Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Le programme de Linz de 1926 de l’austro-marxisme

    Ses victoire viennoises firent qu’au congrès de Linz, où fut mis en avant un nouveau programme, la social-démocratie était d’un optimisme inébranlable, Otto Bauer affirmant alors devant les congressistes que la prise du pouvoir serait l’affaire pour la génération d’alors de la classe ouvrière.

    Le programme du Parti Ouvrier Social-Démocrate décidé au congrès de Linz le 3 novembre 1926 est la synthèse de l’approche austro-marxiste. Le Parti se définit comme s’appuyant sur le socialisme scientifique et sur l’expérience des luttes de classe, avec comme objectif « le dépassement de l’ordre social capitaliste, la construction de l’ordre social socialiste ».

    La domination toujours plus grande des grandes entreprises, aboutissant aux cartels, aux trusts, à l’hégémonie du grand capital, rend intenable la vie des masses ; la fuite dans l’artisanat et le petit commerce n’est qu’un pis-aller qui, de toutes façons, renforce la concurrence et la précarité de la vie sociale.

    De par la concurrence internationale, la conquête de zones à contrôler, « le capitalisme menace de détruire toute la civilisation, par des guerres toujours plus terribles ».

    La social-démocratie a permis des conquêtes sociales, qu’elle doit d’ailleurs élargir en défendant également la petite-bourgeoisie, élargissant sa cause, unifiant les masses contre la bourgeoisie. Qui plus est :

    « Cette lutte de classes n’est pas seulement une lutte entre des intérêts de classe s’opposant, mais en même temps une lutte entre des idéaux de classe s’opposant.

    La lutte entre capital et travail, c’est la lutte entre le sort de la tradition et la quête des masses populaires pour un renversement de la vie sociale, culturelle et étatique.

    C’est la lutte entre la domination de l’autorité et la quête des masses populaires pour la liberté et l’autodétermination.

    C’est la lutte entre la classe qui fait reposer sa domination sur l’oppression et l’exploitation et la classe qui, en luttant contre son oppression et son exploitation, lutte contre toute oppression et toute exploitation, qu’elle soit dirigée contre une classe ou un sexe, une nation ou une race.

    C’est une lutte entre un ordre social qui sacrifie sur l’autel des profits la santé populaire et le bonheur de l’être humain, et un ordre social qui transforme l’économie populaire en un moyen au service de la santé populaire et du bonheur de l’être humain.

    C’est la lutte entre un ordre social qui fait se reposer la culture de peu de gens sur l’absence de culture des masses exploitées, et un ordre social qui attribue l’héritage culturel à tout le peuple, qui relie tout le peuple en une communauté culturelle.

    C’est la lutte entre un ordre social qui place le travail intellectuel comme le travail intellectuel au service du capital, et un ordre social qui élève le travail manuel comme le travail intellectuel au service de l’ensemble du peuple. »

    La République autrichienne est présentée comme une sorte de terrain neutre, mais la bourgeoisie profite de sa force économique, des traditions, de la presse, de l’école, de l’Église, ayant ainsi une main-mise spirituelle sur la majorité des masses. Aussi :

    « Si le Parti Ouvrier Social-Démocrate parvient à dépasser cette influence, à unifier les travailleurs manuels et les travailleurs intellectuels dans la ville et dans la campagne, et de faire gagner comme camarades d’union au prolétariat les couches qui lui sont proches de la petite paysannerie, de la petite-bourgeoisie, des intellectuels, alors le Parti Ouvrier Social-Démocrate gagne la majorité du peuple.

    Elle conquiert le pouvoir d’État par la décision du droit de vote général. C’est ainsi que dans la république démocratique, les luttes de classe entre la bourgeoisie et la classe ouvrière est décidée dans la bataille des deux classes pour l’esprit de la majorité du peuple.

    Au cours de ces luttes de classe, il peut se produire le cas que la bourgeoisie n’est plus assez forte et la classe ouvrière pas encore assez forte pour dominer seule la république. Mais la coopération de classes ennemies l’une pour l’autre, qui sont obligées à cela par la situation, se brise après un temps relativement court en raison des contradictions de classes insurmontables dans la société capitaliste.

    La classe ouvrière, après chacun d’un tel épisode, retombera sous la domination de la bourgeoisie, si elle ne parvient pas elle-même à conquérir la domination dans la république. »

    La question qui se pose alors est inévitablement celle de la dictature du prolétariat. Si le Parti Ouvrier Social-Démocrate refuse le principe de l’insurrection et s’en tient aux élections, que faire de ce concept clef du marxisme qu’est la dictature du prolérariat ? Le programme de Linz affirme la chose suivante :

    « La bourgeoisie ne cédera pas sa place de pouvoir de manière volontaire. Si elle se parvient à s’y retrouver avec la république démocratique que la classe ouvrière lui a imposé, du moment qu’elle était en mesure de dominer la république, elle sera tentée de renverser la république démocratique, d’instaurer une dictature monarchiste ou fasciste, dès que le suffrage universel fait passer ou a fait passer le pouvoir d’État à la classe ouvrière. »

    La classe ouvrière doit donc faire en sorte que les appareils d’État – l’armée, la police – assument un légalisme républicain, elle doit être organisée au plus haut niveau, tant intellectuellement que physiquement, pour contribuer à cette pression générale qui fait capituler la bourgeoisie.

    Il y a un risque, en ce cas où ce processus échoue, une guerre civile. C’est pourquoi :

    « Si la bourgeoisie devait s’opposer au renversement social qui sera la tache du pouvoir d’État de la classe ouvrière, en minant de manière planifiée la vie économique, par un soulèvement violent, par un complot avec des puissances contre-révolutionnaires étrangères, alors la classe ouvrière serait obligée de briser la résistance de la bourgeoisie avec les moyens de la dictature. »

    La ligne du Parti Ouvrier Social-Démocrate était ainsi une sorte d’intermédiaire entre réformisme et révolution. Par la suite, il adoptera le symbole des trois flèches.

    Faites de l’Autriche une île de liberté !
    Un anneau de la réaction entoure l’Autriche. (l’Allemagne l’Italie la Hongrie)
    Protégez la liberté !

    Celui-ci fut élaboré par le social-démocrate russe Serge Tchakhotine, qui s’était opposé à la révolution russe en rejoignant l’armée blanche, et le social-démocrate allemand Carlo Mierendorff. L’idée est mettre en avant un symbole jouant sur la « psychologie des foules », l’idée étant venu à Serge Tchakhotine en voyant une croix gammée barrée.

    Le symbole fut accepté par la social-démocratie allemande en 1932, et immédiatement dans la foulée par le Parti Ouvrier Social-Démocrate en Autriche, sous l’impulsion du psychologue Otto Felix Kanitz, qui joua un rôle important dans la très puissante structure social-démocrate « Les amis des enfants ».

    Par contre, si pour la social-démocratie allemande il visait les nazis, les monarchistes et les communistes, pour la social-démocratie autrichienne, il visait le fascisme, la monarchie et le cléricalisme.

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  • Les faiblesses de l’austro-marxisme

    Le grand souci de la social-démocratie autrichienne, c’était le décalage entre Vienne massivement acquise à sa cause et le reste du pays empêtré dans le catholicisme.

    La centrale d’éducation du Parti disposait ainsi de 1500 thèmes prêts pour des conférences, voire des cycles de conférences. Rien qu’à Vienne en 1931 de manière quotidienne, elle mettait à la disposition trois séries de photos et douze films, organisait sept excursions et vingt-cinq conférences.

    Ces chiffres énormes témoignent de l’importance énorme de la social-démocratie à Vienne, où 400 « écoles du socialisme » existaient également. Mais en Haute-Autriche, région avec autant d’habitants que Vienne, il n’y avait eu la même année que 67 cours et écoles, et 95 conférences, soit ce que Vienne réalisait en moins d’une semaine.

    Fête du sport et de la gymnastique ouvriers

    De la même manière, le nombre total de conférences en-dehors de Vienne était de 348, surtout en Basse-Autriche et en Styrie, soit ce que Vienne réalisait en moins de deux semaines. Même si des professeurs itinérants étaient à la disposition de l’organisation, le Parti ne réussissait pas à gagner l’ensemble des masses du pays.

    Le problème était également patent avec la presse. En 1930, la social-démocratie autrichienne disposait de sept quotidiens, 68 revues, 52 journaux syndicaux, pour un tirage de 3 161 000 exemplaires au total.

    En 1929, le Parti employait 1330 personnes, comme employés techniques ou dans les imprimeries. Ces dernières disposaient de 322 personnes dans les régions et de 425 personnes pour les imprimeries nationales, les secrétariats régionaux de 131 personnes, les journaux régionaux de 76 personnes et ceux nationaux de 391 personnes, la direction du Parti de 9 personnes, la milice de 20 personnes

    Seulement, la Arbeiter Zeitung quotidienne n’était publiée qu’à entre 60 et 90 000 exemplaires. Le Kleine Blatt, servant à concurrencer les journaux de boulevard, fut alors publié, d’abord à 106 000 exemplaires en 1927, déjà à 182 000 en 1929. Cela montre une tournure populiste pour contourner la question du niveau idéologique ; les membres du Parti ne lisaient pas leur organe de presse.

    Avec nous les masses!
    Avec nous la jeunesse !

    D’ailleurs, la revue théorique Der Kampf (La lutte), mensuelle, ne paraissait qu’à entre 4 et 6000 exemplaires. La revue théorique de la social-démocratie allemande, la Neue Zeit (dont Karl Kautsky avait été exclu en 1917), n’avait que 170 abonnements à Vienne, la revue social-démocrate de droite Sozialistische Monatshefte en avait 50.

    Ces chiffres très faibles n’étaient pas différent pour les ouvrages. C’était déjà très faible avant 1918. Le programme Ce que veut la social-démocratie de 1912 ne fut tiré qu’à 134 000 exemplaires, l’année d’avant les protocoles du congrès du parti n’avait été tiré qu’à 4 400 exemplaires. L’histoire du mouvement syndical autrichien par Julius Deutsch fut tiré à 5500 exemplaires, Le Capital financier de Rudolf Hilferding ne se vendit qu’à 888 exemplaires en deux éditions (puis 1500 exemplaires après 1918).

    Toutes les roues s’arrêtent
    Si mon bras fort le décide

    Ce fut encore pire par la suite. Les protocoles du congrès du Parti de 1920 n’eurent un tirage que de 600 exemplaires, ceux de 1921 de 500, ceux de 1925 à 1930 1000 chacun, celui de 1931 de 2000. Pour un parti de masse, c’était là un signe de faillite terrible.

    Les écrits de Victor Adler furent tirés à 4500 exemplaires pour le premier tome, à entre 2 et 3 000 pour les neuf autres. Les deux brochures les plus marquantes furent Bolchevisme ou social-démocratie d’Otto Bauer, à 10 000 exemplaires, ainsi que Plus-travail et plus-value de Karl Renner, à 21 000 exemplaires.

    Il est vrai que chaque membre du Parti Ouvrier Social-Démocrate d’Autriche recevait bien le mensuel « Le social-démocrate », chaque femme recevant en plus le mensuel « La femme » ; en 1930, le nombre de ces revues imprimées et diffusées fut de 4 994 086. Il y avait aussi l’hebdomadaire Der Unzufriedene (« Le mécontent ») et une revue illustrée Der Kuckuck (« Le coucou »), témoignant d’une véritable vie intellectuelle. Mais c’était sans atteindre le coeur des masses.

    L’homme rouge dit : j’ai promis cela j’ai réalisé cela je promets cela aujourd’hui aussi votez social-démocrate !

    Pire encore, tout cela était considéré comme somme toute très secondaire. L’influence du pragmatisme dans l’austro-marxisme se devine bien dans cet extrait de lettre de Victor Adler à August Bebel :

    « Les gens qui écrivent entendent avoir raison pour l’éternité, tandis que les gens qui agissent savent qu’un peu trop ou un peu moins, un peu trop à droite ou à gauuche ne gâche rien, du moment quon y va quand il faut. Mais les lettrés craignent davantage les théoriciens futurs que les conséquences de leurs actes. Ils veulent à tout prix être seulement logique, et sont par là prisonniers des choses celles-ci une fois écrites.

    Alors que les politiciens – tu sais cela mieux que quiconque – n’ont que faire de la logique, du moment que cela fonctionne et est efficace !

    Mais ne dis rien de ces secrets d’affaires à K.K. [Karl Kautsky], il me jetterait tout de suite sur un bûcher! »

    Ce qui ne l’empêcha pas d’avouer dans une lettre à Karl Kautsky :

    « Je ne comprends rien à cette histoire de plus-value et je m’en fous ! »


    Cette perspective produisit une blague dans la social-démocratie autrichienne, faisant allusion à l’aigle à deux têtes impérial :

    « Le docteur Adler est la fierté des marxistes et l’exemple des révisionnistes. Comment cela est possible ? C’est parce qu’il est un oiseau autrichien, qui a deux têtes ».

    Ce rejet de la théorie avait également été imposé par le régime. Jusqu’en 1897, les ouvriers n’avaient aucun droit de vote, puis celui-ci fut jusqu’en 1907 réduit à une curie sans importance. Victor Adler fut condamné jusqu’en 1900 pas moins de 17 fois, à en tout neuf mois de prison, à quoi s’ajoutent des amendes.

    Des 406 numéros de la Gleichheit (« Egalité ») puis de la Arbeiter Zeitung entre 1886 et 1894, 210 furent confisqués.

    La jeunesse en avant !
    Le sport le savoir la joie de vivre sont menacés !
    Défendez votre droit !
    Votez social-démocrate !

    Mais il y avait pire peut-être que la répression : l’ambiance décadente d’une société largement paysanne, avec une vieille aristocratie bornée aux commandes de la moitié de la haute administration, le tout produisant un grand relâchement dans la bureaucratie faisant des Autrichiens des gens désormais suspects aux Allemands concernant la question de l’efficacité.

    La social-démocratie voyait ainsi dans le régime un despotisme, mais un despotisme relativisé par le laisser-aller général. La classe ouvrière était la pointe de la modernité dans un pays extrêmement arriéré économiquement, au développement industriel d’une faiblesse inouïe.

    La social-démocratie pensait pour cette raison pouvoir alors se cantonner dans l’affirmation du progrès, sans chercher à le délimiter.

    Robert Musil, le romancier auteur de L’homme sans qualité (190-1932), constatait ainsi avec justesse que :

    « La bourgeoisie s’est depuis la révolution [mettant fin à l’empire austro-hongrois] fermé à tout ce qui a un lien avec la montée politique de la classe ouvrière.

    Pour autant qu’elle n’ait pas sombré dans le désordre des rêveries nationalistes, elle s’est cependant relativement confiée sans limites à la direction déterminée du capitalisme et du cléricalisme.

    S’est ainsi produite la situation paradoxale sur le terrain culturel que la défense et la continuation du cercle d’idées libre-penseur, humain, originellement bourgeois, sont aujourd’hui largement fournies par la social-démocratie contre la résistance des bourgeois. »

    Il fallait cependant voir plus en profondeur et cela ne fut pas le cas : on a la même chose que chez Karl Kautsky qui, bien qu’orthodoxe dans son marxisme, avait une lecture évolutionniste du matérialisme.

    Karl Kautsky, le grand penseur socialiste, pour son 75e anniversaire

    Le parallèle avec le Parti soviétique est ici évident. Sur le fond, la question de l’opportunité de l’insurrection mis à part, il ne semble pas y avoir de différence d’approche entre le Parti ouvrier social-démocrate d’Autriche et la ligne appliquée au même moment par le Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik).

    Une différence existait cependant et devait avoir des conséquences immenses. Si le PCUS(b), grâce à Staline, s’appuyait sur le matérialisme dialectique comme noyau scientifique pour tous les aspects naturels et sociaux, scientifiques et culturels, le Parti ouvrier social-démocrate d’Autriche avait une conception erronée du marxisme, par incompréhension du léninisme.

    Tant qu’il s’agissait de prolonger l’élan social-démocrate, ce Parti agissait de manière fondamentalement correct. Mais dès qu’il fallait approfondir les efforts effectués, les faiblesses émergeaient inéluctablement.

    Karl Marx pour le 50e anniversaire de sa mort
    Prolétaires de tous les pays unissez-vous

    Les éducateurs du Parti baignaient ainsi dans l’idéologie de Mach, du positivisme du « Cercle de Vienne », c’est-à-dire que le rationalisme était opposé à la réaction, sans compréhension des principes dialectiques, de sa valeur pour la nature.

    La psychologie était comprise au moyen des travaux d’Alfred Adler, qui entendait combattre les complexes d’infériorité individuels, et de ceux de Karl Bühler, qui portait son attention sur les enfants. Sur le plan de l’architecture, le Parti se tournait vers le courant de la « nouvelle objectivité », notamment les disciples d’Otto Wagner Josef Frank et Oskar Strnad.

    Victor Adler, qui avait écrit le grand classique social-démocrate qu’est le programme de Hainfeld, relu et corrigé par Karl Kautsky, considérait qu’il comprenait juste assez de la philosophie pour ne rien en dire.

    Les plus jeunes, accompagnaient les découvertes bourgeoises du moment dans le domaine des sciences. Son fils Friedrich Adler se tournait vers Kant, Max Adler vers Mach, Otto Bauer initialement vers Kant, puis vers Mach. Quant à Karl Renner, le représentant de l’aile droite, il ne s’embarassait pas de philosophe, sa démarche étant purement pragmatique.

    Mais tous étaient d’accord pour dire que la philosophie n’était qu’une superstructure, une construction relevant d’un choix personnel laissant de toutes façons, s’imaginaient-ils, intouché la base qui était la vision matérialiste de l’histoire. Otto Bauer, en 1924, dans La vision du monde du capitalisme, résume bien cette approche en affirmant :

    « Ainsi toute la conception mécaniste de la nature avec tous les systèmes philosophiques fondés sur elle est dissoute dans le positivisme moderne et le relativisme.

    Mais quand l’auto-dissolution des visions du monde classiques du capitalisme se complète, elle le fait d’abord encore dans les limites de la pensée bourgeoise. Est encore à résoudre la tâche de libérer la critique moderne de la connaissance de ces limites. »

    Ce sera, dans les années 1960-1980, la position exactement similaire du Parti Communiste français, refus de l’insurrection y compris.

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : le classicisme

    Tout comme en URSS, la social-démocratie autrichienne assumait le classicisme et le réalisme, l’accent étant par contre mis sur le premier, comme prolongement de l’humanisme.

    Les Flamants à Vienne
    Anton Hanak
    Sculpteur – Socialiste – Être humain
    est décédé
    Un sculpteur de notre temps (Anton Hanak)
    La grande exposition artistique à Moscou
    Goethe
    Nexö à Vienne
    Splendeur viennoise fait du travail viennois
    Raphael pour son anniversaire
    Ernst Neuschul, un peintre du travail et des travailleurs
    L’ermitage à Léningrad

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : la romance

    La mise en avant des femmes et du corps va avec une valorisation de la romance, avec un couple égalitaire suivant la camaraderie socialiste.

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : les femmes

    On ne peut pas comprendre l’intense réflexion culturelle de la social-démocratie autrichienne sans voir son insistance sur l’émancipation socialiste de la femme. Celle-ci doit réaliser un vrai saut qualitatif et rompre dans ses mentalités avec la bourgeoisie, afin de développer sa personnalité.

    Cela accompagne l’exigence social-démocrate historique de rationalité, d’élévation du niveau de conscience.

    La barre à gauche !
    Sur les élections tchécoslovaques
    Femmes policières (en URSS)
    Notre calendrier 1933
    Journée de la femme
    La période de la floraison
    La femme comme marchandise
    A l’Ouest et à l’Est, au Sud comme au Nord,
    partout sur la terre
    la femme travailleuse s’est réveillée !
    Une page de roman dans la revue Kuckuck
    En trois longs millénaires, l’esclave de la femme est devenue la belle et égale camarade, au niveau de l’homme
    Journée des femmes !
    La journée des femmes et celles qui ont été ses combattantes d’avant-garde
    Un roman soviétique dans la revue Kuckuck
    On ne nous a pas demandé !
    Notre calendrier 1934
    Les femmes dans le sport
    Deux cent ans d’art de la femme en Autriche
    Les femmes indiennes dans la lutte
    La nouvelle femme
    Nouvelles femmes
    La nouvelle paysanne du Turkménistan
    L’aviatrice Elli Beinhorn
    Une ingénieure électrique russe
    La « Jeanne d’Arc’ polonaise qui a commandé en 1920 un bataillon contre la Russie et qui fait en Amérique de la propagande pour la Pologne militariste, le « gendarme du capitalisme ». L’image dit tout.
    La journée des femmes 1931 à Vienne
    Journée des femmes 1931
    Elle y parvient aussi
    De belles femmes dansent
    Les plus belles femmes d’Europe?
    Un article dénonçant les concours de beauté, qui promeuvent la médiocrité et non la personnalité
    Elle, elle va bien !

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  • L’austro-marxisme et les problèmes de la culture

    La vision de la défense de la culture comme avancée unilatérale au socialisme vit ses soucis réels s’exprimer dans la question du contenu culturel à valoriser dans le domaine de la production.

    La commission artistique du Parti Ouvrier Social-démocrate avait comme bulletin interne Art et peuple ; son dirigeant David Josef Bach soulignait que le capitalisme séparant toujours davantage l’art du peuple, cette contradiction présentait une charge révolutionnaire.

    Lui-même était actif dans la musique, défendant tant l’héritage de Beethoven et Wagner que les oeuvres nouvelles de Gustav Malher et Anton Bruckner, étant par ailleurs proche d’Arnold Schönberg, Anton Weber et Alban Berg, contribuant aussi à mettre en scène Hanns Eisler, Max Reger, Kurt Weill.

    Cela signifie que David Bach faisait au départ jouer l’orchestre ouvrier dans une optique de récupération de l’héritage culturel historique, mais qu’il s’ouvrait d’un côté aux modernistes expérimentateurs et de l’autre aux modernistes « avant-gardistes », c’est-à-dire dans les deux cas à des expressions d’intellectuels bourgeois de gauche et engagés.

    Le siège du quotidien (la Arbeiter Zeitung – le Journal Ouvrier) et de la maison d’édition (Vorwärts – En avant)

    En URSS, le réalisme socialiste répondit à cette problématique ; le Parti Ouvrier Social-Démocrate ne fut pas en mesure d’y faire face. Il y eut donc beaucoup d’énergie, mais allant de pair avec une certaine dispersion, ainsi que de l’éclectisme.

    Il en alla de même dans le domaine théâtral, en raison paradoxalement des grands succès acquis à Vienne.

    En 1908 avait déjà été fondée la Scène populaire libre viennoise, sur le modèle berlinois fondé quant à lui en 1890. Elle publia une revue à partir de 1908, Der Strom (« Le courant »), ses principales figures étant Engelbert Pernerstorfer, Stefan Grossmann, Arthur Rundt, Josef Luitpold Stern.

    En 1922, cet organisme généré par le Parti Ouvrier Social-Démocrate avait déjà 40 000 membres. Mieux encore, dans une période où l’effondrement du régime impérial austro-hongrois avait paralysé les structures bourgeoises, l’initiative permit de conquérir l’hégémonie dans les théâtres. Entre novembre 1919 et février 1923, un million de sociaux-démocrates allèrent au théâtre par l’intermédiaire de la commission artistique s’occupant de la distribution des places.

    « Restructurations »
    Votez social-démocrate !

    Cela signifiait cependant l’absence de choix esthétique approfondi, en raison du besoin de gérer l’ensemble des œuvres dans un contexte de domination du capitalisme.

    Dans la lignée de Schiller et Kant, Josef Bach attribuait bien à l’initial à l’art une fonction révolutionnaire et populaire en soi, ce qui est juste seulement si l’on a une définition de l’art qui corresponde à ce que le matérialisme dialectique appelle le réalisme socialiste.

    Mais il devait assumer, dans le contexte historique, tout un ensemble de productions, y compris de basse qualité, voire n’allant pas dans un sens révolutionnaire.

    Pensez à la loi sur les céréales et votre faim !
    Aucune voix à ceux qui haussent le prix du pain !
    Votez social-démocrate !

    Le polémiste Karl Kraus attaqua pour cette raison vigoureusement le fait que la commission proposa des opérettes et des pièces triviales ; il reprocha également toutes les grandes mises en scènes faites dans les manifestations et cérémonies d’être une « institution concédée par l’État pour la consommation des énergies révolutionnaires ».

    Oscar Pollak, avant de devenir le rédacteur en chef du quotidien du Parti, la Arbeiter Zeitung, dénonça quant à lui la politique de Josef David Bach, plus proche selon lui des intellectuels des fameux cafés viennois que des ouvriers.

    A cela s’ajoutaient les rapports conflictuels : le théâre populaire allemand et le théâtre Raimund eurent de bons rapports avec la commission culturelle du Parti Ouvrier Social-Démocrate d’Autriche, à l’opposé de l’opéra et du théâtre du Burg.

    Parmi les oeuvres ayant le plus de succès dans les oeuvres modernes, il faut notamment citer Ernst Toller avec « Hoppla, wir leben! » (12 000 tickets vendus), Brecht et Weill avec « L’opéra de quat sous » (presque 20 000 tickets), ainsi que Tretiakov avec « Brülle, China! ».

    Il faut ajouter « Gequälte Menschen » de Credé, ainsi que des oeuvres de Leo Lania, Alphons Paquet, Franz Theodor Csokor, Heinrich Mann, Ferdinand Bruckner, Stefan Zweig, Jules Romains, Jaroslav Hasek, Erwin Piscator,

    Votez social-démocrate !

    Mais les oeuvres les plus fréquentées étaient bien entendu celles étant classiques : Gerhart Hauptmann (77 000 tickets vendus), Shakespeare (65 000 tickets), Schiller (54 000), Ibsen (53 000), Anzengruber (51 000), Georg Kaiser (44 000), Bernhard Shaw (38 000), Schnizler (34 000), Nestroy (33 000), Wedekind (33 000), Goethe (27 000), Grillprzer (25 000).

    On notera également que la pièce de théâtre du communiste allemand Friedrich Wolf, Les marins de Cattaro, fut joué à Vienne, mais pas à Berlin, en raison de l’anti-communisme de la social-démocratie allemande.

    Il faut noter aussi l’existence d’un groupe socialiste de spectacle, avec notamment Robert Ehrenzweig, Jura Soyfer, Karl Bittmann, Viktor Grünbaum, Fritz Jahoda, Viktor Weiskopf, Ludwig Wagner, Paul Lazarsfeld.

    « Bilan »
    Votez social-démocrate !

    Il s’agissait de spectacles publics puis surtout d’un cabaret politique, sorte de petit spectacle dénonciateur, ayant tenu plus de 400 représentations, avec des thèmes comme la guerre des paysans en Allemagne, « Guerre à la guerre! », « La lutte du travail », « La fête de l’action de la femme ».

    Lors de la cérémonie d’ouverture du grand stade à Vienne en juillet 1931, le spectacle mit ainsi en scène côte à côte des citations de la Bible et des rapports de la bourse, devant 260 000 spectateurs.

    La chose se reproduisit les 21 et 22 mai 1932, alors que 70 000 personnes se rassemblèrent au stade le 1er mai 1933 pour célébrer culturellement la fête du prolétariat interdite politiquement par le gouvernement.

    Pensez à l’aide hivernale !
    Ne le maissez pas avoir faim et froid

    La problématique culturelle se posa également dans le très vaste système de bibliothèques organisés par la social-démocratie à Vienne. Cette dernière profita de la social-démocratie allemande pour se procurer des romans à faible prix, ce qui fut bien entendu stopper en 1933.

    L’organisation des bibliothèques ouvrières était telle qu’en 1932, trois millions d’ouvrages y avaient été empruntés ; parmi les auteurs les plus lus, on trouve Jack London, Erich Maria Remarque, Émile Zola (surtout pour Nana), Friedrich Gerstäcker, Maxime Gorki, Peter Rosegger, Upton Sinclair, Léon Tolstoï, Ludwig Anzengruber, Ludwig Ganghofer, Arthur Schnitzler, Jules Verne.

    Cela signifie qu’à côté de vrais auteurs, on en trouve à la source de romans d’aventure, divertissants mais sans fonds voire emplis de préjugés, même si les bibliothèques sociales-démocrates refusèrent d’avoir des ouvrages de Karl May, la grande figure du genre du monde germanophone.

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : le corps

    Conformément au soutien à l’URSS et à la mise en valeur de la jeunesse, on a une valorisation du corps, qu’il faut arracher au carcan capitaliste. Cela se situe dans la perspective du soleil et de la natation, mais va au-delà d’une spécificité viennoise, c’est un vrai programme.

    L’idéal corporel d’aujourd’hui
    La danse dans l’air
    Relli fait le poirier
    Rythme – Rythmique
    (un défilé de l’armée rouge, une construction de silos à grains, des instruments joués simultanément)
    La beauté du corps par le sport
    Le mouvement dans le sport
    Une danseuse : Gertrud Kraus
    La Viennoise Gertrud Kraus partit pour la Palestine en 1933
    Le travail sur soi-même
    10 mn de gymnastique quotidienne
    Rester svelte et jeune

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : la jeunesse

    La perception de la social-démocratie autrichienne était que les choses allaient de l’avant, que la victoire allait être prochaine, et que donc la critique de l’URSS ne pouvait qu’être secondaire par rapport à son existence comme pays socialiste. Il y a une ferveur, un optimisme prolétarien, qui se révèle avec son affirmation de la jeunesse.

    Essaie donc, réactionnaire !
    La jeunesse est prête !
    La jeunesse en avant !
    Réunion de la jeunesse
    Liberté !
    Sang jeune

    Jeunesse sérieuse
    A nous ! Que chacun en recrute un second !
    Jeunesse, nous en appelons à toi !
    Avec nous souffle la nouvelle époque…
    Journée de la jeunesse à Eisenstadt
    La beauté et la jeunesse se sont présentées
    Jeunesse d’aujourd’hui
    Le printemps

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : l’URSS

    Si la social-démocratie autrichienne se plaçait dans une perspective humaniste, l’élan amena sa gauche à se développer toujours plus et, de fait, plus les années passent plus l’URSS est ouvertement soutenue. Elle est considérée comme socialiste, et même si le bolchevisme n’est pas considéré comme un modèle correct, ses réalisations étaient saluées.

    En Russie soviétique les femmes sont conductrices de locomotives et chauffeuses
    Un morceau de culture socialiste (le centre moscovite pour la culture et l’éducation)
    La révolution de novembre 1917
    La Russie soviétique émerge
    La révolution de novembre 1917
    Les femmes russes
    Lénine
    Espoirs russes
    L’étonnante Russie
    De la vie russe
    La révolution russe de 1905
    La crise en Russie (il est parlé d’une gigantesque expérience russe, en fait la collectivisation de l’agriculture, dont il est espéré qu’elle se termine vite, mais avec succès)
    Récolte de coton au Turkestan
    Le plan quinquennal russe
    L’armée rouge

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  • L’austro-marxisme comme mouvement culturel

    Les grandes réalisations à Vienne s’accompagnaient de la diffusion de valeurs fortes et la génération d’un nombre très important d’organismes.

    La moitié des députés s’assumaient abstinents concernant l’alcool, alors que des organisations du Parti rassemblaient les joueurs d’échecs, ceux de mandoline, les clubs de danses folkloriques, ceux de chant, les regroupements des collectionneurs de timbres, les amis des animaux (divisés en multiples sections : les amis des oiseaux exotiques, ceux qui aiment les chiens, les éleveurs de poulets, etc.), etc. etc.

    Résultats aux élections parlementaires de 1930, en haut à gauche pour les quartiers de Vienne

    La social-démocratie organisait une contre-société, avec une infinité d’activités. C’était là l’aspect décisif et le journal du Parti, le quotidien du Parti, la Arbeiter Zeitung, pouvait affirmer en 1925 :

    « La communauté socialiste n’a pas le droit d’avoir de brèches, car c’est uniquement en étant sans failles, en saisissant toutes les relations, tous les besoins, tous les inclinations du prolétariat, qu’elle est la communauté accomplie, ainsi en même temps un pressentiment de ce monde que nous voulons construire.

    Nous ressentons le besoin impérieux d’une autre éducation, nous exigeons un autre art, nous chantons d’autres chansons et faisons d’autres sports : ce qui semble couvrir un unilatéralisme de philistins, est en réalité la différence entre la vision capitaliste du monde et la vision socialiste du monde, qui pénètre la vie humaine dans tous les gestes et s’exprime dans tous les rapports et toutes les organisations. »

    La social-démocratie autrichienne réfutait ainsi le principe de l’insurrection, mais considérait pour autant qu’il était dans la nature même de son projet de séparer de manière entière les ouvriers de la bourgeoisie sur les plans spirituel, culturel, social, et donc non pas seulement politiquement.

    Le journal du Parti, la Arbeiter Zeitung, expliquait en 1926 que :

    « Plus le prolétariat semble obligé en apparence de négocier avec le monde bourgeois, plus de manière fière il doit se séparer de lui en son for intérieur. »

    Contre la crise et le besoin
    Pour le travail et le pain
    Votez social-démocrate !

    Dans cet objectif d’arracher les masses à l’hégémonie culturelle bourgeoise, l’Eglise et ses importantes processions baroques était un ennemi d’autant plus important que les fêtes religieuses marquait le calendrier de manière significative. Aussi, la social-démocratie répondit point par point : Noël était célébré comme solstice d’hiver, la fête-Dieu comme fête du printemps, l’intégration dans l’organisation de jeunesse remplaçait la communion. 

    La social-démocratie organisa même la possibilité de procéder à la crémation des morts, afin de s’opposer au rite catholique de l’enterrement, avec le mouvement dénommé la flamme et regroupant pratiquement 170 000 personnes.

    La jeunesse, en avant… avec nous arrive la nouvelle époque! Votez social-démocrate!

    On retrouve évidemment un mouvement de la libre-pensée, avec 40 000 membres, l’organisation des amis des enfants et des écoliers avait 100 000 membres, l’union de la jeunesse ouvrière socialiste 30 000 membres, alors qu’existaient également des mouvements étudiants, de lycéens.

    La centrale d’activités ASKÖ, fondée en 1925, regroupant 200 000 membres, avec comme structures principales les gymnastes, les nageurs, les « amis de la Nature », les footballeurs ; une olympiade ouvrière internationale eut lieu à Vienne en juillet 1931.

    Tout pour l’enfant
    Votez social-démocrate
    C’est ce que vous demande l’association Ecole libre – les amis des enfants

    Le Parti fut en mesure de mettre en place ses cinémas, ses cantines, ses centrales d’achats, un fabrique de pains, etc.; les cyclistes et les motards avaient leurs propres structures ; en 1925 Anton Tesarek fonda les Faucons rouges pour regrouper la jeunesse.

    Le Parti Ouvrier Social-Démocrate d’Autriche fêtait aussi ses propres dates : l’instauration de la république le 12 novembre, le premier mai (le « Noël socialiste »), la révolution démocratique de mars 1848, les martyrs du 15 juillet 1927. Des figures de la science et des artistes, des hérétiques furent honorés lors de leur anniversaire, tout comme les 80 ans du Manifeste du Parti Communiste, les 10 ans de l’Union Soviétique, Karl Marx, Ferdinand Lassalle, l’écrivain Alfons Petzold, etc.

    Parents, votez pour nous
    social-démocrate

    Le socialisme était l’avènement d’une forme de civilisation supérieure, le fruit d’une évolution naturelle. D’où l’absence d’esprit de rupture violent, mais d’où l’esprit de rupture culturelle. C’est là, bien entendu, ni plus ni moins que le fruit direct de l’analyse de Karl Kautsky, qui s’opposait pareillement tant aux réformistes qu’à Lénine au nom d’un marxisme à prétention évolutionniste.

    Voici comment Otto Bauer, l’idéologue de la social-démocratie autrichienne, formulait la manière dont la classe ouvrière accomplit une évolution historique naturelle :

    « Aussi bien de type nouveau que sera cette culture, elle sera pourtant l’héritière de toutes les cultures passées. Tout ce que les êtres humains ont pensé et imaginé, déclamé comme poèmes et chanté, sera désormais héritage des masses.

    Leur propriété sera ce qu’il y a des siècles un troubadour a chanté à une fière princesse, ce que l’artiste de la Renaissance a peint pour le riche marchand, ce que le penseur de l’époque pré-capitaliste a pensé pour une couche étroite de gens cultivés.

    Ainsi, les gens de l’avenir forment leur propre culture à partir de l’héritage des anciennes œuvres et des nouvelles œuvres contemporaines. Et cette culture sera la possession de tous, comme base définissante du caractère de chacun et unifie ainsi la nation comme caractère commun. »

    La base de cette approche est indéniablement marxiste, avec la grande thèse de l’héritage qui sera justement particulièrement soulignée par Staline. Cependant, ce dernier et le matérialisme dialectique dans son prolongement accordent une grande importance à la délimitation de ce qui relève de la culture, dans le sens démocratique, et ce qui relève de l’idéologie décadente de la bourgeoisie.

    Ho hisse à gauche
    Ho hisse à gauche
    Votez social-démocrate !

    Tant que la social-démocratie autrichienne était portée par la classe ouvrière, les problèmes pouvaient ne pas être trop visibles, mais au moindre accroc l’absence de délimitations culturelles devait être fatale, non pas tant face aux austro-fascistes du type catholique-clérical que face aux nationaux-socialistes.

    La social-démocratie autrichienne considérait que la culture était quelque chose de survolant la réalité, qu’elle était en quelque sorte la civilisation elle-même, que donc la classe ouvrière prenait passivement mais consciemment la place de la bourgeoisie sur ce plan. Max Adler formule la chose de la manière suivante :

    « Le socialisme n’est, au fond, en rien un mouvement ouvrier en tant que tel, mais un mouvement culturel, et le mouvement de cette culture consiste en cela que le socialisme réalise la culture par les ouvriers mis en mouvement, qu’il fait se mouvoir la culture vers les ouvriers et entend par eux continuer son mouvement. »

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : l’enfance

    La mise en place des nouvelles installations amena également une attention fondamentale à la question de l’enfance, de sa protection, de son développement. Ce fut un aspect essentiel du moteur culturel de Vienne la rouge.

    Rêves de Noël irréalisables
    La nouvelle enfance
    Aidez des enfants victimes de la faim à préparer des vacances joyeuses!
    Noël 1930
    Les enfants le soleil l’eau
    Hop dans l’eau !
    Qu’ont fait les noirs [=la droite] pour les enfants? Que font les rouges?
    A qui appartiennent ces beaux cadeaux de Noël ?
    Enfants viennois
    Noël des uns et des autres
    Bientôt les vacances !
    Les piscines des plus petits
    Le premier jour d’école

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : le soleil et la natation

    La mise en place de Vienne la rouge s’accompagne d’une valorisation systématique du soleil et de la natation, avec un certain esprit naturiste. Les prolétaires doivent se sentir bien dans leur peau et l’épanouissement passe par des activités physiques dans un cadre agréable, à la fois personnel et collectif.

    Des fées aquatiques
    On saute et hop dedans
    Visitez la plage ouvrière de l’association de natation à Vienne
    L’heure du bain
    Le sable, le soleil, les vagues, la danse
    L’eau, l’air et la joie
    Le dimanche des Viennois
    La joie par 30 degrés et plus
    Premier jour de bain
    Dans le bateau pliant
    La plage viennoise
    De l’école de natation au bain familial
    La Lobau, une zone au nord de Vienne
    Dans la Lobau

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : Vienne la rouge

    La ville de Vienne, bastion ouvrier formant une forteresse social-démocrate, eut tendance à écraser l’identité du Parti, de par son ampleur. Les réalisations se voulaient un programme d’envergure nationale, mais la situation était bien différente dans le reste du pays, largement paysan. Le Parti ayant rejeté le bolchevisme, il ne fut pas en mesure d’intégrer suffisamment la question paysanne, emporté par son élan viennois.

    Le travail, le pain et la paix ! Le programme social-démocrate (à l’arrière plan le HLM Karl Marx)
    Vienne La ville rouge aux millions d’habitants et l’espoir et l’affirmation des peuples travailleurs de tous les pays capitalistes du monde C’est pourquoi Vienne restera toujours rouge !
    Bienvenue à Vienne la rouge (pour les olympiades ouvrières)
    Vienne la rouge (la mairie, le HLM Karl Marx, un autre HLM)
    60 000 [logements] jusque-là, cela doit devenir 80 000 !
    C’est à ses fruits que vous reconnaîtrez le budget de Vienne la rouge

    Dix années de la nouvelle Vienne
    [Une présentation de Vienne avant 1914]

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  • L’austro-marxisme et Vienne comme modèle socialiste

    Ce qui caractérise la social-démocratie autrichienne, c’est qu’elle a conservé sa base de masse qui était la caractéristique du mouvement social-démocrate d’avant 1914, mais qu’en plus elle s’affirmait comme voulant faire de l’Autriche un pays socialiste à court terme. 

    Aux élections parlementaires, la social-démocratie était une formation puissante, obtenant 40,76 % des voix en 1919, 35,99 % en 1920, 39,60 % en 1923, 42,32 % des voix en 1927, 41,14 % des voix en 1930. 

    En 1921, le syndicat lié à la social-démocratie obtenait 83,9 % des voix, 78,8 % en 1926, contre 11,8% puis 10,4 % aux catholiques, 1,4 % puis 7,8 % aux nationaux, 2,7 puis 2,8 % aux communistes, les « neutres » obtenant à chaque fois 0,2 %

    En 1919, le Parti Ouvrier Social-Démocrate a 332 391 membres, dont 76 165 à Vienne. En 1921, il en a 461 150 dont 188 379 à Vienne. En 1924, il en a 566 124 dont 266 415 à Vienne. En 1929, il en a 718 056 dont 418 055 à Vienne. En 1932, il en a 648 497 dont 400 484 à Vienne.

    Un HLM mis en place dans Vienne la rouge : Vive Vienne la rouge !

    Cela signifie que dans la capitale autrichienne, pratiquement la moitié des hommes adultes et presque le cinquième des femmes adultes étaient membres du Parti. En avril 1927, 79% des hommes et 35% des femmes ayant voté social-démocrate en étaient des membres organisés. La part des femmes augmentait également : elles formaient 21 % des membres en 1919, 34 % en 1932.

    Cela signifie que la ville disposa immédiatement d’une majorité social-démocrate, avec une énorme base. Lors des premières élections communales générales à Vienne, le 4 mai 1919, la social-démocratie obtint 100 des 165 mandats, les catholiques en obtenant 50, le parti tchéquoslovaque 8, les pangermanistes 4, les nationaux juifs 3.

    Ce fut le point de départ de Vienne la rouge. Initialement une région, la ville devint pratiquement indépendante de la région dès 1918, ce qui fut rapidement formalisé.

    Une piscine publique de Vienne la rouge

    La municipalité social-démocrate allait prendre toute une série de mesures pour la santé des masses, alors que la situation était catastrophique.

    La ville, en tant que capitale impériale, avait grandi de manière disproportionnée, pour voir sa population reculer à la fin de l’empire : Vienne avait 840 000 habitants en 1869, 2,2 millions en 1915, 1,8 million en 1918.

    Les conditions de vie y étaient effroyables. En avril 1917, la ville de Vienne disposait de 554 544 appartements. 405 991 d’entre eux consistaient en une chambre et une petite pièce appelée cabinet au grand maximum, avec éventuellement une cuisine, contenant une baignoire parfois. Dans le monde germanophone, la tuberculose était surnommée « la maladie viennoise ».

    Pour cette raison, les réalisations de Vienne la rouge concernent cinq aspects majeurs.

    L’opposition entre la construction de logements sociaux à Vienne et une villa recevant des aides étatiques

    Il y a tout d’abord des mesures sociales concernant directement la vie quotidienne, permettant de faciliter l’accès au gaz, à l’eau, à l’électricité, à une médecine préventive, en particulier pour les enfants et les jeunes (avec un paquet de linge gratuit pour chaque nouveau-né).

    Furent également construits, dans une perspective de santé sur cette base sociale, des piscines, des terrains de sport. C’est le conseiller municipal Julius Tandler qui s’occupait de ces deux aspects, ces domaines du social et de la santé.

    C’est le marxisme : voilà à quoi ressemble une salle de classe d’une nouvelle école

    Une grande attention fut accordée à l’éducation, avec une école générale pour tous les jeunes de dix à quatorze ans, une amélioration des formations, des fournitures gratuites pour les écoliers, des cours du soir pour les travailleurs. C’est le conseiller municipal Otto Glöckel qui s’occupait de cet aspect.

    Une nouvelle école, en périphérie de Vienne, dans la ville d’origine de Otto Glöckel, le théoricien de la réforme scolaire démocratique de Vienne la rouge

    Les productions architecturales forment l’un des aspects les plus connus, ayant une résonnance mondiale. En 1924, 2 478 logements avaient été construits, en 1925 6 837, en 1926 9 034. A la fin de l’années 1933, 55 667 logements avaient été construits au total depuis le lancement du projet en 1924, 66 270 si l’on part de 1919.

    Cela voulait dire qu’entre 1/10 et 1/8 des habitants de Vienne habitaient dans des logements sociaux construits par la mairie social-démocrate, mieux encore : dans un environnement socialisé par la social-démocratie.

    Ces constructions associaient en effet parcs, jardins d’enfants, douches, laveries, bibliothèques, voire des piscines ; Vienne la rouge obtenait une organisation urbaine de plus en plus socialisée, dont les grands symboles étaient les blocs de HLM (« Hof »), le plus fameux étant bien entendu le Karl Marx Hof.

    Le Karl-Marx-Hof

    Enfin, la politique d’impôts, gérée par Hugo Breitner, frappait les salaires de manière progressive, à quoi s’ajoutait une taxe sur le luxe. D’origine juive, Hugo Breitner était victime d’une intense propagande chrétienne antisémite ; le ministre de l’intérieur et chef des milices catholiques l’aristocrate Ernst Rüdiger Sterhemberg n’hésita pas lors des élections de 1930 à expliquer que « notre victoire n’aura lieu que lorsque la tête de cet asiatique roulera dans le sable ».

    Le HLM Goethe

    ll est à remarquer la ville de Vienne, qui devint rapidement une région ce ui renforça la main-mise social-démocrate locale, fut confrontée à une vague de « colonisation », c’est-à-dire de constructions illégales de petites maisons avec jardin. L’initiative partait du mouvement en faveur des jardins, mais se renforça par le besoin des habitants de la ville de trouver un endroit digne pour vivre.

    A cela s’ajoutait bien entendu la question alimentaire, puisque un jardin permettait une petite autosuffisance. La question de la santé était également un argument utilis par ce qui devint un véritable petit mouvement. Les petites colonies avaient des noms témoignant de la dimension utopique du projet : Nouvelle Hawai, Eden, Nouvelle Floride, Nouveau pays, En avant, L’avenir, etc.

    La mairie socialiste fit en sorte de légaliser la « colonisation » et de fournir du matériel de construction peu onéreux. Les logements construits par 31 grands architectes, la Werkbundsiedlung, eut également un retentissement international. Mais sur le fond il se posait le problème de voir une partie des prolétaires se précipiter dans une sorte d’utopie agraire reposant sur la petite propriété, affaiblissant la cause socialiste.

    L’inauguration du HLM Friedrich Engels

    Les catholiques appuyèrent d’ailleurs idéologiquement le mouvement en demandant évidemment l’absence d’interférence étatique et partidaire, suivant le principe que seule la propriété rendait libre et suffisait en cela. Il se forma alors un double mouvement d’organisation des colons, certains étant reliés à des organismes « rouges », tandis que d’autres étaient liées aux catholiques célébrant la propriété.

    En pratique, la social-démocratie maintint l’hégémonie, mais l’idéologie du « nain de jardin » rendit très passif les colons, qui s’imaginaient vivre en quelque sorte parallèlement à la ville. Il existait cependant des courants directement ancrés dans le mouvement prolétarien, exigeant que la grande ville cède la place à de nombreux espaces pour des jardins. L’un des théoriciens fut l’Allemand Hans Kampffmeyer, qui vint à Vienne alors que dans son pays, le mouvement était idéologiquement très morcelé.

    Aidé par le psychologue Otto Neurath, Hans Kampffmeyer se retrouva au centre d’un dispositif général, où la mairie générait une centrale d’achats des « colons » aboutissant à des petites productions (bois, ciment, etc.) elles-mêmes centralisées, épaulées par des crédits fournies par la ville elle-même.

    Au final, cela produisit une vague de coopératives existant jusqu’à aujourd’hui à Vienne. Les oopératives construisent des logements qu’on peut habiter en échange d’une appartenance à la coopérative et d’un loyer pour l’entretien. On peut par la suite mettre son logement sur une sorte de bourse d’échange pour littéralement le « troquer » avec quelqu’un d’autre de la même coopérative.

    Dans le quotidien du Parti la Arbeiter Zeitung, on pouvait lire en juillet 1931:

    « Vienne est une ville social-démocrate, traversé dans tous ses pores par l’esprit socialiste, la volonté prolétarienne, une ville rouge de part en part, pas seulement dans sa direction et son administration, mais dans sa vie, dans son sang, dans ses nerfs. »

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  • La vision du monde de l’austro-marxisme : le premier mai

    Le premier mai à Vienne
    Le premier mai à Vienne
    Sport ouvrier du premier mai
    Images de la fête viennoise du premier mai
    Le premier mai appelle !
    Sport viennois le premier mai
    Le premier mai [à Vienne]
    Le premier mai à Vienne
    Vienne le premier mai
    Le premier mai à Vienne
    Le premier mai à Vienne

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