, que dans les formes créées par les périodes critiques passées,

    Le capitalisme ne peut pas se développer de la même façon que si l’U.R.S.S. n’existait pas. Il ne peut pas se développer comme il l’aurait fait si la révolution chinoise n’avait pas eu lieu, si la disproportion entre les Etats-Unis et l’Europe était inexistante, s’il n’y avait pas de rétrécissement des marchés, etc.

    Ces modifications de structure ont une importance énorme pour tout le développement du système capitaliste et pour l’évaluation des perspectives. Prenons par exemple le développement de toutes les contradictions inhérentes au capitalisme : la lutte pour les marchés, l’accroissement de l’appareil de production dépassant l’augmentation de la capacité d’achat ainsi que toutes les autres contradictions bien connues. En présence des modifications de structure que nous avons notées, je vous demande la conclusion que nous pouvons en tirer.

    A mon avis, la réponse suivante s’impose : si les colonies sont dans l’effervescence, si la lutte de classe s’y développe d’une façon très intense, cela veut dire que les contradictions internes du système capitalise s’aggravent en général.

    Si l’on considérait la révolution chinoise comme un détail insignifiant, ainsi que le font les social-démocrates, il n’y aurait naturellement aucune crise grave du capitalisme.

    Si l’U.R.S.S. n’existait pas, il n’y aurait pas, encore une fois, de crise du capitalisme. Si les social-démocrates vont jusqu’à prétendre que la phase actuelle du capitalisme n’engendre nullement la guerre, que Marx est devenu suranné pour avoir proclamé la thèse que les guerres sont inhérentes au développement du capitalisme, — en ce cas, il est naturel que les social-démocrates voient toute la situation en rose et considèrent qu’il n’y a pas de crise ! Mais, si tout cela existe, — et cela existe ! — la question se pose d’une façon différente et, naturellement, la réponse sera aussi toute autre.

    Si nous disons : la stabilisation se décompose, je demande : comment peut-on tirer une telle conclusion ? Ce n’est pas parce que dans tel ou tel pays ou même dans un troisième le capitalisme se trouve à l’état de krach immédiat, mais parce que, dans la situation actuelle, le développement se fait dans le cadre créé par la phase précédente qui, à son tour, aggrave extrêmement toutes les contradictions.

    Et c’est précisément cet approfondissement des contradictions qui conduit au grand krach, à la grande catastrophe. Voilà pourquoi le capitalisme est instable, voilà, pourquoi sa stabilisation ne peut être que relative .Voilà pourquoi la crise du capitalisme n’a pas disparu, est dans un état latent.

    Mais elle se développe d’une façon de plus en plus menaçante. Il faut la considérer non pas sous l’angle d’un pays isolé quelconque, mais sous l’angle de l’ensemble de tous les pays liés les uns aux autres, dans les cadres de l’économie mondiale. Dans cette circonstance, il est nécessaire de tenir compte des rapports entre les impérialistes, entre le capitalisme et les colonies, entre les « capitalistes » divers et l’U.R.S.S., etc.

    Les contradictions du capitalisme se développent sous la forme la plus aiguë

    Ce n’est qu’ainsi que l’on peut poser clairement la question de la stabilisation. Plusieurs pays capitalistes se développent. Mais ce développement s’opère dans les formes créées par la crise de guerre, dans des conditions de l’existence de l’U.R.S.S., des révolutions en Orient, etc… Les contradictions internes s’aggravent de plus en plus. La stabilisation se décompose réellement.

    Ce n’est pas que le capitalisme soit de plus en plus en déclin dans tous les pays, mais c’est que les modifications de structure de l’économie mondiale créent une nouvelle situation et conduisent fatalement à l’écroulement de tout le système.

    Naturellement, ces contradictions sont liées aux contradictions internes qui existent dans divers pays, au développement et à l’aggravation de la lutte de classes, à l’accroissement des éléments dune situation révolutionnaire. Mais ce processus n’est pas actuellement en fonction du processus de désagrégation économique directe dans ces pays, mais du processus de développement des contradictions de la stabilisation aggravées considérablement par le cadre général de la crise capitaliste.

    Je n’ai parlé que d’une façon superficielle de quelques-unes des modifications de structure de l’économie mondiale. Permettez- moi de faire quelques remarques sur la façon dont sont traités les phénomènes de crises dans le camp de nos adversaires.

    A cette occasion, je toucherai aussi ce qu’on appelle le « problème allemand » qui, sous un certain angle, n’est autre chose que le problème des rapports entre les Etats-Unis et l’Europe. Je prends l’article d’un économiste anglais bien connu, Paish, publié dans le numéro 4 du Zeitschrift für Geo-Politik. Paish pose la question de la façon suivante : Actuellement, les pays débiteurs du monde entier ne sont pas en état d’écouler leurs marchandises dans la mesure qui serait nécessaire pour qu’ils puissent faire face à leurs engagements et pour qu’ils puissent eu même temps acheter avec l’argent réalisé par la vente des marchandises, tout ce qui leur est nécessaire pour satisfaire à leurs besoins vitaux. C’est pourquoi ils continuent à contracter, tout comme auparavant, des emprunts considérables à l’étranger. Mais les pays créditeurs ne peuvent pas accorder de nouveaux crédits dans une mesure aussi considérable qu’au cours des dernières années. S’il n’y a pas d’amélioration dans un avenir prochain, ce sera bientôt la débâcle du système tout entier…

    Et plus loin : Ainsi, la débâcle du système de crédit mondial devient un danger imminent. (Souligné par l’auteur.) Cette débâcle est même inévitable si l’on ne prend pas immédiatement des mesures permettant aux pays débiteurs de faire face à leurs engagements par l’écoulement de leurs marchandises et non pas à laide de nouveaux crédits. Les symptômes de crises sont nombreux : les marchés ou les marchandises sont eu surabondance, l’augmentation du chômage aux Etats-Unis et l’importance énorme des opérations de crédits dans les pays industriels les plus importants et, avant tout, en Allemagne.

    Je doute quelque peu que l’auteur ait raison en prophétisant la catastrophe sur tout le front. Il y a, dans cet article, d’autres intérêts en jeu, et il n’est pas difficile de saisir quels sont ces intérêts. Néanmoins, il y a des raisons autorisant des affirmations de ce genre.

    Mais il ne faut pas oublier que ce « problème allemand » n’est qu’un problème partiel se greffant sur la base des formes de crises de l’économie mondiale. Nous observons actuellement de nombreux antagonismes des plus aigus. Ces derniers se développent dans divers sens : Amérique-Grande-Bretagne, Allemagne-France, Italie-France, etc… Toutes ces anomalies du point de vue de la tranquillité et de l’ordre au sein du système capitaliste se manifestent parce qu’après la guerre s’était créé un état de choses tel que la puissance économique de certains Etats ne correspond plus à l’étendue de leurs possessions coloniales.

    Prenons comme exemple les Etats-Unis d’une part, et l’Angleterre d’autre part. Nous observons un fort développement du colonialisme anglais, tandis que les Etats-Unis n’ont pas été jusqu’à présent une grande puissance coloniale. Mais malgré son monopole colonial formidable, l’Angleterre traverse une période de déclin. La même disproportion reste vraie pour d’autres pays.

    Prenons l’Allemagne actuelle. Du point de vue économique et technique, c’est un pays de premier ordre, cependant elle n’a ni colonies, ni mandats, ni protectorats. On peut également comparer l’Italie à l’Espagne, etc.

    Ces contradictions étant liées à l’accroissement des forces productives et, étant donné que la lutte pour les sphères d’investissement de capitaux s’aggrave de plus en plus, il ne peut en découler autre chose que la « résurrection » terrible du problème impérialiste, du problème d’un nouveau partage du monde, des colonies ou d’autres régions.

    Et cela, c’est la guerre ! De toute l’analyse de l’économie mondiale actuelle, des rapports spécifiques inter-impérialistes et de la crise capitaliste générale, se dégage le fait que la guerre est le problème central d’aujourd’hui.

    Voilà pourquoi il nous faut absolument poser cette, question tant du point de vue tactique que politique. Que messieurs les social-démocrates disent que la guerre est notre programme ! Quelle bêtise impudente ! Ce n’est même pas un mensonge, mais, de la bêtise pure et simple ! Ce problème est objectivement le problème central.

    Et notre tâche collective est de résoudre ce problème non pas d’une façon impérialiste, mais d’une façon prolétarienne, non pas en soutenant la guerre impérialiste, mais en la transformant en une guerre civile du prolétariat contre la bourgeoisie !

    Les antagonismes entre les Etats

    Il est tout à fait compréhensible que la manière du développement économique détermine et cristallise les rapports respectifs entre les Etats.

    En analysant le complexe général des rapports politiques entre les puissances capitalistes, on remarque immédiatement les antagonismes les plus importants entre les divers groupements d’Etats : l’antagonisme entre les pays capitalistes et les colonies et surtout la Chine : l’antagonisme entre les pays capitalistes et l’U.R.S.S. et l’antagonisme entre l’Europe (surtout entre la Grande-Bretagne) et les Etats-Unis d’Amérique.

    En ce qui concerne les rapports spécifiquement européens, ils dépendent dans une mesure considérable du changement de la situation de l’Allemagne et de la renaissance de l’impérialisme germanique.

    J’ai déjà indiqué la disproportion considérable entre la puissance économique et politique grandissante des Etats-Unis et l’étendue relativement insignifiante de leurs possessions coloniales. Cette contradiction trouve son expression dans le caractère de plus en plus agressif des Etats-Unis d’Amérique.

    Le mot d’ordre de la pénétration pacifique cède de plus en plus la place à celui de l’occupation politique et militaire. Les événements de Nicaragua traduisent nettement ce déplacement dans la politique des Etats-Unis d’Amérique. Contrairement à toutes les manifestations libérales la position des Etats-Unis en Chine n’est pas loin, en fait, de l’occupation militaire.

    La politique agressive des Etats-Unis se heurte à la résistance de la Grande-Bretagne, son rival. L’antagonisme anglo-américain est actuellement l’axe de tous les antagonismes qui existent entre les Etats capitalistes.

    C’est dans les sphères les plus diverses que les Etats-Unis sont aux prises, avec la Grande-Bretagne. Dans le conflit du caoutchouc, l’Angleterre a essuyé une défaite et a été obligée de conclure un traité favorable à l’Amérique. L’Angleterre fut également battue dans la lutte pour le pétrole. Actuellement, nous nous trouvons à la veille d’un conflit entre ces deux pays pour le coton.

    Je pense ici aux projets du capital nord- américain visant l’Afrique, l’Abyssinie, et l’Egypte. Les Etats- Unis d’Amérique étendent même leurs tentacules jusqu’à l’Inde.

    Sur le continent sud-américain, les Etats-Unis se sont déjà emparés économiquement du nord de l’Amérique latine. Actuellement, ils commencent aussi, avec assez de succès, à concurrencer l’Angleterre dans les parties méridionales de l’Amérique latine.

    Je répète et je souligne que le conflit, entre les Etats-Unis et l’Angleterre est l’axe de tous les antagonismes existant dans le secteur capitaliste de l’économie mondiale.

    La renaissance de l’impérialisme germanique et la crise du traité de Versailles

    En Allemagne, et c’est très important du point de vue des rapports européens spécifiques, se produit une « renaissance » d’un genre particulier, la renaissance de l’impérialisme allemand. .Qu’est-ce que cela signifie ? L’Allemagne n’a pas encore d’armée, de marine de guerre, mais sa situation a considérablement changé. L’Allemagne a été battue. Le capital monopoliste allemand a été rudement malmené au cours du « jeu de guerre ».

    Au point de vue politique aussi bien qu’au point de vue national, l’Allemagne était humiliée ; mais, grâce aux crédits et, en premier lieu, aux crédits américains, le capitalisme allemand a amélioré ses affaires. La technique du capital allemand, ou plutôt la dynamique du progrès technique en Allemagne, constitue un record pour l’Europe et, sur certains secteurs économiques, il bat le record à l’échelle mondiale.

    Quant à la réorganisation économique, le processus de trustisation a pris en Allemagne des formes classiques. Les trusts géants, la fusion de ces trusts à l’échelle internationale, les fortes positions du capital allemand sur le marché mondial, les prix relativement bon marché des marchandises et l’accroissement de la capacité de concurrence du capitalisme et de l’industrie allemande: tous ces facteurs ne font l’objet d’aucun doute.

    Il est tout à fait compréhensible que la base économique de plus en plus forte trouve aussi son expression politique : effectivement, le traité de paix de Versailles est déjà annulé en partie. La position politique du capitalisme allemand est considérablement plus forte comparativement à ce qu’elle était il y a quelques années ; dans le concert des puissances européennes, l’Allemagne joue actuellement un rôle assez considérable et dans certaines questions même un rôle prépondérant.

    Il n’est pas difficile de comprendre que ce développement, ou plutôt l’orientation de tout le développement de l’Allemagne, est équivalent à l’accroissement des prétentions du capital monopoliste allemand dans le domaine de la politique extérieure. La course aux « mandats », aux protectorats et aux colonies est devenue une mode politique en Allemagne ; cependant, ce n’est pas seulement une « mode », mais quelque chose de plus sérieux.

    Cette « mode » n’est pas sans perspectives réelles, car dans le jeu des divers antagonismes et des diverses forces, dans l’ensemble des rapports entre la France et l’Italie, la France et l’Angleterre, la France et l’Allemagne, l’Allemagne et la Pologne, etc., dans cet ensemble de rapports entre les Etats européens, l’Allemagne est d’un côté le sujet et d’autre part, l’objet et, dans certaines circonstances, plusieurs Etats peuvent soutenir l’Allemagne et la soutiendront.

    C’est à cette orientation du développement du capitalisme allemand qu’est lié le phénomène qu’on appelle l’« orientation occidentale » du capitalisme allemand. Il y a quelques années, Allemagne se trouvait sous la menace du capital de l’Entente. Les armes françaises étaient braquées sur elle. Privé de ses positions fortifiées, le capital allemand ne voyait, pendant un certain temps, qu’une seule issue, celle d’un bloc avec l’UR.S.S. Cela s’est exprimé par le traité de Rapallo et par la politique extérieure allemande de cette période.

    Actuellement, la situation a changé. A mesure que s’accroît le capital monopoliste, s’accroissent également les prétentions coloniales de l’Allemagne et se cristallise de plus en plus l’orientation occidentale du capital allemand.

    Dans notre analyse, il ne faut évidemment pas trop simplifier la situation existante : cette tendance fondamentale du développement du capital allemand n’exclut nullement diverses manœuvres de l’Allemagne sur l’échiquier politique en vue de profiter le plus possible de sa situation intermédiaire entre les puissances occidentales et l’U.R.S.S. Tout cela est indiscutable. Mais ces manœuvres ne détruisent pas la tendance fondamentale du développement du capitalisme allemand qui se laissera volontiers « violer » et qui se dressera, de concert avec ses collègues, contre l’U.R.S.S.

    Le changement successif des rapports entre les puissances et la lutte contre l’U.R.S.S.

    La crise du capitalisme se manifeste aussi dans le changement successif et bigarré des rapports entre les Etats. Aucun bloc n’est solide et de longue durée ; bien au contraire, aux yeux de tous se produit un regroupement continu des forces.

    Mais à travers tous ces regroupements, à travers tous ces changements et toutes ces constellations des puissances capitalistes européennes, perce, tel un fil rouge, la tendance fondamentale — la concentration des forces contre l’U.R.S.S. C’est à plusieurs reprises que nous avons déjà touché ce sujet. Je ne m’arrêterai donc pas aux détails de la question des divers blocs de la Petite Entente, des accords entre les divers Etats limitrophes de l’U.R.S.S. et les grandes puissances, etc… Même les bébés connaissent actuellement tous ces faits.

    Si l’analyse de la base économique que j’ai donné dans la première partie de mon rapport est exacte, il est tout à fait compréhensible que ces rapports entre les Etats constituent une expression politique de la préparation de la guerre contre l’U.R.S.S. Il va de soi que nous devons fixer notre tactique en tenant compte de cet état de choses.

    Sous le signe des préparatifs de guerre

    Les processus intérieurs se déroulent dans les pays capitalistes les plus importants sous le même signe de la préparation à la guerre. Ces processus sont en contradiction flagrante avec les bavardages de la social-démocratie sur le pacifisme, sur l’ère « super-impérialiste » etc. Personne n’ignore les faits relatifs à l’accroissement des armements, à la promulgation de nouvelles lois dans le genre de la loi Paul-Boncour en France, aux préparatifs fiévreux de la bourgeoisie en vue de maintenir « la tranquillité et l’ordre » dans la pays en cas de guerre.

    C’est à cette dernière catégorie de phénomènes qu’appartiennent le fameux bill dirigé contre les syndicats en Angleterre, la « Charte du Travail » promulguée par Mussolini, la terreur incroyable sévissant dans plusieurs pays, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, dans les Balkans, en Italie, etc., les vastes projets de corruption de certaines couches de la paysannerie, la « paix industrielle », le « mondisme », les méthodes américaines de corruption du prolétariat, mesures réalisées d’une part à l’aide du fascisme et, d’autre part, à l’aide des Partis social-démocrates.

    En connexion avec tout cela s’opère aussi une certaine modification dans l’organisation dit pouvoir d’Etat. J’ai déjà parlé de la tendance du capitalisme d’Etat, de la tendance de fusion immédiate des organisations patronales avec les organes du pouvoir d’Etat de la bourgeoisie.

    Cette tendance a non seulement une importance économique mais aussi une importance politique générale : elle a une importance énorme aussi du point de vue de la préparation à la guerre. Ce serait erroné que d’affirmer que la bourgeoisie tend sciemment à la fusion des organisations du patronat avec les organes de l’Etat capitaliste parce qu’elle y voit un moyen pour préparer la guerre.

    Ce processus a un caractère plus spontané, mais, objectivement, Il est certain que cette évolution du pouvoir d’Etat et l’accroissement des tendances du capitalisme d’Etat servent à la préparation de la guerre. Au cours de la première guerre mondiale, nous avons déjà vécu la phase du capitalisme d’Etat, teint de tons particuliers. Dans le langage des savants allemands, cela s’appelait « l’économie forcée ». La raison essentielle de cette réglementation était la baisse considérable des forces productives et la tendance de régler d’une façon rationnelle la consommation dans les conditions de la « forteresse assiégée ».

    Plus tard, tout cela fut aboli. Actuellement, les tendances du capitalisme d’Etat se développent sur une base nouvelle, sur la base de l’accroissement des forces productives du capitalisme, sur la base de la centralisation du capital et sans les normes spécifiques de contrainte. Il n’y a aucun doute qu’en cas de nouvelle guerre, les tendances du capitalisme d’Etat seront de nouveau utilisées tout le long de la guerre en vue de mobiliser l’ensemble de l’économie nationale pour les besoins de la guerre.

    Cette évolution de la forme d’organisation du pouvoir d’Etat, cette forte centralisation des organisations politiques et économiques de la bourgeoisie a une très grande importance pour tout le développement ultérieur. Ces phénomènes sont aussi d’une très grande portée du point de vue de la lutte de classes actuelle du prolétariat.

    Mais tous n’ont pas encore suffisamment compris que le prolétariat a actuellement affaire non seulement à différents patrons ou même à différents trusts, mais à toute l’organisation de la bourgeoisie impérialiste, en tant que classe, et que c’est pour cette raison que la situation du prolétariat est aussi difficile et aussi compliquée dans chaque combat économique.

    Etant donné que le prolétariat a affaire directement aux grands trusts et cartels fusionnés avec- l’appareil d’Etat de la bourgeoisie, chaque grève tend à se transformer en grève politique, chaque conflit partiel a tendance à se transformer en une lutte d’envergure de la classe ouvrière. Je reviendrai encore d’ailleurs à cette question.

    Je passe maintenant au problème de la situation des classes dans les plus importants pays européen et, en premier lieu, dans les Etats-Unis d’Amérique.

    II. Les processus politiques intérieurs dans les pays bourgeois

    Aggravation des contradictions intérieures

    Lors de l’analyse de la situation, j’ai indiqué que sa relativité se manifeste dans les conflits entre Etats par des menaces de guerre, par l’antagonisme entre les pays impérialistes et les pays coloniaux, par l’antagonisme entre le monde impérialiste et l’U.R.S.S.

    Cependant, cet état de choses ne signifie nullement que les contradictions intérieures ne s’aggravent pas dans chaque pays. Les contradictions intérieures dans les pays capitalistes s’aggravent, doivent fatalement s’aggraver. Cependant, le caractère de ces contradictions s’est modifié. Ces contradictions; propres à chaque société capitaliste se sont aggravées maintenant, en vertu de causes spécifiques qui enveniment considérablement la lutte de classes. La perspective de la stabilisation partielle et temporaire implique la guerre.

    Le processus de la stabilisation se répercute sur la situation des grands pays capitalistes d’une façon variée. La stabilisation partielle est un double processus. D’une part, il se produit une certaine, consolidation technique et économique du capitalisme et, d’autre part, — ce qui ne doit pas être oublié un seul instant, — les contradictions s’accroissent, la lutte de classes s’accentue, le chômage augmente.

    Les Etats-Unis d’Amérique peuvent servir ici d’exemple classique. Le développement du capitalisme s’y effectue à un rythme des plus rapides et les forces productives s’y accroissent tandis que le chômage est organiquement lié à l’accroissement des forces productives. Il est donc absolument évident que ceci produit une aggravation de la lutte de classe aux Etats-Unis.

    Quatre millions de chômeurs, ce n’est pas un chiffre insignifiant. Le chômage se répercute aussi dans les autres couches du prolétariat. C’est le fardeau du capitalisme. Mais en même temps la stabilisation permet d’améliorer la situation de certaines couches du prolétariat. En conséquence, nous devons analyser les rapports sociaux existant au sein du prolétariat. Je pose ici sous une forme générale le problème de la social-démocratie.

    Nous disions et disons encore que la social-démocratie, l’opportunisme, ont fait faillite. Ceci est très juste. Cependant, la maudite social-démocratie existe encore. Dans certains pays elle augmente numériquement et prend de l’importance. L’I.C. a obtenu en Allemagne de grands succès, en particulier après les défaites passées.

    Cependant, la social-démocratie a obtenu 9 millions de voix aux élections. C’est un chiffre important. Dans la période actuelle de notre développement et de notre lutte, nous devons soulever la question : quelles sont les racines de ce fait ?

    Les causes de la vitalité de la social-démocratie

    D’habitude, nous posons le problème des racines de l’opportunisme en connexion avec la question des colonies, des surprofits tirés des colonies par les capitalistes, profits qui permettent à la bourgeoisie de corrompre les couches supérieures de la classe ouvrière.

    L’Allemagne ne possède pas de colonies. Quelle est donc la raison de ce renforcement de la social-démocratie allemande ou, du moins, de la solidité de ses positions ? Pourquoi cette social-démocratie perfide ne disparaît-elle pas de la scène, pourquoi possède-t-elle une telle capacité de manœuvre ? On ne peut expliquer ceci par la perfidie, le savoir. Ce n’est pas cela qui a ici une importance décisive, ce n’est pas cela qui détermine tout le reste. La vitalité de la social-démocratie se trouve en étroite liaison avec le processus de la stabilisation.

    Le côté économique en est très complexe. Jusqu’à présent, nous parlions des surprofits tirés directement des colonies par tel ou tel Etat. Or, les Etats-Unis ne possèdent pas beaucoup de colonies. Réalisent-ils quand même des surprofits ? Oui.

    Je ne puis m’arrêter en détail sur ce point. Je rappellerai que Marx a déjà fait l’analyse de différents cas où un pays à grande industrie, ayant une importance primordiale dans l’économie mondiale, réalise un profit différenciel grâce à la supériorité de sa technique. Or, ces derniers temps, ces surprofits du capitalisme jouent un rôle considérable.

    Par conséquent, la base économique du réformisme n’est pas seulement les surprofits tirés directement des colonies, mais aussi les surprofits provenant du commerce mondial en général, de l’exportation de capitaux, non seulement dans les « propres » colonies du pays exportateur, mais dans les colonies en général, etc.

    Prenons les Etats-Unis. Ceux-ci réalisent d’énormes surprofits grâce à la situation monopoliste du capitalisme américain, quoiqu’ils ne possèdent pas de grandes colonies.

    L’Angleterre présente une courbe descendante de développement, mais son monopole colonial n’est pas encore disparu. La base de l’impérialisme britannique se rétrécit, mais subsiste. Dans la métropole, il se produit un processus de radicalisation du prolétariat L’influence du Parti communiste s’accroît, etc. Mais la fin de la domination monopoliste de l’impérialisme britannique n’arrive pas aussi rapidement que nous l’escomptions auparavant. Le monopole colonial du royaume britannique; offre encore une base assez vaste au réformisme anglais.

    J’ai déjà parlé de l’Allemagne.

    Pour se rendre compte de ce qui fait la force .de la social-démocratie, il est nécessaire d’étudier encore d’autres facteurs très importants. Parmi ceux-ci, il faut considérer les changements de politique intérieure dans différents pays. Les cadres assez nombreux des anciens fonctionnaires social-démocrates ou syndicaux deviennent dorénavant des fonctionnaires d’Etat, des municipalités, des employés des organisations patronales.

    Des changements importants ont lieu dans ce domaine.. Ceux-ci s’observent dans de nombreux pays, et, en premier lieu, en Allemagne. Les tendances de fusion des organisations ouvrières réformistes avec les organisations patronales et les organes étatiques de la bourgeoisie impérialiste, reviennent en pratique à la transformation partielle de la bureaucratie syndicale et de celle du Parti en cadres de fonctionnaires d’Etat et d’employés des organisations patronales. C’est là une des méthodes originales de corruption de la part de la bourgeoisie.

    Le fascisme et la social-démocratie

    Dans les Etats fascistes se déroule à peu près le même processus. Prenons par exemple un Etat comme la Pologne avec l’organisation militaire des « Streletz » de Pilsudski. C’est une organisation « volontaire ». Officiellement, cela va de soi, l’organisation est composée de volontaires et, néanmoins, c’est une organisation semi-étatique. Compte-t-elle des ouvriers du P.S.P ? Oui. Voire même en grand nombre. Ils constituent une couche spéciale dans la structure de l’Etat.

    Ainsi, en général, les causes essentielles de la solidité des Partis social-démocrates consistent dans les facteurs économiques, et politiques que j’ai ébauchés. Il va de soi que, dans cette question, la capacité de manœuvre des Partis social-démocrates joue aussi un rôle, de même qu’une certaine expérience et habileté dans les intrigues politiques, etc.

    Tout ceci joue un rôle très important. Mais ou peut expliquer la situation exclusivement par ceci. On peut dire que le processus de stabilisation crée, d’une part, un soutien économique pour la social-démocratie. D’autre part, les contradictions de la stabilisation engendrent un terrain favorable au développement des Partis communistes. Grâce à ce fait, on observe fréquemment un accroissement parallèle de l’influence des communistes et de la social-démocratie. Bien entendu, ici jouent encore d’autres causes qu’on ne peut ignorer.

    Prenons par exemple, les regroupements sociaux dans les couches influencées par la social-démocratie. La social-démocratie s’accroît parfois en gagnant de larges couches de la petite-bourgeoisie. Aux élections, la social-démocratie se développe au détriment des Partis bourgeois en gagnant les suffrages de la petite-bourgeoisie.

    Mais il ne faut pas oublier que dans différents pays, y compris l’Allemagne et la France, nous n’avons gagné jusqu’à présent que des cadres encore très insuffisants, même dans les grandes entreprises, parmi les ouvriers des trusts importants où la social-démocratie est encore forte.

    Accentuation de la lutte de classes

    Les contradictions intérieures de la stabilisation dans chaque pays capitaliste enveniment la lutte de classes. Or, étant donné les changements survenus dans la structure organique de l’Etat et du capitalisme contemporains, ces contradictions internes transforment toute grève plus ou moins importante, en un événement politique de première importance.

    Ainsi en fut-il avec la grève anglaise, avec celle des métallurgistes en Allemagne, ainsi en sera-t-il à l’avenir. La transformation d’une grève économique en grève politique est déterminée par ces particularités : par la trustisation du capital, par la fusion des organisations patronales avec l’Etat.

    Ainsi se développent les contradictions internes dans chaque pays capitaliste. Elles ont pour résultat d’intensifier la lutte des classes, d’étendre l’influence communiste.

    On peut illustrer et prouver ceci par de nombreux faits. Je veux parler de la vague de grèves dans différents pays, en France, en Tchécoslovaquie, en Allemagne; de la radicalisation du prolétariat, de sympathie grandissante envers l’U.R.S.S., de la décomposition des partis bourgeois que le prolétariat suivait auparavant (le Parti du centre, en Allemagne, les organisations catholiques en Italie, etc.

    Les résultats des élections en France, en Allemagne, sont également une expression de l’accentuation de la lutte de classes. Le processus de stabilisation est plein de contradictions, c’est pourquoi nous nous développons également. Si ce n’est pas toujours numériquement, nous étendons du moins notre influence politique.

    L’année dernière, encore, dans son rapport au Congrès de la social-démocratie allemande, Hilferding prophétisait :« Camarades, c’est la fin des communistes. Je comprends parfaitement que des gens qui, pendant plusieurs années, ont étés victimes de ce maudit chômage, je comprends que des gens poussés au désespoir, par la perte de leurs biens, dans la période d’inflation, que des gens désillusionnés en tout et qui n’ont gardé foi qu’en la violence, peuvent, en vertu d’un état d’esprit versatile, donner leur bulletin électoral aux communistes. Mais ceci n’a aucune importance pour le mouvement politique du Parti communiste. Sa fin est proche. » (Rires.)

    En réalité, il n’en est pas ainsi. Les partis communistes se développent sans arrêt. Les élections en Allemagne en sont un témoignage vivant. Là, le Parti a remporté 3 ¼ millions de voix. Il est regrettable que M. Hilferding se soit trompé à ce point là !

    Les élections en France sont également un témoignage de ce fait, si on les considère non pas au point de vue hybride des social-démocrates qui mesurent leur influence par le nombre des mandats obtenus au Parlement. Notre influence politique s’accroît parallèlement à la croissance des contradictions de la stabilisation capitaliste. Mais parallèlement se développe parfois l’influence de la social-démocratie et aussi la social-démocratie elle-même.

    Dans le courant de ces dernières années, la social-démocratie a accompli une profonde évolution. Ce serait une erreur de la considérer comme étant encore ce qu’elle était en 1914. La social-démocratie du 4 août 1914 n’était que l’embryon de la social-démocratie contemporaine.

    L’idéologie actuelle de la social-démocratie a perdu les restes de ses phrases quasi-marxistes. La social-démocratie se nourrit maintenant de la bimbeloterie de Macdonald. Ce faisant, les leaders social-démocrates s’efforcent de préparer ce plat d’une façon aussi appétissante que possible.

    Le visage césarien de la social-démocratie

    Ces jours-ci, le camarade Riazanov a publié dans l’organe central de notre Parti, la Pravda, la correspondance de Lassalle avec Bismarck. A présent, on sait parfaitement ce que fut la ligne politique de Lassalle. Dans sa lettre à Bismarck, Ferdinand Lassalle dit qu’il serait bien de fonder une monarchie sociale avec la « couronne » en tête.

    Ceci rapprocha Lassalle de Bismarck et l’incita à entreprendre une intrigue politique. Néanmoins, la social-démocratie lance le mot d’ordre : « Retour à Lassalle ». Le sens de ce désir instinctif de revenir à Lassalle nous est parfaitement évident à présent. Ceci représente en quelque sorte, la base idéologique pour un rapprochement entre les idéologues à la Noske et ceux des fascistes italiens.

    Le « césarisme social » avec la dynastie en tête, est une idéologie convenant beaucoup à la social-démocratie actuelle. En août 1914, la social-démocratie a trahi le marxisme, en prenant la défense de la patrie capitaliste. De notre temps, la social-démocratie est une force active qui construit consciemment la société capitaliste. Cette politique intérieure de la social-démocratie est entièrement conforme à sa politique extérieure.

    A présent, elle ne défend pas seulement la patrie capitaliste, mais elle est aussi, au point de vue capitaliste, l’expression la plus vive des aspirations agressives de sa patrie. Je vous demande est-ce qu’il n’y a pas actuellement des social-démocrates qui exigent des colonies pour leur pays ? Ils sont nombreux, et ils soulèvent cette revendication tout à fait ouvertement.

    L’histoire de la social-démocratie allemande nous rappelle l’affaire Hildebrand : le Congrès de Chemnitz l’exclut du Parti pour avoir exprimé de pareilles idées dans son livre. Mais aujourd’hui, les membres les plus en vue de la social-démocratie prêchent ouvertement l’idée coloniale. Ce n’est ni l’effet du hasard, ni une exception.

    Prenons par exemple la dernière résolution de la IIe Internationale sur la question coloniale. Il est possible que ce soit Bauer qui l’ait rédigée, lui donnant une nuance de quasi-marxisme. Nous trouvons dans cette résolution les subdivisions suivantes : certaines colonies doivent recevoir l’autonomie, d’autres doivent être laissées sous le protectorat, d’autres encore sont à un tel degré de leur développement qu’il est nécessaire d’y maintenir le statu quo.

    C’est donc, autant que je le sache, la même chose qui est dite dans les documents de la S.D.N. Il s’ensuit qu’il n’existe aucune différence entre ces quasi-socialistes et les aventuriers du camp de la bourgeoisie impérialiste.

    Ou bien, prenons par exemple la question de la guerre, de l’attitude envers la S.D.N., de l’attitude envers l’U.R.S.S. Comparez M. Kautsky de 1914 avec le Kautsky actuel : à présent c’est un tout autre homme qui manifeste des aspirations nettement contre-révolutionnaires.

    L’activité anti-soviétique de la social-démocratie

    Tous les communistes doivent comprendre que dans les prochaines guerres, le rôle de la social-démocratie dépassera toutes nos prévisions par son ignominie. Bien entendu, il faut distinguer entre le sommet de la social-démocratie et le prolétariat social-démocrate, dans les rangs duquel on observe de sérieuses crises, des scissions, des effervescences, des regroupements, etc.

    Mais la clique qui est à la tête agira de concert avec les grands criminels du camp impérialiste. Il ne subsiste aucun doute à ce sujet. D’ores et déjà, M. Hilferding se permet de développer les arguments suivants : le chômage existe en Europe ; ce chômage provient de ce que les affaires du capitalisme ne vont pas trop bien ; il vaudrait mieux que l’U.R.S.S. soit intégrée dans le système général des pays capitalistes ; l’empêchement à ceci est le monopole du commerce extérieur.

    La déduction qui en découle, est que le prolétariat est soi-disant intéressé à briser le monopole du commerce extérieur de l’U.R.S.S. Je vous demande : qu’est cela ?

    Ce n’est rien d’autre qu’une préparation idéologique à une guerre offensive directe contre l’U.R.S.S. Pour le moment, la thèse de Hilferding contient encore beaucoup d’académisme, de théorie, etc. Mais en se développant, cette thèse économique prendra une forme très actuelle et concrète de thèse politique.

    Ce qui est primitivement formulé en théorie, se transforme ensuite en action. L’expression pratique de cette formule de M. Hilferding ne signifie rien d’autre que la guerre contre l’U.R.S.S.

    Il va de soi qu’une pareille évolution de la social-démocratie doit provoquer une réaction correspondante de notre part. Tous les camarades savent que la dernière séance plénière du C.E. de l’I.C. a effectué un revirement de tactique dans la politique des Partis communistes français et britannique et, jusqu’à un certain point, à l’échelle générale.

    Ceci a eu lieu sur l’initiative du C.E. Certains camarades établissent une corrélation entre ce revirement et certains facteurs secondaires. C’est faux, car le changement de tactique est déterminé par les facteurs dont j’ai parlé plus haut, il est déterminé par toute l’évolution de la social-démocratie. Il serait enfantin de penser que nous nous efforçons de nous « radicaliser » après le reproche que nous a fait l’opposition. Ces arguments ne méritent même qu’on y réponde.

    La seule cause importante qui détermine notre tactique est le changement de la situation objective, est la modification dans le rapport des forces entre les différentes classes, les différents partis, etc… Il faut aborder cette question comme suit : les rapports entre nous et la social-démocratie ont-ils changé ou non ?

    La réponse est : oui, ils ont changé. En découle-t-il des déductions pratiques quelconques ? Oui, il en découle. Pourquoi dans les syndicats et les autres organisations les social-démocrates nous attaquent-ils plus violemment qu’avant ?

    Non seulement dans les grandes questions politiques extérieures, mais dans n’importe quelle question, notre ligne politique est directement opposée à la leur. Prenons par exemple la situation dans les fabriques. Quelle est la politique de la social-démocratie dans les fabriques ?

    La paix sociale, le désir de ne pas faire de grève, la fusion du comité d’entreprise avec les organisations capitalistes, du « mondisme » sur toute la ligne, — telle est la position de la social-démocratie dans les fabriques, mais non pas seulement dans les fabriques.

    Telle est aussi son attitude envers les trusts, envers l’Etat, envers la S.D.N. Cette ligne n’a pas pris naissance d’emblée. Elle s’est cristallisée progressivement. Mais du fait qu’elle est ainsi, devons-nous en déduire certaines conclusions déterminées ou non ? Evidemment, nous devons faire des déductions pratiques. Autrement, l’ennemi nous battra,

    III. Notre orientation tactique

    Un changement brusque est la réponse juste aux modifications objectives

    Les modifications de la situation objective nous ont obligés à accomplir ce revirement tactique. Ce fut une réaction juste à un changement de situation. Le meilleur exemple en est l’Angleterre. Le Parti travailliste qui fut jadis une organisation diffuse, sans discipline de Parti, se transforme maintenant en véritable Parti social-démocrate de type continental.

    Il possède un programme, une discipline de Parti, il aspire et s’évertue à nous lier par des décisions de Parti, à nous paralyser politiquement par son influence dans les syndicats. Il nous exclut, il nous attaque.

    Si, dans ces conditions, nous maintenons notre mot d’ordre précédent et conservons nos rapports antérieurs, pour ne pas faire échouer le front commun du prolétariat organisé, nous sommes perdus : nous perdrons notre physionomie politique et, de ce fait, nos droits à une existence indépendante. L’ennemi nous battrait. Il serait donc absurde de ne pas tirer les déductions de cette situation.

    Nous devons dire : Le tournant dans le Parti britannique est déterminé par le changement de la situation objective, par les nouvelles méthodes d’organisation du Labour Party, les nouveaux rapports existant entre celui-ci et notre Parti. Ce sont là des facteurs politiques d’importance primordiale.

    La même chose est vraie pour la France. Les représentants actuels de la social-démocratie, Paul-Boncour avec sa loi militaire, Albert Thomas qui porte aux nues Mussolini, — tout cela n’est pas le fait du hasard. On n’exclut pas les Thomas et les Boncour, au contraire, on cherche à les justifier : le « gauchiste » Fritz Adler écrit un article dans lequel il défend en fait ce même Thomas qui chantait les louanges du fascisme.

    Ainsi agissent les éléments les plus « gauches » de la IIe Internationale, ainsi écrit un homme qui, pendant la guerre, a brûlé la cervelle à un ministre en signe de protestation contre la tuerie !

    En ce qui concerne le Parti communiste de France, il y eut encore d’autres facteurs qui nous incitèrent à changer de tactique. Chacun sait que l’on observe encore dans le Parti français certains vestiges des illusions parlementaires.

    Les élections récentes furent un tournant pour le Parti, lequel doit être considéré non pas sous l’angle des élections, mais sous celui de la politique ultérieure du Parti communiste de France. Du fait que nous aurons à faire face à de grands combats de classe, pendant lesquels le parlementarisme, au pire sens de ce mot, pourra jouer un rôle très pernicieux, nous devions faire tout ce qui dépendait de nous pour rompre avec cette tradition.

    Ainsi, notre changement de tactique est en liaison avec le changement objectif de la situation. Ce fut ce changement qui a donné le signal du revirement dans nos Partis communistes les plus importants. L’axe politique de ce tournant est le changement d’attitude envers les Partis social-démocrates.

    La question de l’attitude envers les Partis social-démocrates est une question politique essentielle. L’intensification de la lutte contre la social-démocratie telle est l’orientation politique de l’Internationale communiste, et j’estime, que ce mot d’ordre, cette orientation politique, doivent être adoptés aussi par le VIe Congrès. En même temps je dois souligner que l’acuité des méthodes de lutte contre les Partis social-démocrates ne signifie nullement un renoncement à la tactique du front unique connue le pensent certains camarades.

    Au contraire, plus nous nous dresserons violemment contre la social-démocratie, contre sa ligne politique, plus nous devons soulever avec force le problème de la conquête des masses, y compris les masses social-démocrates et les masses ouvrières qui les suivent, plus nous devons lutter énergiquement pour gagner ces masses.

    A cet effet, nous devons employer des méthodes adéquates pour nous rapprocher d’elles. Il n’y a que les sots qui peuvent penser que parce que nous menons une lutte acharnée contre la social-démocratie, il est inutile de causer avec les ouvriers social-démocrates. Tout le monde ne s’est pas encore assimilé cette double tâche.

    Tous n’y ont pas encore réfléchi sérieusement. Mais c’est là une de nos tâches essentielles et fondamentales dans la période actuelle.

    IV. Les questions de la révolution dans les colonies et les semi-colonies

    La justesse de la ligne fondamentale et les erreurs de sa réalisation en Chine

    Avant d’aborder l’analyse de nos tâches fondamentales en général, je voudrais encore traiter des problèmes des mouvements coloniaux. J’aborderai la Chine et l’Inde, tout en me bornant à quelques remarques, car ces problèmes seront examinés lors de la discussion du programme et, en particulier, de la question coloniale.

    Nous avons eu une large discussion de principe avec notre opposition sur la question de la révolution chinoise. Nous pouvons de nouveau éclairer d’une façon rétrospective certains problèmes fondamentaux de la révolution chinoise.

    Comme on le sait, le Parti communiste chinois a essuyé une grave défaite. C’est un fait indéniable. On est en droit de se demander si cette défaite ne découle pas de la tactique erronée de l’I.C. dans la révolution chinoise. Peut-être bien qu’il n’était vraiment pas rationnel de constituer un bloc avec la bourgeoisie, peut-être bien que c’est là la faute essentielle qui détermina toutes les autres et qui, progressivement, aboutit à la défaite de la révolution chinoise ?

    Probablement nous analyserons minutieusement cette question à notre Congrès lorsque nous examinerons spécialement la question coloniale, car cette question est fondamentale et il est nécessaire de l’éclaircir d’une façon consciencieuse et critique. Mais je pense, que l’erreur ne consiste pas en ceci et l’analyse nous le montrera.

    En général, l’erreur consiste non pas dans la ligne fondamentale de l’orientation tactique, mais dans les actes politiques et dans la ligne pratique effectivement réalisés en Chine,

    1) Dans la période de début de la révolution chinoise, dans la période de collaboration avec le Kuomintang, l’erreur consista dans un manque d’indépendance de notre Parti, dans une critique insuffisante du Kuomintang par notre Parti ; parfois notre Parti se transformait d’allié en appendice du Kuomintang.

    2) L’erreur fut que notre Parti chinois ne comprit pas le changement de la situation objective, la transition d’une étape à une autre. Ainsi, par exemple, pendant un certain temps, on pouvait marcher de concert avec la bourgeoisie, mais à une certaine étape, il fallait prévoir les prochains changements qui surviendraient.

    Il fallait s’y préparer. En concluant n’importe quel bloc, on doit prévoir la possibilité de pareils changements et, par conséquent, se préparer à la lutte. Dans l’analyse critique de toutes les étapes de la révolution chinoise, nous constatons que le C.C. chinois et, en partie, notre délégué en Chine, ont commis de graves erreurs, ils n’ont pas tenu compte de ce changement de situation, ils n’ont pas remarqué la métamorphose de leur ancien allié en leur ennemi acharné. Aussi n’ont-ils pas changé à temps leur tactique.

    3) Par suite de cette erreur, notre Parti a parfois joué le rôle d’entrave au mouvement de masse, d’entrave à la révolution agraire et d’entrave au mouvement ouvrier. Ces erreurs furent fatales et, bien entendu, contribuèrent à la défaite du Parti communiste et du prolétariat chinois. Après une suite de défaites, le Parti corrigea ses erreurs opportunistes, avec assez d’énergie d’ailleurs.

    Mais cette fois-ci, — cela arrive assez fréquemment — certains camarades donnèrent dans l’extrémité contraire : ils ne préparèrent pas l’insurrection d’une façon assez sérieuse, firent preuve de tendances putschistes, d’aventurisme de la pire espèce.

    La IXe séance plénière de l’I.C. marqua un changement dans la tactique du P.C. chinois, mais dans une autre direction que les Partis d’Europe occidentale.

    En opérant avec les termes de « gauche », « droite », etc., nous pouvons dire qu’en France et en Angleterre, il s’opéra un changement vers la « gauche » et en Chine vers la « droite ». Je dois cependant faire une réserve : je ne suis pas très épris de cette terminologie.

    Elle convient peu et n’explique rien. L’analyse devra mettre en lumière non pas le caractère de « droite » ou de «  gauche » de la tactique, mais de sa justesse ou de sa fausseté, de sa concordance à la situation objective ou non.

    Le flux de la vague révolutionnaire est inévitable en Chine

    La période en cours de la révolution chinoise est considérée par nous comme l’achèvement d’une grande période pendant laquelle les vagues de la révolution s’élevèrent très haut, et le commencement d’une période qui a pour tâche principale le groupement des masses, l’accumulation des forces et la préparation à une nouvelle et forte poussée révolutionnaire.

    Tous les indices objectifs attestent que la poussée révolutionnaire est inévitable. L’expérience de la lutte passée montre que, sans mouvements gigantesques de masse, on ne peut résoudre les problèmes de la révolution chinoise et que nous sommes en présence de prémisses objectives pour son achèvement triomphal.

    Mais ceci nous impose la tâche essentielle, de grouper les masses afin de priver progressivement l’ennemi de la possibilité de détruire physiquement notre armée prolétarienne, détachement par détachement. La nécessité impérieuse exigea du Parti d’abandonner la position de la réalisation immédiate de l’insurrection pour adopter celle d’une préparation de masse de l’insurrection avec le maximum de chances de succès.

    J’estime que la résolution adoptée par la IXe séance plénière sur la question chinoise a considérablement contribué au développement ultérieur du P.C chinois. J’espère que les décisions du Congrès seront conformes à l’esprit de cette résolution.

    Les nouveaux processus dans l’Inde

    La situation dans l’Inde est tout autre : l’état de choses et les rapports des forces sont autres qu’en Chine où, dans le courant de toute une période, dans le courant de nombreuses années, la bourgeoisie lutta contre les impérialistes, les armes à la main. C’est un fait avéré. Il en est autrement dans l’Inde.

    La possibilité d’une longue période pendant laquelle la bourgeoisie hindoue jouerait un pareil rôle révolutionnaire, est totalement exclue. Il va de soi, que ceci ne concerne pas les différents Partis petit-bourgeois ou les organisations terroristes qui existent aux Indes. Je veux parler des principaux cadres de la bourgeoisie, du Parti svaradjiste.

    Je ne suis pas en état de donner une analyse économique de la situation aux Indes, mais je dois signaler que je ne partage pas le point de vue qui prétend que l’Inde a cessé d’être un pays colonial, qu’on y observe un processus de décolonisation.

    Ce serait là une assertion unilatérale. Au contraire, ces derniers temps, après la période de concessions faites par les impérialiste, l’impérialisme britannique a intensifié son joug colonial sur l’Inde en général, et sur la bourgeoisie hindoue en particulier.

    Ceci oblige le Parti svaradjiste à fronder de nouveau contre l’impérialisme britannique. Elle fronde donc. Mais de là à la lutte à main armée, il y a du chemin.

    Dès la première intervention des masses, le Parti svaradjiste se tournera vers l’impérialisme britannique et conclura un accord avec lui. Par intervention des masses j’entends une intervention où celles-ci lancent leurs mots d’ordre radicaux indépendants, tel celui de la confiscation des terres, ou des mots d’ordre radicaux pour la défense des intérêts des ouvriers.

    Je pense que lors d’une intervention indépendante des masses avec des mots d’ordre plus ou moins révolutionnaires, la bourgeoisie svaradjiste s’entendra vite et conclura un compromis avec l’impérialisme britannique. En ce moment, elle fronde.

    A certains moments, elle peut même jouer un rôle révolutionnaire objectif, mais on ne peut s’attendre à ce qu’elle joue un rôle révolutionnaire pendant toute une période. Il est incontestable — ce qui doit être souligné d’ailleurs — que la bourgeoisie passera au camp de la contre-révolution lors de la première manifestation de masse.

    Le Parti communiste doit dès le début mettre en lumière les tergiversations de la bourgeoisie, lancer des mots d’ordre radicaux, intervenir dès le début contre la bourgeoisie en ouvrant les yeux des ouvriers sur la conduire ultérieure de la bourgeoisie svaradjiste hindoue. Il serait des plus dangereux d’appliquer automatiquement à l’Inde la tactique employée en Chine. Il faut procéder ici à une analyse spéciale, il faut employer une tactique, particulière établie conformément à la situation particulière dans l’Inde.

    Vu l’heure avancée on propose au camarade Boukharine d’interrompre son rapport et de le terminer dans la prochaine séance.

    Troisième séance

    (19 Juillet 1928)

    Le président Foster ouvre la séance et donne la parole au camarade Boukharine.

    V. Nos tâches essentielles et nos défauts

    Plus d’internationalisme !

    Camarades,

    Je passe à la question de nos tâches essentielles et de nos défauts. De l’analyse de la situation mondiale que j’ai déjà faite résultent des déductions déterminées concernant notre orientation fondamentale dans le domaine des problèmes de tactique. Je m’arrêterai avant tout à la question de l’internationalisme de notre mouvement.

    Il va de soi que dans la période actuelle, lorsque ce sont les questions de la grande politique qui se trouvent au centre de l’attention des partis communistes, lorsque le problème de la guerre est un problème central, la question de l’éducation internationale et des tâches des partis communistes qui s’en dégagent doit être au centre de l’activité de l’Internationale communiste.

    En considérant la vie de nos partis de ce point de vue, il faut noter que malgré les effectifs peu considérables des partis communistes, nous avons indubitablement obtenu des succès assez importants dans le domaine de la bolchévisation des partis communistes.

    Nous avons fait des conquêtes assez appréciables et pouvons constater un accroissement de notre influence ; idéologiquement, nous avons conquis de nouveaux territoires au communisme, etc. Néanmoins, le degré de l’internationalisme des partis communistes est encore insuffisant comparativement aux tâches qui se dressent devant l’Internationale communiste et ses sections.

    L’expérience de ces dernières années a montré ces lacunes. Je pense qu’il est de notre devoir de nous prononcer tout à fait ouvertement sur cette question, puisque la reconnaissance franche de ce fait est la condition nécessaire pour remédier à ce défaut.

    Pendant la grève anglaise, nous avons constaté, et cela est fixe dans les résolutions des C.E. élargis de l’Internationale communiste, que plusieurs partis n’ont pas soutenu comme il le fallait, la classe ouvrière anglaise. A l’exception de quelques partis peu nombreux et, en premier lieu, du P.C. de l’U.S., tous les autres partis ont donné une aide par trop molle au prolétariat anglais.

    Pendant les événements de Chine, nous avons assisté au même phénomène. L’ampleur de la campagne internationale pour la défense de la révolution chinoise n’a pas correspondu aux besoins objectifs de cette période et aux devoirs révolutionnaires des partis communistes.

    L’intérêt pour la révolution chinoise n’a pas trouve une expression conforme. En ce qui concerne la presse, elle n’a pas donné une information suffisante sur la bolchévisation du parti communiste chinois, sur la bolchévisation du mouvement ouvrier et paysan en Chine.

    On n’a pas remarqué un travail plus ou moins approfondi et systématique dans ce domaine ; on n’a pas fait de large campagne politique à la hauteur des circonstances. Des tentatives ont été faites pour supprimer ces lacunes, mais il n’y avait pas de travail systématique obstiné. En conséquence, les partis n’ont pas toujours été à la hauteur des grandes campagnes.

    Voyons la question du fascisme, non pas du fascisme italien, mais de la question fasciste eu général. Ici il faut souligner que la lutte des partis communistes contre le fascisme, et l’attention accordée à cette question, furent absolument insuffisantes.

    Des événements comme l’intervention des Etats-Unis au Nicaragua n’ont pas provoqué de réaction appréciable, même pas de la part du parti communiste des Etats-Unis. Si le parti frère des Etats-Unis, pour lequel cette question devait être la question centrale, n’était pas à même de développer la campagne d’envergure qui s’imposait, il en fut de même des autres partis.

    Le Nicaragua est loin de l’Europe, mais les conditions géographiques ne doivent pas jouer un rôle décisif dans l’activité des partis communistes. Il y a encore dans certains partis, surtout en Europe, dans les grands partis aussi bien que dans les petits, des vestiges de provincialisme, des lacunes dans la compréhension de l’importance de la grande politique internationale.

    Si nous voulons réellement nous préparer aux événements d’une importance historique mondiale comme la guerre future, nous devons dès maintenant concentrer notre attention sur les questions de la grande politique internationale.

    Autrement, nous ne pourrons pas nous préparer sérieusement à la guerre, Naturellement, pour bien mener cette campagne, pour la développer avec l’énergie nécessaire, nous devons lier les questions de la grande politique internationale aux questions de la vie journalière et au travail révolutionnaires dans les pays respectifs. Là encore apparaît la question de la guerre. Presque toutes les questions politiques intérieures, y compris les questions du mouvement ouvrier dans chaque pays, touchent à ce problème.

    L’offensive du capital est liée aux préparatifs de guerre de la bourgeoisie ; elle est provoquée par la nécessité pour la bourgeoisie de renforcer ses positions, d’établir la paix civile, de se créer des garanties contre les ouvriers, etc.

    En général, c’est un problème très compliqué. Il est indispensable de partir des questions journalières pour en faire la base du développement ultérieur de nos tâches et de nos mots d’ordre plus généraux. Cela exige un certain art politique et tactique.

    Mais c’est là précisément un argument pour que soient posées les grandes questions politiques. L’art de la tactique bolchéviste consiste précisément à soulever de grandes questions en partant de choses de peu d’importance.

    Si nous n’apprenons pas cet art, si nous ne réagissons pas suffisamment aux grandes questions internationales, nous ne ferons pas de travail systématique pour la préparation à la lutte contre la guerre. Nous devons comprendre cela et le fixer dans notre résolution.

    La question de la guerre, la question de la défense de la révolution en U.R.S.S. et en Chine sont d’une importance centrale, décisive. Le travail systématique en ce sens est une tâche primordiale que tous les partis, toutes les sections de l’Internationale communiste ont à accomplir dans leurs pays.

    La question de la ligne générale des partis communistes est celle de l’attitude envers la forme actuelle du capitalisme et envers l’Etat capitaliste. Aussi, dans ce domaine, les questions de peu d’importance se transforment imperceptiblement en grands problèmes politiques.

    En considérant, par exemple, l’orientation de la tactique des partis social-démocrates. — j’en ai déjà, parlé brièvement— nous voyons une ligne tout à fait conséquente. Elle tend à la fusion avec les organisations patronales. Cette ligne s’étend de chaque fabrique jusqu’à la S.D.N. Les social-démocrates font de la propagande pour la « paix industrielle », pour la méthode « américaine » de collaboration entre le travail et le capital.

    Telle est la ligne fondamentale de la social-démocratie contemporaine. Cette orientation fondamentale se répercute tant dans le domaine politique extérieur que dans les questions politiques intérieures, dans la question des rapports avec l’Etat, dans la question de coalition, de l’attitude vis-à-vis des organisations du patronat, c’est-à-dire vis-à-vis des magnats du capital trustisé. Le mot d’ordre social-démocrate préconise l’union avec le capital trustisé. La question de la lutte de classes n’existe plus pour eux.

    Dans le domaine économique, ils sont contre les grèves qu’ils veulent remplacer par paix industrielle ; au lieu de l’accentuation des grèves, ils sont pour l’arbitrage obligatoire. La question de l’indépendance ou de la subordination des organisations ouvrières est résolue par eux sous forme de collaboration des organisations ouvrières avec les associations patronales. C’est tout un système de tactique. Les organisations ouvrières, du point de vue du réformisme, doivent perdre leur indépendance de classe.

    Pour ces messieurs, la lutte de classes est « périmée ». La ligne de la social-démocratie tend à la fusion des organisations ouvrières réformistes avec les organisations du capital monopoliste et les organes de l’Etat- capitalisme monopoliste. Nous voyons cette ligne conséquente de la tactique social-démocrate sur tout le front.

    Tactique du front unique seulement par en bas

    Quelle est donc notre orientation de tactique ? Dans toutes ces questions, de la cellule d’entreprise jusqu’à la S.D.N., l’orientation de notre tactique est complètement opposée a celle de la social-démocratie.

    C’est une orientation absolument antagoniste par rapport à celle de la social-démocratie. Non pas paix industrielle, mais lutte de classe ; non pas arbitrage, mais lutte contre l’arbitrage obligatoire, contre toutes les entraves que les organisations capitalistes ou l’Etat capitaliste dressent devant la classe ouvrière ; lutte contre toutes les chaînes qui paralysent le mouvement gréviste !

    Telle est notre orientation tactique. Nous avons déjà discuté ces questions à plusieurs reprises, aussi la réponse à ces questions est-elle tout à fait claire. La dernière déduction de cette ligne tactique est l’orientation vers la destruction de l’Etat bourgeois, vers la révolution.

    Cette ligne ne signifie nullement l’abolition de la tactique du front unique. Mais vu l’intensification de notre lutte contre la social-démocratie, nous devons y apporter la modification suivante : actuellement, dans la majeure partie des cas, il nous faut employer exclusivement la tactique du front unique par en bas.

    Nous ne devons faire aucun appel aux centres des partis social-démocrates. Les exceptions ne sont admissibles que dans des cas extrêmement rares et seulement applicables aux organisations locales des partis social-démocrates. Mais la base de notre tactique doit être l’appel aux masses social- démocrates, aux simples ouvriers social-démocrates.

    La tactique du front unique est étroitement liée aux questions du travail systématique que nous avons à faire.

    Le travail dans les syndicats est un problème de la plus haute importance

    Il ne s’agit pas seulement de telle ou telle campagne à l’occasion de tel ou tel événement. Toutes ces questions de tactique sont précisément et en premier lieu des questions du travail systématique. Tout le monde connaît la thèse exposée dans plusieurs résolutions de l’I.C. que le principal problème est celui du travail dans les syndicats. Nous avons toujours noté de nombreuses lacunes dans ce domaine.

    A ce congrès aussi nous, discuterons le problème du travail syndical, nous examinerons soigneusement, minutieusement l’expérience de nos partis, nous essayerons de l’analyser en toute conscience, d’établir quelles sont les causes, quelles sont les origines de nos lacunes dans ce domaine.

    Si nous voulons faire de l’autocritique, je pense qu’il y a peu de secteurs sur le front de notre lutte et de notre activité où elle puisse avoir autant d’importance et soit aussi nécessaire que dans le secteur de notre travail dans les syndicats. Notre influence idéologique s’accroît au sein des syndicats.

    Mais jusqu’à présent nos camarades jouissent encore de trop peu d’autorité en tant que militants syndicaux. L’autorité de nos militants s’accroît, mais leur autorité est celle de leaders politiques, d’initiateurs de larges campagnes politiques, de combattants de la lutte révolutionnaire de classe du prolétariat, de défenseurs de ses grands intérêts historiques.

    Mais leur autorité spécifique de militants syndicaux, de bons dirigeants du mouvement gréviste est encore insuffisante. La disproportion entre l’autorité politique de nos camarades et leur autorité syndicale est encore très grande. Cela s’explique par les différentes défectuosités qui existent dans notre travail dans les syndicats. Tenez, quelques exemples. Prenons la France.

    Nous y constatons de nombreuses erreurs commises par les communistes dans le domaine syndical. Les rapports entre les communistes et les syndiqués sans parti ne sont pas ce qu’ils devraient être : les communistes commandent trop, agissent trop peu par la conviction, ne travaillent pas d’une façon assez systématique. Il y a aussi d’autres sortes de défauts.

    Certains militants syndicaux font « bien » leur travail dans les syndicats. Mais ce travail syndical est presque du travail social-démocrate et l’on y chercherait en vain la manière spécifiquement bolchéviste de poser les problèmes syndicaux. Les problèmes spécifiquement communistes y font presque complètement défaut.

    Un tel militant syndical peut avoir une très bonne réputation dans les larges masses syndicales, mais il ne mérite guère d’être approuvé du point de vue communiste. En Allemagne, par exemple, certains camarades se sont tellement habitués aux méthodes social-démocrates de travail qu’ils n’ont pas suivi les directives du parti, n’ont pas publié les appels électoraux de notre parti, etc.

    Ils se soumettaient à la discipline syndicale générale afin de rester de « bons » militants syndicaux. C’est là une autre variété de travail non satisfaisant des communistes dans les syndicats.

    Pendant le mouvement gréviste, et c’est là une des questions de la plus haute importance du travail syndical, nous avons aussi observé diverses fautes assez graves de la part de nos militants syndicaux. Parfois nous nous heurtions « à la politique de la remorque », c’est-à-dire à l’absence d’initiative, à l’incapacité de jouer le rôle dirigeant dans le mouvement gréviste.

    Pendant la grève, nous nous traînions souvent à la remorque de la masse au lieu de la diriger. Dans la période écoulée, il y a eu pas mal de ces exemples en France, où des grèves se déroulaient en dehors de nous.

    D’autre part, nous opérons trop souvent dans le mouvement gréviste avec des phrases révolutionnaires, mais nous ne portons pas assez d’attention à la préparation sérieuse des grèves, nous ne tenons pas suffisamment compte de la conjoncture et de toutes les possibilités de grève, nous ne savons pas choisir le moment du déclenchement ou de la cessation de la grève, nous ne savons pas la diriger habilement, etc.

    Cependant, toutes ces qualités sont absolument nécessaires, surtout à l’heure actuelle, car dans ce domaine, dans le domaine de la direction des grèves, la situation est très difficile. Presque chaque grève a, dans une mesure plus ou moins considérable, la tendance de se transformer en un grand événement politique.

    Dans ces conditions, on ne peut bien mener la grève qu’en étant bien au courant de la conjoncture, qu’en calculant toutes les possibilités du mouvement dans tous les détails. Il ne faut pas seulement du tempérament révolutionnaire : celui-ci est nécessaire, mais il n’est pas suffisant.

    Ce qu’il faut aussi, c’est la connaissance des conditions économiques et politiques de la lutte. Les questions du mouvement syndical n’ont jamais été aussi compliquées qu’actuellement. A la base de ce problème compliqué se trouve notamment le rapport entre les forces du capital et les forces unies de la classe ouvrière.

    Or, camarades, nous avons actuellement une situation telle, que ces conditions spécifiques ne sont souvent pas comprises. C’est ainsi que le problème de l’unification des comités de fabriques et d’usines en une organisation correspondant à l’organisation des trusts n’est pas encore résolu, et nos partis communistes des pays capitalistes les plus avancés ne font pas assez de propagande pour une telle concentration du mouvement ouvrier.

    Cependant, la propagande pour cette union, pour cette centralisation de la lutte, doit former notre réponse à la concentration du capital trustisé. Dans le domaine syndical, nous luttons actuellement moins contre tels ou tels patrons isolés, que contre le capital trustisé uni. Le terme « trust » doit être souligné toujours de nouveau. C’est là la particularité spécifique à laquelle nous avons actuellement affaire.

    La question des jeunes est un des principaux problèmes

    Camarades, il y a encore chez nous d’autres lacunes. Elles concernent nos organisations de masse et cela malgré les grands succès que nous y avons remportés. Je prends, par exemple, un autre domaine de notre activité, — notre mouvement des jeunes. Nous pouvons enregistrer certains progrès importants, surtout dans le domaine de la lutte antimilitariste au cours des différentes campagnes militaires.

    Prenez l’action de la Fédération des Jeunesses communistes de France pendant la guerre du Maroc, et celle de nos J.C. en général, dans la lutte contre la menace de guerre. Malheureusement, nous observons aussi de grands défauts.

    Tantôt le nombre des jeunes camarades fléchit, tantôt il reste stationnaire. Il est incontestable que le mouvement des jeunes se distingue par des méthodes trop sectaires, que notre Internationale des Jeunes n’est pas à même de pénétrer dans toutes les organisations de masses de la jeunesse ouvrière et d’y étendre son influence.

    Jusqu’à présent, notre tactique dans l’organisation des jeunes a été caractérisée par une certaine étroitesse. Je crois que ces lacunes se sont encore accentuées ces derniers temps. C’est là un des points les plus dangereux de notre travail. Certains camarades ayant constaté les grandes fautes commises voudraient animer le travail par des méthodes qui feraient perdre la physionomie politique et communiste aux J.C. Je pense que c’est faux.

    Nos jeunesses doivent rester une organisation communiste qui, naturellement, ne doit pas doubler le parti. Cependant, l’orientation communiste générale doit rester la base du développement futur des J.C.

    Pour le maximum de variété et de souplesse dans les méthodes de travail

    Ce qui nous manque et ce que nous devons tâcher d’obtenir, c’est la variété dans les méthodes de travail.

    Nous devons tendre à ce que l’organisation des jeunes réagisse non seulement sur les questions de grande politique, sur les grandes campagnes politiques, mais aussi sur les questions politiques et culturelles, sur toutes les questions qui intéressent la jeunesse ; dans tous les domaines, à commencer par les sports jusqu’à la révolution chinoise, nos jeunes camarades doivent dire leur mot, réagir organiquement et politiquement comme l’exigent les directives sur la pénétration de notre influence dans toutes les organisations de jeunes ouvriers.

    Pas de sectarisme, pas de méthodes bornées qui, en fait, ne font que détruire le front unique du mouvement des jeunes.

    Camarades, le problème des jeunes est un des principaux problèmes de notre époque. En Europe occidentale, en Amérique et en d’autres pays, ce problème est pour nous d’une importance sérieuse.

    Pour gagner la jeunesse, la bourgeoisie lutte avec une énergie fiévreuse et avec plus d’habileté que nous. Toutes ces grandes organisations sportives que certains considèrent comme une méthode de civilisation bourgeoise, ont une grande signification politique.

    Leur importance est en liaison étroite avec les questions centrales de la politique, tout particulièrement avec celle de la guerre. Par les associations sportives, la bourgeoisie impérialiste entraîne la jeunesse à la guerre, parfois sous une forme bénigne et apolitique.

    En considérant ces processus, d’un point de vue non pas isolé mais du développement général, ou s’aperçoit qu’ils jouent à notre époque un rôle politique considérable.

    Le jeune ouvrier raconte avec enthousiasme comme il joue bien au football, mais il est déjà pris dans le filet de l’organisation bourgeoise. Les exercices de gymnastique sont en quelque sorte un entrainement militaire, non seulement au point de vue de la technique, mais aussi de la politique et de la guerre.

    Or, si nous consacrons principalement notre attention aux grands problèmes politiques, sans essayer de pénétrer en même temps dans toutes les organisations de masse, — je ne parle pas absolument d’une pénétration organique, mais de notre influence et de notre autorité politique, — nous perdrons pour notre cause les grandes masses de la jeunesse.

    Pourquoi dis-je que le problème de la jeunesse est un des principaux problèmes ? Premièrement, parce que, ces derniers temps, nous causons beaucoup du problème syndical, par exemple, tandis que nous portons trop peu d’attention au mouvement de la jeunesse. Mais réfléchissez, sur quelques faits essentiels tels que celui-ci : à présent, la jeunesse est plus mal organisée que le prolétariat adulte, chez les social-démocrates aussi bien que chez nous.

    C’est là un des grands paradoxes historiques que la génération d’après-guerre, née pendant la guerre, soit plus mal organisée que la génération précédente. Je pense que cela provient en partie de ce que de larges couches de la jeune génération ont été neutralisées, soit directement ou indirectement par la bourgeoisie, ou bien que la jeunesse est sous l’emprise d’un état d’esprit apolitique. Mais ceci s’explique aussi par l’influence de la bourgeoisie impérialiste ; l’essentiel pour elle est de neutraliser la jeunesse.

    C’est pourquoi, il est absolument nécessaire que nous améliorions notre travail dans le domaine d’organisation de la jeunesse. Nous devons le dire bien haut et le congrès doit donner à l’I.C.J. les directives nécessaires dans ce sens.

    Plus d’attention à la question paysanne

    Abordons à présent la question des organisations sympathisantes. S’il est vrai que nous approchions de catastrophes, quoique nous ne pouvions pas en déterminer la date précise, — il serait absurde d’ailleurs de chercher à prévoir les dates, — nous devons comprendre en tous cas que, sous cette perspective, la question des organisations auxiliaires jouera un rôle considérable.

    Peut-être bien que spécialement dans un avenir prochain, nous devrons analyser la question du mouvement paysan et de l’Internationale paysanne. Les résultats des élections en Allemagne et en France nous ont montré que notre influence n’a pas augmenté parmi les paysans, mais a plutôt fléchi.

    C’est un symptôme important. Naturellement, notre travail parmi les paysans de nombreux pays capitalistes n’est pas chose facile. Pourtant, ce sont précisément les légions paysannes qui sont utilisées contre nous dans la lutte et la bourgeoisie travaille avec une énergie redoublée dans ce domaine.

    Elle fait tout son possible pour gagner les masses paysannes, tandis que les partis communistes ont négligé quelque peu leur travail parmi la paysannerie. Dans certains pays nous avons laissé échapper le moment opportun. Rappelons le grand mouvement paysan en Roumanie. Il est vrai que notre parti communiste de Roumanie était brisé, mais personne n’a même signalé que nous étions à la veille de pareils événements aussi importants dans ce pays.

    L’I.C. dans son ensemble, y compris le Comité exécutif, n’ont pas prévu cela, n’ont pas pris en temps voulu les mesures nécessaires, ce qui est une grande faute, même en tenant compte que la situation était très difficile, qu’il n’y avait presque aucune liaison, etc. Ces événements se sont déroulés presque en dehors de l’influence de notre parti.

    C’est pourquoi nous devons en tirer des enseignements déterminés en ce qui concerne le mouvement paysan dans les pays balkaniques, en Roumanie, en Yougoslavie, en Bulgarie et en Pologne également.

    Nous devons concentrer notre attention sur la question paysanne et, sous cet angle, nous devons aider l’Internationale paysanne à se transformer en une véritable organisation vivante. Je ne puis vous présenter un rapport sur l’activité de cette organisation, mais je vais dire qu’elle est plus ou moins une organisation de propagande, que son travail se borne principalement à éditer des matériaux divers. Ses liaisons organiques sont très insuffisantes. L’effectif de cette organisation est infime.

    Malgré tout, elle obtient certains succès. Je pense que c’est non seulement la faute de l’Internationale paysanne, mais aussi celle de l’I.C., notre faute collective. Nous n’avons pas délégué dans cette organisation des forces suffisantes, nous n’avons pas consacré assez d’attention à son travail. Les événements de Roumanie et les résultats des élections en France et en Allemagne en sont un témoignage évident. Nous devrons soulever cette question dans un prochain avenir et faire tout le nécessaire pour obtenir des améliorations.

    Je pense que l’appui que nous accordons à la Ligue anti-impérialiste n’est pas suffisant pour une organisation de ce genre. Certains camarades pensent que cette Ligue n’est pas une institution très vitale. En réalité, l’expérience montre le contraire : elle montre toute l’ampleur des forces potentielles et des possibilités de développement de cette organisation. L’aide que nous lui apportons est insuffisante.

    On prétend que le congrès de la Ligue fut une grande parade, une grande manifestation politique. Il en fut ainsi parce que cette parade était une nécessité objective et que les forces révolutionnaires éprouvaient le besoin de s’unir.

    Au point de vue de notre stratégie générale, nous devons déclarer que plus nous aurons de points de ralliement dans notre ligne et dans celle des forces sympathisantes, — que ce soit en Europe, en Asie, on Afrique ou dans d’autres pays, — d’autant plus nous serons prêts au moment des catastrophes, d’autant plus nous grouperons de véritables et vivantes organisations dans le camp de la révolution.

    Pourquoi occuper dans cette question un point de vue liquidateur, c’est là une chose que je ne puis comprendre. Parfois les gens s’efforcent de faire retomber la responsabilité sur un état de choses objectif, sur des forces et des événements indépendants de notre volonté. C’est 1à une très mauvaise méthode. Nous sommes les premiers, coupables car nous avons trop peu aidé cette organisation.

    La liaison du travail légal avec le travail illégal

    Maintenant, j’aborderai une autre question : le problème de la liaison du travail légal avec le travail illégal. De nouveau, si notre analyse est juste en général, nous devons dès à présent commencer le travail illégal, poser la tâche de la liaison du travail légal avec le travail illégal. En ce qui concerne l’expérience du travail illégal, nous pouvons dire que dans de nombreux pays elle est assez vaste.

    Nous possédons cette expérience en Pologne, dans les pays balkanique, en Italie, au Japon et en Chine. Certains partis ne sont pas encore expérimentés en ce domaine. Ceci concerne avant tout les partis du prolétariat occidental. Mais, camarades, l’offensive contre nos partis s’accentuera.

    Notre parti frère français a déjà senti ce qui l’attend à l’avenir. Les attaques contre notre parti deviendront progressivement plus violentes. Il ne subsiste aucun doute qu’à la veille de la guerre, voire même quelque temps avant, nos partis tomberont sous le coup de lois d’exception. C’est une chose incontestable qu’il faut prévoir.

    Aussi est-il nécessaire de jeter dès à présent la base de nos organisations illégales, en particulier dans la flotte, dans l’armée, etc. Dans le cas contraire, les événements nous prendront au dépourvu et nous, perdrons beaucoup du fait de notre préparation insuffisante.

    La question des organisations illégales, y compris celle des organisations de liaison légales et illégales dans l’armée et la flotte, est une question de grande actualité. Vous comprendrez pourquoi je ne m’étendrai pas sur ce sujet, pourquoi je ne puis donner des détails, des conseils et des directives.

    Mais, cette tâche se pose au premier plan et il faut la mettre en relief autant que possible. On ne doit pas se borner à des lieux communs; il faut élaborer des directives concrètes pour notre travail pratique et ces directives doivent être appliquées.

    Si nous appliquons comme il faut la tactique du front unique dans le travail syndical, dans les organisations des jeunes et sympathisantes, nous saurons détruire la fameuse disproportion qui existe entre l’accroissement de notre influence politique et sa consolidation organique.

    Les symptômes de bureaucratisme

    En corrélation avec ceci, on voudrait encore toucher à certains autres de nos défauts. Il me semble, – et je dois le déclarer ouvertement – que ces derniers temps, non seulement dans notre parti, le P.C. de l’U.R.S.S, mais aussi dans de nombreux autres partis.

    Les symptômes de bureaucratisme se sont accrus : ceci se manifeste parfois par un ultra-centralisme de la direction, par une absence totale d’initiative dans les organisations locales, etc. Il va de soi que le centralisme est indispensable de même qu’une direction centralisée. Les comités centraux doivent être de puissants organes de direction. C’est là une vérité élémentaire.

    Mais il arrive fréquemment que les organisations locales ne font preuve d’aucune initiative, que la vie politique ne bat pas dans les cellules de base, que de nombreuses campagnes et les questions de l’action syndicale y jouent [il manque ici des mots ou une ligne] n’est pas difficile de voir que le pourcentage des militants du rang; mènent une action faible et que la vie intérieure du partit n’embrasse qu’un milieu restreint de fonctionnaires.

    C’est là une grande lacune qui est liée à d’autres défauts. Nous prêchons sans relâche : animez les cadres, gagnez de nouveaux hommes à la direction, attirez de nouveaux membres dans les cadres du parti.

    Mais, ces nouveaux hommes ne peuvent nous tomber du ciel comme des militants tout préparés. Ils doivent s’éduquer dans le processus de la vie intense du parti, de même que la masse du parti et les fonctionnaires. Si nous ne parvenons pas à remédier à ces défauts, la sélection de nouveaux cadres du parti sera rendue très difficile.

    Etant donnée l’absence de vie à la base du parti, il est très difficile d’assurer avec succès la sélection de leaders ou de cadres du parti. Si l’on jette un regard sur les congrès des partis et de l’I.C, il n’est pas difficile de voir que le pourcentage des militants du rang qui y prennent part, n’a pas augmenté.

    Il se manifeste donc la tendance de n’envoyer comme délégués exclusivement que des fonctionnaires ou parti, des syndicats et des fonctionnaires rétribués du parti. Cette tendance existe. Evidemment, il ne faut pas exagérer ce danger, mais il est nécessaire de le constater.

    Ceci se trouve en corrélation étroite avec différentes problèmes compliqués de la, vie intérieure du parti, il faut souligner l’animation insuffisante de la vie intérieure du parti, en particulier à la base, dans les-cellules de fabriques, etc. II faut constater ce fait afin de pouvoir y remédier.

    La lutte pour l’amélioration des cadres

    Encore quelques mots sur le niveau culturel et politique de nos partis, sur nos cadres du parti. Il y a là aussi un écart entre les besoins objectifs de la masse des membres et la capacité et la qualification de nos cadres du parti.

    Il me semble que nous avons ignoré de nombreux problèmes théoriques, que nos camarades du parti étudient peu, que la littérature est insuffisante et n’est pas appropriée aux besoins objectifs actuels, que nous réservons peu de temps à l’étude; que nous n’étudions pas assez profondément et sérieusement les questions.

    Tout cela se répercute sur les méthodes de discussion. Au congrès et à la séance plénière précédente du C.E. de l’I.C., j ai déjà dit que nos discussions intérieures consistent surtout à lancer de grands mots.

    Ces discussions superficielles sont la preuve que les problèmes examinés n’ont pas été étudiés avec tout le sérieux nécessaire par ceux qui participent aux discussions. Effectuer des opérations avec les différents genres de déviations, cela nous l’avons parfaitement appris et le réalisons brillamment.

    En ce qui concerne la véritable étude des problèmes, la véritable argumentation et non pas la lutte automatique contre un adversaire, cela nous ne l’avons pas encore appris dans la mesure nécessaire.

    Cependant, chaque pas dans la voie du développement de notre parti exige que -nous approfondissions notre pensée politique, que nous louvoyions, manœuvrions et réagissions à chaque nouvelle situation avec toute l’attention voulue.

    Cet là un problème fondamental. A mon avis, nous devons porter une attention sérieuse à notre niveau théorique, à une meilleure organisation de notre presse et au relèvement de l’instruction dans nos partis.

    VI. Les déviations dans l’Internationale communiste.

    La déviation de droite est le principal danger

    A présent camarades, quelques mots concernant les différents genres de déviations dans l’Internationale communiste. Il y a quelques temps, l’Internationale communiste était principalement menacée du côté des « extrêmes-gauchistes » qui essayèrent de constituer une organisation internationale.

    Après la défaite de l’opposition du P.C. de l’U.R.S.S., ces initiatives furent brisées. Mais la défaite même de l’opposition et le point culminant de ce processus, à savoir la décomposition du « Leninbund », nous obligent à tirer quelques conclusions.

    Nous avons affirmé que le trotskisme est une déviation social-démocrate. Certains camarades pensaient dans le fond que c’était une forte exagération. Mais l’histoire du Leninbund montra que le centre de l’opposition passa aux social-démocrates. Fut-ce l’effet du hasard ? Non.

    La dialectique des rapports entre les soi-disant « extrême-gauchiste » et la droite est évidente. Maintenant, le principal danger est la déviation de droite, si l’on prend l’Internationale communiste dans son ensemble. La période de stabilisation que je viens d’analyser, les vestiges du parlementarisme, l’influence de la social-démocratie, certains traits spécifiques du travail syndical, — tels sont les facteurs principaux qui engendrent ce danger.

    Ce danger revêt des formes variées dans les différents partis. Comment s’est il manifesté ? Premièrement, par le désir de travailler légalement à tout prix, par la crainte de sortir des cadres de la légalité bourgeoise, même dans les cas où cela était indispensable, par la soumission exagérée aux lois bourgeoises. Cette déviation de droite s’est également manifestée par l’incompréhension de la nécessité d’accentuer la lutte de classe.

    C’est ainsi que par exemple, pendant les grèves on a négligé d’organiser des grèves là où il aurait fallu le faire. Cette déviation s’est manifestée aussi par une ligne erronée à l’égard de la social-démocratie, par une lutte insuffisamment accentuée contre ses leaders de « gauche ».

    Elle se manifeste également par un internationalisme insuffisant dans les partis. Nous voyons que même les partis dont l’orientation est généralement juste, oublient de remplir leur devoir international, comme: cela fut le cas à l’égard de la révolution chinoise.

    C’est là sans conteste une déviation de droite prononcée. La même déviation se manifeste aussi dans le travail syndical où la discipline syndicale générale est placée parfois au-dessus de la discipline de notre parti, et encore sous d’autres formes auxquelles je ne m’arrêterai pas ici.

    Les déviations de gauche

    Le fait de ne pas comprendre les rapports exacts qui doivent exister entre le parti et les syndicats aboutit à ce que le parti commande parfois directement les masses en sa qualité d’avant-garde communiste, sans essayer de convaincre, sans mener un travail systématique. De plus, il y a certaines tendances à renoncer absolument à la tactique du front unique.

    Des déviations de gauche furent observées en Chine après la phase des grossières déviations de droite. Elles prirent la forme d’un état d’esprit putschiste, de la tactique putschiste, etc. Mais, en général, les déviations de la ligne exacte vers la droite sont aujourd’hui plus fréquentes que vers la gauche. Prenons par exemple la France.

    Dans notre parti français existaient et existent encore des traditions parlementaires, au mauvais sens de ce mot. Elles se sont manifestées lors des dernières élections. On a pu constater une tendance à saboter notre changement de tactique, à s’opposer à cette tactique. Ceci provient naturellement d’une orientation par trop forte vers le parlementarisme, de certaines déviations opportunistes par rapport à la juste ligne politique. Dans le parti français, ces déviations s’expliquent par des traditions historiques profondément ancrées.

    Il va de soi que notre parti français frère doit continuer à l’avenir à lutter systématiquement contre ce fait, en s’efforçant avant tout de convaincre ses membres. Il est question non seulement de lutter contre telle ou telle personne, mais aussi de lutter contre les vieilles traditions fortement ancrées de la vie sociale française et de la vie antérieure du parti socialiste, dont une grande partie des membres a adhéré au P.C.

    Ces divergences se rencontrent dans le P.C.F. On les a observées lors de la discussion sur la répression, quand certains camarades français et tout le parti ont commis des erreurs, rectifiées par la suite. Nous retrouvons ces mêmes erreurs dans le parti frère de Tchécoslovaquie, véritable parti de masse, mais qui souffre dans une grande mesure de la « légalité ».

    Parfois, le parti tchèque ne peut se décider à s’adresser aux masses pour organiser une protestation contre les différentes lois dirigées contre lui.

    Si l’on fait constamment des concessions au gouvernement, si l’on ne déploie pas des efforts suffisants pour la mobilisation des masses contre les lois et les décrets anticommunistes du gouvernement, il est évident qu’on ne parviendra pas à établir une base quelconque pour préparer des actions de masses plus importantes, absolument contraires à la conception de la légalité bourgeoise.

    Certains camarades n’ont aucune idée de la façon dont se dérouleront les événements. Ils raisonnent ainsi : nous travaillerons dans les cadres de la légalité jusqu’à tel ou tel jour, par exemple, jusqu’à la déclaration de la guerre, ensuite nous changerons notre tactique. Non, camarade, il faut se préparer d’avance. Il faut considérer l’action de masse comme un de nos meilleurs moyens de lutte.

    Mobiliser les masses, devenir maître de la rue, attaquer toujours de nouveau l’Etat bourgeois et le détruire, conquérir la rue par des moyens révolutionnaires, — au sens strict de ce mot — ensuite aller plus loin, — c’est seulement sur la base de pareils événements et du développement de ces événements, c’est seulement sur la base des actions de masses, etc… que nous nous préparerons à des combats plus acharnés et plus tenaces.

    En ce qui concerne les grèves et leur conduite peu satisfaisante, il y des cas où certaines organisations du parti ne savaient même pas qu’une grève se préparait dans telle ou telle fabrique importante. De pareils cas eurent lieu eu France. En ce qui concerne la position erronée à l’égard de la social-démocratie, nous avons certains exemples frappants d’erreurs commises en Allemagne, en France, en Tchécoslovaquie, etc…

    Ces déviations politiques prirent partout la forme de mots d’ordre erronés. Ainsi et surtout en Allemagne où certains camarades lancèrent le mot d’ordre du contrôle sur la production, tandis que la situation révolutionnaire indispensable manquait absolument : objectivement, ce n’était rien moins qu’un pas vers la tactique de la « démocratie économique » de la social-démocratie, vers la « paix industrielle ».

    Dans l’absence d’une situation révolutionnaire, un mot d’ordre vraiment juste et révolutionnaire se transforme en son contraire. Il cesse alors d’être un mot d’ordre inexact et signale déjà une ligne politique erronée.

    Actuellement, ce danger de droite se présente à nous au tout premier plan, et il est parfaitement compréhensible qu’après avoir brisé l’opposition trotskiste, nous devons mener maintenant une ligne, politique déterminée contre ces déviations de droite et contre les petits groupements d’opposition de droite.

    A présent, examinons d’une façon critique et à la loupe nos autres défauts. Dans certains partis, voire même dans un grand nombre d’entre eux, nous observons qu’ils ne s’assimilent pas les nouvelles situations et, en général, ne voient pas quand se produit quelque chose de nouveau. Tel a été le cas en France lorsque Poincaré est venu au pouvoir.

    Nous retrouvons un exemple semblable en Angleterre, lorsque le Labour Party et le Conseil général accomplirent un brusque changement de tactique. La même faute a été commise en Angleterre, lorsque survint une nouvelle phase dans le rapport des forces sociales. En Allemagne également, nous n’avons pas réagi assez rapidement lors de la constitution du « Burgerblock » (bloc bourgeois), etc.

    Plus d’attention à la situation concrète

    Ainsi, presque tous les partis sans exception réagissent trop tard aux changements de situation. Quand survient une nouvelle constellation, le parti n’agit pas d’emblée, ou réagit trop tard, lance trop tard des directives ou des mots d’ordre, etc. Il me semble que ceci concerne également l’I.C. et sa direction. L’I.C. ne réagit pas toujours en temps voulu aux nouvelles circonstances, aux nouveaux événements, aux situations nouvellement créées.

    Les mots d’ordre et les directives ne sont pas toujours donnés en temps opportun. Il arrive parfois qu’un seul et même parti lance jusqu’à 20 mots d’ordre différents. Or, si nous émettons simultanément 20 mots d’ordre, ils perdent toute leur raison d’être, l’attention du parti est divisée. Il arrive parfois que les organes dirigeants du parti ne savent pas grouper les mots d’ordre de façon à réunir les mots d’ordre secondaires autour des mots d’ordre principaux

    C’est là une grande faiblesse de la direction. Dans la pratique, on réalise trop souvent d’une façon trop molle, insuffisante, des mots d’ordre qui, en eux-mêmes, sont parfaitement justes.

    D’une part, nous lançons trop de mots d’ordre en n’ayant pas un mot d’ordre central. D’autre part, nous lançons des lieux communs révolutionnaires, oubliant et perdant de vue les mots d’ordre de la « petite » lutte quotidienne.

    La thèse d’une accentuation de la lutte contre la social-démocratie est très juste. Mais ce qui est faux, c’est que nous ne causons pas avec les ouvriers social-démocrates eux-mêmes. Plus nous parlons des erreurs au sein du parti social- démocrate, plus nous devons convaincre les ouvriers social-démocrates de la justesse de notre tactique politique.

    Jusqu’à présent, les partis n’ont pas encore appris à lier les questions du travail quotidien à nos buts et tâches principaux. Ou bien nous parlons très haut des problèmes mondiaux et ne faisons rien pour résoudre les questions quotidiennes, ou bien nous nous bornons à celles-ci et oublions qu’il faut les lier aux grandes questions politiques; en outre, nos partis sont souvent incapables d’apprécier exactement et en temps voulu la période en cours et tous ses traits caractéristiques.

    Le défaut de nos partis consiste en ce qu’ils ne réagissent pas immédiatement sur la nouvelle conjoncture, en ce qu’ils ne la saisissent pas assez rapidement, ne la caractérisent pas nettement, ne donnent pas toujours le mot d’ordre convenable.

    J’ai tant parlé de ces lacunes pour que nous puissions les soumettre à une critique pratique.

    Comme la période qui s’est écoulée depuis le dernier congrès est assez longue, nous devons souligner nos défauts et côtés faibles également à l’égard de l’I.C. Prenons la question des faiblesses d’organisation et de l’exécution insuffisante de nos décisions : nous adressons des circulaires, des lettres ouvertes et fermées et nous ne vérifions pas si tout a été exécute, réalisé. Nous dépensons une grande quantité de papier, mais nous ne nous assurons que très peu de l’exécution effective de nos décisions.

    Nous avons décidé maintes fois que notre direction devait être vraiment internationale, que les partis devaient envoyer au C.E. de l’I.C. leurs meilleurs représentants pour s’y adonner à un travail permanent. En fait, cette décision est toujours sur le papier.

    Contre la lutte de fraction

    Je dois souligner une autre chose qui, il est vrai, est plus ou moins étrangère à la question envisagée, mais qui, néanmoins, a une importance considérable dans la vie des partis communistes.

    Je veux parler de la lutte fractionnelle qui est menée sans fondement politique suffisant. Les causes profondes en sont très compliquées : elles sont liées en partie à des traditions historiques. Dans certains partis, le danger de la lutte fractionnelle est si grand qu’il faudra, à mon avis prendre des mesures exceptionnelles pour y mettre fin.

    Permettez-moi de vous citer deux exemples.

    Prenons la situation au sein du parti yougoslave, où, depuis sept ans, sévit une lutte fractionnelle violente qui a fortement affaibli le parti. Dans toutes les conférences, congrès et séances plénières internationales, etc., nous avons constaté à l’unanimité que les divergences s’atténuent toujours plus.

    Mais malgré toutes les déclarations solennelles que, dorénavant, la lutte fractionnelle cesserait, cette lutte continua avec toujours plus d’acharnement, jusqu’à ruiner le parti, — non pas tant par la terreur de la police que par la lutte fractionnelle.

    La réorganisation du parti s’effectue actuellement sur la base d’un regroupement complet au sein même du parti : nouveaux hommes, nouvelle direction. Heureusement, on peut encore sauver le parti par ce moyen. Mais il me semble qu’il faut s’arrêter à cette question pour en tirer certaines leçons. La crise au sein du parti yougoslave, qui a duré si longtemps, a été surmontée plus ou moins par les moyens exceptionnels indiqués.

    En ce moment, nous sommes en face d’un nouveau danger considérable, menaçant un parti très important, à savoir le parti communiste polonais. Jusqu’à présent, je n’ai pas parlé des partis isolément, mais j’ai simplement fait la somme des faiblesses de certains de nos partis, que j’ai cités à titre d’exemple. J’estime pourtant-de mon devoir de m’arrêter à la question polonaise.

    Dans l’état actuel des choses, notre parti polonais est à un poste très responsable. Le rôle considérable que ce parti frère aura à jouer au cas de guerre est évident. Ce parti sera une des principales forces dont disposera, l’Internationale communiste. Lors du coup d’Etat de Pilsudski, le parti polonais a commis une grave erreur opportuniste.

    Les leaders de toutes les tendances, sans exception, ont commis cette erreur. On ne peut faire retomber la responsabilité de cette erreur opportuniste sur un .groupe quelconque, fait que nous, I.C., avons déjà constaté.

    Au dernier congrès du parti communiste polonais, qui dura plus de trois mois, car à chaque occasion et sur chaque question surgissent des divergences et des discussions entre les deux fractions, — les représentants de l’I.C. ont constaté unanimement que les divergences politiques au sein du parti polonais se réduisent en fait presque à zéro.

    Néanmoins, après ce congrès, la scission du parti polonais n’a été évitée que grâce à la forte pression exercée par le C.E., par toute l’I.C.

    Si nous n’étions pas intervenus, il y aurait dès à présent deux partis dans le mouvement communiste polonais, malgré que les divergences politiques furent réduites au minimum, — je le déclare en pleine conscience de ma responsabilité.

    Ceci s’est passé tout dernièrement, au moment où Pilsudski et ses partisans préparent ouvertement la guerre, où chacun doit comprendre que toutes ces attaques contre la Diète, etc…, ne sont pas de grossières interventions de la part d’un homme devenu fou, mais que c’est là le système d’une ligne césarienne, dirigée en premier lieu contre l’U.R.S.S.

    Cette ligne césarienne est d’ailleurs très intelligente et très habile. Pilsudski et ses partisans ont réussi à briser certains partis d’opposition, à briser notre parti ukrainien, à briser l’opposition de la Hromada de Russie Blanche, etc…

    Enfin, dans le domaine international, Pilsudski et ses partisans ont su mener une politique très habile. (Une voix : « Ils ont su inoculer leur politique à la classe ouvrière »), ils ont su pénétrer au sein de là classe ouvrière. En effet, ce n’est pas notre parti seul qui a remporté une victoire électorale en Pologne ; un grand nombre d’ouvriers de Varsovie ont voté pour Pilsudski.

    Quoique notre parti ait remporté un grand succès dans l’état actuel des choses, un brillant succès vraiment, nous voyons cependant, d’après les derniers comptes rendus reçus il y trois jours, qu’il existe déjà deux comités dans l’organisation de Varsovie. J’estime que ce n’est pas à l’honneur du parti communiste et de l’Internationale communiste. (Applaudissements.)

    Camarades, je pense également, — quoique je n’aie pas établi le projet de thèses — que le Congrès chargera spécialement le comité exécutif de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’unité. (Vifs applaudissements.)

    Il sera préférable d’avoir un parti unique dirigé par de simples ouvriers qui, lors de la guerre, combattront courageusement comme des soldats de la révolution, qu’une organisation de leaders en lutte constante entre eux qui, au moment du danger, mèneront le parti à sa perte. (Applaudissements.)

    VII. Les perspectives sont favorables

    En avant vers la lutte, vers la victoire !

    Camarades, si je parle tant de nos défauts ce n’est pas que je considère la situation et les prémisses générales comme défavorables pour notre activité. Bien au contraire.

    Les grandes questions politiques, telles la menace de guerre, la situation créée par les contradictions croissantes de la stabilisation du capitalisme, nous offrent un terrain plus ou moins favorable pour notre travail dans toute la classe ouvrière.

    Notre influence est incontestable dans les pays coloniaux, surtout en Chine; nous sommes à la veille du jour où elle sera incontestable aussi dans l’Inde ; nous obtenons une influence prépondérante et incontestable parmi la classe ouvrière d’Europe occidentale que nous mettons en présence de questions aussi importantes que celle de la menace de guerre.

    C’est pourquoi, parallèlement à l’aggravation des contradictions générales, à l’aggravation des contradictions inhérentes au capitalisme et de la lutte de classes, c’est-à-dire en corrélation avec les contradictions qui existent objectivement en ce moment, il se crée un terrain propice, des perspectives favorables pour notre action, pour nos succès.

    Il n’existe aucune raison de dire que le progrès technique, la consolidation partielle de l’organisme capitaliste, le processus de stabilisation du capitalisme nous casseront le cou, comme le prédisent les social-démocrates. Au contraire, plus les contradictions propres à la situation présente s’accentueront, plus s’étendra et se consolidera notre influence.

    Lorsque nous apprendrons, — et nous finirons bien par l’apprendre — à combiner notre travail quotidien et les grandes questions politiques, nous étendrons notre influence aux larges masses de la classe ouvrière d’Europe occidentale, nous soumettrons à notre influence le mouvement ouvrier des grands Etats capitalistes et saurons le relier au mouvement des peuples opprimés qui est d’une importance historique.

    Lorsque l’heure viendra et que se dresseront les drapeaux de l’impérialisme guerrier, notre Internationale communiste, tous nos partis, la multitude des travailleurs du monde entier diront leur mot. Ce mot sera le mot d’ordre de la guerre civile, le mot d’ordre de lutte à mort contre l’impérialisme, ce sera le cri de victoire de l’Internationale communiste !

    (Vifs applaudissements. Ovation. Les délégués se lèvent et chantent « l’internationale »).

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur l’Adhésion des PC de Cuba, Corée, Nouvelle-Zélande, Paraguay, de la Ligue Ouvrière d’Irlande, du P.S. de l’Equateur et du P.S.R. de Colombie à l’IC

    L’influence croissante de l’IC dans les colonies et semi-colonies s’est exprimée, dans le domaine de l’organisation, par la création de nouveaux PC et par l’adhésion de Partis ouvriers révolutionnaires à l’Internationale.

    Le 6e Congrès Mondial salue la formation et l’adhésion de ces nouvelles sections comme une nouvelle preuve de confiance des masses ouvrières et paysannes et des peuples opprimés dans l’IC et dans sa politique de lutte contre l’oppression coloniale et comme l’expression du caractère vraiment mondial de son action.

    C’est pourquoi le 6 e Congrès Mondial confirme les décisions prises par l’Exécutif, entre les 5 e et 6 e Congrès Mondiaux, concernant l’admission comme Sections de l’IC :

    du PC de Corée,

    du PC de Cuba,

    de la Ligue Ouvrière d’Irlande,

    et décide d’admettre dans l’IC : le PC de Nouvelle-Zélande et le PC du Paraguay.

    La décision d’adhésion à l’IC prise par le dernier Congrès du Parti socialiste de l’Equateur, confirmée par un referendum des organisations de tout le pays, et la même décision prise à l’unanimité par le dernier Congrès du Parti socialiste révolutionnaire de Colombie démontrent la volonté des masses ouvrières de ces deux pays de lutter sous le drapeau du communisme dans les rangs de l’Internationale, qu’elles reconnaissent comme le seul guide du mouvement révolutionnaire international.

    Le 6e Congrès mondial salue leur décision d’adhérer à l’IC comme l’expression de l’élan révolutionnaire des masses opprimées de ces pays, décidées à lutter sous la bannière de communiste, seule capable de les aider et de les guider dans leur effort de libération.

    Il y voit l’expression de la volonté de ces partis de masses de devenir de véritables partis bolchévisme. Le 6 e Congrès accepte le Parti socialiste de l’Equateur et le Parti socialiste révolutionnaire de Colombie comme sections de l’IC.

    Mais, étant donné que ces deux partis ne sont pas encore, par leur structure et leur idéologie, de véritables partis entièrement communistes, le 6e Congrès Mondial fait un devoir à l’Exécutif de donner à ces partis les directives, les conseils et l’aide nécessaires pour en faire de véritables PC, en transformant et en affermissant leurs organisations, en élevant leur niveau idéologique et en éduquant leur conscience de classe tout en conservant et en renforçant encore leur caractère de partis de masses.

    Par l’admission de ces sept nouvelles Sections, l’IC se lie plus étroitement avec les masses nouvelles de millions d’ouvriers et de paysans exploités et opprimés par les grands brigands impérialistes.

    En coordonnant leur lutte avec celle du prolétariat des métropoles, des ouvriers, des paysans et des nations affranchies de I’URSS et des millions d’esclaves des colonies, l’IC développe et organise sur une échelle toujours plus vaste la solidarité révolutionnaire de tous les opprimés, condition de leur victoire mondiale sur la bourgeoisie et l’impérialisme.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur l’Appel de Trotski, Sapronov, etc. au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    Après examen des requêtes adressées par Trotski, Sapronov, et autres membres de l’opposition du PCUS exclus de ce parti et qui demandent leur réintégration, le 6e Congrès Mondial de l’IC décide :

    §1. Le Congrès Mondial approuve entièrement la décision du 15e Congrès du PCUS et la résolution du 9e Plenum du CEIC déclarant que l’adhésion à l’opposition trotskiste et la propagande de ses idées sont inconciliables avec la qualité de membre du Parti bolchévik.

    Le groupe Trotski, par son point de vue dans les questions de programme, de politique et d’organisation s’est échoué sur les positions des menchéviks et s’est objectivement transformé en un organe de lutte contre le pouvoir soviétique. Son exclusion du PCUS était donc juste et inévitable.

    §2. La requête des exclus au Congrès mondial est une nouvelle preuve que Trotski et la petite poignée de ses adeptes qui ne se sont pas soumis, à l’exemple de la grosse majorité de l’ancienne opposition, aux conditions fixées par le 15e Congrès, poursuivent leur lutte, leur travail de scission, leur campagne de calomnies contre le PCUS et contre la dictature du prolétariat.

    Le Congrès estime superflu de discuter avec des ennemis de l’IC sur le contenu politique contre- révolutionnaire de la plate-forme trotskiste, après que l’ensemble des membres de tous les PC ont à plusieurs reprises résolument repoussé ce point de vue.

    §3. Les sanctions prises, par les organes du pouvoir soviétique contre certaines personnes exclues du parti sont des mesures de défense de la dictature du prolétariat, mesures absolument imposées par la nécessité révolutionnaire.

    §4. Le 6e Congrès Mondial ratifie la décision du 15e Congrès du PCUS concernant l’exclusion des trotskistes et rejette la requête adressés par Trotski, Radek, et autres exclus demandant leur réintégration dans le Parti.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution au Sujet du Groupe Wjinkoop au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    Le 6e Congrès Mondial de l’IC a pris connaissance d’un télégramme et d’une lettre d’une organisation qui se nomme «Comité central du PC de Hollande» c’est-à-dite du groupe Wjinkoop.

    Dans ces documents, on «confirme» la «fidélité» au programme et à

    la politique de l’IC et l’on demande au Congrès Mondial de «trouver les voies et moyens pour reconstituer en Hollande la section de l’IC sur la base de l’application intégrale de la tactique communiste internationale.»

    Ces documents sont une tentative grossière de tromper les ouvriers hollandais. Le groupe Wjinkoop n’a pas le moindre droit de prendre le nom de Parti Communiste. Il n’a rien de commun ni avec le communise ni avec l’IC.

    Au cours de plusieurs années, l’IC a examiné scrupuleusement et à maintes reprises, la politique des chefs de ce groupe. Cette politique a toujours été pleine de déviations opportunistes, même dans les questions politiques les plus importantes telles la question coloniale et la question syndicale.

    En outre, les chefs du groupe Wjinkoop ont toujours violé les décisions de l’Internationale jusqu’à ce que, finalement, par une série d’infractions ouvertes à la discipline, ils se soient eux-mêmes mis hors des rangs de l’organisation communiste mondiale.

    Depuis lors, ils ont essayé de dresser contre la Section hollandaise de l’IC, leur organisation scissionniste et sectaire. La Section hollandaise de l’IC n’a point du tout besoin d’être reconstituée elle existe en tant que PC hollandais, Section de la 3 e Internationale.

    Il n’y a, pour les ouvriers révolutionnaires de Hollande qui sont encore en dehors de nos rangs, qu’une seule voie pour prendre part aux luttes de l’organisation communiste mondiale, c’est l’adhésion à la Section hollandaise de l’IC ; par la reconnaissance sans réserve de la discipline nationale et internationale, par l’observation consciencieuse de la politique fixée dans les Congrès du Parti et de l’IC.

    L’heure est grave, les menaces de guerre surgissent de tous côtés. Les États impérialistes s’arment sérieusement pour assaillir l’US, la patrie des ouvriers du monde entier. Dans cette situation, il s’agit de rassembler toutes les forces du prolétariat révolutionnaire.

    Cette scission criminelle est gravement préjudiciable, non seulement à la radicalisation du prolétariat hollandais, mais aussi au mouvement révolutionnaire de nos héroïques camarades d’Indonésie, qui ont besoin, dans leur lutte contre l’impérialisme hollandais, de l’aide d’un Parti fort et uni en Hollande.

    Le 6 e Congrès de l’IC fait donc appel à tous les ouvriers révolutionnaires de Hollande qui ne sont pas encore dans nos rangs et les engage à entrer dans le PC de Hollande, Section de la 3 e Internationale !

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur le Cas de S. Girault, etc. au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    En France, Suzanne Girault, exclue du Parti pour son activité profondément anticommuniste et son travail fractionnel, en même temps qu’un petit groupe qui faisait paraître le journal oppositionnel L’Unité Léniniste, a demandé, avec quelques-uns de ses amis politiques, la réintégration dans le Parti.

    En raison de ce que Suzanne Girault et ses amis politiques se maintiennent sur leur position politique oppositionnelle antérieure, ne reconnaissent pas, en fait, leurs fautes et erreurs et ne condamnent pas la lutte fractionnelle menée par l’opposition sur le plan international et surtout qu’ils ne reconnaissent pas la justesse des décisions des 8 e et 9e Exécutifs et du 15e Congrès du PC de l’URSS, le 6e Congrès Mondial rejette la demande de réintégration dans le Parti de Suzanne Girault et de ses amis du groupe de L’Unité Léniniste.

    Le 6e Congrès Mondial repousse également les requêtes du groupe Treint et de celui de la Lutte de Classes, qui restent sur la plate-forme du trotskisme.

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  • Résolution au Sujet de Maslow-Ruth Fischer au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    Le 6e Congrès Mondial décide, après examen de la lettre de Maslow et Ruth Fischer, datée du 23 août 1928 :

    §1. Le Congrès confirme toutes les décisions prises par les séances plénières par le Présidium du CEIC et le PCA contre le groupe trotskiste de Maslow-Ruth Fischer.

    §2. Toute l’activité contre-révolutionnaire et scissionniste des chefs de ce groupe exclut toute confiance à l’égard de la sincérité de leurs déclarations et démontre qu’ils ne sont ni disposés ni capables de devenir des lutteurs bolchévistes dans les rangs du PC allemand.

    §3. Le Congrès Mondial décide donc de repousser la demande de réintégration de Maslow et Ruth Fischer et de passer à l’ordre du jour.

    §4. En même temps, le Congrès Mondial approuve la déclaration du C.C. du PC allemand, disant que la rentrée du PC allemand reste ouverte pour tous les ouvriers exclus du Parti à cause de leur appartenance au groupe trotskiste, s’ils rompent avec Maslow, Ruth Fischer et les autres renégats du communisme et se soumettent sans réserve à toutes les décisions du PC allemand et de l’IC.

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  • Résolution sur le Secours Rouge International au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    L’aggravation des contradictions de classes dans les pays capitalistes et la lutte des peuples des pays coloniaux contre leurs oppresseurs et leurs exploiteurs provoquent une recrudescence de la terreur blanche, du fascisme, un renforcement des mesures répressives de la justice de classe, une répression contre les classes exploitées et les peuples opprimés.

    En conséquence, le 6e Congrès de l’IC établit que :

    §1. Le cours des événements de ces dernières années a entièrement confirmé la justesse des résolutions des 4 e et 5 e Congrès Mondiaux de l’IC sur le Secours Rouge, comme organisation de secours indépendante et en dehors du Parti et sur la nécessité absolue pour les PC de soutenir cette organisation.

    §2. Le Secours Rouge étant une organisation en dehors du Parti qui, d’un part vient en aide à toutes les victimes de la lutte révolutionnaire et, d’autre part, recrute ses adhérents sans distinction de parti, constitue une arme des plus importantes pour l’application de la tactique du front unique.

    C’est pourquoi les PC, plus que tous autres, intéressés au travail du Secours Rouge, et doivent constamment l’aider dans son action en prenant part à toutes ses campagnes, en particulier, aux campagnes pour l’amnistie et le droit d’asile et en réservant une place spéciale au Secours Rouge dans leurs journaux.

    §3. Une des tâches les plus importantes du Secours Rouge étant à l’heure actuelle la lutte contre le fascisme, les PC doivent de toutes leurs forces soutenir le Secours Rouge et le Secours Ouvrier dans cette action.

    Une des plus importantes tâches des Sections du Secours Rouge, de sa Section américaine en particulier, est la lutte contre le Klu-Klux-Klan (organisation fasciste aux Etats-Unis) et contre la loi barbare de Lynch appliquée aux nègres. Cette lutte ne sera couronnée de succès que si des millions d’ouvriers blancs sont mobilisés pour y prendre part.

    Une tâche particulièrement importante de toutes les sections du Secours Rouge est la lutte contre la terreur blanche en Chine, terreur qui, à l’heure actuelle, est appliquée ouvertement par le Kuomintang lui-même.

    §4. Le progrès du mouvement révolutionnaire dans les pays coloniaux et semi-coloniaux renforce dans des proportions inouïes la répression contre les travailleurs de ces pays. Les PC des pays impérialistes doivent aider les Sections du Secours Rouge à se créer et à s’organiser, pour qu’elles puissent remplir les grandes tâches qui leur incombent dans les colonies et semi-colonies du pays en question.

    §5. Toutes les tâches ci-dessus énumérées sont étroitement liées avec la lutte des travailleurs pour le droit d’asile, à laquelle les PC n’ont pas accordé, jusqu’à présent, assez d’attention et qui, à l’avenir, exigera l’attention particulière des fractions communistes parlementaires dans leur activité.

    Les PC des métropoles ont aussi la tâche particulière de mener la lutte contre la livraison des révolutionnaires arrêtés sur le territoire des concessions étrangères en Chine.

    §6. Le capitalisme se sert du régime de la prison comme d’un moyen de destruction physique des révolutionnaires détenus. C’est pourquoi il importe de mener une lutte constante dans les masses et par l’intermédiaire des fractions communistes au Parlement contre ce régime.

    §7. L’accomplissement de toutes ces tâches du Secours Rouge étant étroitement lié avec l’organisation des campagnes qui ne peuvent avoir de succès que si elles sont menées de concert avec les différentes organisations de masses, les communistes militant dans ces organisations ouvrières (syndicats, coopératives, Secours Ouvrier, association des Libres Penseurs, Association nationale des victimes de guerre, Ligue de lutte contre l’impérialisme et contre l’oppression des peuples coloniaux, sociétés sportives ouvrières, etc.) doivent veiller à ce qu’elles collaborent entre elles pour coordonner les campagnes entreprises.

    §8. Les communistes militant dans les Sections du Secours Rouge doivent s’efforcer d’y entraîner les plus grandes masse ; des villes et des campagnes. Il est particulièrement important d’y attirer les ouvriers social-démocrates et les syndiqués, ainsi que les grandes masses des ouvrières.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur la Campagne Internationale contre la Guerre au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    Considérant la préparation active des puissances impérialistes pour une intervention contre l’URSS, pour la guerre contre la révolution chinoise et pour la guerre entre les puissances impérialistes elles-mêmes ; considérant le rôle de trahison de toutes les tendances de la social-démocratie internationale qui activement et cyniquement aident leur impérialisme respectif dans ses préparatifs d’une nouvelle boucherie mondiale, le Congrès estime qu’il est du devoir de tous les communistes, dans la situation tendue actuelle, de renforcer la lutte contre les dangers de guerre et d’entreprendre sans délai une campagne internationale contre la guerre impérialiste imminente.

    Le Congrès invite les Comités centraux de tous les Partis à entreprendre immédiatement un travail politique, d’organisation, de propagande et d’agitation pour préparer une Journée Internationale de lutte contre la guerre impérialiste et de défense de l’US ; journée de combat de tous les travailleurs, sous les mots d’ordre : «Guerre à la guerre impérialiste». «Défense de l’US». «Soutien des peuples révolutionnaires des colonies».

    «À bas la désillusion des masses par les social-patriotes». «Formez des organisations de défense prolétarienne».

    Les Comités centraux de chaque PC devront, en partant de la situation concrète de leur pays respectifs, prendre les mesure pratiques pur réaliser la Journée Internationale (meetings de masses, démonstrations dans les rues, grèves de protestation et autres formes de lutte).

    Le Congrès invite les CEIC à prendre toutes mesures nécessaires pour organiser de telles démonstrations à l’échelle internationale, pour les coordonner et assurer une action simultanée, conformément à la décision du Congrès, dans le but de renforcer l’unité d’action contre la guerre et de rassembler les plus larges masses possibles de travailleurs, y compris les soldats.

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  • Résolution sur la Situation dans l’US et le PCUS au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    Le 6e Congrès Mondial constate, avec la plus grande satisfaction, les progrès gigantesques réalisés dans la seule patrie du prolétariat, l’URSS, sous la direction du PC, au cours des quatre dernières années écoulées depuis le 5e Congrès Mondial.

    L’ensemble de la production a dépassé le niveau d’avant-guerre et la rapidité de ses progrès est plus grande que celle des pays capitalistes ; l’économie du pays prend un vif essort ; le développement du secteur socialiste est plus rapide que celui de l’ensemble de l’économie, la grande industrie et l’électrification progressent rapidement de gigantesques installations, celle des centrales électriques du Volkhov et du Dniepr, le chemin de fer Turkestan-Sibérie, les immenses usines nouvelles prouvent la force créatrice du prolétariat victorieux et montrent les succès Importants de l’édification du socialisme.

    Contrairement à ce qui se passe dans les pays capitalistes d’Europe, le relèvement de l’économie s’est effectué sans prêts de l’étranger, exclusivement grâce aux propres forces du pays, dans une lutte ininterrompue contre la pression de l’encerclement capitaliste.

    La situation du prolétariat s’est rapidement relevée. La journée de sept heures entre en application, celle de six heures pour les mineurs du fond.

    Le salaire réel a doublé depuis 1923, il dépasse actuellement le niveau d’avant-guerre d’une façon notable, même si on ne prend pas en considération les avantages de l’assurance sociale.

    La situation des travailleurs dans les campagnes, c’est-à-dire des petits et moyens paysans auxquels la révolution a donné la terre, qu’elle a libérés de leurs dettes et qui actuellement bénéficient pour le relèvement de leur économie de l’appui énergique de la dictature, s’est aussi notablement améliorée.

    Le développement de l’économie paysanne individuelle est intimement lié à celui de la corporation parmi les paysans et particulièrement à l’extension des formes collectives de l’agriculture, qui commencent à se développer dans de vastes proportions ; il est étroitement lié au développement des exploitations soviétiques existantes et à la création de nouvelles, ainsi qu’à l’intensification de la lutte contre les éléments capitalistes dans les campagnes, c’est-à- dire contre les koulaks.

    Le pouvoir prolétarien a su maintenir dans des limites éroites les poussées du capitalisme qui, base de la nouvelle politique économique, s’opèrent dans les villes et les campagnes, il a su découvrir et châtier le sabotage contre-révolutionnaire d’une partie des techniciens spécialistes les plus haut placés, financés par d’anciens propriétaires et par des gouvernements hostiles.

    Les capitalistes et les social-démocrates se sont trompés dans leur espoir que la nouvelle politique économique signifie le commencement d’un retour du capitalisme.

    Ce ne sont pas les éléments capitalistes qui s’accroissent aux dépens du secteur socialiste, c’est le contraire qui se produit, l’importance et le poids du secteur socialiste grandissent continuellement ; ce secteur exerce une influence de plus en plus étendue sur le secteur de l’économie privée.

    Le 6 e Congrès Mondial constate que ces succès de l’édification socialiste dans l’URSS, renforcent les positions de la classe ouvrière internationale, dirigée par son avant-garde les partis communistes, dans la lutte contre le capital international ; que ces succès stimulent la radicalisation des plus larges masses de traivailleurs des pays capitalistes et des colonies et font de l’URSS, plus que jamais, la citadelle de la révolution mondiale, et du PCUS, l’avant-garde léniniste dont l’expérience énorme éduque idéologiquement et instruit pratiquement toutes les Sections de l’IC

    En confirmant pleinement et entièrement les décisions du 15 e Congrès du PCUS, le Congrès Mondial fait ressortir que : «Malgré le rôle dirigeant et toujours plus considérable du noyau socialiste dans l’économie, l’accroissement des forces prodtrtives dans l’économie de l’URSS est inévitablement accompagné d’une aggravation partielle des antagonismes de classes.

    Les couches du capital privé, dans les villes et dans les campagnes, s’unissant à certains éléments bureaucratiques de l’appareil économique et administratif soviétique, s’efforcent d’augmenter leur résistance à l’offensive de la classe ouvrière, tentent d’exercer sur certaines couches d’employés et d’intellectuels, sur les couches arriérées des artisans, des paysans et des ouvriers une influence hostile à la dictature du prolétariat.

    À cette influence hostile et à l’activité grandissante des éléments capitalistes, la classe ouvrière, sous la conduite du PCUS, oppose un régime de dictature prolétarienne renforcée, un essort plus considérabte encore de l’activité, de l’initiative et de l’éducation des masses prolétarienne.» (Résolution du 15 e Congrès sur le compte rendu du C.C.)

    Dans les conditions créées par l’encerclement capitaliste et la pression accentuée du capital mondial contre la forteresse de tous les travailleurs : l’URSS — pression qui augmente l’activité des éléments capitalistes des villes et des campagnes contre le régime de la dictature du prolétariat il faut que l’État prolétarien, pour triompher des difficultés de l’édification socialiste, ainsi que l’ont montré les obstacles rencontrés au cours de la dernière campagne de stockage des céréales, mène une politique active de transformation de tous les rapports sociaux dans le sens du collectivisme.

    On ne peut surmonter ces difficultés que par la lutte la plus énergique contre les éléments capitalistes de l’économie, par une consolidation toujours accrue de l’alliance avec la masse déterminante de la paysannerie (les paysans moyens), par une lutte résolue contre les koulaks et par l’appui vraiment solide du prolétariat sur les paysans pauvres.

    Le 6 e Congrès Mondial souligne l’accroissement de l’autorité et de l’influence du PCUS parmi les travaillears de l’URSS et du monde entier. Il enregistre l’accroissement numérique du PCUS grâce à l’adhésion de nouveaux ouvriers des entreprises ; il note le développement et le renforcement de la démocratie prolétarienne, la confiance toujours accrue de la classe ouvrière de l’URSS dans le parti glorieux de Lénine, le PCUS.

    Le 6 e Congrès Mondial constate que grâce à la politique communiste conséquente du PCUS, celui-ci a réussi à consolider la dictature du prolétariat et à entreprendre avec succès l’édification du socialisme. Par leur appui sans réserves au PCUS dans sa politique juste, toutes les Sections de l’IC encouragent l’œuvre d’édification du socialisme du PCUS.

    Le Congrès ratifie les décisions du 15 e Congrès du Parti et du Plenum du CEIC relatives à l’exclusion de l’opposition et flétrit l’activité menchéviste et contre-révolutionmire des anciens opposants après leur exclusion. Le Congrès invite le PCUS à poursuivre, de toute énergie, la lutte contre la tendance trotskiste — déjà insignifiante d’ailleurs par sa faiblesse numérique — et engage de même tous les autres partis de l’IC à combattre et à déjouer, par un travail idéologique et d’organisation, toute tentative de créer une opposition trotskiste dans leurs rangs.

    La dictature du prolétariat dans l’URSS est menacée non pas de dégénérescence, comme le prétendait l’opposition, mais d’une attaque armée de la part de la bourgeoisie mondiale, dont le règne est de plus en plus ébranlé par les progrès de l’État de la dictature prolétarienne.

    C’est pourquoi le 6 e Congrès Mondial fait appel au prolétariat de tous les pays, aux opprimés et exploités du monde entier, qu’ils fassent tous les efforts pour prévenir l’attaque qui se prépare contre l’US, la seule patrie des ouvriers. Les travailleurs du monde entier doivent tout faire pour défendre et protéger l’US, première forteresse victorieusement conquise par le prolétariat mondial et base solide pour le déploiement de la révolution prolétarienne mondiale.

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    de l’Internationale Communiste

  • Manifeste du sixième congrès de l’Internationale Communiste

    À tous les ouvriers et paysans !

    Aux travailleurs du monde entier !

    À tous les peuples coloniaux opprimés !

    Aux soldats et marins des armées et flottes capitalistes ! Camarades ! Frères !

    Le 6e Congrès de l’IC, représentant des ouvriers révolutionnaires de tous les pays, de tous les peuples, de toutes les nations et races, élève sa voix de Moscou, capitale rouge du nouveau monde qui se lève, et vous invite, vous les masses de millions d’hommes du monde entier, à vous préparer à la lutte défensive contre les forces du capitalisme devenant de plus en plus insolentes.

    Le maître du monde, le capital, qui exploite honteusement la force de travail et la suce jusqu’à la moelle, qui, d’un rythme fébrile, use l’organisme du prolétaire devenu un simple appendice de la technique capitaliste, qui met les découvertes grandioses de la science au service de Mammon, qui emploie des machines et appareils nouveaux et merveilleux, qui introduit de plus en plus le travail à la chaine, mettant des millions de prolétaires sur le pavé et leur jetant des pierres en guise de pain, ce capital part en guerre contre les droits et libertés de la classe ouvrière, dont il diminue de plus en plus le niveau de vie, tire le glaive sanglant de la terreur blanche et — tout en se dissimulant derrière le voile de phrases creuses et mensongères sur la paix mondiale — pose les mines destructives d’une nouvelle guerre mondiale.

    L’impérialisme met à nouveau la guerre à l’ordre du jour. Chaque jour s’accentue la concurrence entre les plus importants États des cliques financières-capitalistes ; leur offensive contre les colonies devient de plus en plus forte, elles tentent de resserrer de plus en plus l’étreinte autour du corps gigantesque de l’Union des républiques prolétariennes.

    Les États-Unis de l’Amérique du Nord, où, dès rentrée du port, s’élève la statue de la mettent de plus en plus audacieusement la main sur de nouveaux et entre autres sur les Dominions de leur rivale principale, la Grande-Bretagne.

    Solidement assis sur ses puissants coffres forts d’acier, plein à craquer de l’or extrait récemment encore du sang versé sur les champs de bataille de l’Europe, le capital américain sape la République du Mexique, envoie ses expéditions punitives au Nicaragua, maintien des navires de guerre dans les ports de Chine.

    Après avoir su s’attacher toute une série de pays européens et de l’Amérique du Sud par la chaîne d’or des crédits, le capital américain ne craint pas de les traiter comme des chiens en leur criant brutalement : «Couche-toi !» quand ils osent résister à sa volonté sacrée.

    Sur les côtes de l’océan Pacifique, sur le territoire sans fin de la Chine, le capital américain rencontre l’impérialisme rapace, violent, rusé et astucieux du Japon dont les troupes ont occupé une importante partie de la Chine. L’impérialisme japonais mène une guerre d’anéantissement contre toutes les forces du peuple chinois, qui n’entendent pas se soumettre à son régime barbare et sanglant.

    Des dizaines de millions d’ouvriers, et d’artisans sont assujettis au joug de l’impérialisme japonais, qui, tout en réglant brutalement son compte au peuple chinois, se prépare à un duel terrible avec son rival américain et s’assure en même temps un certain répit, au moyen d’agressions contre l’US.

    Ces agressions constituent un chaînon dans la longue chaîne de l’hostilité générale des États impérialistes contre l’État de la dictature prolétarienne, qui vit, se développe et travaille partout son édification, en dépit des hurlements de haine poussés dans le camp des ennemis et es cliquetis de sabre menaçants par lesquels on tente d’intimider et de mettre à genoux la dictature des ouvriers.

    En dépit de toutes les contradictions qui existent entre les puissances du capital, en dépit des antagonismes réciproques qui s’approfondissent de plus en plus, les puissances préparent, la Grande-Bretagne en tête, la guerre contre l’US. Elles la préparent systématiquement. Elles la préparent par tous les moyens. Elles la préparent à chaque instant.

    Les tentatives d’une série de puissances de la puissante Amérique jusqu’à la lamentable Autriche, ce moignon mutilé dans les rangs des puissances européennes — d’organiser un blocus financier et économique contre l’US ; la rupture des relations diplomatiques ainsi que l’organisation des alliances diplomatiques et militaires contre l’US ; les menaces provocatrices continuelles de la part de la république du maréchal Pilsudski, de ce militaire orgueilleux qui élève cyniquement les prétendues représentations des peuples au rangs des prostituées et frappe le sol de sa botte avec d’autant plus de bruit qu’il est abject et plus honteux lorsqu’il lèche les bottes des généraux et des ministres de la France et de la Grande-Bretagne ; l’activité à peine dissimulée des états- majors de l’Entente dans les États baltes limitrophes et en Roumanie et, finalement, les provocations insolentes de la part de l’impérialisme japonais — tout cela doit être un signal d’alarme pour les honnêtes ouvriers, pour tous les prolétaires et tous les opprimés du monde qui voient dans l’US leur patrie arrachée au prix du sang versé par les fils de la classe ouvrière aux propriétaires et capitalistes, ces ennemis mortels du peuple laborieux.

    Les brigands «civilisés» les chiens sanguinaires des États-Unis, les fripons de la diplomatie secrète, les magnats des banques les rois des trusts qui mènent guerre criminelle en Chine, qui bombardent les villes chinoises, qui occupent le sol chinois, qui privent le peuple chinois de ses dernières ressources et exterminent ses fils les plus vigoureux, qui préparent des agressions contre eux, qui organisent leurs forces pour l’agression contre l’US, aussi bien sur terre que sur mer, sous l’eau et dans l’air, et s’arment jusqu’aux dents, qui mobilisent la science pour les buts de la guerre la plus barbare, la plus dévastatrice, la plus inhumaine qui doit étouffer l’humanité par des gaz asphyxiants et la faire se tordre dans les souffrances de maladies mortelles inoculées artificiellement, qui imaginent le moyen-âgeux procès du singe contre le Darwinisme, la doctrine la meilleure du 19e siècle, qui édictent des lois venimeuses contre les idées «nuisibles» et qui ont exécuté Sacco et Vanzetti par la chaise électrique — ce crime si effroyable qui vous glace le sang dans les veines et provoque involontairement des mots de malédiction et de vengeance — ces brigands «civilisés», avec toute leur valetaille instruite et non instruite, laïque et cléricale, pussent de hauts cris contre la barbarie des bolcheviks et proclament leur «amour de la paix».

    L’histoire de l’humanité n’a jamais vécu de moment d’une telle hypocrisie et tartuferie, elle n’a encore jamais eu une idéologie aussi odieuse et aussi mensongère que l’idéologie moderne «pacifiste» de l’impérialisme, dont le rôle, dans la politique extérieure, est de préparer la guerre la de la manière la plus infime, la plus barbare, la plus contre-révolutionnaire et la plus dévastatrice.

    Plus la course aux armements effrénée s’accentue, plus énergiques deviennent les efforts de ces agents officiels et non officiels dans la production d’une phraséologie «pacifiste», dans la fabrication de pactes de «paix», dans l’organisation de conférences, dans l’élaboration de projets et de propositions sur la «paix».

    La «SdN», ce rejeton de Versailles, qui est le traité de brigandage le plus éhonté des dernières décades, déguise l’activité réelle de ses membres par l’élaboration des projets de désarmement.

    L’US démasque leurs jeux : les plus grands amis de la paix refusent de désarmer. La comédie diplomatique se transforme en une farce grossière. Les masques pacifiques tombent à terre et chacun peut voir la grimace impérialiste en plein jour.

    La «SdN» est en première ligne une organisation contre- révolutionnaire, mais en temps elle est tournée contre l’Amérique.

    C’est pourquoi la République du dollar, par la bouche de son commissionnaire, a mis à l’ordre du jour son propre «pacte».

    L’hégémonie du capital américain qui possède les meilleures machines, les plus grands stocks d’or et la meilleure technique de guerre est bien obligée de conserver sa valeur juridique internationale !

    La guerre est «mise hors la loi». Le Japon «ne fait pas la guerre» en Chine, mais «protège uniquement ses intérêts»; les États-Unis n’égorgent pas le Nicaragua au moyen de la guerre, mais «prennent uniquement soin de l’ordre»; tous les pays capitalistes ne s’arment pour la guerre mais désirent lutter uniquement pour la «civilisation».

    Les gens d’affaires de la politique impérialiste qui masquent leurs convoitises impérialistes et leurs intentions de guerre derrière le rideau de fumée de pactes pacifistes ainsi que par le poison assoupissant de phrases creuses pacifistes, mettent tout en œuvre pour charger de chaînes, quand il en est encore temps, la classe ouvrière, pour tordre le cou aux mouvements révolutionnaires dans les colonies et affaiblir l’arrière des Républiques soviétiques.

    La terreur et la corruption, l’exploitation impitoyable des ouvriers et la corruption de leurs couches supérieures, le front uni contre les organisations des larges masses lorsqu’elles menacent de devenir dangereuses, la politique de scission des rangs ouvriers, les attaques toujours croissantes contre les PC, tels sont les symptômes actuels.

    Une vague de représailles en Angleterre et aux États-Unis, en France et Japon, va de pair avec la vague inouïe de terreur en Italie et dans les Balkans, avec les exécutions en masse en Chine. La hache du bourreau de la «civilisation bourgeoise» travaille sans répit.

    Sans tressaillement, les bourreaux impérialistes regardent leurs victimes, bien qu’ils pressentent que du sang des sacrifiés surgiront des milliers de vengeurs.

    Dans cette époque où tout sent la poudre et le sang dans le monde entier, où les antagonistes du capitalisme acquissent une tension extrême, où la lutte de classe du prolétariat s’accentue, où les masses de millions d’esclaves coloniaux se soulèvent, où de nouvelles colonnes d’assujettis arrivent toujours plus nombreux pour défendre l’US, foyer des mouvements d’émancipation, dans cette époque apparaît de nouveau au premier plan le rôle de traître de la social-démocratie, de la 2e Internationale, et de leur succursale d’Amsterdam.

    Du point de vue des intérêts de classe du prolétariat, il faut maintenant, plus que jamais, qu’il ait la notion complète du caractère nettement délimité de sa classe, qu’il ait conscience de ce qu’il y a d’inconciliable entre ses intérêts et les intérêts du capital et de l’État capitaliste.

    Aux attaques insolentes du capital, à son exploitation inhumaine, au chômage, à la politique de dissolution des organisations ouvrières, à la terreur fasciste il faut répliquer par la contre-attaque prolétarienne.

    C’est à cette époque unique, sous le règne du talon de fer du capital des trusts, que les pontifes de la social-démocratie qui trahissent cyniquement toutes les traditions de la lutte de classes et piétinent la plus élémentaire dignité du prolétariat, prêchent la collaboration de classes, la «paix industrielle», «la démocratie de l’économie». «Paix industrielle» dans l’économie et coalition avec la bourgeoisie dans la politique, telle est toute la sagesse félonne de la social-démocratie.

    Il est maintenant particulièrement nécessaire, du point de vue des intérêts de classe du prolétariat, de démasquer tout acte belliqueux de la bourgeoisie, de rappeler le danger de guerre et d’alarmer les masses.

    Et c’est justement à cette époque que les politiciens social- démocrates construisent des croiseurs-cuirassés, prennent l’initiative d’une excitation à la guerre la plus infâme, se prosternent devant le militarisme, améliorent activement les armées capitalistes, font des éloges à la SdN impérialiste, diffament l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, fondent d’attendrissement devant le document mensonger des bourreaux de Sacco et Vanzetti et sont pleins de la bave pacifiste la plus venimeuse.

    Tout en essayant d’innocenter de toutes leurs forces les préparatifs de guerre effectifs de l’impérialisme, ils accusent l’US d’impérialisme. Eux, les héros du 4 août 1914, se mettent à plat ventre devant les États-majors impérialistes.

    Ils tendent déjà la main pour toucher le denier de Judas pour les jours où, le casque de guerre sur la tête, ils se rangeront dans les rangs de la bourgeoisie contre les soldats de la révolution prolétarienne !

    Du point de vue de l’intérêt de classe du prolétariat, il est plus que jamais nécessaire d’établir l’unité du prolétariat industriel et les masses laborieuses des colonies. Cependant, les social-démocrates se mettent, sur cette question, du côté des oppresseurs, du côté des impérialistes, du côté des États de brigands impérialistes et de leurs agents.

    Les socialistes français ont soutenu leur gouvernement quand celui-ci faisait raser les pauvres villages des Kabyles et les villes syriennes par le feu de ses canons lourds ; le gouvernement Macdonald intervenait ouvertement comme l’étrangleur des hindous et, en ce moment, des membres du Labour Party exécutent aux Indes les ordres directs de la bourgeoisie britannique. Tous les partis socialistes soutiennent, en fait leur gouvernement dans la question chinoise et se permettent seulement, dans les cas exceptionnels, et sous la pression des masses, de timides observations critiques.

    Le congrès des socialistes à Bruxelles qui ne soutenait pas le Kuomintang dans la période de son passe révolutionnaire, se solidarise maintenant avec ceux-ci, tenant qu’il est devenu le chien de garde sanguinaire de 1’impérialisme et le bourreau le plus odieux du mouvement ouvrier. Le congrès de Bruxelles a adopté ces résolutions vraiment révoltantes dans la question coloniale et presque littéralement tirées des documents de la SdN.

    Ainsi la social-démocratie est devenue la force principale qui sépare les ouvriers des pays industriels des masses laborieuses dans les colonies.

    Enfin, du point de vue des intérêts de classe du prolétariat, l’unité de la classe ouvrière elle-même est plus que jamais nécessaire.

    Dans la lutte contre l’adversaire puissamment organisé, dans la lutte contre les trusts gigantesques, dans la lutte contre la force d’État du capital qui veille sur les intérêts de l’oligarchie financière-capitaliste, le maximum d’unité de la classe ouvrière est nécessaire. Et c’est juste à ce moment que l’agence social-démocrate de la bourgeoisie impérialiste se met à l’œuvre pour accomplir l’ordre précis de diviser les rangs ouvriers !

    Les dirigeants des partis social-démocrates et des syndicats réformistes, les héros de l’unité avec la bourgeoisie, de ses trusts et son État-major, les apôtres de la paix industrielle et de la coalition avec les hommes d’affaires de la banque et de la bourse, mettent tout en œuvre pour exclure les communistes et les prolétaires révolutionnaires en général de toutes les organisations de masses, divisent les syndicats, ils divisent les organisations sportives, Ils dispersent les rangs des libre-penseurs prolétariens.

    Plus ils sont résolument pour l’unité avec la bourgeoisie, plus ils luttent rageusement contre l’unité avec le prolétariat.

    L’IC invite tous les ouvriers, tous les travailleurs à serrer plus étroitement les rangs, à faire l’unité de toute la classe ouvrière, à réaliser l’unité de la classe ouvrière avec la paysannerie laborieuse, à réaliser l’unité du prolétariat avec les peuples orientaux asservis contre les oppresseurs, contre tous les ennemis de classe.

    Le 6 e Congrès de l’IC a adopté un programme international qui lie et engage toutes les Sections.

    Pour la première fois depuis l’existence du mouvement ouvrier révolutionnaire, la classe ouvrière aura dans ses mains un document dont les articles font loi pour les millions d’ouvriers organisés dans toutes les parties du monde et parmi toutes les races des nations de la terre.

    Ce n’est pas un document de flagornerie pacifiste devant la bourgeoisie et de paix obséquieuse avec elle. Il n’est pas une déclaration pharisaïque infâme et basse d’unité avec la bourgeoisie, d’une unité qui ne signifie autre chose que le passage dans le camp de l’ennemi de classe, une désertion, une trahison, un acte de renégat.

    C’est l’étoile polaire dans la lutte des millions d’opprimés contre les oppresseurs, dans la lutte des masses prolétariennes, dans la lutte des travailleurs de couleur, blancs, jaunes et noirs, sous les tropiques et dans les coins les plus reculés de notre planète, dans les usines et dans les plantations, dans les mines et dans les chemins de fer, dans les forêts et dans les villes, dans le désert et partout où sévit la lutte de classes. C’est le programme de l’unité de la classe ouvrière et de la lutte à vie et à mort contre la bourgeoisie, c’est le programme de la dictature prolétarienne mondiale inéluctable.

    L’IC invite tous les travailleurs au rassemblement le plus étroit sous la bannière de la lutte de classes, de la révolution prolétarienne, de la dictature de la classe ouvrière.

    Grâce à la tension la plus extrême de ses forces, le monde capitaliste a réussi de sortir des ruines et de l’effondrement de la première guerre impérialiste, il a réussi, en pressurant de façon énorme les ouvriers et en les courbant sous la férule de l’esclavage. Mais il commence de nouveau étouffer sous le poids de ses propres contradictions.

    Sa fatalité historique le pousse à nouveau et avec une force élémentaire puissante dans le remous de formidables catastrophes dont l’haleine mortelle s’étend sur le monde entier.

    Les cliques impérialistes qui ont peur de leur propre historique et qui sont pourtant son instrument, qui ne peuvent pas se décider de déchaîner les esprits de guerre et qui font en même temps tout pour leur enlever leurs chaînes et déclencher leur danse sanglante, qui trompent tout le monde par un palabre pacifiste inepte en même temps qu’elles cherchent la gâchette des mitrailleuses – ces cliques impérialistes poussent le monde de nouveaux au bord de l’inévitable.

    L’IC invite tous les travailleurs à l’œuvre de défense. Dès aujourd’hui, jour par jour, inlassablement, il faut rallier les rangs des combattants.

    Dès aujourd’hui, il faut que nous rassemblons les masses, qu’ on envoie les missionnaires fidèles de la classe ouvrière chez les soldats et les marins, dans les armées et les flottes, pour préparer le jour et l’heure où, en réponse à l’appel infâme des impérialistes que les prolétaires s’entre-tuent, les lourds canons tourneront sur leurs axes et dirigeront leur gueule contre la tête des impérialistes, cette cible la meilleure pendant la guerre impérialiste.

    La brute impérialiste qui, de ses yeux troubles, ne regardant que le passé historique et incapable de soulever le voile de l’avenir, se console dans l’illusion du calme relatif en Europe, à laquelle le vampire américain inocule de temps en temps une dose d’élixir d’or vivifiant.

    Mais l’œil sagace du prolétaire qui a fait l’expérience sur sa propre peau, de toutes les beautés magnifiques de la rationalisation capitaliste et de toute l’ironie de la paix industrielle, distingue et reconnaît l’accumulation gigantesque des contradictions capitalistes et l’accroissement de la lutte de classes qui se produit un peu partout.

    La grève en Angleterre, l’insurrection viennoise, les grèves en Allemagne, les résultats électoraux en France et en Allemagne, la réaction des ouvriers allemands devant la nouvelle trahison de la social-démocratie dans l’affaire du croiseur-cuirassé, la résistance violente des ouvriers et paysans chinois, le grondement croissant du tonnerre des volcans révolutionnaires aux Indes d’où sort déjà comme avertissement, une colonne de fumée, le mécontentement croissant en Amérique du Sud, la progression de la conscience de classe chez les nègres et des milliers d’autres symptômes — ne démontrent-ils pas que la taupe de l’histoire mine d’une façon excellente le monde capitaliste ?

    L’IC invite tous les travailleurs, et en premier lieu les ouvriers industriels, à la lutte pour le maintien de chaque pouce de terrain des positions conquises, pour la lutte contre l’offensive du capital, pour la lutte contre l’exploitation éhontée, contre l’esclavage du prolétariat, contre la politique impérialiste, contre la guerre.

    L’IC invite tous les travailleurs et opprimés à la défense dévouée de la révolution chinoise dont les martyrs et les héros sont tombés sous la hache du bourreau.

    L’IC invite tous les prolétaires honnêtes à s’unir pour former un mur de fer autour de l’US, contre laquelle l’impérialisme lève son glaive. L’IC invite à la plus grande vigilance et à la lutte directe contre les mensonges pacifistes et contre la tromperie pacifiste. L’IC invite à la rupture immédiate avec la bourgeoisie et à l’unité de tous les rangs dans la classe ouvrière, à la lutte sans merci contre tes ennemis du prolétariat.

    Contre l’unité social-démocrate avec la bourgeoisie — pour l’unité de classe des prolétaires.

    Contre le social-impérialisme — Pour le soutien héroïque des frères dans les colonies !

    Contre le mensonge pacifiste — pour la lutte corps et âme contre la guerre impérialiste !

    Contre le réformisme et le fascisme — pour la révolution prolétarienne

    Vive la dictature prolétarienne en Union Soviétique !

    Vive la révolution mondiale prolétarienne !

    Moscou, 1er septembre 1928

    Le 6e Congrès Mondial de l’IC

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    de l’Internationale Communiste

  • Thèses sur le Mouvement Révolutionnaire dans les Colonies et Semi-colonies au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    1. — Introduction

    §1. Le 6e Congrès de l’IC déclare que les Thèses sur les questions nationale et coloniale, élaborées par Lénine et adoptées par le 2 e Congrès Mondial, conservent toute leur importance et doivent continuer à guider l’activité des PC.

    Après le 2e Congrès, l’importance des colonies et semi-colonies, comme facteur de crise du système mondial, a augmenté d’actualité.

    D’une part, en tant qu’objet d’exploitation dont l’impérialisme ne saurait se passer, les colonies sont devenues, plus encore qu’auparavant, une source perpétuelle de conflits et guerres entre impérialistes.

    Les guerres de rapine et les nouveaux plans militaires des États impérialistes contre divers peuples restés plus ou moins indépendants, les préparatifs croissants des puissances impérialistes en vue de guerres pour un nouveau partage des colonies se développent sans cesse.

    D’autre part, le monde immense des colonies et des semi-colonies s’est transformé en un foyer inextinguible de mouvements révolutionnaires de masses.

    Ce phénomène, dont la signification historique est gigantesque, résulte en partie des changements qui se sont opérés pendant et après la guerre impérialiste, dans la situation intérieure des principales colonies et semi-colonies, dans leur structure économique et sociale : renforcement des éléments de développement industriel capitaliste, aggravation de la crise agraire, accroissement et commencement d’organisation du prolétariat, paupérisation des grandes masses paysannes, etc., en partie aussi des changements dans la situation internationale : d’une part, les difficultés rencontrées par les principales puissances impérialistes pendant la guerre et la crise d’après-guerre de l’impérialisme mondial, plus tard, l’agressivité accrue de la politique coloniale de l’Angleterre, du Japon, des États-Unis, de la France, de l’Italie, de la Hollande, comme conséquence, de la «paix» impérialiste ; d’autre part, la transformation de la Russie de paissance impérialiste en puissance prolétarienne anti-impérialiste, la lutte victorieuse des peuples de l’URSS contre l’impérialisme mondial pour la défense de leur indépendance, l’exemple de la solution révolutionnaire de la question nationale, l’influence de l’édification socialiste soviétique, enfin le renforcement du mouvement communiste dans les pays capitalistes, et son action en faveur des colonies.

    Tous ces faits ont considérablement accéléré l’éveil politique des formidables masses populaires des pays coloniaux et semi-coloniaux et provoqué une série de grands soulèvements révolutionnaires qui, pour la plupart, lièrent étroitement d’une façon originale, la lutte libératrice anti-impérialiste et le développement des forces de la lutte de classes à l’intérieur.

    2. La Révolution chinoise a eu la plus grande importance internationale. Le massacre des ouvriers chinois à Shanghai, le 30 mai 1925 fut le signal du déchainement d’une formidable vague révolutionnaire en Chine.

    Les plus grands centres industriels : Shanghai, Tientsin, Hankéou, Canton et la colonie anglaise de Hongkong furent l’arène de grèves révolutionnaires de masses, qui soulevèrent une vague d’action des masses paysannes contre les propriétaires fonciers chinois et la «gentry».

    Déjà, dans cette étape initiale du large mouvement national-révolutionnaire, la bourgeoisie nationale s’est efforcée de limiter la lutte révolutionnaire exclusivement à des objectifs nationaux, tels que la lutte contre les militaristes, le boycott des impérialistes, etc.

    Au moment même où se levait la vague révolutionnaire, la contre-révolution commençait à organiser ses forces (coup d’État de Tchang Kai Chek en mars 1926, massacre des manifestations d’étudiants à Pékin, organisation de l’aile droite du Kuomintang qui engagea la lutte contre les paysans dans le Kyantoung et le Kyangsi, etc.).

    L’expédition vers le Nord, qui commença en été 1926, la conquête d’une série de provinces, la défaite et l’effondrement de nombreux groupements militaristes furent accompagnés d’une formidable croissance du mouvement des masses (occupation des concessions anglaises à Hankéou et Kioukiang, grève générale à Shanghai, qui se transformera en une insurrection armée, croissance gigantesque du mouvement paysan).

    L’insurrection victorieuse de Shanghai, en avril 1927, posa la question de l’hégémonie du prolétariat dans le mouvement national- révolutionnaire, poussa définitivement la bourgeoisie indigène dans le camp de la réaction et détermina le coup d’État de Tchang Kai Chek.

    Les actions indépendantes des ouvriers luttant pour le pouvoir, et surtout l’essor continu du mouvement paysan, se transformant en révolution agraire poussèrent aussi le gouvernement de Wouhan, formé sous la direction de l’aile petite-bourgeoise du Kuomintang, dans le camp de la contre-révolution.

    Cependant, la vague révolutionnaire déclinait déjà. Dans une série d’insurrections (insurrection de Ho Lung, Vé Ting, soulèvements paysans dans le Hounan, Houpé, Kyantoung, Kiangsou) la classe ouvrière et les paysans tentèrent d’arracher le pouvoir aux impérialistes, à la bourgeoisie et aux propriétaires fonciers et d’empêcher par là la défaite de la révolution.

    Ils n’y réussirent pas. La dernière puissante manifestation de cette vague révolutionnaire fut l’insurrection de l’héroïque prolétariat de Canton, qui sous le mot d’ordre des Soviets, tenta de lier la révolution agraire au renversement du Kuomintang et l’établissement de la dictature du prolétariat et des paysans.

    §3. Aux Indes, la politique de l’impérialisme anglais, entravant le développement de l’industrie indigène, souleva un fort mécontentement de la bourgeoisie hindoue dont la consolidation, en tant que classe, remplaça la division antérieure en sectes religieuses et en castes, s’exprima en 1916 par la fusion du Congrès National Hindoue — organe de la bourgeoisie hindoue — avec la Ligue Musulmane et dressa, face à l’impérialisme anglais, le front uni national.

    La crainte d’un mouvement révolutionnaire pendant la guerre obligea l’impérialisme anglais à faire des concessions à la bourgeoisie indigène ; elles s’exprimèrent dans le domaine économique par une augmentation des droits de douane sur les produits importés ; dans le domaine politique, par les piètres réformes parlementaires introduites en 1919.

    Cependant, les conséquences désastreuses de la guerre impérialiste (famine et épidémies de 1918), l’aggravation catastrophique de la situation des grandes masses de la population laborieuse, l’influence de la révolution d’Octobre en Russie et d’une série de soulèvements dans les pays coloniaux (par exemple la lutte du peuple turc pour l’indépendance) suscitèrent dans les masses du peuple hindou une intense fermentation qui s’exprima par une série d’actions révolutionnaires contre l’impérialisme anglais.

    Ce premier grand mouvement anti-impérialiste aux Indes (1919-22) se termina par la trahison de la bourgeoisie hindoue envers la cause de la révolution nationale, trahison déterminée, surtout par la crainte de la vague grandissante des insurrections de paysans et des grèves des ouvriers contre les patrons indigènes.

    La débâcle du mouvement national-révolutionnaire et la désagrégation graduelle du nationalisme bourgeois permirent à l’impérialisme anglais de revenir à la politique d’entraves au développement industriel des Indes.

    Les dernières mesures de l’impérialisme anglais aux Indes démontrent que la contradiction objective entre le monopole colonial et la tendance des Indes à un développement économique indépendant s’aggrave d’année en année et mené à une nouvelle et profonde crise révolutionnaire.

    Le véritable danger pour la domination anglaise vient non pas du camp de la bourgeoisie, mais du mouvement de masses croissant des ouvriers hindous qui se développe en de formidables grèves ; en même temps, l’aggravation de la crise à la campagne témoigne de la maturation de la révolution agraire. Ces phénomènes déterminent un changement total de la situation politique aux Indes.

    §4. En Indonésie, l’impérialisme hollandais est de plus en plus obligé d’accorder aux puissances plus fortes (impérialismes américain et anglais) la possibilité d’importer toujours plus de marchandises et de capitaux. L’impérialisme hollandais est ainsi obligé de jouer en fait en Indonésie un rôle subalterne, un rôle «d’agent» qui exerce en outre les fonctions de gendarme et de bourreau.

    L’insurrection qui éclata à Java, en novembre 1926, fut directement causée par la crise qui aggrava la situation des grandes masses de la population et par la répression cruelle du mouvement national-révolutionnaire par le gouvernement.

    L’insurrection fut dirigée en grande partie par les communistes. Le gouvernement a réussi à la noyer dans le sang, à écraser le PC, exterminer ou à emprisonner des milliers des meilleurs de combattants du prolétariat et des paysans.

    Les réformes insignifiantes mises en scène plus tard par le gouvernement pour atténuer la haine des larges masses populaires et pour acheter le soutien des chefs national-réformistes, dans l’œuvre «d’apaisement» des masses n’améliorèrent en rien la situation des couches du peuple.

    La crise économique qui continue, celle des industries du sucre et du caoutchouc, en particulier l’offensive du capital pour aggraver les conditions de travail et le chômage croissant, créent les conditions objectives de nouvelles actions inévitables des masses ouvrières et paysannes contre l’impérialisme.

    §5. En Afrique du Nord, commença en 1925 une série de soulèvements des tribus kabyles du Riff contre les impérialismes français et espagnols. Elles furent suivies d’un soulèvement des tribus Druzes, de la Syrie, sous «mandat», contre l’impérialisme français.

    Au Maroc, les impérialistes ne réussirent à maîtriser ce soulèvement qu’après une guerre prolongée. La pénétration renforcée du capital étranger dans ces pays donne naissance à de nouvelles forces sociales. L’apparition et la croissance du prolétariat urbain s’exprime par une vague de grèves de masses qui, pour la première fois, se développent en Palestine, en Syrie, en Tunisie et en Algérie.

    Peu à peu, quoique très lentement, les paysans de ces pays entreront aussi dans la lutte.

    §6. L’expansion économique et militaire croissante de l’impérialisme nord-américain dans les pays de l’Amérique latine fait de ce continent un des principaux théâtres des antagonismes de tout le système colonial impérialiste.

    L’influence de l’Angleterre qui, avant la guerre, était décisive dans ces pays, réduisant beaucoup d’entre eux à l’état de semi-colonie, fut supplantée après la guerre par une dépendance, plus forte encore, à l’égard des États-Unis.

    Grâce à une exportation croissante de capitaux, l’impérialisme nord- américain conquiert les postes de commande de l’économie de ces pays, soumet leurs gouvernements à son contrôle financier et, en même temps, les excite les uns contre les autres.

    Cette politique agressive de l’impérialisme américain prend de plus en plus un caractère de violence non déguisée, allant jusqu’à l’intervention armée (Nicaragua).

    La lutte d’émancipation nationale contre l’impérialisme américain qui a commencé en Amérique latine est en grande partie dirigée par la petite-bourgeoise.

    La bourgeoisie nationale, qui forme une couche très réduite de la population (sauf en Argentine, au Brésil, au Chili) liée, d’une part, aux grands propriétaires fonciers, et, d’autre part, au capital américain, est dans le camp de la contre-révolution.

    La révolution mexicaine, qui débuta par la lutte révolutionnaire des paysans pour la terre, contre les propriétaires fonciers et l’Église, revêtit en même temps à un degré considérable le caractère d’une lutte des masses contre l’impérialisme américain et anglais et aboutit à la constitution d’un gouvernement de la petite-bourgeoisie, qui s’efforce de conserver le pouvoir par des concessions aux grands propriétaires fonciers et à l’impérialisme nord-américain.

    Les insurrections paysannes, les grèves des ouvriers, etc., en Equateur, contre le gouvernement des propriétaires fonciers de la côte et contre le gouvernement des banquiers et de la bourgeoisie commerçante de Guayaquil déterminèrent un coup d’État militaire et l’instauration d’un gouvernement militaire dictatorial en 1925 ; une série de coups d’État militaires au Chili : une guerre de Partisans au Nicaragua contre l’impérialisme nord-américain ; une série d’insurrections dans le sud du Brésil ; l’insurrection des ouvriers agricoles de Patagonie, en Argentine ; les soulèvements d’Indiens, en Bolivie, Equateur et Colombie, les rébellions, les grèves générales spontanées et les manifestations de masses au Venezuela et en Colombie ; les mouvements anti-impérialistes de masses à Cuba et dans toute l’Amérique Centrale, en Colombie etc., etc., tous ces événements des dernières années témoignent d’un élargissement et d’un approfondissement du processus révolutionnaire et surtout de la colère croissante des pays de l’Amérique latine contre l’impérialisme mondial.

    §7. Dans la plupart des cas l’impérialisme a jusqu’à présent réussi à noyer dans le sang le mouvement révolutionnaire des pays coloniaux. Mais toutes ces questions fondamentales qui provoquèrent ces mouvements sont restées sans solution.

    La contradiction objective entre la politique coloniale de l’impérialisme mondial et le développement indépendant des peuples coloniaux n’a nullement disparu ni en Chine, ni aux Indes, ni dans aucun autre des pays coloniaux et semi-coloniaux, au contraire, elle s’aggrave toujours plus et ne peut être éliminée que par la lutte révolutionnaire victorieuse des masses travailleuses des colonies.

    Tant que cette contradiction n’aura pas été éliminée, elle agira dans chaque colonie et semi-colonie comme un des principaux facteurs objectifs de la révolution. En même temps, la politique coloniale des États impérialistes agit comme un des plus puissants générateurs d’antagonisme et de guerres, entre eux.

    Cet antagonisme s’aggrave de plus en plus et joue, dans les semi-colonies surtout, en dépit de blocs fréquents des impérialistes, un rôle plus ou moins considérable. Mais les antagonismes entre le monde impérialiste d’un côté, l’URSS et le mouvement ouvrier révolutionnaire des pays capitalistes de l’autre, ont la plus grande importance pour le développement du mouvement révolutionnaire dans les colonies.

    §8. La formation d’un front de combat entre les forces actives et la révolution socialiste mondiale (l’US et le mouvement ouvrier dans les pays capitalistes) d’une part, et, de l’autre, les forces de l’impérialisme, ont, à l’époque actuelle de l’Histoire universelle, une signification primordiale décisive.

    Les masses laborieuses des colonies luttant contre l’esclavage impérialiste forment une puissante armée militaire de la révolution socialiste mondiale.

    Les pays coloniaux sont actuellement pour l’impérialisme mondial le secteur du front le plus dangereux.

    Les mouvements révolutionnaires libérateurs des colonies et des semi-colonies se groupent de plus en plus autour du drapeau de l’US, convaincus par une amère expérience, qu’il n’y a pour eux de salut que dans l’alliance avec le prolétariat révolutionnaire, dans la victoire de la révolution prolétarienne mondiale sur l’impérialisme mondial.

    De leur côté, le prolétariat de l’URSS et le mouvement ouvrier dans les pays capitalistes, dirigés par l’IC, soutiennent et soutiendront de plus en plus énergiquement par leur action, la lutte émancipatrice de tous les peuples coloniaux dans leur lutte pour l’émancipation définitive du joug de l’impérialisme.

    Plus : l’alliance de l’URSS et du prolétariat révolutionnaire des pays impérialistes crée pour les masses laborieuses des peuples de Chine, des Indes et de tous les pays arriérés coloniaux et semi-coloniaux la possibilité d’un développement indépendant, libre, économique et culturel, brûlant l’étape de la domination du régime capitaliste et même le développement des rapports capitalistes en général.

    L’époque de l’impérialisme, des guerres et des révolutions, dans laquelle nait la dictature du prolétariat, ouvre ainsi une perspective tout à fait nouvelle au développement des peuples coloniaux.

    Étant donné que de l’analyse d’ensemble de l’économie mondiale contemporaine ne résulte nullement de la perspective d’une nouvelle période prolongée de prospérité capitaliste, mais, au contraire, la chute inévitable du capitalisme, qui a déjà terminé son rôle historique progressif et est devenu un frein au progrès, se décompose cédant la place à la dictature prolétarienne (URSS) et mène l’humanité à de nouvelles catastrophes.

    Ainsi il y a la possibilité objective d’un développement non capitaliste des colonies arriérées, d’une transformation de la révolution démocratique-bourgeoise en révolution socialiste prolétarienne dans les colonies avancées grâce à l’aide de la dictature prolétarienne des autres pays.

    Si les conditions objectives sont favorables, cette possibilité devient réalité, la marche réelle des événements étant déterminée par la lutte, et seulement la lutte. Défendre cette voie en théorie et en pratique, lutter pour elle avec abnégation, est le devoir de tous les communistes. Cette perspective pose également devant les colonies le problème de la prise du pouvoir révolutionnaire par les Soviets.

    Toutes les questions fondamentales du mouvement révolutionnaire des colonies et des semi-colonies se trouvent ainsi en liaison étroite avec la lutte formidable et historique, entre le système capitaliste et le système socialiste, menée actuellement, à l’échelle mondiale, par l’impérialisme contre l’URSS et, à l’intérieur de chaque pays capitaliste, entre la domination de classe de la bourgeoisie et le mouvement communiste.

    Dans cette lutte la collaboration du prolétariat révolutionnaire du monde entier et des masses laborieuses des colonies est la garantie la plus sûre de victoires sur l’impérialisme.

    Dans cette lutte, tout conflit armé entre deux États impérialistes, et toute guerre des impérialistes contre l’URSS doivent être utilisés pour mobiliser les masses des colonies et les entraîner dans une lutte décisive pour la victoire des ouvriers et paysans.

    2. — Traits caractéristiques de la vie économique des colonies et de la politique coloniale impérialiste

    §9. L’histoire des colonies ne peut être comprise que si elle est considérée comme une partie de l’histoire du développement de l’économie capitaliste dans son ensemble, de ses formes les plus primitives à sa dernière : l’impérialisme.

    À mesure que le capitalisme englobe de plus en plus l’immense domaine colonial dans la sphère de son économie mondiale basée sur l’exploitation et la chasse au profit, l’histoire économique et politique des pays coloniaux et semi-coloniaux reflète, comme un miroir, tous les traits caractéristiques de la soi-disant mission civilisatrice et culturelle du mode de production capitaliste et de l’ordre social bourgeois.

    Elle découvre surtout, avec une franchise implacable, les méthodes et la pratique de l’accumulation primitive du capital. Une politique de conquêtes et d’oppression d’une cruauté inouïe avec sa rapine coloniale et ses expéditions punitives, ses guerres d’opium et ses incursions de pirates, son ravitaillement forcé de la population indigène en eau-de-vie, en bibles et autres poisons, produits en abondance par les pays très chrétiens d’Europe et d’Amérique, tels furent les principaux facteurs qui favorisèrent le renforcement du régime capitaliste.

    En dépit des odieux mensonges des impérialistes et de leurs valets réformistes (Macdonald, Otto Bauer et Cie) qui affirment que l’impérialisme «apporte aux peuples arriérés la prospérité, le progrès et la culture» le passage à l’époque du capitalisme monopoliste n’a aucunement allégé le fardeau qui pèse sur les formidables masses des peuples coloniaux.

    Les conséquences désastreuses qu’entraîne partout le développement capitaliste, surtout dans la première phase de son existence, se reproduisent dans les colonies à un degré monstrueux et avec une rapidité accrue grâce à la pénétration du capital étranger.

    Le progrès provoqué par le capitalisme, au contraire, ne s’y fait généralement pas du tout sentir.

    Là où l’impérialisme régnant a besoin dans les colonies d’un appui social, il s’unit aux couches dirigeantes de l’ancien régime social — les féodaux et la bourgeoisie marchande et usurière — contre la majorité du peuple. Partout, l’impérialisme s’efforce de conserver et d’éterniser toutes les formes précapitalistes (surtout dans les campagnes) qui sont la base d’existence de ses alliés réactionnaires.

    Les masses populaires de ces pays sont contraintes de payer des sommes immenses pour l’entretien de l’armée, de la gendarmerie et de l’appareil administratif du régime colonial.

    La famine et les épidémies qui se développent surtout parmi les paysans paupérisés ; l’expropriation en masse des terres de la population indigène ; les conditions inhumaines de travail (dans les plantations et les mines des capitalistes blancs, etc., etc.), pires parfois que l’esclavage avoué exercent partout leur influence néfaste sur la population des colonies et déterminent parfois l’extinction de peuplades entières.

    Le «rôle éducatif culturel» des États impérialistes dans les colonies est en réalité celui de bourreau.

    §10. Parmi les pays coloniaux, il faut distinguer entre les colonies des pays capitalistes qui servaient de territoire de colonisation pour le surplus de leur population et qui devinrent ainsi le prolongement de leur système capitaliste (Australie, Canada, etc.) et les colonies qui sont exploitées par les impérialistes surtout comme débouchés, source de matières premières et sphère d’investissement des capitaux.

    Cette distinction a une grande importance, non seulement historique, mais aussi économique et politique. Les colonies du premier type sont devenues, par leur développement général, des Dominions, c’est-à-dire des parties du système impérialiste jouissant de droits égaux ou presque égaux à ceux de la métropole.

    Le développement capitaliste y reproduit, au sein de la population blanche immigrée, la même structure sociale que celle de la métropole. Il n’est pas question de régime colonial sous la forme existant dans les colonies du second type.

    Entre ces deux types, existe un type transitoire où à côté de nombreuses populations indigènes existe une population blanche considérable formée de colons. (Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Algérie, etc., etc.).

    La bourgeoisie, venue de la métropole, représente au fond dans ces pays (colonies d’émigration) un «prolongement» colonial de la bourgeoisie de la métropole. Les intérêts de cette bourgeoise sont en grande partie identiques aux intérêts coloniaux la métropole.

    La métropole est intéressée, jusqu’à un certain degré, de renforcer sa «filiale» capitaliste dans la colonie, surtout quand cette «filiale» de l’impérialisme réussit à subjuguer l’ancienne population indigène ou même à la faire disparaître complètement.

    D’autre part, la rivalité des divers systèmes impérialistes pour l’influence dans ces pays demi-indépendants peut aboutir à leur indépendance de la métropole et même à leur rattachement aux concurrents de celle-ci. Ces causes contraignent souvent l’impérialisme à accorder à son agence une certaine indépendance politique et économique dans ces colonies (Dominions) qui deviennent alors des puissances alliées et apparentées à leur impérialisme respectif.

    §11. Au fond, le régime colonial impérialiste consiste en un monopole, basé non seulement sur la pression économique mais aussi sur la contrainte non économique, de la bourgeoisie du pays impérialiste dans le pays dépendant, monopole qui a deux fonctions principales ; d’un côté, l’exploitation impitoyable des colonies (diverses formes de tributs directs ou indirects, surprofits provenant de l’écoulement des produits industriels de la métropole et de l’approvisionnement de l’industrie de la métropole en matières premières à bas prix avec l’utilisation de main-d’œuvre à très bon marché); d’autre part, le monopole impérialiste sert à conserver et à développer les conditions de sa propre existence, c’est-à-dire l’assujettissement des masses coloniales.

    Dans sa fonction d’exploiteur l’impérialisme est, par rapport au pays colonial, avant tout un parasite qui suce le sang de son organisme économique.

    Le fait que ce parasite représente envers sa victime une haute culture, en fait un exploiteur d’autant plus puissant et dangereux, mais du point de vue du pays colonial, ne modifie en rien le caractère parasitaire de ses fonctions.

    L’exploitation capitaliste de chaque pays impérialiste a suivi la voie du développement des forces productives. Les formes spécifiquement coloniales d’exploitation capitaliste, employées par la bourgeoisie anglaise, française et autres, freinent, par contre, en fin de compte, le développement des forces productives de leurs colonies.

    Elles consistent à n’effectuer que le minimum de travail constructif (chemins de fer, ports) nécessaire à la domination militaire du pays, au fonctionnement ininterrompu de la machine fiscale et aux besoins du commerce du pays impérialiste.

    L’agriculture des colonies est obligée, en grande partie, de travailler pour l’exportation, mais l’agriculture n’est nullement libérée par là des entraves des formes économiques précapitalistes.

    En règle générale, elle se transforme en économie marchande «libre» grâce à la subordination des formes de production précapitalistes aux du capital financier, l’intensification des méthodes précapitalistes d’exploitation, à l’assujettissement de l’économie paysanne au joug du capital marchand et usuraire, qui se développe rapidement, au renforcement des charges fiscales, etc., etc.

    L’exploitation des paysans se renforce, mais leurs méthodes de production ne sont pas renouvelées. En règle générale, la transformation industrielle des matières premières coloniales s’opère non pas dans la colonie, mais dans les pays capitalistes, avant tout dans la métropole.

    Les bénéfices tirés des colonies n’y sont pas, pour la plupart, dépensés productivement, ils sont extraits du pays pour être investis soit dans la métropole, soit dans de nouvelles sphères d’expansion de l’impérialisme.

    Ainsi, l’exploitation coloniale est, par sa tendance fondamentale, un frein au développement des forces productives des colonies, elle opère le pillage des richesses naturelles et, surtout, épuise les réserves de forces productives humaines du pays colonial.

    §12. Cependant, dans la mesure où l’exploitation coloniale détermine un certain développement de la production dans les colonies, ce développement, grâce au monopole impérialiste, prend une orientation spéciale et n’est encouragé que dans la mesure où il correspond aux intérêts de la métropole, au maintien de son monopole colonial en particulier.

    Elle peut pousser une partie des paysans, par exemple, à passer de la culture des céréales à celle du coton, du sucre, du caoutchouc (Soudan, Cuba, Java, Égypte, etc.), mais cela s’opère d’une façon qui, non seulement, ne correspond pas aux intérêts du développement économique des pays coloniaux, mais au contraire, renforce encore davantage la dépendance des colonies à l’égard des métropoles impérialistes.

    Dans le but d’élargir l’approvisionnement de l’impérialisme mondial en matières premières, on crée de nouvelles cultures agricoles pour remplacer celles qu’anéantit la politique coloniale.

    Les nouveaux systèmes d’irrigation, construits dans ce but pour remplacer les anciens systèmes détruits, se transforment aux mains des impérialistes en un instrument d’exploitation renforcée des paysans.

    Dans le but d’élargir le marché intérieur, on fait des tentatives d’adapter au mode de production capitaliste les rapports agraires créés en partie par la politique coloniale elle-même. Les plantations de toute sorte servent les intérêts du capital financier des métropoles.

    L’exploitation des richesses minérales des colonies est faite en vue des besoins de l’industrie de la métropole, surtout afin de la rendre indépendante des sources de matières premières des autres pays, sur lesquels ne s’exerce pas son monopole.

    Ce sont les principales sphères de la production coloniale. Le développement de la production dans les colonies grandit relativement, là seulement où la fabrication est une opération extrêmement simple (industrie du tabac, du sucre, etc.) et où les frais de transport des matières premières peuvent être sensiblement réduits par leur transformation sur place.

    En tout cas, les entreprises capitalistes, créées dans les colonies par les impérialistes (à l’exception de certaines entreprises créées pour des buts de guerre) portent essentiellement ou exclusivement un caractère capitaliste-agraire caractérisé par une faible composition organique du capital.

    La véritable industrialisation des pays coloniaux, en particulier la création d’une industrie viable de construction mécanique capable de favoriser le développement indépendant des forces productives du pays, loin d’être encouragée, est au contraire entravée par la métropole.

    C’est en cela, au fond, que consiste sa fonction d’oppression coloniale, le pays colonial est contraint de sacrifier les intérêts de son développement indépendant et de jouer le rôle d’appendice économique (agriculture, matières premières) du capitalisme étranger, afin de renforcer, au détriment des classes laborieuses du pays colonial, le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie du pays impérialiste, de perpétuer son monopole colonial et de renforcer son expansion dans le reste du monde.

    De même que le «capitalisme classique» de l’époque pré- impérialiste démontrait, on ne peut plus clairement, par sa rapine dans les colonies, tous les caractères négatifs de la destruction du passé sans édification créatrice d’une économie nouvelle ; de même l’indice le plus caractéristique de la décadence de l’impérialisme, son caractère usuraire et parasitaire apparaît clairement dans son économie coloniale.

    La tendance des grandes puissances impérialistes à adapter toujours davantage et toujours plus exclusivement leurs colonies monopolisées aux besoins de l’économie capitaliste de la métropole, entraîne non seulement la destruction du régime économique traditionnel de la population coloniale indigène, mais aussi à une rupture de l’équilibre entre les différents branches de la production et, en fin de compte, à un ralentissement artificiel du développement des forces productives des colonies.

    La tendance générale commune à toutes les métropoles consiste, d’une part, à faire de la colonie une partie subordonnée de son système impérialiste, afin de permettre à celui-ci de se suffire à lui- même économiquement et de s’opposer aux autres systèmes impérialistes, et, d’autre part, à priver la colonie des rapports directs avec l’ensemble de l’économie mondiale et à prendre la fonction d’intermédiaire et d’arbitre suprême de ses rapports économiques avec le monde extérieur.

    Cette tendance des impérialistes à renforcer la dépendance unilatérale des colonies à l’égard de la métropole, aiguise la rivalité des diverses puissances impérialistes, des trusts internationaux, etc.

    Le développement des rapports capitalistes et l’exploitation des masses populaires des colonies déterminés par ces conditions revêtent des formes très variées.

    §13. L’immense majorité de la population des colonies étant attachée à la terre dans les campagnes, les formes rapaces d’exploitation des paysans employées par l’impérialisme et ses alliés (la classe des propriétaires fonciers et le capital marchand et usuraire) acquièrent une importance particulière.

    Grâce à l’intervention de l’impérialisme (impôts, importation de marchandises industrielles de la métropole, etc.) l’incorporation des campagnes dans l’économie monétaire et marchande est accompagnée de la paupérisation de l’économie paysanne, de la ruine de l’artisanat paysanne, etc., etc. et s’opère d’une façon beaucoup plus rapide que naguère dans les pays capitalistes avancés : au contraire, le développement industriel ralenti fixe des limites étroites à la prolétarisation.

    Cette formidable disproportion entre la destruction rapide des anciennes formes économiques et le lent développement des formes nouvelles a en Chine, aux Indes, en Indonésie, en Égypte, etc., un extraordinaire «manque de terre» et la surpopulation des campagnes, une grande augmentation de la rente foncière et un morcellement extrême des terres cultivées par les paysans.

    En plus tout le poids des anciens rapports d’exploitation et d’oppression féodaux ou semi-féodaux, sous des formes quelque peu «modernisées» mais pas plus supportables, pèse comme par le passé sur les paysans.

    Le capitalisme, qui a englobé les campagnes des colonies dans son système fiscal et son appareil commercial et qui a provoqué un bouleversement dans les rapports précapitalistes (par exemple en supprimant la communauté villageoise) aucunement émancipé par là les paysans du joug des formes précapitalistes d’oppression et d’exploitation, et n’a fait que les exprimer en argent (la corvée et le fermage en nature sont en partie remplacés par le fermage en argent, l’impôt en nature par l’impôt en argent, etc., etc.) ce qui a encore aggravé la misère des paysans.

    Au «secours» de la situation précaire des paysans sont venus les usuriers qui les spolient et parfois (par exemple, dans certaines régions des Indes et de la Chine) créent un esclavage héréditaire pour dettes.

    En dépit de toute la diversité des rapports agraires dans les divers pays coloniaux et même dans les différentes régions d’un même pays, la situation misérable des masses paysannes est presque partout la même : en grâce à un échange non équivalent ; en partie, grâce à une exploitation directe, les paysans de ces pays sont hors d’état d’élever le niveau de la technique et de l’organisation de leur culture.

    La productivité de leur travail et leur consommation diminuent. La paupérisation des paysans dans ces pays est un phénomène général.

    Aux Indes, en Chine, en Indonésie, la paupérisation des paysans a atteint un tel degré, qu’actuellement le type dominant à la campagne est le paysan pauvre sans terre ou presque sans terre, souvent en proie à la famine. La grande propriété foncière n’est presque jamais liée à la grande exploitation agricole et ne sert qu’à tirer des paysans le paiement des fermages.

    Il existe du reste souvent toute une hiérarchie de fermiers et de sous-fermiers, intermédiaires parasitaires entre le cultivateur et le grand propriétaire foncier (gentry, zamindar) ou l’État.

    Les vieux réseaux d’irrigation artificielle, qui sont dans ces pays d’une grande importance pour l’agriculture, sont d’abord tombés en déchéance grâce à l’intervention de l’impérialisme et lorsqu’ils furent ensuite rétablis sur une base capitaliste, leur usage devient trop coûteux pour le paysan.

    Les mauvaises récoltes deviennent de plus en plus fréquentes. Devant les calamités et les épidémies de toute sorte, le paysan est sans défense.

    De grandes masses de paysans sont éliminées du processus de production ; ils n’ont aucune possibilité de trouver du travail dans les villes, trouvent rarement du travail dans les campagnes et se transforment en misérables coolies.

    Cette situation misérable des paysans a pour conséquence une crise du marché intérieur pour l’industrie et constitue donc un fort obstacle au développement capitaliste du pays.

    De même que la bourgeoisie nationale des Indes, de Chine, d’Égypte, l’impérialisme se heurte à cette misère des paysans comme un obstacle à l’élargissement de son exploitation ; mais, comme elle, il est si étroitement lié par ses intérêts économiques et politiques à la grande propriété foncière et au capital marchand et usuraire, qu’il ne peut réaliser une réforme agraire de quelque importance.

    L’économie domestique et l’artisanat paysan se désagrègent de plus en plus. Le développement du commerce crée large couche de bourgeoisie commerçante indigène, exerçant aussi la fonction d’accapareur, d’usurier, etc.

    La prédominance et l’hégémonie du capital marchand et usuraire, dans les conditions spécifiques de l’économie coloniale, entrave la croissance du capital industriel.

    Dans la lutte pour le marché intérieur, le capital national se heurte toujours davantage à la concurrence des capitaux étrangers importés et au frein que constituent les rapports précapitalistes dans les campagnes. En dépit de ces obstacles nait, dans certaines branches de production, une grande industrie indigène (industrie légère surtout). Le capital national et les banques nationales naissent et se développent.

    Les pitoyables tentatives de réaliser des réformes agraires sans préjudices pour le régime colonial, tendent à réaliser une lente transformation du propriétaire semi-féodal en propriétaire capitaliste, et dans certains cas, la formation de petite couche de paysans riches.

    En pratique, cela ne conduit qu’à une paupérisation toujours plus grande de l’écrasante majorité des paysans, ce qui paralyse davantage le développement du marché intérieur. Sur la base de ces processus économiques contradictoires se développent les principales forces sociales des mouvements coloniaux.

    §14. Dans la période de l’impérialisme, le rôle du capital financier dans la conquête du monopole économique et politique dans les colonies apparaît avec une netteté particulière.

    Cela se manifeste en particulier dans certaines conséquences économiques déterminées par l’exploitation du capital dans les colonies.

    Ce capital afflue particulièrement dans le commerce, joue principalement le rôle de capital usuraire (prêts) et vise à conserver et à renforcer l’appareil d’oppression de l’État impérialiste dans les colonies (par les emprunts d’État, etc.), ou à conquérir un contrôle complet des organes gouvernementaux soi-disant indépendants de la bourgeoisie indigène des pays semi-coloniaux.

    L’exportation du capital dans les colonies y accélère le développement des rapports capitalistes.

    La partie du capital exporté, qui est investie dans la production des colonies, détermine en partie une accélération du développement industriel ; non dans le but de favoriser l’indépendance de l’économie coloniale, mais au contraire, pour en renforcer la dépendance à l’égard du capital financier des pays impérialistes.

    En général, les capitaux importés dans les colonies sont employés presque exclusivement pour saisir et extraire les matières premières ou pour en développer les voies de communication (chemins de fer, constructions navales, aménagement des ports, etc.) qui facilitent l’enlèvement des matières premières et lient plus étroitement les colonies aux métropoles.

    La forme de prédilection des investissements dans l’agriculture est la participation des capitaux dans les grandes plantations, dans le but de produire des aliments à bon marché et monopoliser des sources immenses de matières premières.

    Le transfert dans les métropoles de la plus grande partie de la plus-value tirée de la main-d’œuvre à bas prix des esclaves coloniaux ralentit considérablement l’essor de l’économie des pays coloniaux, le développement de leurs forces productives et fait obstacle à l’émancipation économique et politique des colonies.

    Une autre caractéristique fondamentale des rapports entre les États capitalistes et les colonies est la tendance de divers groupes monopolistes du capital financier à monopoliser tout le commerce extérieur de certains pays coloniaux et semi-coloniaux, à les soumettre ainsi à leur contrôle et à réglementer tous les canaux qui lient l’économie coloniale au marché mondial.

    L’influence directe que cette monopolisation du commerce extérieur, par un petit nombre de firmes d’exportation monopolistes, exerce sur le développement capitaliste des colonies, s’exprime moins par le développement du marché intérieur national que par l’adaptation du commerce intérieur disséminé des colonies aux besoins de l’exportation et par l’absorption des richesses naturelles des pays coloniaux par les parasites impérialistes.

    Cette particularité du développement du commerce colonial trouve aussi son expression dans la forme et le caractère des banques impérialistes dans les colonies : elles mobilisent l’épargne de la population indigène pour financer le commerce extérieur des colonies, etc.

    §15. Toute la politique économique envers les colonies est guidée par le souci de conserver et de renforcer leur dépendance, d’intensifier leur exploitation et d’entraver le plus possible leur développement indépendant. Seules, des circonstances particulières peuvent obliger la bourgeoisie des États capitalistes à favoriser le développement de la grande industrie dans les colonies.

    Ainsi, la nécessité de conduire ou de préparer une guerre, dans une certaine mesure, la création de diverses entreprises métallurgiques et chimiques dans les colonies qui ont le plus d’importance stratégique (par exemple aux Indes).

    La concurrence des rivaux plus forts peut obliger la métropole à accorder certaines concessions dans la politique douanière, mais en ayant soin de se garantir de taxes de faveur.

    Afin de corrompre certaines couches de la bourgeoisie des colonies et semi-colonies, surtout dans les périodes d’essor du mouvement révolutionnaire, elle peut diminuer, dans une certaine mesure, sa pression économique ; mais, dès que ces circonstances extraordinaires, et pour la plupart non économiques, disparaissent, la politique économique des puissances impérialistes s’efforce aussitôt d’opprimer et d’entraver le développement économique des colonies.

    C’est pourquoi le développement de l’économie nationale des colonies et surtout leur industrialisation, le développement indépendant et complet de leur industrie, ne peuvent s’effectuer qu’en contradiction flagrante avec la politique de l’impérialisme.

    C’est pourquoi le caractère spécifique du développement des pays coloniaux s’exprime en ce que la croissance des forces productives s’effectue à travers des difficultés exceptionnelles, des spasmes et qu’elle est artificiellement limitée à certaines branches industrielles.

    Tout cela détermine inévitablement une pression sans cesse croissante de l’impérialisme sur les pays coloniaux et semi-coloniaux qui suscite une résistance de plus en plus forte des facteurs sociaux économiques engendrés par l’impérialisme lui-même.

    L’entrave permanente au développement indépendant renforce toujours davantage l’antagonisme et provoque des crises révolutionnaires, des mouvements de boycott, des soulèvements nationaux- révolutionnaires, etc.

    D’une part, les contradictions objectives immanentes du développement capitaliste dans les colonies se renforcent, et par là s’intensifient également les contradictions entre le développement des colonies et les intérêts de la bourgeoisie des États impérialistes.

    D’autre part, la nouvelle forme d’exploitation capitaliste crée une force vraiment révolutionnaire : le prolétariat, autour duquel les millions de paysans s’unissent de plus en plus pour opposer une résistance organisée à l’oppression du capital financier.

    Toutes ces palabres des impérialistes et de leurs valets sur la politique de décolonisation menée par les puissances impérialistes, l’encouragement au «libre essor des colonies» ne sont que mensonges impérialistes. Il est extrêmement important que les communistes démasquent ce mensonge aussi bien dans les pays impérialistes que dans les pays coloniaux.

    3. — La stratégie et la tactique communistes en Chine, aux Indes et dans les pays coloniaux semblables

    §16. Comme dans toutes les colonies et semi-colonies, le développement des forces productives et la collectivisation du travail en Chine et aux Indes sont à un niveau relativement bas.

    Cette circonstance ajoutée à l’oppression étrangère et à la présence de fortes survivances du féodalisme et des rapports précapitalistes, détermine le caractère de la prochaine étape de la révolution dans ces pays. Dans le mouvement révolutionnaire de ces pays, il s’agit d’une révolution démocratique-bourgeoise, c’est-à-dire, d’une étape où se préparent les prémisses de la dictature prolétarienne et de la révolution socialiste.

    On peut donc fixer les tâches fondamentales suivantes aux révolutions démocratiques-bourgeoises des colonies et semi-colonies :

    a) Modifier le rapport des forces en faveur du prolétariat ; libérer le pays du joug de l’impérialisme (nationalisation des concessions, voies ferrées, banques et autres entreprises étrangères); créer l’unité nationale là où elle n’est pas encore réalisée ; renverser le pouvoir des classes exploiteuses derrières lesquelles est l’impérialisme ; organiser des conseils ouvriers et paysans et une Armée Rouge ; instaurer la dictature du prolétariat et des paysans ; consolider l’hégémonie du prolétariat.

    b) Réaliser la révolution agraire ; libérer les paysans de toutes les formes précapitalistes et coloniales d’exploitation et d’esclavage, nationaliser la terre ; prendre des mesures radicales pour alléger la situation des paysans, afin d’établir entre la ville et la campagne l’alliance économique et la plus étroite.

    c) Avec le développement ultérieur de l’industrie, des transports etc., et la croissance correspondante du prolétariat, développer l’organisation syndicale de la classe ouvrière, consolider le PC et lui acquérir une solide position dirigeante parmi les masses travailleuses, conquérir la journée de huit heures.

    d) Etablir l’égalité des nationalités et des sexes (égalité des droits pour la femme); séparer l’État et l’Église et abolir les castes ; enseignement politique et relèvement du niveau intellectuel général des masses urbaines et rurales, etc.

    La marche du mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans, ses succès ou ses défaites dans la lutte contre les impérialistes, les féodaux et la bourgeoisie détermineront dans quelle mesure la révolution démocratique-bourgeoise pourra réaliser pratiquement toutes ses tâches fondamentales, et la partie d’entre elles qui ne peut être réalisée que par la révolution socialiste.

    La libération des colonies du joug impérialiste est facilitée par le développement de la révolution socialiste dans le monde capitaliste et ne peut être assurée définitivement que par la victoire du prolétariat dans les pays capitalistes avancés.

    Un certain minimum de conditions sont indispensables au passage de la révolution à sa phase socialiste ; par exemple, un certain niveau de développement industriel, une organisation syndicale prolétarienne et un puissant PC.

    Le plus important est précisément le développement d’un fort PC ayant une grande influence sur les masses, ce qui, dans ces pays, serait un processus lent et pénible au plus haut point, s’il n’était accéléré par la révolution démocratique-bourgeoise engendrée déjà par les conditions objectives de ces pays.

    §17. Dans les colonies, la révolution se distingue de la révolution dans un pays indépendant, surtout par sa liaison organique avec la lutte pour l’émancipation nationale du joug impérialiste. Le facteur national a une grande influence sur le processus révolutionnaire de toutes les colonies et semi-colonies, où l’esclavage impérialiste apparaît dans tout son cynisme qui exaspère les masses populaires.

    D’une part, l’oppression nationale accélère la maturation de la crise révolutionnaire, renforce le mécontentement des masses ouvrières et paysannes, facilite leur mobilisation et donne aux explosions révolutionnaires le caractère d’un mouvement élémentaire de masse, d’une véritable révolution populaire.

    D’autre part, le facteur national peut non seulement influencer le mouvement de la classe ouvrière et des paysans, mais encore modifier, au cours de la révolution, la position de toutes les autres classes ; en premier lieu, la petite-bourgeoisie pauvre des villes et les intellectuels petits-bourgeois tombent dans une mesure assez large, au début, sous l’influence des forces révolutionnaires actives ; deuxièmement, la position de la bourgeoisie coloniale dans la révolution démocratique-bourgeoise a, en grande partie, un caractère de duplicité ; au cours de la révolution, ses oscillations sont encore plus fortes que celles de la bourgeoisie des pays indépendants (par exemple, celles de la bourgeoisie russe en 1905-17).

    Il est très important, selon les circonstances concrètes, d’étudier attentivement l’influence particulière du facteur national, qui détermine en grande partie l’originalité de la révolution coloniale : il est très important d’en tenir compte dans la tactique du PC intéressé.

    À côté de la lutte pour l’émancipation nationale, le problème de la révolution agraire constitue l’axe de la révolution dans les pays coloniaux avancés.

    C’est pourquoi les communistes doivent suivre avec la plus grande attention le développement de la crise agraire et l’aggravation des contradictions de clases à la campagne ; ils doivent, dès le début, donner une orientation consciente et révolutionnaire au mécontentement des masses ouvrières et au mouvement paysan ; les orienter contre l’exploitation et l’esclavage impérialistes et contre le joug des divers rapports précapitalistes féodaux ou semi-féodaux, qui ruinent l’économie paysanne.

    L’état considérablement arriéré de l’agriculture, l’existence d’un système de fermage inhumain, le joug du capital marchand et usuraire sont les plus grandes entraves au développement des forces productives de l’agriculture des colonies et sont en contradiction inouïe avec les formes très développées, créées et monopolisées par l’impérialisme, de l’échange entre la production agricole des colonies et le marché mondial.

    §18. La bourgeoisie nationale de ces pays coloniaux n’occupe pas une position uniforme envers l’impérialisme.

    Une partie de cette bourgeoisie, la bourgeoisie marchande avant tout, sert directement les intérêts du capital impérialiste (la bourgeoisie dite des compradores). Dans l’ensemble, elle défend d’une façon plus ou moins conséquente, comme les alliés féodaux de l’impérialisme et les fonctionnaires indigènes les mieux rétribués, un point de vue antinational, impérialiste, dirigé contre tout le mouvement national.

    Le reste de la bourgeoisie indigène, en particulier la fraction représentant les intérêts de l’industrie indigène, se place sur le terrain du mouvement national et constitue une tendance particulièrement hésitante, et encline aux compromis qu’on appelle national-réformisme (ou, d’après la terminologie des thèses du 2e Congrès : orientation «démocratique-bourgeoise»).

    Il est vrai qu’on n’observe plus en Chine, après 1925, cette position intermédiaire de la bourgeoisie nationale entre le camp révolutionnaire et le camp impérialiste.

    Par suite de la situation particulière, une grande partie de la bourgeoisie nationale chinoise s’est mise, au début, à la tète de la guerre nationale libératrice ; plus tard, elle a passé définitivement au camp de la contre-révolution.

    Aux Indes et en Égypte, nous observons encore pour le moment un mouvement nationaliste bourgeois typique, — un mouvement opportuniste, enclin à de grandes hésitations, oscillant entre l’impérialisme et la révolution.

    L’indépendance du pays à l’égard de l’impérialisme, qui correspond aux intérêts de tout le peuple colonial correspond aussi aux intérêts de la bourgeoisie nationale, mais elle est en contradiction absolue avec toute la nature du système impérialiste.

    Mais les divers capitalistes indigènes sont en grande partie liés par leurs intérêts immédiats et d’une façon très variée au capital impérialiste. L’impérialisme peut en corrompre directement une partie importante ; il pourrait même leur créer dans une plus large mesure que jusqu’ici, une certaine position de comprador, d’intermédiaire commercial, d’exploiteur subalterne, de garde-chiourme du peuple asservi. Mais l’impérialisme se réserve la position de maître d’esclaves et d’exploiteur monopoliste suprême.

    L’impérialisme ne consentira jamais volontairement à la bourgeoisie nationale une domination souveraine, la possibilité d’un développement capitaliste indépendant et «libre» et l’hégémonie sur le peuple «indépendant».

    Ici, la contradiction d’intérêts entre la bourgeoisie nationale des pays coloniaux et l’impérialisme est objective, fondamentale sur ce point, l’impérialisme exige la capitulation de la bourgeoisie nationale.

    La bourgeoisie indigène plus faible est toujours prête à capituler devant l’impérialisme. Sa capitulation n’est toutefois pas définitive tant que le danger d’une révolution de classe n’est pas immédiat, réel, aigu, menaçant de la part des masses.

    Pour éviter ce danger, et, pour renforcer sa position à l’égard de l’impérialisme, ce nationalisme bourgeois s’efforce, dans ces colonies, de gagner l’appui de la petite- bourgeoisie, des paysans et d’une partie de la classe ouvrière.

    Elle a peu de chances de succès en ce qui concerne la classe ouvrière (après le réveil de la classe ouvrière à la vie politique dans ces pays); il lui importe donc d’autant plus d’obtenir le soutien des paysans.

    Mais là est le point le plus faible de la bourgeoisie coloniale. L’exploitation insupportable des paysans dans les colonies ne peut être abolie que par la révolution agraire.

    Les intérêts immédiats de la bourgeoisie de la Chine, des Indes et de l’Égypte sont si étroitement liés à la propriété foncière, au capital usuraire et, en général, à l’exploitation des masses paysannes, que la bourgeoisie intervient non seulement contre la révolution agraire, mais aussi contre toute réforme agraire décisive.

    Elle craint, non sans raison, que le seul fait de poser nettement le problème agraire ne provoque l’effervescence révolutionnaire et n’accélère son allure parmi les masses paysannes.

    Aussi la bourgeoisie réformiste est-elle presque incapable d’aborder la solution pratique de ce problème fondamental et difficile.

    Par contre, elle cherche, par des phrases et des gestes nationalistes sans portée, à maintenir les masses petites-bourgeoises sous son influence et à obliger l’impérialisme à certaines concessions.

    Mais les impérialistes tendent de plus en plus fortement la corde, la bourgeoisie nationale n’étant pas en état de leur opposer la moindre résistance sérieuse.

    C’est pourquoi la bourgeoisie nationale cherche dans chaque conflit avec l’impérialisme, d’une part, à simuler une «fermeté de ses principes nationalistes», d’autre part, à semer des illusions sur la possibilité d’un compromis pacifique avec l’impérialisme. Les masses sont nécessairement détrompées sur les deux points et perdront ainsi leurs illusions réformistes.

    §19. Une fausse appréciation de cette tendance fondamentale nationale réformiste de bourgeoisie nationale crée, dans ces pays coloniaux, l’éventualité de lourdes fautes dans la stratégie et la tactique des PC. Deux genres d’erreurs sont possibles :

    a) L’incompréhension de la différence entre l’orientation national- réformiste et la tendance national-révolutionnaire peut conduire à une politique qui consiste à se mettre à la remorque de la bourgeoisie, à une délimitation politique et organique insuffisamment nette du prolétariat à l’égard de la bourgeoisie, à une imprécision des mots d’ordre révolutionnaires les plus importants (notamment du mot d’ordre de la révolution agraire).

    Ce fut l’erreur fondamentale du PC en Chine en 1925-27.

    b) La sous-estimation de l’importance particulière du national- réformisme bourgeois — distinct du camp féodal impérialiste — grâce à sa grande influence sur la petite-bourgeoisie, les paysans et même une partie de la classe ouvrière, au moins dans les premières étapes du mouvement, peut conduire à une politique sectaire, à l’isolément des communistes des masses laborieuses, etc.

    Dans les deux cas, on n’accorde pas une attention suffisante à l’application des tâches que le 2 e Congrès de l’IC a déjà fixées comme les tâches particulières des PC des pays coloniaux, c’est-à-dire la lutte contre le mouvement démocratique bourgeois au sein du même pays.

    Sans cette lutte, sans la libération des masses travailleuses de l’influence de la bourgeoisie et du national-réformisme on ne peut atteindre le but stratégique fondamental du mouvement communiste dans la révolution démocratique bourgeoise : l’hégémonie du prolétariat.

    Sans hégémonie du prolétariat, dont la position dirigeante du PC est partie intégrante, la révolution démocratique bourgeoise, à son tour, ne peut être menée jusqu’au bout — sans parler de la révolution socialiste.

    §20. La petite-bourgeoisie joue un rôle très important dans ces pays coloniaux et semi-coloniaux. Elle est constituée de diverses couches qui jouent un rôle très différent dans les diverses périodes du mouvement national révolutionnaire.

    L’artisan, qui souffre de la concurrence que lui font les marchandises importées, est hostile à l’impérialisme.

    Mais, en même temps, il est intéressé à exploiter sans limites les compagnons et apprentis qu’il occupe, et c’est pourquoi il est également hostile au mouvement ouvrier conscient de ses buts de classe. Il souffre largement lui-même de l’exploitation du capital marchand et usuraire.

    La position incertaine et contradictoire au plus haut point de cette couche détermine ses oscillations : elle tombe souvent sous l’influence de réactionnaires utopiques. Le commerçant, citadin et rural, est lié à l’exploitation des campagnes par le commerce et de l’usure, il s’agrippe aux vieilles formes d’exploitation et les préfère aux perspectives d’élargissement du marché intérieur.

    Mais ces couches ne forment pas une masse homogène. La bourgeoisie commerçante, liée sous une forme quelconque aux compradores, a une autre position que celle dont l’activité se limite exclusivement au marché intérieur.

    Les intellectuels petits-bourgeois, les étudiants, etc., sont très souvent les représentants les plus énergiques non seulement des intérêts spécifiques de la petite-bourgeoise, mais encore des intérêts objectifs et généraux de l’ensemble de la bourgeoisie nationale.

    Dans la première période du mouvement national, ils interviennent fréquemment comme champions des aspirations nationales. Leur rôle est relativement grand à la surface du mouvement.

    En général, ils ne peuvent pas être les défenseurs des intérêts paysans, le milieu social dont ils sortent étant lié à la propriété foncière. La vague révolutionnaire montante peut les pousser dans le mouvement ouvrier, où ils apportent leur idéologie petite-bourgeoise hésitante et indécise.

    Quelques-uns seulement peuvent rompre avec leur classe, au cours de la lutte, s’élever jusqu’à concevoir les tâches de la lutte de classe du prolétariat et devenir d’actifs défenseurs des intérêts prolétariens. Il n’est pas rare que des intellectuels petits- bourgeois donnent à leur idéologie une couleur socialiste et même communiste.

    Dans la lutte contre l’impérialisme, ils ont joué et jouent encore aujourd’hui dans certains pays, comme l’Indes, l’Égypte, un rôle révolutionnaire. Le mouvement de masse peut les entraîner mais aussi les pousser dans le camp de la pire réaction ou bien favoriser la diffusion, dans leurs rangs, de tendances réactionnaires utopiques.

    À côté de ces couches, existe dans les villes coloniales une nombreuse population citadine pauvre, que sa situation pousse objectivement vers la révolution : artisans n’exploitant pas le travail d’autrui, marchands de rue, intellectuels sans travail, paysans ruinés à la recherche de gagne-pain, etc… En outre, dans les villes comme dans les campagnes, existe une nombreuse couche des «coolies», semi- prolétaires qui n’ont pas passé par l’école de la fabrique et vivent de gains occasionnels.

    Les paysans sont, aux côtés du prolétariat et comme alliés du prolétariat, une des forces motrices de la révolution. Les innombrables millions de paysans forment l’écrasante majorité de la population, même dans les colonies les plus développées (dans certaines colonies 90c/o de la population).

    Les principaux alliés du prolétariat à la campagne sont les masses considérables des fermiers affamés, des petits paysans écrasés de la misère et toutes les formes d’exploitation précapitalistes et capitalistes, qui ont perdu en grande partie leur culture même sur la terre louée, qui sont rejetés du processus de production et dépérissent lentement de faim et de maladie, et, enfin, les ouvriers agricoles.

    Les paysans ne peuvent conquérir leur émancipation que sous la direction du prolétariat, mais ce n’est qu’allié aux paysans que le prolétariat peut mener à la victoire la révolution démocratique bourgeoise.

    Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, où existent encore de fortes survivances du féodalisme et des rapports précapitalistes, la différenciation parmi les paysans s’effectue à une allure relativement faible.

    Cependant les rapports du marché s’y sont développés au point que les paysans ne forment plus une masse homogène au point de vue de classe. Dans la campagne chinoise et hindoue, dans certaines régions surtout, peut déjà rencontrer des éléments issus de la paysannerie, qui exploitent les ouvriers agricoles et les paysans par l’usure, le commerce, l’emploi de main-d’œuvre, la location et la sous-location de la terre, du bétail et des engins agricoles.

    Dans la première période de la lutte des paysans contre les propriétaires fonciers, il est généralement possible que le prolétariat entraîne toute la paysannerie.

    Mais, par la suite, certaines couches supérieures de paysans peuvent passer à la contre-révolution. Le prolétariat ne peut conquérir le rôle dirigeant à l’égard des paysans qu’à la condition de lutter avec abnégation pour leurs revendications partielles pour l’accomplissement total de la révolution agraire et d’être à la tête de la lutte des larges masses pour la solution révolutionnaire du problème agraire.

    §21. La classe ouvrière des pays coloniaux et semi-coloniaux possède des caractères spéciaux qui jouent un rôle très important dans la formation d’un mouvement ouvrier indépendant et d’une idéologie prolétarienne de classe dans ces pays. La majorité écrasante du prolétariat colonial vient de la campagne paupérisée, avec laquelle l’ouvrier reste lié même quand il est à l’usine.

    Dans la plupart des colonies (à l’exception de quelques grandes villes industrielles comme Shanghai, Bombay, Calcutta, et autres) nous n’avons, général, que la première génération prolétarienne occupée dans la grande l’industrie.

    Le reste du prolétariat est constitué par les artisans ruinés et rejetés de l’artisanat en décomposition, qui est largement répandue même dans les colonies les plus avancées. L’artisan ruiné, le petit propriétaire apporte, au sein de la classe ouvrière, une mentalité et une idéologie corporatives qui permettent l’infiltration de l’influence nationale réformiste dans le mouvement ouvrier des colonies.

    La forte fluctuation de ses effectifs (changement fréquent de la main-d’œuvre dans les fabriques, retour à la campagne et afflux de nouvelles masses paysannes paupérisées dans l’industrie, la forte proportion de femmes et d’enfants, la diversité des langues et l’analphabétisme, les préjugés religieux et de caste rendent difficiles l’agitation et la propagande systématiques et retardent le développement de la conscience de classe parmi les ouvriers.

    Cependant, l’exploitation implacable pratiquée dans les formes les plus brutales par le capital indigène et étranger, l’absence de tout droit politique pour les ouvriers, créent les conditions objectives sur la base desquelles le mouvement ouvrier des colonies surmonte rapidement toutes les difficultés et entraîne chaque année des masses sans cesse plus grandes dans la lutte contre les exploiteurs indigènes et les impérialistes.

    La première période du développement du mouvement ouvrier dans les colonies et semi-colonies (de 1919 à 1923 environ) fut organiquement liée à l’essor général du mouvement national- révolutionnaire qui suivit la guerre mondiale ; elle est caractérisée par la subordination des intérêts de la classe ouvrière aux intérêts de la lutte anti-impérialiste dirigée par la bourgeoisie indigène.

    Quand les grèves et autres actions ouvrières portent un caractère organisé, elles sont organisées d’ordinaire par les intellectuels petits-bourgeois qui limitent les revendications ouvrières aux questions de la lutte nationale.

    Au contraire, le caractère le plus important de la seconde période de l’essor du mouvement ouvrier, qui commença dans les colonies après le 5e Congrès est constitué par l’entrée de la classe ouvrière des colonies dans l’arène comme force et classe indépendante qui s’oppose à la bourgeoisie nationale et engage la lutte contre elle ses propres intérêts de classe et pour l’hégémonie dans la révolution nationale en général.

    Cette particularité de la nouvelle étape des révolutions coloniales est confirmée absolument par l’histoire de ces dernières années, par l’exemple de la grande révolution chinoise et de l’insurrection en Indonésie en particulier.

    Tout prouve, qu’aux Indes aussi, la classe ouvrière se libère de l’influence des chefs nationaux-réformistes et social-réformistes et devient un facteur indépendant en lutte contre les impérialistes britanniques et la bourgeoisie indigène.

    §22. Pour fixer correctement les tâches immédiates du mouvement révolutionnaire, il importe de prendre comme point de départ le degré de maturité atteint par ce mouvement dans les divers pays coloniaux.

    Le mouvement révolutionnaire de Chine se distingue du mouvement actuel des Indes par une série de traits essentiels qui caractérisent la différence de maturité du mouvement dans ces deux pays.

    L’expérience passée de la révolution chinoise doit absolument être utilisée dans le mouvement des Indes et des autres pays coloniaux analogues.

    Mais, ce serait une manière tout à fait erronée d’appliquer l’expérience chinoise si nous voulions fixer les tâches immédiates, les mots d’ordre et les méthodes tactiques aux Indes, en Égypte, etc…, dans la forme qui était en Chine par exemple, pendant la période de Wouhan, ou bien dans la forme nécessaire actuellement.

    La tendance à ignorer les difficultés inéluctables et les objectifs particuliers de l’étape présente du mouvement révolutionnaire des Indes, de l’Égypte, etc…, ne peut être que funeste.

    Il importe de réaliser un grand travail pour constituer et éduquer les PC, pour développer les organisations syndicales du prolétariat, pour orienter les syndicats dans la voie révolutionnaire, pour déployer des actions économiques et politiques de masses, pour conquérir les masses et les libérer de l’influence de la bourgeoisie national-réformiste : avant d’accomplir dans ces pays avec quelques chances de succès les tâches qui étaient pleinement justes en Chine, pendant la période de Wouhan, comme objectifs immédiats de la lutte de la classe ouvrière et des paysans.

    Les intérêts de la lutte pour la domination de classe de la bourgeoisie nationale obligent les Partis bourgeois les plus importants des Indes et de l’Égypte (swarajistes, wafdistes) à manifester encore leur opposition contre le bloc impérialiste-féodal régnant. Cette opposition n’est pas révolutionnaire, mais simplement réformiste et opportuniste : cela ne signifie cependant pas qu’elle n’ait de ce fait aucune portée spécifique.

    La bourgeoisie n’a pas la force qui mène la lutte contre l’impérialisme. Mais cette opposition réformiste possède une signification réelle et spéciale — négative et positive — pour le développement du mouvement révolutionnaire, dans la mesure où elle possède une influence sur les masses. Le fait le plus important, c’est qu’elle entrave et retarde le développement du mouvement révolutionnaire, dans la mesure où elle réussit entraîner les masses travailleuses et à les éloigner de la lutte révolutionnaire.

    Mais, d’autre part, l’action de l’opposition bourgeoise contre le bloc impérialiste féodal régnant — même si elle ne vise pas très loin — peut accélérer dans une certaine mesure l’éveil des larges masses travailleuses à la vie politique : quoique sans grande importance en eux-mêmes, les conflits concrets et déclarés entre la bourgeoisie national-réformiste et l’impérialisme peuvent, dans certaines conditions, devenir la cause indirecte du déclenchement de grandes actions révolutionnaires de masses. Certes, la bourgeoisie réformiste s’efforce elle-même d’empêcher que son action d’opposition ait de telles conséquences et de les paralyser d’avance d’une façon ou de l’autre.

    Mais là où existent les conditions objectives d’une profonde crise politique, l’action de l’opposition nationale-réformiste, ses conflits avec l’impérialisme même les plus insignifiants et les moins liés au véritable foyer de la révolution, peuvent acquérir une importance des plus graves.

    Les communistes doivent apprendre à utiliser chacun de ces confits, à les aviver, à en renforcer la portée, à les lier avec l’agitation pour les mots d’ordre révolutionnaires, à les porter à la connaissance des larges masses, à pousser ces masses à une action indépendante, ouverte avec leurs propres revendications, etc.

    §23. Dans la lutte contre des Partis tels que les swarajistes et les wafdistes, la tactique juste consiste dans ce moment à démasquer avec succès leur véritable caractère national-réformiste.

    Ces Partis ont déjà trahi maintes fois la lutte pour l’émancipation nationale, sans avoir passé encore définitivement au camp contre- révolutionnaire, comme le Kuomintang. Il est certain qu’ils le feront plus tard, mais actuellement ils sont dangereux précisément parce que leur véritable figure n’est pas encore démasquée aux yeux des larges masses travailleuses.

    Dans ce but, un très grand travail d’éducation communiste est encore nécessaire, de plus, ces masses doivent acquérir elles-mêmes une nouvelle et très grande expérience politique. Si, les communistes ne réussissent pas à ébranler déjà maintenant la confiance des masses travailleuses dans la direction bourgeoise, national-réformiste, du mouvement national, cette direction deviendra un immense danger pour la révolution lors de la prochaine montée de la vague révolutionnaire.

    C’est pourquoi il importe, par une tactique communiste juste, correspondant aux conditions de l’étape actuelle, d’aider les masses travailleuses des Indes, d’Égypte, de l’Indonésie et des autres colonies analogues, à se libérer de l’influence des Partis bourgeois.

    Cela ne sera pas obtenu au moyen de grandes phrases, paraissant très radicales, sur l’absence de toute différence entre l’opposition nationale-réformiste (swarajistes, wafdistes, etc…) et les impérialistes britanniques ou leur alliés féodaux contre-révolutionnaires. Les chefs nationaux- réformistes pourraient facilement utiliser une telle exagération pour exciter les masses contre les communistes.

    Les masses voient le principal ennemi immédiat de l’émancipation nationale dans le bloc impérialiste-féodal, ce qui est juste en soi même à l’étape présente du mouvement aux Indes, en Égypte et en Indonésie (pour autant qu’on n’envisage qu’un côté de la question).

    Dans la lutte contre cette force contre-révolutionnaire dominante, les communistes hindous, égyptiens et indonésiens doivent être au premier rang, ils doivent combattre plus énergiquement, d’une façon plus conséquente et plus hardiment que n’importe quel groupe petit-bourgeois national- révolutionnaire : naturellement, pas pour organiser des putschs, des tentatives prématurée de soulèvements d’une petite minorité révolutionnaire, mais pour mobiliser les plus larges masses travailleuses pour des démonstrations et autres actions, afin de s’assurer une véritable participation de ces masses à l’insurrection victorieuse dans l’étape ultérieure de la lutte révolutionnaire.

    Mais il n’est pas moins important de démasquer implacablement aux masses travailleuses le caractère national-réformiste des swarajistes, wafdistes et autres Partis nationalistes ; de leurs chefs en particulier, leur inconséquence et leurs oscillations dans le mouvement national, leurs marchandages, leur volonté de compromis avec les impérialistes britanniques, leurs capitulations passées et leurs actions contre-révolutionnaires, leur résistance réactionnaire aux revendications de classe du prolétariat et des paysans, leurs phrases nationalistes creuses, les illusions néfastes qu’ils répandent sur la décolonisation pacifique du pays et leur sabotage des méthodes révolutionnaires dans la lutte pour l’émancipation nationale. Il faut repousser tout bloc entre le PC et l’opposition nationale-réformiste.

    Cela n’exclut pas des ententes temporaires et la coordination de certaines actions bien déterminées contre l’impérialisme, si l’action de l’opposition bourgeoise peut être utilisée pour déclencher un mouvement masses et si ce ententes ne restreignent en rien la liberté d’agitation et d’organisation du PC parmi les masses.

    Il est bien entendu que les communistes doivent lutter simultanément, le plus vigoureusement, idéologiquement et politiquement contre le nationalisme bourgeois et contre la moindre expression de son influence au sein du mouvement ouvrier.

    En de tels cas, le PC doit veiller particulièrement non seulement à conserver toute son indépendance politique et à montrer son propre visage, mais encore en se fondant sur des faits, ouvrir les yeux des masses travailleuses, qui sont sous l’influence de l’opposition bourgeoise, afin qu’elles voient toute l’insécurité de cette opposition et le danger des illusions démocratiques-bourgeoises qu’elle répand.

    §24. Une fausse appréciation de l’orientation fondamentale du Parti de la grosse bourgeoisie nationale entraîne le danger d’une fausse appréciation du caractère et du rôle des Partis petits- bourgeois. En règle générale, le développement de ces Partis évolue de la position nationale-révolutionnaire à la position nationale- réformiste.

    Même des mouvements tels que le sunyatsénisme en Chine, le gandhisme aux Indes, le Sarekat Islam en Indonésie, furent au début des tendances idéologiques radicales petites-bourgeoises, devenues plus tard, au service de la grosse bourgeoisie, des tendances nationales-réformistes.

    Depuis lors, s’est de nouveau formée aux Indes, en Égypte et en Indonésie une aile radicale de groupes petits- bourgeois (par exemple, le Parti républicain, le Watani, le Sarekat- Rayat) qui représentent un point de vue national-révolutionnaire plus moins conséquent. Aux Indes, il est possible que de nouveaux groupes et Partis analogues petits-bourgeois radicaux se forment.

    Mais il ne faut pas oublier que ces Partis liés au fond à la bourgeoise nationale. Les intellectuels petits-bourgeois qui sont à la tête de ces Partis, présentent des revendications nationales-révolutionnaires.

    Mais ils sont en même temps plus ou moins consciemment les représentants d’un développement capitaliste de leur pays.

    Certains de ces éléments peuvent devenir les adeptes de toutes sortes d’utopies réactionnaires, mais face à l’impérialisme et au féodalisme, ils sont, au début — et c’est ce qui les distingue des Partis de la grande bourgeoisie nationale — non les représentants du réformisme, mais les représentants plus ou moins révolutionnaires des intérêts anti- impérialistes de la bourgeoisie coloniale jusqu’au moment où le développement du processus révolutionnaire pose nettement et avec acuité, les problèmes intérieurs fondamentaux de la révolution démocratique-bourgeoise, notamment la question de la révolution agraire et de la dictature du prolétariat et des paysans.

    Alors les Partis petits-bourgeois cessent ordinairement d’avoir un caractère révolutionnaire. Dès que la révolution oppose les intérêts de classe du prolétariat et des paysans non seulement à la domination du bloc féodal et impérialiste, mais aussi à la domination de la classe de la bourgeoisie, les groupes petits-bourgeois ordinairement au côté Partis nationaux-réformistes.

    Il est absolument indispensable que les PC de ces pays procèdent dès le début et de la façon la plus nette à une délimitation politique et organique entre eux et tous les Partis groupes petits-bourgeois.

    Une collaboration momentanée entre le PC et le mouvement national-révolutionnaire est admissible si elle est exigée par l’intérêt de la lutte révolutionnaire : en certaines circonstances même, une alliance temporaire peut même être conclue si le mouvement national révolutionnaire lutte effectivement contre le pouvoir établi, s’il est réellement et si ses représentants n’empêchent pas les communistes d’éduquer les paysans et les larges masses des travailleurs dans l’esprit révolutionnaire.

    Mais au cours de toute collaboration, il faut comprendre très clairement qu’elle ne doit pas dégénérer en une fusion du mouvement communiste avec le mouvement petit- bourgeois révolutionnaire. Le mouvement communiste doit absolument maintenir en toutes circonstances l’indépendance du mouvement prolétarien, son autonomie dans l’agitation, l’organisation et l’action.

    Critiquer l’inconséquence et l’indécision des groupes petits- bourgeois, prévoir leur oscillations, se préparer à y faire face et utiliser en même temps toutes les ressources révolutionnaires de ces couches, mener une lutte conséquente l’influence petite-bourgeoise dans les rangs du prolétariat, s’efforcer par tous les moyens d’arracher les larges masses paysannes de l’influence des Partis petits-bourgeois, leur enlever l’hégémonie sur la paysannerie — voilà les tâches des PC.

    §25. Le mouvement révolutionnaire des Indes, de l’Égypte, etc…, n’atteindra un degré de maturité aussi élevé que celui de Chine, que dès une grande vague révolutionnaire se soulèvera dans ces pays.

    Au cas où elle se produirait avec retard, la maturation politique et organique des forces motrices de la révolution pourra s’opérer par un développement graduel, relativement lent.

    Mais si la prochaine grande vague révolutionnaire se lève plus tôt, le mouvement peut rapidement atteindre un haut degré de maturité. Si les conditions sont exceptionnellement favorables, il n’est même pas exclu que la révolution y conduise d’emblée à la conquête du pouvoir par le prolétariat et les paysans.

    Mais il est aussi possible que le processus révolutionnaire soit interrompu pour un temps plus ou moins long, surtout si la prochaine vague révolutionnaire n’atteint qu’une force et une durée relativement faibles. C’est pourquoi il importe d’analyser avec grande netteté chaque situation concrète.

    Les facteurs suivants sont d’une portée décisive dans le développement de la révolution d’un stade à un autre plus élevé :

    1) Le degré de développement de la direction révolutionnaire prolétarienne du mouvement, c’est-à-dire du PC (effectifs du Parti, son degré d’indépendance, sa conscience de classe, sa capacité combative, son autorité, sa liaison avec les masses et son influence dans les syndicats et sur le mouvement paysan);

    2) Le degré d’organisation et d’expérience révolutionnaire de la classe ouvrière, et, dans une certaine mesure, des paysans.

    L’expérience révolutionnaire des masses, c’est l’expérience de la lutte, d’abord elles doivent se libérer de l’influence des Partis bourgeois et petits-bourgeois.

    Comme ces conditions ne se rencontrent pas à un degré suffisant, dans les meilleurs des cas, avant la première explosion de la révolution, il faut que la crise révolutionnaire soit extraordinairement profonde, la vague révolutionnaire très longue et très forte pour que la révolution démocratique bourgeoise puisse aboutir, du premier coup, à la victoire complète du prolétariat et des paysans.

    On peut imaginer telle éventualité par exemple, si l’impérialisme dominant est entraîné simultanément dans une longue guerre au dehors du pays colonial.

    §26. La dialectique historique, vivante et concrète que nous a montrée la première étape de la révolution démocratique bourgeoise en Chine, donne aux communistes, surtout à ceux qui militent dans les pays coloniaux, une expérience précieuse qu’il faut étudier minutieusement pour en tirer les enseignements, surtout en ce qui concerne les erreurs commises par les communistes dans le travail colonial.

    La durée de la vague révolutionnaire y fut extraordinairement longue (plus de 2 ans), parce qu’elle était liée à une guerre intérieure prolongée.

    L’expédition du Nord n’ayant pas été menée directement contre les grandes puissances impérialistes, ces dernières — par suite de leur rivalité réciproque — restèrent au début partiellement passives, la direction bourgeoise du mouvement avait en mains, depuis plusieurs années déjà, Canton qui représentait un certain territoire, quoique limité, un pouvoir central, s’appuyant sur une armée, etc…, cela explique pourquoi dans ce cas exceptionnel, une grande partie de la bourgeoisie considéra d’abord la guerre d’émancipation nationale comme sa cause.

    Le Kuomintang, au sein duquel elle jouait en fait le rôle dirigeant, fut un certain temps, à la tête du mouvement national révolutionnaire, et ce fait constitua dans les évènements ultérieurs le plus grand danger pour la révolution.

    D’autre part, une des particularités de la situation chinoise est le fait que le prolétariat y est proportionnellement plus fort par rapport à sa bourgeoisie que le prolétariat des autres colonies. Certes, il était faiblement organisé, mais avec la montée de la vague révolutionnaire, la croissance des organisations ouvrières fut extrêmement rapide.

    Le PC, de petit groupe qu’il était, porta des effectifs à 60,000 membres (plus tard encore davantage) en un très court laps de temps et gagna une grande influence parmi les masses ouvrières. Naturellement un grand nombre d’éléments petits- bourgeois sont ainsi entrés dans le Parti. Le Parti manquait d’expérience révolutionnaire et encore plus de tradition bolchéviste.

    Les éléments hésitants, encore très peu libérés des tendances petites- bourgeoises opportunistes, qui ne comprenaient assez bien les tâches indépendantes et le rôle du PC et qui étaient contre tout développement énergique de la révolution agraire, prirent la place prépondérante dans sa direction.

    L’adhésion momentanée des communistes au Parti dirigeant la révolution nationale — au Kuomintang — répondait en elle-même aux exigences de la situation la lutte et même aux intérêts du travail nécessaire des communistes parmi les masses travailleuses considérables qui suivaient ce Parti.

    De plus, le PC de Chine reçut au début, sur le territoire soumis au pouvoir du Kuomintang, la possibilité de développer une agitation indépendante parmi les mases ouvrières et paysannes et parmi les soldats de l’armée nationale, et parmi leurs organisations. À ce moment, le Parti avait plus de possibilités qu’il n’en a utilisées.

    Il n’a pas assez nettement expliqué alors aux masses sa position de classe prolétarienne et révolutionnaire distincte du sunyatsenisme et des autres tendances petites-bourgeoises.

    Dans les rangs du Kuomintang, les communistes n’ont pas mené une politique indépendante, ils ont perdu de vue que lorsque la formation d’un bloc devient nécessaire, les communistes doivent y avoir une attitude critique envers les éléments bourgeois et intervenir toujours comme une force indépendante.

    Les communistes renoncèrent à démasquer les hésitations de la bourgeoisie nationale, du nationalisme bourgeois alors que cette action devait être une des tâches les plus importantes du PC pendant la première étape.

    La scission inéluctable du Kuomintang se rapprochait à mesure que l’armée nationale avançait ; la direction du PC chinois n’a rien ou presque rien entrepris pour préparer le Parti à cette scission, pour lui assurer des positions indépendantes et unifier les ouvriers et les paysans révolutionnaires en un bloc de lutte indépendant qui aurait pu être opposé à la direction du Kuomintang.

    Aussi, le coup d’État de Tchang Kai Chek a-t-il surpris le prolétariat révolutionnaire, aucunement préparé, et suscité la confusion dans ses rangs. Mais la direction du PC ne conquit pas même alors que la révolution passait à une nouvelle étape et ne changea pas le cours du Parti dans la direction nécessitée par le coup d’État.

    L’aile gauche des chefs petits-bourgeois du Kuomintang ayant marché pendant quelque temps encore avec le PC, une délimitation territoriale s’est opérée : les gouvernements de Nankin et Wouhan se formèrent. Mais, à Wouhan, le PC ne joua pas non plus un rôle dirigeant.

    Bientôt, commença sur le territoire de Wouhan une seconde période caractérisée d’une part par les éléments naissant d’une dualité du pouvoir non encore cristallisée (les unions paysannes se sont emparées à la campagne d’un certain nombre de fonctions appartenant au pouvoir, les syndicats ont étendu leurs fonctions sous la pression des masses qui tendaient à une solution (plébéienne autonome de la question du pouvoir), d’autre part, par l’absence de conditions assez mûres pour organiser des Soviets comme organe de l’insurrection contre le gouvernement de Wouhan qui menait encore une lutte révolutionnaire contre le gouvernement de Nankin représentant la bourgeoisie qui a trahi la révolution.

    Le PC a entravé directement alors l’action indépendante des masses révolutionnaires, il ne les a pas aidées à rassembler et à organiser leurs forces, il n’a pas contribué à saper l’influence et les positions des chefs du Kuomintang dans le pays et dans l’armée, il n’a utilisé dans ce but sa participation au gouvernement, au contraire, il a couvert toute l’activité du gouvernement (certains membres dirigeants petits-bourgeois du Parti sont allés jusqu’à participer au désarmement des ouvriers à Wouhan et à sanctionner l’expédition punitive à Tchangcha !).

    À la base de cette politique opportuniste était l’espoir d’éviter la rupture avec les leaders petits-bourgeois du gouvernement de Wouhan. Mais en fait cette rupture ne fut qu’ajournée. Quand les soulèvements de masses prirent un caractère menaçant, les chefs du Kuomintang de Wouhan cherchèrent à s’unir avec leurs alliés de l’autre côté de la barricade.

    Le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans poursuivait toujours ses efforts pour atteindre la victoire. Maintenant, le PC de Chine a redressé sa politique, élu une nouvelle direction et occupé sa place à la tête de la révolution.

    Mais la vague révolutionnaire régresse déjà. Dans les combats héroïques de masse, menés sous le d’ordre des Soviets, seuls des succès temporaires furent atteints. Dans quelques régions seulement la révolution agraire s’est développée à temps ; dans les autres, l’immense arrière-garde paysanne vint trop tard.

    Aujourd’hui, à la place des fautes opportunistes grossières passées se manifestent dans certaines localités, des erreurs putschistes très dangereuses. De grandes fautes ont aussi été commises par les communistes dans la préparation des insurrections. Les lourdes défaites ont de nouveau rejeté la révolution qui entrait déjà au Sud dans la seconde étape de son développement, au point de départ de cette étape.

    §27. La bourgeoisie nationale de Chine étant parvenue au pouvoir, la composition de l’ancien bloc des militaristes s’est modifiée. Le nouveau bloc au pouvoir est aujourd’hui le principal ennemi immédiat de la révolution.

    Pour le renverser, il faut conquérir à la révolution les masses décisives du prolétariat et des paysans. C’est en cela que consiste la tâche la plus importante du PC de Chine dans la période présente. Les ouvriers chinois possèdent déjà une expérience considérable.

    Il faut renforcer et rendre plus révolutionnaire le mouvement syndical, consolider le PC. Une certaine partie des paysans chinois s’est déjà débarrassée des illusions démocratiques bourgeoises et a montré une activité considérable dans la lutte révolutionnaire, mais c’est là seulement une minorité insignifiante de l’immense masse paysanne de Chine.

    Il est fort possible que certains groupes petits-bourgeois se rallient à la position du national-réformisme (au sein ou en marge du Kuomintang), afin d’acquérir une influence parmi les masses travailleuses au moyen d’une certaine opposition démocratique bourgeoise (Tang Pin Shan et les chefs syndicaux social-démocrates appartiennent aussi à ces réformistes petits-bourgeois).

    Il ne faut pas sous-estimer la portée de ces tentatives. Les isoler et les démasquer devant les masses par une juste tactique communiste est une condition absolument indispensable pour que le PC puisse occuper une situation effectivement dirigeante au moment d’une nouvelle vague révolutionnaire en Chine.

    Déjà maintenant le Parti doit propager partout parmi les masses l’idée des Soviets, l’idée de la dictature du prolétariat et des paysans, l’idée qu’une nouvelle insurrection armée victorieuse des masses est inéluctable.

    Le Parti doit déjà souligner dans son agitation la nécessité de renverser le bloc au pouvoir et mobiliser les masses pour des manifestations révolutionnaires.

    Tout en tenant compte minutieusement des conditions objectives qui continuent à mûrir la révolution, tout en utilisant toute possibilité de mobiliser les masses, le PC doit s’orienter invariablement et opiniâtrement vers la prise du pouvoir d’État, l’organisation des Soviets comme organe d’insurrection, l’expropriation des propriétaires fonciers, l’expulsion des impérialistes étrangers et la confiscation de leurs biens.

    4. — Les tâches immédiates des communistes

    §28. La création et le développement des PC les pays coloniaux et semi-coloniaux, la suppression de la disproportion extrême entre la situation révolutionnaire objective et la faiblesse du facteur subjectif, constituent une des tâches les plus urgentes de l’IC.

    Cette tâche se heurte à un certain nombre de difficultés, conditionnées par le développement historique et la structure sociale de ces pays. Le développement industriel de ces pays est faible et la classe ouvrière, encore jeune et relativement (par rapport à la population) peu nombreuse.

    La terreur du régime colonial, l’analphabétisme, la diversité des langues, etc…, rendent difficile l’organisation et le développement de la classe ouvrière en général et la rapide croissance des PC en particulier. La fluctuation des effectifs de la classe ouvrière, la grande proportion des femmes et des enfants sont les traits caractéristiques du prolétariat colonial.

    Dans un grand nombre de régions prédominent les ouvriers saisonniers et même les cadres fondamentaux du prolétariat ont encore un pied dans le village. Cela facilite la liaison entre la classe ouvrière et les paysans, mais rend difficile le développement de la conscience de classe du prolétariat.

    L’expérience a démontré que dans la plupart des pays coloniaux et semi-coloniaux, une partie importante, sinon prédominante, des cadres communistes est recrutée, au début, parmi la petite bourgeoisie et notamment parmi les intellectuels révolutionnaires, très fréquemment parmi les étudiants.

    Il n’est pas rare que ces éléments viennent au Parti parce qu’ils voient en lui l’ennemi le plus énergique de l’impérialisme ; ils ne comprennent cependant pas toujours assez, que le PC n’est pas seulement un Parti de lutte contre l’exploitation impérialiste et l’oppression nationale, mais qu’il lutte en tant que Parti du prolétariat, énergiquement, contre toute exploitation et oppression.

    Au cours de la lutte révolutionnaire, un grand nombre de ces communistes s’élèvent jusqu’au point de vue de classe prolétarien, tandis qu’une partie d’entre eux se débarrasse difficilement de l’état d’esprit, des hésitations et des oscillations de la petite-bourgeoise, se sont précisément ces éléments du Parti qui ont le plus de difficultés à apprécier avec justesse, au moment critique, le rôle de la bourgeoisie nationale, et d’agir méthodiquement et sans hésitation dans le problème de la révolution agraire, etc.

    Les pays coloniaux n’ont aucune tradition social-démocrate, mais n’ont aussi aucune tradition marxiste. Nos jeunes Partis doivent se débarrasser des survivances de l’idéologie nationaliste petite-bourgeoise au cours de la lutte et de la formation du Parti, pour trouver la voie du bolchévisme.

    Ces difficultés objectives obligent d’autant plus l’IC à consacrer une attention toute spéciale à la formation du Parti dans les colonies et semi-colonies.

    Une responsabilité, particulièrement grande à ce sujet, incombe aux PC des pays impérialistes.

    Il faut pour cela non seulement une aide dans l’élaboration d’une ligne politique juste, une analyse minutieuse de l’expérience dans le domaine de l’organisation et de l’agitation, mais encore une éducation systématique des cadres communistes, l’édition et la traduction d’un certain minimum de littérature marxiste-léniniste dans la langue des divers pays coloniaux, enfin une aide des plus actives dans l’étude et l’analyse marxistes des problèmes économiques et sociaux des pays coloniaux et semi-coloniaux, dans la création d’une presse du Parti, etc.

    Les PC des pays coloniaux et semi-coloniaux ont pour devoir de faire tous leurs efforts pour éduquer un cadre militants issus de la classe ouvrière ; utilisant les intellectuels du Parti comme directeurs et conférenciers des cercles de propagande, des écoles du Parti légales et illégales dans le but de d’éduquer les meilleurs ouvriers pour en faire des agitateurs, des propagandistes, des organisateurs et des chefs imprégnés de l’esprit léniniste.

    Les PC des colonies doivent aussi devenir de véritables PC par leur composition sociale.

    Tout en absorbant les meilleurs intellectuels révolutionnaires, en se forgeant dans la lutte quotidienne et les grandes batailles révolutionnaires, les PC doivent consacrer leur plus grande attention à l’organisation communiste dans les fabriques, dans les mines, parmi les ouvriers des transports et parmi les demi-serfs des plantations.

    Partout où le capitalisme concentre le prolétariat, le PC doit créer ses cellules ; dans les quartiers ouvriers, dans les corons, les dans les casernes ouvrières des plantations fortifiées et barricadées contre les agitateurs. Il ne faut négliger non plus le travail parmi les artisans, les apprentis et les coolies. Les ouvriers indigènes et les ouvriers venant des métropoles doivent être organisés dans la même organisation du Parti.

    Il faut utiliser en l’adaptant à la situation des pays coloniaux, l’expérience des plus vieux Partis sur la coordination du travail légal et illégal, afin d’éviter si possible ce qui est arrivé, par exemple en Chine où des organisations de masses considérables furent anéanties relativement, rapidement et sans grande résistance par les coups de la réaction, ce qui a extraordinairement affaibli la liaison du PC avec les masses.

    §29. La principale des tâches immédiates générale des communistes consiste, dans les colonies et semi-colonies, outre le développement des PC, à travailler dans les syndicats.

    Recruter les inorganisés avant tout dans les branches industrielles les plus importantes telles que la métallurgie, le sous-sol, les transports, le textile, etc…, transformer les organisations actuelles en véritables syndicats de classe, lutter contre les chefs syndicaux-réformistes et réactionnaires pour la direction des organisations, ce sont là les tâches dans le domaine syndical.

    L’autre catégorie des tâches consiste à défendre les intérêts économiques et les revendications immédiates des ouvriers dans la lutte contre les patrons, et à diriger énergiquement et intelligemment les grèves. Dans les syndicats réactionnaires, qui groupent des masses ouvrières, les communistes ont le devoir de mener un travail de propagande révolutionnaire.

    Dans les pays où la situation détermine la nécessité de créer des syndicats révolutionnaires séparés (parce que la direction syndicale réactionnaire empêche de recruter les inorganisés, enfreint les exigences les plus élémentaires de la démocratie syndicale, transformé les syndicats en organisations jaunes, etc., etc.), cette question doit être résolue en accord avec direction de l’ISR.

    Il importe de suivre avec une attention toute particulière les intrigues de l’Internationale d’Amsterdam dans les pays coloniaux (Chine, Indes, Afrique du Nord) et démasquer aux yeux des masses sa nature réactionnaire.

    Le PC de la «métropole» a pour devoir d’aider efficacement le mouvement syndical révolutionnaire des colonies par des conseils et par l’envoi d’instructeurs permanents. Sous ce rapport, il a été très peu fait jusqu’à présent.

    §30. Là où existent les organisations paysannes, quel que soit leur caractère, pourvu qu’elles soient de véritables organisations de masses, le Parti doit prendre toutes les mesures pour y pénétrer.

    Une des tâches immédiates du Parti consiste à poser correctement le problème agraire dans la classe ouvrière, à lui faire comprendre l’importance et le rôle décisif de la révolution agraire, à faire connaître aux membres du Parti les méthodes d’agitation, de propagande et d’organisation parmi les paysans.

    Chaque organisation du Parti a devoir d’étudier la situation agraire particulière dans le rayon de son activité et de formuler les revendications immédiates correspondantes des paysans.

    Les communistes doivent chercher partout à imprimer un caractère révolutionnaire au mouvement paysan existant. Ils doivent organiser aussi de nouveaux comités ou unions de paysans révolutionnaires.

    Un contact régulier doit être maintenu entre ces organisations et le PC. Aussi bien dans les masses paysannes, que parmi les ouvriers, il faut mener une propagande énergique en faveur d’une alliance entre le prolétariat et les paysans.

    Les «partis ouvriers et paysans» peuvent trop facilement se transformer en vulgaires Partis petits-bourgeois quel que soit le caractère révolutionnaire qu’ils peuvent avoir dans certaines périodes, c’est pourquoi leur fondation n’est pas recommandable.

    Le PC ne doit jamais édifier son organisation sur la base la fusion de deux classes, de même qu’il ne peut se proposer d’organiser d’autres Partis sur ce principe caractéristique pour les groupes petits-bourgeois.

    Le bloc de combat des masses ouvrières et paysannes peut trouver son expression dans des Conférences et Congrès des représentants des Unions (ou Comités) de paysans révolutionnaires et des syndicats, convoqués périodiquement et minutieusement préparés en certaines circonstances il peut être opportun de créer des Comités d’action révolutionnaires pour coordonner l’activité des organisations ouvrières et paysannes et pour diriger diverses actions de masses, etc…

    Enfin, dans la période de l’insurrection, une des tâches fondamentales du PC sera la formation de Conseils de députés ouvriers et paysans (Soviets).

    Quelles que soient les circonstances, le PC doit s’efforcer de conquérir une influence décisive sur le mouvement paysan, rechercher et appliquer les formes d’organisation d’un bloc ouvrier et paysan qui facilitent le plus possible la direction du mouvement paysan et créent les conditions pour une transformation future de ces formes en Soviets comme organes de l’insurrection et du pouvoir.

    §31. La jeunesse prolétarienne des pays coloniaux souffre tout particulièrement. Son importance parmi la classe ouvrière y est beaucoup plus forte que dans les anciens pays capitalistes.

    L’exploitation des jeunes n’y connaît aucune restriction légale : temps de travail illimité, conditions de travail inouïes, cruauté des patrons et des contremaîtres.

    La situation de la jeunesse paysanne n’est pas meilleure. Il n’est pas étonnant que la jeunesse ouvrière et paysanne participent activement à les mouvements révolutionnaires des pays coloniaux.

    Cette jeunesse constituait la grande partie des organisations révolutionnaires et des armés paysannes en Chine, des bataillons des Partisans coréens qui luttèrent contre les colonisateurs japonais, des rebelles héroïques d’Indonésie, etc.

    La tâche la plus importante et la plus urgente de l’ICJ dans les pays coloniaux est de créer des organisations révolutionnaires de masses sous la direction communiste.

    L’éducation de cadres dirigeants vraiment communistes pour le mouvement des jeunes est aussi importante que le caractère de masses et la composition essentiellement prolétarienne des organisations de la jeunesse communiste.

    À côté de la jeunesse ouvrière, il est opportun de recruter les meilleurs éléments révolutionnaires parmi les étudiants et la jeunesse paysanne, tout en cherchant à renforcer les éléments prolétariens dans les organes des fédérations de jeunesses.

    Le recrutement en masse de la jeunesse e non prolétarienne est admissible pour les JC seulement si une composition prolétarienne prédominante et une ferme direction communiste y sont assurées.

    En participant à toute la lutte du PC, la jeunesse communiste doit éviter aussi bien la tendance à remplacer le Parti dans la direction de la classe ouvrière (tendance dite «avant-gardiste» que la mentalité liquidatrice qui s’exprime par la négation de la nécessité d’un mouvement communiste des jeunes et qui réduit le rôle des fédérations de jeunesses communistes à celui d’organisations d’étudiants ou d’organisations générales et indéterminées de la jeunesse.

    Les JC des colonies doivent également utiliser le système des organisations légales auxiliaires pour conquérir les larges masses de la jeunesse ouvrière et paysanne et des étudiants révolutionnaires et les arracher à l’influence du national-réformisme et des tendances pseudo-révolutionnaires ; il faut leur donner un programme révolutionnaire et y assurer la direction du Parti et des JC.

    Les JC doivent travailler dans les organisations de ce genre qui existent déjà, les entraîner dans l’action révolutionnaire et y conquérir l’influence et la direction.

    En utilisant ces organisations et en entraînant les masses de la jeunesse travailleuse à la lutte révolutionnaire, les organisations de la JC ne doivent pas perdre leur indépendance ou réduire leur travail propre. La perte de leur physionomie communiste et la perte éventuelle de la direction du mouvement révolutionnaire des jeunes, qui en serait la conséquence sont un grand danger pour les organisations de la JC.

    C’est pourquoi, tout en travaillant parmi les organisations auxiliaires les utiliser et les développer, la JC doit renforcer son travail propre, intervenir ouvertement devant les masses de la jeunesse travailleuse et recruter à la JC les meilleurs éléments de ces organisations de masses.

    Les Sections de jeunes des syndicats et des unions paysannes, les unions de la jeunesse ouvrière, les associations antimilitaristes, les groupes sportifs, les sociétés locales d’étudiants, etc…, sont de telles organisations de masses.

    Le 6 e Congrès de l’IC fait un devoir à tous les PC des pays coloniaux de contribuer énergiquement à la création et au développement d’un mouvement de la jeunesse communiste et de lutter contre toute mentalité retardataire au sein de la classe ouvrière et des syndicats, qui tend à négliger les intérêts de la jeunesse ouvrière et à refuser de participer à la lutte pour l’amélioration de la situation de la jeunesse exploitée.

    §32. Dans les pays coloniaux, l’exploitation de la main-d’œuvre des femmes et da enfants a pris une envergure particulièrement grande et des formes barbares.

    Un salaire de famine des plus misérables, une journée de travail insupportablement longue, dans certaines contrées l’achat des femmes et des enfants pour travailler dans les plantations à des conditions d’esclavage, l’existence d’enfer dans les maisons d’ouvriers, la conduite barbare et les sévices de la part des employeurs — telles sont les conditions de travail des femmes et des enfants.

    Cependant, la bourgeoisie, les missionnaires, etc…, qui disposent de fortes sommes d’argent mènent parmi les femmes prolétariennes un vaste travail réactionnaire ; mais les ouvrières coloniales poussées au désespoir s’éveillent petit à petit à la conscience de classe, entrent dans la voie révolutionnaire, rallient énergiquement et courageusement les rangs du prolétariat en lutte.

    La preuve, en est d’abord, dans la participation pleine d’abnégation des travailleuses chinoises aux luttes révolutionnaires (grèves en masse des femmes, héroïsme de certaines ouvrières, entrée des paysannes dans les troupes de Partisans).

    Les PC des colonies et semi-colonies doivent consacrer une grande attention au travail parmi ces couches ouvrières, notamment dans les entreprises où prédomine la main-d’œuvre féminine, ils doivent organiser systématiquement les femmes dans les syndicats et recruter les meilleures d’entre elles au Parti.

    Tout en luttant contre l’influence des organisations hostiles, le Parti doit s’efforcer de conquérir les femmes travailleuses en employant tous les moyens d’agitation et de propagande légales et illégales par la parole et par l’écrit.

    En dehors de ces tâches générales, les communistes des colonies ont encore une série de tâches spécifiques qui découlent des particularités de la structure sociale et économique et de la situation politique de chaque pays. Tout en laissant chaque Parti fixer l’ensemble de ces tâches dans son programme d’action concret, le Congrès signale quelques-unes des tâches immédiates les plus importantes.

    §33. En Chine, la nouvelle vague révolutionnaire posera de nouveau au Parti la tâche pratique immédiate de la préparation et l’exécution de l’insurrection armée comme unique voie pour accomplir la révolution démocratique bourgeoise et renverser le pouvoir des impérialistes, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie nationale : le pouvoir du Kuomintang.

    Dans le moment présent, caractérisé dans son ensemble par l’absence de vague révolutionnaire des grandes masses du peuple chinois, la ligne générale du Parti est la lutte pour la conquête des masses.

    Cette politique menée dans les conditions de renforcement du mouvement anti-impérialiste, d’un certain réveil du mouvement de grève et de l’action paysanne qui continue, exige du Parti la tension de toutes ses forces pour rassembler et unir le prolétariat autour des principaux mots d’ordre du parti, un immense travail d’organisation pour renforcer les syndicats et les unions paysannes révolutionnaires, le maximum d’adaptation à la direction du travail quotidien, économique et politique parmi les masses du prolétariat et des paysans, un travail intense pour expliquer au prolétariat l’expérience de la révolutionnaire écoulée.

    En même temps, le Parti doit expliquer aux masses l’impossibilité d’une amélioration radicale de leur situation, l’impossibilité de renverser la domination des impérialistes et de résoudre les problèmes de la révolution agraire sans renverser le pouvoir du Kuomintang et des militaristes et instaurer le pouvoir des soviets.

    Le Parti doit utiliser chaque conflit, même le plus insignifiant entre les ouvriers et les capitalistes à la fabrique, entre les paysans et les propriétaires fonciers à la campagne, entre les soldats et les officiers dans l’armée, pour approfondir et aiguiser ces conflits de classes dans le but de mobiliser les larges masses d’ouvriers et de paysans et de les conquérir au Parti.

    Le Parti doit utiliser tous les cas de violence de l’impérialisme international contre le peuple chinois, violence qui revêt actuellement le caractère de conquête militaire de régions entières, tous les exploits sanglants de la réaction enragée, pour élargir la protestation populaire des masses contre les classes dominantes.

    Le succès de cette lutte pour la conquête des masses est déterminé en grande partie par l’application d’une tactique appréciant justement la situation, par la correction des fautes et des tendances d’extrême-gauche (putschisme, aventurisme militaire, terreur individuelle, etc.) et de l’opportunisme qui a trouvé son expression dans ‘la revendication de la convocation de l’Assemblée Nationale et de la restauration du gouvernement du Kuomintang.

    En même temps le Parti doit vaincre toutes les tendances à remplacer les méthodes de conviction et d’éducation des masses par des méthodes de contrainte et de commandement, qui renforcent le danger d’isolement du Parti envers les masses travailleuses déjà si sérieux dans la situation actuelle de terreur terrible.

    Dans le travail intérieur, le Parti doit s’efforcer de réorganiser les cellules et les comités locaux anéantis par la réaction ; améliorer la composition sociale du Parti en concentrant une attention particulière à la création de cellules du Parti dans les principales branches de la production, les principales fabriques, ateliers de chemin de fer.

    Le PC chinois doit également consacrer l’attention la plus sérieuse régularisation de la composition sociale de ses organisations à la campagne afin qu’elles se recrutent principalement parmi les éléments prolétariens, semi-prolétariens et pauvres des campagnes.

    Application du principe du centralisme démocratique, autant que le permettent les conditions du travail illégal de la démocratie intérieure du Parti, la discussion et solution collective des questions ; en temps, la lutte contre les tendances ultra-démocratiques de certaines organisations, qui conduisent à la rupture de la discipline du Parti, au manque croissant de responsabilité et à la destruction de l’autorité des centres dirigeants du Parti.

    Il faut renforcer le travail d’éducation théorique des membres du Parti, élever leur niveau politique, exercer une propagande systématique du marxisme et du léninisme, étudier les expériences et les leçons des anciennes étapes de la révolution chinoise (période du Wouhan, insurrection de Canton, etc…).

    À l’égard des «tiers» Partis (de Tang Pin Shan, Wang Chin Wei) qui sont un instrument de la contre-révolution capitaliste et agrarienne, la tâche du PC chinois consiste à les combattre énergiquement, à démasquer en se basant sur la pratique da mouvement anti-impérialiste et du mouvement de masses, leur activité nationale-réformiste, et à les dénoncer comme agences des classes dirigeantes.

    Les principaux mots d’ordre pour conquérir les masses sont :

    1) Suppression de la domination des impérialiste ;

    2) Confiscation des entreprises et des banques étrangères ;

    3) Unification du pays avec le droit de chaque nation de disposer d’elle-même ;

    4) Renversement du pouvoir des militaristes et du Kuomintang ;

    5) Instauration du pouvoir des Soviets ouvriers, paysans et soldats ;

    6) Journée de 8 heures, augmentation des salaires, aide aux chômeurs et assurances sociales ;

    7) Confiscation de toute la terre appartenant aux grands propriétaires fonciers ; remise de la terre aux paysans et aux soldats ;

    8) Suppression de tous les impôts du gouvernement des militaristes et des fonctionnaires locaux ; impôt progressif unique sur les revenus ;

    9) Alliance avec l’URSS et le mouvement prolétarien international.

    §34. Les tâches fondamentales des communistes hindous sont : la lutte contre l’impérialisme anglais pour la libération du pays, la suppression de tous les vestiges du féodalisme, la révolution agraire, l’instauration de la dictature du prolétariat et des paysans sous la forme de la république soviétique.

    Ces tâches ne pourront être accomplies avec succès que lorsque sera créé un puissant PC qui sera se mettre à la tête des larges masses de la classe ouvrière, des paysans et de tous les travailleurs et les entraîner à l’insurrection armée contre le bloc féodal-impérialiste.

    Le mouvement de grèves du prolétariat hindou qui se développe actuellement, son indépendance envers le nationalisme bourgeois, le caractère général de ce mouvement, son extension à presque toutes les branches de la production, la fréquence et la durée prolongée des grèves, l’opiniâtreté et la grande vigueur des ouvriers dans leur conduite, le fait que les chefs des grèves sortent des masses ouvrières elles-mêmes, tout cela signifie un tournant dans l’histoire du prolétariat hindou et montre qu’aux Indes les conditions nécessaires à la création d’un PC de masses sont mûres.

    La fusion de tous les groupes communistes et des communistes isolés disséminés dans tout le pays en un Parti unique illégal, indépendant et centralisé est le premier devoir des communistes hindous.

    Tout en repoussant le principe de fondation du Parti sur deux classes, les communistes doivent utiliser les liaisons des Partis ouvriers et paysans existant avec les masses laborieuses pour renforcer leur propre Parti. Ils ne doivent pas oublier que l’hégémonie du prolétariat ne peut être réalisée sans l’existence d’un PC uni, ferme et armé de la théorie marxiste.

    L’agitation du PC doit être liée à la lutte des ouvriers pour leurs revendications immédiates et expliquer en même temps les buts généraux du PC et ses méthodes pour les atteindre.

    Il est nécessaire de construire des Cellules dans les entreprises qui prennent part active au mouvement ouvrier, l’organisation et à la direction des grèves et des actions politiques. Les organisations communistes doivent dès le début, consacrer une attention particulière à la création de cadres dirigeants ouvriers pour le Parti.

    Dans les syndicats, les communistes hindous doivent démasquer impitoyablement les chefs nationaux-réformistes, mener une lutte énergique pour transformer les syndicats en véritables organisations de classes du prolétariat et pour remplacer la direction réformiste actuelle par les représentants révolutionnaires des masses ouvrières.

    Il faut particulièrement démasquer la méthode de prédilection des réformistes hindous qui consiste à faire trancher les conflits par le

    représentant de l’impérialisme anglais comme arbitre «impartial» entre les ouvriers et les patrons. Dans cette lutte il faut poser les revendications de démocratie syndicale, de composition de l’appareil syndicale par les ouvriers, etc…

    Les points d’appui pour le travail du Parti dans les syndicats doivent être les fractions communistes et les groupes formés de communistes et sympathisants. Il faut aussi utiliser la vague de grèves actuelle pour organiser les ouvriers inorganisés.

    Les mineurs et les métallurgistes, les coolies travaillant dans les plantations et les salariés agricole général, sont la partie la moins organisée du prolétariat hindoue : les communistes doivent leur consacrer l’attention nécessaire.

    Les communistes doivent démasquer le national-réformisme du Congrès National Hindou et opposer à toutes les phrases des swarajistes, des ghandistes etc., sur la résistance passive le mot d’ordre implacable de lutte armée pour libérer le pays et en chasser les impérialistes.

    Quant aux paysans et aux organisations paysannes, les communistes hindous ont pour tâche tout d’abord de faire connaître aux grandes masses de paysans les revendications générales du Parti dans la question agraire. Dans ce but, le Parti doit élaborer un programme d’action.

    Par l’intermédiaire des ouvriers liés avec la campagne et directement aussi, les communistes doivent stimuler la lutte des paysans leurs revendications partielles, et au cours de la lutte, organiser des unions paysannes. Il faut particulièrement veiller à ce que les organisations paysannes qui seront créées ne tombent pas sous des exploiteurs des campagnes.

    Il faut donner aux organisations paysannes existantes un programme clair de revendications concrètes et soutenir l’action des paysans par des manifestations ouvrières dans les villes.

    Il ne faut pas oublier qu’en aucune occasion les communistes ne doivent renoncer à leur droit de critiquer ouvertement la tactique opportuniste et réformiste de la direction des organisations de masses dans lesquelles ils travaillent.

    §35. En Indonésie, l’écrasement de l’insurrection de 1926, l’arrestation et l’exil de milliers de membre de notre Parti l’ont extrêmement désorganisé. La nécessité de reconstituer les organisations anéanties de notre Parti exige de nouvelles méthodes de travail correspondant aux conditions illégales créées par le régime policier de l’impérialisme hollandais.

    Transfert du centre de gravité du Parti là où est concentré le prolétariat urbain et rural, — les fabriques et les plantations ; reconstitution des syndicats dissous et lutte pour leur vie légale ; attention particulière aux revendications partielles pratiques des paysans ; développement et renforcement des organisations paysannes ; travail dans toutes les organisations nationales de masses, où le P.C doit constituer des fractions et grouper autour de lui les éléments nationaux-révolutionnaires ; lutte énergique contre les social-démocrates hollandais qui, avec l’appui du gouvernement essayent de constituer une base dans le prolétariat indigène ; entraînement des nombreux ouvriers chinois dans la lutte de classes et dans la lutte nationale-révolutionnaire ; établissement de liaisons avec le mouvement communiste de Chine et des Indes, — voilà quelques-unes des principales tâches du PC d’Indonésie.

    §36. En Corée, les communistes doivent renforcer leur travail au sein du prolétariat et, dans leur effort d’augmenter l’activité et renforcer l’organisation des fédérations ouvrières et paysannes, réorganiser les syndicats, y englober les principales couches de la classe ouvrière et rattacher les luttes économiques aux revendications politiques.

    En même temps, ils doivent lier la revendication de l’émancipation nationale du pays partielle au mot d’ordre de la révolution agraire, qui acquiert de plus en plus d’actualité par suite de la paupérisation croissante des paysans sous le régime de famine coloniale.

    Au sein des masses laborieuses affiliées aux grandes unions religieuses nationales (Tchen Do Gil, etc…) il faut mener un travail patient d’éducation révolutionnaire afin de les soustraire de l’influence des chefs nationaux réformistes.

    Il faut renforcer l’influence communiste dans toutes les organisations révolutionnaires de masses existantes.

    Au lieu de créer un Parti national révolutionnaire unique basé sur l’adhésion individuelle, il faut s’efforcer de coordonner et d’unir l’activité des différentes organisations nationales révolutionnaires à l’aide de comités et de créer effectif des éléments révolutionnaires e tout en les hésitations des nationalistes et en les démasquant constamment devant les masses.

    Il faut recruter de nouvelles forces dans le PC, surtout les ouvriers industriels. Ce sera la meilleure garantie de développement du Parti et cela facilitera en la liquidation nécessaire de l’esprit de fraction nuisible au sein du Parti.

    §37. En Égypte, le PC ne jouera un rôle important dans le mouvement national que lorsqu’il s’appuiera sur le prolétariat organisé. L’organisation de syndicats des ouvriers égyptiens, le renforcement et la direction des luttes de classes sont donc la première et la plus importante tâche du PC.

    Le plus grand danger pour le mouvement syndical d’Égypte est actuellement la conquête des syndicats par les nationalistes bourgeois. Sans lutte énergique contre leur influence une véritable organisation de classe des ouvriers est impossible.

    Un des défauts essentiels des communistes égyptiens dans le passé fut de travailler exclusivement parmi les ouvriers des villes. Poser correctement la question agraire, entraîner le plus possible dans la lutte et organiser les larges masses d’ouvriers agricoles et de paysans, voilà une des tâches principales du Parti. Il faut consacrer une attention particulière à l’édification même du Parti qui est encore très faible.

    §38. Dans les colonies françaises de l’Afrique du Nord, le communistes doivent travailler dans toutes les organisations nationales révolutionnaires de masses déjà existantes, afin d’y unir les éléments vraiment révolutionnaires sur un programme conséquent et clair de bloc ouvrier et paysan pour la lutte.

    Quant à l’organisation de l’«Etoile Nord-Africaine», les communistes doivent travailler à ce qu’elle ne se développe pas sous la forme d’un parti, mais sous la forme d’un bloc de combat des différentes organisations révolutionnaires, avec adhésion collective de syndicats d’ouvriers industriels et agricoles, d’unions paysannes, etc…; il est nécessaire d’y assurer le rôle dirigeant du prolétariat révolutionnaire ; avant tout, il faut développer le mouvement syndical qui est la base d’organisation de l’influence communiste dans les masses.

    La collaboration toujours plus étroite de la partie révolutionnaire du prolétariat blanc avec la classe ouvrière indigène est notre tâche constante. Dans la question agraire il faut savoir diriger la haine croissante de la population rurale, déterminée par la politique d’expropriation de l’impérialisme français, dans la voie d’une lutte bien organisée (meilleure organisation des grèves ouvriers agricoles, renforcement des syndicats d’ouvriers agricoles en Algérie, etc..).

    Les organisations communistes de chaque pays doivent recruter en premier lieu les ouvriers indigènes et lutter contre le mépris envers eux. Les PC qui sont vraiment composés de prolétaires indigènes doivent être formellement et effectivement des Sections indépendantes de l’IC.

    §39. Parallèlement à la question coloniale, le 6e Congrès attire sérieusement l’attention des PC sur la question nègre. La situation des nègres dans les divers pays est différente ; elle exige donc une étude et une analyse concrète.

    On peut diviser les territoires habités par des masses de nègres de la façon suivante : 1) États-Unis et quelques pays sud- américains où les masses compactes de nègres constituent une minorité par rapport à la population blanche ; 2) l’Union sud-africaine où les nègres constituent la majorité par rapport aux colons blancs ; 3) les États nègres qui sont en fait des colonies ou des semi-colonies de l’impérialisme (Libéria, Haïti, St.- Domingue); 4) Toute l’Afrique Centrale est divisée en colonnes et en territoires sous mandat des diverses puissances (Angleterre, France, Portugal, etc..).

    Les tâches des PC doivent être définies en tenant compte de chaque situation concrète.

    Aux États-Unis, vivent 12 millions de nègres. La plupart sont des fermiers qui paient leur fermage en nature et vivent dans des

    conditions semi-féodales. La situation de ces fermiers nègres est la même que celle des salariés agricoles et ne se distingue que formellement de l’esclavage aboli par la législation.

    Les propriétaires fonciers blancs qui cumulent les fonctions de seigneurs fonciers, de commerçants et d’usuriers, donnent le fouet aux nègres, pratiquent une politique de séjour forcé et d’autres méthodes de la démocratie bourgeoise américaine et reproduisent les pires formes d’exploitation de la période d’esclavage.

    Grâce à l’industrialisation du Sud, un prolétariat nègre commence à se constituer. En même temps se poursuit de plus en plus rapidement l’émigration des nègres vers le Nord où leur immense majorité est formée d’ouvriers non qualifiés.

    La croissance du prolétariat nègre est l’événement le plus important des dernières années. Mais en même temps dans les quartiers nègres se forme une petite bourgeoisie qui donne naissance à des intellectuels et à une faible couche de bourgeoisie qui deviennent les agents de l’impérialisme.

    Une des tâches les plus importantes du PC consiste à lutter pour l’égalité complète et réelle des nègres pour l’abolition de toute inégalité sociale et politique et de toute inégalité de races.

    Le PC a le devoir de lutter de toute son énergie contre la moindre expression de chauvinisme blanc, d’organiser une résistance active contre la justice du lynch, de renforcer son travail parmi les ouvriers nègres, de recruter les plus conscients dans le parti, de lutter pour leur admission dans toutes les organisations des ouvriers blancs et, avant tout, dans les syndicats (ce qui n’exclut pas, s’il le faut, leur organisation en syndicats séparés), d’organiser les masses paysannes et les ouvriers agricoles du Sud, de travailler parmi les masses nègres en expliquant le caractère utopique et réactionnaire des tendances petites-bourgeoises tel le Garveyisme, et en combattant leur influence sur la classe ouvrière.

    Dans les États du Sud, où sont des masses compactes de nègres il faut lancer le mot d’ordre du droit des nègres à disposer d’eux-mêmes. La transformation radicale du régime agraire des États du Sud est une des tâches essentielles de la révolution.

    Les communistes nègres doivent expliquer aux ouvriers et paysans nègres que seule une alliance étroite et une lutte commune avec le prolétariat blanc contre la bourgeoisie américaine peuvent les libérer de l’exploitation barbare, que seule la révolution prolétarienne triomphante résoudra définitivement le problème agraire et national du Sud des États-Unis, dans l’intérêt de la masse écrasante de la population nègre du pays.

    Dans l’Union sud-africaine, les masses nègres constituent la majorité de la population, leurs terres sont expropriées par les colons blancs et par l’État, elles sont privées des droits politiques et du droit de circuler librement, elles souffrent de la pire oppression de race et de classe et des méthodes d’exploitation et d’oppression précapitalistes et capitalistes.

    Le PC, qui a déjà obtenu certains succès dans le prolétariat nègre, a le devoir de poursuivre avec encore plus d’énergie sa lutte pour l’égalité complète des nègres, l’abolition de toutes les mesures et lois spécialement dirigées contre eux et la confiscation des terres appartenant aux propriétaires fonciers.

    En recrutant les ouvriers nègres, en les organisant dans les syndicats, en luttant pour l’admission des nègres dans les syndicats des ouvriers blancs, le Parti a le devoir de lutter par tous les moyens contre tous les préjugés de race parmi les ouvriers blancs et les déraciner complètement de ses propres rangs.

    Le Parti doit lancer avec énergie et conséquence le mot d’ordre de la fondation d’une république indigène indépendante qui assurerait les droits de la minorité blanche, il doit lutter par l’action pour la réalisation de ce mot d’ordre.

    Dans la mesure où le des rapports capitalistes désagrège le régime des tribus, le Parti doit renforcer l’éducation de classe des couches exploitées de la population nègre et s’efforcer de les arracher à l’influence des exploiteurs, qui deviennent de plus en plus les agents de l’impérialisme.

    Dans les colonies du Centre de l’Afrique, l’exploitation prend les pires formes et réunit les méthodes d’exploitation esclavagistes, féodales et capitalistes.

    Dans la période d’après-guerre, le capital des métropoles impérialistes s’efforce avec une force toujours plus grande de pénétrer les colonies africaines, il y favorise la concentration des grandes masses exploitées et prolétarisées dans les plantations, dans les mines, etc…

    Le Congrès fait un devoir aux PC des métropoles d’en finir avec l’indifférentisme dont ils font preuve à l’égard des mouvements de masses dans ces colonies, et de commencer à aider énergiquement ces mouvements aussi bien dans les métropoles que dans les colonies elles-mêmes.

    Ils doivent étudier attentivement la situation dans ces pays afin de démasquer les exploits sanglants de l’impérialisme et de créer la possibilité d’une liaison organique avec les éléments prolétariens naissants de ces colonies, et les plus implacablement exploitées par l’impérialisme.

    §40. En Amérique latine, les communistes doivent prendre partout une part active au mouvement révolutionnaire de masses dirigé contre le régime des gros agrariens et contre l’impérialisme, même là où ce mouvement est encore sous la direction de la petite-bourgeoisie.

    Toutefois, les communistes ne doivent à aucune condition se soumettre à leurs alliés temporaires.

    En luttant pour l’hégémonie dans le mouvement révolutionnaire, les PC doivent, en premier lieu, toujours conserver leur indépendance politique et d’organisation et travailler pour devenir le Parti dirigeant du prolétariat. Dans leur agitation, les communistes doivent souligner particulièrement les mots d’ordre suivants :

    1) Expropriation (sans indemnité) et remise aux ouvriers agricoles, aux fins de travail en commun, d’une partie des grosses plantations et latifundia ; répartition de la partie restante entre les paysans, les fermiers et les colons ;

    2) confiscation des entreprises étrangères (mines, entreprises industrielles, banques, etc..) et des entreprises les plus importantes de la bourgeoisie nationale et des gros propriétaires terriens ;

    3) annulation des dettes d’État et liquidation de tout contrôle sur le pays de la part de l’impérialisme ;

    4) introduction de la journée de 8 heures et abolition des conditions de travail semi-esclavagistes ;

    5) armement des ouvriers et des paysans et transformation de l’armée en milice ouvrière et ;

    6) instauration du pouvoir des Soviets d’ouvriers, paysans et soldats, au lieu de la domination de classe des gros propriétaires fonciers et de l’Église. Le mot d’ordre du gouvernement ouvrier et paysan, opposé aux soi-disant gouvernements «révolutionnaires» que crée la dictature militaire de la petite-bourgeoisie, doit occuper le centre de l’agitation communiste.

    Dans ces pays, la condition fondamentale du succès de l’ensemble du mouvement révolutionnaire est dans la consolidation de l’idéologie et de l’organisation des PC et en leur liaison avec les masses travailleuses et les organisations de masse.

    Les PC doivent tendre inlassablement à organiser les ouvriers industriels dans les syndicats de classe, en premier lieu les ouvriers des grandes entreprises appartenant à l’impérialisme, élever leur niveau politique et leur conscience de classe et à déraciner l’idéologie réformiste, anarcho- syndicaliste et corporative.

    En même temps, il faut organiser les paysans, les fermiers, les colons dans les unions paysannes. Il faut développer la Ligue anti-impérialiste au sein de laquelle doivent travailler les fractions communistes.

    La collaboration la plus étroite entre toutes les organisations révolutionnaires de masses des ouvriers et paysans, la liaison entre les PC des pays de l’Amérique latine, leur liaison avec les organisations internationales respectives, et avec le prolétariat révolutionnaire des États-Unis sont parmi les tâches importantes.

    §41. Les tâches les plus importantes des PC des pays impérialistes dans la question coloniale ont un triple caractère. Premièrement, il faut établir une liaison active entre les PC et les syndicats des métropoles, et les organisations révolutionnaires correspondantes des colonies.

    Les liaisons établies jusqu’à présent entre les PC des métropoles et le mouvement révolutionnaire des pays coloniaux correspondants ne peuvent être considérées comme suffisantes, à quelques rares exceptions près.

    Ce fait ne peut être expliqué que partiellement par les difficultés objectives. Il faut reconnaître que tous les Partis de l’IC ne comprennent pas encore l’importance décisive de l’établissement de liaisons étroites, régulières et permanentes avec les mouvements révolutionnaires dans les colonies, afin de soutenir ces mouvements de façon active, directe et pratique.

    Ce n’est que dans la mesure où les PC des pays impérialistes soutiennent en fait le mouvement révolutionnaire dans les colonies et la lutte des pays coloniaux contre l’impérialisme, que leur position dans la question coloniale peut être considérée comme véritablement bolchéviste.

    C’est là, en général, le critère de leur activité révolutionnaire.

    La seconde catégorie de tâches consiste à soutenir véritablement la lutte des peuples coloniaux contre l’impérialisme par l’organisation d’actions de masse effectives du prolétariat.

    Dans ce domaine, l’activité des PC des pays capitalistes les plus importants fut aussi insuffisante. La préparation et l’organisation de telles actions de solidarité doivent absolument devenir un des éléments essentiels de l’agitation communiste parmi les masses ouvrières des pays capitalistes.

    Les communistes doivent démasquer le véritable caractère de rapine du régime colonial capitaliste par tous les moyens d’agitation dont ils disposent (presse, manifestations publiques, tribunes parlementaires), ils doivent déchirer implacablement le réseau de mensonges qui présente le système colonial comme œuvre de civilisation et de progrès général.

    Dans ce domaine, une tâche particulière consiste à lutter contre les organisations missionnaires, qui sont un des points d’appui les plus actifs de l’expansion impérialiste et de l’asservissement des peuples coloniaux.

    Les communistes doivent mobiliser les larges masses ouvrières et paysannes des pays capitalistes pour la revendication de l’indépendance complète et la souveraineté des peuples coloniaux.

    La lutte contre la répression sanglante des soulèvements coloniaux, contre l’intervention armée des impérialistes dans les révolutions nationales, contre la croissance de l’agressivité guerrière de l’impérialisme, contre les nouvelles conquêtes militaires, doit être une lutte systématique, organisée et pleine d’abnégation de la part du prolétariat mondial.

    Il est nécessaire de tirer toutes les leçons du fait qu’aucune des Sections de l’IC dans les pays capitalistes n’est arrivée à mobiliser les masses dans une mesure suffisante pour défendre effectivement la révolution chinoise contre l’offensive ininterrompue de l’impérialisme mondial.

    Les préparatifs en vue d’une guerre mondiale, la croisade des impérialistes contre les peuples de «leurs» colonies dans le but de les «pacifier» posent la tâche de soutenir activement les révolutions coloniales, et cet objectif doit occuper le centre de la lutte du prolétariat des pays capitalistes.

    La lutte contre la politique coloniale de la social-démocratie doit être considérée par le PC une partie organique de sa lutte contre l’impérialisme. Par sa position dans la question coloniale, à son dernier Congrès de Bruxelles, la 2 e Internationale a sanctionné définitivement ce qu’avait déjà révélé clairement toute l’activité pratique des différents Partis socialistes des pays impérialistes, après la guerre.

    La politique coloniale de la social-démocratie est une politique d’appui actif de l’impérialisme dans l’œuvre d’exploitation et d’oppression des peuples coloniaux. Elle a adopté officiellement le point de vue de la SdN, qui veut que les classes dominantes des pays capitalistes développés soient en «droit» de régner sur la majorité des peuples du globe pour les soumettre à un régime féroce d’exploitation et d’asservissement.

    Afin de tromper une partie de la classe ouvrière et l’intéresser au maintien du régime de rapine coloniale, la social- démocratie défend les exploits les plus honteux et les plus repoussants de l’impérialisme dans les colonies.

    Elle cache le véritable caractère du système colonial capitaliste, le lien qui existe entre la politique coloniale et le danger d’une nouvelle guerre impérialiste menaçant le prolétariat et les masses travailleuses du monde entier.

    Là où l’indignation des peuples coloniaux prend la forme d’une lutte d’émancipation contre l’impérialisme, la social- démocratie se range toujours en fait et malgré toutes ses phrases mensongères, du côté des bourreaux de la révolution.

    Ces dernières années, les socialistes de tous les pays capitalistes votent les crédits de leurs gouvernements pour mener la guerre contre les peuples coloniaux en lutte pour leur libération (Maroc, Syrie, Indonésie), ils prennent part eux-mêmes directement à l’exploitation coloniale, des socialistes français sont nommés gouverneurs de colonies aux ordres des gouvernements impérialistes, les coopératives socialistes de Belgique participent aux entreprises coloniales (pour l’exploitation de la population nègre du Congo), ils approuvent les mesures les plus féroces pour étouffer les soulèvements coloniaux (les chefs du Labour Party britannique ont défendu l’intervention en Chine, le Parti socialiste hollandais est intervenu pour réprimer le soulèvement en Indonésie).

    La théorie social-démocrate, affirmant que le régime colonial capitaliste peut être réformé et devenir un «bon régime colonial» n’est qu’un masque derrière lequel les social-démocrates cherchent à cacher leur véritable figure social-démocrate.

    Les communistes doivent leur arracher ce masque et montrer aux masses travailleuses des pays impérialistes que les Partis socialistes sont les coparticipants et les collaborateurs directs de la politique coloniale impérialiste, que dans ce domaine ils ont trahi de la façon la plus odieuse tout le programme socialiste, qu’ils sont devenus les agents de l’impérialisme rapace dans les métropoles et les colonies.

    Les communistes doivent suivre avec la plus grande attention toutes les tentatives de la social-démocratie qui cherche, avec l’aide des gouvernements capitalistes, à étendre son influence dans les colonies et à y fonder des Sections et des organisations.

    Ces tentatives correspondent à la politique de cette fraction des colonialistes impérialistes qui se proposent de consolider ses positions dans les colonies au moyen de la corruption de certaines couches indigènes.

    Les conditions spécifiques de certaines colonies peuvent contribuer à un certain succès de cette politique et déterminer un développement temporaire du mouvement réformiste dans ces pays sous l’influence de la social-démocratie des pays capitalistes.

    La tâche du PC consiste à lutter énergiquement contre de semblables tentatives, à démasquer la politique coloniale des socialistes devant les masses indigènes et à étendre ainsi aux chefs social-démocrates, ces laquais de l’impérialisme, la haine méritée que les peuples coloniaux opprimés vouent aux impérialistes.

    Dans tous ces domaines, les PC des pays capitalistes ne peuvent obtenir des succès que s’ils développent une propagande intense dans leurs propres rangs, pour expliquer le point de vue communiste dans la question coloniale, pour déraciner toutes les survivances de l’idéologie social-démocrate dans cette question et pour repousser à toute déviation de la juste ligne léniniste.

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    de l’Internationale Communiste

  • Thèses sur la lutte contre la guerre impérialiste et la tâche des communistes au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    1. — La Menace de guerre impérialiste

    §1. Dix ans après la guerre mondiale, les grandes puissances impérialistes signent le pacte de Kellogg mettant la guerre hors la loi ; elles parlent de désarmement, elles s’efforcent, en soutenant les leaders de la social-démocratie internationale, de faire croire aux ouvriers et aux travailleurs que la domination du capital de monopole assure la paix dans le monde entier.

    Le 6e Congrès Mondial de l’IC dénonce toutes ces manœuvres comme destinées à tromper ignominieusement les masses.

    Il rappelle au prolétariat international, aux peuples travailleurs et opprimés du monde entier l’expérience des dernières années, les incessantes petites guerres de brigandage des puissances impérialistes contre les peuples des colonies et les événements de cette dernière année, l’intervention contre la révolution chinoise, l’aggravation du conflit entre les puissances qui méditent un nouveau partage de la Chine, la concentration de troupes en Pologne, la menace directe qui est faite à l’indépendance de la Lithuanie — et, en même temps, le danger de plus en plus pressant où se trouve l’US, en face du bloc des impérialistes, à la tête duquel s’est placée l’Angleterre. Le Congrès rappelle tous ces faits qui illustrent la criminelle politique de guerre des impérialistes, capable de provoquer soudainement une formidable conflagration mondiale.

    Le 6e Congrès Mondial a donné l’analyse des forces politiques et économiques entrées en action pour préparer la prochaine guerre.

    Les changements qui se sont produits dans la situation internationale depuis le 5e Congrès sont caractérisés par une formidable aggravation de tous les antagonismes capitalistes, par un très considérable renforcement économique et politique de l’US, par une rapide croissance du mouvement national-révolutionnaire dans les colonies et semi-colonies, avant tout en Chine, et par l’aggravation de la lutte de classes entre la bourgeoisie et le prolétariat dans les pays capitalistes.

    Les antagonismes entre puissances impérialistes, dans la lutte pour les marchés, manifestent de plus en plus nettement. Mais plus encore ces antagonismes se dessine le confit qui divise le monde entier en deux camps : d’une part, la totalité du monde capitaliste ; de l’autre, l’URSS autour de laquelle se groupent le prolétariat et les peuples opprimés des colonies.

    La lutte pour la destruction du pouvoir soviétique et de la révolution chinoise, pour une domination illimitée sur la Chine et pour la possession du marché russe, c’est-à-dire pour la possibilité d’utiliser les incommensurables réservoirs de matières premières et les débouchés offerts par ces pays, est une question de la plus haute importance pour le capital international et c’est sur ce point que se situe actuellement le danger d’une nouvelle guerre impérialiste.

    §2. La guerre impérialiste qui s’annonce, ne sera pas seulement une guerre de machines, dans laquelle on utilisera de formidables quantités de ressources matérielles, mais elle atteindra des millions et des millions d’hommes, elle frappera la masse des populations dans les pays belligérants. Les lignes de démarcation entre le front et l’arrière s’effaceront de plus en plus.

    Le Congrès signale le grandiose accroissement des armements, de considérables innovations dans la technique militaire, les mesures prises pour militariser les populations et la vie économique de tous les pays capitalistes, la militarisation de l’Italie fasciste, la réforme militaire en France, les nouvelles lois militaires inspirées par la réaction en Tchécoslovaquie, l’intensification des préparatifs de guerre en Pologne, en Roumanie, sous la direction des états-majors des grandes puissances impérialistes, les préparatifs qui ont lieu en Allemagne pour restaurer l’ancien militarisme sous de nouvelles formes, la militarisation générale en Amérique, les préparatifs de guerre de la Grande-Bretagne dans ses Dominons, dans l’Inde en premier lieu, etc.

    La rivalité de l’Amérique et de l’Angleterre, comme puissances navales, nécessite de nouveaux armements. Dans la militarisation des masses, il est très important de considérer qu’en fait ces mesures générales étendent à la jeunesse et, partiellement, au moins en théorie, aux femmes (en France, en Pologne, en Bulgarie, etc.).

    §3. En même temps que les impérialistes poursuivent leurs armements et leurs préparatifs de guerre, nécessités par la politique extérieure, ils accentuent la réaction chez eux, à l’intérieur. Si l’arrière ne «se tient pas tranquille» les impérialistes pourront guerroyer. La bourgeoisie prend toutes les mesures pour prévenir une résistance organisée quelconque des ouvriers contre sa politique de guerre.

    Pour avoir cette «couverture de l’arrière», la bourgeoisie prend différentes mesures : telles sont les lois sur les syndicats en Angleterre, en Norvège, l’arbitrage en Allemagne, le plan de Mond concernant la collaboration des compagnies de chimie industrielle, la campagne pour la paix industrielle, pour les syndicats apolitiques (le «spencérisme» en Angleterre), les Union Company en Amérique, les syndicats fascistes de l’État italien, la loi sur la militarisation des syndicats en temps de guerre en France.

    Toutes ces mesures ont pour objet d’assurer l’écrasement par la force armée de tout mouvement de la classe ouvrière aussitôt que la guerre aura été déclarée.

    D’autre part il existe, non officiellement, des troupes armées telles que le «Casque d’Acier» en Allemagne, les «Schützkorps» en Finlande, les «Strelki» (chasseurs) en Pologne, la «Défense Nationale» en Autriche, etc.; toutes ces formations ont pour but de briser les grèves et d’écraser les mouvements ouvriers non seulement en temps de guerre, mais même dans la période des préparatifs.

    À ces organisations militaires ou semi-militaires se rattachent certaines ligues de femmes dans un grand nombre de pays. Les grandes puissances impérialistes soutiennent le fascisme dans l’Europe sud- orientale, ainsi qu’en Pologne, en Roumanie ; car les méthodes fascistes sont d’une grande importance pour la préparation et le déclenchement de la guerre impérialiste, particulièrement contre l’URSS.

    Les persécutions et les mesures de répression contre les PC sont aggravées systématiquement ; les sections de l’IC dans tous les pays impérialistes sont menacées d’être bientôt réduites à une existence illégale.

    §4. Tandis que se poursuivent les armements et de grandioses préparatifs de guerres impérialistes, la bourgeoisie et les pacifistes petits-bourgeois s’efforcent par des discours hypocrites de tromper les masses laborieuses sur la réalité des faits ; sous couleur de pacifisme et de politique «pacifique» ils essaient systématiquement de dresser le prolétariat contre l’US.

    Dans la prochaine guerre, qui sera déclarée à l’US, le cri lancé par les bourgeois sera : «La guerre pour la paix ! Contre le bolchévisme destructeur de la civilisation !» La bourgeoisie et ses acolytes, les social-démocrates et petits- bourgeois pacifistes, parlent beaucoup de désarmement, de sécurité, d’arbitrage ; il s’agit, paraît-il, de mettre la guerre hors la loi ; tous ces bavardages ne peuvent que profiter à la politique nationaliste ; ce sont là des actes de profonde hypocrisie.

    La SdN, qui a été constituée voilà neuf ans, comme association d’impérialistes pour maintenir la paix de Versailles, basée sur un traité de brigandage, et pour écraser le mouvement révolutionnaire dans le monde entier, devient de plus en plus l’instrument immédiat des préparatifs de guerre impérialiste contre l’URSS.

    Toutes les alliances créées sous le protectorat de la SdN, tous les pactes ne servent qui dissimuler et à favoriser les préparatifs de guerre, particulièrement contre l’US.

    §5. Les impérialistes ne peuvent poursuivre leur politique de guerre qu’avec la collaboration active de la social-démocratie internationale. La guerre mondiale de 1914-18 avait déjà montré les réformistes sous leur vraie figure de social-patriotes et de chauvins.

    Depuis lors, la politique de la social-démocratie en est venue à s’affirmer ouvertement comme un social-impérialisme. Les leaders de la social-démocratie et des syndicats d’Amsterdam s’avèrent, sur toutes les questions décisives, non seulement les défenseurs, mais les militants actifs et l’avant-garde de l’impérialisme. Ils s’emploient tant qu’ils peuvent à favoriser les préparatifs de guerre impérialiste contre l’URSS.

    Les leaders réformistes cherchent à accroître les scissions dans le mouvement ouvrier, en accentuant la lutte contre le mouvement communiste, en des dissensions dans les syndicats et dans les organisations des masses prolétariennes (en Allemagne et en Angleterre); ces procédés, au même degré que leur stratégie de défaitistes dans les grandes batailles économiques, tendent à renforcer la bourgeoisie, à affaiblir les positions du prolétariat et, par conséquent, à créer les conditions qui permettront à la bourgeoisie d’entreprendre de nouvelles guerres impérialistes.

    Le prolétariat doit considérer avec la plus grande attention les méthodes au moyen desquelles la social-démocratie prépare idéologiquement la guerre contre l’US. Voici quelques-unes de ces méthodes : a) on répand des légendes comme celle de «l’impérialisme rouge» et du «militarisme rouge», on assimile le fascisme au bolchévisme, etc.; b) on affirme que la dictature du prolétariat serait une cause de guerre, ou qu’elle en serait du moins une des causes ; e) hypocritement, on prend cette position : «nous voulons soutenir les Soviets, mais nous nous opposons aux communistes et à l’IC»; on propage des opinions défaitistes sur le gouvernement soviétique, sous de fallacieuses formules «de gauche».

    Les dangers de guerre nous ont fourni, en cette dernière année, plusieurs exemples de l’application de cette méthode, notamment chez les social-démocrates en Allemagne. Non moins nettement, ces procédés ont été employées chez les alliés de la social-démocratie, les trotskistes, qui, par exemple, sont venus nous parler «thermidor», d’un «envahissement de koulaks», etc.

    Les soi-disant leaders «de gauche» de la social-démocratie que le 8e Plenum a caractérisés comme les ennemis les plus dangereux dans le mouvement ouvrier, ont entièrement justifié cette caractéristique par leur de trahison au cours de la dernière année et par leur conduite au Congrès de Bruxelles de la 2e Internationale : ce sont eux qui avec des phrases «de gauche» en des circonstances critiques, s’efforcent de tirer d’affaire aussi bien la bourgeoisie que les leaders réformistes de droite.

    Ils disent du régime soviétique et du mouvement communiste que ce sont les ennemis du front unique prolétarien, les ennemis de la «paix universelle» et les alliés «de la réaction» pour induire en erreur et troubler les ouvriers ; ils facilitent ainsi à la bourgeoisie l’application de sa politique de guerre.

    §6. Les événements des dernières années ont montré que le front principal de la politique de toutes les puissances impérialistes est de plus en plus nettement tourné contre l’US et la révolution chinoise.

    Mais les antagonismes s’aggravent aussi entre puissances impérialistes se disputant l’hégémonie. Si la première guerre mondiale de 1914-18 a directement amené une révolution prolétarienne et sa victoire dans l’ancien empire des Tsars, si elle a développé le mouvement émancipateur dans les colonies, si elle a provoqué des soulèvements et des mouvements révolutionnaires des masses prolétariennes en Europe, la guerre prochaine éveillera de puissants mouvements révolutionnaires qui s’étendront aux ouvriers de l’industrie américaine, aux larges masses paysannes dans les pays d’économie agricole et aux nombreux millions d’habitants des colonies opprimées.

    La crise du capitalisme, dont l’expression la plus nette est la guerre, peut provoquer un large mouvement révolutionnaire des masses, même avant que n’éclate le conflit.

    Les communistes doivent grouper les masses, les organiser et les diriger dans ce mouvement comme dans la lutte quotidienne, afin d’obtenir par des actes révolutionnaires, la conquête du pouvoir par le prolétariat, le renversement de la bourgeoisie, l’établissement de la dictature prolétarienne.

    Si, les communistes, en Europe, ne réussissent pas à accentuer la lutte quotidienne pour les revendications les plus urgentes des ouvriers et à la transformer en une lutte ouverte par le pouvoir, pour le renversement de la bourgeoisie, — dans les principaux États impérialistes, c’est seulement le renversement de la bourgeoisie qui pourrait empêcher une guerre, — cette lutte constante pour les intérêts immédiats des travailleurs.

    Combinée avec celle qu’il faut mener contre l’impérialisme en général, augmentera considérablement l’activité de la classe ouvrière et gênera la bourgeoisie, tant dans ses préparatifs que dans ses entreprises de guerre.

    Il est clair que les tentatives de guerre des impérialistes devant être différées, grâce aux manifestations de masses du prolétariat, il deviendra plus facile dans la suite de transformer cette guerre impérialiste en guerre civile, et, par conséquent, de renverser les impérialistes.

    En tout cas, le prolétariat a de plus en plus de tendances vers la gauche, ainsi que les autres couches de travailleurs ; le mouvement dans les colonies et semi-colonies se développe formidablement ; cela crée une large base pour la diffusion de l’influence de l’IC et pour le renforcement de la lutte des communistes contre toute la politique de la bourgeoisie mondiale, qui mène aussi bien à aggraver l’exploitation et l’oppression qu’à déclencher des conflits et à provoquer des guerres.

    2. — Le prolétariat devant la guerre

    §7. La guerre est inséparable du capitalisme ! La lutte contre la guerre exige, avant tout, que l’on comprenne clairement, dans chaque cas particulier, de quelle guerre il s’agit et quelles en sont les causes.

    Les réactionnaires tentent de justifier la guerre comme un phénomène naturel inévitable ; non moins réactionnaires sont ceux qui, par des plans utopiques, par des phrases vides de sens, par des traités, des pactes prétendent arriver à supprimer la guerre ; à tout cela prolétariat oppose la marxiste-léniniste, profondément méditée, qui est la seule base scientifique d’une lutte effective contre la guerre.

    La cause originelle de la guerre, en tant que phénomène historique, ne réside pas dans «un mauvais principe» naturel, inné aux hommes, et non pas davantage dans une «mauvaise» politique des gouvernements ; cette cause réside dans la division de la société en classes, dont les unes se composent d’exploiteurs et les autres d’exploités.

    Le capitalisme est la cause des guerres de l’histoire moderne. Ces guerres n’ont rien d’insolite, elles ne le contredisent pas aux bases du capitalisme et de la propriété privée sur les moyens de production, ni au système de concurrence et d’exploitation ; elles en sont les conséquences directes.

    L’impérialisme, en tant que stade du capitalisme arrivé à la période des monopoles, accentue les antagonismes dans telle mesure que la «paix» n’est qu’une pause en attendant de nouvelles guerres.

    La surface du globe et ses richesses économiques (exception pour les territoires où s’est établie la dictature du prolétariat) sur sont presque tout entières assujettis aux monopoles d’un petit nombre de grandes puissances. Mais comme le développement économique et politique des différents pays ne se fait pas à une cadence égale, il s’ensuit constamment la nécessité de refaire le partage du monde.

    Et, en fin de compte, ce partage ne peut se faire que par des guerres entre les principales puissances impérialistes. D’autre part, l’exploitation de centaines de millions de prolétaires et d’esclaves dans les colonies ne peut être maintenue que par des guerres d’oppression où l’on verse beaucoup de sang.

    La guerre est inséparable du capitalisme : donc, on ne peut «supprimer» la guerre qu’en supprimant le capitalisme ; donc, il faut renverser la classe des capitalistes-exploiteurs, il faut établir la dictature du prolétariat. Il faut construire le socialisme et l’on arrivera à faire disparaître les distinctions de classes. Toutes autres théories et propositions, si «réalistes» qu’elles puissent sembler, ne sont que tromperies et ne peuvent que prolonger le système de l’exploitation et des guerres.

    C’est pourquoi le léninisme rejette toutes les théories pacifistes sur «la suppression de la guerre» en régime capitaliste, et indique aux masses ouvrières, à tous les opprimés, la seule voie qui conduise au but : le renversement du capitalisme.

    §8. Mais le renversement du capitalisme n’est pas possible sans violence, sans insurrection armée, sans une suite de guerres du prolétariat contre la bourgeoisie.

    À l’époque actuelle de guerres impérialistes et de révolution mondiale, il est inévitable, l’a prouvé Lénine, que des guerres civiles soient déclarées par prolétariat à la bourgeoisie ; on ne peut éviter des guerres de la dictature prolétarienne contre les États bourgeois et le capitalisme ; on ne peut éviter des guerres nationales-révolutionnaires des peuples opprimés contre l’impérialisme.

    C’est pourquoi précisément, le prolétariat révolutionnaire, combattant pour le socialisme, combattant pour mettre fin à toutes les guerres, ne peut en aucune manière se prononcer indistinctement contre toute guerre.

    N’importe quelle guerre procède uniquement de la politique de certaines classes qui recourent en certaines circonstances à «d’autres moyens», d’autres procédés de violence. Par conséquent, le prolétariat doit soigneusement analyser la signification historique et politique, le sens de classe de toute guerre qui se déclare, et il doit évaluer avec une attention particulière le rôle des classes dirigeantes dans tous les pays belligérants du point de vue de la révolution prolétarienne internationale.

    L’époque actuelle nous oblige de distinguer trois genres de guerres : 1. guerres entre États impérialistes ; 2. guerres de contre- révolution impérialiste, dirigées contre des États prolétariens, contre les pays où l’on édifie le socialisme ; 3. guerres nationales- révolutionnaires, principalement dans les colonies, contre l’impérialisme, qui répondent à l’oppression et aux attaques des puissances.

    Dans le premier cas. — et nous avons un exemple classique dans la guerre mondiale de 1914-18, — les deux parties mènent une guerre impérialiste réactionnaire.

    Dans le deuxième cas. — par exemple l’intervention contre la Russie soviétique (1918-21), — ce sont les impérialistes seuls qui mènent la guerre réactionnaire. Et, en face d’eux, la dictature prolétarienne mène alors une guerre révolutionnaire, pour la cause da socialisme, dans l’intérêt du prolétariat mondial.

    Dans le troisième cas. — par exempte dans la guerre que les impérialistes mènent contre la révolution chinoise, — c’est encore l’impérialisme qui se livre à des opérations de réaction et de brigandage ; mais la guerre que font les populations opprimées à l’impérialisme est juste : bien plus, elle est révolutionnaire, et, à l’époque actuelle, elle est un des moyens de propagation de la révolution prolétarienne mondiale.

    Après avoir analysé ainsi, selon l’esprit marxiste, le caractère de chaque guerre, le prolétariat fixe sa position de principe et sa tactique. Le prolétariat lutte quand il y a guerre entre des États impérialistes : son point de vue est alors celui du défaitisme à l’égard de son propre gouvernement : il veut transformer la guerre impérialiste en guerre civile contre la bourgeoisie.

    Le prolétariat des pays impérialistes adopte la même position de principe quand il s’agit d’une guerre d’oppression, dirigée contre un mouvement national- révolutionnaire, et notamment contre les peuples des colonies ; le prolétariat doit se conduire de la même façon s’il y a une guerre contre-révolutionnaire des impérialistes menaçant la dictature prolétarienne.

    En même temps, le prolétariat soutient mène toutes les guerres nationales-révolutionnaires, toutes guerres du socialisme contre l’impérialisme, et organise la défense de la révolution nationale, de tout État où est établie la dictature prolétarienne.

    §9. Tant que le prolétariat n’aura pas établi sa dictature, il devra, pour fixer sa tactique en temps de guerre dans son pays, analyser soigneusement et en détail la guerre en cours et chacune de ses phases. Des guerres nationales peuvent en effet devenir des guerres impérialistes.

    On ne saurait suppléer l’analyse du caractère d’une guerre par l’examen de ses aspects formels, apparents, en considérant par exemple qu’il s’agit d’une agression. Dans la guerre de 1914, par exemple, il était absurde de s’en tenir à des apparences de ce genre ; cela ne pouvait servir qu’à duper les masses.

    Dans les guerres des puissances impérialistes contre les États révolutionnaires, la question de ces apparences d’offensive doit être envisagée, non d’un point de vue stratégique, mais dans un sens historique et politique. Celui qui attaque le premier n’est pas nécessairement celui qui fait une guerre injuste : l’injustice est du côté de celui qui représente la réaction, la contre-révolution, l’exploitation, l’impérialisme, contre une révolution nationale ou prolétarienne.

    On peut appliquer d’une façon mensongère l’argument de l’agression : les socialistes français nous en ont donné un exemple, en 1925, quand ils ont pris parti pour la France qui déclarait la guerre au Maroc soulevé : ils ont prétendu alors que c’était le Maroc qui attaquait : et en était ainsi en fait.

    Ce fut aussi la position prise par les impérialistes-socialistes (Labour Party) quand la Grande- Bretagne intervint en Chine en 1927 : ils parlèrent alors de «protéger la propriété et les vies des sujets britanniques».

    §10. De la de position de principe adoptée par le prolétariat, devant chaque guerre en particulier, dépend l’attitude qu’il doit adopter aussi dans la question de la «défense de la patrie».

    Le prolétariat n’a point de patrie tant qu’il n’a pas conquis le pouvoir politique et n’a pas arraché les moyens de production à ses exploiteurs. L’expression de «défense de la patrie» est une de celles que l’on rencontre constamment, dans tous les milieux : elle sert simplement à justifier la guerre.

    Quand le prolétariat où un État prolétarien luttent contre l’impérialisme, les travailleurs ont le devoir de défendre leur patrie socialiste. Dans les guerres nationales révolutionnaires, le prolétariat doit défendre son pays contre les impérialistes. Mais dans les guerres impérialistes, il doit, aussi énergiquement que possible, dénoncer «la défense de la patrie», qui n’est plus alors qu’une défense des exploiteurs et une trahison a l’égard du socialisme.

    a) Le prolétariat lutte contre les guerres impérialistes

    1) La lutte contre la guerre impérialiste avant son déclenchement

    §11. La lutte des communistes contre la guerre diffère radicalement de la politique des pacifistes de toutes nuances. Les communistes ne considèrent pas séparément la lutte contre la guerre et la lutte de classes ; leur combat pour la paix fait partie de l’action générale entreprise par le prolétariat pour renverser la bourgeoisie.

    Ils savent que les guerres impérialistes sont inéluctables, tant que subsistera la domination de la bourgeoisie.

    Ceux qui auront considéré cette tendance objective de l’histoire, concluront peut-être qu’il serait absurde de lutter d’une façon plus spéciale contre la guerre. Bien plus : certains social-démocrates accusent même les communistes d’encourager les guerres impérialistes, dans l’esprit de hâter la révolution.

    La première appréciation est une erreur. La deuxième est une stupide calomnie.

    Bien que les communistes soient convaincus que la guerre impérialiste est inévitable, ils s’efforcent, dans l’intérêt des masses ouvrières et de tous les travailleurs auxquels ces guerres imposent les plus lourds sacrifices, ils s’efforcent, disons-nous, de lutter par tous les moyens, obstinément, contre la guerre impérialiste, et de la prévenir par la révolution prolétarienne.

    Dans cette lutte, ils s’efforcent de grouper autour d’eux les masses, et ainsi, s’ils ne peuvent empêcher la guerre, ils tenteront du moins de la transformer en guerre civile pour renverser la bourgeoisie.

    §12. Le premier devoir des communistes, dans leur lutte contre la guerre impérialiste, c’est de faire tomber le rideau derrière lequel la bourgeoisie prépare la guerre, et de montrer aux masses la véritable situation. Avant tout, cela signifie qu’il faut mener la lutte la plus acharnée, dans la politique et dans la propagande contre le pacifisme.

    Les communistes doivent considérer soigneusement et discerner nettement toutes les nuances du pacifisme, que l’on peut présenter ainsi, en ne parlant que des principales : a) Il y a le pacifisme officiel qui sert aux gouvernements capitalistes à masquer leurs manœuvres, leurs intrigues entre eux et à l’égard de l’US (SdN, Locarno, Conférence du désarmement, «mise de la guerre hors la loi», etc.);

    b) Il y a le pacifisme de la 2 e Internationale (Hilferding, Paul Boncour, Macdonald), qui n’est qu’une ramification du pacifisme officiel de différents gouvernements, mais qui décore sa rhétorique de phrases «socialistes» ou même «marxistes»;

    c) Il y a le pacifisme «radical» ou «révolutionnaire» de certains socialistes «de gauche» qui reconnaissent les dangers de guerre et n’y opposent que des niaiseries. Souvent ils exagèrent, quand ils parlent de la violence destructive des armes les plus modernes, et ils le font à dessein de démontrer qu’une guerre prolongée serait impossible, ou bien qu’on n’arriverait pas à la transformer en guerre civile ;

    d) Il y a un pacifisme teinté de religiosité, qui se base sur un mouvement clérical.

    Dans leur lutte contre le pacifisme, les communistes doivent s’attacher soigneusement à faire la différence entre le pacifisme et les erreurs des masses populaires : celles-ci sont opposées à la guerre, elles sont disposées à l’empêcher, mais elles ne voient pas encore le seul chemin qui leur permettrait d’atteindre le but, celui de la révolution : elles sont donc victimes d’imposteurs, de ceux qui représentent les diverses tendances pacifistes.

    Les communistes, qui ont l’obligation d’expliquer sans relâche aux masses leurs erreurs et de les amener au front révolutionnaire pour la lutte contre la guerre, doivent lutter implacablement contre les mensonges des pacifistes et dénoncer infatigablement ceux-ci ;

    e) Le pacifisme «coopératif» qui existe sous ce nom, joue un rôle particulier : il repose sur l’Alliance Coopérative Internationale et sur la Guilde Coopérative Internationale des Femmes à Londres. À ces organisations on peut rattacher celles de la bourgeoisie de gauche, comme par exemple, la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté.

    §13. Plus les dangers de guerre sont pressants et évidents, plus devient dangereuse la tendance de ce qu’on appelle le «pacifisme radical» qui est, actuellement, représenté surtout par les social- démocrates de «gauche» en Allemagne, par le Labour Party indépendant en Angleterre et par les social-démocrates de plusieurs petits États (dont la Hollande et la Norvège): dans cette tendance, on donne comme mots d’ordre de belles phrases comme ceci : «qu’il n’y ait plus jamais de guerre»; «boycottons la guerre»; «grève générale en réplique à toute déclaration de guerre»; «grève militaire», etc. De ces phrases, les leaders réformistes se servent largement pour duper les masses. (C’est ainsi que l’Internationale d’Amsterdam parle de grève générale).

    Dans les instructions que Lénine donnait à la délégation syndicale des Soviets, envoyée à la Conférence de la Paix, à La Haye, en décembre 1922, il attirait très justement toute l’attention des camarades sur la lutte à mener contre cette variété de pacifisme.

    Cette précaution a encore aujourd’hui toute sa valeur parce que, même dans les rangs communistes, il subsiste encore, inconsciemment, de forts préjugés et des déviations sur cette question. C’est pourquoi il est nécessaire :

    a) De réagir contre des phrases bruyantes comme celles-ci : «nous ne tolérerons plus la guerre»; «qu’il n’y ait jamais plus de guerres». Les communistes ne peuvent pas se borner seulement à corriger ces mots d’ordre, ils doivent mener une lutte active contre cette agitation, en dénonçant ceux qui l’inspirent, en en démontrant le vrai caractère, qui est de dissimuler les préparatifs de guerre.

    En de nombreux cas, on peut en dire autant du mot d’ordre «guerre à la guerre» que les social-démocrates lancent hypocritement comme une promesse, dans le but de duper les masses ;

    b) Il faut lutter contre les propositions des pacifistes «radicaux» qui prétendent prévenir les guerres. Les communistes ne peuvent pas se borner à dénoncer ces gens-là comme des phraseurs qui ne font rien pour réaliser leurs propositions si joliment radicales (grève générale, grèves militaires).

    Les communistes doivent montrer toute la fausseté de ces propositions pacifistes, toute leur puérilité, en expliquant aux masses la situation véritable dans laquelle éclate la guerre, en démontrant qu’il est impossible de limiter la lutte à des méthodes déterminées, mais qu’il est indispensable de recourir à toutes les formes de la lutte de classes ;

    c) Il faut mener une lutte implacable et opposer ouvertement la critique contre toutes les manifestations qui seraient faites à l’étourdie, au sujet des dangers de guerre, dans les rangs de nos PC. Cela est particulièrement indispensable à l’égard des erreurs que les nôtres commettraient dans leurs articles, dans la presse et dans leurs discours aux parlements. En aucun cas, il n’est pas admissible que l’on fasse le silence sur des erreurs de ce genre.

    §14. Tout en combattant le pacifisme et en s’opposant aux phrases révolutionnaires trop légèrement lancées, les communistes doivent remplir, dans leur lutte contre la guerre impérialiste, un certain nombre de tâches d’agitateurs et de propagandistes. Ces tâches, les voici :

    a) Ils doivent réfuter en temps utile les sophismes et les phrases à l’aide desquelles la bourgeoisie et la social-démocratie essaient de justifier la guerre. Au premier plan, en ce sens, signalons le mot d’ordre de «défense de la patrie».

    La guerre faite à la Chine en 1927, a montré ce que valaient des mots d’ordre comme «la défense des vies et des propriétés», «la protection du commerce», «l’honneur du drapeau», etc.

    Durant la dernière guerre impérialiste, l’Entente, pour mobiliser les masses, parlait de «luttes contre le militarisme prussien»; les puissances de l’Europe centrale parlaient de «lutte contre le tsarisme».

    Dans la prochaine guerre de l’Italie avec la France ou avec la Yougoslavie, on parlera de «lutte contre le fascisme réactionnaire»; la bourgeoisie, française ou serbe, utilisera les sentiments antifascistes des masses populaires pour justifier une guerre impérialiste.

    D’autre part, le fascisme, pour qu’on accepte sa politique de force, sa politique impérialiste, fait valoir que la péninsule est surpeuplée, qu’il y a une nécessité naturelle d’expansion, etc. Les PC ne se sont pas encore suffisamment appliqués à dénoncer tous ces sophismes.

    b) «Il faut expliquer sans relâche, inlassablement, aussi concrètement que possible, comment les choses se sont passées durant la dernière guerre, et comment elles ne pouvaient se passer autrement. Il faut en particulier montrer que «la défense de la patrie» sera nécessairement mise en question, et que l’immense majorité des travailleurs résoudra nécessairement ce problème au profit de la bourgeoisie.» (Lénine)

    «Utilisant la récente expérience de la guerre, nous devons faire comprendre qu’une multitude de questions théoriques et pratiques se poseront dès le lendemain de la déclaration de guerre, et que la majorité des mobilisés sera dans l’impossibilité d’examiner ces questions avec plus ou moins de lucidité, en conscience et sans prévention.» (Lénine)

    «Il faut expliquer aux gens les réalités des circonstances qui font le mystère dans lequel naît la guerre, et l’impuissance des organisations ouvrières, même soi-disant révolutionnaires, devant une guerre imminente.» (Lénine)

    Les bolchéviks qui avaient leur organisation clandestine bien agencée, ont été le seul Parti qui ait pu continuer un travail révolutionnaire contre la guerre. Mais ils n’ont pas pu empêcher les masses d’accepter le moi d’ordre de «la défense de la patrie»; encore moins ont-ils pu empêcher la guerre ; et pourtant, alors, la lutte de classes du prolétariat en Russie prenait un élan et, dans les rues de Pétersbourg, quelques semaines avant la déclaration de guerre, des barricades avaient surgi.

    Il faut d’abord donner une sérieuse explication des immenses difficultés d’une lutte effective contre la guerre ; on pourra seulement alors examiner les problèmes de tactique de cette lutte ;

    c) Enfin, il faut expliquer en détail aux masses ouvrières, l’expérience de la dernière guerre mondiale (1914-18), les différentes

    tendances dans le mouvement ouvrier, la lutte des bolchéviks contre la guerre et leur mot d’ordre essentiel : «transformation de la guerre impérialiste en guerre civile».

    §15. Ce travail d’agitation et de propagande doit être exactement combiné avec l’activité révolutionnaire quotidienne du Parti dans les masses. Ce sont là les plus importantes obligations dans la lutte contre la guerre impérialiste avant qu’elle soit déclenchée.

    a) Le travail du Parti dans les entreprises et dans les syndicats doit en premier lieu viser les branches industrielles pour la mobilisation et la conduite de la guerre : la métallurgie, les produits chimiques, les transports. On attribuera une toute particulière importance de l’application juste du front unique prolétarien, dont les résultats devront être consolidés sous forme d’organisations, comités d’action, etc.

    b) Étant donné que, dans la plupart des pays, c’est la classe paysanne qui constitue la masse de l’armée, on s’attachera particulièrement à la propagande antimilitariste parmi les paysans.

    Ce travail sera favorisé par l’hostilité qui, presque partout dans les campagnes, s’affirme contre la guerre.

    La bourgeoisie s’efforce de maintenir son influence sur les campagnes et d’exciter la «combativité» des paysans ; elle recourt pour cela à l’intervention des gros propriétaires, des paysans riches, des organisations d’anciens combattants, de la presse, de l’Église et de diverses méthodes fascistes ou pacifistes.

    À cette activité, les communistes doivent opposer la leur dans les villages en y accentuant la lutte de classes, ils doivent faire dans les masses paysanne de la propagande contre la guerre en basant sur l’expérience de la guerre mondiale, en combinant leur propagande avec la lutte pour les revendications économiques des paysans pauvres ; ils doivent expliquer l’attitude du prolétariat à l’égard de la guerre ; ils doivent faire du travail fractionnelle dans les syndicats réactionnaires de paysans ; ils doivent organiser, contre la guerre, des Conférences de paysans pauvres et dans leur propagande au sein de l’armée, tenir compte des intérêts spécifiques de ces derniers.

    c) Les mouvements nationaux dans les Balkans, en Pologne et ailleurs doivent jouer un rôle très considérable dans la lutte contre le danger de guerre impérialiste et pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile. La lutte contre le danger de guerre impérialiste dans ces pays se rattache étroitement à celle qu’il faut mener contre les survivances du féodalisme, contre l’oppression nationale, dans le but développer une révolution agraire et nationale.

    C’est pourquoi c’est un problème d’extrême importance pour les PC que celui de créer et d’élargir les blocs révolutionnaires du prolétariat, des paysans et des nationalités opprimées contre le capitalisme, contre les dangers de guerre impérialiste.

    d) C’est est une question d’une importance décisive que le travail parmi les jeunes, et, avant tout, dans la jeunesse ouvrière. Tous les communistes, et pas seulement les organisations de nos jeunesses, doivent lutter avec la plus grande énergie contre les organisations sportives bourgeoises, contre les organisations fascistes, les écoles militaires, etc., dans lesquelles la bourgeoisie prépare les jeunes gens pour la guerre impérialiste.

    Ensuite, il faut lutter contre la préparation militaire des jeunes gens avant la caserne, comme on la pratique dans les pays bourgeois.

    Là où cette préparation aurait un caractère obligatoire, les communistes invitent les jeunes ouvriers à y prendre part, et organisent dans ces formations leur propagande pour éclairer la jeunesse et bien provoquer la décomposition des organisations militaires bourgeoises. Le même travail doit être fait dans les organisations de volontaires et associations de citoyens pour la préparation militaire.

    Dans ce but, les PC et la direction des jeunesses délèguent en mission certains de leurs membres à ces organisations, mais ils n’invitent pas la jeunesse ouvrière à en faire partie ; ils demandent à celle-ci d’entrer dans les organisations prolétariennes de défense ou de créer des organisations de ce genre.

    c) Étant donnée l’importance du rôle des femmes dans l’industrie, surtout en cas de guerre, le travail parmi les ouvrières et les femmes d’ouvriers s’impose particulièrement ; il faut combattre l’influence que peuvent avoir sur elles les impérialistes par l’intermédiaire des organisations petites-bourgeoises ; il faut les organiser en syndicats et autres groupements de masses prolétariennes.

    Il faut particulièrement tenir compte des plans de militarisation des femmes et considérer aussi avec une grande attention l’accroissement (c’est un fait) de l’influence exercée sur elles par les organisations pacifistes, confessionnelles et nationalistes de la bourgeoisie. Aucune négligence à l’égard de cette propagande ne saurait être admise ; ce travail ne saurait être laissé seulement aux femmes communistes ; c’est une erreur d’appréciation qu’il faut détruire par tous les moyens.

    f) L’activité antimilitariste, le travail dans l’armée et la flotte, parmi les conscrits et les réservistes, dans les organisations de défense bourgeoise, où les éléments prolétariens doivent être fortement représentés, — voilà un tout organique, constituant le travail révolutionnaire du Parti dans les masses, travail qui doit atteindre tous les ouvriers.

    §16. Lénine estimait que «le seul moyen» de poursuivre tout le travail révolutionnaire après la déclaration de guerre serait de créer une organisation clandestine. Il faut également qu’il y ait une organisation illégale pour lutter contre la guerre avant même la déclaration du conflit. C’est un problème des plus importants dont l’étude pratique a été menée jusqu’à présent d’une façon très insuffisante : on l’a trop négligé et l’on n’y voit pas encore bien clair.

    Dans certains cercles de plusieurs de nos Partis, on garde ce préjugé nettement opportuniste de confier le travail de propagande antimilitariste uniquement aux jeunesses ou à des organisations spéciales, comme si le travail dans l’armée n’était pas obligatoire pour l’ensemble du Parti.

    Il faut résolument réagir contre cette manière de voir et commencer dès à présent le travail selon l’esprit des directives de Lénine. Les tâches à accomplir sont les suivantes :

    a) Élargir le réseau de nos cellules de fabriques et d’usines qui, par suite de la terreur exercée par le patronat et par les régimes policiers, devront toutes, en des circonstances déterminées, se replier dans l’illégalité, dans une situation clandestine ; tout sera pour préparer cette manœuvre.

    b) On préparera les organes de direction, l’appareil de liaison, ainsi que les organes de la presse du Parti dont le fonctionnement devra être assuré, même sous le régime de répression le plus sévère.

    Sans renoncer à utiliser toutes les possibilités que leur offre la légalité, les PC doivent, dès à présent, s’appliquer très activement à l’étude de ces problèmes. S’ils négligeaient ce devoir, le régime de terreur qui doit être établi dès la déclaration de guerre et dont nous avons déjà des symptômes dans plusieurs pays, anéantirait forcément les organisations du Parti et compromettait ainsi les ressources essentielles d’une lutte révolutionnaire contre la guerre.

    §17. Les PC doivent actuellement concentrer tous leurs efforts sur la préparation, la conquête et l’organisation des masses pour la lutte contre la guerre impérialiste.

    Les batailles du prolétariat et des autres éléments laborieux contre le renforcement de l’exploitation et de l’oppression — sur des questions de salaires, d’heures de travail, d’impôts, d’habitations, de politique sociale, d’injustices, de persécutions et de renforcement du danger fasciste — ne doivent pas être limitées aux seules revendications du mouvement ; elles doivent toujours se rattacher nettement à la lutte contre la politique de guerre impérialiste ; toutes les questions importantes de politique extérieure, d’armements, de mise en œuvre de nouvelles ressources militaires, etc., doivent être soumises à l’examen des masses et utilisées pour des manifestations révolutionnaires.

    Dans cette lutte, le PC, sans cesser d’évaluer raisonnablement ses forces, doit hardiment et résolument prendre la tête des masses. Il doit organiser des manifestations, des grèves de protestation contre la politique de guerre de la bourgeoisie impérialiste et, au moment voulu, poser devant les masses la question de la grève générale et d’autres formes de luttes encore plus sérieuses.

    2) La lutte en temps de guerre impérialiste

    §18. Le programme politique des communistes en temps de guerre impérialiste est celui-là même que le Parti des bolchéviks, sous la direction de Lénine, avait élaboré et a appliqué dans sa lutte héroïque contre la première guerre mondiale. Les points essentiels de ce programme sont les suivants :

    a) Refus de détendre la patrie impérialiste dans une pareille guerre ; on expliquera aux ouvriers et aux paysans le caractère réactionnaire de la guerre ; on combattra très énergiquement toutes les tendances du mouvement ouvrier qui essaieraient, ouvertement ou par des détours, de justifier la guerre ;

    b) Défaitisme : on contribuera, dans chaque pays, à la défaite du gouvernement impérialiste dont on est sujet ;

    c) Véritable internationalisme : non plus en phrases «internationalistes» ni en «accords» de pure forme ; mais un véritable travail révolutionnaire défaitiste du prolétariat dans tous les pays belligérants, ayant pour objet, dans chaque pays, le renversement de la bourgeoisie dirigeante ;

    d) Transformation de la guerre impérialiste des États en guerre civile du prolétariat contre la bourgeoisie. Pour la dictature du prolétariat, pour le socialisme, par des manifestations révolutionnaires de masses à l’arrière et par la fraternisation sur le front ;

    c) Une paix «juste» ou «démocratique» à la fin d’une guerre impérialiste est impossible si la bourgeoisie n’a pas été renversée, si le pouvoir n’a pas été pris par le prolétariat dans les principaux États belligérants. C’est pourquoi le mot d’ordre essentiel doit être non la paix, mais la révolution prolétarienne. Les communistes doivent lutter énergiquement contre toutes les phrases sur la paix qui deviennent, à un certain moment, le principal instrument idéologique de la bourgeoisie empêcher que sa guerre ne se transforme en guerre civile.

    On ne peut pas limiter le travail à la propagande de ce programme ; il est indispensable de conquérir les masses ouvrières à la lutte pour ce programme en appliquant la tactique du front unique par en bas.

    §19. «Transformer la guerre impérialiste en guerre civile», cela veut dire, avant tout, qu’il y aura des manifestations révolutionnaires de masses. Les communistes renoncent délibérément à employer tous les prétendus «moyens» de lutte contre la guerre qui empêchent le développement des manifestations révolutionnaires de masses.

    Par conséquent, ils repoussent aussi les actes individuels qui ne se rattachent pas à l’action révolutionnaire des masses ou qui n’en favorisent pas le développement ; ils combattent la propagande de ces recettes contre la guerre qui sont en faveur parmi les éléments petits- bourgeois dans le mouvement ouvrier, comme, par exemple, le «refus de porter les armes», «le refus de tirer», etc.

    Ces pauvres moyens sont encore largement recommandés dans les masses et bien des ouvriers croient sérieusement qu’on peut arriver par là à quelque chose.

    En réalité, cette propagande est absurde et nuisible. Les communistes doivent dire aux ouvriers que la lutte contre la guerre n’est pas l’acte d’un seul homme à un moment déterminé ; que les manifestations révolutionnaires de masses des ouvriers et des paysans pauvres, à l’arrière comme au front, pour renverser la bourgeoisie, et la lutte à main armée sont les seuls moyens à employer, auxquels tous les autres doivent être subordonnés.

    En combattant les recettes en question, qui nuisent à l’action des masses, les communistes éveillent dans la classe ouvrière l’héroïsme révolutionnaire pour la lutte contre la guerre impérialiste.

    §20. C’est toujours du point de vue de la transformation de guerre impérialiste en guerre civile que les communistes apprécient la question de la grève générale contre la guerre.

    Ils ne peuvent considérer la grève générale, en soi, comme un moyen de lutte contre la guerre. Dés 1907, Lénine combattait le point de vue de Gustave Hervé, repoussant le mot d’ordre de la grève générale, cette «panacée» qu’on proposait sans tenir compte des circonstances et de la situation concrète, indépendamment de l’ensemble de la lutte de classes du prolétariat.

    En 1922, Lénine adoptait sur ce point une position encore plus nette, d’après l’expérience de la guerre mondiale.

    Les indications et instructions données ce sujet par Lénine aux délégués pour la Conférence de La Haye restent entièrement valables jusqu’à présent : il est possible de «répliquer» à la guerre par la grève, de même qu’il est impossible d’y «répliquer» par la révolution dans le sens le plus simple et le plus littéral de ces termes.

    Mais si les communistes repoussent le mot d’ordre de «la grève générale en réplique à la guerre», et préviennent les ouvriers contre de telle illusions. Qui ne peuvent que nuire à la véritable lutte contre la guerre, ils ne renoncent pas pour cela la grevé générale, envisagée comme un des moyens de lutte, et ils considèrent comme une déviation opportuniste, à rejeter résolument, le refus de se servir de ce moyen.

    Avec d’autres actions de masses (manifestations, grèves dans les usines qui travaillent pour la défense nationale, grève des transports, etc.), la grève générale, mobilisant les masses, est un des principaux moyens de lutte et, comme transition vers le soulèvement armé, est un des stades à franchir pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile.

    Cependant, cette transformation ne dépend pas seulement de la volonté du Parti ; elle suppose une situation révolutionnaire, la capacité et les dispositions du prolétariat à opérer en masse, etc., toutes conditions qui n’existent pas encore à la déclaration de guerre, mais seulement au cours du conflit.

    Et même durant la guerre, la grève générale ne vient pas toute seule, elle est le résultat d’un flux grandissant d’actes révolutionnaires de masses (manifestations, grèves partielles, etc.) et du côté des communistes d’une préparation persévérante de lourds sacrifices.

    La grève générale en temps de guerre donnera sans aucun doute des résultats révolutionnaires plus vite qu’en temps de paix ; mais il ne sera nullement plus facile de la préparer et de l’organiser.

    La bourgeoisie prendra ses mesures de précaution ; elle répondra à la grève par la mobilisation des ouvriers grévistes ou par la militarisation des entreprises.

    C’est pourquoi les communistes ne peuvent, même en temps de guerre, se borner à une propagande abstraite de la grève générale ; ils doivent continuer leur travail révolutionnaire quotidien dans les entreprises et les syndicats, détendant toujours les revendications économiques des ouvriers, rattachant ces revendications à la propagande contre la guerre, organisant des Comités révolutionnaires d’usines, conquérant la base des organisations syndicales, éliminant des organisations les éléments social-patriotes, et quand la base sera conquise, faisant élire de nouveau organes dirigeants à opposer à ceux des réformistes, organisant malgré ces derniers, déclenchant et élargissant des grèves partielles, etc.

    La grève générale ne doit pas être un mit d’ordre en l’air, elle doit plutôt être le but et le résultat de tout ce travail pratique.

    Dans ce cas, le prolétariat révolutionnaire doit se préparer, si la grève générale réussit, à la diriger fermement, en des circonstances favorables, vers une insurrection armée.

    §21. Toujours du point de vue de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, les communistes repoussent le mot d’ordre du refus du service militaire (boycottage de la guerre) que préconisent certains pacifistes «radicaux» et social-démocrates de «gauche»

    a) L’idée de rendre la guerre impérialiste impossible en demandant aux mobilisés de ne pas répondre à l’appel, est aussi illusoire que l’idée de la grève générale comme «réplique» à la guerre.

    Ceux qui recommandent cette recette affaiblissent la vraie lutte révolutionnaire contre la guerre.

    b) Quand bien même ce «boycottage de masses» réussirait partiellement, il en résulterait que les ouvriers les plus résolus, les plus conscients, ne se trouveraient pas dans l’armée. Le travail systématique des révolutionnaires dans l’armée — une des tâches essentielles de la lutte coutre la guerre — ne pourrait être accompli.

    C’est pourquoi Lénine avait parfaitement raison quand il écrivait, en 1922, d’après l’expérience de la guerre mondiale : «Boycotter la guerre, c’est une phrase stupide. Les communistes doivent marcher pour n’importe quelle guerre réactionnaire.»

    Mais cette directive de Lénine à l’égard du service militaire ne signifie pas que les communistes doivent faire de l’agitation dans les masses ouvrières pour qu’elles s’engagent dans l’armée bourgeoise.

    Elle signifie que les communistes doivent résolument lutter contre le mot d’ordre du boycottage, qui ne peut que nuire et engendre des illusions, qu’ils doivent travailler pour la révolution et l’organisation des masses dans l’armée bourgeoise, pour l’armement du prolétariat, pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile.

    C’est pourquoi, quand se pose la question de l’entrée dans l’armée bourgeoise, ou bien celle du refus de porter les armes (boycottage), les communistes doivent conseiller aux ouvriers et aux paysans pauvres d’accepter le service militaire, d’apprendre à se servir des armes, de faire dans l’armée du travail révolutionnaire, afin de pouvoir, le moment venu, tourner leurs armes contre la bourgeoisie.

    Si au moment d’une déclaration de guerre se dessine un grand mouvement de masses, tendant à refuser le service militaire, il faut que les communistes soient dans les rangs de ce mouvement qu’ils lui donnent un caractère révolutionnaire, qu’ils émettent des revendications concrètes et des mots d’ordre d’action de masses contre la guerre impérialiste ; il faut enfin qu’ils utilisent au maximum ce mouvement pour révolutionner les masses.

    Mais, en des cas pareils les communistes doivent combattre l’idéologie, le mot d’ordre pacifiste du boycottage. Ils doivent en toute franchise déclarer que ce moyen de lutte est insuffisant, qu’on rien fait quand on a simplement refusé de porter les armes ; ils doivent expliquer aux masses la seule juste méthode de lutte contre la guerre impérialiste est de chercher à transformer celle-ci en guerre civile. Il faut faire une propagande énergique pour que l’on comprenne la nécessité du travail révolutionnaire dans l’armée bourgeoise.

    Si la situation générale le permet, les communistes doivent utiliser des mouvements de masse de ce genre pour constituer des détachements de Partisans et pour développer immédiatement la guerre civile. Ceci se rapporte principalement aux pays où il existe un puissant mouvement national-révolutionnaire.

    Dans ces pays, si la guerre est déclarée, ou bien durant la guerre (surtout si elle se fait contre l’US), et si la situation est favorable, les communistes peuvent lancer le mot d’ordre d’un soulèvement national-révolutionnaire contre les impérialistes et de la formation immédiate de troupes de Partisans.

    §22. Dans les pays où le service militaire n’est pas obligatoire, le gouvernement, au début de la guerre, ouvrira une campagne pour obtenir des engagements et, en cas de nécessité, établira le service universel obligatoire. Bien entendu, dans ces pays, la lutte des PC a aussi pour but de transformer la guerre impérialiste en guerre civile.

    Mais, dans les cadres cette lutte, les communistes doivent également réagir contre la propagande bourgeoise réclamant des volontaires ; ils doivent aussi lutter contre l’établissement du service militaire obligatoire.

    Cependant, on se gardera bien de laisser croire aux ouvriers qu’en refusant d’entrer dans l’armée et en combattant toute loi qui tendrait à établir le service militaire universel, on pourrait empêcher la guerre : ce serait une illusion ; et elle aurait pour effet d’incliner les travailleurs à juger inutile le travail révolutionnaire dans l’armée.

    Il faut bien expliquer aux masses que cette lutte sur un terrain secondaire n’est pas tout dans la bataille générale engagée contre la guerre impérialiste. Il faut organiser le travail révolutionnaire dans l’armée et en déclarer nettement, ouvertement par la propagande, la nécessité.

    §23. Pour la transformation la guette impérialiste en guerre civile, le travail révolutionna ire sur le front est de la plus haute importance. En cela, les communistes ne doivent pas se borner à une simple propagande ; ils doivent lancer des mots d’ordre d’action qui correspondront à la situation concrète.

    a) Lorsque les soldats élèvent des revendications économiques et des plaintes, on recourra aux moyens du refus collectif de servir ou du sabotage ; on organisera également certaines grèves de soldats et de matelots.

    b) Le principal mot d’ordre d’action sur le front, c’est celui de la fraternisation. Le but est de rapprocher les soldats, les ouvriers et les paysans, des deux côtés des tranchées et de les unir contre les généraux de la bourgeoisie.

    L’expérience de la dernière guerre mondiale a démontré que la fraternisation de masses amène inévitablement une décomposition des armées, un regroupement de classes, et une lutte armée entre soldats et officiers. Les communistes à l’armée sont tenus d’organiser la fraternisation, en lui donnant une couleur politique bien nette, avant tout, en ce qui concerne la question de la paix et l’organisation des forces révolutionnaires dans l’armée.

    3) La guerre civile du prolétariat contre la bourgeoisie §24. La guerre impérialiste de 1914-18 s’est transformée, dans un certain nombre de pays de l’Europe orientale et centrale, en une guerre civile qui a permis au prolétariat russe de remporter la victoire.

    Les leçons de la révolution d’Octobre ont une signification décisive en ce qui concerne l’attitude du prolétariat à l’égard de la guerre, Elles montrent : 1) que, dans ses guerres impérialistes, la bourgeoisie est forcée d’armer les ouvriers, mais qu’aux moments critiques, dans les défaites, etc., elle perd le contrôle des masses armées ;

    2) qu’une lutte poursuit logiquement contre la guerre suppose un travail pour révolutionner la masse des soldats, c’est-à- dire pour préparer la guerre civile ;

    et 3) que les guerres civiles exigent une préparation sérieuse du prolétariat et de son Parti.

    L’expérience des années qui suivirent, — 1919 et 1923 en Allemagne, 1923 en Bulgarie, 1924 en Esthonie, juillet 1927 à Vienne, en Autriche, — montre que la guerre civile du prolétariat est provoquées nous seulement par les guerres impérialistes de la bourgeoisie, mais aussi par la situation «normale» du capitalisme contemporain qui aggrave au dernier degré la lutte de classes et crée des situations révolutionnaires.

    Les soulèvements du prolétariat a Shanghai en mars 1927, et à Canton, en décembre de la même année, comportent aussi d’importantes leçons pour le prolétariat, surtout les nations opprimées, pour les colonies et semi-colonies. Les événements de Shanghai, en particulier, montrent comment l’insurrection prolétarienne peut servir d’arme dans une guerre nationale contre l’impérialisme et ses laquais.

    Cette expérience oblige les communistes, dans leur lutte contre les guerres impérialistes et contre-révolutionnaires, à poser, avant tout, nettement, devant les masses, les problèmes de la guerre civile prolétarienne, à étudier les leçons de ces soulèvements et à se les assimiler.

    §25. Ces leçons, les voici :

    a) Pour les conditions primordiales d’un soulèvement Il faut qu’il y ait une situation révolutionnaire, c’est-à-dire une crise du pouvoir des classes dirigeants, causée, par exemple, par des défaites militaires.

    Il faut que, plus que d’ordinaire, la situation des masses soit devenue pénible et l’oppression plus dure à supporter, que les masses soient plus actives et prêtes à lutter pour le renversement du gouvernement par la révolution ; il faut qu’il y ait un PC éprouvé, dont l’influence s’étende sur les couches les plus actives du prolétariat.

    b) Pour ce qui est de la préparation du soulèvement L’insurrection doit s’appuyer non seulement sur le Parti dirigeant, mais sur les masses ouvrières.

    Le travail de préparation dans les organisations des masses prolétariennes, et en tout premier lieu dans les syndicats, leur participation active aux préparatifs d’insurrection, la création d’organes insurrectionnels pour le groupement des masses, tout cela est de la plus haute importance. Les problèmes de l’insurrection doivent être posés devant les masses.

    L’insurrection doit s’appuyer sur l’élan révolutionnaire de toute la population laborieuse et avant tout sur les éléments semi-prolétariens et sur les paysans pauvres.

    Il est indispensable de travailler énergiquement à provoquer la décomposition de l’armée bourgeoise ; au moment de l’insurrection, la lutte s’engage pour la conquête de l’armée.

    L’organisation de l’insurrection et la préparation militaire doivent compter parmi les tâches les plus importantes, dans le travail entrepris parmi les masses prolétariennes, ainsi que dans les colonies et semi-colonies.

    Pour fixer le moment où doit se déclencher l’insurrection, on tiendra compte de toutes ces considérations objectives et subjectives.

    La date définitive ne pourra être bien choisie que s’il y a déjà un contact étroit entre le Parti et les masses du prolétariat révolutionnaire.

    c) En ce qui concerne l’application même de la décision prise, on tiendra compte pour règle générale, qu’il ne faut pas jouer avec une insurrection ; dès qu’on a provoqué le soulèvement, il est indispensable de poursuivre très énergiquement l’offensive jusqu’à écrasement définitif de l’adversaire.

    Toutes tergiversations amènent nécessairement à la défaite du mouvement armé ; il est indispensable de jeter le gros des forces dont on dispose contre les forces principales de l’adversaire ; il faut faire en sorte qu’au moment décisif, sur le point stratégique le plus important, la victoire soit du côté du prolétariat, il est indispensable de propager sans retard l’insurrection sur le plus large terrain possible.

    Il faut de l’art dans une insurrection : c’est avant tout un problème de politique et non pas seulement de science militaire. La direction d’un soulèvement ne peut appartenir qu’à un Parti révolutionnaire. Au moment de l’insurrection, le Parti doit subordonner toute son activité aux besoins de la lutte armée.

    b) Le prolétariat défend l’US contre l’impérialisme §26. La guerre des impérialistes contre l’US est, de toute évidence, une guerre de classe, une guerre contre-révolutionnaire de la bourgeoisie contre le prolétariat.

    Elle a pour principal but de renverser la dictature du prolétariat et d’établir un régime de terreur blanche contre la classe ouvrière et les masses laborieuses dans tous les pays.

    La tactique du prolétariat des pays capitalistes, dans la lutte contre cette guerre, se base avant tout sur le programme bolchévik de lutte contre la guerre impérialiste : il faut transformer cette guerre des bourgeoisies en guerre civile.

    Cependant, les méthodes et les problèmes de la lutte, tant avant que pendant la guerre, doivent être adaptés aux conditions concrètes de la préparation de cette guerre et à son caractère de classe.

    La tactique subit d’importantes modifications dans la mesure où c’est «l’adversaire», pour les soldats d’une attaque armée lancée par un État impérialiste, est un pays de dictature prolétarienne et non pas une autre puissance impérialiste.

    §27. En concrétisant la question du travail de propagande, à l’occasion d’une guerre impérialiste ou de préparatifs de guerre contre l’US, il est nécessaire de noter ce qui suit :

    a) Le pacifisme, (dissimulant les préparatifs de guerre, est, pour ces derniers, un adjuvant très important.

    C’est pourquoi il est indispensable de renforcer la lutte contre le pacifisme et contre ses mots d’ordre spécifiques : contre la SdN qui dirigera la prochaine guerre déclarée à l’US au nom de la «civilisation» et de la «paix» ; contre le «pacifisme réaliste» qui considère l’US, ainsi que les révolutions prolétariennes et coloniales, comme menaçant la paix : contre le pacifisme «radical» qui veut, sous prétexte de s’opposer à «toute guerre» discréditer l’idée de la défense du pouvoir soviétique.

    b) La social-démocratie en vient à préparer activement la guerre contre-révolutionnaire, la guerre contre le pouvoir soviétique. C’est pourquoi il est indispensable de renforcer par tous les moyens la lutte contre les leaders social-démocrates de droite comme de «gauche», ainsi que contre leurs acolytes, les trotskistes et les anarcho-syndicalistes.

    Avant tout il est nécessaire de dénoncer et de discréditer dans les masses divers mots d’ordre et arguments dont ces éléments se serviront pour essayer de justifier une guerre faite à l’URSS : «lutte pour la démocratie, contre la dictature»; «dégénérescence»; «thermidor» du pouvoir soviétique ; et autres fables sur «l’impérialisme rouge»; et d’autres mots d’ordre comme celui de la «neutralité en cas de guerre» etc.

    §28. La classe ouvrière internationale et les larges masses des travailleurs, voyant en l’US leur défenseur, la considèrent avec de plus de sympathie.

    Si, en outre, on remarque que la guerre impérialiste contre l’URSS en tant que guerre de classes, sera comprise par les masses ouvrière vite que ne le fut la guerre de 1917 ; que les masses ont maintenant l’expérience de la première guerre impérialiste mondiale et que l’avant-garde du prolétariat trouve dans l’IC une solide organisation révolutionnaire, on peut affirmer que les possibilités de lutte contre la guerre se sont accrues, que les conditions premières sont acquises pour l’application d’une tactique plus hardie.

    a) Il est beaucoup plus facile à présent qu’en 1914 de prévenir une guerre, en renforçant la lutte de classes, en la poussant jusqu’à des manifestations des masses révolutionnaires contre le gouvernement qui aurait l’intention de déclarer la guerre à l’US.

    Les ouvriers anglais ont donné un exempte significatif d’une pareille action révolutionnaire en 1920 lorsque, créant des Comités d’action, ils ont forcé leur gouvernement à renoncer au mauvais coup qu’il méditait contre l’URSS.

    b) Les conditions premières pour que le prolétariat des pays capitaliste transforme une guerre impérialiste contre l’URSS en guerre civile contre la bourgeoisie se présenteront plus vite que dans une guerre entre impérialistes.

    C’est pourquoi, bien que les communistes des pays capitalistes, en cas de guerre contre l’URSS, repoussent le mot d’ordre d’une «grève générale» et ne se livrent pas là-dessus des illusions, ils doivent prévoir de plus grandes possibilités d’utiliser les grèves de masses et la grève générale avant la déclaration de guerre, dès le moment de la mobilisation.

    d) En cas d’attaque par les armes contre l’US les communistes des nations opprimées et des États impérialistes doivent appliquer tous leurs efforts à provoquer le soulèvement des minorités nationales en Europe et dans les colonies ou semi-colonies, et à organiser des guerre nationales émancipatrices contre impérialismes ennemis du pouvoir soviétique.

    §29. Dans la mesure où la guerre impérialiste sera dirigée contre l’US, patrie du prolétariat international, la tactique à appliquer, comparativement à celle que motiverait une guerre entre impérialistes, se modifie de la manière suivante :

    a) Le prolétariat des pays impérialistes ne doit pas seulement lutter pour la défaite de son gouvernement dans cette guerre ; il doit activement chercher la victoire du pouvoir soviétique.

    b) C’est pourquoi sa tactique et le choix des moyens de lutte, sont déterminés non seulement par les intérêts de la lutte de classes dans son pays, mais aussi par les intérêts de la guerre sur le front puisque c’est une guerre de classe de la bourgeoisie contre l’État prolétarien.

    c) L’Armée Rouge n’est pas une armée «ennemie»: c’est l’armée du prolétariat international. Le prolétariat des pays capitalistes, en temps de guerre contre l’URSS ne se laissera pas intimider par la bourgeoisie qui l’accusera de haute trahison, et il ne renoncera pas sous la menace, à soutenir l’Armée Rouge contre sa propre bourgeoisie.

    §30. Si «la défense de la patrie» dans les pays impérialistes est inadmissible, elle constitue un devoir impérieux pour tout révolutionnaire dans un État placé sons le régime de la dictature prolétarienne. La défense est ici représentée par le prolétariat armé de l’URSS.

    La victoire de la Révolution d’Octobre a donné aux ouvriers du monde entier une patrie socialiste — l’US. La défense de l’URSS contre la bourgeoisie internationale répond aux intérêts de classe et est un devoir d’honneur du prolétariat international.

    En 1919-21, les armées de l’intervention, lancées par quatorze États, au nombre desquels se trouvaient les plus grandes puissances impérialistes, ont été vaincues par le pouvoir soviétique, grâce au prolétariat international qui luttait pour la dictature prolétarienne en URSS en organisant des actions de masses révolutionnaires.

    Une nouvelle attaque contre l’US montrera que, malgré tous les préparatifs qui auront été faits, la solidarité internationale du prolétariat est un fait, en dépit de toutes les manœuvres contre-révolutionnaires de la social-démocratie.

    Il faut considérer comme les alliés du prolétariat international, dans la défense de l’U.R.S.S : 1) les paysans pauvres et la masse moyenne dans les campagnes de l’Union ; 2) le mouvement national- révolutionnaire émancipateur dans les colonies et semi-colonies.

    §31. La politique internationale de l’URSS, répondant aux intérêts du prolétariat qui est la classe dirigeante de l’Union et à ceux du prolétariat international, unissant fortement tous les alliés du prolétariat avec la dictature prolétarienne, créant une base pour l’utilisation des antagonismes entre les États capitalistes, est une politique de paix.

    Son dessein est de monter la garde au profit de la Révolution internationale, de protéger les entreprises de l’édification du socialisme dont l’existence même et la croissance contribuent déjà à révolutionner le monde ; elle tend à différer le plus possible tout conflit armé avec l’impérialisme.

    À l’égard des États capitalistes, pour ce qui est de leurs rapports entre eux avec leurs colonies, cette politique consiste à lutter contre les impérialistes, les campagnes de brigandage dans colonies et contre le pacifisme qui sert à masquer ces entreprises.

    La politique de paix de l’État prolétarien ne signifie pas du tout que le pouvoir soviétique se soit résigné à agréer l’existence capitaliste, comme le racontent des calomniateurs, les social- démocrates et leurs acolytes, les trotskistes, qui cherchent à discréditer ce pouvoir aux yeux du prolétariat international.

    La politique de l’État soviétique est celle qu’a tracée Lénine pour la dictature prolétarienne. Elle présente seulement un autre aspect plus avantageux dans les circonstances actuelles de la lutte contre le capitalisme à laquelle s’est attachée l’URSS, avec persévérance, depuis la révolution d’Octobre.

    §32. Le prolétariat de l’US n’a pas d’illusions à la possibilité d’une paix solide avec les impérialistes. Il sait qu’une attaque de l’impérialisme contre le pouvoir soviétique est inévitable, que, dans le processus de la révolution prolétarienne mondiale, des guerres entre États prolétariens et États bourgeois, pour que le monde s’affranchir du capitalisme, sont inévitables et nécessaires.

    Aussi le premier devoir du prolétariat militant pour le socialisme, est-il de faire tous les préparatifs indispensables, dans sa politique, dans son économie, dans son armée, pour le cas d’une guerre ; il doit fortifier son Armée Rouge, puissant instrument du prolétariat, il doit former les masses laborieuses aux exercices militaires.

    Dans les États impérialistes, il y a une contradiction criante entre leur politique de formidables d’armements et leurs doucereuses phrases de paix. Cette contradiction n’existe pas du côté du pouvoir soviétique qui prépare sa défense, qui prépare la guerre révolutionnaire et maintient logiquement, persévéramment, une politique de paix.

    3. — Le prolétariat et l’armée

    c) Le prolétariat soutient et mène les guerres nationales- révolutionnaires des peuples opprimés contre l’impérialisme

    §33. Les guerres nationales-révolutionnaires des peuples opprimés des colonies et semi-colonies contre les impérialistes, dont Lénine avait prévu le développement inévitable dès 1916, et qui s’annonçaient d’abord théoriquement, sont devenues un fait d’histoire en ces dernières années.

    Telles sont : la guerre du Maroc contre l’impérialisme français et espagnol ; les insurrections en Syrie ; les guerres du Mexique et du Nicaragua contre l’impérialisme des États- Unis ; les guerres de Canton révolutionnaire contre Hongkong en 1925, et, enfin, l’expédition du Nord, en Chine, en 1926-27. Les guerres nationales-révolutionnaires joueront un rôle important dans l’époque actuelle de révolution mondiale.

    C’est pourquoi le prolétariat doit apporter la plus extrême attention aux leçons et à l’expérience qui se dégagent de ces guerres, surtout aux leçons qui nous restent de l’expédition de 1926-27 dans le nord chinois.

    Le prolétariat chinois soutenait alors avec pleine raison, l’expédition des sudistes contre les militaires du Nord et les impérialistes cachés derrière ces derniers, bien que la direction des sudistes fût entre les mains de la bourgeoisie.

    Non seulement le prolétariat désirait la défaite du gouvernement contre- révolutionnaire nordiste et y travaillait, mais il agissait contre la bourgeoisie hésitante, contre les conciliateurs, contre la trahison bourgeoise, il agissait pour la conduite révolutionnaire de la guerre et pour l’hégémonie du prolétariat dans cette vaste action.

    Cette ligne générale, qui avait été indiquée aux communistes chinois par l’IC, était conforme aux principes de Marx et d’Engels à l’égard des guerres nationales du siècle passé, ainsi qu’à la doctrine de Lénine.

    §34. Mais le PC chinois a commit un certain nombre de fautes grossières, qui doivent rester de sérieuses leçons pour les communistes de tous les peuples opprimés.

    Le devoir du PC chinois dans cette guerre était d’utiliser, par tous les moyens, la situation révolutionnaire qui existait alors pour créer son armée prolétarienne, pour étendre son organisation militaire, préparer les ouvriers et les paysans, pour faciliter au prolétariat les voies qui le conduiraient à diriger la révolution.

    Bien que, pendant l’expédition du Nord, les conditions objectives aient été favorables au PC, celui-ci se montra pratiquement incapable d’utiliser l’appareil militaire et politique du Kuomintang pour agir dans l’armée, et n’essaya pas de se créer une armée à lui.

    Le PC s’appliquait exclusivement à manœuvrer avec les officiers du Kuomintang au lieu de concentrer ses efforts dans la propagande parmi la masse des soldats, dans l’organisation de celle-ci, au lieu d’amener les masses ouvrières et paysannes à cette armée pour en changer le caractère.

    Le PC n’eut pas conscience de l’importance révolutionnaire d’un armement des masses ouvrières et paysannes et ne s’occupa pas, comme il convenait, de préparer et de diriger une guerre de Partisans, avec des éléments recrutés dans la classe paysanne.

    §35. En soutenant toute guerre nationale révolutionnaire, le prolétariat doit appliquer une tactique déterminée par l’analyse concrète des circonstances, par le rôle que jouent les diverses classes, etc.

    C’est ainsi que la tactique de Marx, en 1848, lorsqu’il lança le mot d’ordre de la guerre contre le tsarisme, était autre que celle qu’il adopta en 1870, quand l’Allemagne attaqua Napoléon III.

    Les communistes chinois ont eu parfaitement raison de conclure, lors de l’expédition dans le Nord, une alliance provisoire avec la bourgeoisie démocratique et de marcher avec celle-ci, tant qu’elle lutta contre les agents de l’impérialisme, — d’autant plus qu’alors, les communistes avaient la possibilité de faire de la propagande et d’éclairer les esprits dans le camp national-révolutionnaire.

    Cependant, la tactique des communistes allemands, en 1923, lorsque se posa la question de la défense nationale contre l’invasion de l’impérialisme français, devait être toute différente.

    Le PC allemand devait rattacher la question de la défense du pays à celle de la lutte pour le renversement de la bourgeoisie qui était incapable de jouer un rôle révolutionnaire. C’est sur le même plan que les communistes chinois doivent placer maintenant la question de la lutte nationale contre l’intervention japonaise.

    Ils doivent rattacher la question de la défense révolutionnaire du pays à celle de la lutte pour le renversement de Tchang Kai Chek et de la bourgeoisie du Kuomintang, pour la réalisation de la dictature révolutionnaire-démocratique des ouvriers et des paysans.

    Il est nécessaire, cependant, de noter que les guerres nationales dans lesquelles le prolétariat, en combattant l’impérialisme, peut provisoirement marcher avec la bourgeoisie démocratique, deviennent de plus en plus rares, car la bourgeoisie des pays opprimés, redoutant une révolution ouvrière et paysanne, devient réactionnaire et se laisse acheter par les impérialistes.

    De plus en plus nettement on voit venir des guerres nationales d’un nouveau genre, dans lesquelles seul le prolétariat pourra jouer le rôle dirigeant. Ceci concerne également les guerres nationales de l’Amérique latine contre l’impérialisme des États-Unis. La tendance à la transformation des guerres et soulèvements nationaux en révolutions démocratiques du prolétariat, ou bien en révolutions par le prolétariat, tendance que Lénine avait indiquée dès 1916 s’est considérablement accentuée.

    §36. La question d’une guerre nationale-révolutionnaire — étant donné qu’il y a un très grand nombre de nationalités et de minorités nationales opprimées dans plusieurs États de l’Europe refaite par le traité de Versailles, — jouera un rôle considérable sur notre continent, et avant tout quand il s’agira de transformer une guerre impérialiste en guerre civile.

    Ce n’est pas seulement en Pologne et en Roumanie que, par des cruautés, par la dernière violence, dans les provinces frontières, on opprime des populations qui cherchent à se rattacher à leur patrie soviétique, Blancs-Russsiens, Ukrainiens et Bessarabiens ; ce n’est pas seulement en Tchécoslovaquie et dans les Balkans ; mais c’est aussi en Italie, en France, en Espagne, en Belgique, en Grande-Bretagne (Irlande) que les PC doivent soutenir les mouvements émancipateurs des nations opprimées et des minorités nationales : les communistes doivent diriger leur lutte révolutionnaire contre l’impérialisme et défendre intraitablement le droit de ces nationalités à disposer d’elles-mêmes, leur droit à la complète indépendance si la question se pose.

    En appliquant avec persévérance cette politique, les communistes doivent se préparer et préparer les masses opprimées, le moment où serait déclarée une guerre impérialiste et antisoviétique, à organiser une insurrection ou bien une guerre contre la bourgeoisie.

    §37. De la doctrine de Marx et de Lénine, et de l’expérience des guerres nationales de ces dernières années découlent les règles suivantes pour la tactique du prolétariat dans les guerres nationales émancipatrices :

    a) Si le prolétariat soutient une guerre de cette sorte, et, dans certains cas, collabore provisoirement avec la bourgeoisie, cela ne signifie jamais qu’il renonce à la lutte de classes. Même dans le cas où la bourgeoisie agirait provisoirement contre l’impérialisme, et en commun avec le prolétariat, elle reste l’ennemie du prolétariat, elle essaie seulement d’utiliser celui-ci, tout en poursuivant des buts qui ne sont qu’à elle.

    b) C’est pourquoi le prolétariat ne doit en aucun cas adopter simplement la politique et les mots d’ordre de la bourgeoisie ; mais il doit sans aucun doute agir pour lui-même, d’après un programme politique bien à lui, d’après ses propres mots d’ordre et en créant des organisations révolutionnaires de son milieu (Partis, Syndicats, Milices ouvrières, Troupes prolétariennes).

    Les communistes doivent préparer les masses à l’inévitable trahison de la bourgeoisie, et prendre toutes les mesures possibles pour garantir les positions du prolétariat ; Ils doivent gêner, autant qu’ils le pourront, la bourgeoisie dans la lutte que celle-ci mènera pour ses intérêts de classe et ils doivent préparer le renversement de cette puissance impérialiste.

    Dans les guerres nationales, où la bourgeoisie, ou bien les gouvernements bourgeois jouent un rôle contre-révolutionnaire (comme dans la lutte actuelle des ouvriers et paysans chinois contre le partage de la Chine par les impérialistes), les communistes doivent agir de manière à renverser le gouvernement bourgeois, sous le mot d’ordre de la défense révolutionnaire du pays.

    §38. Par analogie, il faut poser la question de la guerre nationale pour les pays où la différenciation de classes est peu avancée, par exemple chez les Marocains, les Druses, les Syriens et les Arabes.

    Dans ces groupes ethniques, l’autorité patriarcale et féodale joue un rôle analogue à celui de la bourgeoisie dans les colonies plus évoluées.

    Une collaboration provisoire avec ces chefs durant la lutte révolutionnaire contre l’impérialisme est admissible ; mais on doit toujours considérer le danger que ces chefs ne se laissent acheter par les impérialistes ou ne subordonnent la lutte l’émancipation à leurs intérêts (e caste. C’est pourquoi les guerres nationales de ces peuples doivent autant que possible se rattacher à la lutte contre le féodalisme, ou bien contre les dignitaires féodaux, pour la liquidation de toute féodalité.

    §39. Les problèmes du prolétariat international, concernant les guerres émancipatrices des peuples opprimés et les expéditions de l’impérialisme oppresseur contre les mouvements nationaux- révolutionnaires et les révolutions, sont, à peu d’exceptions près, les mêmes que ceux qui se posent lorsqu’il y a guerre impérialiste contre le pouvoir soviétique :

    a) Lutte contre la guerre d’oppression par aggravation des antagonismes de classes, dans le but de transformer cette guerre en guerre civile, contre la bourgeoisie impérialiste.

    b) Application rigoureuse et suivie de la tactique du défaitisme à l’égard du pays impérialiste et de ses armées ; lutte pour la victoire du pays opprimé, concours donné à ses armées.

    c) Encouragements donnés à la fraternisation entre soldats des armées impérialistes et soldats des armées révolutionnaires dans les colonies, ainsi qu’à l’adhésion collective de soldats de l’impérialisme aux armées nationales-révolutionnaires.

    d) Lutte, avant tout par des manifestations révolutionnaires de masses, contre l’expédition de navires de guerre et de transport aux colonies ; lutte contre les prolongations de service militaire des soldats engagés dans les guerres coloniales ; lutte contre l’accroissement des budgets de guerre et contre les emprunts que les impérialistes accorderaient à des gouvernements et à des militaristes dans les colonies ; lutte contre les préparatifs de guerre impérialiste sur les territoires concédés, sur les chemins de fer et les fleuves des colonies.

    d) Opposition aux massacres commis par les impérialistes dans les colonies, et toutes les mesures qu’ils prennent pour soutenir les gouvernements indigènes, afin d’écraser les masses laborieuses.

    §40. En ce qui concerne la lutte actuelle contre l’intervention en Chine, elle diffère, pour la tactique, de celle qui a été menée contre l’intervention, lorsqu’une partie de la bourgeoisie chinoise et le Kuomintang jouaient encore un certain rôle révolutionnaire. Les guerres intérieures d’aujourd’hui entre divers chefs militaristes indigènes sont en somme l’expression des conflits qui existent entre diverses puissances impérialistes sur ta question du partage de la Chine.

    Tous les Partis en lutte, qui représentent différentes fractions de la bourgeoisie et des propriétaires, ont un caractère contre- révolutionnaire. Le prolétariat international doit, devant la situation actuelle en Chine, tout en continuant sa lutte active pour la défense des ouvriers et paysans chinois, dénoncer le rôle contre- révolutionnaire de tous les gouvernements bourgeois du pays et des chefs militaristes, qui sont les instruments de l’impérialisme.

    Contre l’impérialisme on ne doit soutenir que la révolution des ouvriers et paysans chinois. Il n’est pas permis actuellement d’appliquer aux armées des bourgeois chinois le mot d’ordre de l’adhésion aux peuples opprimés des colonies.

    Bien que la tactique ait été ainsi modifiée, la lutte contre l’intervention ne doit en aucun cas faiblir. Pourtant, la majorité des PC ont tiré cette conclusion des modifications de la tactique à l’égard de la révolution chinoise, et ils ont commis ainsi une faute sérieuse.

    §41. Une des grosses erreurs de la plupart des PC est de poser la question de la guerre d’une façon abstraite, et exclusivement du point de vue de la propagande et de l’agitation, sans examiner assez sérieusement la question de l’armée, facteur décisif dans toutes les guerres.

    Il faut expliquer aux masses le sens de la politique révolutionnaire dans la question de la guerre et il faut travailler l’armée : sans cela, toute lutte contre la guerre impérialiste, tout effort pour préparer les guerres révolutionnaires restent limités au domaine de la théorie.

    Le plus souvent, cette erreur s’explique, si l’on peut dire, par l’hérédité, par une tradition pourrie depuis l’ancienne 2e Internationale, qui n’a pas cessé de déclamer contre la guerre impérialiste, mais qui n’a pas fait le moindre travail dans les armées, qualifiant d’«anarchiste» Kart Liebknecht qui réclamait ce travail.

    Au lieu d’une politique révolutionnaire dans l’armée, la 2e Internationale recommandait de «remplacer l’armée permanente par une milice populaire».

    Ce mot d’ordre, «une milice populaire» qui convenait à l’époque où se formaient en Europe des États nationaux, avait encore une certaine valeur révolutionnaire : car il s’agissait de licencier l’armée permanente en un temps où le tsarisme et l’absolutisme représentaient une menace de réaction pour la révolution (jusqu’à la fin du 19 e siècle). Mais avec l’accroissement de l’impérialisme, ce mot d’ordre ne suffit plus et, en fin de compte, c’est un mot d’ordre chauvin (Hydman, 1912).

    La 2e Internationale rénovée a déjà renoncé à sa recette d’une «milice populaire», pour subordonner définitivement sa politique aux intérêts de la bourgeoisie des différents États.

    En France, la 2e Internationale, sous prétexte de maintenir ce vieux mot d’ordre de la «milice populaire» se prononce pour une «armée du peuple» impérialiste ; en Allemagne et en Angleterre, sous prétexte de désarmement, elle demande une armée de mercenaires. «Le droit de chaque État de choisir librement l’organisation de son armée» que proclame la 2e Internationale équivaut en fait à la liberté de renouveler les événements du 4 août.

    En même temps, les valets de la bourgeoisie, les social-démocrates, continuent leur campagne de calomnies contre l’Armée Rouge et la dictature du prolétariat en URSS dénonçant un prétendu «militarisme rouge».

    À cette politique de guerre contre-révolutionnaire, toute faite pour servir les intérêts de la bourgeoisie, les communistes opposent une politique de guerre révolutionnaire, dans l’intérêt de la révolution prolétarienne internationale.

    Bien entendu, il ne peut y avoir de recette générale pour savoir quelle position on doit prendre à l’égard de telle ou telle armée. Le prolétariat doit se guider dans ses rapports avec les différentes armées sur des principes différents : il doit se demander quelle classe et quelle politique sont servies par telle ou telle armée.

    Ce qu’il importe de considérer, ce n’est pas précisément le système militaire en vigueur dans tel ou tel État, ni la forme d’organisation de l’armée ; mais, il faut savoir avant tout si cette armée, par son rôle politique, est impérialiste, nationale ou prolétarienne.

    Les communistes doivent se guider sur l’engagement de Marx et d’Engels qui, à l’époque des grandes guerres nationales, se prononçaient contre l’idée des milices populaires, utopie de la démocratie petite-bourgeoise, et se déclaraient pour le service militaire obligatoire, pour la démocratisation des armées existantes et leur transformation en armées révolutionnaires : après la Commune de Paris, Marx et Engels, — dégageant la leçon la plus importante de la Commune, du point de vue de la révolution prolétarienne, — réclamèrent la destruction de l’appareil politique bourgeois et, pour la question militaire, le licenciement des armées bourgeoises permanentes que devaient remplacer des troupes formées de tout l’ensemble du peuple armé.

    Lénine restitua et développa l’enseignement de Marx et d’Engels, falsifié par la 2 e Internationale, et rédigea le programme militaire de la révolution prolétarienne.

    a) Attitude du prolétariat à l’égard de l’armée des États impérialistes

    §43. Dans les États impérialistes, l’attitude du prolétariat à l’égard de l’armée est déterminée par ce qui suit :

    L’armée, indépendamment de l’organisation qu’elle peut avoir, constitue une partie de l’appareil de l’État bourgeois que le prolétariat, quand il fera sa révolution, devra briser et non pas démocratiser.

    Le problème se posant ainsi, il n’y a plus aucune distinction à faire entre divers modes d’organisation, entre une armée permanente ou une milice, entre une armée recrutée par le service universel obligatoire ou bien formée de mercenaires, de soldats de métier. «Pas un soldat, pas un sou pour votre armée», — c’est-à-dire la lutte la plus implacable contre le militarisme bourgeois, contre toutes ses armées, quelle qu’en soit l’organisation, le rejet de tous crédits de guerre, etc.

    Ce principe est applicable aussi bien à l’armée permanente qu’à une milice démocratique, qui sont deux aspects de la même réalité : l’armement de la bourgeoisie contre le prolétariat. Les revendications démocratiques partielles, auxquelles le prolétariat ne renonce en aucun cas, prennent un caractère tout autre qu’en temps de révolution démocratique : elles ont pour but non de démocratiser l’armée ou la milice, mais d’en provoquer la décomposition.

    Bien entendu, cette position de principe, toujours la même à l’égard de toutes les armées impérialistes, ne doit pas nous conduire à ignorer les grosses différences qui existent entre les systèmes de défense et d’organisation de l’armée de tels ou tels États : ces différences ont leur importance pour le travail pratique.

    Bien que les armées des pays impérialistes soient des éléments de l’appareil d’État bourgeois, elles englobent de plus en plus, directement ou indirectement, les forces vives des populations, par suite des rivalités et des guerres qui se produisent entre États capitalistes : ainsi, l’ensemble de la population est militarisée («la nation armée»), les femmes mobilisées, la jeunesse soumise à la préparation militaire, etc.).

    Quand la guerre mondiale fut achevée, cette tendance fut affaiblie pendant un certain temps ; mais à présent, à la veille d’une nouvelle guerre, elle se manifeste très fortement (aux États-Unis, en France, en Pologne).

    Cependant, par une conséquence directe, les antagonismes de classes entre la bourgeoisie et le prolétariat, entre les exploiteurs et les exploités, ont leurs répercussions dans les armées, entre les officiers et les simples soldats. La militarisation des masses a pour effet, comme le disait Engels, de ruiner toutes les armées bourgeoises par l’intérieur.

    Les communistes ne doivent donc pas boycotter ces armées, ils doivent y entrer et y prendre, en révolutionnaires, la direction de ce processus objectif de décomposition intérieure.

    La bourgeoisie s’efforce par tous les moyens de se donner une armée sûre, — par un dressage sévère, par les cruautés de la discipline, en isolant les soldats de la population, en leur interdisant de s’occuper de politique et même, dans certains cas, en leur assurant une situation privilégiée dans la société.

    On notera qu’en ces dernières années, même dans les pays où existe encore le service militaire obligatoire, comme la France, ou bien là où il a existé (en Allemagne), la bourgeoisie adopte de plus en plus le système du recrutement d’une armée de métier, composée d’éléments d’élite.

    Mais elle ne peut échapper à la nécessité de militariser les masses : elle ne réussit qu’à combiner l’utilisation des «mercenaires» avec celle de la «nation armée» ou bien d’organisations telles que les milices.

    Elle ne peut arrêter, elle peut seulement retarder le processus de décomposition de ses armées et gêner considérablement le travail révolutionnaire. Aussi les communistes ont-ils l’important devoir d’étudier les conditions de travail qui leur sont faites par la réaction et d’opposer aux nouvelles méthodes de la bourgeoisie de nouvelles méthodes de travail révolutionnaire.

    §45. L’attitude du prolétariat à l’égard de l’armée impérialiste doit exactement correspondre à son attitude devant la guerre impérialiste. Aussi le défaitisme et le mot d’ordre de transformer la guerre impérialiste en guerre civile nous sont-ils des indications sur la manière dont il faut considérer les problèmes plus particuliers de la défense et de l’organisation de l’armée.

    Milice bourgeoise, service militaire obligatoire pour tous, éducation militaire de la jeunesse, — tout cela comptait jadis parmi les revendications de la démocratie révolutionnaire ; mais en tout cela, nous ne trouvons plus que des moyens ordinaires de réaction, pour l’oppression des masses et la préparation de la guerre impérialiste ; il faut donc lutter contre tout cela très énergiquement.

    Ce principe de la politique communiste est applicable même dans les pays où la bourgeoisie a formé des troupes de métier et renoncé au service militaire obligatoire pour tous (par exemple, en Allemagne).

    Bien que le service obligatoire présente certains avantages pour le travail révolutionnaire, en permettant aux ouvriers d’apprendre l’usage des armes, les communistes, dans un État impérialiste, ne doivent pas réclamer l’application de ce système ; ils doivent au contraire le combattre, de même qu’ils s’opposeront à la formation d’armées de métier.

    Le mot d’ordre «transformons la guerre impérialiste en guerre civile» nous montre comment les communistes doivent lutter contre toutes mesures (dont le service obligatoire) conduisant à la militarisation des masses.

    En militarisant les ouvriers et en leur enseignant l’emploi des armes, l’impérialisme crée des conditions favorables pour la victoire du prolétariat dans une guerre civile ; c’est pourquoi le prolétariat ne peut recourir aux arguments des pacifistes pour s’opposer à la militarisation des masses.

    Combattant pour la révolution, pour le socialisme, nous ne renonçons pas à porter les armes. Nous nous efforçons seulement de dénoncer les méthodes de militarisation impérialiste toutes calculées pour servir la bourgeoisie.

    À cette militarisation, nous opposons le mot d’ordre de l’armement du prolétariat. En même temps, les communistes ont devoir de soutenir et de mettre en évidence les revendications des soldats qui, dans des circonstances déterminées, stimulent la lutte de classes au sein de l’armée et peuvent fortifier les rapports entre soldats d’origine prolétarienne ou paysanne et les ouvriers non encasernés.

    §46. Les revendications partielles peuvent être :

    a) Concernant le système de défense

    Le licenciement des armées de métier, des cadres et unités de soutien.

    Le désarmement et le licenciement de la gendarmerie, de la police, des gardes mobiles et autres forces spécialement armées pour la guerre civile.

    Le désarmement et le licenciement des sociétés et ligues fascistes.

    La suppression des conseils de guerre et la réduction du temps de service militaire.

    L’application du système territorial (les soldats faisant leur service dans leur région d’origine).

    La suppression de l’encasernement obligatoire.

    La création de Comités de soldats.

    Le droit, pour les organisations ouvrières, d’enseigner à leurs membres le maniement des armes et de choisir à leur gré des moniteurs.

    La réduction du temps de service militaire ayant été, dans certains cas, projetée et appliquée par les gouvernements capitalistes, certains doutes se sont élevés sur le bien-fondé de cette revendication de notre part. Mais cette réduction, en soi, a pour effet, en certains cas, d’affaiblir et non de renforcer le système de l’armée impérialiste.

    Elle doit donc être réclamée, à titre de revendication partielle, pour les armées constituées en vertu du service obligatoire, si les conditions suivantes sont réalisées :

    1) Une ligne défaitiste très nette ;

    2) toutes précautions prises pour qu’on ne puisse confondre ces revendications partielles avec celles des social-démocrates ; 3) détruire toutes illusions quant à la possibilité de supprimer par ces moyens-là le militarisme.

    Il va de soi que les revendications partielles doivent toujours être concrètes, c’est-à-dire qu’elles doivent être présentées sous la forme et au moment où elles ont le plus de chances de devenir populaires dans les masses et de révolutionner celles-ci.

    Lorsqu’une réduction du temps de service militaire est projetée par des gouvernements capitalistes ou réclamée par des social-démocrates, il est indispensable de lutter d’abord contre les mesures habituellement prises parallèlement pour renforcer le système bourgeois (militarisation de toute la population, formation de solides cadres du métier, etc.).

    Et à ce programme faussement démocratique de la réduction du service militaire, il faut opposer un programme radical de défaitistes, fait de revendications partielles.

    À l’égard des armées de métier, des troupes mercenaires, il faut en général demander non une réduction de leur temps de service, mais le droit pour ces éléments de quitter le service à leur gré, à tout moment.

    b) Concernant les droits et la vie matérielle des soldats Augmentation de la solde.

    Amélioration de l’ordinaire.

    Organisation de commissions administratives composées de soldats.

    Suppression des peines disciplinaires.

    Abolition de l’obligation de rendre aux chefs les honneurs militaires (salut, etc.).

    Châtiments très sévères pour tous sévices qu’exerceraient des officiers ou sous-officiers sur des soldats.

    Droit de porter un costume de civil en dehors du service.

    Droit de sortie quotidienne pour les encasernés.

    Congés avec augmentation de solde pendant les congés.

    Droit de mariage sans autorisation spéciale.

    Indemnités de famille.

    Droit d’abonnement à n’importe quels journaux.

    Droit de se syndiquer et de former des syndicats.

    Droits électoraux et droit de fréquenter des réunions politiques.

    Dans nombre d’États impérialistes, une forte partie de l’armée est constituée par des minorités nationales opprimées, tandis que les cadres d’officiers sont formés en totalité ou en majeure partie de représentants de la nationalité dominante : cette situation générale, crée un terrain tout à fait favorable pour le travail révolutionnaire dans l’armée.

    C’est pourquoi nous devons joindre à nos revendications partielles pour la masse des soldats, des réclamations pour les minorités nationales (par exempte, droit de service au pays natal, de parler la langue maternelle à l’exercice, de commander, etc.).

    §47. Les revendications de ces deux catégories (nous ne les avons pas toutes énumérées) doivent être formulées non seulement au sein de l’armée, mais en dehors (dans les parlements, dans les meetings, etc.). Cette propagande ne peut avoir d’utilité si elle garde toujours caractère concret. Pour cela il faut :

    1) Bien connaître l’armée, les conditions du service, les intérêts et les revendications du soldat, etc., ce qui peut être obtenu par un contact personnel constant.

    2) Tenir compte du système de défense de l’État et de la façon dont s’y présente la question militaire, à tout moment.

    3) Tenir compte du moral de l’armée et de la situation politique du pays à tout moment. On ne réclamera, par exemple, l’élection des officiers par les soldats que si la décomposition de l’armée est assez avancée.

    4) Rattacher les revendications partielles aux mots d’ordre essentiels du PC : armement du prolétariat, milice prolétarienne, etc.

    Toutes ces revendications n’auront de valeur révolutionnaire que si elles se rattachent à un net programme politique, tendant à révolutionner l’armée bourgeoise.

    Il faut particulièrement s’attacher à organiser les soldats pour qu’ils défendent leurs propres intérêts en complète union avec le prolétariat révolutionnaire, tant avant leur entrée au service (associations de conscrits, caisses de solidarité) qu’après (Comité de soldats) et enfin quand ils auront cessé de servir (associations d’anciens soldats révolutionnaires).

    Les syndicats ouvriers ont la tâche de maintenir la liaison avec ceux de leurs membres qui sont encasernés et de contribuer à la formation des susdites organisations.

    §48. Les conditions du travail révolutionnaire dans les armées de métier diffèrent de celles qui se sont dans les armées recrutées par le service obligatoire. Il est ordinairement difficile de faire dans les premières de la propagande pour les revendications partielles indiquées ci-dessus. Néanmoins, on ne doit pas sous aucun prétexte renoncer à ce travail.

    Les armées de métier principalement formées d’éléments prolétariens (chômeurs) et de paysans pauvres : c’est une base pour travailler la masse de soldats. On tiendra soigneusement compte de la composition sociale et des particularités des troupes.

    Contre les troupes spéciales constituées par la bourgeoisie pour combattre le prolétariat (gendarmerie, police) et, en particulier, contre les bandes de volontaires armés (les fascistes) on fera la propagande la plus énergique.

    On luttera surtout implacablement contre les homélies réformistes, parlant «d’utilité publiques», de «police populaire», de «droit normal» des fascistes, et autres fadaises, et l’on s’occupera surtout d’exciter les haines de la population contre ces troupes spéciales dont on dénoncera le véritable caractère.

    Mais on travaillera en même temps à provoquer la décomposition sociale dans les organisations militaires et à reconquérir ce qu’elles peuvent compter d’éléments prolétariens.

    §49. Le travail révolutionnaire dans l’armée doit concorder avec celui qui est fait dans les masses du prolétariat et des paysans pauvres. S’il y a situation révolutionnaire ; si le prolétariat des usines élit ses comités, le mot d’ordre des comités de soldats devient actuel et contribue à rapprocher la masse des soldats du prolétariat et des paysans pauvres dans la lutte pour le pouvoir.

    Même dans les armées de métier, les communistes devront, là où les circonstances le leur permettront, organiser la masse des soldats pour la création de Conseils (Soviets) et la mobiliser contre les généraux et la bourgeoisie. Là où la composition sociale des troupes ne le permettra pas, il faudra exiger le désarmement immédiat et le licenciement de toutes les troupes.

    b) La question militaire en temps de révolution prolétarienne §50. Les principaux mots d’ordre des revendications partielles de la démocratie parlent du désarmement de la bourgeoisie et de l’armement du prolétariat.

    À diverses étapes de la révolution, l’armement du prolétariat se fait de différentes manières. Avant la prise du pouvoir et dans la première période qui suit la conquête, il faut une milice prolétarienne, de travailleurs et une garde rouge. Il faut aussi des Partisans rouge. L’Armée Rouge est la forme d’organisation militaire d’un pouvoir soviétique, c’est l’armée de la dictature du prolétariat.

    Le mot d’ordre de la milice prolétarienne (travailleurs, ouvriers, paysans) pour les pays impérialistes, n’est qu’une variante de la formule de l’armement du prolétariat, pour l’étape de la politique guerre de révolution prolétarienne dans la période où elle organise l’Armée Rouge.

    En l’absence d’une situation immédiatement révolutionnaire, ce mot d’ordre n’a qu’une importance de propagande : néanmoins, il peut devenir un mot d’ordre d’actualité dans la lutte contre le fascisme.

    En tout cas, le mot d’ordre de la milice prolétarienne ou de la milice des travailleurs est un appel lancé aux masses prolétariennes elles-mêmes et non une revendication posée au gouvernement bourgeois.

    Par conséquent, ce n’est que dans des cas exceptionnels (par exemple, en présence d’un gouvernement social-démocrate dans les pays où les social-démocrates sont en majorité au Parlement et dans les masses) que l’on peut justement réclamer des gouvernements ou des parlements la formation d’une milice ouvrière.

    Et il ne s’agit alors que de démasquer le Parti social-démocrate.

    La garde rouge est organe d’insurrection. Faire de l’agitation en vue de sa constitution et la constituer — tel est le devoir des communistes en présence d’une situation immédiatement révolutionnaire.

    §51. En aucun cas on ne saurait perdre de vue que, dans les pays impérialistes, l’existence d’une milice prolétarienne ou d’une garde rouge dans le cadre de l’État bourgeois, en temps de «paix générale», est inadmissible et impossible.

    La milice prolétarienne est l’organisation armée du prolétariat luttant pour l’instauration de la dictature du prolétariat, où l’organe de cette dictature prolétarienne pour l’écrasement des exploiteurs.

    C’est en cela que notre mot d’ordre de la milice prolétariennes distingue des projets réformistes concernant la «défense ouvrière» jaune, composée d’éléments prolétariens spécialement triés, inconscients ou soudoyés.

    De semblables organisations de la «défense ouvrière» furent employées pour la dissolution et la répression du prolétariat dans la Ruhr, en mai 1923, et après l’insurrection viennoise, en 1927. Les communistes se doivent de lutter avec acharnement contre ces manœuvres trompeuses des social- démocrates.

    §52. Il convient de distinguer entre ces mots d’ordre de combat : la milice ouvrière, ou milice prolétarienne, ou garde rouge, qui doivent exister avant la prise du pouvoir et ne sont que des formes embryonnaires de l’Armée Rouge — et, d’autre part, les milices qui sont créées après l’instauration et la consolidation de la dictature du prolétariat, lorsque l’État et les différences de classes seront en voie disparition.

    Pour se défendre contre l’impérialisme, le prolétariat a besoin d’une Armée Rouge puissante, disciplinée, bien armée et combative. Actuellement, pour répondre à exigences, il faut une armée permanente, constituant le noyau des masses armées de la population laborieuse.

    C’est une absurdité petite-bourgeoise et contre-révolutionnaire que d’exiger de la dictature du prolétariat, dans l’ambiance d’un milieu capitaliste, l’adoption immédiate et intégral du système de la milice.

    La réalisation plus ou moins complète du principe de la milice, sans affaiblissement de la force militaire, ne sera possible que sur la base du développement intégral des forces productrices en régime socialiste et de l’éducation communiste des masses.

    Seule la victoire de la révolution prolétarienne dans plusieurs grands pays capitalistes pourrait (comme la constaté encore la 8 e Assemblée du CEIC) avoir cette conséquence que, dans sa politique militaire, le gouvernement prolétarien s’occuperait immédiatement de remplacer l’Armée Rouge permanente par une milice de classes.

    En tout cas, l’organisation de la défense de la dictature du prolétariat doit revêtir un net caractère de classe, tant par l’esprit, la discipline que par le système. Les éléments faisant partie de la classe des exploiteurs ne doivent pas être admis dans le service actif.

    c) Attitude du prolétariat à l’égard de l’armée des pays coloniaux et semi-coloniaux

    §53. Avec la période des révolutions et des guerres nationales des peuples opprimés contre l’impérialisme, la question militaire a pris dans tous les pays coloniaux et semi-coloniaux une importance décisive.

    Cela s’applique aussi bien aux pays qui sont ou ont été en guerre avec l’impérialisme (Chine, Maroc, Syrie, Nicaragua) qu’à ceux dans lesquels la guerre doit être comprise autrement (Indes, Égypte, Mexique, Philippines, Corée). Il est clair que la question, lorsqu’il y a des guerres de nationalités contre l’impérialisme, doit se poser d’une tout autre façon que dans un conflit de pays impérialistes.

    §54. On ne saurait perdre de vue qu’il existe actuellement dans ces pays deux types d’armées entièrement différents : d’un côté, l’armée nationale (qui n’est pas toujours une armée révolutionnaire), de l’autre, les armées des impérialistes (qui sont ou des corps expéditionnaires envoyés par les métropoles, ou des armées composées d’indigènes d’autres colonies, ou, enfin, des troupes recrutées dans le pays même).

    En Chine, nous trouvons les deux espèces et nous voyons comment les armées nationales se transforment en armées de l’impérialisme ; après le coup d’État de Tchang Kai Chek, l’armée nationale de la Chine méridionale s’est mise, en réalité, au service des impérialistes.

    Il est évident que l’attitude du prolétariat et des classes révolutionnaires doit être entièrement différente à l’égard de ces deux types d’armées.

    En ce qui concerne les armées nationales il convient d’appliquer, avec certaines rectifications, le programme militaire de Marx et Engels de 1848 à 1870 — un programme de la démocratisation de ces armées, afin de les transformer en troupes révolutionnaires ; en ce qui concerne les armées des impérialistes, nous ne pouvons appliquer que le programme défaitiste — il faut provoquer leur décomposition à l’intérieur ; au cas où l’on se trouverait en présence de divisions spéciales d’officiers ou de formations militaires bourgeoises de classe, il faut arriver à les isoler et à les liquider, c’est-à-dire suivre le programme esquissé plus haut pour notre action dans les États impérialistes.

    À côté de ces deux types d’armées, il y a lieu de distinguer du point de vue tactique, dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, encore un troisième type d’armée, au sein de laquelle se déroule une lutte entre le mouvement national et les impérialistes, une lutte menée à l’intérieur d’une seule et même armée se trouvant sous le commandement des impérialistes (Inde, Égypte, Indochine, Syrie, Algérie, Tunisie, etc.).

    En de pareils cas, en fonction des conditions concrètes, il est nécessaire de combiner les éléments des deux programmes, à savoir, le programme défaitiste par rapport aux armées et aux différentes divisions de l’armée se trouvant sous le commandement impérialiste avec le mot d’ordre de l’armement du peuple (milice) et le mot d’ordre de l’armée nationale.

    Il faut adapter le mot d’ordre de l’armée nationale au milieu concret et le poser de manière à exclure la possibilité de n’importe quel abus de la part des impérialistes et de leurs larbins (l’armée complètement indépendante en face des impérialistes et ayant une plus large organisation démocratique, élisant ses officiers, etc.).

    Dans les pays coloniaux comme dans les métropoles nos mots d’ordre doivent exiger l’évacuation des colonies par les armées impérialistes, le rappel des cadres et du corps des officiers des armées indigènes.

    §55. Pour déterminer la position à adopter par rapport au système militaire dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, il est nécessaire de tenir compte du rôle politique joué à tel ou tel moment, par tel ou tel pays, au cours des étapes décisives de la révolution internationale : le pays en question est-il un allié ou un ennemi de l’US, un allié ou un ennemi de la révolution chinoise, etc.

    En général, le prolétariat et les masses laborieuses des pays opprimés doivent défendre le système d’armement démocratique, sur la base duquel tous les travailleurs apprennent le maniement des armes, système qui élève la capacité de défense du pays contre l’impérialisme, assure aux ouvriers et aux paysans de l’influence sur l’armée et facilite la lutte pour l’hégémonie du prolétariat dans la révolution démocratique.

    Les mots d’ordre : service militaire obligatoire, éducation militaire de la jeunesse, milice démocratique, armée nationale, etc., font ici partie du programme révolutionnaire, — et il n’en est pas de même dans les États impérialistes.

    À notre époque, la tactique des mouvements nationaux révolutionnaires doit être subordonnée aux intérêts de la révolution prolétarienne mondiale. Les révolutionnaires ne peuvent adopter le même programme dans ceux des pays opprimés qui jouent aussi un rôle d’oppresseurs et de vassaux des impérialistes, en faisant la guerre à une révolution prolétarienne ou nationale.

    Là, nos militants doivent absolument combiner la propagande de la guerre pour la défense d’autres pays révolutionnaires, la propagande d’une politique de guerre révolutionnaire, du défaitisme par rapport à la guerre que mène leur pays et à son armée. C’est cette ligne qu’il convient de suivre actuellement dans les provinces de la Chine qui sont au pouvoir des généraux du Kuomintang.

    §56. En établissant le programme militaire des pays opprimés, il faut tenir compte du stade de développement économique et politique dans lequel ils se trouvent.

    1. Dans les pays qui n’ont pas encore passé par la révolution démocratique, on doit appliquer en général le mot d’ordre de l’armement général du peuple (de la milice nationale) et cela, avant tout, là où les distances entre la bourgeoisie et le prolétariat ne sont pas encore très marquées (Syrie, Maroc et Égypte).

    Ce mot d’ordre doit être rattaché à des revendications démocratiques dirigées contre le féodalisme, le militarisme féodal et bourgeois. Dans les pays où la division des classes est nettement prononcée et où la révolution n’est pas encore achevée, exemple en Amérique latine, il faut un mot d’ordre de classe : on réclamera une milice ouvrière et paysanne.

    2. Dans les pays qui traversent l’étape de la révolution démocratique, le mot d’ordre de la milice ne suffit plus : il faut demander l’organisation d’une armée révolutionnaire. Bien entendu, ceci n’empêche pas de lancer en même temps le mot d’ordre de la milice, surtout lors de la préparation d’une insurrection.

    On notera que l’armement du prolétariat, loin de s’opposer à l’armement du peuple tout entier, est une partie fondamentale de l’armement général. Tout en participant à l’organisation de l’armement général du peuple, il est absolument nécessaire de créer des unités prolétariennes spéciales dirigées par des chefs qu’elles auront élus.

    3. Dans les pays arrivés à l’étape de transition entre la révolution démocratique et la révolution prolétarienne, on peut appliquer, avec certaines modifications concrètes, le programme militaire des communistes dans les pays impérialistes.

    Le mot d’ordre de la milice démocratique est remplacé par de la milice prolétarienne (milice des travailleurs, milice ouvrière et paysanne). Lorsque, au cours de la révolution dans les colonies, surgit la question de la prise immédiate du pouvoir, il est nécessaire de mettre à l’ordre du jour, en même temps que la question de l’organisation des Soviets, celle de l’organisation de l’Armée Rouge.

    Les formes révolutionnaires-démocratiques d’organisation de l’armée sont alors périmées ; on adopte l’organisation de classe dictée par la révolution prolétarienne.

    §57. Pour lutter contre l’impérialisme en réalisant une politique militaire nationale-révolutionnaire, il est nécessaire de se livrer à un travail systématique d’agitation et de propagande parmi les armées coloniales.

    Les communistes et les nationalistes-révolutionnaires doivent par conséquent la plus sérieuse attention à l’étude des différentes catégories d’armées coloniales et à l’élaboration de méthodes effectives de travail elles. Comme le montre l’exemple de la Chine, le travail fait dans des armées de mercenaires indigènes peu disciplinés et mal payés a souvent les plus grandes chances de succès.

    Les revendications partielles peuvent être à un certain point analogues à celles qui ont déjà été citées pour les États impérialistes.

    Mais, là aussi, il faut tenir compte avec la plus grande minutie de l’ensemble des conditions concrètes (origine, composition et esprit des armées, situation matérielle, etc.). On s’appliquera à formuler les revendications des soldats indigènes, à les soutenir contre les vexations et les brimades exercées à leur égard par les officiers de race blanche.

    Le travail des communistes dans les armées nationales doit revêtir un autre caractère, mais, comme l’a démontré l’expérience de la guerre en Chine en 1926-27, il est extrêmement important. Ici la tâche des communistes consiste à organiser des cellules dans toute l’armée, à en faire un instrument conscient de lutte contre l’impérialisme, à combattre, dans l’intérêt de la révolution nationale, les éléments douteux parmi les officiers, à subordonner le commandement, là où il ne se trouve encore entre les mains des communistes, au contrôle des soldats, au moyen de la plus large démocratie révolutionnaire.

    Il ne faut pas oublier qu’à l’époque de la Révolution française, les armées de la Convention ont remporté leurs grandes victoires avec le système de l’élection des officiers qui y était en vigueur. Par contre, l’organisation non démocratique des armées du sud chinois, en 1926-27, facilita la trahison et le coup d’État que la bourgeoisie et ses généraux ont perpétré.

    4. — Le prolétariat devant le problème du désarmement et la lutte contre le fascisme

    §58. Dans la préparation morale et matérielle de nouvelles guerres impérialistes contre-révolutionnaires, l’impérialisme se heurte actuellement à une difficulté très sérieuse — un sentiment instinctif contre la guerre qui, depuis la dernière guerre mondiale, s’est emparé des masses et surtout des ouvriers, des paysans et des femmes laborieuses.

    Aussi l’impérialisme est-il obligé de préparer la guerre sous le couvert du pacifisme. En même temps le pacifisme acquiert une signification nouvelle, objective en tant qu’idéologie et instrument de lutte de l’impérialisme mondial contre l’URSS, protagoniste et soutien de la révolution mondiale. C’est là qu’il faut trouver le sens et le but principal des propositions et conférences de désarmement des États impérialistes, et en particulier du «travail» de la SdN dans cette sphère, de la discussion de la «question de sécurité», des projets de création de tribunaux d’arbitrage, des pactes déclarant «la guerre hors la lois», etc.

    Tous ces projets, traités, conférences pacifistes aboutissent à ce qui suit :

    a) les impérialistes réussissent à dissimuler leurs armements ;

    b) les grandes puissances intriguent les unes contre les autres et chacune, en essayant d’obtenir des traités, la réduction des armements de l’adversaire, ne songe qu’à renforcer sa propre puissance militaire ;

    c) des conventions temporaires sont conclues entre les grandes puissances en vue de consolider leur pouvoir sur les pays faibles et opprimés ;

    d) sous le couvert des mots d’ordre pacifistes, c’est une mobilisation idéologique et contre l’URSS, qui a lieu. Le désarmement des impérialistes n’est pas autre chose indirecte ou directe, à la guerre.

    C’est pourquoi la lutte contre le mensonge du désarmement et le pacifisme constitue actuellement l’une des principales tâches de la lutte contre la guerre impérialiste.

    a) Le programme social-démocrate de désarmement et le léninisme

    §59. Le principal instrument de l’impérialisme dans cette comédie est la social-démocratie, qui entretient dans les masses des illusions sur la possibilité d’un désarmement et de la suppression de toute guerre en affirmant qu’il n’est nécessaire de renverser d’abord l’impérialisme.

    Il existe dans la social-démocratie deux tendances sur la question du désarmement qui sont en même temps des tendances du pacifisme bourgeois.

    L’une de ces tendances, dont Kautsky fut le héraut dès 1911, «discerne» certaines forces objectives du capitalisme, en réalité inexistantes, forces qui conduiraient au désarmement et à la suppression des guerres ; cette tendance représente la politique de collaboration avec la bourgeoisie de «gauche» en vue de réduire les armements, d’obtenir la conclusion de traités internationaux entre impérialistes, d’empêcher ou même «d’interdire» la guerre, etc.

    Dès 1916, Lénine qualifiait cette position de «pacifisme entièrement bourgeois». De 1914 à 1918, ces points de vue constituèrent l’idéologie du «centre», mais depuis la fin de la guerre mondiale et le début des manœuvres pacifistes auxquelles se livrent les gouvernements impérialistes, ils sont devenus partie intégrante de la politique des sphères dirigeantes de la 2e Internationale.

    Cette politique est soutenu aussi bien par les social-démocrates de droite que par la majorité des social-démocrates de «gauche». Elle se fait passer pour une politique de pacifisme «réaliste» et ne se distingue en rien de la politique de la bourgeoisie impérialiste.

    Ici vient se rattacher la théorie du «capitalisme organisé» affirmant que, dans son stade impérialiste actuel, le capitalisme développe lui-même les facteurs objectifs destinés à vaincre la guerre et l’expulser du «monde civilisé», etc. Ici également se rattache la théorie de l’«ultra-impérialisme» des «alliances», impérialistes, des «pactes» et cartels internationaux, comme autant de moyens destinés à supprimer les antagonismes impérialistes. En réalité, il n’existe dans l’impérialisme aucune tendance visant à supprimer la guerre.

    Au contraire, tous les faits, que dénombrent les «pacifistes réalistes», pour endormir les masses, sont des symptômes décelant la préparation de guerres impérialistes sur une échelle formidable, de guerres qui entraîneront non plus seulement quelques nations, mais des groupes entiers de nations.

    En régime capitaliste, les États-Unis d’Europe ou les États-Unis du Monde sont une utopie. Mais si même ils se réalisaient, ils prendraient inévitablement un caractère réactionnaire, car ils constitueraient une Union pour l’écrasement de la révolution prolétarienne et du mouvement national-libérateur des peuples coloniaux. Toutes les tendances dirigées dans ce sens (par exemple, le mouvement paneuropéen) sont nettement réactionnaires.

    §60. Les Partisans de la seconde tendance interviennent en qualité de pacifistes «radicaux» ou «révolutionnaires» et revendiquent le désarmement intégral seulement de la bourgeoisie mass aussi du prolétariat, c’est-à-dire le renoncement au mot d’ordre de l’armement du prolétariat.

    Pendant la guerre impérialiste, cette position fut adoptée par quelques internationalistes révolutionnaires qui ne trouvaient pas d’autre expression à leur désir foncièrement loyal d’en finir avec le militarisme. En réalité, ce mot d’ordre ne tient pas compte de la nécessité d’armer le prolétariat, pour la guerre civile, il repousse celle-ci comme tout armement en général, et ce n’est pas un mot d’ordre révolutionnaire : ça été, en somme, l’expression du désespoir de la petite-bourgeoisie.

    La critique faite par Lénine en 1916 conserve toute sa vigueur et, actuellement, il faut lui donner plus d’acuité, quoique le groupe des partisans de ce mot d’ordre soit fort insignifiant en ce moment. La révolution d’Octobre a montré à tout loyal révolutionnaire la nécessité absolue de l’armement du prolétariat.

    Remplacer le mot d’ordre de l’armement du prolétariat par celui de son désarmement, ce ne peut être actuellement qu’une devise contre-révolutionnaire. C’est pourquoi les communistes doivent s’appliquer à montrer la situation véritable aux ouvriers que séduit le mot d’ordre du désarmement, en particulier, dans les petits États, et lutter impitoyablement contre les leaders de «gauche» qui défendent cette doctrine.

    Nous trouvons encore la théorie d’après laquelle les «tribunaux d’arbitrage» obligatoire entre nations pourraient empêcher la guerre.

    Mais on sait que des institutions de ce genre ne valent guère mieux que des bulles de savon qui éclatent au premier choc ; ou bien alors ces «tribunaux» se font les instruments de la piraterie des grandes puissances impérialistes.

    Cependant, les deux tendances social-démocrates s’entendent sur un point dans les questions de désarmement et de pacifisme : elles estiment que le principal obstacle au désarmement est constitué par pays où «il n’y a pas de démocratie» c’est-à-dire par l’existence de la dictature du prolétariat en URSS.

    b) Le projet soviétique de désarmement

    §61. Il était déjà spécifié dans les thèses de la 8e Assemblée Plénière du CEIC que le prolétariat international doit occuper, par rapport à l’opinion de l’US sur la question du désarmement, une position de principe toute différente de celle qu’il convient d’adopter par rapport aux hypocrites projets de désarmement présentés par les États capitalistes.

    Étant donné l’importance particulière de cette question dans la lutte contre les pacifistes, il est nécessaire de la poser devant les masses avec la plus grande netteté.

    La proposition de désarmement général et intégral faite par le gouvernement soviétique à la commission préparatoire qu’avait réunie la SdN en novembre 1927, se distingue radicalement des phrases et projets des impérialistes et de leurs larbins social- démocrates aussi bien par son but que par sa sincérité et, enfin, par son importance.

    Le projet soviétique se propose non pas pour répandre les illusions pacifistes, mais de les détruire, non de soutenir le capitalisme en taisant ou en estompant ses côtés défectueux, mais de diffuser la thèse de base marxiste affirmant que le désarmement et la suppression des guerres ne sont possibles qu’avec la chute du capitalisme.

    Le gouvernement soviétique a proposé aux impérialistes qui bavardaient cyniquement sur ce thème de désarmer effectivement ; il leur a arraché leur masque de pacifisme. Il va de soi qu’aucun communiste ne comptait que les impérialistes accepteraient le projet soviétique.

    Néanmoins, cette proposition n’avait rien d’hypocrite, elle était faite entièrement de bonne foi, car elle n’est pas en contradiction avec la politique intérieure et extérieure de l’État ouvrier, tandis que les phrases des impérialistes sur le désarmement contredisent la politique d’oppression et de brigandage des gouvernements bourgeois.

    Le pouvoir soviétique est la dictature du prolétariat au service des intérêts de la majorité de la population exploitée depuis des siècles. Le pouvoir soviétique ne suit pas une politique de pillage et d’oppression ; il a une politique de paix dans l’intérêt du prolétariat international.

    Par son importance objective également, la proposition de l’US se distingue des projets bourgeois et social-démocrates. Elle ne masque pas une politique d’agression, elle n’est pas l’expression du désespoir de la petite-bourgeoise, mais elle exprime l’un des buts du socialisme, but que le prolétariat révolutionnaire réalisera après sa victoire dans le cadre mondial.

    §62. Pour combattre le projet soviétique, les social-démocrates ont employé les moyens les plus perfides, utilisant les mots d’ordre fournis par le trotskisme.

    Ils ont essayé de discréditer aux yeux des masses la proposition de désarmement du gouvernement soviétique en la présentant comme la «révision du léninisme» contre une transition vers «thermidor» etc.

    Il découle de tout ce qui précède que ce sont là de basses calomnies. Le second projet de mars 1928, présenté par la délégation soviétique après le rejet de son programme de désarmement intégral, et proposant le désarmement partiel avec la réduction graduelle des forces territoriales et navales, ne constitue nullement une concession au pacifisme ; au contraire, il achève de soulever le masque et éclaire particulièrement l’attitude des grandes puissances à l’égard des petits États et des nations exploitées.

    La position du gouvernement soviétique dans la question du désarmement est la continuation de la politique de Lénine et la réalisation méthodique de sa doctrine.

    c) Lutte du prolétariat contre le pacifisme

    §63. Les ouvriers de l’US, qui ont battu la bourgeoisie dans la guerre civile et qui ont instauré dans leur pays la dictature du prolétariat, peuvent, dans la lutte contre le pacifisme, cette arme empoisonnée de l’impérialisme, employer une nouvelle méthode consistant à proposer aux impérialistes le désarmement général.

    Mais le prolétariat qui est encore en lutte pour le pouvoir dans les États capitalistes, ne peut employer cette méthode. Les propositions ou les revendications de désarmement que le prolétariat de ces pays pourrait adresser à sa propre bourgeoisie et à ses sous-ordres ne seraient un acte révolutionnaire, mais le remplacement du mot d’ordre de l’armement du prolétariat par le mot d’ordre de désarmement, par le renoncement à la guerre civile.

    C’est pourquoi les communistes doivent combattre de la manière la plus énergique les fausses déductions de ce genre, tirées du projet de désarmement présenté par le gouvernement soviétique, qui sont en contradiction avec le sens révolutionnaire de ce programme, et, dans les rangs du Parti lui-même, est nécessaire de condamner impitoyablement toute déviation de cette espèce.

    §64. Cette différence dans les méthodes de lutte contre le pacifisme appliquées par le prolétariat de l’US et la classe ouvrière des pays capitalistes n’est nullement l’indice d’une contradiction entre ces derniers et il ne faut pas en conclure que les communistes, dans les capitalistes, ne doivent pas se servir de la proposition de désarmement du gouvernement soviétique pour faire de l’agitation parmi les masses.

    Au contraire, la désarmement du pouvoir soviétique doit être exploitée, dans des buts d’agitation, bien plus énergiquement et plus largement que cela n’a eu lieu jusqu’à présent.

    Mais il faut l’exploiter, non en posant les mêmes revendications dans son propre pays, mais : 1) en recrutant des partisans de l’US, qui défend la paix et le socialisme, pour la protéger contre l’impérialisme ;

    2) en exploitant les résultats de la politique soviétique de désarmement et de dénonciation des impérialistes dans notre lutte pour la destruction de toutes les illusions pacifistes, et cela par la propagande dans les masses en faveur du seul moyen susceptible d’aboutir au désarmement et à la suppression de la guerre : l’armement du prolétariat, le renversement de la bourgeoisie et l’instauration de la dictature du prolétariat.

    5. — Les lacunes du travail et les tâches des PC

    §65. La 8 e Assemblée Plénière a souligné nombre de lacunes et de fautes des PC et a indiqué toute une série de tâches concrètes spéciales qui doivent être remplies par toutes les Sections en vue de la lutte contre la guerre.

    Ces indications demeurent entièrement en vigueur. Depuis la 8 e Assemblée Plénière nous nous sommes enrichis d’une expérience nouvelle. Le 6 e Congrès tire de cette expérience toutes les déductions convenables en vue de l’activité future des PC.

    §66. Le défaut principal dont toutes les Sections de l’IC sont encore affligées est la sous-estimation du danger et de l’imminence de la guerre. Cela est évident par le fait que presque toutes les Sections ne travaillent pas avec l’énergie requise à réaliser les décisions de la 8 e Assemblée Plénière. Deux événements récents de la plus haute importance — la note de l’Angleterre à l’Égypte et la guerre du Japon contre la Chine — ont passé inaperçus comme de menus incidents absolument insignifiants.

    En présence de la rapide progression de gauche des masses indiquant qu’elles sentent le danger de guerre, les communistes risquent de se trouver à la remorque de la classe ouvrière au lieu de la mener au combat contre la guerre.

    Nombre de Sections se trouvent sous l’influence de la propagande bourgeoise et social-démocrate en faveur de la «paix», du «désarmement» et de «l’arbitrage international» et ne croient pas à la proximité du danger de guerre, dont elles parlent comme de quelque chose de très éloigné.

    La sous-estimation du danger de guerre, en particulier de celui qui menace l’US, se manifeste par l’incompréhension de faits et de manifestations qui révèlent la préparation continue de la guerre.

    Ainsi, par exemple, après le rappel de Rakovski, un assez grand intervalle de temps s’est écoulé avant que les camarades français aient apprécié cet événement comme un engagement décisif de la France dans la voie de la préparation diplomatique de la guerre contre l’US.

    Le Parti yougoslave reconnaît qu’il ne se rendait pas compte de la proximité du danger de guerre pendant le conflit italo-yougoslave. Plusieurs PC dans États Baltes n’ont pas saisi du premier coup le sens véritable des méthodes de préparation du bloc antisoviétique des États Baltes (par exemple, les pourparlers touchant l’union douanière entre l’Esthonie et la Lettonie).

    Toutes ces erreurs, reconnues et rectifiées par la suite par les Partis respectifs, montrent combien il est dangereux de laisser passer sans y prendre garde les mesures tendant à la préparation de la guerre. Il faut se tenir constamment en éveil et suivre les formes concrètes par lesquelles se manifeste le danger de guerre.

    §67. Un des principaux défauts de l’action des Partis contre la guerre est leur manière de voir trop abstraite, schématique, superficielle même sur cette question.

    Certaines Sections bornent leur activité à des interventions dans les parlements et les réunions publiques ; interventions dans lesquelles la question de la guerre est habituellement reléguée à l’arrière-plan.

    Nos Partis n’ont pas encore appris à combiner notre lutte parlementaire contre la guerre avec le travail en dehors du parlement en vue de populariser nos revendications (tout le travail des communistes tchécoslovaques dans l’affaire Saint-Gothard et dans la question de l’expédition d’armes en Chine s’est borné à de timides protestations au parlement et dans les journaux).

    Les problèmes internationaux et le problème de la guerre sont inséparables, ils sont une partie de la lutte générale de classe, ils doivent être liés aux conflits de classe intérieurs, et en particulier aux conflits dans les entreprises de l’industrie de guerre proprement dite.

    La mécanisation des forces militaires et la militarisation de l’industrie rattachée directement à la guerre réclament une activité énergique parmi ces branches d’industrie ainsi que parmi les organisations syndicales et les autres organisations ouvrières qui s’y trouvent. Il n’y a encore que peu d’indices témoignant que les PC aient sérieusement entrepris l’accomplissement de cette tâche élémentaire.

    §68. Le problème de la guerre est toujours considéré d’une façon trop abstraite ; de là l’incapacité où l’on est de prendre une position déterminée sur les questions de la politique de guerre. Parfois les Partis ne réagissent pas, ou bien réagissent trop tard contre le mensonger antimilitarisme des social-démocrates qui trouve souvent un écho dans les masses (par exempte, la campagne des social- démocrates se posant en adversaires de principe de la guerre en Allemagne); parfois les PC cherchent à éviter les problèmes concrets de la politique de guerre au moyen de phrases d’ordre général et, au lieu de traiter les questions pratiques, répètent des mots d’ordre abstraits de propagande.

    C’est surtout dans les questions concernant l’armée que l’on remarque une tendance à éviter ce qui touche à la lutte des revendications et des réformes partielles concrètes qui affaibliraient effectivement le militarisme (réduction de la durée du service militaire, luttes à propos de la composition des armées de métier, etc.).

    La lutte pour les réformes est entièrement abandonnée aux social-démocrates, auxquels on n’oppose pas de véritable programme politique prolétarien pour la question de l’armée, programme visant l’affaiblissement du militarisme et formulant des propositions pratiques concernant l’armement des ouvriers.

    Un petit nombre de Sections seulement ont pris les mesures d’organisation qui s’imposent pour mener à bien un travail antimilitariste systématique. Le travail parmi les soldats et les matelots est fort peu satisfaisant dans les pays les plus menaçants par leur puissance militaire On ne comprend pas qu’il s’agit d’un travail de masses, qu’il y aurait là un moyen d’agitation et de propagande parmi les militaires.

    Dans certains pays, l’activité parmi la jeunesse est menée sur une base trop restreinte ; en d’autres, elle est réduite au travail parmi les recrues, sans base d’organisation suffisante dans la masse des soldats. Si le travail parmi les marins est mené avec énergie insuffisante dans les pays impérialistes, cela prouve que l’on sous-estime le rôle de la marine dans la prochaine guerre. Nulle part on n’a méthodiquement exploité l’influence familles sur les militaires de l’armée et de la flotte et sur les conscrits.

    §69. On sous-estime presque partout l’importance immense du travail parmi les paysans des minorités nationales et dans les colonies. Il est nécessaire d’apporter la plus grande attention au travail dans tous ces domaines.

    L’action contre la guerre dans les compagnes ne doit pas être menée seulement sous forme de campagnes occasionnelles, de manifestations bruyantes, etc.

    Il faut une action méthodique et systématique qui se rattache aux revendications immédiates de la paysannerie laborieuse. La tâche spéciale qui s’impose est l’action parmi la jeunesse paysanne. Il est absolument nécessaire de consacrer une attention particulière à l’établissement d’une liaison entre le village et les paysans à l’armée par la correspondance, avec le concours des permissionnaires, etc. L’expérience acquise dans ce domaine est de la plus haute importance en cas de guerre.

    Pour ce qui est du travail parmi les minorités nationales, nous devons, avec assez d’énergie qu’auparavant, défendre les revendications des nations opprimées, lutter contre les vexations exercées à leur égard par les gouvernements impérialistes, diriger le travail des organisations nationales-révolutionnaires.

    Les PC des métropoles doivent établir une liaison constante avec les organisations communistes et les syndicats des pays coloniaux correspondants. Les PC des métropoles doivent, par des actions de masses, soutenir de toute manière les mouvements révolutionnaires des colonies.

    Les PC de tous les pays doivent apporter une attention particulière à la création d’organisations sans Parti dans le genre, par exemple, de la Ligue anti-impérialiste, et en général la construction d’un front unique du prolétariat des pays capitalistes les avec le mouvement national-libérateur des peuples opprimés en vue de la lutte contre la guerre.

    §70. La lutte contre le fascisme n’a pas été jusqu’à présent poussée d’une façon satisfaisante dans nombre de Sections. Il est nécessaire de développer la plus vigoureuse initiative dans ce domaine tant sous le rapport de la lutte idéologique que sous celui des manifestations révolutionnaires de masses contre le fascisme.

    En même temps, il y a lieu de tenir compte non seulement des tendances fascistes manifestes, mais aussi des tendances et organisations semi-fascistes agissant sous le drapeau démocrate ou social-démocrate (la «bannière d’Empire» en Allemagne, les tendances social-fascistes aux sommets de la bureaucratie social-démocrate et syndicale, le fascisme à l’usine, etc.). Cette lutte contre le fascisme doit, sous toutes ses formes, être liée le plus étroitement possible à la lutte contre la guerre impérialiste.

    §71. La période actuelle est caractérisée par une nouvelle vague de propagande pour la «paix» et le «désarmement» et par une propagande intense pour l’«interdiction de la guerre» de la part de la bourgeoisie. Jusqu’à présent ce pacifisme n’a pas été combattu avec assez d’énergie.

    On a manifesté, également, trop peu d’activité dans la lutte contre la propagande bourgeoise en faveur de la paix et la propagande social-démocrate contre le soi-disant «impérialisme rouge» de l’US, contre le «bolchévisme, facteur de guerre». Si l’on a dénoncé le caractère véritable de la SdN, qui joue un rôle primordial dans la création des illusions pacifistes des masses, on ne l’a pas fait avec assez de méthode et d’énergie.

    Dans la plupart des cas on a complètement négligé la principale tâche des communistes, devant les résultats de la Conférence de Genève ; cette tâche était d’associer la lutte contre la guerre à la propagande de la dictature du prolétariat et de l’armement du prolétariat. En certains pays on a commis des erreurs pacifistes, qui se sont traduites par la proclamation du mot d’ordre du désarmement.

    §72. Après la 8e Assemblée Plénière, la plupart des PC n’ont pas accordé l’attention nécessaire à la popularisation parmi les membres du Parti de la méthode si juste de Lénine pour lutter contre la guerre.

    Les principales questions de la lutte contre la guerre n’ont pas été suffisamment étudiées dans les organes théoriques et la presse des Partis, particulièrement en ce qui concerne l’éclaircissement des questions concrètes partielles, ce qu’il faut considérer comme un grand défaut dans le travail des Partis, étant donné que, dans la plupart des cas, il s’agit de questions d’actualité et que la presse social-démocrate, quant à elle, leur a accordé une grande attention.

    Le travail des Partis souffre encore d’un manque de clarté idéologique dans toutes ces questions. Certains camarades (en France, en Suisse et en Autriche) ont soulevé la question de la «défense de la patrie» en cas de guerre avec l’Italie. D’autres sont Partisans du boycottage pur et simple des camps d’entraînement militaire (en Amérique).

    Tous ces exemples de déviations, redressées il est vrai dans la suite par les organes dirigeants des Partis, montrent néanmoins qu’il est absolument nécessaire de se livrer, tant à l’intérieur des Partis eux-mêmes que dans les masses, à la propagande la plus sérieuse et la plus large au sujet du danger de guerre et des méthodes à employer pour le combattre.

    §73. Les principales tâches d’agitation dans la lutte contre le danger de guerre, et en particulier contre la provocation et la préparation d’une guerre qui serait faite à l’US sont les suivantes :

    1) En vue du danger de guerre tout proche, les principaux mots d’ordre doivent être «la défense de l’US», «soutien de la lutte révolutionnaire des peuples coloniaux et des peuples opprimés» «la lutte contre la guerre impérialiste».

    2) Le travail d’agitation doit continuellement tendre à démasquer les desseins de pillages des différents groupes impérialistes dans tous les pays.

    Il doit particulièrement viser les’ impérialistes américains, les impérialistes anglais qui dirigent la préparation de la guerre contre l’US, et les impérialistes anglais et japonais, promoteurs des interventions militaires en Chine. Il faut réclamer la publication de tous les traités secrets et de tous les accords militaires secrets.

    3) Il faut critiquer et dénoncer les propositions social-démocrates en faveur de la «limitation des armements», pour la défense du protocole de Genève et du système d’un tribunal d’arbitrage obligatoire.

    4) Il faut mener une campagne énergique en vue de démasquer la propagande de la «paix industrielle» de la collaboration des classes, syndicats neutres (apolitiques) et d’Union Company, préconisés par les leaders des syndicats réformistes ; tout cela, dans le fond, sert à préparer la guerre.

    5) Il faut, dès à présent, entreprendre d’expliquer pourquoi les ouvriers devront, pendant la prochaine guerre, vouloir la défaite de leur patrie impérialiste. Le mot d’ordre de «la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile» doit être, dès à présent, avant toute déclaration de guerre, l’idée directrice de notre propagande.

    6) La lutte contre le partage impérialiste de la Chine doit être menée par tous les PC sous la forme de grandes campagnes de masses et sous la forme d’une lutte contre les mesures spéciales, militaires et politiques, des grandes puissances. Elle est liée de la manière la plus étroite à la lutte contre le danger d’une nouvelle guerre impérialiste.

    §74. Les mesures les plus importantes, indiquées déjà en grande partie dans les thèses de la 8e Assemblée Plénière, sont les suivantes : manifestations des femmes et des enfants sur le chemin des troupes envoyées au front et sur les lieux d’embarquement, manifestations des femmes, des enfants et des invalides devant les édifices des parlements ; agitation contre la guerre parmi les organisations féminines prolétariennes et petites-bourgeoises, convocation de conférences de délégués sous le mot d’ordre contre la guerre impérialiste ; assemblées de femmes devant les fabriques et les usines, ainsi que dans les quartiers ouvriers qui enverront des délégués ; utilisation des assemblées de délégués actuellement existantes ou à créer comme organes permanents assurant la campagne contre la guerre impérialiste.

    Il faut réaliser plus nettement la tactique du front unique et le travail des comités «Bas les mains devant l’URSS» et attirer les syndicats à ces comités : il faut mener sur toute la ligne la lutte contre le fascisme constituant l’un des bataillons armés de la contre-révolution ; il faut constituer, partout où cela est possible, des organisations de masses dans le genre de l’Union Allemande des Combattants du Front Rouge ; il est indispensable d’agir, dans les organisations sportives, contre le fascisme, contre la guerre : il est indispensable d’utiliser systématiquement et de renforcer les organisations de classe existantes des victimes de la guerre (mutilées, veuves, etc.) en vue de la lutte contre la guerre impérialiste.

    Les JC doivent développer, en contact étroit avec le Parti, un travail des plus énergiques parmi la jeunesse ouvrière et paysanne, dans laquelle se recrutent les soldats.

    Les organisations d’instituteurs, de parents et d’élèves et les groupes communistes d’enfants doivent également être utilisés : il faut créer de nouvelles organisations parmi les enfants en vue de lutter contre l’influence impérialiste dans les écoles.

    §75. La préparation des PC eux-mêmes est une tâche de la plus haute importance. On cultivera dans les Sections de l’IC une conscience plus profonde de la solidarité internationale : c’est la condition indispensable de la préparation des PC à la guerre.

    Le contact le plus étroit doit être établi entre toutes les Sections avant le début de la guerre ; ce contact doit être maintenu par tous les moyens pendant toute la guerre.

    Au cours de la mobilisation qui précédera la guerre, la terreur exercée contre tout mouvement révolutionnaire et contre les PC sera des plus atroces. Des milliers et des milliers d’ouvriers communistes et révolutionnaires seront envoyés dans des camps de concentration d’après des listes établies d’avance.

    Les impérialistes auront à cœur d’anéantir non seulement les PC légaux, mais tout l’appareil et la direction des Partis illégaux.

    Les Partis doivent, d’ores et déjà, se préparer à tout cela. Les PC légaux doivent songer très sérieusement à préparer, pour le moment où il le faudra, leur retraite dans l’action illégale et clandestine.

    Les Partis déjà illégaux doivent prévoir leur direction et leur organisation pour le temps où la terreur sera plus impitoyable encore qu’en ce moment. Il faut préparer à temps le changement des méthodes d’organisation, des liaisons d’organisation, de haut en bas. Les membres du Parti doivent être préparés à la nouvelle situation qui résultera pour eux de la mobilisation et du début de la guerre.

    §76. Le 6 e Congrès Mondial rappelle à tous les communistes cette parole de Lénine : la lutte contre la guerre est loin d’être une chose

    facile. Il propose à tous les Partis de se soumettre à une critique très sévère et de contrôler le travail effectué jusqu’à présent pour lutter contre le danger de guerre et préparer les Partis à la lutte pendant la guerre. Il leur fait un devoir de relever impitoyablement et de corriger aussitôt toutes les fautes commises.

    Le 6 e Congrès Mondial engage toutes les Sections à donner à la lutte contre la guerre un caractère plus international, à prendre les mesures préparatoires à la coordination internationale des interventions révolutionnaires afin de se trouver en état, le moment venu, d’opposer à la guerre de grandes interventions internationales de masses.

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    de l’Internationale Communiste

  • Thèses sur la Situation Internationale et les Tâches au sixième congrès de l’Internationale Communiste

    Introduction

    §1. Après la première guerre mondiale, le mouvement ouvrier international a traversé diverses phases historiques de développement, expression des différentes phases de la crise générale du système capitaliste.

    La première période, période de crise aiguë du système capitaliste, période d’interventions révolutionnaires directes du prolétariat, dont le point culminant fut l’année 1921, s’acheva, d’une part, par la victoire de l’URSS sur les forces de l’intervention de la contre-révolution intérieure, par la consolidation de la dictature prolétarienne et par l’organisation de l’IC ; d’autre part, par de pénible défaites du prolétariat de l’Europe occidentale et par le début d’une offensive générale de la bourgeoisie.

    Le dernier chaînon de cette période fut la défaite du prolétariat allemand en 1923.

    Cette défaite fut le point de départ de la seconde période constituée graduellement par la stabilisation partielle du système capitaliste, par le processus de «relèvement» de l’économie capitaliste, le développement et l’extension de l’offensive du capital, de nouveaux combats défensifs de l’armée prolétarienne affaiblie par ses graves défaites ; d’autre part, cette période fut celle d’un rapide processus de relèvement de l’URSS, de succès sérieux dans l’édification du socialisme et d’une influence politique croissante des PC sur les grandes masses du prolétariat.

    Enfin, la troisième période est, au fond, celle du relevèrent de l’économie capitaliste et parallèlement, de celle de l’URSS, au-delà de leurs niveaux d’avant-guerre (début de la période dite de «reconstruction», nouvelle croissance des formes socialistes de l’économie sur la base d’une technique nouvelle).

    Pour le monde capitaliste, cette période est celle d’un rapide développement de la technique, d’une croissance intense des cartels, des trusts, des tendances au capitalisme d’État, et conjointement, celle d’un puissant développement des contradictions de l’économie mondiale, se mouvant dans des formes déterminées tout le cours antérieur de la crise du capitalisme (marchés réduits, URSS, mouvements coloniaux, accroissement des contradictions intérieures de l’impérialisme).

    Cette troisième période, qui a particulièrement aggravé la contradiction existante entre la croissance des forces productives et la réduction des marchés, rend inévitable une nouvelle phase de guerres impérialistes entre les États impérialistes, de guerres de ces derniers contre l’URSS, de guerres de libération nationale contre les impérialistes et leurs interventions, de batailles de classes gigantesques.

    En aiguisant les contradictions internationales (contradictions entre les pays capitalistes et l’URSS, occupation militaire du Nord de la Chine comme commencement de son démembrement et de la lutte entre les impérialistes, etc.) et les contradictions intérieures dans les pays capitalistes (radicalisation de masses de la classe ouvrière, intensification de la lutte de classes), en déchaînant les mouvements coloniaux (Chine, Inde, Égypte, Syrie), cette période aboutit fatalement, par un nouveau développent de la stabilisation capitaliste, à nouvel ébranlement de la stabilisation capitaliste et à une aggravation aiguë de la crise générale du capitalisme.

    1. — L’économie mondiale et sa technique

    §2. Il est incontestable que l’essor considérable de la technique des pays capitalistes prend dans certains d’entre eux (États-Unis, Allemagne) le caractère d’une révolution technique.

    D’une part, l’accroissement gigantesque du nombre des moteurs à combustion interne, l’électrification, le développement des procédés chimiques dans l’industrie, les nouvelles méthodes pour obtenir du combustible et des matières premières synthétiques (benzine, soie artificielle), l’emploi des métaux légers, l’extension considérable des transports automobiles ; d’autre part, les nouvelles formes de l’organisation du travail combinées avec le développement excessivement rapide du travail à la chaîne, ont relevé de nouveaux les forces productives du capitalisme.

    Sur cette base se développe le chiffre d’affaires du commerce extérieur et s’élève considérablement l’exportation des capitaux ; il faut noter que l’importance de cette forme de liaison économique entre les pays s’est sensiblement accrue par rapport à la période d’avant-guerre.

    §3. Dans le domaine de l’économie, on observe un accroissement excessivement rapide des monopoles capitalistes (cartels, trusts, consortiums de banques qui ont aussi une influence croissante sur l’agriculture). Parallèlement à l’organisation du capital en cartels et en trusts dans les frontières «nationales» se développe aussi le processus d’accroissement des groupements financiers-capitalistes internationaux.

    On observe aussi un accroissement des tendances au capitalisme d’État, tant sous la forme du capitalisme d’État au sens propre du mot (centrales électriques d’État, entreprises industrielles et de transports municipales) que sous la forme d’une fusion croissante des organisations patronales avec les organes du pouvoir d’État.

    §4. La crise générale du capitalisme prend de nouvelles formes et développe des contradictions spécifiques sur la base de ces modifications radicales de la structure de tout le système économique mondial.

    Le déplacement du centre économique du capitalisme, d’Europe en Amérique, et la tendance croissante de l’Europe, organisée en trusts et renforcée, de s’affranchir de la domination économique des États-Unis, le développement du capitalisme dans les pays coloniaux et semi-coloniaux ; la disproportion énorme entre le rythme de croissance de la puissance économique et militaire des différents pays et l’envergure de leurs possessions coloniales ; le danger qui menace les positions des impérialistes dans les colonies et avant tout en Chine : le développement de l’URSS comme facteur de radicalisation de la classe ouvrière de tous les pays et des masses travailleuses des colonies, opposé au système capitaliste mondial ; toutes ces contradictions ne peuvent pas ne pas aboutir en fin de compte à une nouvelle explosion.

    §5. Les forces productives accrues du capitalisme entrent toujours plus en conflit avec les limites des marchés intérieurs réduits par la ruine d’après-guerre dans différents pays impérialistes et par la paupérisation croissante des masses paysannes dans les colonies et avec la structure de l’économie mondiale d’après-guerre dont les contradictions se sont accrues et compliquées à l’extrême par le nouvel antagonisme de principe entre l’URSS et les pays capitalistes.

    La rupture de l’équilibre entre l’Amérique et l’Europe trouve son expression la plus vive dans le «problème allemand» et dans le déclin de l’impérialisme britannique.

    L’Allemagne qui s’est rapidement développée, dans une grande mesure grâce aux crédits américains, et qui est contrainte de payer les réparations et les intérêts de ses dettes, ne trouve pas de marchés suffisants pour l’exportation de ses marchandises, et tout le système de ses rapports se maintient par les crédits américains toujours renouvelés qui, à leur tour, augmentent la capacité de concurrence de l’Allemagne sur le marché mondial.

    Le déclin de l’impérialisme britannique se manifeste directement par la continuité du déclin et du marasme de l’industrie britannique dont les principales branches d’exportation, malgré toutes les tentatives de rationalisation, malgré l’offensive croissante contre le niveau de vie de la classe ouvrière, sont de moins en moins capables de soutenir la concurrence sur le marché mondial.

    Il se manifeste par la réduction constante de l’exportation des capitaux britanniques et par la perte de la position dominante de la bourgeoisie anglaise comme créancière et banquière mondiale. Il se manifeste surtout par un chômage chronique considérable.

    Ce déclin économique, en rapport avec le développement des Dominions et l’éveil révolutionnaire des colonies, se traduit par des tendances de désagrégation de l’Empire britannique.

    §6. Les succès dans le domaine de la technique et de l’organisation ont contribué à un chômage en masse chronique dans les principaux pays industriels. L’armée des chômeurs est plusieurs fois supérieure à l’armée industrielle de réserve d’avant-guerre et n’est pas absorbée totalement dans les périodes de conjoncture favorable.

    Aux États-Unis, par exemple, où la technique a fait les progrès les plus considérables, parallèlement à une forte croissance de la production se produit une réduction de la main-d’œuvre employée par le capital industriel.

    Même dans les pays où existe ce développement de la technique, la rationalisation, cause d’une grande extension de la production, entraîne une intensification énorme et une accélération terrible du travail, une dépense extrêmement épuisante de la main- d’œuvre.

    La mécanisation du travail permet aux capitalistes d’employer de plus en plus la main d’œuvre non qualifiée (femmes et adolescents) et, en général, de remplacer la main-d’œuvre qualifiée par de la main-d’œuvre non qualifiée.

    Les tentatives d’atténuer ces difficultés par la constitution de cartels européens et internationaux reproduisent sur une plus large base et sous de nouvelles formes la concurrence (détermination de la quote de production, lutte contre les entreprises non-adhérentes aux cartels, etc.) entre l’Angleterre et les États du continent européen et sur le continent européen lui- même, avec sa division politique et économique et ses nombreuses barrières douanières.

    Dans ces conditions, le problème des marchés et des sphères d’investissement de capitaux devient excessivement aigu.

    De là, résulte l’approche d’une nouvelle phase de grandes collisions militaires, d’une guerre d’intervention contre l’URSS, de là découle l’imminence très proche d’une intervention en Chine. En définitive, le développement des contradictions de la stabilisation capitaliste aboutit donc fatalement à la transformation de la période de «stabilisation» actuelle en période de grandes catastrophes.

    2. — Les relations internationales et les problèmes de «politique étrangère»

    §7. Les rapports entre les États capitalistes et l’URSS, l’attitude de l’impérialisme envers la Chine, les rapports entre l’Europe, surtout entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, constituent la base des rapports internationaux en général dans la période actuelle.

    Le développement de l’Allemagne, cause du regroupement des puissances, est un des principaux facteurs des changements dans les rapports entre les États d’Europe.

    §8. Il faut reconnaître que le facteur essentiel du développement actuel du capitalisme en général est le transfert du centre économique aux États-Unis d’Amérique et, sur cette base, la croissance de leur agressivité impérialiste.

    En qualité de créditeur permanent de l’Europe, les États-Unis sont le levier de l’essor de l’Europe centrale, ils consolident en même temps leurs positions dans presque toutes les parties du monde : l’Amérique latine devient progressivement, par l’évincement du capital britannique, une «sphère d’influence» énorme des États-Unis qui répriment sur le continent américain toute résistance par le fer et par le feu (Nicaragua, etc.), le Canada, voire même l’Australie, gravitent toujours plus vers eux dans la ligne de la «collaboration économique»: l’hégémonie des États-Unis y est assurée d’avance.

    Dans le monde entier, les États-Unis poursuivent un vaste plan de conquête des principales sources de matières premières et d’affaiblissement des positions de l’Angleterre, en détruisant son monopole du naphte et du caoutchouc, en sapant sa base dans la production du coton en Égypte et au Soudan, etc.; en Afrique, les États-Unis développent de larges plans destinés à saper la puissance de l’Angleterre dans le domaine de la production du coton ; en Chine, ils se heurtent au Japon et à l’Angleterre et occupent une position plus solide en se retranchant pour le moment derrière le principe de la «porte ouverte», mais, en fait, ils participent au partage de la Chine.

    Ainsi, l’impérialisme de l’Amérique du Nord passe toujours plus de la politique de «pénétration pacifique» à la politique d’occupation militaire directe des colonies.

    §9. Cette rapide expansion des États-Unis se heurte fatalement aux intérêts du capitalisme britannique en décadence, mais encore puissant. Les contradictions entre la république du dollar avec son intense rythme de développement, mais ne possédant que relativement peu de colonies, et l’empire colonial britannique en déclin, avec son énorme monopole colonial, constitue l’axe des contradictions internationales de la période actuelle ; c’est ici que se trouve le nœud de la prochaine lutte pour le nouveau partage du monde colonial (et pas seulement du monde colonial).

    La «collaboration» anglo-américain est devenue une rivalité anglo- américaine féroce, qui développe les perspectives d’une énorme collision de forces.

    §10. L’influence du capital américain en Europe s’est manifestée surtout sur l’essor économique de l’Allemagne. De puissance qui gisait dans le bas-fond de la ruine économique, l’Allemagne s’est élevée de nouveau à une grande hauteur, à l’aide des crédits systématiques des États-Unis. Le rôle politique de l’Allemagne s’est élevé en conséquence.

    La croissance du capitalisme monopoliste en Allemagne provoque, d’une part, la désagrégation croissante du Traité de Versailles, d’autre part une orientation qui se précise toujours plus, dans le sens «occidental», c’est-à-dire impérialiste et antisoviétique.

    Si, dans les temps de son humiliation économique, politique et nationale, l’Allemagne cherchait un accord avec l’État prolétarien, unique État dressé contre l’asservissement impérialiste de l’Allemagne, les tendances croissantes du néo-impérialisme allemand poussent toujours plus la bourgeoisie allemande à une position antisoviétique.

    §11. Ce fait doit lui-même fatalement modifier les groupes de puissances européennes. L’existence de nombreuses contradictions internes à l’Europe (avant tout l’antagonisme franco-italien dans les Balkans et dans l’Afrique du Nord), sur la base d’une instabilité générale des rapports, provoque un regroupement permanent des puissances. Cependant, à travers la bigarrure de ces groupements changeants, une tendance fondamentale se précise, celle de la lutte contre l’US.

    Les accords et les traités innombrables entre petits et grands États (Pologne, Roumanie, Italie, Hongrie, Tchécoslovaquie, États limitrophes, etc.) dirigés contre l’URSS et conclus d’après les directives venant de Londres et de Paris, expriment cette tendance avec une netteté toujours plus grande. Le changement de position de l’Allemagne achève dans une certaine mesure, une phase de ce processus de préparation de la guerre du bloc contre-révolutionnaire des impérialistes contre l’URSS.

    §12. La lutte pour les marchés et les sphères d’investissements de capitaux est non seulement pleine de menaces de guerre contre l’URSS et entre les États impérialistes, elle a déjà abouti à une grande guerre d’intervention pour le partage de l’immense marché chinois.

    Là où les impérialistes sont en présence d’un objet d’exploitation et d’un mouvement révolutionnaire qui sape la domination des principes capitalistes, la formation de blocs impérialistes généraux est des plus probables.

    C’est pourquoi, parallèlement au bloc des puissances impérialistes contre l’URSS, existe une intervention militaire contre-révolutionnaire générale contre les forces de la révolution chinoise.

    Mais cette lutte commune contre la révolution chinoise développe de profondes contradictions d’intérêts au sein du bloc des impérialistes, en premier lieu entre l’impérialisme rapace et franchement annexionniste du Japon et l’énorme puissance de l’impérialisme américain qui, dans l’étape actuelle, se drape dans la toge du pacifisme. Ainsi, la guerre des impérialistes contre le peuple chinois peut déchaîner un formidable conflit entre eux.

    3. — Le pouvoir d’État de la bourgeoisie et le regroupement des forces de classes

    §13. Dans l’énorme majorité des pays capitalistes, la politique de la bourgeoisie est déterminée actuellement par deux tâches essentielles : premièrement, l’augmentation de la «capacité de concurrence», c’est-à-dire le développement de la rationalisation capitaliste ; deuxièmement, la préparation de la guerre.

    Du point de vue social, de classe, cette politique de la bourgeoisie aboutit, d’une part, à renforcer la pression sur la classe ouvrière et à élever le taux de son exploitation, et d’autre part, pour parer aux conséquences de cette exploitation accrue, l’emploi de méthodes de corruption économique et politique dont la social-démocratie est de plus en plus l’agent.

    §14. La centralisation du capital et la participation de la grosse propriété foncière à l’organisation générale du capital financier, par l’intermédiaire du système bancaire, consolident toujours plus les forces des grands exploiteurs, dont les organisations fusionnent directement avec les organes du pouvoir d’État.

    Si le système dit «du capitalisme d’État de guerre» fut dans une grande mesure un «système économique d’État de siège» «aboli» à la fin de la guerre, la croissance des tendances au capitalisme d’État, qui reposent actuellement sur le développement des forces productives et la concentration rapide de l’économie, est à son tour, une prémisse objective la mobilisation économique militaire pour les collisions à venir.

    Dans la préparation des forces productives, le déplacement qui s’opère vers l’industrie chimique joue un rôle prédominant dans la guerre moderne et souligne encore davantage toute l’importance de ce fait.

    §15. Cette évolution des rapports entre l’État et les organisations patronales, la concentration de toutes les forces de la bourgeoisie dans l’État bourgeois provoquent dans tous les pays capitalistes une évolution réactionnaire de tout «le régime étatique bourgeois».

    Cette évolution, expression typique de la période critique actuelle du capitalisme, s’exprime sur le terrain politique par la crise générale de la démocratie et du parlementarisme bourgeois et son empreinte sur toutes les collisions économiques entre le capital et le travail en leur donnant une acuité inouïe. Toute grande grève économique met aux prises les ouvriers avec des trusts capitalistes géants étroitement liés au pouvoir d’État des impérialistes.

    Chacune de ces grèves acquiert pour cette raison un caractère politique, c’est-à-dire un caractère général de classe. Le développement de chacune de ces grèves lui imprime le caractère d’une grève «dirigée» contre l’État. Cet état de choses oblige la bourgeoisie et son pouvoir d’État à recourir à des formes compliquées de corruption économique et politique de certaines couches de la classe ouvrière et de ses organisations politiques et syndicales.

    La liaison des cadres supérieurs des syndicats réformistes et des Partis «réformistes» avec les organisations patronales et l’État bourgeois — les ouvriers devenant fonctionnaires de l’État et fonctionnaires des organisations patronales, la théorie et la pratique de la démocratie économique, de la «paix industrielle», etc. — ce sont là des moyens préventifs contre le développement de la lutte de classes.

    §16. En même temps, les États impérialistes perfectionnent toujours davantage leurs instruments et leurs méthodes de répression contre les détachements révolutionnaires du prolétariat, en particulier contre les PC, les seuls Partis qui organisent et mènent la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière contre les guerres impérialistes et l’exploitation croissante.

    Ces mesures sont liées aussi directement avec la préparation des États impérialistes à la guerre, mais reflètent en même temps la grande acuité des contradictions de classe et en particulier l’acuité de toutes les formes et de toutes les méthodes de lutte de classes, qui se traduit par l’application toujours plus fréquente des méthodes fascistes de la part de la bourgeoisie.

    On compte ici : le bill sur les syndicats en Angleterre, la loi militaire de Paul-Boncour et la répression contre les communistes en France, les lois sur la protection de l’État (par exemple dans les Balkans), la destruction des syndicats et la terreur contre les communistes en Italie, la terreur au Japon, en Pologne, les massacres de communistes, d’ouvriers et de paysans révolutionnaires en Chine et la répression contre les révolutionnaires dans les colonies en général, les tentatives de dissolution de l’Union des Combattants du Front Rouge en Allemagne, etc., etc.

    Dans les pays où les communistes sont encore légaux, la bourgeoisie, avec l’aide de la social-démocratie s’efforce de les rendre illégaux.

    C’est pourquoi la préparation des masses à la lutte et le combat énergique contre les tentatives d’attaque répétées de la part de la bourgeoisie sont à l’ordre du jour.

    §17. Parallèlement, s’accroit sous des formes très variées la résistance de la classe ouvrière déjà remise des lourdes défaites de la période précédente. Le développement des contradictions de la stabilisation capitaliste, la rationalisation, le chômage croissant, la pression toujours plus forte sur la classe ouvrière, la ruine de la petite bourgeoisie, etc., accentuent inévitablement la lutte de classes et élargissent sa base.

    À cela s’ajoute le processus de «radicalisation général de la classe ouvrière» dans les pays de l’Europe, l’affaiblissement de l’influence des Partis purement bourgeois sur la masse des ouvriers qui se rallient en partie à la social-démocratie, en partie au communisme, le passage des éléments les plus combatifs de la classe ouvrière de la social-démocratie au communisme, la social-démocratie s’appuyant toujours plus sur les couches petites-bourgeoises et déplaçant ainsi sa base sociale, de la classe ouvrière vers la petite-bourgeoisie.

    L’influence des PC croit au sein de la classe ouvrière. Si le début de la période de stabilisation et d’offensive générale du capital a suscité de grandes luttes défensives, la nouvelle phase détermine de même l’apparition de vastes luttes de masses : avant tout la vague de grèves dans différents pays (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, etc.), l’insurrection du prolétariat de Vienne, les manifestations à l’occasion de l’exécution de Sacco et Vanzetti, le mouvement en faveur l’URSS, etc.

    Ainsi, la reproduction des contradictions de la stabilisation capitaliste, l’acuité croissante de la lutte de classes aboutissent, malgré les contre-mesures prises par la bourgeoisie et la social-démocratie, à une différenciation idéologique et à la croissance des forces révolutionnaires au sein de la classe ouvrière, et à la consolidation des positions du communisme an sein du mouvement ouvrier international.

    4. — La lutte de classes, la social-démocratie et le fascisme

    §18. Malgré l’aggravation de la lutte de classes, le réformisme donne des indices de sa vitalité et de sa ténacité politiques dans le mouvement ouvrier d’Europe et d’Amérique.

    La cause générale, sociale et économique de ce fait fondamental est dans le développement lent de la crise du capitalisme, dans la croissance de certaines de ses parties intégrantes principales et dans le déclin relativement lent des autres.

    Les faits suivants s’y rapportent : consolidation croissante des positions des États-Unis comme exploiteur, créditeur et usurier mondial («prospérité» des États- Unis); grande puissance coloniale de l’Angleterre qui perd, progressivement seulement, ses positions sur le marché mondial ; essor de l’économie allemande, etc.

    En liaison avec ce premier processus, il existe un processus secondaire d’intégration des appareils de l’État et des organisations patronales avec les cadres supérieurs des organisations ouvrières dirigées par la social- démocratie, formation de nouveaux fonctionnaires avec des bureaucrates ouvriers (fonctionnaires d’État, des municipalités, des organisations patronales, fonctionnaires au service des organisations «communes» des ouvriers et des capitalistes, «représentants du prolétariat» dans l’administration des postes, les conseils de chemins de fer, où ils prennent la parole au nom des syndicats, de la coopération, etc.).

    §19. Ce processus d’embourgeoisement des cadres supérieurs de la bureaucratie ouvrière est consciemment appuyé et favorisé par la social-démocratie qui a passé de la défense timide à l’appui ouvert et à l’édification active du capitalisme, des phrases sur la lutte de classes à la prédication de la «paix industrielle», de la «défense de la patrie» à la préparation de la guerre contre l’URSS (Kautsky), de la défense en paroles des colonies à un appui direct de la politique d’oppression coloniale, du pacifisme petit-bourgeois à la déification de la SdN impérialiste, du révisionnisme faussement marxiste au libéralisme du Labour Party britannique.

    §20. Cette position idéologique correspond entièrement et pratiquement à l’activité de la social-démocratie et des leaders syndicaux réformistes, en premier lieu leur campagne pour l’application générale des méthodes américaines de corruption et de décomposition de la classe ouvrière (activité du Bureau International du Travail, conférences de délégués du Conseil général et du Labour Party avec les associations patronales en Angleterre, le Conseil Économique National en France, le «Schlichtungswesen» en Allemagne, les lois d’arbitrage obligatoire dans différents pays scandinaves, création d’un organe commun «Chambre de Commerce» et «Chambre ouvrière» en Autriche, etc.).

    Le rôle perfide de la social-démocratie et des leaders des syndicats réformistes pendant les grèves et les crises politiques, pendant les confits et les insurrections dans les colonies, leur justification de la terreur contre les ouvriers (grève anglaise, insurrection de Vienne, grève des ouvriers des métaux en Allemagne, fusillade contre les ouvriers en Tchécoslovaquie et en Pologne, insurrection en Indonésie, révolution en Chine, insurrections Syrie et au Maroc, etc., etc., se complètent actuellement par leurs attaques acharnées contre les communistes et les ouvriers révolutionnaires (politique d’exclusion et de scission des syndicats, des coopératives et autres organisations de masses dans divers pays).

    §21. Cette politique de division de la classe ouvrière est largement pratiquée par les leaders réformistes qui, sur l’ordre de la bourgeoisie excluent les meilleurs éléments révolutionnaires des organisations de masses du prolétariat.

    Elle est une partie intégrante de leur politique de collaboration avec la bourgeoisie, son but est de saper dès le début l’unité intérieure des rangs prolétariens et d’affaiblir ainsi leur résistance aux attaques du capital. Cette politique est un des chaînons indispensables de toute leur politique social- impérialiste (politique des armements, antisoviétique et de brigandage dans les colonies).

    Pour contrebalancer ces tentatives réformistes de désagrégation du front prolétarien de l’intérieur, les communistes doivent entreprendre et développer, actuellement surtout, une contre-offensive énergique pour résister à la politique réformiste de scission des organisations de masses du prolétariat (Syndicats, Coopératives, associations culturelles et sportives, etc.) par la lutte de masses pour l’unité de classe.

    Les prétendus leaders «de gauche» de la social-démocratie jouent un rôle particulièrement odieux dans les menées scissionnistes du réformisme. En paroles, ils préconisent l’unité, mais en fait, ils appuient toujours et sans réserves les méthodes criminelles de scission de la 2e Internationale et des partisans d’Amsterdam.

    §22. Dans le domaine de la politique extérieure, l’état-major de la social-démocratie et des syndicats réformistes des pays impérialistes exprime d’une façon conséquente les intérêts de l’État bourgeois.

    Appuyer cet État, ses forces armées, sa police, ses aspirations d’expansion, son hostilité de principe contre l’URSS, appuyer les traités et accords spoliateurs, la politique coloniale, les occupations, les annexions, les protectorats et les mandats : appuyer la SdN et la campagne haineuse des puissances impérialistes contre l’URSS ; participer à la tromperie «pacifiste» des masses, à la préparation de guerre contre les républiques prolétariennes, à la tromperie des ouvriers coloniaux (Purcell aux Indes, résolution de la 2e Internationale sur la question coloniale), — tels sont les traits essentiels de la ligne de conduite effective de la social-démocratie dans le domaine de la politique extérieure.

    §23. La social-démocratie a joué durant toute la période écoulée le rôle de dernière réserve de la bourgeoisie, du parti «ouvrier» bourgeois. Par ses soins, la bourgeoisie a frayé la voie à la stabilisation du capitalisme (série de cabinets de coalition en Europe).

    La consolidation du capitalisme a rendu superflue, dans une certaine mesure, la fonction de la social-démocratie comme parti dirigeant. Son évincement des coalitions et la formation de gouvernements «purement bourgeois» ont succédé à l’«ère» dite du «pacifisme démocratique». Jouant, d’une part, le rôle d’opposition ; d’autre part, celui d’agitateur et de propagandiste de la politique du «pacifisme réaliste» et de la «paix industrielle», la social-démocratie a maintenu son influence sur des couches importantes de la classe ouvrière, a conquis une partie des ouvriers qui ont quitté les partis bourgeois, acquis de l’influence parmi les couches de la petite- bourgeoisie en voie de radicalisation (élections en France et en Allemagne) et en Europe centrale est entrée de nouveau au gouvernement.

    Il faut se rendre compte cependant que ces nouveaux gouvernements de coalition avec la participation directe de la social-démocratie, ne peuvent être et ne seront une simple répétition des combinaisons précédentes, spécialement en ce qui concerne les questions de la politique extérieure, en général, et les questions de politique militaire en particulier. La direction sociale-démocrate jouera ici un rôle infiniment plus perfide que dans toutes les étapes antérieures.

    Il faut également tenir compte qu’en liaison surtout avec la pratique des coalitions de la social-démocratie et avec l’évolution de ses leaders officiels, un renforcement de l’«aile» gauche de la social-démocratie (austro-marxisme, tranmelisme, idéologie de l’Independant Labour Party en Angleterre, du maximalisme en Italie) est possible, celle-ci trompant les masses ouvrières par des méthodes plus subtiles et par conséquent plus dangereuses pour la cause de la révolution prolétarienne.

    L’expérience des périodes critiques (révolution de 1923 en Allemagne, grève anglaise, insurrection de Vienne), ainsi que l’attitude des social-démocrates de «gauche» dans la question de la préparation de guerre des impérialistes contre l’URSS, ont démontré que les leaders social-démocrates «de gauche» sont en fait les ennemis les plus dangereux du communisme et la dictature du prolétariat.

    Ceci est particulièrement confirmé par l’ignoble conduite de la social-démocratie autrichienne, ce «parti modèle» de l’aile «gauche» de la 2e Internationale, lors des sanglants combats du prolétariat de Vienne en juillet 1927.

    Cette faillite complète des Bauer, Adler et C ie démontre avec évidence que l’«austro-marxisme», accentuant toujours plus nettement ses tendances réactionnaires, après la répression de l’insurrection de Vienne, trahit constamment, dans la pratique, d’une façon ignoble, la cause ouvrière et est, aux mains des réformistes, l’instrument le plus dangereux pour duper les masses révolutionnaires.

    C’est pourquoi, tout en tenant compte du processus de radicalisation des ouvriers au sein même de la social-démocratie et en s’efforçant d’étendre toujours plus leur influence sur eux, les communistes doivent démasquer impitoyablement les leaders social-démocrates «de gauche» comme les agents les plus dangereux de la politique bourgeoise au sein de la classe ouvrière et conquérir la masse ouvrière qui abandonne fatalement la social-démocratie.

    §24. Tout en s’assurant le concours de la social-démocratie, la bourgeoisie, dans des moments critiques et des conditions déterminées, organise une forme fasciste du régime.

    Le trait caractéristique du fascisme est qu’au moment de l’ébranlement du régime économique capitaliste et en raison de circonstances objectives et subjectives, la bourgeoisie profite du mécontentement de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine et rurale et même de certaines couches du prolétariat déclassé, pour créer un mouvement de masses réactionnaire, afin de barrer la route au développement de la révolution.

    Le fascisme a recours à des méthodes de violence directe pour briser la force des organisations de la classe ouvrière et des paysans pauvres et prendre le pouvoir.

    Une fois au pouvoir, le fascisme s’efforce d’établir l’unité politique et organique de toutes les classes dominantes de la société capitaliste (banques, grande industrie, grande agriculture) et réalise leur dictature intégrale, ouverte et conséquente.

    Il met à la disposition des classes dominantes ses forces armées, spécialement dressées en vue de la guerre civile. Il réalise un nouveau type d’État s’appuyant ouvertement sur la violence, la contrainte et la corruption, non seulement des couches petites-bourgeoises, mais aussi de certains éléments de la classe ouvrière (employés, anciens leaders réformistes transformés en fonctionnaires d’État, fonctionnaires syndicaux ou du Parti fasciste, paysans pauvres et prolétaires déclassés recrutés dans la «milice fasciste»).

    Le fascisme italien, par différents procédés (appui du capital américain, oppression sociale et économique extrême des masses, certaines formes de capitalisme d’État), est parvenu ces dernières années à atténuer les suites de la crise politique et économique intérieure, et il a créé un type classique de régime fasciste.

    Des tendances fascistes et des embryons de fascisme existent maintenant presque partout sous une forme plus ou moins développée, l’idéologie de la collaboration de classes — idéologie officielle de la social-démocratie — a beaucoup de points communs avec celle du fascisme. Les méthodes fascistes appliquées dans la lutte contre le mouvement révolutionnaire, existent sous une forme embryonnaire dans la pratique de nombreux Partis social- démocrates et de la bureaucratie syndicale réformiste.

    Dans les rapports internationaux, le fascisme poursuit une politique de violence et de provocation. La dictature fasciste en Pologne et en Italie manifeste de plus en plus des tendances agressives, elle est pour le prolétariat de tous les pays une menace constante pour la paix, un danger d’aventures militaires et de guerres.

    5. — Les pays coloniaux et la révolution chinoise

    §25. La crise générale du système capitaliste mondial trouve actuellement une brillante expression dans les insurrections et les révolutions coloniales et semi-coloniales.

    La résistance à la politique impérialiste des États-Unis (Mexique, Nicaragua), le mouvement de l’Amérique latine contre les États-Unis, l’insurrection coloniale de Syrie et du Maroc, l’effervescence constante en Égypte, en Corée, l’insurrection en Indonésie, le processus de développement de la crise révolutionnaire aux Indes, enfin la grande révolution en Chine, tous ces événements indiquent le rôle gigantesque des colonies et des semi-colonies dans la lutte révolutionnaire contre l’impérialisme.

    §26. Le principal de ces faits, événement d’importance historique mondiale, c’est la grande révolution chinoise.

    Elle entraîne dans son orbite directement des dizaines de millions et indirectement des centaines de millions d’hommes, énorme masse humaine qui, pour la première fois, participe avec une telle force à la lutte contre l’impérialisme.

    Le voisinage immédiat de la Chine avec l’Indochine et les Indes élève l’importance de la révolution chinoise à un degré considérable. Enfin, le cours même de cette révolution, son caractère démocratique, sa croissance inévitable en une révolution prolétarienne manifestent le rôle international de la révolution chinoise dans toute son ampleur aux yeux du prolétariat mondial.

    §27. La révolution chinoise étant une révolution anti-impérialiste et d’affranchissement national, est en même temps, par son contenu objectif, et dans sa phase actuelle, une révolution démocratique bourgeoise qui, fatalement, se transformera en révolution prolétarienne.

    Au cours de son développement, de la mobilisation des larges masses ouvrières et paysannes, du développement effectif de la révolution agraire qui, d’une façon plébéienne, règle les comptes avec les propriétaires fonciers : la «gentry», les «toukaos», la bourgeoisie nationale (du Kuomintang) à la suite de divers coups d’État a définitivement passé dans le camp de la contre-révolution, à une alliance avec les féodaux et à un accord avec les spoliateurs impérialistes.

    C’est pourquoi la lutte contre l’impérialisme est inséparable de la lutte pour la terre et de la lutte contre le pouvoir de la bourgeoisie contre-révolutionnaire.

    Elle est inséparable de la lutte contre les agrariens (gentry, toukaos), contre les militaristes, contre leurs guerres intestines qui causent le pillage des masses populaires et renforcent la position des impérialistes.

    L’affranchissement de la Chine n’est possible que par la lutte contre la bourgeoisie chinoise, par la lutte pour la révolution agraire, la confiscation des terres des agrariens et l’exonération des paysans des impôts inouïs qui pèsent sur eux.

    L’émancipation de la Chine est impossible sans la victoire de la dictature du prolétariat et des paysans, sans la confiscation des terres, sans la nationalisation des entreprises étrangères, des banques, des transports, etc., etc.

    Ces tâches ne peuvent être résolues qu’à la condition d’une insurrection victorieuse des larges masses paysannes qui marchent sous la direction et l’hégémonie du prolétariat révolutionnaire chinoise.

    La période actuelle de la révolution chinoise est caractérisée par les traits suivants : le bloc des impérialistes, des féodaux et de la bourgeoisie, malgré l’existence de contradictions intérieures dans ce bloc, a infligé une grave défaite au prolétariat et à la paysannerie et a détruit physiquement une partie importante des cadres du PC Le mouvement ouvrier ne s’est pas encore entièrement remis de ses défaites.

    Le développement du mouvement paysan continue dans de nombreuses régions ; là où l’insurrection paysanne a été victorieuse furent constitués des organes du pouvoir paysan et parfois des soviets paysans. Le PC se renforce intérieurement et devient plus cohésif, son autorité et son influence croissent parmi les larges masses ouvrières et paysannes.

    En général, tenant compte du développement différent dans les diverses parties de l’immense territoire de la Chine, il faut caractériser la période actuelle comme une phase de préparation des forces des masses pour une nouvelle poussée révolutionnaire.

    §28. Aux Indes a commencé une recrudescence du mouvement national révolutionnaire. Cette nouvelle vague est caractérisée par l’intervention indépendante du prolétariat (grèves du textile à Bombay et des cheminots à Calcutta, manifestations du Premier Mai, etc.).

    Cette nouvelle poussée a ses racines profondes dans toute la situation du pays. L’industrialisation qui s’est considérablement accélérée pendant la guerre et dans la période d’après-guerre s’est maintenant ralentie.

    La politique de l’impérialisme britannique entrave le développement industriel de l’Inde et aboutit à l’expropriation et à la paupérisation des paysans. Les tentatives de créer une petite couche de riches paysans, servant d’appui au gouvernement britannique et au féodalisme indigène, au moyen de réformes agraires insignifiantes, sont accompagnées d’une paupérisation et d’une exploitation croissante des grandes masses paysannes.

    L’exploitation rapace des ouvriers qui, par endroits, a conservé une forme semi-esclavagiste, se lie à une intensification extrême du travail. Dans la lutte contre cette exploitation barbare, le prolétariat s’affranchit de l’influence de la bourgeoisie et du réformisme, bien que l’appareil syndical soit encore aux mains des réformistes.

    Le mouvement paysan, désorganisé en 1922 par la trahison de Gandhi et objet de répressions violentes de la part de la réaction féodale, marche lentement mais inévitablement vers un nouvel essor. La bourgeoisie libérale nationale (aile directrice du Parti swarajiste), contrainte de nouveau à renouveler son opposition plus ou moins loyale à l’égard de l’impérialisme britannique par suite de l’intransigeance de ce dernier, cherche, malgré ses interventions antibritanniques, à établir un accord avec lui aux dépens des masses laborieuses.

    D’autre part, tout le développement de l’Inde pousse les larges masses de la ville et de la campagne, en premier lieu la paysannerie ruinée et paupérisée, dans la voie de la révolution.

    Seul, le bloc des ouvriers, des paysans et de la partie révolutionnaire des intellectuels sera en état, sous la conduite du prolétariat, de briser le bloc des impérialistes, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie opportuniste, de déclencher la révolution agraire et de percer le front impérialiste aux Indes.

    L’union des éléments et des groupes communistes en un puissant PC, l’union des masses prolétariennes dans les Syndicats, la lutte systématique pour y démasquer complètement et en chasser les leaders social-traîtres, telles sont les tâches indispensables de la classe ouvrière de l’Inde et les conditions nécessaires d’une lutte révolutionnaire des masses pour l’indépendance de l’Inde.

    §29. La nouvelle poussée de la révolution chinoise et l’aggravation inévitable de la situation révolutionnaire aux Indes peut créer une situation mondiale nouvelle et renverser la stabilisation relative du régime capitaliste. Le développement des conflits entre les puissances impérialistes, leur bloc contre l’URSS et l’acuité profonde de la lutte entre l’impérialisme et le monde colonial confirment une fois de plus le caractère général de l’époque comme «époque de guerres et de révolutions».

    6. — La tactique et les tâches fondamentales de l’IC

    §30. La lutte contre la guerre impérialiste imminente, la défense de l’URSS, la lutte contre l’intervention en Chine et contre le partage de la Chine, la défense de la révolution chinoise et des insurrections coloniales, telles sont les principales tâches internationales du mouvement communiste dans la période actuelle : la solution de ces tâches doit être liée à la lutte quotidienne de la classe ouvrière contre l’offensive du capital et doit être subordonnée à la lutte pour la dictature du prolétariat.

    §31. La lutte contre la menace des guerres impérialistes entre pays capitalistes et d’une guerre impérialiste contre l’URSS doit se faire systématiquement, de jour en jour. Cette lutte est impossible sans démasquer impitoyablement le pacifisme qui, dans les conditions actuelles, est un des principaux instruments aux mains des impérialistes pour préparer les guerres et cacher cette préparation.

    Cette lutte est impossible sans démasquer la SdN, un des principaux instruments du «pacifisme» impérialiste. Cette lutte est impossible enfin sans démasquer la social-démocratie qui aide l’impérialisme à couvrir du drapeau du pacifisme la préparation des nouvelles guerres.

    Dans ce domaine, les tâches essentielles des PC sont : démasquer constamment par des faits l’action de la SdN : soutenir continuellement les propositions de désarmement de l’URSS ; démasquer, dans ce domaine, leurs gouvernements respectifs (interpellations aux parlements, manifestations de masses dans les rues, etc.): éclairer toujours la question de l’armement effectif des États impérialistes, de l’industrie chimique, des budgets de guerres, des traitée et des complots publics et secrets de l’impérialisme, du rôle des impérialistes en Chine ; dénoncer les mensonges des «pacifistes réalistes» social-démocrates concernant le super impérialisme et le rôle de la SdN ; éclairer et expliquer toujours les «résultats» de la première guerre mondiale, sa préparation secrète militaire et diplomatique, lutte contre le pacifisme de toute espèce et propagande des mots d’ordre communistes, en premier lieu du mot d’ordre de la défaite de sa propre patrie impérialiste et de la transformation de la guerre impérialiste en une guerre civile ; travail parmi les soldats et les marins, création de cellules clandestines, action parmi les paysans.

    §32. La victoire des impérialistes dans leur lutte contre l’URSS ne signifierait pas seulement la défaite du prolétariat de l’URSS, mais aussi la plus grave défaite du prolétariat international depuis qu’il existe. Le mouvement ouvrier serait refoulé pour des dizaines d’années. La réaction la plus violente régnerait dans toute l’Europe.

    Si la classe ouvrière a fait des conquêtes importantes grâce à l’influence de la révolution d’Octobre et comme résultat des révolutions d’Allemagne, d’Autriche et d’autres pays, la défaite du prolétariat de l’URSS ouvrirait une nouvelle page de l’histoire par une terreur contre-révolutionnaire d’une violence et d’une férocité inouïes. Ainsi la défense de l’URSS ne peut pas ne pas être au centre de l’attention.

    C’est pourquoi l’alarme pour le sort de l’URSS, contre laquelle se dressent les forces militaires des impérialistes, doit susciter un travail systématique pour préparer la transformation de la guerre contre l’URSS en guerre civile contre les gouvernements impérialistes, en guerre pour la défense de l’URSS.

    §33. La lutte contre la guerre impérialiste, la lutte pour la défense de la révolution chinoise et de l’URSS, exigent que la classe ouvrière accentue son internationalisme de combat. L’expérience a démontré que les PC ne sont pas à la hauteur de ces tâches internationales.

    Déjà le 7 e Plénum élargi a constaté que tous les Partis de l’IC ont manifesté insuffisamment d’énergie dans la lutte pour soutenir la grève anglaise et la révolution chinoise. L’expérience ultérieure a confirmé que ces tâches internationales du mouvement étaient insuffisamment comprises. En divers cas, en particulier dans la lutte contre l’intervention en Chine, la capacité de mobilisation des Sections de l’IC se manifesta d’une manière insuffisante.

    Le Congrès attire l’attention de tous les PC sur la nécessité de remédier résolument à ces lacunes, de mener une action systématique dans ces questions (vaste exposé dans la presse, littérature de propagande et etc.), de procéder d’une façon plus énergique à leur auto-éducation et à l’éducation des larges masses prolétariennes dans un esprit international et de lutte.

    §34. Le soutien du mouvement colonial, surtout de la part des PC des pays impérialistes oppresseurs est une des tâches les plus importantes du moment actuel.

    La lutte contre l’intervention en Chine, contre la répression des mouvements de libération dans toutes les colonies, le travail dans l’armée et dans la marine, le soutien énergique des peuples coloniaux soulevés telles doivent être les mesures à prendre dans l’avenir le plus proche. Le Congrès charge le CEIC de porter plus d’attention aux mouvements coloniaux, de réorganiser et de renforcer les Sections chargées de ce travail.

    Le Congrès souligne aussi particulièrement la nécessité d’organiser par tous les moyens le mouvement des nègres aux États- Unis d’Amérique, comme dans les autres pays (en particulier en Afrique du Sud). En conséquence, le Congrès exige qu’une lutte décisive et impitoyable soit entreprise contre toutes les manifestations du «chauvinisme blanc».

    §35. Dans les pays capitalistes «avancés» où se dérouleront les combats les plus décisifs pour la dictature prolétarienne et pour le socialisme la tactique générale des PC doit être orientée contre toute «intégration» des organisations ouvrières dans les organisations capitalistes privées ou étatiques, contre l’union des syndicats avec les trusts, contre la «paix industrielle», contre l’arbitrage obligatoire, contre le pouvoir gouvernemental de la bourgeoisie et contre les trusts.

    Les PC doivent expliquer inlassablement aux masses ouvrières les liens intimes qui existent entre la prédication de la «paix industrielle» et de l’arbitrage, la répression contre l’avant-garde révolutionnaire du mouvement prolétarien et la préparation de la guerre impérialiste.

    §36. Étant donné la trustification intense de l’industrie, les tendances au capitalisme d’État, l’interprétation des organisations de l’État et des trusts et l’appareil des syndicats réformiste, étant donné la nouvelle idéologie complètement bourgeoise et activement impérialiste de la social-démocratie, il faut également intensifier la lutte contre ces «partis ouvriers de la bourgeoisie».

    Le renforcement cette lutte résulte de la modification du rapport des forces et de la position de la social-démocratie qui est entrée dans une période plus «mûre» — du point de vue de l’impérialisme — de son développement.

    Le Congrès approuve donc entièrement la tactique tracée par le 10e Plénum du CEIC. L’épreuve de cette tactique par l’expérience des élections françaises et du mouvement anglais, a entièrement confirmé son absolue justesse.

    §37. Cette tactique modifie la forme, mais ne change nullement le contenu principal de la tactique du front unique.

    Le renforcement de la lutte contre la social-démocratie déplace le centre de gravité vers le front unique, vers la base, mais ne diminue nullement, augmente même encore, le devoir des communistes de faire la distinction entre les ouvriers social-démocrates qui se trompent en toute sincérité, d’une part et les leaders social-démocrates, vils serviteurs des impérialistes, d’autre part.

    De même, le mot d’ordre «Aller aux masses» (y compris celles qui suivent les partis bourgeois et celles qui suivent la social-démocratie) n’est nullement retiré de l’ordre du jour, mais, bien au contraire, il se place encore plus au centre de tout le travail de l’IC.

    Sollicitude pour les besoins quotidiens de la classe ouvrière, défense énergique des plus petites revendications de la masse ouvrière, pénétration profonde au sein de toutes les organisations de masse du prolétariat, quelles qu’elles soient (syndicales, culturelles, sportives, etc.), consolidation des positions du Parti dans les fabriques et les usines, dans les grandes entreprises, en particulier, travail parmi les couches arriérées du prolétariat (ouvriers agricoles) et les chômeurs, en reliant absolument les petites revendications quotidiennes avec les mots d’ordre fondamentaux du Parti ; telle est la tâche essentielle du Parti.

    La conquête et la mobilisation effective des masses ne sont possibles que par l’accomplissement de ces tâches.

    §38. Dans le domaine du mouvement syndical, le Congrès fait le plus énergique appel à tous les Partis pour intensifier au maximum le travail, précisément sur ce secteur du front.

    La lutte pour l’influence des communistes dans les syndicats doit actuellement se faire d’autant plus énergique que, dans plusieurs pays, les réformistes poussent à l’exclusion des communistes (et des éléments de gauche en général) des syndicats. Sans la consolidation des positions nécessaires, les communistes risqueraient d’être isolés de toute la masse des prolétaires organisés dans les syndicats.

    C’est pourquoi les communistes doivent, par une action quotidienne, patiente et dévouée dans les syndicats, conquérir aux yeux des larges masses syndiquées une autorité d’organisateurs expérimentés et habiles, lutteurs non seulement pour la dictature prolétarienne, mais aussi pour les revendications courantes de la masse ouvrière, autorité de dirigeants dans la conduite des grèves.

    Dans ces luttes, les PC, l’opposition syndicale révolutionnaire et les syndicats révolutionnaires ne pourront conquérir le rôle dirigeant que par une lutte acharnée contre la social-démocratie et la bureaucratie syndicale politiquement corrompue.

    Pour remporter des succès décisifs dans la conquête des masses, il faut surtout porter l’attention sur la préparation minutieuse des grèves (travail de masses, consolidation des fractions syndicales, etc.), leur réalisation habile (création des Comités de grève et utilisation des Comités d’entreprise) et donner aux masses l’explication des causes et des conditions du succès ou l’insuccès de chaque grève ou conflit économique.

    Devant le front unique de l’État bourgeois, des organisations patronales et de la bureaucratie syndicale réformiste qui, ensemble, s’efforcent d’étouffer les mouvements de grève par l’arbitrage obligatoire, la tâche essentielle consiste à donner libre cours à l’énergie et à l’initiative des masses et, si la situation s’y prête, à déclencher un mouvement de grève, même contre la volonté de la bureaucratie syndicale réformiste.

    Sans se laisser prendre à la provocation des réformistes, qui tendent à l’exclusion des communistes et à la scission du mouvement syndical, et prenant les mesures nécessaires pour paralyser les coups inattendus des réformistes, il est nécessaire de lutter par tous moyens contre la tactique de capitulation. (Unité «à tout prix», renonciation à défendre les camarades exclus et à mener une lutte énergique contre l’arbitrage obligatoire, la subordination absolue à l’appareil syndical bureaucratique, atténuation de la critique à l’égard de la direction réformiste, etc.).

    Organiser les inorganisés, conquérir les syndicats réformistes, organiser les exclus, rattacher à la Fédération syndicale révolutionnaire, si les conditions sont propices (dans les pays où le mouvement syndical est scindé), les organisations locales qui auront été gagnées au mouvement syndical révolutionnaire, telles sont les tâches qui sont à l’ordre du jour.

    Les communistes ne doivent, en aucun cas, abandonner l’initiative dans la lutte pour l’unité du mouvement syndical national. Ils doivent mener une lutte contre la politique scissionniste de l’Internationale d’Amsterdam et de ses sections nationales.

    Par suite de l’aggravation de lutte entre le communisme et le réformisme, il est de toute importance de développer l’action des fractions syndicales communistes, l’opposition syndicale, des syndicats révolutionnaires et renforcer par tous les moyens le travail et l’activité de l’ISR.

    Les PC doivent appuyer l’action du Secrétariat du Pacifique et le Secrétariat Syndical de l’Amérique Latine, dans la mesure où ces derniers se tiennent sur le terrain de la lutte de classes, mènent une lutte révolutionnaire contre l’impérialisme et s’efforcent de conquérir l’indépendance des colonies et des semi-colonies.

    §39. L’importance croissante de la jeunesse dans l’industrie, par suite de la rationalisation capitaliste, la menace croissante de guerre, posent avec une acuité particulière la question du renforcement de l’action parmi les jeunes.

    Le Congrès charge l’ICJ d’étudier la question de sa tactique et de ses méthodes de travail, en partant de la nécessité d’organiser plus largement la jeunesse ouvrière, d’employer des méthodes plus variées pour la recruter, de répondre plus vivement et plus activement aux aspirations économiques, culturelles générales et théoriques de la jeunesse, tout en gardant le caractère politique des JC.

    En vertu de l’importance croissante de la jeunesse dans la production, il est nécessaire, d’une part, de renforcer le travail des Sections syndicales ; d’autre part, de prendre des mesures pour organiser, sous la direction de Fédération des JC, des associations spéciales de jeunes, qui aient pour tâche de lutter pour les besoins économiques de la jeunesse là où elle n’est pas admise dans syndicats.

    La lutte économique, la participation à la conduite des grèves et, dans des cas particuliers, l’organisation de grèves de jeunes, l’action dans les syndicats, la lutte l’admission des jeunes dans les syndicats, la pénétration des JC dans toutes les organisations, quelles qu’elles soient, comprenant de la jeunesse ouvrière, (syndicats, organisations sportives, etc.), l’action antimilitariste, un tournant décisif dans la tactique et les méthodes pour intensifier l’action de masses — telles sont les principales tâches de l’ICJ, sans la solution desquelles elle ne sera en état d’organiser une véritable lutte de masses contre l’impérialisme et la guerre.

    Estimant que ce changement de tactique vers l’action de masses est nécessaire, le Congrès exige de la part de toutes les Sections de l’IC et du CEIC.

    Qu’une aide plus systématique soit donnée aux organisations de JC et que celles-ci soient dirigées d’une façon plus régulière. Les PC et les Fédérations de JC doivent porter une attention redoublée au travail parmi les enfants des ouvriers et à l’activité des Fédérations Communistes d’Enfants.

    En même-temps, le Congrès charge le CEIC de prendre, par l’intermédiaire du SIF, des mesures destinées à renforcer le travail parmi les ouvrières industrielles et parmi les masses travailleuses féminines en général, en utilisant à cet effet l’expérience des «assemblées de déléguées» ouvrières.

    §40. Avec la menace croissante de nouvelles guerres impérialistes, l’action des communistes dans les larges couches de travailleurs, acquiert une importance particulière. En se basant sur les résultats des élections en France et en Allemagne, le Congrès décide d’intensifier le travail parmi les ouvriers agricoles et les petits paysans.

    Le Congrès attire particulièrement l’attention sur la nécessité d’intensifier le travail parmi les paysans, en notant que ce travail est délaissé par la plupart des PC. Le Congrès charge le CEIC de prendre toutes les mesures pour ranimer le travail parmi les paysans, surtout dans les pays agraires (Roumanie, Pays balkaniques, Pologne, etc.), de même qu’en France, en Allemagne, en Italie, etc.

    Le Congrès charge le CEIC de prendre d’urgence des mesures pour ranimer le travail de l’Internationale des Paysans et exige que toutes les Sections de l’IC soutiennent ce travail.

    §41. Le Congrès charge le CEIC de prendre toutes les mesures nécessaires pour venir en aide aux organisations qui mènent une lutte d’émancipation dans les pays capitalistes et dans les colonies, qui mobilisent la large masse des travailleurs pour la défense de la révolution chinoise et de l’URSS, qui viennent en aide aux victimes de la terreur blanche, etc.

    Il est nécessaire d’intensifier et d’améliorer le travail des communistes dans les organisations telles que les «groupes d’unité», la «Ligue de la lutte contre l’impérialisme», l’«Association des Amis de l’URSS» le SRI, le SOI, etc., etc. Les PC sont tenus d’aider par tous les moyens ces organisations, de contribuer à la diffusion de leur presse, de soutenir leurs Sections, etc.

    §42. La répression croissante et la nouvelle intensification de la lutte de classes, en liaison avec la possibilité de guerre, posent aux PC la tâche d’envisager et de résoudre en temps opportun la question de l’appareil illégal, susceptible d’assurer la conduite des combats imminents, l’unité de la ligne et de l’action communistes.

    7. — Le bilan du travail, les succès, les erreurs et les tâches des diverses Sections

    §43. Le Congrès constate les succès nombreux et considérables obtenus dans le travail de l’IC.

    Parmi ces succès, il faut noter : la croissance de l’influence du communisme, la propagation de son influence dans les pays de l’Amérique latine, en Afrique, en Australie et dans plusieurs pays d’Asie (renforcement du communisme au Japon, extension de son influence en Chine); extension de l’influence de l’IC dans les pays de l’impérialisme, malgré la stabilisation partielle du capitalisme et la solidité relative de la social-démocratie (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, Grande-Bretagne); la croissance des Partis illégaux qui malgré les coups inouïs de la terreur policière et fasciste (Italie, Pologne, d’une part, et, d’autre part, Chine et Japon), en Chine surtout, la terreur a un caractère inouï d’assassinat en masse ; enfin, la bolchévisation accrue des PC, l’accumulation d’expérience, la consolidation intérieure, la liquidation des luttes intestines, la liquidation de l’opposition trotskiste dans l’IC.

    Mais il faut noter en même temps plusieurs défauts importants dans les Sections de l’IC ; le développement, encore faible de l’internationalisme combatif, un certain provincialisme qui se manifeste par une sous-estimation de l’importance des questions d’une envergure particulièrement grande, l’insuffisance du travail dans les syndicats ; l’incapacité de consolider par l’organisation l’accroissement de l’influence politique et la stabilité des effectifs du Parti ; l’attention insuffisante de certains Partis pour le travail parmi les paysans et les minorités nationales opprimées, un certain bureaucratisme de l’appareil et des méthodes de travail des Partis (liaison insuffisante avec les masses, initiative insuffisante pour recruter des adhérents, travail insuffisamment vivant des cellules de base et transfert du centre de gravité sur le travail des fonctionnaires du parti); le niveau théorique et politique, relativement bas, des cadres du parti, la liaison parfois faible avec les grandes entreprises, la réorganisation des Partis sur la base des cellules d’entreprises est loin d’être achevée, etc.

    §44. Le PC anglais, dont l’activité a été appréciée par le 7 e Plénum élargi, se trouve actuellement devant de nouvelles tâches.

    Le revirement brusque à droite du Conseil Général et du Labour Party, le «mondisme», le processus de transformation du Labour Party en un Parti social-libéral sur le modèle des Partis social-démocrates du continent (application d’une discipline politique appropriée, centralisation plus forte de l’appareil, etc.), l’exclusion des communistes et des ouvriers révolutionnaires en général des syndicats, le «commencement de la scission des syndicats par les réformistes (par exemple, en Ecosse)», mais, d’autre part, la croissance des tendances de gauche parmi les ouvriers du rang, tout cela imposait au PC anglais une position de classe plus nette, une lutte décisive contre le Labour Party.

    Le PC anglais qui a démontré savoir s’approcher des syndicats et qui a mené habilement son travail dans plusieurs domaines pratiques, n’a cependant pas compris immédiatement la nouvelle situation ; à son dernier Congrès, il a commis une grande erreur en proclamant comme mot d’ordre central celui d’un gouvernement ouvrier contrôlé par le Comité Exécutif du Labour Party.

    Le 9e Plénum du CEIC a pris, concernant la nouvelle situation en Angleterre, une résolution tactique qui marquait un tournant dans tout le travail du PC anglais. L’expérience a démontré que cette ligne tactique correspond à la situation nouvelle particulière qui existe en Angleterre et dans le mouvement ouvrier anglais.

    L’indépendance de classe complète du PC, la lutte irréductible contre le Labour Party, la dénonciation énergique de la «paix industrielle» avec le roi de l’industrie chimique, le fasciste Mond ; l’extension et la consolidation du mouvement minoritaire ; la direction des grèves ; la lutte active contre la politique extérieure du gouvernement et contre le Labour Party ; la lutte contre l’intervention en Chine et la préparation de la guerre contre l’URSS ; l’appui à la révolution hindoue ; telles sont les tâches fondamentales du PC au moment actuel.

    En même temps, le Parti doit prendre toutes mesures pour augmenter ses effectifs, développer son travail dans les entreprises, renforcer son appareil, pour se lier davantage avec les masses des fabriques et des usines, supprimer l’étroitesse qui existe encore dans son idéologie et dans ses principes politiques, etc., etc.

    Le Congrès de l’IC fait un devoir au Parti de développer une large discussion sur son changement de tactique et sur les méthodes d’application de cette tactique.

    §45. La juste appréciation de la ligne politique et du travail du PC français fut donnée au 6e et en particulier au 9e Exécutif élargi. Ce dernier reconnut qu’il était nécessaire de procéder à un changement tactique dans la politique du PCF, à l’égard des élections parlementaires.

    En même temps, le CEIC souligna la nécessité de changer l’attitude du PCF envers le Parti socialiste et de liquider définitivement dans ses rangs les vieilles traditions parlementaires et «cartellistes».

    L’expérience de la lutte électorale a démontré l’exactitude de la campagne électorale, diverses erreurs et lacunes ont apparu dans l’activité du Parti (campagne électorale trop superficielle, absence d’une liaison de ce travail avec la lutte directe du prolétariat, faiblesse des cadres du parti, action insuffisante parmi les ouvriers agricoles et parmi les paysans).

    C’est pourquoi le Parti français a maintenant comme principales tâches : renforcer l’action de masses au sein du prolétariat industriel, en particulier, dans les usines), intensifier le recrutement, améliorer radicalement le travail syndical, déployer plus d’activité dans la conduite des grèves et dans la lutte directe du prolétariat en général, organiser les ouvriers non syndiqués, appliquer une démocratie syndicale plus large à tous les degrés de l’organisation au sein de la CGTU, améliorer le travail des communistes dans les syndicats.

    Le Parti doit intensifier son action antimilitariste et coloniale et son activité parmi ouvriers étrangers.

    Dans la vie intérieure du Parti, celui-ci doit avant tout lutter énergiquement contre les courants de droite qui s’opposent plus ou moins ouvertement à la nouvelle ligne politique du Parti (déviations parlementaires, vestiges des courants anarcho-syndicalistes, tendance au rétablissement des organisations territoriales).

    En même temps, le Parti doit vaincre les tendances de «gauche» (exagération du rôle du Parti et «autoritarisme» de la part des communistes dans les syndicats, négation de la tactique du front unique, etc.).

    Dans le domaine de l’organisation, le Parti doit prendre des mesures pour élargir sa base dans les grandes entreprises, y consolider ses Cellules, pour en animer la vie politique et recruter de nouveaux adhérents.

    §46. Le Parti italien, malgré la terreur exceptionnelle dont il a été l’objet, a su conserver son organisation illégale et continuer sa propagande et son agitation, en sa qualité d’unique Parti luttant effectivement pour le renversement du fascisme et du régime capitaliste. Il a su gagner une influence décisive parmi les éléments les plus actifs de la classe ouvrière, grâce auxquels la CGT a pu résister, malgré la trahison des leaders réformistes.

    Cependant, le Parti a commis la faute de n’avoir pas modifié à temps les méthodes de travail d’organisation de façon à conserver son entière combativité révolutionnaire dans la nouvelle situation, dans les conditions de la réaction et des lois d’exception fascistes.

    C’est pourquoi les tâches d’organisation acquièrent en ce moment une importance exclusive pour le Parti italien (formation de nouveaux cadres, rétablissement de puissantes organisation de masses, nouvelles méthodes de travail, d’agitation, etc.).

    Dans sa vie intérieure, le Parti a liquidé le «bordighisme», idéologie autrefois dominante parmi les membres du parti, et a en grande partie assuré l’unité des de points de vue idéologiques et politiques.

    Ces succès permettent au Parti de continuer avec énergie redoublée sa lutte contre les déviations de droite (refus de lutter pour le rôle dirigeant du prolétariat), car dans les conditions actuelles, ces déviations sont un sérieux danger pour le Parti.

    En temps, le PC italien doit se dresser énergiquement contre toute tendance à nier ou à réduire les possibilités d’une vaste action pour la conquête des masses qui se trouvent sous l’influence de courants antifascistes non communistes ou que le fascisme s’efforce d’influencer.

    Le Congrès charge les camarades italiens d’utiliser plus qu’auparavant les possibilités de travail au sein des organisations fascistes de masses et de créer des organisations de masses indépendantes dans le but d’étendre l’influence du Parti.

    §47. Les 3 millions 1⁄4 de suffrages recueillis par le PC d’Allemagne aux dernières élections démontrent, d’une part, la croissance considérable de l’influence communiste sur les masses ouvrières, et, d’autre part, la forte contradiction entre l’influence du Parti et la force de ses effectifs (stabilité des effectifs du parti, 3,250,000 électeurs pour 125,000 membres cotisants du Parti).

    Les succès qui, dans une certaine mesure ont été réalisés dans le domaine du mouvement syndical, ne correspondent nullement à l’ampleur des tâches qui se dressent dans ce domaine devant le Parti. Comme un grand succès, il faut signaler l’Association des Combattants du Front Rouge qui se développe en une organisation de masses.

    Les déviations d’extrême-gauche, complètement surmontées, la désagrégation du «Leninbund», dont le noyau social-démocrate a démontré lui-même sa vraie essence, constituent également une grande victoire pour le PC allemand. Étant un des meilleurs détachements de l’armée prolétarienne révolutionnaire internationale, le PC allemand a, en même temps, contre lui une social-démocratie des mieux organisées, ayant encore des racines extrêmement fortes dans le pays, ce qui crée un terrain favorable pour les déviations de droite au sein même du mouvement communiste.

    Pour cette raison, la lutte conséquente contre les déviations droite (mot d’ordre du contrôle ouvrier sur l’industrie dans le moment présent, opposition aux décisions du 4 e Congrès de l’ISR, attitude de conciliation à l’égard de la social-démocratie de gauche, etc.), la liquidation absolue des tendances conciliatrices à l’égard de ces déviations, en attirant simultanément les meilleures forces du Parti qui tiennent sur la des décisions de l’IC et du Congrès d’Essen du PCA, au travail responsable du Parti, en s’orientant catégoriquement vers la consolidation du Parti, en liant toutes les forces de la direction actuelle, en renforçant son caractère collectif et en maintenant la subordination de la minorité à la majorité — telle est la tâche actuelle.

    Il faut comprendre ici : formation de nouveaux cadres prolétariens, relèvement de l’activité de la masse du parti, relèvement du niveau culturel, et théorique de ses militants actifs, amélioration de la presse et augmentation de son tirage, amélioration du travail syndical et la conduite des grèves.

    §48. Le PC de Tchécoslovaquie continue à progresser dans la voie de sa transformation en un vrai Parti de masses du prolétariat.

    Cependant de grands défauts s’y manifestent encore : une certaine passivité opportuniste de la direction et une insuffisante capacité à mobiliser rapidement les masses (par exemple, la protestation contre l’interdiction de la Spartakiade) pour une résistance de masse, exagération des principes légalistes dans le travail pratique, insuffisante attention à la question paysanne et à la question nationale, lenteur extrême à surmonter les défauts du travail syndical (absence d’une ligne communiste nettement exprimée, les syndicats rouges repliés sur eux-mêmes), insuffisance des liaisons à l’intérieur des syndicats réformistes, etc.).

    En même temps, il faut insister tout particulièrement sur la nécessité de lutter énergiquement contre le gouvernement, de défendre les positions légales du Parti et de se préparer aux conditions illégales de travail et de lutte.

    §49. — Le PC Polonais (illégal) a, dans des conditions compliquées de terreur fasciste, non seulement gardé ses positions, mais a augmenté aussi le nombre de ses membres et, davantage encore son influence politique. Le PCP se transforme en un facteur politique sérieux dans le pays entier et surtout dans les centres industriels.

    Ayant complètement corrigé les erreurs opportunistes les plus grossières commises au moment du coup d’État de Pilsudski, le Parti suit actuellement une ligne politique juste. Cependant la lutte intérieure, qui n’est pas justifiée par des divergences considérables ni réellement politiques, constitue un danger des plus graves.

    Étant donné l’importance particulière du PC polonais et la grande responsabilité qui lui incomberait en cas de guerre, le Congrès exige la cessation complète de la lutte fractionnelle et donne au CEIC un mandat spécial au nom du Congrès, pour prendre les mesures nécessaires dans ce but.

    §50. Des tâches excessivement importantes se posent actuellement aux PC des Balkans. Elles découlent de l’instabilité dans la situation politique intérieure des pays balkaniques, de l’acuité croissante de leur crise agraire, de la complexité des problèmes nationaux et du fait que les Balkans sont au nombre des foyers les plus dangereux de préparation de nouvelles guerres.

    Ces derniers temps, presque tous les PC balkaniques ont traversé une crise intérieure sérieuse, provoquée par les erreurs politiques, les déviations de droite de certains groupes dirigeants et par la lutte fractionnelle acharnée dont l’origine est dans les pénibles défaites et la situation objective extrêmement compliquée.

    Actuellement les PC balkaniques sont presque tous en voie de liquider cette crise intérieure et, malgré la terreur gouvernementale, presque tous se consolident, rétablissent et étendent leur contact avec les masses ouvrières et paysannes. Le Congrès souligne particulièrement la nécessité pour les Partis balkaniques de suivre une politique juste dans la question nationale et d’entreprendre un vaste travail d’agitation et d’organisation parmi les masses paysannes.

    Maintenant que le PC roumain a fait de grands efforts pour liquider la crise intérieure qui paralysait son travail jusqu’à ces derniers temps, le Congrès souligne avec insistance les tâches politique et d’organisation qui lui incombent du fait que la bourgeoisie et les féodaux roumains s’efforcent d’être à l’avant-garde de la préparation de l’offensive réactionnaire contre l’URSS.

    Les Partis balkaniques doivent, mieux qu’auparavant, coordonner et lier leur travail sous le mot d’ordre politique commun à eux tous, formation de la Confédération Ouvrière et Paysanne des Balkans.

    §51. Quant aux pays scandinaves, le Congrès y constate une aggravation des contradictions de classes, un nouveau glissement brusque de la social-démocratie vers la droite et, en Norvège, une capitulation complète du centrisme (tranmælisme) devant la social-démocratie et son passage direct au socialisme ministériel.

    Parallèlement se produit une radicalisation des masses ouvrières qui, toujours plus, se rallient aux mots d’ordre de combat des PC (grève des ouvriers du Livre, grève de protestation contre les nouvelles lois sur les grèves en Suède, lutte des ouvriers du bâtiment contre la loi sur l’arbitrage obligatoire, création d’organisations armées de self-défense par les travailleurs de la terre et des forêts dans le but de se défendre contre les organisations de briseurs de grève en Norvège).

    Cette radicalisation des masses se traduit par un mouvement en faveur d’un accord entre les syndicats scandinaves et les syndicats de l’URSS et par la Conférence de Copenhague russo-finno-norvégienne qui témoigne de la volonté des masses à constituer l’unité internationale des syndicats.

    Malgré ces succès, les PC scandinaves, doivent, plus énergiquement qu’auparavant, s’efforcer de consolider leur influence politique et idéologique sur les masses travailleuses par un renforcement de leur organisation, d’étendre et de consolider la radicalisation du prolétariat par des méthodes appropriées d’organisation.

    §52. Le Workers Party américain (communiste) a ranimé son activité en mettant à profit la crise qui, dans une certaine mesure, se manifeste dans l’industrie américaine et l’accroissement du chômage (résultant de l’accroissement extrêmement rapide de la partie constante du capital au détriment du capital variable et le progrès de la technique dans la production).

    De nombreux combats de classes, obstinés et acharnés (en premier lieu la grève des mineurs), ont trouvé dans le PC un dirigeant ferme et énergique. La campagne au sujet de l’exécution de Sacco et Vanzetti a été également menée sous la direction du PC.

    Cependant, on remarque dans le PC américain, un certain affaiblissement résultant de la lutte fractionnelle de nombreuses années.

    Parallèlement à ces succès, il faut noter diverses erreurs de droite envers le Parti socialiste, le travail insuffisamment énergique pour l’organisation des inorganisés, l’organisation d’un mouvement parmi les nègres et le fait qu’il ne mène pas une lutte assez prononcée contre la politique de spoliation des États-Unis en Amérique latine.

    Ces erreurs ne peuvent cependant être attribuées exclusivement à la majorité de la direction.

    En ce qui concerne la question de la formation d’un «Labour Party», le Congrès décide d’en transférer le centre de gravité sur le travail dans les syndicats, sur l’organisation des inorganisés dans les syndicats, en créant ainsi une base à la réalisation effective du mot d’ordre d’un large «Labour Party» organisé de la base.

    La tâche essentielle du Parti est de mettre fin à la lutte des fractions qui ne repose pas sur des divergences de principes quelque peu sérieuses, d’intensifier le recrutement des ouvriers et d’opérer un changement décisif en mettant les ouvriers à des postes dirigeants dans le Parti.

    §53. Le PC japonais, avec son appareil illégal, a paru pour la première fois sur l’arène de la lutte électorale ; malgré la terreur, il a fait son travail d’agitation dans les masses, il a son organe illégal, il mène des campagnes de masses (par exemple, la campagne de protestation contre la dissolution des trois organisations de masses : le Rodo Nominto, la Fédération des syndicats de gauche : le Hioguika, et l’organisation des Jeunesses). La tâche essentielle du parti, qui élimine ses oscillations idéologiques, est de suivre la voie de la transformation du PC en Parti de masses.

    À cet effet, il est nécessaire de faire un travail tenace parmi les masses prolétariennes, de travailler dans les syndicats, de lutter pour leur unité, et de mener une action parmi les masses paysannes en s’appuyant surtout sur le mouvement des fermiers.

    Bien que le travail du Parti soit extrêmement difficile (loi punissant de la peine de mort les «idées subversives») et que les effectifs soient insuffisants, il doit faire tous ses efforts pour défendre la révolution chinoise et lutter contre la politique spoliatrice de l’impérialisme japonais.

    §54. Le PC chinois a subi de nombreuses défaites des plus cruelles résultant des erreurs extrêmement graves commises dans le passé : l’absence d’indépendance et de liberté de critique à l’égard du Kuomintang, l’incompréhension du passage d’une étape de la révolution à une autre et de la nécessité de se préparer à temps à la résistance, enfin l’erreur d’avoir freiné la révolution agraire.

    Sous le coup des défaites, ce Parti héroïque a corrigé ses erreurs en déclarant une guerre sans merci à l’opportunisme.

    Mais la direction du PC chinois tomba dans une autre erreur, du fait qu’elle n’a pas résisté assez énergiquement aux tendances nettement «putschistes» et aventuristes, causes des soulèvements de Wouhan, Houpé, etc., qui conduit à des défaites ; d’autre part, certains camarades sont tombés dans une erreur opportuniste en lançant le mot d’ordre de l’Assemblée Nationale. Le Congrès estime que la tentative de considérer l’insurrection de Canton comme un putsch est complètement fausse.

    Le soulèvement de Canton, qui fut un combat héroïque d’arrière-garde du prolétariat chinois dans la période écoulée de la révolution chinoise, restera, malgré les erreurs grossières de sa direction, l’insigne de la phase de la révolution ; de la phase soviétique.

    Actuellement, la période entre deux vagues de l’essor révolutionnaire, la tâche principale du Parti est de lutter pour conquérir les masses, de faire un travail de masses parmi les ouvriers et les paysans, de reconstituer leurs organisations, de mettre à profit tout mécontentement contre les agrariens, contre les bourgeois, les généraux ct impérialistes étrangers pour développer la lutte révolutionnaire. À cet effet, il faut consolider le Parti lui-même par tous les moyens.

    Le mot d’ordre de l’insurrection des masses se transforme en un mot d’ordre de propagande, et ce n’est que dans la condition de préparation réelle des masses et d’un nouvel essor révolutionnaire, qu’il deviendra de nouveau un mot d’ordre de réalisation immédiate, sur une base supérieure, sous le drapeau de la dictature du prolétariat et des paysans basée sur les Soviets.

    §55. Dans les pays d’Amérique latine, la principale tâche des communistes est d’organiser des PC et de les renforcer.

    Dans certains pays (Argentine, Brésil, Mexique, Uruguay), les PC sont nés il y a quelques années déjà et c’est pourquoi ils ont maintenant pour tâche de raffermir leur idéologie et de renforcer leur organisation, de devenir de véritables Partis de masses.

    Dans certains autres pays, il n’existe pas encore de PC indépendants, organisés en Partis prolétariens.

    Le Congrès charge le CEIC de porter plus d’attention aux pays de l’Amérique latine en général, à l’élaboration d’un «programme d’action» de ces Partis (les questions particulièrement importantes sont la question agraire-paysanne et la lutte contre l’impérialisme des États-Unis), à l’organisation de ces Partis, à la création de rapports justes entre eux et les organisations sans Parti (syndicats, organisations paysannes), à leur travail parmi les masses, à la consolidation et à l’extension des syndicats, à leur unification et à leur centralisation, etc.

    §56. Le Congrès constate la croissance de l’influence communiste dans les pays de l’Afrique du Sud. Le Congrès impose aux communistes la tâche essentielle d’organiser les masses travailleuses nègres, de consolider leurs syndicats par tous les moyens, de lutter contre le chauvinisme «blanc».

    La lutte contre l’impérialisme étranger de toute espèce, la défense de l’égalité absolue et complète des droits, la lutte acharnée contre toutes les lois d’exception relatives aux nègres, l’appui le plus décisif à la lutte des paysans contre l’expropriation de leurs terres, leur organisation pour la révolution agraire, le renforcement des groupes et des PC, — telles sont les tâches fondamentales des communistes.

    §57. Le Congrès constate avec une satisfaction particulière que dans le pays de la dictature prolétarienne, en URSS, le Parti du prolétariat, le PC de l’URSS, après avoir liquidé la déviation social-démocrate du trotskisme et surmonté diverses difficultés objectives économiques de la période de reconstruction, a remporté de sérieux succès dans l’œuvre d’édification socialiste en URSS et a passé au travail direct de reconstruction socialiste de l’économie rurale.

    Le travail ultérieur de l’édification socialiste en URSS devra se développer sur la base de l’industrialisation et d’un renforcement de l’édification socialiste dans les campagnes (domaines d’État, exploitations agricoles collectives et organisation de la masse des exploitations agricoles individuelles en coopératives), en réalisant systématiquement le mot d’ordre de Lénine : soutenir le paysan pauvre, s’allier au paysan moyen et lutter contre le koulak.

    Le Congrès constate que le PC de l’URSS a remarqué à temps les éléments de bureaucratisme de certains degrés de l’appareil de l’État, de l’appareil économique, syndical et même de l’appareil du parti, et mené une lutte impitoyable contre ces tendances.

    Le développement de l’autocritique, l’intensification de la lutte contre le bureaucratisme, la cohésion des forces et le développement de l’activité de la classe ouvrière qui détient l’hégémonie dans le développement révolutionnaire de l’URSS, telles sont les tâches principales du Parti.

    Le Congrès exprime la certitude le Parti sortira vainqueur non seulement des difficultés économiques, inhérentes à l’état général arriéré du pays, mais aussi, à l’aide du prolétariat international, de tout conflit extérieur, préparé systématiquement par les dirigeants des États impérialistes.

    8. — La lutte pour la ligne léniniste et pour l’unité de l’IC

    §58. En face des grandes difficultés de la période de stabilisation dans les pays capitalistes et des difficultés de la période de reconstruction dans l’URSS, des groupes d’opposition se sont formés dans l’IC et ont essayé de s’organiser à l’échelle internationale.

    Leurs diverses ailes et nuances (de l’extrême droite à l’extrême «gauche») ont trouvé leur expression la plus complète dans la critique de la dictature de l’URSS, en lui attribuant calomnieusement un caractère plus ou moins petit-bourgeois et en portant atteinte à la possibilité de mobiliser le prolétariat international.

    Dans les Sections nationales, ces conceptions étaient liées avec celles d’extrême-droite (groupe Souvarine en France) et d’extrême-«gauche» (Korsch, Maslow Allemagne).

    Tous ces courants inspirés et groupés par le trotskisme, après avoir constitué un bloc unique, se sont rapidement désagrégés après la défaite de l’opposition dans le PCUS. Le noyau fondamental de ce bloc, le «Leninbund» basé sur la plate-forme du trotskisme et organisé en un Parti indépendant.

    S’est démasqué lui- même comme une agence social-démocrate avérée ; une partie considérable de ses effectifs avait passé directement à la social- démocratie, cet ennemi déclaré et acharné de la théorie et de la pratique de la dictature du prolétariat.

    §59. À l’intérieur des PC, actuellement les déviations sont surtout des déviations de droite par rapport à la position politique juste, à cause de la stabilisation partielle du capitalisme et de l’influence de la social-démocratie.

    Elles se manifestent par les restes de «légalisme», par l’obéissance excessive aux lois, en se tenant à la remorque d’un mouvement de grèves, par une attitude erronée envers la social-démocratie (par exemple, la résistance aux décisions du 9e Plénum du CEIC qui s’est manifestée dans une certaine mesure en France), par une réaction insuffisante à l’égard des événements internationaux, etc.

    Étant donnée l’existence de Partis social- démocrates relativement forts, ces déviations de droite sont particulièrement dangereuses et la lutte contre elles doit être placée au premier plan, ce qui présume une lutte systématique contre l’attitude conciliatrice envers le courant de droite au sein des PC.

    Cependant, il existe aussi des déviations «de gauche» qui trouvent leur expression dans la tendance à nier la tactique du front unique et à ne pas comprendre l’importance énorme du travail syndical ; elles se manifestent aussi par la «phrase» révolutionnaire, et, en Chine par les tendances putschistes.

    §60. Le Congrès impose à tous les Partis le devoir de lutter contre ces déviations avant tout au moyen de la persuasion.

    Le Congrès constate que les décisions du 7 e Plénum élargi sur l’élévation du niveau théorique des cadres, sur la participation de nouveaux militants au travail responsable, etc., n’ont pas été réalisées dans plusieurs des pays les plus avancés.

    Devant la complexité extrême de toute la situation internationale et la possibilité de grands changements historiques, le Congrès estime nécessaire de prendre toutes mesures pour élever le niveau théorique des PC en général et de leurs cadres.

    Devant la nécessité de renforcer la direction centrale de l’IC et d’assurer une liaison plus étroite avec les Partis, le Congrès décide que les représentants autorisés des Partis les plus importants doivent être mis à la disposition de l’IC en qualité de militants permanents de la direction.

    §61. Le Congrès fait devoir au CEIC d’assurer aussi à l’avenir l’unité de l’IC et de ses Sections. Ce n’est qu’à la condition d’un travail coordonné pour la liquidation des divergences sur une base normale du Parti et, avant tout, par les méthodes de démocratie intérieure, qu’il est possible de surmonter les difficultés énormes du présent et de résoudre les grands problèmes de l’avenir immédiat.

    Les graves erreurs qui se révèlent à présent dans la vie intérieure de nos Partis (tendances bureaucratiques dans certains pays, baisse des effectifs, manque d’activité politique des organisations de base, etc.), ne peuvent être liquidés qu’en élevant le niveau politique des PC à tous les échelons de leur organisation sur la base d’une plus grande démocratie intérieure.

    Ceci n’exclut nullement, mais nécessite un renforcement, par tous les moyens de la discipline de fer à l’intérieur du Parti, une subordination absolue de la minorité à la majorité, une subordination absolue des organes subordonnés et des autres organisations du Parti (fractions parlementaires, fractions syndicales, presse, etc.) au centre du Parti, de toutes les Sections de l’IC, au CEIC.

    Le renforcement de la discipline prolétarienne dans les Partis, leur consolidation, la liquidation des luttes fractionnelles, etc., sont des conditions absolues à la lutte victorieuse du prolétariat contre toutes les forces mobilisées de l’impérialisme.

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    de l’Internationale Communiste