Collectif des prisonniers révolutionnaires des Brigades Rouges : L’Union Soviétique est une formation sociale de type capitaliste

[Après la grande bataille politique de la seconde moitié des années 1970, les Brigades Rouges se retrouvaient coincées : si elles avaient rejeté en pratique le révisionnisme du Parti « Communiste » italien, elle étaient loin d’avoir une base idéologique suffisamment développée pour être à même de le remplacer au cœur des masses.

Or, ne pas y parvenir, c’était basculer dans le militarisme et le subjectivisme. C’est dans ce cadre que les membres emprisonnés des « BR » rédigent en 1980 leur grand ouvrage d’économie politique, intitulée L’abeille et le communiste, sur le base du marxisme-léninisme reconnaissant Mao Zedong comme son représentant le plus avancé.

Le présent document appartient à ce contexte ; deux points sont aussi à souligner.

Tout d’abord, de manière propre à l’Europe de l’ouest alors, la thèse maoïste du capitalisme bureaucratique et du semi-féodalisme est inconnu.

A l’opposé de la Fraction Armée Rouge allemande qui considère que l’URSS a un rôle révolutionnaire passif et a un impact positif pour les « Etats nationaux » et leur développement, les BR voient bien que cela ne va pas du tout et que le social-impérialisme soviétique est une force d’exploitation et d’oppression.

Mais elles ne parviennent pas à voir autre chose qu’une « exportation » du « modèle soviétique », tout en comprenant en même temps que cela ne serait pas valable pour l’Italie capitaliste : c’est ici la problématique semi-coloniale des pays opprimés qui n’est pas vu.

Le second point concerne la restauration du capitalisme en URSS. Tout comme les autres forces progressistes en général en Europe de l’Ouest alors, les br ne connaissaient pas les débats idéologiques et culturels concernant le matérialisme dialectique lors de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ; c’est Gonzalo au Pérou qui a compris la question de la bataille idéologique et culturelle pour la superstructure.

Partant de là, les BR devaient reculer la date des problèmes en URSS et en Chine populaire, jusqu’à basculer dans le gauchisme traditionnel considérant que le « ver est dans le fruit » à la base, dès les années 1920, etc.

Cela fut l’un des aspects du basculement dans le gauchisme, un autre étant la réduction de la crise générale du capitalisme à une surproduction du capital.]

Collectif des prisonniers révolutionnaires des Brigades Rouges,
prison de Palmi, février 1980

L’Union Soviétique est une formation sociale de type capitaliste

Le sujet de notre travail n’est pas l’analyse-critique de l’U.R.S.S. « en tant que Pays socialiste » comme si l’Union Soviétique était une formation socio-économique inconnue et inexplorée encore à l’heure actuelle: en réalité une étude avec des prémisses pareilles rentre dans des domaines différents de ceux que nous posons à la base de notre enquête politique.

De ce point de vue, la critique pratique des camarades chinois, indépendamment des aboutissements contre-révolutionnaires de la Révolution chinoise, représente aujourd’hui encore un patrimoine, non seulement pas encore atteint ailleurs, mais définitivement acquis.

Et ce n’est pas non plus l’analyse du « social-mpérialisme », parce que même en y recourant, nous ne considérons pas la catégorie du « social-impérialisme » comme une catégorie valable, capable de rendre compte, de façon exhaustive, de la complexité de la formation soviétique.

Qu’est que c’est en effet, que le « social-impérialisme » ? Pour les camarades chinois, qui en premier ont utilisé ce terme, le « social-impérialisme est socialisme dans les paroles et impérialisme dans les faits ».

Cette définition est inadéquate au moins sous deux aspects: en premier lieu parce qu’elle laisse entendre que l’impérialisme est une politique, un comportement, et non comme il l’est, dans la réalité, une phase du développement du capitalisme (celle de la surproduction du capital).

Ce n’est donc pas par hasard que la critique chinoise du « modèle soviétique » soit devenue, surtout après la mort de Mao, une critique de la politique étrangère de l’U.R.SS., qui s’enracine et trouve ses motivations dans l’agressivité traditionnelle de l’« Ours russe » (sic !).

En second lieu parce que cette définition reconnaît comme principale contradiction de la formation soviétique celle entre une structure économique de type capitaliste et une superstructure idéologique de nature socialiste, ce qui, au moins, simplifie excessivement une réalité bien plus complexe et beaucoup moins schématique.

Même si l’idéologie joue, en U.R.S.S., un rôle dominant et spécifique, le fait de réduire l’originalité du « modèle soviétique » à la contradiction entre l’idéologie (à son tour conçu comme « Le parti ») et l’économie veut dire résoudre le problème de la restauration du capitalisme en Russie en faisant appel à la théorie bourgeoise du « complot », de la « conjuration de palais », qui aurait amené, par le seul meurtre de Staline et par la prise pure et simple du pouvoir à l’intérieur du Parti, à remplacer la dictature du prolétariat par celle de la bourgeoisie.

Même si cette interprétation saisit une partie de la vérité, elle est néanmoins largement insuffisante, en considérant que le matérialisme historique n’est pas une « théorie marxiste des coups d’Etats »….

Quel est, alors, l’objet de notre travail ?

Nous nous proposons, fondamentalement, d’analyser comment le mode de production capitaliste opère dans la formation socio-économique soviétique; dans quelles conditions spécifiques et avec quelles formes originales.

Du point de vue de la méthode, donc, notre enquête a pour but la démonstration d’une thèse politique qui représente à la fois notre point de départ et notre point d’arrivée: c’est-à-dire que l’U.R.S.S. est une formation de type capitaliste.

Mais tout cela n’est pas encore suffisant pour distinguer notre travail d’un travail avec des finalités purement théoriques, si nous n’ajoutons que la tache principale que nous nous posons est celle d’analyser comment le capitalisme agit en Union Soviétique, avec quels mécanismes et avec quelles caractéristiques.

A l’intérieur de cette problématique, une place centrale est occupée pas la question de la crise, en particulier le rapport entre l’existence de la crise et sa façon de se manifester. C’est, en fait, à partir de la compréhension de la nature de ce rapport qu’il devient possible de donner à notre étude sur le capitalisme en U.R.S.S. une orientation qui le rende fonctionnel aux intérêts et eux exigences politiques de la lutte révolutionnaire aujourd’hui dans notre pays.

Tachons de mieux nous expliquer.

Certains camarades pourraient répliquer que la question du « social-impérialisme » ne représente pas une question décisive pour la révolution en Italie, au moins parce que notre principal ennemi est l’impérialisme et que de toute façon notre pays ne rentre pas dans la sphère d’influence Soviétique.

Cette remarque, apparemment fondée et irréprochable, oublie en réalité soit que le cours de la lutte de classe en Italie dépend de mesure toujours croissante du cours de la crise capitaliste au niveau international et par conséquent de l’affrontement entre les deux superpuissances (mieux, entre les deux zones capitalistes fondamentales, celle dominée par les États-Unis et celle sous hégémonie de l’U.R.S.S. ), soit que la révolution doit forcement avoir une capacité de prévision, et partant d’anticipation de telle manière à pouvoir permettre, a travers une analyse rigoureusement marxiste, de repérer ce que sont les ennemis futurs, même s’ils n’apparaissent pas aujourd’hui en tant que tels.

En substance ce qui justifie notre intérêt pour l’U.R.S.S. est soit la certitude, fondée de manière marxiste, que la guerre inter-impérialiste, indépendamment des formes concrètes qu’elle prendra, sera le débouché inévitable à la crise actuelle de surproduction et que cet événement, directement ou pas, est destiné à nous impliquer; c’est-à-dire la conviction, appuyée sur l’expérience historique du prolétariat international, qu’il est illusoire de penser pouvoir battre un impérialisme en feignant que l’autre n’existe pas, ou encore pire en s’appuyant sur lui.

Ces prémisses une fois affirmées, il devient maintenant plus aisé de tracer les lignes générales de notre schéma concret de travail.

Il y a deux orientations que nous voulons privilégier: la première concerne le domaine de la théorie économique soviétique dans son processus contradictoire de formation; la seconde les étapes les plus significatives du déroulement historique de la formation sociale et politique russe.

La nécessité de définir ces domaines d’enquête principaux ressort de la complexité et en même temps de la spécificité du « modèle soviétique », comme de l’étroite interdépendance entre politique et économie, superstructure et structure qui se réalise originellement à l’intérieur de ce modèle (l’exemple soviétique est un exemple pratique non seulement de la relative autonomie de la sphère de la superstructure, mais aussi et surtout du caractère décisif qu’elle peut prendre dans des périodes déterminées dans des situations historiques déterminées).

En ce qui concerne le premier domaine de recherche, notre attention sera concentrée sur la catégorie de la planification et sur la façon dont elle opère concrètement en Union Soviétique. Ce choix n’est pas arbitraire, mais il dérive de notre intention de critiquer le révisionnisme soviétique en partant de son point de vue même et en retournant contre lui les mêmes instruments théorico-politiques qu’il utilise pour se justifier et pour se préserver.

Il est connu que les économistes soviétiques, ceux qui font partie de la dictature du prolétariat comme les économistes actuels, repèrent dans le plan la différence substantielle entre une économie capitaliste (dominée par l’anarchie de la production et du marché) et une économie de transition (économie planifiée).

S’il est vrai que c’est sa possibilité de planification qui contre-distingue une économie socialiste (ici et ailleurs nous utilisons indifféremment le terme « socialiste » et celui de « transition », même si seulement ce dernier nous apparaît correct vu que le socialisme existe seulement comme « phase inférieure du communisme », comme transition du capitalisme au communisme, donc il n’y a pas de sens à parler ni de société « socialiste » ni encore moins de « mode de production socialiste »), cela signifie que les économistes russes considèrent comme la contradiction principale et spécifique de tout mode de production celle entre production et consommation: tandis que dans le capitalisme cette contradiction opère réellement comme telle, dans le socialisme elle ne peut pas jouet un rôle décisif parce que le plan en étouffe les effets, en exerçant une fonction d’équilibre.

Ce genre de position théorique est tirée d’une lecture incorrecte et partielle du « Capital » de Marx et sous-tend une conception de la crise vue comme une « crise de disproportion » et non pas de surproduction absolue de plus-value – capital.

C’est à cause de cela que notre recherche partira des schémas de reproduction élargie et d’accumulation du IIe livre du « Capital », que nous étudierons avec le but de lire, dans l’interprétation qui a été donnée d’eux par les épigones de Marx et par les révisionnistes soviétiques, l’origine des modèles économiques qui sont appliqués en U.R.S.S., en vérité avec peu de succès.

Nous récupérerons aussi, en outre des schémas marxiens du IIe livre, les catégories de « valeur » et de « valeur d’usage », « composition technique et composition en valeur » et « fétichisme » pour voir dans quelle manière elles ont été interprétées et utilisées concrètement en Union Soviétique.

Mais comment voulons nous finaliser ce type de recherche-récupération des instruments fondamentaux de l’analyse marxiste?

Nous voulons démontrer qu’une économie basée sur la production de valeur d’échange et donc sur l’extraction de plus-value du travail salarié n’étant pas planifiable, celle soviétique est dans la réalité (et non seulement dans la conscience que ses théoriciens en ont) une économie capitaliste et par conséquent passible de crises périodiques de surproduction.

Le problème de repérer comment les crises se manifestent (et dans quels secteurs productifs) introduit et renvoie à l’exigence de saisir les racines structurelles de l’expansionnisme soviétique. L’impérialisme n’étabt pas une « politique », mais une nécessité économique, on en tire qu’il doit exister un rapport entre crises économiques internes et recrudescence de l’agressivité internationale de l’U.R.S.S. : ce réseau critique est utile soit pour la compréhension du passé (invasion de la Hongrie, de la Tchécoslovaquie, de l’Afghanistan, etc.), soit pour la prévision du futur, c’est-à-dire des temps, des formes et des zones géographiques où se manifesterons les tentatives de pénétration soviétiques.

La question de la crise, nous disions, se rattache i la question de la politique étrangère russe.

Nous tâcherons d’aborder ce dernier sujet en n’ayant pas recours aux armes de la critique moraliste (nous ne reprocherons donc pas à l’U.R.S.S. d’entretenir des rapports économiques privilégiés avec l’Argentine de Videla ou des liens diplomatiques avec la clique fasciste de Lon Nol : ces critères de jugements sont appropriés aux idéalistes et malheureusement, aux camarades chinois qui, justement, les voient maintenant se retourner contre eux mêmes), mais plutôt à celles du matérialisme historique.

Comme tout impérialisme, de même l’impérialisme soviétique avec le capital excédant exporte aussi un modèle de société (et les contradictions qui lui sont propres). Le rapport préférentiel avec les Pays du Tiers Monde, rapport qui fait de certaines zones géographiques déterminées autant de zones de pénétration pour l’impérialisme soviétique, se justifie tout à fait avec la nature de ce modèle, avec sa supériorité, du point de vue des exigences et des problèmes des pays en voie de développement, par rapport aux modèles capitalistes « traditionnels ».

Le « modèle soviétique » est à la fois un modèle de développement économique accéléré et intensif, d’équilibre social et fortement justifié idéologiquement.

L’U.R.S.S., en fait, exporte sa propre expérience historique d’accumulation originaire (celle qu’un économiste russe des années 1920 -E. Preobrajenski – définit comme « accumulation socialiste ») valable, compte tenu des résultats obtenus, pour tous les pays qui veulent parcourir à marches forcées la voie de l’industrialisation sans dépendre des aides économiques de l’impérialisme occidental.

La supériorité du modèle soviétique, en outre, est donnée par sa stabilité sociale (par rapport aux Etats à « démocratie bourgeoise », ceux à soi-disant « démocratie populaire » sont indéniablement beaucoup plus « gouvernables » et beaucoup moins sujets aux déchirantes tensions de classe) et par le fait d’ être, du point de vue de la crédibilité et de l’organisation du consentement, idéologiquement motivé : ce n’est pas par hasard d’ailleurs que les dirigeants des Pays du Tiers Monde pro-soviétiques sortent des luttes de libération anticolonialistes et anti-impérialistes.

Mais, avec un modèle, l’ U.R.S.S. exporte aussi les contradictions qui lui sont propres, en premier lieu la tendance à la guerre qui naît du déséquilibre dû à la présence d’une industrie lourde développée de façon hypertrophique, périodiquement au-delà de la limite de la surproduction : Cuba, le Yémen du Sud, l’Éthiopie, la Libye, le Vietnam en étant que des confirmations.

Nous nous n’étendrons pas davantage sur ce sujet. qui sera l’objet d’une recherche spécifique. Néanmoins, avant de procéder plus loin, nous jugeons bien d’aborder un problème dont l’approfondissement sera notre tâche : si celles que nous avons esquissées auparavant, à grands traits, sont les caractéristiques du « modèle soviétique », comme il est exporté sur les tourelles des chars d’assaut russes, il est immédiatement évident que ce modèle est tout à fait inadéquat pour les pays capitalistes où le développement des forces productives a atteint des niveaux très élevés.

C’est-à-dire, si on avait une pénétration soviétique, par exemple en Europe, et en Italie en particulier, cette pénétration ne pourrait pas se dérouler par l’exportation du « modèle soviétique » désormais traditionnel, mais devra assumer d’autres formes, différentes même de celles « classiques » de l’impérialisme occidental (à cause du niveau très bas de l’industrie soviétique sur le marché international et de la présence presque inexistante du capital financier russe à l’étranger).

En d’autres termes, un groupe dirigeant national dans les pays occidentaux ne pourra probablement pas être attiré par l’exemple soviétique, pour ainsi dire, librement, sans être contraint avec la force des armes, c’est-à-dire, sans une occupation militaire de la part des envahisseurs. Mais celle-ci est seulement une hypothèse, qu’on doit vérifier ou qu’on doit démentir à partir de la démonstration d’une thèse alternative.

En résumé, en conclusion: notre enquise, sur la façon dont l’existence et la domination du capitalisme en U.R.S.S. se manifeste se concentrera surtout sur le problème de la planification (en termes théoriques cela entraînera de reprendre les schémas du deuxième livre du Capital et de les comparer à l’interprétation incorrecte que les économistes soviétiques en ont donnée, en répondant aux questions: une économie planifiée est elle exempte de crises ? Est-ce qu’on peut planifier une économie fondée sur la valeur d’échange ?) pour s’étendre à la question de la crise, des formes et de la périodicité de sa manifestation et à la détermination des secteurs productifs qui, avant les autres et plus directement, sont impliqués.

Il ne nous intéresse pas, par conséquent, de radiographier l’économie soviétique en soi, sinon dans la mesure où cela se révèle fonctionnel à la compréhension et à l’explicitation des thèmes que nous avons indiqués comme centraux et prioritaires.

Du point de vue historico-politique une position convaincante sur l’étude du capitalisme en U.R.S.S. doit, nécessairement, tenir compte, à partir des prémisses, de la question de comment a été possible la restauration de la domination de classe de la bourgeoisie après et malgré la révolution d’ Octobre, sans tomber dans l’historiographie « alternative » ou dans la reconstruction sans buts précis de la dégénérescence progressive de la « formation idéologique bolchevique ».

Tour cela dit, nous estimons d’importance fondamentale le fait de saisir les mécanismes et les moments de changement qui, à notre avis, sont décisifs pour comprendre correctement comment des limites objectives et des erreurs théoriques ont, par la suite, mené à la direction du pays les cliques révisionnistes de Khrouchtchev d’abord et de Brejnev-Kossyguine après.

En ce sens, le point de départ de notre enquête sera l’analyse de la nature et de la composition de classe du groupe dirigeant soviétique actuel, dont nous chercherons de reconstruire, remontant dans le temps, les lignes essentielles de formation et d’auto-reproduction.

Cette couche privilégiée est représentée par une bourgeoisie monopoliste bureaucratique (ce sera notre tache particulière que de motiver l’emploi et le sens de cette catégorie) qui connote la machine de l’État et qui occupe une position dominante dans le parti, dans le gouvernement et dans l’armée.

Du point de vue idéologique, la bourgeoisie soviétique a élaboré, en déformant le marxisme-léninisme, une conception qui la nie en tant que classe et qui affirme le franchissement des contradictions de classe par le concept de « peuple » à l’intérieur de la « nation ».

Dès maintenant, de toute façon, nous reconnaissons dans cette bourgeoisie bureaucratique-monopoliste trois composantes principales: l’appareil de l’année, important pour ses relations avec les secteurs de l’industrie plus directement reliés à la production de guerre (les scientifiques inclus): l’appareil du parti qui, en tant qu’instrument de la dictature du prolétariat est, d’une partie, le lien privilégié où se manifeste la lutte de classe entre la ligne capitaliste et la ligne socialiste (comme Mao disait: « …la bourgeoisie est même dans le parti communiste, ce sont les éléments au pouvoir au sein du parti qui se sont engagés dans la voie capitaliste et qui poursuivent leur chemin… »), et de l’autre, en tant que « dépositaire unique de l’idéologie », l’auteur principal et actif de la restauration capitaliste.

De ce dernier point de vue il faudra tenir compte de la critique théorico-pratique de quelques thèses caractéristiques de la formation idéo logique soviétique à l’époque de Staline, qui ont constitué les prémisses pour la reconquête du pouvoir par la bourgeoisie, même sur ce terrain.

C’est-à-dire: la thèse qui établit une identité entre les formes juridiques de propriété et les rapports réels de production pendant le socialisme; la thèse qui attribue aux forces productives et non pas à la lutte de classe le rôle de « moteur de l’histoire », et la thèse qui justifie le renforcement de l’Etat soviétique non pas à travers le durcissement de l’engagement de classe à l’intérieur, mais au contraire à cause de la menace extérieure de l’impérialisme et de l’encerclement international.

Et, finalement l’appareil d’Etat, surtout les techniciens et les managers.

Il est préliminaire et introductif dans ce genre de travail de recourir nécessairement à quelques catégories fondamentales du matérialisme historique, c’est-à-dire celles de « mode de production », de « formation économique-sociale déterminée », de « classe sociale », de « bureaucratie », de « société de transition » et de structure – superstructure ».

D’autre part, nous sommes conscients que la critique historique-politique-idéologique du « modèle soviétique » a atteint, sur les traces et à partir de l’exemple chinois, des niveaux relativement avancés et exhaustifs, en comparaison desquels notre contribution particulière risquerait de se révéler complètement insignifiante si elle se limitait à rabâcher les thèmes et les sujets déjà abordés abondamment par d’autres avant nous.

En réalité, nous répétons que notre objectif n’est pas de critiquer les thèses sur l’U.R.S.S. en tant que « pays à socialisme réalisé », mais plutôt de repérer les mécanismes et les modalités de fonctionnement (et par conséquent mime les contradictions pratiques) de la société soviétique.

Sur le plan de la méthode, nous formulons, comme hypothèse de départ, cette périodisation historique:

– 1926 – Débat sur l’industrialisation en U.R.S.S..
Le socialisme dans un seul pays.

– 1928-’32 – Premier plan quinquennal.

– 1936 – Approbation de la nouvelle constitution de l’U.R.S.S..

– 1946-’50 – Quatrième plan quinquennal.
– Le problème de la reconstruction de l’économie.

– 1953-’56 – Mort de Staline et coup d’Etat révisionniste.
XXe Congrès.

– 1961 – Adoption du troisième programme du P.C.U.S..
– Programme d’édification du communisme.

– de 1965 – Approbation de la loi sur la nouvelle réforme économique (réforme Kossyguine).
Chute de Khrouchtchev.

Cette schématisation rend nécessaire deux éclaircissements.

Avant tout, elle est tirée pas une périodisation plus générale entre la période de la dictature du prolétariat (de la Révolution d’Octobre jusqu’à la mort de Staline) et la période de la restauration bourgeoise (du XXe Congres jusqu’à présent).

En deuxième lieu les dates dont elle est formée ne sont pas choisies arbitrairement, mais elles correspondent aux moments décisifs de transformation de la formation socio-économique soviétique. Plutôt que de vérifier ce qui arriva dans ces périodes déterminées, il nous préoccupe d’étudier la cause de cela, quels furent les processus mis en mouvement et quel autres, au contraire, furent interrompus.

A l’intérieur de ces deux époques fondamentales, en outre, nous concentrons notre attention sur deux périodes de considérable importance : la période des années ’20-’30 à l’époque de la dictature du prolétariat ; celle après 1965 à l’époque de la dictature de la bourgeoisie.

Les années ’20-’30 sont décisives pour la constitution de la bourgeoisie soviétique en tant que classe, pour son développement et renforcement, pour son accès aux leviers essentiels de la direction économique, pour l’accroissement de son influence idéologique et politique : dans toute cette période la ligne suivie par le parti produisait et conservait en grande partie le terrain qui devait nourrir la bourgeoisie d’Etat actuellement au pouvoir.

Les années suivantes 1965 sont au contraire les années pendant lesquelles les réformes économiques à peine introduites commencent à obtenir une réalisation pratique : l’appareil productif soviétique est impliqué par la restauration capitaliste dans ses aspects plus qualifiants comme le profit, l’économie de marché, la libre fixation des prix, l’exploitation etc.

C’est pendant cette période que la bourgeoisie soviétique se consolide définitivement au pouvoir et commence à être en concurrence réciproque avec les positions de suprématie des groupes impérialistes occidentaux sur les marchés mondiaux.

L’extrême complexité des sujets que nous nous proposons d’aborder nous suggère maintenant de ne pas aller plus loin : celles que nous avons esquissées, plutôt que les lignes concrètes de notre travail sont nos intentions générales de départ d’où elles devraient jaillir et mieux se préciser (ou peut-être aussi se modifier) au fur et à mesure que notre activité d’étude et de recherche avancera et fera des progrès.

Si notre contribution limitée aidera de quelque sorte même un seul militant à prendre conscience d’une partie seulement, même si importante, des taches théoriques et pratiques que les forces révolutionnaires aujourd’hui dans notre pays doivent accomplir, alors nous pourrions dire d’avoir atteint le but que nous nous étions fixé au préalable.

>Sommaire du dossier

BR-PCC: Replacer l’activité générale des masses au centre de l’initiative (1983)

[Rome, 17 janvier 1983, les militants des Brigades Rouges pour la contruction du Parti Communiste Combattant.

Arreni Renato, Bella Enzo, Braghetti Laura, Gallinari Prospero, Iannelli Maurizio, Novelli Luigi, Padula Sandro, Pancelli Remo, Petrella Marina, Piccioni Francesco, Ricciardi Salvatore, Seghetti Bruno.]

Ce n’est pas un hasard si ce procès a été préparé en toute hâte à la suite de la libération de Dozier, des trahisons et des arrestations de masse, alors que jusque là, il semblait ne jamais devoir se dérouler.

L’Etat, qui, avant cela, n’avait pas la force politique d’affronter le procès du moment le plus significatif de 12 années de lutte armée, saisit l’occasion pour tenter de sanctionner de façon éclatante la défaite des B.R. et avec elles, de la lutte armée pour le communisme.

Cet objectif a envahi tous les raisonnements mis dans la bouche des traîtres, toutes les interventions de la partie civile: il est le coeur-même de chaque acte du procès et des déclarations du procureur Amato.

Un refrain obsessionnel qui voulait devenir un lieu commun, une vérité indiscutable acceptée par tous.

La nature de cet objectif est cependant de plus vaste portée. Il est une partie importante d’une attaque bien plus complexe que la bourgeoisie a porté à la classe ouvrière et au prolétariat métropolitain.

En ce sens, la ratification de la défaite des B.R. devait représenter un moment important pour réussir à effacer de la mémoire historique-même du prolétariat, la conscience de la révolution comme événement possible et nécessaire, le seul qui soit capable d’apporter une solution réelle aux besoins et aux intérêts prolétariens.

La publicité la plus grande au refrain de la défaite est garantie par l’amplification démesurée du moindre balbutiement du traître de service.

La thèse commune à tous les vautours qui se sont jetés sur la « pâture » politique que représente ce procès est celle selon laquelle « les B.R. sont un groupe au service de quelqu’un de bien plus important ». Chacun tente d’apporter de l’eau à son moulin.

Et actuellement, c’est l’histoire, le patrimoine, les militants-mêmes de la lutte armée qui constituent un butin sur lequel les diverses forces de la bourgeoisie mettent la main pour en tirer tout ce qui peut être utile à leurs propres jeux de pouvoir.

C’est ainsi que nous avons entendu une anthologie des thèses complotardes selon lesquelles les B.R. seraient des marionnettes au service des projets les plus divers.

A en croire les socialistes et une partie de la D.C., nous ne serions que des russes parlant bien l’italien car, comme le disait alors déjà Craxi: « il n’est pas pensable que les B.R. s’entraînent dans les basses-cours.

Pour le F.C.I., nous étions évidemment des agents de la C.I.A., puisque Moro avait été l’instrument suprême de son insertion dans l’aire du consensus de la majorité gouvernementale.

On a fait parier différents trai très afin de soutenir, partiellement, les diverses thèses complotistes en vogue. Mai s-même eux n’ont pas été très utiles.

C’est ainsi que chaque parti bourgeois a continué à fournir sa propre vérité.

Ce pour quoi les traîtres ont été le plus utilisés a été, par contre, la construction d’une campagne diffamatoire et provocatrice contre le peuple palestinien et les forces révolutionnaires qui luttent en Europe et en Méditerranée contre l’impérialisme américain.

Ce n’est pas un hasard, et nous l’avions dénoncé dans cette salle d’audience avant que cela ait lieu, si la campagne menée en Italie et en Europe contre le peuple palestinien a précédé l’invasion génocide du Liban par l’impérialisme, grâce aux bouchers sionistes et phalangistes.

Dans les faits donc, ce procès est un procès de guerre; une attaque, non seulement contre les B.R., mais aussi contre toute hypothèse politique révolutionnaire dans ce qui, pour les projets de l’impérialisme américain, doit être un terrain d’opérations pacifié à l’intérieur et agressif vers l’extérieur.

C’est un procès de guerre, parce que toutes les « entorses » faites à la législation courante, avec le5

diverses lois spéciales, ont trouvé un champ d’application dans ce procès, et ont par là ratifié un bouleversement global de la sphère juridique dans le sens d’une législation de « guerre civile ».

C’est un procès de guerre parce que, dans cette salle d’audience, la torture et les disparitions de prisonniers ont été officialisées, reconnues et revendiquées par l’Etat comme méthode « légale » d’enquête.

En effet, alors qu’un de nos camarades inculpé dans ce procès était séquestré et torturé plusieurs jours durant dans les locaux de la DIGOS, la Cour et le Procureur, tout en sachant cela, continuaient le procès, couvrant de la loi du silence ce qui était en train de se passer.

Après cela, l’ouverture par la Cour d’une soit disante enquête sur cet épisode n’en était qu’une couverture supplémentaire: à tel point que les photographies qui témoignaient des lésions subies par le camarade ont déjà disparu du dossier.

C’est un procès de guerre, parce qu’est devenu évident dans cette salle le rapport qu’établit l’Etat avec la société civile et les prolétaires en particulier.

Ce système n’offre plus aucune perspective d’expansion de la richesse sociale ni d’évolution des valeurs morales et culturelles.

L’évolution du politique vers la barbarie sanctionne l’isolement progressif de la bourgeoisie et de son Etat, son retranchement sur la défense de son pouvoir et de ses privilèges.

Elle ne peut plus rien garantir au prolétariat.

Le seul rapport que la bourgeoisie parvient à établir est représenté par les misérables figures qui servent à jeter de la boue sur l’histoire de la révolution prolétarienne: la trahison!

L’Etat bourgeois fait « l’acquisition » de quelques traîtres afin qu’ils « parlent » à la classe, qu’ils la dissuadent de la possibilité de la révolution prolétarienne. L’Etat bourgeois encense la figure de l’espion, en fait la figure utile idéale, un « modèle de vie ».

La misère humaine que met en évidence cette politique ne peut que renforcer la conscience prolétarienne de la nécessité d’abattre cet Etat.

MAIS QUELLE EST LA VERITE SUR L’AFFAIRE MORO?

Nous pensons que la seule vérité soit la vérité historique, qui est légitimée aux yeux des masses par l’avancement du processus historique réel.

Tout le reste n’est que bavardage, versions de parti, suivisme d’agitateurs. La vérité d’Amato et de Savasta peut-elle être considérée comme une nouveauté?

Que Moro ait été séquestré par hasard?

Soyons sérieux!

Ce n’est là qu’une version pour les Imbéciles, tout juste bonne à cacher le seul fait certain: la « Campagne de Printemps » a été l’exploitation d’un projet politique révolutionnaire mis en oeuvre par des avant-gardes communistes combattantes, qui visait à désarticuler le projet politique développé par la bourgeoisie sous le nom de « solidarité ».

Ce projet bourgeois se donnait pour objectif la pacification réactionnaire de l’affrontement social, par l’utilisation de l’appareil politique révisionniste comme contrôleur, constructeur du consensus par la force et espion à l’égard de l’antagonisme de classe.
Comme cette farce de procès semble ridicule, face à ces années de lutte de classe et de lutte armée!

Une farce construite autour de via Gradoli, au cours de fébriles réunions de parlementaires -autour des tables bancales de quelque devin en quête de réussite et, d’une manière générale, autour des fantasmes créés par le « syndrome du complot ».

Aujourd’hui, la vérité historique est sous les yeux de tous! Le projet de « solidarité nationale » est définitivement mort et enterré avec son créateur; emporté, non tant simplement par l’action militaire, que par les dynamiques de classe qui ont motivé cette action et qui, à partir d’elle, ont permis la maturation d’un développement plus avancé.

La mise en cage de la classe, de ses tensions et de sa force n’a pas été possible: le projet a échoué!

Et avec cet échec s’est développé toujours d’avantage dans la conscience de la classe qu’aucun compromis n’est possible entre exploiteurs et exploités, que le seul rapport entre prolétariat et bourgeoisie est l’affrontement de classe!

Nous revendiquons cependant le fait que les B.R. ai ent parti ci pé et contri bue de façon décisive à la destruction de ce projet politique antiprolétarien.

Il est donc indéniable que la Campagne de Printemps constitue un moment important du processus révolutionnaire en Italie et en Europe.

L’objectif de ce procès est maintenant de nier cela, ce qui s’est avéré impraticable.

Nous voulons être clairs sur un autre fait, relatif au mandat assigné à l’un de nos avocats de confiance dans ce procès.

Chacune de nos pratiques a pour effet de produire préoccupation et confusion chez la bourgeoisie.

Cela s’est vérifié quand quelque chose s’est mis à ne plus touner rond, après huit mois de déroulement des audiences.

Ce quelque chose, c’est la nouveauté du fait qu’un avocat, même de manière limitée, soit en condition d’intervenir sur des aspects déterminés présentés par ce procès.

Cette préoccupation et cette confusion se sont manifestés par la présence de gros bonnets de la contre-révolution notoires et importants et par la rumeur officieuse que ce que faisait notre avocat de confiance dans la salle d’audience constituait un délit.

Voilà qui est significatif du peu de solidité des nerfs de la bourgeoisie face à ce qui va dans une direction opposée à la sienne.

A partir de là, deux questions se sont posées: si cela constituait une nouvelle « stratégie » des B.R. dans les procès, ou bien si c’était un retour en arrière vers la pratique du « procès guérilla ».

Disons tout de suite que les B.R. n’ont jamais eu de stratégie de procès, mais qu’elles appliquent dans les situations concrètes et spécifiques, et donc aussi dans les procès, leur ligne politique.

Une ligne politique qui n’a jamais été et ne peut être la somme de stratégies particulières.

En effet, dans la phase où l’avant-garde devait affirmer la lutte armée comme rupture politique, et la guérilla comme moment de cette rupture, nous développions dans les tribunaux une pratique tendant à désarticuler l’appareil juridique de l’Etat.

Une pratique que nous avons appelée « procès guérilla », qui répondait aux objectifs fixés par la ligne politique dans la phase de la « propagande armée ».

Le changement du cadre politique général, et les tâches différentes découlant de la lutte entre prolétariat et bourgeoisie, imposent une redéfinition de la ligne politique et de l’activité de l’avant-garde dans toutes les situations concrètes, et donc aussi dans les procès.

Face à cette situation, et en présence de nouvelles tâches, le « procès guérilla » ne parvient à avoir une incidence efficace, ni sur le plan de la disfonctionnalisation du procès, ni sur celui de la propagande et de l’agitation: ainsi se réduit-il, justement parce que les conditions ont changé, à un simple témoignage du passé.

Au contraire, il s’agit dans les procès, tout en étant conscients de leur rôle secondaire, non de manifester un antagonisme idéaliste et abstrait, incompréhensible à la classe, mais d’être un point de référence concret, politiquement clair et reconnaissable par le prolétariat; une force révolutionnaire sachant utiliser sa capacité antagoniste non médiatisable avec les intérêts de l’Etat, pour être une indication de lutte et de programme.

Les procès peuvent donc être, même dans les conditions nouvelles, un moment significatif de l’affrontement politique avec la bourgeoisie.

Pour cela, il est nécessaire d’assumer la pratique de la politique révolutionnaire, en profitant de toutes les occasions pour ramener l’attention de la classe sur les problèmes concrets de la lutte de classe et de son développement, l’avant-garde se sert donc aussi des procès pour intervenir efficacement et désarticuler la manière dont la bourgeoisie voudrait actuellement les mener, en cherchant à donner d’elle-même une image de puissance et d’efficacité-.

Et pour, réciproquement, donner une image de défaite de l’avant-garde révolutionnaire et de la possibilité révolutionnaire-même.

Tout cel a peut être mené dans les procès par une présence politique active et articulée sur plusieurs niveaux, capable d’entrer dans le vif des contradictions que produit la nature politique-même de ces procès.

Nous clarifierons par la suite, afin qu’il n’y ait pas d’équivoques, qu’il ne s’agit pas d’accepter les lois de la bourgeoisie ni de se perdre dans les mécanismes juridiques et de procédures; mais de déterminer, à chaque fois, l’opportunité d’une intervention en fonction des diverses contradictions qui se présentent.

Le processus révolutionnaire, dans chaque pays et à chaque époque, ne suit jamais un parcours linéaire, géométriquement croi ssant, mais il est continuellement marqué par des sauts politiques, qui se traduisent par des ruptures avec les formes précédentes de l’affrontement.

Des moments où la classe et son avant-garde, porteurs d’un patrimoine consolidé de luttes et d’initiatives, doivent affronter une phase nouvelle de de bataille politique, d’expérimentation. Telle est aussi notre expérience.

La lutte armée naquit en Italie au début 70, comme hypothèse révolutionnaire pour le communisme. Elle naquit donc comme rupture subjective de quelques avant-gardes communistes d’avec 20 ans de révisionnisme, comme construction d’un point de référence stratégique révolutionnaire enraciné dans la classe.

La légitimation de ce choix stratégique provenait de la maturité de l’affrontement de classe qui, après les deux années 68-69, avait vu croître, d’une part, le besoin stratégique de la classe d’apporter une réponse au problème du pouvoir et, de l’autre, la nécessité de répondre à la violente contre-attaque bourgeoise mise en oeuvre pour réprimer le mouvement de classe (licenciements d’avant-gardes ouvrières, les massacres d ‘ Etat et les « chasses aux subversifs » qui s’en suivirent).

Ce choix de rupture se manifestait comme initiative combattante pour propager et enraciner dans le prolétariat la conscience de la nécessité et de la possibilité de la lutte armée pour le communisme.

Il s’agissait donc d’enraciner une idée-force parmi les avant-gardes de classe; d’une bataille politique parmi les communistes pour définir les contours essentiels d’un projet politique révolutionnaire absent depuis 20 ans.

Dans ce cadre, les B.R. ont repris les catégories fondamentales du marxisme-léninisme et mis au centre de leur initiative, justement, le fait d’agir en parti, tout en n’étant évidemment pas un parti; ainsi que la centralité de la classe ouvrière, comme expression du plus haut niveau d’antagonisme contre le capital.

Cela n’avait rien à voir avec une nostalgie livresque, mais était une réalité quotidienne et visible.

C’est en effet à partir du potentiel de lutte et de la conscience politique de la classe ouvrière, accumulés au cours de ces années dans les grandes usines du Nord, de la Pirelli à la Fiat, que s’exprime et se concrétise le saut à la lutte armée, le passage nécessaire pour porter cette force à problème du pouvoir.

Centralité ouvrière donc, comme synthèse de deux éléments de fond de notre analyse: la méthode marxiste-léniniste, qui considère comme centrale la production capitaliste de plus-value, et donc comme centrale la classe ouvrière au sein du prolétariat métropolitain; et l’accumulation matérielle de force et de capacité politique de proposition, exprimée par les luttes au cours de ces années, à leur point le plus élevé.

Cette capacité de rupture et d’affirmation d’une idée-force a marqué dès lors ces 12 dernières années de lutte.

Cette capacité, que nous avons appelée « propagande armée », est un patrimoine prolétarien que personne ne peut nier ni liquider.

L’accumulation de force réalisée à l’intérieur de l’usine par la rupture avec le révisionnisme imposait un nouveau saut politique pour porter cette force accumulée à un stade supérieur.

Un saut permettant de dépasser les limites des thématiques d’usine et les diverses déviations de l’opéraisme et du syndicalisme armé qui existaient aussi dans le mouvement révolutionnaire au cours de ces années.

Un saut politique qui transforme ce potentiel en projet global de pouvoir contre l’Etat.

La mise en évidence du projet néo-gaulliste et la séquestration de Sossi matérialisèrent pour la première fois le mot d’ordre d' »attaque au coeur de l’Etat », par lequel la lutte armée dépassa l’idée-force pour devenir hypothèse politique stratégique, point de référence révolutionnaire pour l’ensemble du prolétariat, en plus que pour la classe ouvrière.

S’il faut relever l’aspect positif de cette période de propagande armée: avoir posé au centre de l’initiative, l’axe stratégique d’attaque « au cœur de l’Etat »; en revanche, on négligea alors le problème de la tactique et d’une stratégie révolutionnaire qui puisse, dans ce contexte, orienter concrètement l’affrontement de classe.

Ou encore, on se limitait à une riposte au coup par coup contre les projets de l’ennemi, sans cependant expliciter un quelconque projet prolétarien.

Pendant ces années, cette limite était peu perceptible, du fait de la nature-même des tâches que la guérilla se fixait. Elle est devenue explosive après 1978.

Dans les années précédant la Campagne de Printemps, on assista à un développement incessant de l’antagonisme prolétarien.

Dans toutes les grandes villes italiennes, ce développement s’effectua hors des formes d’organisation prolétariennes traditionnelles et institutionnelles.

Ce phénomène, que nous avons appelé « autonomie ouvrière », allait bien au-delà du mouvement politique autonome.

Au cours de ces années, la propagande armée entra en un large rapport dialectique avec les avant-gardes prolétariennes de tous les secteurs de classe, en en influençant le débat, la formation politique, les pratiques politiques de lutte.

Les luttes ouvrières qui sortaient fréquemment des limites de l’usine, et le mouvement de 77, -avec la multiplicité et la radicalité de ses formes, donnaient corps et vitalité à un mouvement antagoniste et à un mouvement révolutionnaire de vastes dimensions.

Dans le même temps la bourgeoisie, aux prises avec la crise économique et la forte présence de l’antagonisme prolétarien, mettait au point un projet politique articulé permettant d’affronter la nécessité d’une restructuration globale de la production, en cherchant à contrôler l’affrontement de classe par toutes les médiations possibles.

C’est à cela que servait l’insertion des révisionnistes, à qui était confiée la tâche de construire le consensus prolétarien autour des choix du capital, en échange d’un « parfum » de participation au gouvernement.

En d’autres termes, en plus que dans la conscience subjective des B.R., c’est la réalité-même de l’affrontement qui mit sur le tapis l’exigence prolétarienne de « faire sauter » le projet néo-corporatiste baptisé « solidarité nationale » et de construire la force politique révolutionnaire de toute la classe, capable de rassembler autour d’une stratégie, tout le potentiel révolutionnaire existant-.

Avec la Campagne de Printemps, les B.R. opèrent la synthèse politique et la rupture subjective nécessaires permettant de donner une solution à ces deux exigences.

La D.C. est l’âme noire du système d’exploitation et de pouvoir en Italie, l’ennemi reconnu et attaqué lors de 30 années de lutte prolétariennes.

Moro était le stratège le plus important du projet de « solidarité nationale ».

Comment la bourgeoisie a-t-elle réagi pendant la Campagne de Printemps?

Elle était coincée entre deux possibilités, qui toutes deux étaient des défaites.

La Campagne de Printemps avait déjà détruit « le projet de « solidarité nationale ».

Pour cette rai son, toute possibilité de « sauver ou non Moro » n’était plus fonction que des différentes batailles en cours entre les partis pour récupérer, chacun à son profit, le « cadavre » de la « solidarité nationale ».

Avec la Campagne de Printemps, la capacité de désarticulation atteinte est telle qu’elle exalte et amplifie le rôle politique de la lutte armée: au point que de nombreuses avant-gardes, au sein desquelles sont représentées diverses couches du prolétariat métropolitain, font leur la pratique combattante, comme formé de lutte permettant de donner plus de force à leur « capacité contractuelle ».

L’ample développement de la pratique combattante et des luttes autour des B.R. crée un climat de profonde attente politique.

A la lumière de la Campagne de Printemps, les thèses qui défendent la lutte armée pour des secteurs de classe antagonistes particuliers, ou comme coordination de la guérilla diffuse, apparaissent clairement inadéquates.

Mais, plus que la bataille politique interne au mouvement révolutionnaire, le fait qui compte est que la critique de masse au révisionnisme et à la ligne liquidatrice du « compromis historique », posait le problème de la construction du Parti Communiste Combattant et de la définition d’une stratégie qui, mettant au centre l’intérêt général de la classe, engendre une tactique révolutionnaire adaptée au nouveau contexte.

La Campagne de Printemps posait donc le problème de dépasser la configuration limitative d’O.C.C., pour pouvoir commencer à occuper, grâce à une stratégie et une tactique révolutionnaires adéquates, l’espace politique que la conscience de classe elle-même, à des niveaux de maturité divers, avait contribué à ouvrir.

L’espace pour une force politique révolutionnaire et combattante en mesure de diriger l’ensemble de la classe et non seulement les avant-gardes déjà militantes.

Pour paraphraser Lénine, nous disons qu’une force politique démontre son sérieux en mettant en lumière sans réticences les erreurs’qu’elle a commises, sans craindre l’instrumentalisation que l’ennemi pourrait faire de cette autocritique.

Notre devoir révolutionnaire à l’égard du mouvement de classe est de faire ce bilan, afin que se construise une dialectique donnant vie aux contenus les plus avancés de cette expérience politique.

Il est de notre devoir de défendre ce patrimoine contre tous ceux qui veulent le liquider, quand bien même en se dissimulant derrière une phraséologie pseudo-transgressive, extrémiste, anarchiste.

La conclusion de la Campagne de Printemps nous a mis devant un très vaste antagonisme de classe, différencié par ses niveaux de conscience, ses pratiques de lutte et ses formes organisées, qui se tournait vers nous comme moment de référence et comme possible direction révolutionnaire.

Un mouvement qui nous demandait: « Que faire? » Nous avons répondu à cette question en lançant le mot d’ordre: « conquérir les masses sur le terrain de la lutte armée ».

Ou plutôt, non avons proposé à toute la classe les mêmes critères et formules organisationnels qui avaient caractérisé notre bataille politique parmi les avant-gardes communistes.

Nous avons simplement proposé l’extension quantitative de la lutte armée, selon une conception essentiellement guérillériste du développement du processus révolutionnaire dans notre pays.

La lutte armée dans les métropoles revêt certainement la forme de la guérilla, mais ne doit pas en assumer la conception. Assumer cette conception dans notre pays a été une erreur.

SUR QUOI REPOSAIT CETTE ERREUR?

La désarticulation complète du projet politique de « solidarité nationale » avait remis en question les équilibres entre les bourgeois et entre les classes.

Au-delà des déclarations belliqueuses des notables de la D.C., il apparaissait clairement que personne n’était en mesure de postuler au rôle de médiateur entre les coteries internes.

Mais surtout, personne n’était capable de formuler une proposition politique de longue haleine. Au cours des années suivantes, en effet, la « solidarité nationale » a toujours plus été un « esprit », évocateur d’un projet politique mort et enterré.

C’était un fait concret et indiscutable. Tout comme l’était la fin de l’illusion berlinguérienne. Une donnée de fait que nous interprétions cependant comme l’épuisement de l’usage de la médiation politique interclassiste par la bourgeoisie.

Nous en arrivions à dire: « dans les conditions nouvelles créées par la Campagne de Printemps, la bourgeoisie est contrainte de transférer ouvertement sur le terrain militaire le contrôle qu’elle réussissait jusque là à exercer à travers les appareils politico-syndicalo-idéologiques ».

Cette façon de raisonner revenait à nier que l’Etat, même gravement défait sur un projet politique précis, n’en continuait pas moins à remplir la fonction de régulateur bourgeois de l’affrontement soci al, grâce à un savant dosage d’interventions tant politiques que militaires.

Au point que la bourgeoisie, bien que ne réussissant pas à définir un projet politique global, réussissait malgré tout à prendre des initiatives, quand bien même contradictoires et à court terme, sur les noeuds des politiques économique et institutionnelle; et à rétablir l’unité des forces politiques autour des soi-disant lois « antiterroristes » ou sur l’ensemble des mesures d’attaque tant contre la lutte armée que contre les formes consolidées de l’antagonisme prolétarien (telles que la mobilisation de rue).

C’est ainsi que nous avons perdu toute capacité de découvrir et d’attaquer le projet politique constituant le véritable « coeur de l’Etat » et nous nous sommes engagés dans la voie de l’attaque aux structures de l’Etat, au réseau de ses articulations et de ses appareils.

Cette conception a produit deux erreurs symétriques et complémentaires: sur le terrain de la pratique combattante où elle a intensifié et fragmenté l’initiative, la conduisant à reproposer l’intervention contre la D.C., les corps militaires et les chefs d’ateliers; sur le terrain de la direction du mouvement antagoniste, où elle a limité aux niveaux uniquement des mouvements qui pratiquaient déjà des formes de lutte armée, la possibilité concrète d’une dialectique politique qui s’offrait à nous.

C’est ainsi que nous ne placions pas au centre de notre activité politique tous ces niveaux de conscience et d’organisation prolétariennes qui, tout en n’assumant pas encore de pratique armée, se situaient toutefois comme mouvement hors et contre les représentations parlementaires actuelles, hors et contre la politique bourgeoise.

Le rapport entre ceux qui, comme les B.R., agissaient en parti révolutionnaire et la classe, se dégradait et se limitait au rapport organisation-mouvement révolutionnaire; un rapport ne parvenant pas à concevoir le rôle décisif des masses dans l’affrontement politique général.

Notre analyse erronée de la crise capitaliste contribuait organiquement à cela. La vision de la crise comme crise irréversible, permanente, servait de toi le de fond à la fin de la fonction de la politique dans le rapport d’affrontement entre les classes.

La dégradation imminente des conditions de vie aurait contraint la classe à empoigner spontanément les armes pour défendre ses besoins immédiats.

Cela mène en fin de compte à une vision de la lutte armée comme le tout de la politique révolutionnaire dans la métropole. A la fin de cette pente idéaliste, on aboutit à cette conception déformée de la réalité actuelle comme « guerre sociale totale », si bien illustrée par la pratique du « Parti-Guérilla ».

C’est à ce point que l’idéalisme subjectiviste trouve à s’affirmer au sein des B.R. également.

Un fois perdue la possibilité de cerner le projet politique dominant de la bourgeoisie, la ligne politique « conquérir les masses sur le terrain de la lutte armée » se concrétise comme pratique combattante pour les besoins prolétariens particuliers, comme propagande pour vaincre sur ces besoins.

Un tel dispositif théorique a produit la conception dite du « système du pouvoir rouge ».

La caractéristique constante de toute cette construction théorique était la pratique armée, ce qui nous a amené à osciller continuellement entre le fait d’assumer comme réfèrent unique les aires de mouvement déjà combattantes, et le fait de considérer les mouvements de masse qui s’opposaient et s’opposent aux processus de restructuration de la bourgeoisie, comme « sur le point de s’armer ».

En d’autre termes, en parlant à tort et à travers de masses armées, nous nous limitions à des structures combattantes plus ou moins restreintes, ou bien nous voyions ces dernières comme l’anticipation du parcours qu’auraient emprunté les masses.

TEL N’EST PAS LE PARCOURS DE LA REVOLUTION DANS LES METROPOLES.

Concevoir la lutte armée comme une « forme de lutte », comme une méthode pour vaincre sur des besoins particuliers, est la base théorique qui a mené d’abord au morcellement des initiatives politiques, puis aux scissions organisationnelles. Voyons pourquoi.

Le prolétariat n’est pas une totalité homogène, une somme de figures indistinctes et équivalentes, mais un ensemble de figures différenciées par leur position propre dans le procès de production et reproduction des rapports sociaux capitalistes.

Ce sont des différences qui pèsent dans la compréhension des rapports réels existants, la disposition de chaque couche de classe particulière.

Chaque couche du prolétariat a donc un ensemble d’exigences matérielles, culturelles et politiques (que l’on appelle généralement besoins) qui, d’une part, l’identifient et la socialisent de manière précise et, de l’autre, la différencient de toute autre couche.

Le fait de mettre au centre de l’initiative les « besoins », plutôt que l’attaque au projet politique dominant, conduit à diviser les initiatives elles-même, en les calquant sur les différentes particularités.

C’est ce qui s’est vérifié.

A partir de 1980, chacune des colonnes de l’organisation situées dans les pôles métropolitains a abordé le problème de l’enracinement dans les situations en assumant certaines contradictions qui s’exprimaient localement; contradictions différant d’une ville à une autre. Un plus grand enracinement et la désagrégation de la ligne politique allèrent de pair.

Privée d’une ligne politique qui saisisse la contradiction principale (celle entre mouvement de classe et pratique de la bourgeoisie), et l’aspect principal de cette contradiction : le projet politique dominant dans une conjoncture donnée; privée donc d’une identité de ligne, de stratégie générale, mesurée sur une situation concrète, l’Organisation Brigades Rouges a fini par revêtir autant d’identités qu’il y avait de pôles principaux d’intervention.

Les scissions de 1981 sont le couronnement organisationnel d’un processus de fragmentation politique en œuvre depuis longtemps.

Pour renverser ce processus de désagrégation, il était donc nécessaire d’établir un rôle politique de direction qui se fonde principalement sur la détermination du projet politique dominant de la bourgeoisie.

Celui-ci se saisissant dans l’aggravation de la crise de l’impérialisme, contraignant celui-ci à une attitude toujours plus agressive dans les différentes aires de la chaîne impérialiste.

On déterminait donc à partir de la fonction de l’O.T.A.N, en Europe et en Italie, la fonction de ses liens politico-militaires, en particulier dans notre pays, qui devenaient par conséquent celle d’augmenter les dépenses militaires aux dépens des dépenses sociales et, d’une manière générale, celle d’attaquer les conditions d’existence du prolétariat.

Il a certainement été correct de jouer, avec l’opération Dozier, un rôle d’avant-garde qui a permis de restituer une identité politique aux « B.R. pour la construction du P.C.C. », et aussi parce que cette opération a eu lieu en liaison dialectique étroite avec les initiatives combattantes développées par les autres forces révolutionnaires dans toute l’Europe.

Mais, en attaquant l’OTAN, en privilégiant, conformément à l’ancienne orientation, le seul aspect de la désarticulation du projet ennemi, sans nous rapporter concrètement et politiquement à l’activité générale des masses, nous avons épuisé notre initiative dans un affrontement frontal (et dans ce cas perdant) avec l’appareil impérialiste.

Et sans assumer non plus la direction des mouvements de lutte qui, dans les usines et dans la rue, commençaient à revêtir une physionomie précise, objectivement anti-impérialiste. L’opération naquit et mourut dans la mer de problèmes mal posés qui l’accompagnait.

La défaite subie avec l’opération Dozier et la vague d’arrestations qui s’ensuivit grâce aux traîtres, la disparition simultanée d’autres hypothèses de guérilla, nous ont obligé en tant qu’O.C.C., à remettre en question l’ancienne configuration politique générale, des noeuds théoriques à la ligne politique.

En bref, la définition du rôle que doit avoir la lutte armée dans l’organisation et dans la direction du processus révolutionnaire en Italie.

Au cours de la dernière année, les « B.R. pour la construction du P.C.C. » ont commencé à prendre conscience de l’épuisement de la validité et de l’inadéquation générale d’une configuration théorico-politique qui, dans la pratique sociale, a laissé du champ aux principales variantes de l’idéalisme subjectiviste.

Elles ont donc commencé à rechercher le « Que faire? » pour construire une nouvel le configuration, en critiquant dans les faits le caractère linéariste et progressif de l’ancienne et en se réappropriant le concept de processus révolutionnaire ininterrompu et par étapes.

Un processus qui connaît des victoires et des défaites, des reculs et des avancées; un processus qui ne peut se mesurer uniquement au développement de la forme-guérilla.

D’une manière générale, nous n’avons pas placé au centre de l’autocritique les « écrits de l’Organisation », mais nous avons plutôt relu notre pratique sociale, notre rapport avec les masses, notre élaboration théori que, à partir de la réappropriation révolutionnaire du marxisme-léninisme.

L’initiative combattante est, aujourd’hui plus que jamais, la condition de l’existence et du déploiement de la politique révolutionnaire, justement parce que l’initiative armée, si elle se réfère exclusivement à la forme-guérilla, à ses projet et contenus révolutionnaires, n’a pas de capacité offensive concrète.

A la longue, elle devient endémique et peut donc être facilement anéantie par l’Etat.

Ce n’est pas un hasard si toutes les formes de guérilla qui ont glissé sur la pente de l’idéalisme subjectiviste, quand ce n’est pas tout bonnement du terrorisme pur et simple, ont été complètement anéanties, et si leur activité a été durement critiquée par le mouvement révolutionnaire et considérée comme étrangère par le mouvement antagoniste de masse.

Pour pouvoir construire une configuration théorique et politique et une nouvelle ligne, les « B.R. pour la construction du P.C.C. » ont proposé la « retraite stratégique » pour replacer au centre de l’initiative l’activité générale des masses.

La proposition de « retraite stratégique » était cependant adressée aux O.C.C. et non à la classe, justement parce qu’on en avait constaté l’arriération, et donc l’absence de direction réel le de ces organisations, à l’intérieur desquelles, comme le dit Lénine, « il y a des gens qui sont prêts à présenter les insuffisances comme des vertus, et même à tenter de justifier théoriquement leur propre soumission servile à la spontanéité ».

Une retraite, donc, d’une position qui n’était pas réellement avancée (comme on a pu bêtement le penser), qui était une position concrètement inadéquate aux nouvelles tâches de la phase et donc, en dernière instance, à la traîne des masses.

Se retirer dans les masses n’a cependant jamais signifié « se dissoudre dans le mouvement pour repartir a zéro », ni abandonner la stratégie de la lutte armée pour le communisme.

Cela signifie au contraire reconquérir la confiance et la solidarité de la classe.

Cela signifie lutter contre les projets de dissociation et de reddition, reconstruire une direction politico-militaire au sein de la classe, en se rapportant aux différents niveaux de l’antagonisme, sans pour autant perdre l’autonomie relative de notre Organisation.

Cela signifie éviter des erreurs encore pi us graves que celles commi ses précédemment en abandonnant une configuration qui, ne plaçant pas au centre l’activité générale des était évidemment arriérée par rapport à la croissante de direction révolutionnaire objectivement par le mouvement antagoniste.

En ce sens, l’Organisation a entamé un processus de critique-autocritique-transformation au sein du mouvement révolutionnaire et du mouvement antagoniste du prolétariat métropolitain.

Elle a analysé la nature des erreurs pour chercher à les dépasser et pour se mesurer, à travers la définition d’une politique révolutionnaire, à la réalité concrète dans laquelle vit, et dans laquelle est possible et nécessaire, le développement de la révolution prolétarienne.

Dans la dialectique continuité-rupture par rapport à la pratique sociale, l’Organisation a donné, ces dernières années, la priorité à la rupture, pour l’abandon d’une configuration théorico-politique traversée de profonds vices d’idéalisme subjectiviste, et qui n’était pas basée sur l’analyse concrète de la réalité concrète.

La rupture avec les erreurs du passé implique aussi de rétablir la continuité avec l’histoire des B.R., avec leur pratique sociale de combat, qui a marqué ces dix années de lutte de classe en Italie, par la réapropriation en particulier de cette pratique ô combien significative et efficace politiquement que fut la Campagne de Printemps, qui a donné force et originalité aux possibilités de développement du processus révolutionnaire dans la métropole impérialiste.

Cela ne veut pas dire continuer sur la ligne de la propagande armée, pratique dont cette campagne a marqué l’épuisement objectif.

Cela signifie réévaluer et exalter la force politico-militaire que représente le fait de porter l’attaque « au coeur de l’Etat dans cette conjoncture, de désarticuler un cadre politico-institutionnel .

Ce patrimoine ne peut être anéanti par la reddition d’une poignée de traîtres, et encore moins par la ligne ‘ liquidatrice portée par un régiment de « gurus » convertis au rôle de « nouveaux philosophes ».

On ne peut pas annuler un parcours historiquement déterminé de la lutte de classe gravé dans la mémoire du prolétariat.

Telle est la signification de notre choix de « retraite stratégique », pour reproposer aujourd’hui un dispositif actif et combattant au sein des tâches nouvelles et complexes de cette phase du processus révolutionnaire.

Les éléments acquis au cours de ce débat suffisent à permettre la reprise d’une initiative politique et combattante mettant au centre l’activité générale des masses.

Avant de poser des points de référence pour un projet politico-révolutionnaire, il faut entrer au coeur de l’analyse de cette phase, en analysant les vieilles confusions et approximations.

La crise actuelle est une crise générale du mode de production capitaliste.

C’est une crise de surproduction absolue de capital qui dure depuis plus d’une décennie.

La crise générale caractérise donc la phase historique actuelle, dans laquelle l’exigence capitaliste d’une reprise de l’accumulation, et en conséquence le saut de la composition organique du capital qui permette de valoriser au maximum la révolution technologico-industriel le contemporaine (déjà en oeuvre, du reste), ne peuvent être donnés que par la destruction des forces productives en surplus et des moyens de production dépassés, tant en termes de valeur qu’en termes physiques.

Les exigences du capital, mises à nu par la crise, induisent dans le système impéri ali ste une série de réponses économiques, politiques et militaires: en un mot, de projets politiques globaux visant à dépasser la crise même.

La mise en pratique de ces réponses globales provoque des oppositions et des affrontements qui témoignent de l’aiguisement de la contradiction principale entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat international, et de toutes les contradictions interimpérialistes et, parmi elles, celle surtout entre l’aire à domination américaine et le social-impérialisme.

Un fois encore, la tentative bourgeoise de dépassement de la crise générale du capital prend la forme de la guerre; et donc aujourd’hui, de la perspective de la guerre interimpérialiste.

Si telle est la tendance, l’issue obligée, la perspective dans laquelle se meuvent l’ensemble des dynamiques de restructuration capitalistes dans cette crise, cette affirmation demande cependant à être précisée, en indiquant à quel stade de mûrissement de la perspective de guerre on se trouve.

En effet, la guerre n’est pas une explosion de violence improvisée et imprévisible, mais la conclusion obligée d’un processus complexe au cours duquel les caractéristiques fondamentales de chaque formation économico-sociale se modifient globalement-.

En d’autres termes, chaque guerre mûrit dans cet ensemble de modifications, même si le motif- de déclenchement ou le lieu d’explosion sont fortuits, non prémédités par les parties en cause.

Il est fondamental de définir en termes conjoncturels l’état concret de mûrissement de la tendance à la guerre pour esquisser une stratégie révolutionnaire et une tactique se basant sur l’analyse concrète d’une situation concrète.

Quand nous parions de « tendance à la guerre », nous entendons la guerre entre l’impérialisme à dominante américaine et l’aire à dominante soviétique-.

Nous estimons donc que toute concepti on pariant d’une guerre entre « système impérialiste mondi al » et « prolétariat mondial » est absurde et déviante.

Non parce qu’un impérialisme serait préférable à l’autre, mais parce que l’essence de l’impérialisme est d’être « l’époque de la guerre entre les grandes puissances pour l’intensification et l’accroissement de l’exploitation des peuples et des nations » (Lénine).

En considérant les éléments qui caractérisent la conjoncture internationale actuelle, nous constatons que c’est la récession productive qui constitue le principal phénomène économique.

Qui dit récession dit annulation, voire inversion, du taux de croissance des activités productives.

Et donc, diminution relative et absolue de la masse des marchandises produites, des usines en activité, des ouvriers employés, du capital opérant comme tel.

Une récession aggravée par la restructuration technologique contemporaine et par les politiques de réduction de l’inflation.

La gestion contrôlée de la récession est actuellement le « credo » économique de l’immense majorité des pays capitalistes avancés.

Comme toutes les politiques « anticycliques », elle peut aussi, dans l’immédiat, jouer un rôle de frein; mais à long ,terme, elle amplifie et multiplie les caractères fondamentaux de la tendance dominante: la guerre impérialiste.

La majeure partie des procès de restructuration en cours dans tout l’Occident, constitue un ensemble contradictoire d’initiatives dont la réalisation fait, de toute façon, effectuer des sauts en avant concrets dans la perspective de la guerre.

Nous le définissons comme « procès de restructuration en cours pour la guerre impérialiste ».

C’est donc un procès qui naît de la nécessité, pour chaque capital particulier, de se tailler sa propre part de marché et de profits dans le cadre d’une concurrence plus impitoyable et, pour cela, d’abaisser ses coûts à un ni veau moyen permettant de continuer à exister comme capital.

Mais dans le même temps, ce procès n’est pas purement spontané: il se ressent d’une concertation internationale sur les éléments fondamentaux des flux du commerce et des marchés financiers-.

Les Etats sont donc les centres névralgiques où les diverses fractions de la bourgeoisie (autochtone et multinationale), et les représentations plus ou moins institutionnalisées du prolétariat médiatisent leurs intérêts contradictoires en définissant les conditions générales, le « milieu économique » le plus favorable à l’exploitation de la classe ouvrière et l’extension de la concurrence.

La « restructuration pour la guerre impérialiste » n’est donc pas exclusivement économique, mais globale: elle bouleverse tout l’équilibre des formations économico-sociales de l’aire impérialiste.

En Italie les nœuds sur lesquels se définit le sens général de ces procès sont représentés par une restructuration de l’Etat:

– sur le plan économique: l’adoption d’une politique déflationniste détruisant les mécanismes de défense automatique des conditions d’existence du prolétariat (comme l’échelle mobile); une politique économique qui inverse la priorité des dépenses, en réduisant de manière drastique toutes les dépenses d’assistance, de la santé aux retraites, des allocations à la « cassa inteqrazione », dans le cadre d’une réduction des dépenses publiques et d’une augmentation, dans le même temps, des dépenses militaires et des investissements pour la restructuration.

– sur le plan militaire : le rôle impérialiste actif joué en Méditerranée, au Moyen-Orient et dans la Corne de l’Afrique.

Ce qui implique, en plus de l’augmentation des dépenses militaires, la redéfinition d’une stratégie internationale de

l’Italie.

– sur le plan institutionnel: des modifications conformes à la nécessité de rendre de telles transformations générales opérationnelles.

Ce qui signifie la fin de la politique de médiation interclassiste entre accumulation et distribution sociale; ce qui se traduit immédiatement par un attaque générale contre la classe pour la battre, tant sur le terrain de ses conditions de vie que sur le terrain politique.

Cet aiguisement de l’affrontement a des conséquences sur le cadre politique institutionnel et bouleverse la structure même des institutions étatiques , la sphère juridique, le rôle des appareils préventive-répressifs, etc..

En conséquence, le scénario politique connaît lui aussi une polarisation autour des stratégies possibles.

D’un côté, nous voyons apparaître toujours plus clairement un amas de coteries qui se rassemblent autour d’une ligne politique globale en harmonie avec les exigences générales de l’impérialisme.

Le rapport entre cette ensemble et la politique reaganienne n’est pas, comme nous l’avons simplifié par le passé, un rapport de dépendance mécanique.

Il consiste plutôt à faire siens les intérêts impérialistes globaux, à tenter d’imposer dans la formation économico-sociale italienne les modifications déjà conformes à ces intérêts, à mettre sur pied un projet politique articulé.

Il ne s’agit cependant pas d’un groupe de « fonctionnaires de l’empereur », mais d’un personnel politique qui se propose comme régent et allié fidèle. C’est cet ensemble que nous appelons « parti de la guerre ».

Non qu’il soit identifiable à un parti ou banalisé en une série de structures et d’institutions.

Mais parce qu’il se polarise autour de quelques éléments généraux du projet politique grâce auquel il est possible d’harmoniser la politique italienne avec la perspective dominante, accélérée par la politique américaine actuelle.

Nous identifions dans les divers Merloni, De Mita, Craxi, Lagorio, Benvenuto, les chefs de file du « parti de la guerre »: certes pas en tant que secrétaires d’un « super-parti », mais comme les dirigeants politiques principaux qui, autour du projet impérialiste luttent (entre eux aussi) pour imposer l’hégémonie d’une ligne particulière.

La conquête du leadership du « parti de la guerre » est une bataille où tous les coups sont permis, et qui trouve un terrain fondamental dans le rapport privilégié avec l’administration Reagan, et avec la Maison Blanche, une destination de pèlerinage quotidien.

A ce jeu, De Mita et son équipe se taillent la part du lion; tout comme le P.S.I., qui en a même trop fait en attisant les polémiques sur les « pistes de l’Est ».

Sur le front intérieur, la D.C., alors qu’elle cherche un rapport organique avec le grand patronat et trouve en Merloni un répondant idéal, est à son tour contrainte de se restructurer comme parti et comme système de pouvoir; à pas comptés car elle doit rompre avec dix ans de recherche de la gouvernabilité par le consensus.

A ce tournant, elle impose au P.S.I. de se situer sur le fond, en l’attaquant et en lui rognant le terrain sur lequel Craxi et sa bande avaient fondé leurs prétentions au rôle de régents: le rapport privilégié avec la grande bourgeoisie financière et industrielle.

Les contenus essentiels du programme autour duquel se rassemble ce « parti de la guerre » sont sous les yeux de tous.

En effet, le gouvernement Fanfani lui-même, après une première fanfaronnade programmatique, n’a pas du tout fait marche arrière en opérant des médiations, mais il a réalisé au contraire, par de savants dosages, un pas en avant consistant dans le démantèlement de l’Etat providence.

Si, d’une part, ces dosages sont rendus nécessaires par la forte opposition de classe (avec qui l’affrontement de classe est toutefois anticipé et recherché); de l’autre, ils jouent le rôle de médiation avec la nécessité de sélectionner soigneusement les aires et les intérêts à frapper au sein même des blocs sociaux qui soutiennent les partis de gouvernement.

L’augmentation des dépenses militaires éclaire parfaitement la nature et la direction dans laquelle s’engagent les procès de restructuration en cours.

On cherche à construire une société « austère », où les coûts de reproduction sociale du prolétariat soient comprimés au maximum, et dont l’unique perspective soit la participation active à la guerre interimpérialiste.

L’armée italienne elle-même est conçue, dans cette perspective, comme une armée d' »expéditions » parfois sous l’étiquette de la « paix », et non plus comme les lignes arrières de l’O.T.A.N. avec pour tâche la « défense des frontières ».

Dans la logique du « parti de la guerre », la politique de la Confindustria et la politique du gouvernement tendent à coïncider dans leurs finalités et à se coordonner réciproquement dans leur gestion des compétences.

L’irrésistible affirmation du « parti de la guerre » a contraint la gauche institutionnelle à régler ses comptes avec la défaite de la ligne du « compromis historique », ligne qui a provoqué des dégâts incalculables dans le tissu prolétarien, en se faisant complice d’une furieuse attaque contre l’antagonisme prolétarien et la politique révolutionnaire qui, dans cette conjoncture, orientait la classe contre la D.C. et le projet néocorporatiste.

Cette nouvelle disposition du cadre politique déterminera et sera déterminée par l’affrontement de classe. Elle s’aiguisera sous la poussée des procès de restructuration.
La nouvelle stratégie du P.C.i, est l’alternative démocratique.

Cette hypothèse se base, dans son imprécision, sur la possibilité technique que s’affirme, dans le cadre des alliances de l’O.T.A.N, une ligne européenne, autonomiste et « de gauche », capable de pousser à ce que prévale une politique de détente entre l’Est et l’Ouest, pour rompre avec la bipolarisation.

Sur le plan inté-rieur, les éléments de programme, de politique économique, etc. contenus dans cette hypothèse, prétendent « faire face en créant, en même temps, des conditions nouvel les pour le développement des forces productives.

En substance, alors que l’on repropose les « réformes » (peut-être une nouvelle fois de « structure »), on part à la recherche d’une nouvelle disposition des forces pour les soutenir.

Pour ce faire, le P.C.I. pousse, d’un côte, à la recherche d’un rapport unitaire avec le P.S.I.; et de l’autre, il met en oeuvre des initiatives visant à récupérer les tensions du prolétariat et des mouvements antagonistes qui lui érodent la base sociale.

Le P.C.I. se trouve porté d’un côté, à reprendre un rapport avec le P.S.I., et de l’autre, à tenter d’hégémoniser, en soutien à son hypothèse,les mouvements et les contenus qu’ils expriment.

Et ceci, tant sur le terrain de l’opposition à la politique économique du gouvernement, que sur le terrain des contenus antiimpérialistes (paix, désarmement, etc.).

C’est ainsi que dans l’hypothèse même d’une alternative, un ensemble de contradictions se meut dès à présent, qui commencera bien vite à mûrir à l’intérieur du P.C.I., et entre le P.C.I. et les autres forces de la gauche institutionnelle, mais surtout entre le P.C.I. et la classe.

Du point de vue de la classe, la nouveauté qu’une telle situation politique introduira dans l’affrontement pour les prochaines années, doit être comprise et suivie. En premier lieu parce que la défaite (historique, celle-là) du compromis avec la D.C. imposera au P.C.I. et à une partie du syndicat une politique d’affrontement sur les nœuds principaux.

L’effritement simultané de la chape de plomb représentée par la solidarité nationale, créera des conditions favorables au développement de l’autonomie ouvrière, en ouvrant des espaces objectifs pour une politique révolutionnaire sachant définir son programme autour de ces noeuds et déterminer la force prolétarienne avec laquelle se dialectiser sur les terrains de l’affrontement actuel.

Dans le cadre général de l’attaque politique et matérielle portée par le « parti de la guerre » contre le prolétariat, l’affrontement de classe va donc au-delà des différents sectoriels de couches prolétariennes particulières, pour se situer au niveau où se redéfinit le rapport entre l’Etat et la classe.

C’est là une donnée objective que la classe a saisi ces jours-ci, en déplaçant l’affrontement du terrain spécifique de l’usine à celui de l’opposition générale à la bourgeoisie, pour construire un rapport de force qui pèse réellement sur l’ennemi principal en ce moment: la politique économique du gouvernement.

Face à l’attaque politique contre tout le prolétariat, la classe, et principalement la classe ouvrière, répond sur un terrain politique de pouvoir, fait apparaître dans la prati que la nécessité de s’opposer en tant que classe, et non en tant que secteurs particuliers et dispersés.

Contre les aspects immédiats de la restructuration politico-militaire, et donc contre les conséquences concrètes découlant du rôle confié à l’Italie dans le dispositif de l’O.T.A.N., un vaste mouvement de masse contre l’installation des euromissiles et le doublement des dépenses militaires s’est formé aussi en Italie.

Par sa valeur objecti vement anti impérialiste, ce terrain apparaît comme un obstacle important dressé par les masses devant la poli tique impérialiste dans la zone, et donc en opposition à l’Etat.

De ce fait, il est en même temps un terrain fondamental de développement d’une politique de classe révolutionnaire et antiimpérialiste, parce qu’il ne peut y avoir de stratégie qui ne tienne compte de l’appartenance à l’O.T.A.N., et donc qui ne mûrisse en son sein et dans la classe, la conscience que tout processus de libération du prolétariat métropolitain de l’exploitation ne peut intervenir que par une dure et longue lutte contre la guerre et la barbarie impérialistes, pour faire sortir l’Italie de la chaîne impérialiste.

Ce terrain est aussi celui où se reconstruit un authentique internationalisme prolétarien qui, par les caractéristiques de masse qu’il peut et doit recouvrir, ne peut être contenu et circonscrit dans les seules formes combattantes.

Le procès de restructuration en cours traverse aussi, évidemment, la sphère répressive-préventive, bouleversant le droit bourgeois lui-même, introduisant la torture et organisant la police et les carabiniers en bandes spéciales.

Cette redéfinition des appareils répressifs et préventifs est aujourd’hui dirigée contre le mouvement révolutionnaire. Mais elle sera orientée, dans l’affrontement de classe et en des termes différenciés, contre toute la classe.

Cette redéfinition dirige aujourd’hui ses initiatives vers la prison en particulier et oeuvre à la liquidation de l’hypothèse révolutionnaire de la lutte armée pour le communisme.

Le plan sur lequel se déroule l’affrontement est donc un plan politique général.

Par le contenu des politiques contre lesquelles lutte la classe, c’est un plan qui objectivement est un plan de pouvoir.

La conscience avec laquelle la classe descend sur ce terrain est cependant déterminée par la position politique qui y est encore hégémonique, et donc par le P.C.I. qui tente d’orienter la lutte prolétarienne vers le terrain démocratico-réformiste, voué à la faillite étant donné le cadre des relations intérieures et internationales.

Pour la classe, vaincre ou échouer dans cette conjoncture se mesure par sa capacité de généralisation de la résistance à l’attaque d’une part, par sa capacité, d’autre part à entraver et à s’opposer au projet de restructuration actuel afin qu’il ne passe pas.

Dès aujourd’hui donc, la spontanéité prolétarienne exprime son activité générale en luttant contre les mesures spécifiques de la restructurati on pour la guerre: contre la politique économique de l’Exécutif, contre le doublement des dépenses militai res, l’installation; des euromissiles et la perspective de la guerre ».

On peut prévoir l’aiguisement, dans un proche avenir, de l’affrontement de classe sur ces terrains étant donné que les mesures contre lesquelles on lutte aujourd’hui ne sont que des aspects d’une restructuration qui est encore toute à déployer comme attaque à venir contre l’emploi, le coût du travail et les dépenses sociales; des mesures qui auront pour contrepartie la multiplication des bases de l’O.T.A.N. et des bases de missiles, ainsi que la croissance de la militarisation et du contrôle social.

L’autre aspect auquel se mesurent les victoires et les défaites de la classe est la capacité de l’avant-garde communiste combattante à intervenir dans cette résistance pour faire effectuer un saut au mouvement de classe contre la politique impérialiste.

Agir dans cette résistance signifie en premier lieu cerner le projet politique dominant de la bourgeoisie impérialiste et la manière dont il se matérialise dans la conjoncture.

L’initiative combattante doit être dirigée contre ce projet, pour recomposer tout l’antagonisme prolétarien actuellement fractionné en divers mouvements aux contenus spécifiques et différenciés.

On peut et on doit réunifier et orienter le mouvement prolétarien antagoniste, afin qu’il s’oppose consciemment et unitairement à ce projet même contre lequel il lutte actuellement de manière partielle et sur des aspects spécifiques.

La politique révolutionnaire est alors précisément cette capacité à exercer une direction politique en plaçant au centre l’activité générale des masses, et en agissant sur les contradictions à partir de la pratique combattante.

Le travail parmi les masses ne doit donc plus partir de l’indication: « conquérir les masses sur le terrain de la lutte armée ».

Il se propose au contraire d’orienter toutes les pratiques de lutte possibles et déjà expérimentées ‘par la classe, en généralisant et reproposant les plus mûres d’entre elles dans leurs formes de masse, contre la contradiction principale dans la conjoncture.

La politique révolutionnaire est donc un ensemble complexe de pratiques différentes, comprenant le combat, la critique, l’élaboration théorique, l’agitation, le travail d’organisation des niasses aux niveaux et dans les formes historiquement possibles, etc.

Mais elle est un ensemble de pratiques révolutionnaires parce que se situant toutes et unitairement dans une stratégie de conquête du pouvoir politique et dans la tactique conjoncturel le qui en découle.

Le caractère global des procès de restructuration fait en sorte que, sous la poussée de la sphère économique, le « politique » tende, avec toujours plus de force, à assumer le caractère dominant: ainsi, alors que le rapport entre classe et Etat se transforme, ce dernier se profile avec netteté sur le devenir de l’affrontement, opposant avec clarté les intérêts impérialistes aux intérêts prolétariens.

Pour cela nous réaffirmons que, dans cette phase, la question de l’Etat se pose avec force et clarté, et donc aussi la question de la construction d’une stratégie révolutionnaire pour la conquête du pouvoir politique.

C’est justement cette prédominance du caractère politique de l’affrontement qui nous fait réaffirmer avec d’autant plus de force la validité et la nécessité pour la lutte prolétarienne révolutionnaire de construire le Parti Communiste Combattant.

Avec ces points synthétiques, points d’analyse de la phase et de la conjoncture, nous ne prétendons pas épuiser la compréhension des tâches révolutionnaires, et donc les assumer nous seuls, dans le cadre d’un projet défini et articulé à lancer aux masses.

Nous voulons plus simplement, avec une tangibilité révolutionnaire, établir un rapport avec les masses, avec leurs avant-gardes de lutte et avec le mouvement révolutionnaire: un rapport nouveau au sein duquel construire une proposition politique révolutionnaire adaptée à la phase, pour interpréter l’antagonisme prolétarien et l’orienter vers l’unique solution positive et historiquement possible: la conquête du pouvoir politique.

Nous voulons donc être extrêmement clairs sur ce point: notre Organisation ne constitue pas le « noyau fondateur du P.C.C., même si elle agit, et veut agir activement pour en promouvoir la constitution.

Multiples sont les forces et les aires révolutionnaires qui reconnaissent la nécessité d’un parti authentique du prolétariat métropolitain, et avec lesquelles la confrontation politique est non seulement possible, mais nécessaire.

Les formes et les structures du Parti découlent des tâches stratégiques et tactiques d’un processus révolutionnaire historiquement déterminé dans le maillon-Italie.

Il s’agit donc d’un Parti dont la pratique sociale et combattante générale est basée sur la politique révolutionnaire nécessaire pour donner vie au général dans chaque « particulier » de l’activité de la classe: c’est-à-dire pour faire vivre dans le prolétariat métropolitain un programme général qui, faisant siens les intérêts politiques généraux avancés par les masses, dirige et organise, dans chaque conjoncture, la lutte et le combat prolétariens contre les aspects principaux de la « restructuration pour la guerre impérialiste ».

Un programme qui, dans chaque conjoncture, construise et atteigne une étape du processus révolutionnaire.

En tant que militants des « B.R. pour la construction du Parti Communiste Combattant », nous proposons à une vaste aire de forces révolutionnaires et d’avant-gardes de la classe, une confrontation politique visant à redéfinir une politique révolutionnaire capable concrètement de généraliser et de réunifier les luttes prolétariennes; de développer et de renforcer les mouvements de masse; et d’orienter l’activité générale des masses contre les piliers fondamentaux de la « restructuration pour la guerre impérialiste » et contre le « parti de la guerre ».

Il s’agit, en pratique, de faire assumer par les masses un programme révolutionnaire et antiimpérialiste cohérent.

Et donc de réussir à synthétiser ce qui émerge et vit, même de manière dispersée, dans les mille expressions de lutte et dans les mots d’ordre spontanés des cortèges prolétariens.

Il s’agit de contribuer à construire une politique révolutionnaire capable d’intervenir avec un programme général dans les mille rigoles des spécificités en lesquelles s’exprime la conflictualité prolétarienne: pour que rien ne soit dispersé des potentialités de la classe dans ce moment où la bourgeoisie impérialiste cherche à en fragmenter la résistance; pour que même la plus petite miette de résistance prolétarienne contribue à exercer sa force maximum contre les pivots centraux de la politique de l’ennemi principal.


TRAVAILLER A L’UNITE DES COMMUNISTES POUR LA CONSTRUCTION DU PARTI COMMUNISTE COMBATTANT!

LUTTER ET COMBATTRE POUR REPOUSSER L’ATTAQUE CONTRE LA POLITIQUE REVOLUTIONNAIRE!

TRAVAILLER A UNIR, ORGANISER, ORIENTER LA LUTTE DE LA CLASSE ET LA PRATIQUE COMBATTANTE CONTRE LA POLITIQUE ECONOMIQUE DU GOUVERNEMENT, CONTRE LES POUSSEES AU REARMEMENT ET LES DEPENSES MILITAIRES, DANS LA PERSPECTIVE DE LA CONQUETE DU POUVOIR POLITIQUE!

>Sommaire du dossier

BR-PCC : déclaration n°1 à l’occasion du procès Moro (1982)

COMMUNIQUÉ N° 1 AU PROCÈS MORO – 10 mai 1982


À TOUT LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE,

À TOUTES LES ORGANISATIONS COMMUNISTES COMBATTANTES,

Ce qui se trouve dans cette salle, malgré tous les efforts que la bourgeoisie fait pour la nier, est une terrible contradiction politique.

Une contradiction qui, du point de vue de la bourgeoisie, ne peut trouver de solution : l’affirmation dans la métropole impérialiste de la stratégie de la lutte armée pour le communisme, en tant qu’antagonisme mortel au mode de production et au système de domination capitaliste.

Dans d’autres procès intentés aux Brigades Rouges, en d’autres moments historiques, on cherchait à faire le procès de l’« idée-force » de la guérilla comme stratégie révolutionnaire en condamnant des «individus» dont on voulait masquer l’identité de classe.

Le « procès » en cours représente et une continuité et une rupture avec ceux-ci, justement parce qu’avec la capture d’Aldo Moro la guérilla a cassé d’être une simple « idée force » pour devenir une force politique révolutionnaire, un projet politique global qui entre dans le vif de l’histoire comme proposition de pouvoir du prolétariat métropolitain.

L’histoire de ces dernières années de lutte prolétarienne dans notre pays le démontre de toute évidence.

Ce sont des années au cours desquelles le système bourgeois a assisté impuissant, tout en étant férocement barricadé dans la défense de ses intérêts, à l’avancée de la lutte armée qui a conquis des points d’appui fondamentaux sur lesquels construira le système de pouvoir prolétaire.

Ce sont des années au cours desquelles, avec d’inévitables hésitations, limites et aussi erreurs, le projet de la guérilla a réussi à pénétrer dans le tissu prolétarien, à tel point qu’il n’est désormais plus possible de l’en déraciner.

La guérilla a pu poser d’aussi profondes racines parce que, issue du prolétariat métropolitain, elle s’est développée, depuis sa naissance parmi les ouvriers de la Pirelli, à travers Sossi, Coco, etc., en tendant à être un projet politico-militaire global pour la CONQUÊTE DU POUVOIR.

C’est au cours de ces dernières années que la guérilla a concentré son offensive sur le terrain de l’affrontement politique avec l’État impérialiste.

Conjoncture après conjoncture, elle a déterminé le cœur vital, le projet dominant qui a guidé les pratiques contre-révolutionnaires de tout l’appareil de la bourgeoisie.

En déclenchant l’attaque contre le projet global de restructuration impérialiste, la guérilla a touché le « cœur de l’État ». Une fois déterminé l’aspect dominant de la contradiction entre bourgeoisie et prolétariat, plus rien n’a été épargné par l’attaque de la guérilla.

Depuis le pivot délégué pour mener politiquement la restructuration de l’État, l’immonde Parti de la D.C. ; depuis les structures économiques qui devaient piloter cet État sur les rails obligés de la vorace et insatiable nécessité d’accumulation du capital multinational ; depuis l’ensemble des appareils militaires, avec leurs sales mercenaires déchaînés dans une pratique terroriste et meurtrière ; jusqu’à l’ensemble des moyens de la « désinformation sociale », tant indispensables à la contre-révolution préventive et à l’obscurcissement de la conscience des prolétaires, pour faire du mensonge et de la manipulation idéologique la philosophie de ce régime.

Dans les principales zones prolétariennes où ce projet de domination s’est articulé, il a trouvé sur sa route la guérilla, comme point le plus élevé du mouvement prolétaire de résistance offensive.

L’indiscutable force de la guérilla au cours de ces années n’a donc pas été, ni seulement, ni principalement, de type militaire, mais réside dans sa capacité à exister et à se présenter comme projet politico-militaire pour la conquête du pouvoir.

Ce n’est donc pas la somme des épisodes singuliers qui constitue l’essence de notre force, mais la proposition globale d’alternative de pouvoir.

La « Campagne de Printemps » de 78 constitue une étape fondamentale de ce parcours, comme authentique moment décisif dans l’histoire de la guérilla en Italie et pour l’ensemble du mouvement révolutionnaire dans notre pays.

Elle clôt une phase, en en ouvrant dans le même temps une autre.

Elle indique et trace les lignes directrices essentielles du parcours que le mouvement révolutionnaire doit entreprendre pour la construction du pouvoir prolétaire armé.

Elle fonde les critères essentiels de l’agir en Parti par le biais de l’Organisation combattante, sur lequel construira la direction politico-militaire du mouvement révolutionnaire.

Dans cette période, le projet de refondation de l’État impérialiste trouve sa substance dans l’ambitieuse tentative d’agréger autour de la D.C. un tas de forces et de partis, capable de gérer la crise en fonction des exigences du capital multinational et avec des intentions anti-prolétariennes déclarées.

C’est le regroupement d’un arc de forces qui comptera le parti de Berlinguer dans ses rangs, en plus des représentants traditionnels de la bourgeoisie.

Bien que semblant être une nouveauté absolue par rapport aux alchimies habituelles de la classe politique au pouvoir, ceci correspond en réalité au vieux rêve de dévitaliser l’antagonisme social, par la co-responsabilisation de ses présumés représentants institutionnels.

À un P.C.I. avide de ronger l’os d’un pouvoir dont il est exclu depuis toujours, on assigne le rôle de contrôleur, de gendarme de l’État infiltré dans la classe ouvrière.

Une fois déclenchée l’attaque contre la force politique principale, contre la D.C., et capturé le principal stratège de cet infâme projet, celui-ci commence irrémédiablement à agoniser le jour-même où il est inauguré.

L’action de la guérilla, en attaquant le niveau le plus élevé du plan contre-révolutionnaire, enferre la bourgeoisie dans un dilemme qui n’a qu’une seule solution : SUBIR LA DÉFAITE !

C’est une défaite qui met en crise tout le dispositif des forces contre-révolutionnaires, qui en désagrège la cohésion, qui en défait irrévocablement les équilibres, qui réouvre des conflits d’intérêts qui étaient en train de se résoudre autour de la D.C.

Aujourd’hui encore, ici, dans cette salle, nous pouvons le vérifier.

Dans le même temps, la guérilla se met en évidence dans toute sa portée stratégique, elle se projette, par ses mots d’ordre, comme solution gagnante pour l’ensemble du prolétariat métropolitain.

C’est à partir de ce moment que la guérilla conquiert la dimension générale d’un projet politique pour une alternative de pouvoir : un pouvoir prolétarien, révolutionnaire et communiste.

C’est dans l’attaque victorieuse au « cœur de l’État » que la guérilla conquiert pour la première fois des rapports de force favorables au prolétariat.

En conquérant le terrain de l’affrontement politique avec l’État, la guérilla vise à la destruction et à la liquidation du pouvoir de la bourgeoisie, se présente comme projet possible et crédible de construction du système du pouvoir prolétarien.

En ce sens, la « Campagne de Printemps » marque un point de passage et de dépassement.

La lutte armée cesse d’être une stratégie prolétarienne possible, mais encore à vérifier, pour devenir l’unique stratégie révolutionnaire gagnante.

La guérilla dépasse son caractère de propagande de la nécessité historique de la lutte armée, et commence à être un projet politique global pour la conquête du pouvoir par le prolétariat.

Face à ce résultat, la bourgeoisie reste effrayée et terrorisée.

Parce que c’est à partir de ce moment que la guérilla, comme projet de pouvoir, devient l’ennemi mortel de la bourgeoisie impérialiste.

Détruire par tous les moyens l’organisation de la guérilla devient l’obsession de la contre-révolution dans les années qui suivent.

Mais, désormais, la porte de la révolution prolétarienne dans les métropoles impérialistes a été grand ’ouverte.

En franchir le seuil devient possible. La tâche de la guérilla dans la phase qui s’ouvre est d’occuper le gigantesque espace qui s’entrouvre au-delà de cette porte.

De nombreux et très importants pas ont déjà été faits dans cette direction, mais il faut en effectuer d’autres, encore plus exigeants, pour que le système de pouvoir prolétarien se consolide et développe la guerre civile pour une société communiste.

Mais ici, en ce moment, il nous faut souligner que qui veut battre le projet guérillero, que qui veut liquider la possibilité qu’aie mouvement révolutionnaire de se constituer en système de pouvoir prolétaire armé, doit à tous prix nous faire croire que c’est depuis la « Campagne de Printemps » et l’opération Moro qu’a commencé le déclin de la guérilla et que, delà, elle s’est engagée sur le chemin de la défaite.

Ceci n’est qu’un exorcisme de sorciers spécialistes en propagande et en mystification. Nous affirmons que c’est depuis la « Campagne de Printemps » que la guérilla a finalement commencé à vaincre.

C’est pour cela que nous, militants de l’Organisation communiste combattante Brigades Rouges, revendiquons non seulement chaque plus petite action combattante qui nous est attribuée de manière si généreuse et flatteuse dans cette salle, mais aussi la justesse de l’ensemble de la ligne politique pratiquée par notre Organisation jusqu’ici.

Nous revendiquons aussi les limites et les erreurs qui font partie de notre parcours, conscients qu’une ligne politique juste s’affirme aussi à travers le dépassement des obstacles qui surgissent inévitablement dans la croissance non linéaire de la révolution.
Que tout cela soit vrai, l’ennemi de classe nous le confirme involontairement.

Malgré toute la puissance qu’il déploie, il se sent et est constamment assiégé, perpétuellement encerclé, il sait qu’il ne peut battre politiquement la guérilla.

Les tentatives de l’anéantir ont jusqu’à maintenant été vaines, même si des succès militaires tactiques leur ont été possibles, comme cela arrive dans toute guerre.

Les efforts pour la résorber, comme cela s’était jusque-là toujours passé pour toute autre hypothèse faussement révolutionnaire dans notre pays, ont été infructueux et puérils.

Pour la guérilla, la référant social ne peut qu’être la prolétariat ; et la classe ne peut voir la stratégie pour sa propre libération que dans la lutte armée.

Seul le prolétariat, porteur des raisons sociales qui l’érigent en classe mûre pour être dominante, peut voir dans la guérilla sa politique. Une politique prolétarienne apte à réaliser les transformations sociales pour lesquelles elle n’a jamais cessé de combattre.
La guérilla a finalement établi une ligne de démarcation au-delà de laquelle il ne peut y avoir que la destruction de la bourgeoisie comme classe et l’instauration de la dictature du prolétariat comme étape historiquement nécessaire pour la transition au communisme.

Pour cela, quels que soient les efforts, la bourgeoisie ne parvient pas à récupérer ni à déformer quoi que ce soit de ce patrimoine et de cette proposition.

Une proposition stratégique qui ne tolère ni ne subit aucune médiation et aucun conditionnement sur ses propres finalités et objectifs : la révolution prolétarienne pour une société communiste.

La bourgeoisie ne peut que tenter de la nier, en créant des mythes, en falsifiant la réalité, en présentant des phantasmes.

Mais, plus elle dépeint la guérilla comme une pratique sanguinaire et insensée, et plus nous enrichissons notre humanité et notre intelligence collective, capable de projet social.

Plus elle affirme l’isolement de notre proposition, et plus nous vérifions qu’elle s’est profondément liée aux motivations et aux besoins du prolétariat.

Plus elle tente de liquider l’identité de la guérilla par des exorcismes mystifiants et rassurants, comme ce procès, et plus nous sommes sûrs d’avoir fait mouche !

Chers Messieurs,

Il vous est impossible d’effacer la guérilla, en la niant vous ne manifestez que votre peur et votre faiblesse politique !

Voilà le pourquoi de votre fébrile besoin de construire une « vérité » à vous sur ces dernières années d’histoire de la lutte armée.

Vous avez continuellement besoin de construire ce qui doit être rappelé et comment le rappeler.

De là naît votre prétentieuse tentative d’effacer jusqu’à la mémoire historique du prolétariat.
Elle correspond à la nécessité qui est la vôtre de démolir les conquêtes politiques de ses luttes et la conscience que les prolétaires ont d’elles.

Détruire et démolir la mémoire historique du prolétariat est la condition pour en étouffer les poussées révolutionnaires.

Et c’est là l’objectif le plus ambitieux que la bourgeoisie poursuit dans cette salle.

Notre tâche ne peut donc être que de contribuer à reconstruire et à rendre vivante et utilisable la mémoire de classe, notre patrimoine d’expérience.

Ceci est indispensable pour faire les pas suivants.

Cependant que la bourgeoisie, à la recherche fébrile de sa « vérité », tordue et obscure parce que visant à maintenir l’oppression et l’exploitation, ne réussit pas à sortir de manière convaincante de l’enchevêtrement de mensonges qu’elle a elle-même construit.

Notre vérité, nous l’avons déjà dite, et c’est celle du point de vue du prolétariat.

Limpide et complète comme l’imposent les exigences de libération de la révolution prolétarienne, sans secrets ni mystères.

Une vérité, donc, qui ne craint jamais, même aujourd’hui dans cette salle, de se présenter pour ce qu’elle est, dans l’intégrité de son propre parcours et dans le fait de dévoiler le vrai visage de son propre ennemi.

Aucun doute, nous sommes ici pour remémorer !

Avec la modestie et l’orgueil de militants des Brigades Rouges, pour ce qui nous revient et au maximum de nos possibilités, nous contribuerons, face au mouvement révolutionnaire, à répéter et à consolider les éléments théoriques et politiques qui ont guidé la pratique militante de notre organisation au cours de ces années.

Ils constituent les fondements à partir desquels la guérilla est déjà en train de se redéfinir pour les nouvelles tâches que la phase lui impose.

De fait, la guérilla ne s’est pas arrêtée à Moro !

Delà, avec l’élan et la conscience d’avoir réalisé une victoire, elle a affronté les nouvelles tâches qui se posaient à elle. Et ce sont ces quatre dernières années.

Quatre années de lutte armée caractérisées par un enracinement toujours plus réel dans les masses, caractérisées par un parcours dur, contradictoire, mais extrêmement riche et propositif, années qui, alors qu’elles ont ratifié la validité historique et l’actualité de la lutte armée pour le communisme, ont construit dans la pratique une première synthèse, commençant à dissoudre les nœuds politiques du passage de l’adolescence à la maturité.

Avec la Résolution de la Direction stratégique de 1980 et son explication consécutive dans la «Campagne D’Urso», la guérilla met en relation les contenus politiques exprimés par l’antagonisme prolétaire avec l’attaque « au cœur de l’État ».

Elle réussit donc à traduire en programme de pouvoir les contenus présents dans les luttes développées par une strate de classe, en faisant vivre dans une synthèse, dans un dessein unitaire, le mot d’ordre : « Accepter la guerre, attaquer le cœur de l’État, organiser les masses sur le terrain de la lutte armée ».

La « Campagne D’Urso », bien que s’articulant dans le particulier d’un strate de classe, relance le projet de la guérilla en Italie, touche un aspect de la contradiction principale qui réunifia ce strate à tout le prolétariat métropolitain.

Le rapport antagoniste entre le « plan » de l’État et les motivations sociales qui soutiennent les luttes prolétariennes trouve dans la « Campagne D’Urso » une formidable première synthèse du rapport parti/mouvement de masse pour le saut dans la construction du système du pouvoir prolétaire.

C’est avec ce nouveau saut que la guérilla centre l’essence politique de l’affrontement de classe, au moment où la bourgeoisie, étranglée par sa crise, attaque toujours plus durement non seulement les aspirations, les besoins et la volonté de changer de millions de prolétaires, mais aussi pèse sur leurs conditions mêmes, les ramenant en arrière par rapport aux conquêtes de plus d’une décennie.

Se crée donc la possibilité historique, en plus de la nécessité pour le prolétariat, de transformer, de faire éclater comme lutte politique révolutionnaire, comme affrontement de pouvoir, les principales tensions vécues par la classe et sur lesquelles elle s’affronta à l’État.

Dès lors, la tâche de l’avant-garde révolutionnaire est de se rapporter à la lutte de masse, d’en faire émerger les éléments qui réunifient les divers strates du prolétariat métropolitain et qui, nécessairement, se situent sur le terrain de la conquête du pouvoir.

C’est le saut que nous devons faire accomplir à la lutte des masses, un saut possible qui rende actuelle la victoire du prolétariat sur l’unique terrain où elle puisse être conquise.

Ne pas faire cela, s’attarder dans la continuation de la vieille phase de la propagande armée, où l’« attaque au cœur de l’État », par rapport à l’organisation des masses, se limitait, en désarticulant le pouvoir, à parcourir la piste du mouvement prolétaire de résistance offensive, à travers le recrutement des avant-gardes d’un côté, et la propagande de l’idée-force de la guérilla de l’autre, signifierait aujourd’hui opérer une réduction « militariste » de l’agir en Parti.

Dans cette phase de passage vers la guerre civile, il y a les conditions objectives pour diriger les luttes de masse à l’intérieur d’une stratégie pour la conquête du pouvoir politique.

Le projet de la classe dominante a sa propre complexité qui vit dans les formes d’oppression du prolétariat, et non en une seule force de manière prédominante, comme c’était par exemple la cas en 1978 avec la D.C.

Mais les forces de ce projet n’ont pas toutes le même poids et, par conséquent, les luttes spontanées sur les besoins immédiats du prolétariat n’ont pas toutes la même valeur politique dans la tactique révolutionnaire.

En effet, alors que l’antagonisme prolétarien se développe dans la lutte sur les besoins matériels, le « plan » du capital par le biais de l’État suit des priorités politiques qui ne sont pas le reflet des luttes prolétaires, mais découlent de sa dynamique interne qui, aujourd’hui est la tendance à la guerre.

Tendance opposée et contemporaine à la tendance à la révolution prolétarienne qui vit dans la lutte des masses.

De ce fait, l’antagonisme prolétarien ne devient rupture révolutionnaire, dans la construction d’un système de pouvoir, que si, en son sein, l’avant-garde révolutionnaire a la capacité de saisir la stratégie différenciée qui conforme tous les « plans » contre-révolutionnaires et fait vivre l’élément général dans le particulier.

La tâche est donc de déterminer dans chaque lutte, dans chaque besoin qui s’exprime de manière concrète et antagoniste, l’aspect qui l’oppose de manière irréductible à la concrétisation, dans le spécifique, de la politique dominante de l’impérialisme.

Rendre ces aspects conscients, en exalter le caractère intrinsèque de critique radicale de la société, constitue le parcours qui permet de définir le programme révolutionnaire de la classe, de sédimenter la conscience prolétaire en système de pouvoir révolutionnaire.

Le fait de ne pas avoir assumé avec la clarté nécessaire les tâches qui se posaient à l’avant-garde révolutionnaire dans la nouvelle conjoncture, a mené, dans la dernière période, à subir des défaites tactiques, que la bourgeoisie et certains de ses paladins ont confondu avec la faillite historique de la lutte armée.

Ces erreurs se sont aussi manifestées dans notre organisation, en tant que partie vivante et active du mouvement révolutionnaire.

Elles tournent autour d’une conception qui conçoit l’attaque au « cœur de l’État » comme une simple désarticulation de ses appareils centraux et non, au contraire, comme une ligne politique qui, s’articulant en des formes d’organisation et de lutte adéquates, traversa des niveaux de conscience prolétaire différents ; et non, donc, comme indication stratégique essentielle pour l’organisation des masses dans le système de pouvoir révolutionnaire.

C’est une erreur qui se présente sous deux formes dans l’actualité historique : la réduction « militariste » et la substitution « économiste » aux luttes des masses.

C’est une erreur qui renonce au rôle de parti politique, à la recomposition, à travers l’attaque à la politique dominante de la bourgeoisie, du prolétariat métropolitain comme classe consciente qui lutte sur un programme politique de prise du pouvoir.

Dans ce contexte, le concept de réajustement, comme il en est pour le concept maoïste de « retraite stratégique », ne signifie pas pour nous (comme a pu le croire quelque petit-bourgeois superficiel et plein d’espoir) une attente de « temps meilleurs », un « refuge défensif parmi les masses », ou la « redécouverte sénile de la guérilla diffuse », etc.

Il signifie au contraire concentrer et redéfinir les forces pour privilégier les objectifs prioritaires de l’affrontement, ou plutôt les objectifs qui caractérisant le rôle du Parti, qui définissent l’axe autour duquel réunifier la classe.

Comme après 1905 en Russie, comme dans la situation qui, en Chine, amena les communistes à entreprendra la Longue Marche, les défaites tactiques ont, en réalité, révélé la maturité historique de la question centrale : la nécessité du saut de la guérilla au Parti pour la conquête du pouvoir politique et pour l’instauration de la dictature du prolétariat, étape indispensable pour la transition au communisme.

Du côté de la bourgeoisie, la politique dominante, qui pénètre toutes les sphères de la condition prolétarienne, est mise en avant par des forces qui s’assignent le rôle de direction de la société vers la guerre inter-impérialiste. Cet ensemble est bel et bien un parti « inter-forces », le parti de la guerre impérialiste.

« Parti » qui impose désormais sa logique dans tout programme de restructuration, en la rythmant selon des temps et des modes dont les priorités sont celles de la préparation à la guerre.

Le saut que la contre-révolution a effectué se situe dans cette dynamique pré-guerrière. Un saut auquel la combativité et la solidité interne de la guérilla l’a contrainte, mais qui a dans le même temps mis à nu les carences globales des forces révolutionnaires.

Un saut marqué d’une empreinte militaire, par le déploiement d’une stratégie qui prévoit la torture, la trahison, la dissociation et la reddition. Mais ces problèmes, avec lesquels nous devons aujourd’hui régler les comptes, sont des problèmes de croissance.

Pour cela, forts de notre patrimoine, que nous réaffirmons ici, il est possible de regarder le futur avec l’assurance de pouvoir assumer les tâches auxquelles nous sommes confrontés.

Construire le Parti Communiste Combattant !

Organiser les masses dans le système du pouvoir prolétaire armé pour la conquête du pouvoir politique !

Contre le « parti de la guerre impérialiste », porter l’attaque au cœur de l’État !

Guerre à l’impérialisme ! Guerre à l’O.T.A.N. !

Pour tous ces motifs, pour l’identité politique, que nous revendiquons, de militants des « Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant », nous estimons absolument superflue la présence d’avocats de la défense.

La révolution prolétarienne n’a à se défendre de rien, parce qu’elle est elle-même une accusation et une condamnation du système de pouvoir et de production existant.

Nous révoquons donc le mandat de nos défenseurs.

Nous défions quiconque de prendre la parole en notre nom.

Nous considérons les défenseurs commis d’office, qui assumeraient éventuellement cette charge, comme des collaborateurs actifs de ce régime.

La guérilla les considérera de la même manière que les « défenseurs d’office » qui ont fourni, par leur seule présence, une couverture «légale» aux pratiques de torture à l’égard des communistes capturés.

Couverture et complicité qu’ils paieront de l’unique manière qu’ils soient en mesure de comprendre : avec le plomb !

Rome, 10 mai 1982

Les militants de l’Organisation Communiste Combattante
Brigades Rouges
pour la construction du Parti Communiste Combattant


Arreni Renato, Bella Enzo, Braghetti Anna Laura, Cacciotti Giulio, Gallinari Prospero, Guagliardo Vincenzo, Jannelli Maurizio, Moretti Mario, Piccioni Francasco, Ponti Nadia, Ricciardi Salvatore, Seghetti Bruno.

>Sommaire du dossier

Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain: communiqué n°1 au procès Moro (1982)

PARTI GUÉRILLA DU PROLÉTARIAT MÉTROPOLITAIN

COMMUNIQUÉ No 1 AU PROCÈS MORO: FAIRE LE PROCÈS DE LA RÉVOLUTION EST IMPOSSIBLE !

(26 avril 1982)

Le procès que la bourgeoisie impérialiste estime aujourd’hui devoir et pouvoir célébrer est une étape fondamentale du procès de refondation de l’État impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale contre le prolétariat métropolitain.

La bourgeoisie impérialiste s’illusionne de pouvoir, de cette manière, liquider définitivement la stratégie de la lutte armée !

Depuis désormais des mois, un message est martelé à travers les scribes de régime, en un crescendo continu, à l’égard de tous les prolétaires : «La guérilla est désormais liquidée!»

Cela serait démontré — selon la propagande bourgeoise — par les centaines d’arrestations de ces derniers mois : la guérilla serait maintenant isolée des masses.

La Campagne de Printemps aurait été « le début de la fin ».

À partir de là, les ruptures se seraient succédées et, en conséquence, même les secteurs de mouvement les plus proches de la guérilla auraient progressivement abandonné l’hypothèse stratégique lancée par les Brigades Rouges avec la Campagne de Printemps et synthétisée dans les deux mots d’ordre : « Porter l’attaque à l’État impérialiste des multinationales », et « Unifier le mouvement révolutionnaire en construisant le Parti communiste combattant ».

Pour exagérer les défaites tactiques de la lutte armée, la bourgeoisie se fait forte des saloperies écrites par les traîtres que les médias bourgeois obstinent à appeler « repentis ».

Le « projet repentis », qui s’articulait uniquement autour de l’usage du tristement célèbre article 4, a été profondément désarticulé par une vaste et incisive initiative qui s’est développée à l’intérieur du mouvement révolutionnaire et des mouvements de masse contre les infâmes de tout acabit (de l’exécution de Waccher à celle de Viele), qui a culminé avec la Campagne Peci et a ensuite été développée par les prolétaires prisonniers de Cuneo avec l’exécution du crocodile infâme Soldati.

Pour cela, la bourgeoisie redéfinit aujourd’hui sa tentative de battre la guérilla de son sein autour d’un nouveau projet : la stratégie de reddition.

Les formes de la dissociation et de la collaboration active s’articulent ainsi du « projet repentis » jusqu’à la « solution politique au terrorisme », entendue comme tractation entre État et individus, entre État et Organisation communiste combattante.

Et c’est ainsi que les traîtres et les rendus sont utilisés pour soutenir les thèses de la bourgeoisie sur la liquidation de la guérilla : de Savasta à Buonavita, de Peci à Buzzati.

L’État confie à chacun d’eux un rôle précis pour la reconstruction d’une mémoire sur les Brigades Rouges et sur le mouvement révolutionnaire qui doit démontrer la faillite et l’absence totale de perspectives de la stratégie guérillera.

Nous ne connaissons que trop bien la rengaine : le bilan que les infâmes et les rendus tracent à partir de la mémoire hallucinée de leur expérience dans les Organisations communistes combattantes doit démontrer que la guérilla s’est totalement détachée des motivations sociales qui l’ont produite.

Une soudure gagnante entre initiative de Parti et mouvement de masse serait impossible, et pour cela la seule issue resterait la tractation de la reddition à travers la négociation politique avec l’État.

La bourgeoisie veut à tout prix démontrer l’impossibilité de la transition au communisme comme unique perspective pour le prolétariat métropolitain de sortir de la crise.

Pour opérer cette mystification, elle utilise tous les instruments qu’elle a à sa disposition et elle n’a pas manqué de les mettre en œuvre à l’occasion de ce procès.

Nous laissons aux idiots leurs illusions : le mouvement révolutionnaire et le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain se chargeront de démontrer quelle est la réalité.

Dans cette conjoncture, la refondation de l’État impérialiste des multinationales est le programme à travers lequel la bourgeoisie impérialiste redéfinit — par une série d’interventions économiques, politiques, militaires, etc. — son État en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain.

La contre-offensive bourgeoise qui s’incarne dans ce projet est la réponse à la maturité politique atteinte par les mouvements de classe de notre pays et à la crise économique et sociale qui les produit, dans le cadre de la crise plus générale qui, de manière croissante, est en train de secouer violemment l’impérialisme et le social-impérialisme.

Le projet de refondation de l’État impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain est profondément défensif.

En effet, il accentue encore plus les contradictions, tant au niveau économique — en reproduisant à une échelle toujours plus grande les contradictions produites par la crise historique générale que nous sommes en train de traverser — qu’au niveau social, puisque la crise de l’impérialisme agonisant dans la phase de la domination réelle totale du capital se manifeste comme inimitié absolue entre bourgeoisie et prolétariat dans tous les rapports sociaux.

Les puissantes causes objectives qui poussent la bourgeoisie impérialiste à anéantir le prolétariat métropolitain travaillent pour la révolution sociale totale et poussent le prolétariat métropolitain à anéantir la bourgeoisie.

De la Campagne de Printemps 78 aux Campagnes Printemps-Été 81, la bourgeoisie est contrainte à suivre l’initiative révolutionnaire !

En cela, la refondation de l’État a un caractère irrémédiablement défensif.

Le projet de refondation de l’État impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain, justement parce que son contenu est profondément défensif, recouvre des formes extrêmement offensives.

Comme dit Mao : « Tous les réactionnaires ont une double nature : ils sont en même temps de vrais tigres et des tigres de papier. »

Le programme du gouvernement Spadolini, en particulier dans le saut de qualité développé en janvier, a montré et montre encore les « dents d’acier » du vrai tigre.

En effet, de janvier à aujourd’hui, ce ne sont pas peu de cartes qui ont été jouées :

— l’institutionnalisation de la torture donnant carte blanche aux corps spéciaux antiguérilla ;

— l’extension maxima de la différenciation et de l’isolement des prisonniers à partir de l’application de l’article 90 dans les prisons spéciales, à l’isolement prolongé pour les nouveaux arrêtés, à l’abolition de fait de l’institution de l’avocat défenseur ;

— la plus grande articulation de la différentiation dans les usines à travers l’usage calibré et raffiné de la cassa integrazione, des licenciements, de la mobilité territoriale ;

— le développement toujours plus raffiné de la contre-guérilla psychologique à travers la création de faux repentis et l’utilisation des saloperies des infâmes ;

— la mise en vigueur de la super-instruction pour insurrection armée contre l’État, gérée pour le compte de l’Exécutif par les diligents magistrats de guerre du Parquet de Rome qui ont la prétention d’instruire un procès définitif de la guérilla métropolitaine afin d’émettre une sentence de mort à l’encontre de la guerre de classe pour le communisme.

Mais, à la dialectique crise-restructuration-destruction-anéantissement de la bourgeoisie impérialiste s’oppose la dialectique destruction-construction du prolétariat métropolitain.

Dans la destruction du système de pouvoir bourgeois vit la construction du système du pouvoir rouge !

Dans la construction du système du pouvoir rouge se concrétise la destruction du pouvoir bourgeois !

Pour battre la contre-offensive de l’État impérialiste des multinationales, relancer l’offensive révolutionnaire !

Reprendre l’offensive pour organiser la transition au communisme et construire le système du pouvoir rouge !

De nouveaux mouvements de masse se sont développés dans les derniers mois, produits par la radicalisation de la crise de l’impérialisme.

Le tournant dans la politique économique engagée par Reagan, centrée sur le soutien au dollar, a mené les U.S.A. à décharger sur les « alliés » les coûts de la crise.

Notre pays, comme anneau faible de l’impérialisme, se retrouve à payer les prix les plus lourds et à subir les contradictions les plus déchirantes.

Tout cela produit des mouvements de masse qui, par-delà leur apparente absence d’homogénéité et les différents niveaux d’antagonisme qu’ils expriment, se définissent comme des mouvements durables et unitaires, parce qu’unifiés par la cause objective qui les produit : la crise historique générale du mode de production capitaliste actuel.

De Turin à Naples, de la multinationale Fiat à celles de l’État, du cœur de la classe aux marginaux, des grandes maisons d’arrêt métropolitaines au circuit des prisons spéciales, les mouvements de masse s’annoncent plus vivaces que jamais en ce printemps 82 : cela en dépit des velléités de l’État qui voudrait assécher l’eau dans laquelle nage le poisson rouge de la guérilla, en dépit des funérailles que les infâmes voudraient faire au mouvement révolutionnaire, le plus vite possible.

Ces mouvements se définissent potentiellement comme mouvement de masse révolutionnaire en ce qu’ils s’opposent de manière offensive au mouvement de restructuration-destruction du capital, en le bloquant ; en ce sens, ils se situent directement sur le terrain du pouvoir.

C’est à partir de leur pratique que nous saisissons les aspirations profondes du prolétariat métropolitain, auxquelles seul le communisme, en tant que mouvement réel qui abolit l’ordre établi, peut donner une réponse.

C’est à ces mouvements que nous nous adressons dans notre pratique sociale qui vit dans cette salle dans les formes du procès guérilla, et qui, de cette manière, contribue à construire le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain.

En pratiquant le procès-guérilla, nous faisons vivre, aujourd’hui ici, dans le concret de la pratique sociale, le mot d’ordre reprendre l’offensive et nous dialectisons avec l’initiative de la guérilla qui, avec l’attaque contre ce bunker dans lequel vous êtes réduits à célébrer le procès, a plus que jamais démontré sa vitalité.

Reprendre l’offensive signifie développer les trois lignes directrices au long desquelles se réalise le Programme politique général de conjoncture :

— l’attaque au cœur de l’État, c’est-à-dire l’attaque au projet stratégique de la bourgeoisie impérialiste, dans sa dimension conjoncturelle.

Ce qui signifie aujourd’hui désarticuler et détruire le projet de refondation de l’État impérialiste des multinationales, en liquidant et dispersant le parti-régime, la D.C. La D.C. est l’axe porteur de la refondation de l’État impérialiste des multinationales.

Désarticuler et liquider la D.C. veut dire attaquer la refondation de l’État impérialiste des multinationales !

— la recomposition du prolétariat métropolitain dans la construction du système du pouvoir rouge. Ce qui signifie, aujourd’hui, dialectiser l’initiative de parti avec les mouvements de masse du prolétariat métropolitain, en construisant l’anneau manquant du système du pouvoir rouge — les organismes de masse révolutionnaires.

— la redéfinition pratique d’un authentique internationalisme prolétarien, à partir du développement de la révolution dans notre pays. Ce qui signifie aujourd’hui, contre les asphyxiantes théorisations sur l’internationalisme combattant, développer la dialectique entre Parti et mouvement de masse qui lutte contre l’impérialisme et le social-impérialisme. Construire l’unité des guérillas qui combattent au cœur des métropoles pour le communisme. Soutenir la lutte des peuples et des pays qui luttent contre l’impérialisme et le social-impérialisme. Anéantir tout type d’impérialisme.

Ou il y aura le communisme pour tous, ou il n’y aura de communisme pour personne !

Consolider le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, aller au-delà de l’agir en Organisation communiste combattante.

Dans le mouvement révolutionnaire, les derniers mois ont été riches de transformations et de développements.

Nous avons assisté à la défaite du militarisme qui, à cause de son réductionnisme, ne peut que se vriller sur lui-même dans la reproduction d’actions qui se préoccupent uniquement d’attaquer l’appareil de la bourgeoisie impérialiste, à des niveaux toujours plus élevés, en niant la dialectique entre parti et besoins immédiats du prolétariat métropolitain.

À partir de la défaite politique et militaire subie avec l’action Dozier, le militarisme campe sur la « retraite stratégique », en se faisant l’illusion que l’unique possibilité de définir une riposte adéquate à la contre-offensive bourgeoise soit en se « retirant », en se dissolvant au sein des masses et en arrêtant sa propre initiative pour élaborer une théorie révolutionnaire adéquate.

Ces camarades ne comprennent pas que l’unique théorie révolutionnaire ne peut naître et vivre que dans la dialectique constante avec la praxis révolutionnaire. Ils ne comprennent pas que la praxis est vérification de la théorie, mais aussi procès de transformation de la réalité et, en ce sens, procès de transformation du parti lui-même pour l’adapter aux tâches complexes de transformation de la matière sociale.

Il n’y a pas de praxis révolutionnaire sans théorie révolutionnaire !

Il n’y a pas de théorie révolutionnaire sans praxis révolutionnaire !

Mais, il y a plus : dans la métropole impérialiste, il n’existe pas de zones de neutralité ni de zones libérées dans lesquelles la guérilla pourrait se retirer.

Là où le pouvoir rouge n’arrive pas à détruire le pouvoir bourgeois, le pouvoir bourgeois croît en extension et en profondeur !

L’existence de la guérilla dans la métropole ne peut être donnée que par sa capacité à être constamment à l’offensive et à la tête des mouvements de masse du prolétariat métropolitain.

Il n’existe donc pas, pour la guérilla dans la métropole, de possibilités de se retirer dans le cours de la guerre de classe pour la transition au communisme et la construction du système du pouvoir rouge.

Dans la métropole, la retraite — à plus forte raison si elle est retraite stratégique — est la mort pour le prolétariat ! Mort de ses rapports sociaux en transformation, mort des besoins évolués qui mûrissent dans les luttes, acceptation de la rationalité nécrophile du capital, jusqu’à la véritable mort physique

La perspective de la retraite stratégique dans la métropole n’est donc pas la condition de la reprise de l’offensive, comme elle pouvait l’être lors de la révolution chinoise, mais le plan incliné qui mène nécessairement à la liquidation du projet guérillero.

Au cours de ces mois, nous avons assisté à l’immobilisme forcené des lignes qui se sont arrêtées à l’agir en Organisation communiste combattante, en s’arrêtant dans le processus de construction du système du pouvoir rouge.

Cet immobilisme est dû à l’incapacité-impossibilité d’affronter et de trancher les nœuds que la guerre de classe met à l’ordre du jour, à travers les lignes subjectivistes — oscillant constamment entre économisme et militarisme — ou même des lignes néo-révisionnistes.

Ces lignes finissent, en fait, par enfermer sa propre pratique sociale dans des secteurs de classe particuliers, à l’intérieur desquels elles réussissent sûrement à consolider une dialectique concrète et propositive par rapport aux mouvements de masse particuliers — par exemple le prolétariat prisonnier, ou même des secteurs particuliers de la classe ouvrière — sans cependant réussir à pratiquer le terrain aujourd’hui indispensable pour être parti : l’attaque au cœur de l’État à l’intérieur de la recomposition du prolétariat métropolitain pour la construction du système du pouvoir rouge, dans la guerre de classe pour la transition au communisme.

La ferme critique de Parti à ces lignes erronées, « d’Organisation communiste combattante », est aujourd’hui le présupposé pour construire l’unité de toutes les forces sincèrement révolutionnaires, en les positionnant sur la ligne aujourd’hui la plus avancée.

Mais l’élément aujourd’hui dominant dans le mouvement révolutionnaire est le saut de qualité que la guérilla a accompli au cours de ces mois en commençant à affirmer avec clarté l’identité politique du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain !

La ligne de Parti, même si elle vit parmi mille difficultés, s’est construite à partir de la Campagne d’Urso, à travers les Campagnes Cirillo et Peci, en se caractérisant par la continuité de l’attaque au cœur de l’État, en se caractérisant par la multi-dimensionnalité de sa pratique sociale, en se caractérisant par sa capacité à être le parti qui construit le parti en constante interaction dialectique avec les mouvements de masse et les organismes de masse révolutionnaires du prolétariat métropolitain, en se caractérisant enfin par l’importance qu’elle assigne à l’étude de la conception matérialiste de l’histoire, du matérialisme dialectique et de son développement dans le cours de la révolution prolétarienne, comme base indispensable à la construction d’une adéquate théorie révolutionnaire et de parti.

Dans la lutte contre les lignes erronées, au cours de la dernière année s’est construit un collectif de cadres communistes qui a dirigé les pratiques sociales les plus mûres des Campagnes Printemps-Été 81 et qui, à partir de cela, a déjà commencé à effectuer le saut de Organisation communiste combattante à Parti.

Comme il n’y a pas eu de continuité linéaire entre la naissance et l’explosion du mouvement de masse de 68/69, la naissance et la croissance des « groupes », la naissance de la lutte armée et des Brigades Rouges en particulier en 1970, de même aujourd’hui, il n’y a pas de linéarité dans le saut de Organisation communiste combattante à Parti !

Avec la rupture opérée par la ligne de Parti vis-à-vis des lignes erronées, dans le feu de la pratique sociale des Campagnes Printemps-Été 81, l’avant-garde communiste n’a bien sûr pas construit le Parti, mais elle a démarré un processus de fondation-construction du Parti à partir d’un corps de thèses organiques.

La Résolution de la direction stratégique de 81, journal no 4 des Brigades Rouges, qui synthétise de manière organique ce corps de thèses, est pour nous un point d’arrivée décisif dans la bataille politique contre les lignes erronées, en particulier militaristes, organisativistes, subjectivistes et néo-révisionnistes. Elle est un instrument indispensable pour la fondation du Parti.

Le saut de qualité est un processus de construction qui a un point de départ historiquement défini, objectif et subjectif.

En ce sens, la rupture par laquelle nous avons affirmé la fin historique du cycle d’Organisation communiste combattante est déjà le début du Parti : le parti qui construit le Parti !

Après la rupture que représente la première étape du saut au parti, il y a le parti, mais il est encore une Organisation communiste combattante en ce sens qu’il représente le nouveau qui vit encore dans l’ancien.

Saisir le nouveau qui avance et détruire le vieux qui n’est pas encore mort et ne peut être mort, non seulement dans le rapport entre Parti et Organisation communiste combattante, mais aussi dans le Parti lui-même ! Rien ne doit subsister de l’agir en Organisation communiste combattante !

Combien est longue et complexe la route pour atteindre cet objectif, le démontrent les défaites tactiques que la guérilla a subi après la grande offensive des Campagnes Printemps-Été.

Ces défaites n’arrêtent pas la croissance du mouvement révolutionnaire, elles ne peuvent interrompre la construction du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, elles ne sont que des batailles perdues, des défaites tactiques inscrites dans le saut que l’ensemble du mouvement révolutionnaire, à partir de son avant-garde communiste, a fait et continue de faire.

En 81, un cycle du processus révolutionnaire dans notre pays s’est clos par une rupture avec le passé : les Brigades ont démontré, dans leur pratique sociale, la capacité à être parti, en se posant comme direction du mouvement révolutionnaire et en déterminant les lignes directrices portantes du Programme politique général de conjoncture.

Le saut d’Organisation communiste combattante à Parti ne peut être refait à l’envers, il est définitivement fixé dans la pratique sociale et dans la théorie des Brigades Rouges.

Le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain a commencé à parcourir sa route pour organiser la transition au communisme et construire le système du pouvoir rouge !

Les défaites tactiques sont des moments inévitables qui doivent être transformés en moments de réflexion et de croissance sur le plan stratégique.

La défaite tactique de janvier n’est pas le fruit d’erreurs techniques, militaires, mais la démonstration que le parti n’avait pas encore résolu les problèmes essentiels de son identité-capacité de projet.

Apprendre de cette vague d’arrestations momentanée a signifié pour nous consolider le parti, en faisant un saut de qualité dans le processus de sa construction.

Comme dit Mao : « Découvrir la vérité à travers la pratique et à travers la pratique développer la vérité et le point de vue de la vie, de la pratique, doit être le point de vue premier et fondamental de la théorie de la connaissance. »

La défaite tactique de janvier 9 est le fruit d’un rapport incorrect entre théorie et praxis qui vivait dans le parti. En ce sens, la consolidation du parti n’est pas un moment organisationnel, mais un saut dialectique qui redéfinit un rapport correct entre théorie et praxis.

Aux vautours idiots de la bourgeoisie impérialiste, à ceux qui croient pouvoir désarmer le prolétariat métropolitain et abattre les Brigades Rouges, nous rappelons que l’occupation et le déménagement de Santa Maria Capua Vetere et l’attaque contre ce bunker menée par des détachements armés de notre parti représentent la continuité et la relance de la guérilla à partir de la réaffirmation de la validité du Programme politique général de conjoncture, sanctionné par la Direction stratégique de 1981.

Comme le disent justement les camarades dans le tract du 14 avril, « le cycle commencé en 68 ne peut maintenant continuer qu’en accomplissant un saut de qualité : de premiers noyaux de guérilla, les Brigades Rouges deviennent maintenant Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain ».

Ce qui est en cours de manière permanente est le procès de la révolution à la contre-révolution !

Comme le disent encore les camarades : « Avec le « procès Moro », la bourgeoisie impérialiste a tenté de libérer ses propres songes de l’assaut de la guerre de classe. Le « procès Moro » devait et veut être non seulement le procès des Brigades Rouges, de la guérilla métropolitaine et du mouvement révolutionnaire, mais aussi le procès d’une hypothèse révolutionnaire, la guerre de transition au communisme.

Le « procès Moro » devait ratifier et sanctionner l’acte de mort de la révolution, mais le procès de la révolution est impossible ! »

Le procès d’Aldo Moro ne s’est pas conclu il y a quatre ans, parce qu’il était en réalité le procès d’une classe politique et du projet que celle-ci gère pour le compte de la bourgeoisie impérialiste.

Le procès d’Aldo More a continué avec le procès Cirillo et continue sans interruption depuis quatre ans, même si les formes du projet ont changé : en 78, c’était le projet d’unité nationale autour de l’embrassade interclassiste D.C.-P.C.I., aujourd’hui c’est le projet de la refondation de l’État impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain, autour de l’inamovibilité forcenée confirmée par des culs-de-pierre démochrétiens.

Le procès de cette classe politique qui gère le projet de la bourgeoisie impérialiste vit aujourd’hui dans le pays, comme il vit dans les formes du procès guérilla à l’intérieur de cette salle d’audience.

Tout comme le « procès Moro » est un moment de la refondation de l’État, notre procès guérilla est un moment de la construction du parti !

Pour nous, aujourd’hui, pratiquer le procès guérilla ne signifie pas uniquement donner la parole aux mouvements de masse et relancer les mots d’ordre que la guérilla lance avec son initiative externe.

Procès guérilla, pour nous, aujourd’hui, signifie être un point de référence clair pour la classe en développant une pratique sociale de guerre jusqu’à l’intérieur de cette salle d’audience.

À l’intérieur des rapports de force plus généraux entre bourgeoisie et prolétariat, reprenons l’offensive contre l’éphémère contre-offensive ennemie !

Nous travaillerons dans cette salle d’audience pour reconstruire une mémoire prolétaire de 12 années de lutte armée : c’est à partir de ce terrain que notre présence dans ce bunker recouvre un caractère offensif et fait peur aux esclaves de la bourgeoisie, en ce qu’il détruit le projet de l’État qui voudrait nier l’histoire, l’identité et les motivations sociales de la guérilla, en la réduisant à une histoire de crimes sans perspectives !

Le pouvoir sur la mémoire est un aspect fondamental du contrôle social dans la métropole.

La mémoire est fonction de la projetualité et, pour cela, l’issue de la révolution sociale dans la métropole dépend aussi de la solution de la lutte de classe sur ce terrain.

La mémoire bourgeoise tente de programmer les comportements prolétaires avec l’objectif précis de rendre les tensions de classe compatibles, mais cette tentative butte inexorablement contre l’irréductibilité de l’antagonisme prolétarien, fruit du caractère irrésolvable de la crise.

Le génocide de la mémoire prolétaire est pour la bourgeoisie la condition du contrôle préventif des comportements du prolétariat métropolitain.

C’est la mémoire du possible pour ce mode de production, et non de celui de la transformation révolutionnaire qui avance sur le mot d’ordre : l’impossible pour ce système est notre possible !

Le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, au contraire, doit être capable de stimuler la construction des multiples interconnexions entre Parti et mouvements de masse, entre les divers mouvements de masse, entre les divers organismes de masse révolutionnaires, en construisant la communication sociale transgressive et en reconstruisant à l’intérieur de ces riches connexions, à partir et en fonction de celles-ci, une mémoire prolétaire de la lutte armée.

Cette mémoire est un instrument indispensable pour transformer l’antagonisme prolétarien en une stratégie politico-militaire, pour la construction du pouvoir-savoir social du prolétariat métropolitain.

Cette mémoire n’est donc pas uniquement reconstruction historique de notre passé : elle est mémoire tournée vers le futur.

Plus encore : elle est mémoire d’évènements futurs !

Elle est un instrument indispensable à la capacité de projet du parti, ou mieux, à sa capacité à résoudre le problèmes stratégiques de la transition et les problèmes des masses à travers la définition des programmes.

Elle est un se rappeler pour transformer, non pour conserver ; se rappeler pour accélérer et massifier la transition au communisme.

Combattre contre l’usine bourgeoise de la mémoire collective et audiovisuelle, contre les rapports sociaux de sa production-circulation, pour une autre mémoire, est une question vraiment décisive.

Cela signifie construire un rapport avec le passé tourné vers la transition révolutionnaire au communisme, en reconnaissant dans notre passé les germes des événements futurs !

C’est à partir de cette mémoire qu’aujourd’hui nous voyons la grande et victorieuse Campagne de Printemps 78 comme l’offensive qui a posé les présupposés pour le saut à une phase plus avancée de la guerre de classe pour la transition au communisme : de la phase de la propagande armée à la phase de la construction du système du pouvoir rouge, et en particulier du Parti et des organismes de masse révolutionnaires.

La Campagne de Printemps est contemporainement un point d’arrivée et un point de départ.

Un point d’arrivée de huit ans au cours desquels l’avant-garde guérillera, avec à sa tête les Brigades Rouges, a su enraciner la stratégie de la lutte armée dans le prolétariat métropolitain, à partir de la classe ouvrière des grandes usines, en s’étendant progressivement au prolétariat marginal et extralégal et en abattant le mur qui divisait les prisons du reste de la société.

Un point de départ pour de nouveaux pas en avant accomplis par la guérilla de 78 à aujourd’hui et synthétisés avec une évidence particulière dans les Campagnes de Printemps-Été 81.

C’est la Campagne de Printemps qui posa les éléments pour son propre dépassement, en imposant un saut de qualité dans le rapport masses-parti-masses et en mettant à l’ordre du jour le problème de la continuité de l’attaque à l’État, entendue comme continuation du procès d’Aldo Moro dans ses plus profonds contenus.

Ce sont justement les résultats politiques obtenus par la Campagne de Printemps et développés au cours des années suivantes que la bourgeoisie veut effacer avec ce procès.

L’unique chose que cette cour puisse faire est administrer des siècles de prison ! Les seules qui puissant réaffirmer la vérité révolutionnaire sont les Brigades Rouges : c’est cette vérité que nous voulons revendiquer dans ce procès, contre le génocide de la mémoire prolétaire perpétré parla justice bourgeoise !

Dans cette salle d’audience, unis au mouvement révolutionnaire, nous continuons le procès du régime et de ses esclaves.

Pour cela, nous n’avons aucun besoin d’avocats puisque nous n’avons à nous défendre de rien.

Nous révoquons donc le mandat de nos avocats de confiance et nous défions quiconque de parler en notre nom !

Relancer l’offensive prolétarienne sur le terrain du Programme politique général de conjoncture, pour battre la contre-offensive de l’État impérialiste des multinationales !

Rome, 26 avril 1982

Les militants du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain

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Union des Communistes Combattants : Action contre Da Empoli (1986)

(février 1986)

Le vendredi 23 février, un noyau armé de notre organisation a attaqué et blessé Antonio Da Empoli, responsable et dirigeant du « bureau des affaires économiques » du Palais Chigi [Siège de la présidence du conseil des ministres et du conseil des ministres du gouvernement italien].

Antonio Da Empoli a joué, sous sa parure de « coordinateur » du staff d’experts économiques de Craxi [Secrétaire du parti socialiste italien, président du conseil des ministres dans deux gouvernements de coalition entre démocratie chrétienne, parti socialiste italien, parti socialiste démocratique italien, parti républicain italien et parti libéral italien, du 4 août 1983 au 29 juin 1986 et du 2 août 1986 au 3 mars 1987], un rôle essentiel dans l’élaboration de la loi financière, loi qui constitue un des instruments les plus importants de la politique économique du gouvernement bourgeois.

Notre noyau armé suivait des consignes précises: blesser et non pas tuer Antonio Da Empoli (comme cela a été fait); laisser la vie au sale sbire qui l’escortait (ce qui s’est traduit dans le fait d’avoir tiré dans les pneus et non sur le chauffeur).

Au cours de l’opération, Wilma Monaco Roberta, dirigeante de notre organisation, communiste engagée depuis des années dans la lutte armée et dans le mouvement de classe en Italie, a été tuée suite à la réaction de l’agent des services spéciaux.

L’Union des Communistes Combattants rend avant tout honneur et respect à sa militante tombée en combattant pour le communisme et invite tout le prolétariat révolutionnaire à méditer sur la signification du sacrifice de Roberta.

Cela dit, procédons par ordre.

Hurlements, bruits, tapage

Les classes dominées en Italie sont depuis longtemps habituées à d’inconvenants spectacles: chaque jour, la classe politique des partis bourgeois met en scène une nouvelle bouffonnerie.

Au cours de ces derniers mois encore, litiges et bagarres se sont succédés dans tous les domaines: de la politique extérieure à la paternité du drapeau, de l’actualité des religions aux choix économiques, du Conseil Supérieur de la Magistrature à la RAI TV.

Pour ces hommes pourtant habitués à la bagarre, au croc-en-jambe réciproque et à la lutte intestine, cela n’est évidemment pas de tout repos.

Craxi blesse De Mita [Secrétaire de la démocratie chrétienne jusqu’en février 1989, actuellement président du conseil des ministres du gouvernement en place depuis le 14 avril 1988], et celui-ci à son tour le poignarde dans le dos; Spadolini [Secrétaire, durant des années, du parti républicain italien, il fut ministre des affaires étrangères des gouvernements Craxi 1 et 2] joue des coudes de manière encombrante pour souligner sa grasse présence, s’élevant de temps à autre jusqu’à quelqu’aboiement pudique dans la maison libérale et la maison social-démocrate.

Existe-t-il un gouvernement en Italie?

Confrontés à une telle souveraine irresponsabilité, face à l’incompétence généralisée des hommes politiques qui occupent les sièges du pouvoir, on en arrive parfois à se le demander…

Bien qu’il soit vrai que la politique bourgeoise dans notre pays se réduit le plus souvent à une incursion de palais, il est vrai « aussi que les classes laborieuses ne se retrouvent guère, dans cette ronde infernale, dans cet incessant carrousel, et qu’elles en restent souvent dégoûtées.

Le sentiment qui domine, c’est celui d’être aux prises avec un tumulte permanent et irritant dont le sens reste inconnu: hurlements, bruits, tapage, justement.

Les faits

On ne peut pas nier, à la fin des fins, qu’il est vraiment difficile de s’orienter dans le panorama des partis italiens: ils changent si souvent de position, ils attaquent et font si rapidement la paix, ils sont tellement privés de toute ligne cohérente qu’ils laissent aussi perplexes l’observateur politique le plus averti que le partisan des travailleurs le plus expérimenté.

Pour le prolétariat, il conviendra donc de se référer aux faits, aux faits nus, aux faits crus, aux faits têtus qui toujours en disent plus que toute proclamation, que toute déclaration d’intention vendue pour vraie par l’orateur de service.

Et les faits, en vérité, parlent clairement: ils parlent si clairement qu’ils dissipent en un clin d’œil cette impression de vacarme envahissant propre au système politique bourgeois italien. Incapables et voyous, oui: mais au pouvoir.

Ignorants et maquereaux, oui: mais des idées claires quant à leur fonction.

Il existe un gouvernement: deux années et demie de gouvernement Craxi, deux ans et demi de « stabilité » garantie par ce strong man, ont fait cadeau à la classe ouvrière de trois lois financières, l’une pire que l’autre;

d’un décret-escroquerie (celui de février 1984) qui réduisit de force le salaire ouvrier; de quelques dévaluations décidées au moment ad hoc pour favoriser les grands groupes industriels et pénaliser le pouvoir d’achat des travailleurs;

d’une politique industrielle qui, bien que privée en apparence de toute cohérence, a sans conteste privilégié les restrictions d’emploi et les fermetures d’entreprises (notre Da Empoli en sait quelque chose);

de missiles américains sur notre territoire, et d’un acquiescement systématique aux choix bellicistes de Reagan- dans les confrontations et d’un renforcement du rôle réactionnaire de l’Italie dans la Méditerranée.

Mais ce n’est pas encore assez: dulcis in fundo [last but not least (ndlr)], Craxi et ses complices préparent l’adhésion en sourdine à la « guerre des étoiles » des Docteur Folamour américains.

Nul besoin d’être prophètes pour prévoir qu’après Sigonella [Base de l’OTAN, située près de Catane, en Sicile], ils seront bien peu brouillés avec les gars du Pentagone: Attention, notre Foster Dulles en seizième, l’âne Spadolini, veille sur le solide investissement « atlantique » du Beau Pays.

Aussi risible et incompétente qu’elle soit, la classe politique italienne a donc adopté en bloc une direction de gouvernement assez précise, une orientation particulièrement réactionnaire, tant en matière de politique économique que dans le domaine de la politique extérieure.

Tant et si bien que ce qui se profile nettement, c’est précisément l’ombre d’un sourd projet de restauration autoritaire et conservatrice qui fatalement remettra en question de nombreuses conquêtes affirmées du mouvement ouvrier, qui mènera sans cesse plus l’Italie vers une politique extérieure agressive et impérialiste, qui restreindra substantiellement les espaces déjà fort peu confortables de l’opposition sociale.

Le pourquoi

Le pourquoi est simple à sa manière. Le capitalisme est en crise et à la recherche d’une nouvelle « identité »: cela fait désormais bien longtemps que les conditions dans lesquelles l’accumulation a pu célébrer ses fastes les plus importants du second après-guerre se sont irrémédiablement évanouies.

« Reprise » et « petite reprise », – et cela est largement admis -, n’ont guère entamé la caractéristique essentielle d’une période historique profondément marquée par la récession, les difficultés du marché et la suraccumulation des capitaux,

Aujourd’hui, on cherche une solution.

Mais la solution du capitalisme est basée sur l’agressivité, sur l’accentuation de la compétition entre monopoles, sur la mise au point d’un énorme bond de recomposition organique – de reconfiguration générale – de l’organisation productive, recomposition dont le prix est représenté par des milliers et des milliers de licenciements.

Aujourd’hui, les équilibres mondiaux se négocient.

Mais la concertation des pays impérialistes se mène sur la base du chauvinisme, de la politique de puissance, d’agressions permanentes et systématiques dirigées contre les jeunes nations engagées dans une voie de développement non capitaliste.

Les U.S.A. de Reagan marchent en tête, mais, que l’on ne croie pas que des nations telles que la France, la Grande-Bretagne et l’Italie jouent un rôle de simples comparses: du Liban au Tchad, des Malouines à la Corne d’Afrique, la nature impérialiste de la politique extérieure européenne est bien évidente, même pour l’observateur le plus démuni.

C’est cela la réalité de la crise du capitalisme: les grands groupes financiers et monopolistes, qui ont besoin de commandes et de marchés, deviennent les meilleurs alliés des castes militaires; les classes politiques se font progressivement sensibles au rappel de l’autorité, et caressent des projets conservateurs.

En général, c’est un climat symptô-matique de restauration qui se répand, climat dans lequel des valeurs précédemment disqualifiées font à nouveau irruption avec une insolence renouvelée, tant dans le langage courant que dans les choix quotidiens des classes dominantes.

La société bourgeoise est toujours la même: la logique du profit prévaut sur tout le reste.

Et en temps de crise, en Italie comme dans le monde, pour faire du profit il faut licencier, réduire les salaires, trancher dans l’assistance et les services publics; en temps de crise, en Italie comme dans le monde, pour faire du profit il faut des gouvernements agressifs, des expéditions « punitives » contre les pays et les peuples qui ne se plient pas à la logique de l’impérialisme, des budgets militaires plus élevés et finalement la « guerre des étoiles ».

Quelqu’un voudrait nous convaincre que nous sommes à l’ère « post-industrielle »?

A l’époque de l’obsolescence des classes? Allons, nous ne sommes pas si naïfs.

Du Nicaragua au Salvador, des Philippines à l’Azanie, de la Palestine occupée au Sud-Liban, la lutte des classes brûle impétueusement à travers le monde; et dans notre pays même, il y a deux ans, c’est la classe ouvrière tout entière qui s’est engagée dans la lutte pour mettre en déroute l’autoritarisme gouvernemental et patronal.

Vraiment, la société bourgeoise, l’impérialisme, sont toujours les mêmes: le capitalisme, de même qu’il produit des marchandises, produit la lutte des classes; l’impérialisme, de même qu’il exporte le capital et l’oppression, réveille la conscience des peuples.

Que faire?

Avant tout, que ne pas faire. Ne pas faire confiance au parti communiste italien, se défier de ce parti qui non seulement est incapable de défendre les intérêts premiers et immédiats des travailleurs, mais encore – et lui-même l’admet explicitement – n’a pas la moindre intention de modifier réellement la société actuelle.

Qu’a fait le P.C.I. de Natta pour bloquer la loi financière? Il s’est contenté d’appuyer sur les boutons de Montecitorio, il a assuré l’opposition « constructive »! [Montecitorio est le lieu où siège la chambre des députés de la république italienne, où ces députés se prononcent au moyen de boutons électroniques.]

Que propose Boutique Obscure face à la situation italienne? [Boutique Obscure désigne la rue où se situe le siège du comité central et de la direction du parti communiste italien.]

Le gouvernement « de programme », gouvernement qui se constitue avec les sots de la démocratie chrétienne, avec les amérikains du parti républicain italien et avec la bande de brigands qui occupent la Via del Corso! [Siège du comité central et de la direction du parti socialiste italien.]

Le P.C.I. est l’aile gauche de la bourgeoisie, l’atout que cette dernière garde en réserve pour maintenir sous contrôle les ouvriers: cela fait maintenant quarante ans que ce parti réchauffe les bancs du parlement alors que, plus le temps passe, plus il est évident aux yeux des masses que rien ne peut changer en croupissant dans cette chambre fétide.
Alors se mobiliser.

Se mobiliser dans chaque poste de travail, dans chaque usine et dans chaque quartier, contre le gouvernement de la bourgeoisie, contre ses décrets et ses lois, contre sa politique conservatrice et autoritaire tant dans le domaine économique qu’en politique internationale.

Dans les classes dominantes, dans les milieux qui comptent du grand capital, dans les cercles dirigeants des partis politiques, souffle un vent de réaction et se répand une volonté de revanche.

Les projets de réforme institutionnelle sont une partie organique de cette tendance, en ce qu’ils tendent à renforcer l’autorité, le pouvoir et la liberté de manœuvre de l’exécutif au détriment du parlement.

La promulgation de la loi financière n’est donc pas seulement la dernière – chronologiquement – d’une longue série de fraudes perpétrées par un gouvernement et un patronat toujours plus déterminés à humilier le prolétariat dans ses intérêts et ses aspirations.

Il faut se mobiliser, en tout lieu, contre cette tendance, il faut s’opposer de manière décidée à cette véritable redéfinition réactionnaire de la société italienne.

Il faut, par des grèves, des manifestations, par la propagande et l’agitation de masse, unifier tout le mouvement prolétarien et mettre le dos au mur la bureaucratie syndicale et les pompiers de Natta, il faut, en usant de toutes les formes de lutte possibles, contrer les agissements de la bourgeoisie, mener ses ambitions autoritaires à la faillite et couler à pic son gouvernement réactionnaire.

La lutte armée

Mais cette lutte demande une direction; le mouvement de masse a besoin d’un guide énergique.

Tout le cours des événements politiques et économiques de ces dernières années révèle avec une extraordinaire cohérence le caractère du tournant amorcé aujourd’hui en Italie: les classes dominantes dérapent peu à peu vers des positions de plus en plus réactionnaires. De grands mouvements de masse sont nés spontanément pour contrer cette tendance et ont démontré à plusieurs reprises la potentialité de lutte innée du prolétariat italien; mais ces mouvements ont besoin d’une direction, d’un guide capable d’orienter la mobilisation vers des objectifs généraux.

Ce guide est la lutte armée, la lutte armée des vrais communistes qui s’opposent ouvertement au gouvernement de la bourgeoisie. Aux premières lignes dans la lutte contre la politique économique et extérieure du gouvernement, aux premières lignes dans la défense des intérêts vitaux de la classe ouvrière et dans le soutien d’avant-garde aux mouvements de masse, les communistes combattants ne s’arrêtent pas pour autant aux exigences immédiates du prolétariat: par leur action énergique et cohérente, ils indiquent la voie pour la solution réelle des problèmes et combattent avec de justes moyens pour y parvenir effectivement.

La lutte armée communiste ne se limite pas à « dire » pourquoi les choses ne vont pas; elle attaque l’Etat et les patrons, pour affaiblir l’ensemble, elle ouvre des brèches dans révolution politique des rapports entre les classes, elle démontre concrètement aux plus larges masses prolétariennes qu’il existe une alternative globale à la pourriture parlementaire, à l’exploitation quotidienne, à la politique agressive dirigée contre les peuples opprimés et les jeunes nations réellement indépendantes de l’impérialisme. Cette alternative, c’est le socialisme, la dictature du prolétariat.

Quelqu’effort que puisse consacrer le P.C.I. à détourner les masses de cette aspiration éternelle, le cours même des événements amène la classe ouvrière tout entière à prendre conscience de son rôle historique.

Toute arrogante qu’elle soit, la bourgeoisie impérialiste n’a rien d’autre à proposer à des millions d’hommes qu’anarchie dans la production, insécurité, sous-développement, guerre et mort; le prolétariat, guidé par son parti combattant, pourra mettre fin à cet indécent massacre d’énergie humaine.

Camarades, prolétaires,

Depuis de nombreuses années dans notre pays se développe une lutte armée contre la bourgeoisie et ses gouvernements corrompus.

C’est une lutte pour le socialisme, une lutte pour la conquête du pouvoir politique du prolétariat.

De nombreuses expériences ont été accomplies, mettant en évidence des enseignements significatifs.

Aujourd’hui il faut relancer cette lutte et il faut le faire dans une juste perspective: il faut consolider le rôle dirigeant de cette lutte dans le mouvement de masse tout en travaillant à l’élargissement des rangs clandestins et disciplinés des communistes combattants au sein de chaque réalité productive et sociale.

Chaque élément avancé, chaque avant-garde prolétarienne qui lutte quotidiennement dans les masses, défendant de manière cohérente leurs intérêts immédiats comme leurs intérêts généraux, doit guider la mobilisation vers cette forme avancée de lutte praticable par le mouvement entier, sans jamais oublier ses devoirs de communiste: il faut lutter pour le pouvoir politique, pour la dictature du prolétariat!

Il faut avant tout organiser la lutte armée, affaiblir l’ennemi dans son ensemble!

Dans chaque usine, dans chaque quartier, dans chaque poste de travail, dans chaque réalité prolétarienne, la tâche des communistes est avant tout celle de s’organiser pour la lutte d’avant-garde, et non plus de s’identifier à la masse.

Notre organisation appelle résolument à la réunion dans ses rangs organisés et éclairés par un point de vue réellement marxiste, de toutes les avant-gardes prolétariennes et ouvrières, de tous les éléments avancés, de tous les révolutionnaires qui, dans les conditions actuelles, se posent la question d’une lutte cohérente pour le socialisme.

Relancer la lutte armée en lui imposant une direction marxiste: voilà le devoir actuel des vrais communistes!

La mort de la camarade Wilma Monaco Roberta

Wilma Monaco Roberta, dirigeante de notre organisation, est née dans les grands quartiers populaires que le prolétariat romain connaît bien: Testaccio et Primavalle sont les lieux qui ont connu son enfance et accompagné sa maturité.

Très jeune, elle était déjà aux premières lignes dans les luttes populaires et prolétariennes: dans les luttes contre le chômage, dans les luttes pour le logement et pour de meilleures conditions de vie que celles que réserve le capitalisme aux classes dominées dans les métropoles.

Cette expérience restera toujours une constante du militantisme de Wilma: le problème de la classe ouvrière était très vivant en elle, tout comme la nécessité de savoir interpréter les aspirations réelles de millions de travailleurs.

Mais Wilma ne fut pas seulement une avant-gardiste de masse: elle fut avant tout une communiste combattante.

Dès 1977, âgée de 19 ans seulement, elle s’engagea dans la lutte armée et elle se rallia en 1979 aux Brigades Rouges en travaillant sous leur direction.

Comme celle de beaucoup d’autres militants, son histoire personnelle coïncida dès lors avec celle du mouvement révolutionnaire italien, avec celle des Brigades Rouges.

Wilma comprit toujours l’importance fondamentale de ce mouvement, de l’expérience des Brigades Rouges: jamais, même dans les moments les plus sombres, elle ne mit en doute le choix de la lutte armée, jamais elle ne prêcha la conciliation comme tous ceux qui ont abandonné la lutte.

Et en même temps Wilma fut une marxiste cohérente: elle comprit l’importance que revêt le socialisme scientifique dans la lutte des classes et s’engagea totalement dans la relance de la lutte armée dans cette juste perspective générale.

Wilma apporta une contribution essentielle à la fondation de l’Union des Communistes Combattants: une contribution faite de raison et de détermination, d’humanité et d’intransigeance. Dans nos rangs elle devint rapidement une dirigeante.

Aujourd’hui, alors que l’information bourgeoise spécule effrontément sur le sacrifice de Wilma, au moment où l’on tente de nier que ce sont les balles de l’Etat qui l’ont tuée, tout le prolétariat révolutionnaire doit méditer profondément la signification de la mort de cette communiste: par sa dernière contribution, elle a montré le chemin, la voie de la lutte armée cohérente et marxiste.

Cette indication fructifiera partout car le sacrifice de Wilma sert d’exemple aux nouvelles générations révolutionnaires, car son intégrité de révolutionnaire et de combattante peut éclairer tous ceux qui s’éveillent aujourd’hui à la conscience de classe!

Camarades, prolétaires,

Celui qui meurt pour la liberté ne meurt jamais en vain car vers la liberté se dirige inéluctablement l’Histoire.

Mais un communiste qui meurt dans l’accomplissement de son devoir est certain de se sacrifier moins vainement encore car son parti poursuivra la lutte, éclairé par les mêmes principes, avec la même rigueur et la même détermination que celles dont il a fait preuve.

Les classes dominantes se réjouissent de cette mort, mais elle ne fait que renforcer notre volonté de lutte et nos convictions: le souvenir et l’exemple de Wilma Monaco Roberta vivront éternellement dans les années à venir, lui rendant l’honneur et le respect de tout le prolétariat italien!

NON A LA LOI FINANCIERE!

DEHORS LE GOUVERNEMENT CRAXl!

HONNEUR A LA CAMARADE WILMA MONACO ROBERTA TOMBEE EN COMBATTANT POUR LE COMMUNISME!

EN AVANT LA LUTTE ARMEE POUR LE SOCIALISME!

>Sommaire du dossier

Union des Communistes Combattants : Manifeste et thèses de fondation (1985)

(Octobre 1985)

En Italie, la lutte révolutionnaire reprend naissance dans les années 1968-1969, sur base de la poussée politique effectuée par les vastes mobilisations ouvrières, prolétariennes et étudiantes.

Après de nombreuses années d’hégémonie révisionniste indiscutée sur la classe prolétarienne, après des années durant lesquelles le mouvement ouvrier ne s’éleva pas au-delà d’une lutte trade-unioniste, d’une lutte dans les limites de la société bourgeoise, le mot d’ordre de la conquête du pouvoir politique et de la dictature du prolétariat redevint d’une actualité brûlante.

Dès l’explosion initiale des luttes de masse, un problème apparaît comme primordial aux yeux des véritables avant-gardes: comment donner au mouvement de classe une direction politique qui forgerait les formes d’action révolutionnaire en mesure de guider les travailleurs vers la prise du pouvoir d’Etat?

En effet, toute lutte de classe est une lutte politique et le but de cette lutte, qui se transforme inévitablement en guerre civile, est le monopole du pouvoir politique.

Le cours des événements, marqué en 1968-1969 par le développement impétueux du mouvement de masse et aussi par la réaction et la contre-attaque de la bourgeoisie, mit précisément au grand jour la nature inconciliable de l’antagonisme existant entre capital et travail, et montra que les classes combattent, en dernière instance, pour conquérir le pouvoir d’Etat.

En résumé, l’histoire de ces années imposa au prolétariat et à ses avant-gardes conséquentes, un devoir pratique et urgent: créer un parti de type nouveau, un parti réellement communiste, capable de combattre sans réserve pour la dictature du prolétariat, sans se laisser attirer par les sirènes de la démocratie bourgeoise.

Mais le prestige du Parti Communiste Italien (P.C.I.) était grand dans les masses, et par conséquent aussi grand était le dégât que causait son évolution révisionniste et la politique pacifiste honteuse dont ce parti usait quotidiennement dans les salles du parlement bourgeois.

Une telle trahison ne pouvait être considérée comme un accident, et l’on ne pouvait pas non plus différer un examen responsable de révolution apparue dans le rapport entre les classes, dans les institutions politiques de la société bourgeoise et dans les expériences acquises par les mouvements révolutionnaires.

En somme, la recherche de voies nouvelles s’imposait, de voies propres à relancer la révolution dans le contexte des nouvelles conditions du second après-guerre.

L’organisation des Brigades Rouges se saisit de ce problème avec précision et exactitude et réussit à y répondre de manière extrêmement conséquente au niveau pratique grâce à sa décision d’initier la lutte armée contre l’Etat de manière systématique et continue.

Constituées en 1970, les Brigades Rouges durent d’abord naviguer à contre-courant: en effet, non seulement elles se trouvaient confrontées à de nombreux groupuscules pseudo-révolutionnaires qui, – s’ils étaient disposés à prendre part aux explosions violentes de la lutte de masse -, battaient en retraite dès qu’il s’agissait de se mettre à la tête du mouvement de manière organisée et conséquente, dès qu’il s’agissait de remplir une fonction politique et de direction dans la lutte spontanée du prolétariat; mais, pire encore, les Brigades Rouges rompaient sciemment avec une masse de préjugés ancrés dans les milieux révolutionnaires, préjugés qui considéraient la lutte armée comme impossible en dehors d’un contexte insurrectionnel et qui trouvaient, bien que de manière détournée, une signification immédiate dans la grande tradition de l’Internationale Communiste.

Pourtant, c’est la justesse même de cette vision politique – commencer la lutte armée en créant ainsi les bases du regroupement pour la fondation du parti du prolétariat – qui fut à la base du fait que les Brigades Rouges eurent raison, de manière décisive, de ces tendances retardataires et opportunistes.

Très vite, les Brigades Rouges se sont étendues dans les principales villes italiennes, dans les principaux pôles industriels; très vite, le sens et la signification de leur choix subjectif d’avant-garde devinrent évidents; et très vite, par leur juste action de lutte contre l’Etat, elles conquirent pour la lutte armée communiste un rôle central dans le panorama politique italien; et d’autres groupes commencèrent à suivre leur exemple.

Marxistes-léninistes dans leur réfèrent théorique, fortement enracinées dans la classe ouvrière et dans les couches les plus combatives du prolétariat des villes, les Brigades Rouges s’affirmèrent donc comme détachement d’avant-garde avant tout parce que leur proposition s’avéra être la réponse politique concrète à une situation historique concrète.

Si d’un côté l’inutilité du parlementarisme en ce qui concerne l’activité révolutionnaire était apparue absolument clairement, d’un autre côté les communistes risquaient bien malgré eux de se transformer en propagandistes stériles, extrémistes dans la lutte économique mais incapables d’influer sur l’évolution politique du rapport entre les classes.

Or les groupes qui ne savent pas imposer à la société toute entière les exigences politiques du prolétariat, les groupes qui ne savent pas s’opposer aux institutions bourgeoises à l’aide des moyens adaptés pour affirmer ces exigences, les groupes qui n’oeuvrent pas à la conquête de conditions générales plus favorables au développement de la révolution, ne sont certainement pas des groupes communistes et n’exercent certainement pas une fonction dirigeante dans la lutte des classes.

Les communistes sont les interprètes conscients d’un processus inconscient: telle est la thèse incontestable du socialisme scientifique.

Et par l’intermédiaire de l’initiative politico-militaire, l’avant-garde retrouva place dans la vie politique nationale et se conduisit précisément comme le représentant conscient des intérêts du prolétariat: elle s’éleva au-dessus de la lutte économique des masses, au-dessus du bourbier groupusculaire, et elle s’opposa clairement aux agents de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier.

A travers la pratique de la lutte armée, les Brigades Rouges montrèrent clairement que l’objectif de la classe ouvrière n’est pas telle ou telle réforme partielle, mais la prise violente du pouvoir politique, le bouleversement complet de la société toute entière; et ainsi, dans les faits, dans l’action concrète conforme aux spécificités de notre situation historique, les Brigades Rouges se rattachèrent au contenu réel, à la substance immortelle de la tradition communiste.

En quelques années en effet, il apparut clairement que le parti des Brigades Rouges constituait l’avant-garde du prolétariat italien, sa direction politique révolutionnaire.

Sur base d’une activité combattante intense et d’un travail constant de pénétration dans les masses, les Brigades Rouges purent légitimement déclarer, en 1978, la clôture de la première phase de leur lutte politico-militaire: suite à la Campagne de Printemps de cette année-là, à la séquestration et à l’exécution d’AIdo Moro, président de la Démocratie Chrétienne (D.C.) et principal instigateur de la politique dite du « compromis historique » entre la D.C. et le P.C.I., la lutte armée s’affirmait définitivement comme un point de référence obligatoire et déterminant pour tout révolutionnaire et, en même temps, comme l’unique opposition politique cohérente face au gouvernement bourgeois et aux manœuvres des partis contre les plus larges masses.

L’unité du politique et du militaire dans l’attaque au coeur de l’Etat, l’initiative combattante du parti comme direction politique consciente de la lutte des classes vers la prise du pouvoir politique, se présentait donc comme la conquête historique, comme le résultat essentiel de cette période.

L’Histoire cependant ne va pas en ligne droite.

Elle a certes une direction, une direction nécessaire, mais cette direction se présente précisément comme le résultat d’un parcours qui n’a rien de facile, plat et direct: c’est à travers d’innombrables sacrifices et aussi d’erreurs, à travers de grandes offensives et aussi des retraites désagréables, qu’une classe opprimée parvient à connaître la voie de son émancipation.

S’il est manifeste et irréfutable que les Brigades Rouges ont rendu au prolétariat italien la capacité politico-pratique d’organiser la lutte révolutionnaire contre l’Etat bourgeois (et cela constitue leur inestimable valeur historique), il est aussi vrai que, dans leurs actions, elles se basaient sur une conception politique éclectique, qui ne peut être définie comme marxiste que dans une certaine mesure.

La transposition à la situation sociale d’un pays impérialiste des schémas révolutionnaires propres aux pays dépendants, la sous-évaluation du rôle spécifiquement politique de l’avant-garde communiste, les nombreux mélanges entre le Marxisme-Léninisme et des idéologies anti-matérialistes d’origine purement petite-bourgeoise, telles sont les plus marquantes des diverses erreurs commises sur le plan théorique par les Brigades Rouges.

Et, dans la lutte des classes, à chaque erreur théorique correspond une erreur pratique: d’une part, de telles fautes théoriques provoquèrent l’incapacité d’exploiter pleinement les conquêtes réelles que l’expérience elle-même avait apportées aux communistes; et d’autre part, elles conduisirent à l’exaltation d’aspects secondaires, tout à fait étrangers à la lutte armée en tant que politique révolutionnaire.

Les Brigades Rouges avaient réussi à jouir d’un énorme prestige politique, un prestige et une autorité de parti; elles avaient réussi à créer une machine organisationnelle très puissante, une machine qui constituait un des plus importants facteurs politiques de la société italienne.

Mais cette machine était à l’intérieur politiquement faible, il lui manquait une solidité théorique et un centre dirigeant fort, capable de bâtir une cohérence idéologique et pratique dans les diverses institutions de l’organisation.

Précédée d’un balancement entre économisme et militarisme, de scissions symptômatiques et éloquentes, de premières défections et collaborations avec l’ennemi de classe, la défaite tactique de 1982 ne fut donc que le résultat logique d’une accumulation de contradictions qui, bien que clairement liées à la période qui suivit 1978, trouvaient indubitablement leur origine bien auparavant.

La vision théorique particulière, la manière de penser et d’agir qui accompagnèrent la naissance et le premier développement de la lutte armée dans notre pays attribuèrent ainsi à son bilan même certaines erreurs essentielles, certaines faiblesses politiques fondamentales.

Mais on peut parler de faiblesses pour ainsi dire nécessaires; d’erreurs et de faiblesses que le mouvement communiste, pour se frayer un chemin et acquérir de l’expérience, ne pouvait pas ne pas commettre; d’erreurs et de faiblesses par ailleurs facilement compréhensibles, étant donné le cadre historique dans lequel a surgi la lutte armée comme forme de la politique révolutionnaire et dans lequel elle a trouvé ses premiers référents idéologiques.

Donc, s’il n’y a aucun doute que dans notre pays une période de la lutte armée révolutionnaire s’est achevée, il est encore plus vrai que ce qui s’est achevé là n’est que la période de jeunesse de la lutte armée, la période au cours de laquelle il était avant tout impératif d’affirmer la lutte armée comme caractère fondamental et obligatoire de l’activité de parti.

Pendant ces quinze dernières années, la lutte de classe a, donc, finalement découvert par elle-même la formule politique adaptée à la relance de l’activité communiste dans notre période historique.

Elle l’a découverte à travers de nombreuses contradictions, elle l’a découverte tant dans les erreurs que dans l’ingénuité, mais au moins elle Ta découverte! Et c’est l’essentiel.

C’est pourquoi toute la période historique qui va de 1978 à 1982 est extraordinairement instructive pour la révolution. Durant ces années, à travers l’expérience accumulée par les Brigades Rouges, il est apparu nettement que la lutte armée est la méthode décisive de la lutte politique communiste contemporaine, le caractère fondamental et obligatoire de l’activité de parti.

En outre, tous les travailleurs isolés, les éléments avancés du prolétariat, les révolutionnaires sincères et les groupes organisés ont pris connaissance et vu à l’œuvre toutes les principales tendances depuis toujours présentes dans l’arène de la lutte politique comme reflet mis en avant du mouvement plus général des classes; ils ont pu en évaluer la portée et en observer la parabole théorique et pratique, examiner leur rapport réciproque et ils ont appris à discerner une ligne réellement marxiste, réellement révolutionnaire, de ses habiles contrefaçons.

Tout cela constitue indéniablement un patrimoine immense pour le mouvement communiste, une contribution énorme à la théorie et à fa pratique de la révolution prolétarienne, non seulement pour notre pays mais aussi pour toute l’aire du centre impérialiste.

Tout cela, surtout, représente indubitablement les bases réelles de tout progrès ultérieur.

En même temps cependant, l’expérience de la période traversée a sans aucun doute prouvé que sans une vision scientifique et organique de notre révolution, sans une conception marxiste des devoirs et du rôle du parti, même les plus grandes conquêtes de la lutte de classe risquent de rester inopérantes, de la même manière que les plus grands succès peuvent s’évanouir, engloutis par les pièges de l’Histoire.

Années de gigantesques défis et de courageux choix d’avant-garde, ces années passées ont consacré la lutte armée comme forme de la politique révolutionnaire.

Aujourd’hui, le point principal est d’apprendre à perfectionner cet enseignement, à faire plus et mieux pour dépasser les résultats obtenus, afin que la ligne révolutionnaire puisse être portée plus avant sans la moindre hésitation.

Cependant la situation requiert des choix appropriés, des choix précis capables de se traduire en pratique.

En effet, non seulement les Brigades Rouges se montrent actuellement incapables de progresser, mais elles ne peuvent s’élever au niveau politique requis par l’évolution des choses elles-mêmes; et ce alors que dans des secteurs plus inexpérimentés et disséminés du mouvement révolutionnaire, se profile déjà clairement le développement d’une tendance révisionniste, laquelle consiste de manière marquante en la théorisation (explicite ou sous-entendue) de l’abandon de la lutte armée.

La situation d’actuelle désorientation existant dans le mouvement de classe; le danger croissant de voir disparaître les plus grandes conquêtes de ces quinze dernières années de lutte d’avant-garde; la nécessité de battre définitivement, dans la théorie et dans la pratique, les orientations subjectivistes qui ont causé tant de dommages à la potentialité politique de la lutte armée; le devoir de défendre avec intransigeance, face à la bourgeoisie et face à ses laquais, la justesse du chemin parcouru par les communistes ces dernières années et de transmettre aux nouvelles générations révolutionnaires l’expérience accumulée; et enfin l’évolution du contexte national et international, qui montre l’imminence de batailles décisives pour le prolétariat; toutes ces données posent clairement à l’ordre du jour le problème – et font un devoir – de la construction d’un nouveau groupe politique, capable de se baser sur la grande expérience des Brigades Rouges et sur le Marxisme-Léninisme pour déterminer une théorie et une pratique révolutionnaires réellement adaptées à la situation italienne.

C’est sur base de toutes ces considérations, ainsi que sous l’impulsion ou à l’initiative de quelques ex-militants des Brigades Rouges expulsés de cette organisation suite à leur bataille pour l’adoption des thèses politiques énoncées dans la dite Seconde Position , que s’est constituée au mois d’octobre 1985 l’Union des Communistes Combattants, qui a adopté les thèses suivantes.

1. L’Union des Communistes Combattants est une organisation marxiste-léniniste. Comme telle, elle donne pour guide de l’action la doctrine du matérialisme historique et dialectique, et reconnaît comme ses propres principes incontournables la dictature du prolétariat et le pouvoir des Soviets, c’est-à-dire la substance de cette doctrine.

L’Union des Communistes Combattants n’a donc pas d’intérêts différents de ceux du prolétariat tout entier; elle ne s’en distingue pas puisque, possédant une vision d’ensemble du chemin historique que cette classe doit nécessairement parcourir, elle s’efforce de défendre, dans tous les méandres de la lutte des classes, non pas les intérêts de groupes ou professions particuliers mais les intérêts de la classe ouvrière dans sa totalité.

2. L’Union des Communistes Combattants, avant-garde consciente de la classe ouvrière, œuvre pour transformer toute lutte réduite ou partielle en une lutte générale pour le renversement de l’ordre capitaliste.

Elle organise et dirige la lutte du prolétariat dans le but précis de le conduire jusqu’à l’insurrection armée contre l’Etat bourgeois, jusqu’à l’affrontement direct pour la conquête du pouvoir politique.

Pour pouvoir s’émanciper de l’esclavage du travail salarié, pour pouvoir instaurer sa dictature sur les autres classes sociales et organiser le socialisme – stade inférieur du communisme -, la classe ouvrière doit avant tout conquérir le pouvoir politique dans son pays et détruire sans hésitation la machine de l’Etat bourgeois.

D’autre part, à travers leur mouvement spontané, les masses prolétariennes ne sont pas en mesure de s’élever à la conscience achevée de leurs propres intérêts, à la conscience de l’irréductible antagonisme qui existe entre elles et toute l’organisation politique et sociale contemporaine.

C’est précisément en cela que consiste le rôle de l’avant-garde communiste: rendre le prolétariat capable de réaliser sa grande mission historique, l’organiser en parti politique autonome – comme détachement d’avant-garde opposé à tous les partis bourgeois et principalement à l’Etat -, diriger toutes les manifestations de la lutte des classes vers leur nécessaire aboutissement: la dictature du prolétariat.

L’Union des Communistes Combattants, qui sait que le devoir fondamental des communistes est de rester toujours en contact le plus étroit possible avec toutes les couches du prolétariat, affirme cependant la ferme conviction que les concepts de parti et de masse doivent être rigoureusement séparés.

Le parti est une part de la classe, mais il s’en distingue: il en est le noyau d’avant-garde, conscient et organisé.

Dans toutes les phases de la lutte, il sait être, par sa nature, à la tête de la mobilisation, comme guide des éléments les meilleurs et les plus dévoués du prolétariat: c’est à lui qu’incombé la responsabilité de faire avancer la révolution, de hâter la crise des classes dominantes, et non de s’aligner sur le niveau de la masse.

Par conséquent, toute dévaluation dans la théorie et dans la pratique du rôle conscient du parti, toute concession au spontanéisme et au trade-unionisme, qui conduit inévitablement (et principalement dans les pays impérialistes comme le nôtre) à adopter des positions révisionnistes, à dénaturer la fonction même du communisme, doit donc être combattue comme le pire des ennemis de la cause prolétarienne.

3. L’Union des Communistes Combattants adopte la lutte armée en tant que méthode avancée et décisive de la lutte politique communiste.

Structurée avec cohérence comme organisation armée et clandestine, qui réunit dès maintenant le rôle politique et le rôle militaire dans l’action générale comme dans l’action de chacune de ses institutions et de chacun de ses militants particuliers, l’Union des Communistes Combattants s’oppose à toutes les conceptions qui, proposant une division des rôles entre organismes militaires et politiques, minent à la base l’unité d’action, la cohérence, et la nature communiste de l’avant-garde contemporaine.

L’époque révolutionnaire exige des communistes l’utilisation de méthodes de lutte aptes à concentrer toute l’énergie du prolétariat jusqu’à la dernière de ses conséquences logiques: l’affrontement direct, la guerre ouverte avec la machine d’Etat bourgeois.

D’une part, il est absolument nécessaire que chaque travailleur particulier sache bien clairement la différence qui existe entre les vraies avant-gardes communistes, qui luttent pour conquérir le pouvoir politique, et les vieux partis officiels qui, dans leur pacifisme parlementaire, ont honteusement trahi le drapeau de la classe ouvrière.

D’autre part, il est évident qu’à l’époque actuelle, marquée dans nos pays par le développement et la consolidation maximale du contenu réactionnaire de fa démocratie bourgeoise, le centre de gravité de la vie politique se déplace de manière totale et définitive en dehors des limites du parlement, qui n’est plus que la façade formelle de la dictature de la bourgeoisie en même temps qu’un moyen efficace pour enfermer dans les limites de la légalité capitaliste chaque poussée réelle d’opposition prolétarienne.

Dans un tel contexte historique, l’indépendance politique du prolétariat, sa vocation historique à la dictature, se lient indissolublement au refus des circuits institutionnels et de l’action parlementaire.

Le terrain de la lutte d’avant-garde, de la lutte des communistes, se place ailleurs: dans la lutte armée, dans l’action autonome et énergique d’un parti combattant qui, tout en représentant les intérêts généraux de la classe laborieuse en opposition à l’Etat bourgeois, sait néanmoins influer sur l’évolution politique du rapport entre les classes, examiner et accentuer la crise politique de la bourgeoisie en contrecarrant ses menées réactionnaires et donner en même temps une claire indication révolutionnaire aux plus larges masses.

L’Union des Communistes Combattants, instruite opar l’expérience pratique accomplie jusqu’ici par le mouvement révolutionnaire national et international, comme par la théorie du socialisme scientifique, défend et affirme les intérêts généraux du prolétariat par le combat contre l’Etat et considère donc l’utilisation actuelle de la lutte armée (la lutte armée d’avant-garde dans des conditions non révolutionnaires) comme la principale et fondamentale distinction politique et pratique entre les vrais et les faux communistes, entre les vraies et les fausses avant-gardes du prolétariat.

4. Pour atteindre la révolution, l’avant-garde
communiste doit conquérir une influence prédominante dans les masses prolétariennes, condition pour pouvoir les guider effectivement à la prise du pouvoir politique et au renversement de l’Etat bourgeois.

Il est démontré dans les faits par toute l’histoire de la révolution prolétarienne que, dans sa lutte pour la dictature, cette classe n’obtiendra la victoire que quand – dans des conditions objectives précises – ses couches politiquement déterminantes se seront alignées du côté du communisme et disposeront de forces suffisantes pour briser la résistance de la réaction bourgeoise.

D’où la nécessité inconditionnelle du respect du principe qui veut que, dans la bataille constante et quotidienne contre les déviations opportunistes et économistes présentes dans le
prolétariat, les communistes révolutionnaires arrivent à conquérir la direction politique des masses et de leurs mouvements de lutte.

L’Union des Communistes Combattants – qui affirme son propre rôle combattant pour le socialisme à travers la lutte armée et conserve en toute occasion son autonomie politico-organisationnelle, quelle que soit la direction que prennent les événements et quelle que soient les formes du mouvement – se pose explicitement comme but, dès le premier jour de sa constitution, non pas la création d’une secte de propagande, non pas une activité politico-militaire exclue de la dynamique et du contexte réels de la lutte entre les classes, mais bien la participation consciente à ce conflit, l’intervention d’avant-garde sur la scène politique et la conduite de la lutte prolétarienne selon une direction communiste.

Son objectif déclaré est d’élever, au cours de la lutte, le prolétariat à la conscience accomplie de ses propres intérêts, en en conquérant la direction politique pour le mener à la prise du pouvoir.

5. L’Union des Communistes Combattants rejette catégoriquement toute conception subjectiviste qui prétend possible la révolution prolétarienne sans un travail adéquat de conquête des masses laborieuses à la ligne politique du communisme.

C’est précisément pour que ce travail soit efficace, c’est précisément pour empêcher le balancement néfaste entre extrémisme et économisme, c’est précisément pour combattre la tendance erronée qui voudrait la conquête du soutien de masse immédiate et sans obstacles, qu’il est nécessaire d’établir un juste rapport entre l’avant-garde et le mouvement prolétarien dans son ensemble.

L’agitation communiste en direction des masses prolétariennes, la ligne de masse de l’avant-garde, doit être conduite de manière à ce que les travailleurs en lutte soient portés à reconnaître par leur propre expérience notre organisation comme le guide énergique et fidèle de leur mouvement commun.

Pour y parvenir, il est nécessaire, avant tout, que l’avant-garde intervienne par son action combattante en syntonie et en apogée des mouvements généraux du prolétariat, qu’elle les soutienne et les guide en les dirigeant contre les gouvernements et l’Etat bourgeois, qu’elle soit capable de généraliser avec vigueur les mots d’ordre politico-organisationnels les plus avancés, jaillis des luttes et de la situation générale.

D’autre part, dans chacune des phases de la lutte politique et économique, les communistes doivent répandre au sein du prolétariat la connaissance de ce que ces mouvements ne constituent qu’une partie, qu’une étape dans la lutte des classes plus générale, qui est une lutte pour le pouvoir politique de l’Etat.

Jamais ils ne devront renoncer à leur trait distinct et particulier, à la proposition du renversement complet de l’ordre social existant; jamais ils ne devront abdiquer leur rôle spécifique: affirmer l’intérêt général du prolétariat et faire progresser la situation politique.

C’est à travers ce travail, absolument nécessaire, qu’un groupe communiste peut devenir l’avant-garde réelle de millions de prolétaires; en guidant les masses laborieuses dans la lutte constante contre les exactions du capital, il sera possible – et c’est aussi un devoir – de rendre compréhensible et actuel le lien qui existe entre la vie quotidienne, entre le mouvement de toutes les classes et de tous les partis politiques d’une part et le mot d’ordre de la dictature du prolétariat de l’autre.

L’Union des Communistes Combattants qui, en tant qu’organisation armée et clandestine ne peut pas ne pas se fixer des limites précises et infranchissables dans les moyens par lesquels se déploie sa propre activité vers les masses, reconnaît en tout cas pleinement l’importance fondamentale que revêt ce travail dans la perspective de la révolution. Guider, élargir, approfondir les actuelles luttes générales du prolétariat et, en conformité avec le cours de leur développement et de l’expérience pratique acquise par les masses elles-mêmes, les transformer en luttes politiques finales, est et reste en somme le critère à suivre dans ce travail.

Mais cela ne sera enfin possible que quand l’Union des Communistes Combattants, autonome et en mesure de combattre les institutions bourgeoises et leurs politiques en toute circonstance de la lutte des classes, saura éviter tant le sectarisme que le manquement aux principes.

6. L’Union des Communistes Combattants se base organisationnellement sur le centralisme démocratique, dont les principes essentiels sont: l’éligibilité des organes supérieurs à partir des inférieurs, le caractère absolument impératif de toutes les directives des organes supérieurs aux inférieurs, l’existence d’un centre dirigeant fort dont l’autorité et les décisions, dans les intervalles entre les congrès, ne peuvent être mises en discussion par personne.

Il va de soi que, dans les conditions de clandestinité dans lesquelles se développe la lutte, le principe électif peut néanmoins souffrir de limitations: les organismes dirigeants ont donc le droit de coopter dans leurs propres effectifs des militants particuliers si la nécessité pour l’organisation s’en fait sentir.

7. L’Union des Communistes Combattants reconnaît comme sienne la cause de la fondation du Parti Communiste Combattant du prolétariat italien.

En travaillant dans ce sens, elle s’efforce aussi d’affirmer, de consolider et de renforcer la tendance communiste révolutionnaire contre toutes les déviations aventuristes et contre toutes les tentations liquidatrices – qui s’expriment aujourd’hui dans le refus de l’utilisation de la lutte armée – et appelle résolu ment dans ses rangs organisés les marxistes militants de notre pays.

Dans la période actuelle, caractérisée par un état de désorientation particulière du mouvement révolutionnaire, il est nécessaire de mener un travail décisif d’orientation politique, théorique et pratique, tendant à clarifier tant la nature de la stratégie, des principes et des tactiques du parti révolutionnaire, que celle de l’éventail des forces intéressées à sa fondation.

L’Union des Communistes Combattants, qui reconnaît comme ses interlocuteurs premiers les forces et les groupes marxistes qui se placent déjà sans hésitation sur le terrain de la lutte armée, est en tout cas animée par la conviction que l’unité des communistes dans le parti doit se baser sur la clarté de vue et que cette clarté, à l’heure actuelle, ne peut naître que d’une réelle et approfondie confrontation interne sur les questions principales que l’expérience pratique de fa révolution prolétarienne a mises à l’ordre du jour dans notre pays.

L’Union des Communistes Combattants souligne en outre l’importance fondamentale de la bataille anti-révisionniste.

Il doit en effet être clair pour chaque révolutionnaire qu’une préparation, même seulement préliminaire, du prolétariat au renversement de la bourgeoisie n’est pas possible sans une lutte inévitable, systématique, large et ouverte, contre les vieux partis officiels – et en particulier contre le P.C.I. – qui détiennent toujours des positions fortes dans le mouvement ouvrier, et qui, dans leur pacifisme parlementaire, illusionnent les masses sur la nature réelle de la démocratie bourgeoise.

Enfin, l’Union des Communistes Combattants s’aligne fermement aux côtés de la lutte communiste combattante menée dans les pays capitalistes avancés et aux côtés des luttes de libération nationale qui se développent dans les pays dominés par l’impérialisme. Dans ses aspirations à atteindre l’émancipation complète de la classe ouvrière, et sachant que la révolution prolétarienne est par sa nature même internationaliste, elle ne ménage aucun effort pour contribuer à l’unité des communistes et des travailleurs de tous les pays.

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Le dualisme du néoplatonisme : Proclus, le successeur

Proclus (412-485), connu en France sous le nom de Proclos, termine historiquement le cycle du néo-platonisme. Surnommé  « le Diadoque » (c’est-à-dire en grec le successeur) dans le cadre de sa direction de l’école néo-platonicienne d’Athènes, il vient à l’origine d’une riche famille de Xanthe, en actuelle Turquie. Il définit sa tradition ainsi :

« Pythagore le premier avait appris d’Algaophamos les initiations relatives aux dieux, Platon a ensuite reçu des écrits pythagoriciens et orphiques la science toute parfaite qui les concerne. »

Il est le point culminant du néo-platonisme, aboutissant lui-même fort logiquement à une célébration de la magie, de rites mystiques. Mettons tout de suite en perspective son approche, en comparant ce qu’on peut lire dans l’ouvrage de Jamblique sur les « mystères » et la manière dont Proclus commence son commentaire sur le Paménide de Platon.

Jamblique dit la chose suivante, dans un grand élan mystique à plusieurs niveaux :

« Les apparitions des dieux sont uniformes, celles des daimones variées, celles des anges plus simples que celles des daimones, mais inférieures à celles des dieux et celles des archanges plus rapprochées des causes divines (…).

L’ordre et la tranquillité appartiennent aux dieux ; aux archanges la mise en action de cet ordre et de cette tranquillité; aux anges l’arrangement et le calme non sans quelque mouvement; le trouble et le désordre suivent les apparitions des daimones; les archontes offrent des visions en rapport avec la double définition que nous avons donnée d’eux : leurs apparitions matérielles apportent la confusion; leurs apparitions directrices demeurent stables en elles-mêmes (…).

Et la purification des âmes est parfaite par les dieux et les archanges les élèvent vers eux ; les anges ne font que les délier des liens de la matière; les daimones les attirent vers la matière; les héros les conduisent au soin des œuvres sensibles; les archontes leur font connaître la direction des choses cosmiques (…).

Les dieux, si considérable qu’elle soit, s’agrègent la matière d’un seul coup; les archanges l’absorbent rapidement: les autres en délivrent et attirent vers un ordre plus haut; les daimones l’arrangent avec soin, les héros s’y harmonisent dans la mesure convenable et la surveillent adroitement.

Quant aux archontes, ceux qui gouvernent le monde, la dominent et se manifestent ainsi; mais les archontes matériels se montrent comme pleins eux-mêmes de la matière. Pour les âmes, celles qui sont pures sont en dehors de la matière; les autres se montrent enveloppées d’elle. »

Une telle division se retrouve chez Proclus, tout au début de son commentaire :

« Je prie tous les Dieux et toutes les Déesses de guider ma raison vers la recherche que je me propose, d’allumer en moi la vive lumière de la vérité pour permettre à ma pensée d’atteindre la science même des êtres, d’ouvrir les portes de mon âme pour qu’elle puisse recevoir la divine doctrine de Platon;

de m’élever à la connaissance de la splendeur de l’Être, en faisant tomber toutes les opinions incertaines et erronées qui ont pour objet les non êtres, par une étude très intellectuelle des êtres, qui seuls nourrissent et arrosent l’aile de l’âme, comme le dit Socrate dans le Phèdre, je prie les Dieux Intelligibles de me donner une raison parfaite, les Dieux intellectuels, une puissance capable de m’élever à cette hauteur, les Dieux qui siègent au-dessus du ciel et gouvernent l’univers des choses, une activité que rien ne lasse et qui s’éloigne des connaissances matérielles ;

les Dieux qui ont reçu dans leur lot le monde, une vie pour ainsi dire ailée ; les Chœurs angéliques, l’art d’exposer dans leur vérité les choses divines ;

les bons Démons, de remplir mon esprit d’une inspiration divine; les Héros, de me donner un état d’âme magnanime, grave, et haut ;

enfin je prie tous les genres des Dieux, sans exception, de mettre en moi une disposition parfaite à participer a la théorie profondément religieuse et mystique de Platon, qu’il nous expose lui-même dans le Parménide avec une profondeur en harmonie avec les choses, et qu’a développée, par ses propres idées si pures, celui qui s’est pour ainsi dire véritablement laissé emporter avec Platon, par l’ivresse bachique, qui est rempli de la vérité divine, qui est devenu pour nous le chef de cette doctrine, et l’hiérophante de ces pensées divines, que j’appellerais volontiers le Type de la philosophie, venu parmi les hommes, comme un bienfaiteur des âmes d’ici-bas pour tenir lieu des statues, des temples, et de toutes les cérémonies religieuses, et pour guider dans la voie du salut les hommes qui vivent aujourd’hui et ceux qui naîtront après eux.

Enfin je prie les meilleurs d’entre nous de m’être propices, de me servir de chorèges, et  de me prêter avec bonne grâce la lumière qui est en eux, la lumière qui nous élève en haut. »

On a ici une perspective résolument mystique, tout comme chez Plotin. Cependant, ce dernier, qui inaugure le néo-platonisme, avait le « Un » comme obsession, tandis que chez Proclus, on a une focalisation sur tout un système qui entoure le « Un » et qui forme la réalité.

Si chez Plotin, le mouvement vers le « Un » était relativement simple, avec la méditation et le refus du monde, chez Proclus on se retrouve dans un dédale de rituels mystiques et de vénérations diverses et variées de formes intermédiaires toujours plus nombreuses entre « l’Un » et la réalité matérielle.

Proclus parvient à synthétiser, dans un idéalisme païen complet, l’inspiration divine chaldéenne, les images mathématiques pythagoriciennes, l’utilisation orphique des mythes, la présentation organisée de Platon.

Chez Proclus, on trouve l’un, puis l’intelligible composé des « hénades » c’est-à-dire des éléments uniques connaissant un principe de succession magique. À cela suit l’être, aussi appelé l’intelligible, composé d’une triade : l’Un qui est, l’éternité, le vivant en soi.

À cela suit l’intellectif lié à l’intelligible, composé d’une triade : le lieu supracéleste, le ciel, la voûte subcéleste.

À cela suit l’intellectif autonome, c’est-à-dire Zeus, à l’origine du monde, composé d’une triade : les parents, les dieux immaculés, une divinité.

À cela suit l’âme, composé d’une multitude de dieux hypercosmiques (les « chefs »), encosmiques (du ciel et de la terre, à la fois « chefs » et « rangés en bon ordre »), d’âmes divines, de démons, d’anges, de héros.

Selon Proclus, tout cela est contenu chez Platon et l’on retrouverait l’exact équivalent dans les oracles chaldaïques, ainsi que dans les traditions orphiques. C’est l’idée d’une sorte d’alliance-fusion en série de macrocosmes et de microcosmes.

Selon Proclus, voici comment il faut comprendre la réalité humaine :

« L’homme est un microcosme (…), tout ce qui est dans le monde sous forme divine et totale se retrouve partiellement dans l’homme, car il y a en nous l’intellect en acte, il y a une âme raisonnable issue du même père et de la même Déesse vivifiante que l’âme du tout, il y a un véhicule éthéré ressemblant au ciel, il y a un corps terrestre pétri des quatre éléments, précisément ces éléments avec lesquels il a affinité (…).

Il [Platon] dit expressément à la fin (90d4) [du Timée] que si l’on veut atteindre à la vie bienheureuse, « on doit assimiler ce qui contemple à ce qui est contemplé ».

Car le tout, lui, est éternellement heureux, et nous serons, nous aussi, heureux quand nous nous serons assimilés au tout, car de cette façon nous serons remontés à notre cause.

Puisqu’en effet, l’homme d’ici-bas a la même relation avec l’univers que l’homme idéal avec le vivant en soi, et puisque là-bas les classes secondaires dépendent toujours des premières, et que les parties y sont toujours inséparables de tous et sont établies en eux, quand l’homme d’ici-bas se sera assimilé à l’univers, il imitera lui aussi son modèle sous le mode qui lui est approprié, car il sera devenu ordonné du fait de sa ressemblance avec l’ordre du monde, et heureux puisqu’il sera rendu pareil au Dieu bienheureux. »

Tout tourne autour du Dieu vivant, mais ce Dieu vivant est aussi la réalité autour de nous, notre réalité. C’est une excellente dynamique pour une mystique personnelle, mais en aucun cas un levier pour des mouvements historiques levant les masses. Cela passera par l’incarnation de Dieu au sein de l’humanité elle-même, par la figure de Jésus-Christ, le christianisme phagocytant finalement le néo-platonisme.

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Le néoplatonisme et la vision mathématique du monde

Ce qui est frappant dans l’approche de Jamblique, c’est qu’il s’agit de sauver son âme. C’est tout à fait la même approche que celle du christianisme et en cela, c’est une rupture avec l’extase individuelle de Plotin qui, naturellement, se rapproche bien plus des expériences des premiers chrétiens, des ermites.

Ce qui est fascinant, c’est que se révèle ici l’importance capitale pour le christianisme de la trinité, avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Car ce que dit Jamblique au sujet du Démiurge, c’est que celui-ci façonne la réalité, en reprenant les éléments donnés par le Père.

Or, ce façonnage se déroule naturellement de manière logico-mathématique. En cela, le néo-platonisme de Jamblique est bien dans la continuité absolue du platonisme, lui-même issu du pythagorisme.

A tous les niveaux, on trouve un moyen terme logico-mathématique. L’âme est le moyen terme entre la matière et le Démiurge, le monde lui-même est une composition mathématique orchestrée par le Démiurge en s’appuyant sur ce qui a été créé par le Père.

Cela signifie que les mathématiques sont une réalité autonome, un intermédiaire entre l’Un et le multiple. L’âme a la même nature intermédiaire, ce qui fait dire à Jamblique que :

« La notion de l’âme contient spontanément la plénitude totale des mathématiques. »

Jamblique a d’ailleurs écrit un œuvre intitulée Sur la science mathématique commune ; on est là entièrement dans la perspective où la réalité est une question de tension, de composition, de proportion, d’égalité et d’inégalité, de grandeur, bref tout étant lié aux nombres.

La science des nombres est la « clef » de l’Univers, en tant qu’intermédiaire entre l’Un dont elle est issue et le multiple qu’elle façonne comme réalité matérielle, mais qu’elle n’est pas, étant de ce fait moins multiple que celle-ci.

C’est un enseignement secret, tant chez Pythagore que chez Platon, ces deux auteurs étant considérés comme ayant tout appris des « antiques stèles de Hermès ». Jamblique rappelle d’ailleurs dans sa Vie de Pythagore :

« Concernant Hippasos en particulier, c’était un Pythagoricien.

Mais, parce qu’il avait été le premier à divulguer par écrit comment on pouvait construire une sphère à partir de douze pentagones, il périt en mer pour avoir commis un acte d’impiété.

Il mourut dans la gloire comme s’il en avait fait la découverte alors que tout le mérite en revenait à Lui [c’est-à-dire Pythagore]. »

Voici un exemple de ce que donne le mysticisme de Jamblique fondé sur les nombres :

« Dans un autre ordre, il [= Hermès] met le dieu Emeph à la tête des dieux célestes, il dit qu’il est l’intelligence qui se pense elle-même et qui tourne vers soi les autres pensées ; il met avant lui l’un indivisible, qu’il nomme aussi le premier enfanté et Eiktôn ; en lui est le premier intelligent et le premier intelligible, que l’on adore par le silence seul.

En outre, il y a d’autres chefs de la démiurgie des êtres visibles ; car l’intelligence est démiurgique, gardienne de la vérité et de la sagesse ; descendant dans la genèse et mettant au jour la puissance cachée des discours secrets, on l’appelle Amonn, dans la langue des Égyptiens ; accomplissant tout sans mensonge et artistement, véridiquement, on l’appelle Phta (les Hellènes changent Phta en Héphaïstos, ne s’attachant qu’à son art) ; comme créant le bien, on l’appelle Osiris et elle prend, selon ses diverses puissances, des noms différents.

Mais il y a chez eux une autre hégémonie de tous les éléments diffus dans la genèse et des forces qui résident en ceux-ci, quatre forces femelles et quatre forces mâles : cette hégémonie appartient au soleil. Et il y a un autre principe de la nature universelle existant dans la genèse que l’on attribue à la lune.

Divisant le ciel en deux, quatre, douze, trente-six parties ou le double, ou en un autre nombre quelconque de parties, on met à la tête de celle-ci des hégémonies plus ou moins nombreuses ; mais au-dessus de toutes on établit l’Un qui leur est supérieur.

Et ainsi, chez les Égyptiens, l’on procède en partant d’en haut, depuis les principes jusqu’aux êtres derniers en donnant à tous l’Un pour origine et tout aboutit à une multitude d’êtres régis par l’Un et toute nature indéterminée y est gouvernée par une mesure déterminée qui est l’unité suprême, cause de toutes choses.

Dieu a fait naître la matière en séparant la matérialité de l’essentialité : le démiurge a reçu cette matière vitale et en a fait les sphères simples et impassibles, et il en a organisé l’ultime partie dans les corps engendrés et corruptibles. »

Ce passage toujours plus fort vers le mysticisme des nombres va alors précipiter le néo-platonisme dans une sorte de cartographie fantasmagorique de l’Univers. C’est Proclus qui va la réaliser.

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Le néoplatonisme et la concurrence populaire avec le christianisme

Contrairement à Plotin dont le néo-platonisme se cantonnait dans l’absolu, Jamblique reconnaît le particulier. Il ne s’adresse pas seulement aux plus sages qui ont déjà une connexion au divin, mais à tout un chacun.

Ce qui fait l’intérêt de la position de Jamblique, c’est alors bien entendu que chaque individu, ayant une âme, doit mener sa propre quête de Dieu.

Son âme a une nature définie, une valeur de très grande importance : elle est le « moyen terme » entre l’éternel et le non-éternel, le raisonnable et le non-raisonnable, ce qui est statique et ce qui est en mouvement, entre le non-généré et le généré, bref entre Dieu et la matière.

Chaque individu est pratiquement Jésus-Christ, âme divine s’incarnant dans la matière, fusionnant avec elle. Cela signifie que chaque individu a son rôle dans la genèse de la réalité par le Démiurge, étant un vecteur de celui-ci dans la formation de la multiplicité, par opposition à l’Un divin, unique et ne changeant jamais, étant toujours unité et seulement unité.

Par les rites adéquats, l’âme est à la fois présente dans la réalité terrestre mais sa forme devient pratiquement divine : les êtres humains ont une porte vers les dieux.

Une telle démarche a une conséquence sociale, ce qui permet bien entendu une concurrence avec le christianisme, alors que la position de Plotin ne faisait de l’âme individuelle qu’une émanation de la super-âme.

Cette théorisation est très importante dans le contexte où vit Jamblique, dans la seconde partie du IIIe siècle. Le paganisme connaît les assauts du christianisme ; à la fin du IVe siècle, ce dernier aura triomphé dans le monde gréco-romain.

Un rôle décisif a été joué ici par l’empereur romain Constantin Ier, qui régna pas moins que de 306 à 337 (Jamblique meurt en 325), partisan acharné du christianisme, alors qu’à sa suite seul l’empereur Julien, empereur de 361 à 363, tentera de rétablir le paganisme, en s’appuyant notamment sur la perspective mystique de Jamblique.

Ce dernier, par ailleurs, ne semble pas avoir d’écrits visant explicitement le christianisme. Jamblique avait la même démarche que l’hindouisme : tous les cultes avaient le même socle, partant de là ses seuls vrais concurrents étaient les mystiques plaçant Dieu entièrement hors du monde.

Voici, par exemple, comment Jamblique justifie que l’âme, saturée de matière, peut s’adresser directement à de multiples dieux, et pas simplement à « l’Un », et cela directement dans la matière, et non pas seulement avec des dieux dans le ciel :

« Je suppose que tu demandes —et ce doute est le tien— pourquoi, les dieux habitant seulement le ciel, les théurges invoquent des dieux terrestres et souterrains?

Mais ta question est intacte dans son point de départ, que les dieux habitent seulement le ciel: en effet, tout est plein d’eux.

Mais d’où vient que certains d’entre eux sont appelés aquatiques ou aériens et ont reçu en partage les uns une région, les autres une autre et qu’il leur a été distribué des portions des corps circonscrites, bien qu’ils possèdent une puissance infinie, indivisible et illimitée?

Comment conserveront-ils leur union réciproque s’ils sont circonscrits par des déterminations particulières et séparés par la diversité des lieux et des corps qui leur sont subordonnés?

A toutes ces questions et aux innombrables questions similaires, il n’y a qu’une seule solution, si l’on considère comment se fait la répartition divine.

La divinité, qu’elle ait reçu en partage certaines parties de l’univers, par exemple le ciel ou la terre, ou des villes sacrées, ou des pays, ou même des bois ou des statues sacrées, rayonne au dehors de tout, comme le soleil illumine tout de ses rayons au dehors de lui.

De même que la lumière enveloppe ce qu’elle illumine, de même la puissance des dieux contient tout ce qui participe d’elle au dehors d’elle. »

C’est là un paganisme complet et Jamblique en souligne la tradition « secrète », venant des Égyptiens, conformément à la démarche néo-platonicienne :

« Je veux d’abord interpréter pour toi la théologie des Égyptiens ceux-ci, en effet, imitent la nature du tout et la démiurgie des dieux et révèlent par des symboles certaines images des notions mystiques, cachées et invisibles, de même que la nature, dans les formes sensibles, a exprimé jusqu’à un certain point par des symboles les raisons invisibles des choses et que la démiurgie a esquissé par les images apparentes la vérité des idées.

Sachant donc que les supérieurs se plaisent à voir les inférieurs se rendre semblables à eux et voulant remplir ceux-ci de bien par une imitation aussi exacte que possible, les Égyptiens ont trouvé le mode de la mystagogie cachée dans les symboles, approprié aux dieux. »

Les rites ont, par conséquent, une fonction cosmique capitale, dans la mesure où les êtres humains pratiquent des rites conformément à leur statut au sein de l’Univers, ce qui contribue à la stabilité de celui-ci, au maintien de l’ordre. Les rites font participer les êtres humains à l’activité du Démiurge en tant que tel, dans la mesure où le monde a été généré et façonné par celui-ci et où la participation aux rites les amène à son statut, à son rôle de préservation de l’Univers.

Il faut donc se plonger dans la matière, afin que l’âme puisse rejoindre l’« Un » suprême : en assumant la multiplicité de la création, on retrouve la création de l’Un dans sa vraie nature et on peut s’associer, revenir à lui.

Il va de soi qu’on retrouve là ce qui va être la théorie de toutes les expériences mystiques de type magique, dont la kabbale juive est l’un des exemples les plus connus.

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Le néoplatonisme, Jamblique et les rites magiques

Si Plotin penche unilatéralement pour l’esprit se séparant du corps et d’un monde « inférieur », la formation divine de ce dernier fait que Jamblique considère qu’en découvrir les secrets permet de retrouver le divin.

Jamblique a une approche plus chrétienne, comme on peut le voir, car Plotin affirmait que l’âme individuelle conservait toujours un lien inébranlable avec l’Un, dont elle était issue ; au sens strict, l’âme ne s’alliait selon Plotin jamais vraiment au corps :

« S’il convient que je déclare ici nettement ce qui me paraît vrai, dusse-je me mettre en contradiction avec l’opinion générale, je dirai que notre âme n’entre pas tout entière dans le corps : par sa partie supérieure, elle reste toujours unie au monde intelligible, comme, par sa partie inférieure, elle l’est au monde sensible. »

Chez Jamblique, par contre, le contact permanent de l’âme à sa source est rompu et l’âme doit pour ainsi dire utiliser la matière pour s’en sortir.

Cela signifie que la porte de sortie n’est pas dans une extase individuelle comme chez Plotin, mais dans une communion avec l’ordre matériel dans la mesure et seulement dans la mesure où il y a une partie divine en cet ordre.

On a ici, non plus seulement une dimension mystique, mais déjà une dimension religieuse. On a dans les faits exactement la différence entre le culte de la dévotion au-delà des rites telle qu’on la trouve en Inde, la bhakti, et la religion mystique avec ses rites précis et réguliers, parfaitement codifiés, reflet de l’ordre « naturel » du monde.

On a également ici la même opposition entre la poésie classique française du XVIe siècle et son culte du Beau idéal et la poésie romantique et symboliste, puis contemporaine, qui voit du beau « partout », y compris dans les objets banals, qu’il faudrait déchiffrer.

On retrouve d’ailleurs le même type de reproche que la poésie contemporaine fait à la poésie classique, dans ce que Jamblique reproche à Porphyre : le monde serait désenchanté sans la présence du divin dans la réalité terrestre.

On peut rapproche cela, également, du christianisme dans son reproche au judaïsme, avec la critique faite comme quoi le monde matériel est dévitalisé si on n’y ajoute pas l’incarnation de Dieu dans Jésus.

L’incarnation du divin dans le monde matériel se fait, bien entendu, par les nombres, par les combinaisons chiffrées, dans l’esprit pythagoricien qui est la base même du platonisme.

Voici un exemple de comment Platon, dans les Lois, relie la question du calcul aux rites nécessaires et propres à l’ordre cosmique :

« Touchant la guerre, tu sais quelles sciences et quels exercices leur contiennent; mais pour ce qui regarde les lettres, la lyre et la science du calcul dont nous avons dit que chacun devait apprendre ce qui s’applique à la guerre, à l’administration domestique et aux affaires publiques, et encore ce qui sert à connaître les révolutions du soleil, de la lune et des autres astres, autant que cette connaissance est nécessaire dans un État; je veux parler de la distribution des jours selon les mois, et des mois selon les années, afin que les saisons, les fêtes et les sacrifices occupant la place qui leur convient, dans l’ordre marqué par la nature, donnent à l’État un air de vie et d’activité, et procurent aux dieux les honneurs qui leur sont dus, et aux citoyens une plus grande intelligence de ces objets; sur tout cela, tu n’as pas encore, mon cher, reçu du législateur les instructions suffisantes. »

Plotin, au nom de l’extase individuelle, avait totalement abandonné cette perspective, pour passer dans une image clairement similaire au mysticisme individuel hindou, opposé à toute participation à la vie sociale, à la collectivité.

Son disciple Porphyre se situait dans la même perspective ; voici comment il rejette les rites dans son Traité sur l’abstinence de la chair des animaux :

« La fin et la perfection de l’homme consistent à mener une vie spirituelle (…). Il faut d’abord renoncer à tout ce qui nous attache aux choses sensibles et à tout ce qui nourrit les passions, ne s’occuper que du spirituel (…). Il ne faut songer qu’à perfectionner l’âme, imposer silence aux passions, afin qu’autant qu’il est possible, nous menions une vie toute intellectuelle (…).

Les bons génies donnent des avis à tous les hommes mais tous les hommes ne les entendent pas : comme il n’y a que ceux qui ont appris à lire qui puissent lire. Toute la magie n’est qu’un effet des opérations des mauvais génies et ceux qui font du mal aux hommes par des enchantements, rendent de grands honneurs aux mauvais génies, surtout à leur chef.

Ces esprits ne font occupés qu’a tromper par toute sorte d’illusions et de prodiges. Les filtres amoureux sont de leur invention : l’intempérance, le désir des richesses, l’ambition viennent d’eux, et principalement l’art de tromper; car le mensonge leur est très familier.

Leur ambition est de passer pour dieux ; et leur chef voudrait qu’on le crût le grand dieu. Ils prennent plaisir aux sacrifices ensanglantés : ce qu’il y a en eux de corporel s’en engraisse ; car ils vivent de vapeurs et d’exhalaisons, et se fortifient par les fumées du sang et des chairs.

C’est pourquoi un homme prudent et sage se gardera bien de faire de ces sacrifices, qui attireraient ces génies. Il ne cherchera qu’a purifier entièrement son âme, qu’ils n’attaqueront point, parce qu’il n’y a aucune sympathie entre une âme pure et eux (…).

C’est pourquoi les théologiens ont observé avec grande attention l’abstinence de la viande.

L’Égyptien nous en a découvert la raison, que l’expérience lui avait apprise. Lorsque l’âme d’un animal est séparée de son corps, par violence , elle ne s’en éloigne pas, et se tient près de lui.

Il en est de même des âmes des hommes qu’une mort violente a fait périr ; elles restent près du corps : c’est une raison qui doit empêcher de se donner la mort.

Lors donc qu’on tue les animaux, leurs âmes se plaisent auprès des corps qu’on les a forcés de quitter; rien ne peut les en éloigner : elles y sont retenues par sympathie ; on en a vu plusieurs qui soupiraient près de leurs corps.

Les âmes de ceux dont les corps ne sont point en terre, restent près de leurs cadavres : c’est de celles là que les magiciens abusent pour leurs opérations, en les forçant de leur obéir, lorsqu’ils sont les maîtres du corps mort, ou même d’une partie.

Les théologiens qui sont instruits de ces mystères et qui savent quelle est la sympathie de l’âme des bêtes pour les corps dont elles ont été séparées, avec quel plaisir elles s’en approchent, ont avec raison défendu l’usage des viandes, afin que nous ne soyons pas tourmentés par des âmes étrangères qui cherchent à se réunir à leurs corps et que nous ne trouvions point d’obstacles de la part des mauvais génies en voulant nous approcher de dieu.

Une expérience fréquente leur a appris que dans le corps il y a une vertu secrète qui y attire l’âme qui l’a autrefois habité. C’est pourquoi ceux qui veulent recevoir les âmes des animaux qui savent l’avenir, en mangent les principales parties, comme le cœur des corbeaux, des taures, des éperviers.

L’âme de ces bêtes entre chez eux en même temps qu’ils font usage de ces nourritures, et leur fait rendre des oracles comme des divinités.

C’est donc avec raison que le philosophe qui est en même temps le prêtre du dieu suprême, s’abstient dans ses aliments de tout ce qui a été animé : il ne cherche qu’à s’approcher de dieu tout seul, en prévenant les persécutions des génies importuns.

Il étudie la nature; et en qualité de vrai philosophe, il s’applique aux signes et comprend les diverses opérations de la nature.

Il est intelligent, modeste, modéré, toujours occupé de son salut, et de même que le prêtre d’un dieu particulier s’applique à placer convenablement ses statues et à se rendre habile dans les mystères, dans les cérémonies, dans les expiations, en un mot dans tout ce qui a rapport au culte de son dieu, aussi le prêtre du dieu suprême étudie avec attention les expiations et tout ce qui peut l’unir à dieu. »

Il y a ainsi deux formes de néo-platonisme : la première est d’ordre extatique-mystique d’orientation personnelle, la seconde est ouvertement tournée vers le rituel et le mysticisme de masse.

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Le néoplatonisme et les «Oracles chaldaïques»

Jamblique est le premier à véritablement faire du néo-platonisme une magie philosophique. Plotin, lui, revendiquait une philosophie qui, parce qu’elle était idéaliste, avait une dimension magique.

Cependant, Plotin faisait pencher sa construction intellectuelle vers l’Un, coupant court à toute activité autre que la fusion extatique vers l’un. Son modèle est celui du yogi indien, pas du mage perse.

Jamblique inverse la tendance et cela d’autant plus qu’il doit faire face à la concurrence du christianisme. Cependant, il y a l’arrière-plan toute une polémique sur la nature du monde matériel.

Pour Plotin, dans la tradition platonicienne, le monde matériel est une chose mauvaise puisqu’elle emprisonne l’âme, mais il accepte la situation comme étant naturelle, propre à la création. Il dit, à ce niveau, la même chose que le christianisme.

Il y a, par contre, tout un courant au sein du platonisme reprenant la thèse de Platon selon laquelle le monde a été créé par un « démiurge », donc une forme divine secondaire (puisque l’Un n’est jamais que tourné que vers lui-même), sauf qu’il considère en définitive que ce démiurge est mauvais.

On a ainsi une opposition totale et conflictuelle entre l’esprit et la matière ; non pas un univers à deux niveaux, mais une guerre entre le bien et le mal. Cette conception sera qualifiée de « gnostique » et le problème est qu’il n’est pas forcément aisé de distinguer le gnosticisme du néo-platonisme, car les deux considèrent qu’il y a une science « cachée » de l’univers, une « gnose ».

Ainsi, certains néo-platoniciens comme Plotin et Porphyre rejette la magie et combattent ouvertement les gnostiques, mais à partir de Jamblique les néo-platoniciens se rapprochent des gnostiques, dont ils forment un courant parallèle ou concurrent.

Une œuvre important, dans ce contexte, fut les λόγια c’est-à-dire les paroles, enseignements, ou bien encore Oracles, l’œuvre prenant par la suite le nom d’Oracles chaldaïques. Ecrite vers 170, soit avant l’émergence du néo-platonisme, elle est attribuée à une révélation des dieux, voire à l’âme de Platon.

La première partie consiste d’ailleurs en une présentation de la philosophie de Platon, notamment et surtout, comme on s’en doute, du Timée, alors que la seconde explique des rituels.

Plus le néo-platonisme se développé, plus sa référence aux « oracles » est profonde. Plotin les connaissait, mais ne s’y réfère pas, Porphyre le fait un peu, Jamblique le fait beaucoup, Proclus le fera ensuite énormément.

Ainsi, Jamblique considère ouvertement les mages chaldéens comme ayant acquis le savoir primoridal, au même titre que Platon ou que Hermès Trismégiste, une figure mythique issu d’un syncrétisme gréco-égyptien, le dieu grec Hermès fusionnant avec le dieu Thot, devenant par la suite le personnage mythique du savoir « secret » au centre de l’idéologie de l’alchimie.

On est là au coeur d’une quête pour une science sacrée et cachée, qui demande un sens du mysticisme le plus radical, associé à une transmission du savoir de type initiatique. La tendance est générale et les disciples de l’école néo-platonicienne abandonnèrent d’ailleurs la plupart Porphyre pour suivre Jamblique dans cette perspective magique.

Un penseur semble avoir joué un rôle ici important, son approche étant liée aux Oracles chaldaïques : Numénios d’Apamée, qui a vécu au 2e siècle et se situait dans le prolongement du platonisme. On a également ici, en effet, un syncrétisme général, au point que Numénios dit même :

« Après avoir cité et avoir pris pour sceaux les témoignages de Platon, il faudra remonter plus haut et les rattacher aux enseignements de Pythagore, puis en appeler aux peuples fameux, en évoquant leurs mystères, leurs dogmes, leurs fondations de cultes, qui sont en accord avec Platon, tout ce qu’ont établi les brahmanes, les juifs, les Mages, les Égyptiens. »

Voici sa conception du rapport entre « Le premier Dieu et le Démiurge », dans son Traité du bien :

« Le premier Dieu demeure en lui-même; il est simple, parce que, concentré tout entier en lui-même, il ne peut subir aucune division.

Le second Dieu est un en lui même, mais il se laisse emporter par la matière, qui est la dyade; s’il l’unit, elle le divise, parce que la nature de la matière est de désirer et d’être dans un écoulement continuel.

Tant qu’il contemple l’intelligence, il demeure immobile en lui-même; mais lorsqu’il abaisse ses regards sur la matière et qu’il s’en occupe, il s’oublie lui-même: il s’attache au sensible, il l’orne et il contracte quelque chose des qualités de la matière avec laquelle il a désiré entrer en rapport (…)/

Nous ferons la déclaration suivante: le premier Dieu ne fait aucune oeuvre et il est vraiment Roi, tandis que le Dieu qui gouverne tout, en parcourant le ciel, n’est que Démiurge.

C’est pourquoi nous participons à l’intelligence quand elle descend et se communique à tous les êtres qui peuvent la recevoir. Pendant que Dieu [le Démiurge] nous regarde et se tourne vers chacun de nous, il arrive que la vie et la force se répandent dans nos corps échauffés de ses rayons; mais, s’il se retire dans la contemplation de soi-même, tout s’éteint, tandis que l’intelligence continue de vivre et jouit d’une existence bienheureuse (…).

Il y a le même rapport entre le premier Dieu et le Démiurge qu’entre celui qui sème et celui qui cultive. L’un, étant la semence de toute âme, répand ses germes dans toutes les choses qui participent de lui. L’autre, en législateur, cultive, distribue et transporte dans chacun de nous les semences qui proviennent du premier Dieu (…).

Ainsi le premier Dieu est immobile, le second se meut; l’un ne contemple que l’intelligible, l’autre regarde l’intelligible et le sensible. Ne soyez pas étonné que j’aie ainsi parlé: car j’ai à dire quelque chose de plus étonnant encore. Tandis que le second Dieu est en mouvement, le premier Dieu reste dans une immobilité que j’appellerai un mouvement inné. C’est ce mouvement qui est le principe de l’ordre, de la conservation et de la perpétuité de l’univers (…).

Comme Platon savait que le Démiurge seul était connu des hommes, tandis que le premier Dieu, qu’il appelle l’intelligence, leur était inconnu, il s’est exprimé sur ce sujet en des termes qui reviennent à dire: « O hommes, l’intelligence que vous soupçonnez n’est pas la première intelligence; il en est une autre plus ancienne et plus divine. ». »

Cette insistance sur le rôle du Démiurge était capitale pour le tournant vers la magie, car on a ici un déplacement en apparence secondaire, en réalité absolument significatif.

Plotin pouvait bien faire une philosophie où le Démiurge, appelé chez lui l’âme du monde, avait une place résolument secondaire, même l’intelligence issu du divin étant secondaire par rapport à l’Un.

Mais si l’âme du monde est issu de l’intelligence (du divin), alors le monde matériel lui-même avait une composition interne qui, non seulement était issu du divin comme le soulignait Plotin, mais qui en plus avait une nature interne divine.

Reconnaître cette nature, sa composition, c’était alors acquérir les pouvoirs magiques en se liant au Démiurge.

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Le néoplatonisme et le tournant vers la magie

Plotin est la grande figure du néo-platonisme et il a frappé si fort dans l’idéalisme qu’il a, en fait, fermé les portes du paganisme. Après Plotin, c’est le christianisme qui se charge de développer les thèses du néo-platonisme, les adaptant aisément au cadre religieux chrétien.

La falsafa arabo-persane reprendra également le néo-platonisme, mais pour l’épurer et rétablir la démarche de l’aristotélisme authentique.

Il y eut pourtant d’autres néo-platoniciens à la suite de Plotin, essaimant le monde gréco-romain. Plotin, qui venait d’Égypte romaine, s’était installé à Rome où son disciple, le phénicien Porphyre, prit le relais. C’est d’ailleurs lui qui amena Plotin à écrire, Porphyre compilant et publiant ce qui sera connu sous le nom d’Ennéades.

On trouve ensuite Jamblique, d’une famille princière d’Emèse en Syrie actuelle, où il fonda une école, et enfin, à Athènes, Syrianos et Proclos (connu en France sous le nom de Proclus).

Tous les néo-platoniciens, après Plotin, basculèrent dans un mysticisme païen outrancier, auquel Plotin était lié mais en tentant d’en synthétiser une forme nouvelle.

Sa tentative ne fut pas reprise (à part par le christianisme, notamment avec Pseudo-Denys l’Aréopagite), le culte des dieux et la magie devenant des vecteurs essentiels de la sagesse mystique.

Le néo-platonisme apparaît alors comme un mouvement idéologique tentant à la fois de prolonger son opposition formelle au matérialisme d’Aristote, tout en cherchant à éviter d’avoir à assumer le christianisme.

Alors que Plotin a tenté de renouveler le platonisme, ses successeurs se cantonnent à un platonisme renouvelé, piochant de manière éclectique et confuse pour sauvegarder l’idéalisme païen.

Voici un exemple avec ce que dit Porphyre dans un Traité sur le précepte Connais-toi toi-même, adressé à Jamblique :

« Platon a raison de nous recommander dans le Philèbe de nous séparer de tout ce qui nous entoure et nous est étranger, afin de nous connaître nous-mêmes à fond, de savoir ce qu’est l’homme immortel et ce qu’est l’homme extérieur, image du premier, et ce qui appartient à chacun d’eux.

À l’homme intérieur appartient l’intelligence parfaite ; elle constitue l’homme même, dont chacun de nous est l’image.

À l’homme extérieur appartient le corps avec les biens qui le concernent.

Il faut savoir quelles sont les facultés propres à chacun de ces deux hommes et quels soins il convient d’accorder à chacun d’eux, pour ne pas préférer la partie mortelle et terrestre à la partie immortelle, et devenir ainsi un objet de pitié et de risée dans la tragédie et la comédie de cette vie insensée, enfin pour ne pas prêter à la partie immortelle la bassesse de la partie mortelle et devenir misérables et injustes par ignorance de ce que nous devons à chacune de ces deux parties. »

Voici comment il formule les choses encore dans le Traité de l’Âme :

« D’un côté, il y a l’homme qui n’a d’autre occupation que la bonne chère, comme les brutes.

D’un autre côté, il y a l’homme qui, par son talent, sauve le navire dans la tempête, ou rend la santé la ses semblables, ou découvre la vérité, ou trouve la méthode qui convient à la science, ou invente des signaux de feu, ou tire des horoscopes, ou, par des machines, imite les œuvres du créateur. »

Dans le cadre de cet éclectisme, Porphyre écrivit de très nombreux ouvrages ; celui intitulé Introduction aux Catégories d’Aristote et connu sous le nom d’Isagogè (Introduction, en grec) eut un grand succès de par sa problématique, mais contribuant grandement à la confusion et l’incompréhension des différences essentielles entre platonisme et aristotélisme.

C’est avec son disciple Jamblique (vers 242-325) qu’a ensuite lieu le basculement dans le mysticisme le plus total. Rien ne change bien sûr dans les fondamentaux, avec les considérations fascinées sur le « Un » parfait, comme ici dans une lettre à Macédonius sur le destin :

« Tous les êtres doivent à l’Un leur existence : car l’Être premier dérive immédiatement de l’Un.

À plus forte raison, les causes universelles doivent à l’Un leur puissance efficace, sont contenues dans un seul enchaînement et se rapportent au Principe qui est antérieur à la multitude.

De cette manière, comme les causes qui constituent la Nature sont multiples, qu’elles appartiennent à des genres différents et dépendent de plusieurs principes, la multitude dépend d’une Cause unique et universelle, toutes choses sont enchaînées ensemble par un lien unique, et la liaison des causes multiples remonte à la puissance unique de la Cause la plus compréhensive (…).

L’essence de l’âme est par elle-même immatérielle et incorporelle, non-engendrée et impérissable ; elle possède par elle-même l’être et la vie, elle se meut par elle-même, elle est le principe de la nature [végétative] et de tous les mouvements du corps.

Tant que l’âme reste ce qu’elle est par son essence, elle a en elle-même une vie libre et indépendante.

Lorsqu’elle se donne aux choses engendrées, et qu’elle se subordonne au mouvement de l’univers, elle est soumise au Destin et devient l’esclave des nécessités physiques. Lorsqu’elle s’applique à l’acte intellectuel, qui est libre et indépendant, elle fait volontairement ce qui est de son ressort, elle participe réellement de Dieu, du bien et de l’intelligible. »

Toutefois, Jamblique est celui qui a insisté, en rupture avec Plotin et Porphyre, sur la nécessité de la magie, l’œuvre la plus connue qui lui soit attribuée étant Les mystères des Égyptiens, des Chaldéens et des Assyriens.

Jamblique insiste en fait sur la source des savoirs de Socrate et Platon, c’est-à-dire tant Pythagore d’un côté, que les mysticisme orientaux, en particulier égyptiens, de l’autre.

S’il est ainsi vrai que l’Un est l’objectif et qu’il est le seul à exister, il y aurait pour autant une « science » magique de la réalité.

Les prières et les sacrifices, les exercices de purification et les oracles, le culte des images et l’intégration dans un parcours initiatique, les sacrifices à dates précises et la croyances aux génies et aux démons, tout cela aurait un sens, relevant du déchiffrement mystique du monde.

Le mot à employer ici est celui de « théurgie ».

Chez Plotin, on est dans une démarche contemplative : on s’élève jusqu’à « l’Un » et on bascule dans l’extase. Dans la théurgie au sens strict, c’est-à-dire ce qu’on appelle la magie, les pratiques mystiques (prières, rites comme les sacrifices, vénération d’objets sacrés, etc.) permettent de rentrer en contact avec le divin, d’en acquérir certains pouvoirs (la divination, la lévitation, etc.).

Ce courant « magicien » était, en fait, inhérent au platonisme depuis l’effondrement d’Athènes. Il accompagne d’autant plus l’effondrement du mode de production esclavagiste ; il témoigne de la fin d’une époque.

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Le néoplatonisme, l’ordre socio-cosmique et la réincarnation

Qu’est-ce qui distingue alors le néo-platonisme du christianisme ? Eh bien, l’origine grecque, et sans doute l’origine hindoue, c’est-à-dire dans les deux cas, une conception socio-cosmique du monde, où l’ordre social est le produit de la réalité divine et où la réincarnation est la clef de voûte de l’équilibre.

Le néo-platonisme est la conception la plus développée du paganisme antique ; il n’est plus païen au sens strict, car il a unifié l’Univers et ne s’attarde plus sur les éléments naturels, tel que le soleil, la lune, les arbres, etc.

Cependant, il existe comme dans le paganisme un ordre interne à l’Univers, ce que Charles Baudelaire a célébré dans ses poèmes des Fleurs du Mal avec le principe des « correspondances ». Ce qui correspond se répond, ayant une sympathie naturelle.

Voici comment Plotin théorise cela :

« Ni le Soleil, ni aucun astre en général n’entend les vœux qu’on lui adresse.

S’il les exauce, c’est par la sympathie que chaque partie de l’univers a pour les autres, comme, si l’on touche une partie d’une corde tendue, on ébranle toutes les autres, ou bien encore comme, si l’on fait vibrer une des cordes d’une lyre, toutes les autres vibrent à l’unisson, parce qu’elles appartiennent toutes à un même système d’harmonie.

Si la sympathie va jusqu’à faire répondre une lyre aux accords d’une autre, à plus forte raison doit-elle être la loi de l’univers, où règne une seule harmonie, quoique son ensemble comprenne des contraires, aussi bien que des parties semblables et analogues.

Les choses qui nuisent aux hommes comme la colère qui, avec la bile, se rapporte à l’organe du foie, n’ont pas été faites pour nuire aux hommes [c’est la théorie des « humeurs », la bile jaune venant du foie étant en rapport avec la violence, la bile noire venant de la rate étant en rapport avec la mélancolie, ce que Baudelaire appelle le spleen, le terme anglais pour la rate].

C’est comme si une personne en blessait une autre par mégarde en prenant du feu à un foyer : elle est sans doute l’auteur de la blessure parce qu’elle fait passer du feu d’une chose dans une autre; mais la blessure n’a lieu que parce que le feu ne peut être contenu par l’être auquel il est transmis. »

Le néo-platonisme assume donc, comme Platon (ou Charles Baudelaire), le principe de la réincarnation comme moyen d’équilibre de l’ordre socio-cosmique :

« Il y a encore une considération qu’il ne faut pas mépriser, c’est qu’il ne suffit pas d’examiner uniquement le présent, qu’on doit tenir compte aussi des périodes passées et de l’avenir afin d’y voir s’exercer la justice distributive de la divinité.

Elle fait esclaves ceux qui ont été maîtres dans une vie antérieure, s’ils ont abusé de leur pouvoir; et ce changement leur est utile.

Elle rend pauvres ceux qui ont mal employé leurs richesses : car la pauvreté sert même aux gens vertueux. De même, ceux qui ont tué sont tués à leur tour ; celui qui commet l’homicide agit injustement, mais celui qui en est victime souffre justement.

Ainsi, il y. a harmonie entre la disposition de l’homme qui est maltraité et la disposition de celui qui le maltraite comme il le méritait.

Ce n’est pas par hasard qu’un homme devient esclave, est fait prisonnier ou est déshonoré. Il a commis lui-même les violences qu’il subit à son tour.

Celui qui a tué sa mère sera tué par son fils ; celui qui a violé une femme deviendra femme pour être à son tour victime d’un viol.

De là vient la parole divin appelée Adrastée : car l’ordre dont nous parlons ici est véritablement Adrastée, est véritablement une Justice, une Sagesse admirable. »

Voici un autre passage précisant les modalités de la réincarnation ; la dimension païenne pour le coup particulièrement arriérée est frappante.

« Ceux qui ont exercé les facultés humaines renaissent hommes.

Ceux qui n’ont fait usage que de leurs sens passent dans des corps de brutes et particulièrement dans des corps de bêtes féroces, s’ils se sont abandonnés aux emportements de la colère; de telle sorte que, même en ce cas, la différence des corps qu’ils animent est conforme à la différence de leurs penchants.

Ceux qui n’ont cherché qu’à satisfaire leur concupiscence et leurs appétits passent dans des corps d’animaux lascifs et gloutons.

Enfin ceux qui» au lieu de suivre leur concupiscence ou leur colère, ont plutôt dégradé leur sens par leur inertie, sont réduite à végéter dans des plantes : car ils n’ont dans leur existence antérieure exercé que leur puissance végétative, et ils n’ont travaillé qu’à devenir des arbres.

Ceux qui ont trop aimé les jouissances de la musique, et qui ont d’ailleurs vécu purs, passent dans des corps d’oiseaux mélodieux.

Ceux qui ont régné tyranniquement deviennent des aigles, s’ils n’ont pas d’ailleurs d’autre vice. Enfin, ceux qui ont parlé avec légèreté des choses célestes, tenant toujours leurs regards élevés vers le ciel, sont changés en oiseaux qui volent toujours vers les hautes régions de l’air.

Celui qui a acquis les vertus civiles redevient homme; mais, s’il ne possède pas ces vertus à un degré suffisant, il est transformé en un animal sociable, tel que l’abeille ou tout autre être de cette espèce. »

C’est précisément en raison de cette liaison trop forte avec le mode de production esclavagiste que le néo-platonisme ne pourra pas généraliser sa position pour la porter jusqu’à la féodalité.

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Le dualisme du néoplatonisme : la même base que le christianisme

Il va de soi que le néo-platonisme ressemble outrageusement au christianisme apparu juste avant lui ; en fait, les deux courants se sont nourris l’un l’autre. On ne peut nullement comprendre le christianisme, surtout le catholicisme, sans connaître Plotin et ses thèses qui forment le squelette même du mysticisme anti-matérialiste, où il s’agit de se tourner uniquement vers ce qui n’est pas matière.

Voici ce que dit Plotin par exemple sur le rapport entre l’Un, l’intelligence et l’âme (ici désigné par l’intellect) – on croirait lire une explication du rapport entre « le Père, le Fils et le Saint-Esprit » :

« L’Intelligence est belle sans doute ; elle est la plus belle des choses, puisqu’elle est éclairée d’une pure lumière, qu’elle brille d’un pur éclat, qu’elle contient les êtres intelligibles, dont notre monde, malgré sa beauté, n’est qu’une ombre et qu’une image.

Quant au monde intelligible, il est placé dans une région brillante de clarté, où il n’y a rien de ténébreux ni d’indéterminé, où il jouit en lui-même d’une vie bienheureuse. Son aspect ravit d’admiration, surtout si l’on sait y pénétrer et s’y unir.

Mais, de même que la vue du ciel et de l’éclat des astres fait chercher et concevoir leur auteur, de même la contemplation du monde intelligible et l’admiration qu’elle inspire conduisent à en chercher le père.

On se dit alors : quel est celui qui a donné l’existence au monde intelligible? où et comment a-t-îl engendré l’Intellect si pur, ce fils si beau qui tient de son père toute sa plénitude ?

Ce principe suprême n’est lui-même ni intellect, ni fils, il est supérieur à l’Intellect, qui est son fils.

L’Intellect, son fils, est après lui, parce qu’il a besoin de recevoir de lui son intellection et la plénitude qui est sa nourriture; il tient le premier rang après Celui qui n’a besoin de rien, pas même d’intellection.

L’Intellect possède cependant la plénitude et la véritable intellection parce qu’il participe du Bien immédiatement.

Ainsi, le Bien, étant au-dessus de la véritable plénitude et de l’intellection, ne les possède pas et n’en a pas besoin ; sinon, il ne serait pas le Bien. »

Dans la même logique que le christianisme, Dieu a créé le monde par « bonté », parce que c’est le prolongement de sa propre nature.

« Or, comme ce pouvoir ne devait pas être arrêté ni circonscrit dans son action par jalousie, il fallait qu’il y eût une procession continue, jusqu’à ce que, de degré en degré, toutes choses fussent descendues jusqu’aux dernières limites du possible : car c’est le caractère d’une puissance inépuisable de communiquer ses dons à toutes choses, de ne pas souffrir qu’aucune d’elles en soit déshéritée, puisqu’il n’y a rien qui empêche chacune d’elles de participer à la nature du Bien dans la mesure où elle en est capable. »

On retrouve même chez Plotin le cœur de l’argumentation chrétienne sur la nature « insuffisante » du monde en raison des crimes, des choses mauvaises, etc., c’est-à-dire qu’on a déjà la conception du « meilleur des mondes possibles », sans avoir à attendre Leibniz au XVIIe siècle.

Plotin synthétise ce point de vue de manière très brève :

« On n’a point le droit de blâmer ce monde, de dire qu’il n’est pas beau, qu’il n’est pas le meilleur possible des mondes corporels, ni d’accuser la cause dont il tient l’existence.

D’abord, ce monde existe nécessairement : il n’est pas l’oeuvre d’une détermination réfléchie ; il existe parce qu’une essence supérieure l’engendre naturellement semblable à elle-même. »

Exactement comme dans le christianisme, on a un appel au retour au « Père ». On a ici la théorie de la religion comme porte spirituelle que les âmes doivent franchir pour redevenir libres. Plotin parle ouvertement de nécessité de la « conversion » et il développe exactement le même thème du malin, du diable, que dans le catholicisme :

« Comment se fait-il que les âmes oublient Dieu, leur père? Comment se fait-il qu’ayant une nature divine, qu’étant issues de Dieu, elles le méconnaissent et se méconnaissent elles-mêmes?

L’origine de leur mal, c’est l’audace, la génération, la première diversité, le désir de n’appartenir qu’à elles-mêmes [c’est-à-dire le désir qui a conduit les âmes à se séparer primitivement de Dieu et à s’unir aux corps].

Dès qu’elles ont goûté du plaisir de posséder une vie indépendante, usant largement du pouvoir qu’elles avaient de se mouvoir elles-mêmes, elles se sont avancées dans la route qui les écartait de leur principe, et maintenant elles sont arrivées à un tel éloignement de Dieu qu’elles ignorent même qu’elles en ont reçu la vie.

De même que des enfants séparés de leurs familles dès leur naissance et nourris longtemps loin d’elles en arrivent à méconnaître leurs parents ainsi qu’eux-mêmes ; de même les âmes, ne voyant plus ni Dieu ni elles-mêmes, se sont dégradées par l’oubli de leur origine, se sont attachées à d’autres objets, ont admiré tout plutôt qu’elles-mêmes, ont prodigué leur estime et leur amour aux choses extérieures, et, brisant le lien qui les unissait aux choses divines, s’en sont écartées avec dédain.

L’ignorance où elles sont de Dieu a donc pour cause leur estime des objets sensibles et leur mépris d’elles-mêmes. Comme chacune d’elles admire et recherche ce qui lui est étranger, elle reconnaît par là même qu’elle vaut moins.

Or, dès qu’elle croit moins valoir que ce qui naît et périt, qu’elle se regarde comme plus méprisable et plus périssable que les objets qu’elle admire, elle ne saurait plus concevoir la nature ni la puissance de Dieu.

Pour convertir à Dieu les âmes qui se trouvent dans de pareilles dispositions, pour les élever au Principe suprême, à l’Un, au Premier, il faut raisonner avec elles de deux manières.

D’abord, on doit leur faire voir la bassesse des objets qu’elles estiment maintenant (nous en avons parlé suffisamment ailleurs) ; puis, il faut leur rappeler l’origine et la dignité de l’âme. La démonstration de ce second point est [logiquement] antérieure à celle du premier; exposée avec clarté, elle sert à l’établir. »

À la différence du christianisme, le néo-platonisme considère par contre, dans le prolongement du Timée de Platon, qu’il n’existe que le Dieu vivant issu de Dieu, et que donc le monde est éternel tout comme le Dieu vivant engendré par Dieu.

Non seulement d’ailleurs le christianisme va largement puiser en général dans le néo-platonisme, mais en plus les tendances mystiques reconnaîtront dans le néo-platonisme une démarche essentiellement similaire à la leur.

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Le néoplatonisme et le concept de «procession»

Plotin appelle à l’extase dans la compréhension de la nature de Dieu ; pour parvenir à cette extase, il faut que l’âme cesse de se mêler au corps. Il y a donc une bataille et le néo-platonisme de Plotin fournit les arguments théoriques les plus « purs » de chaque religion : il y a une séparation entre le corps et l’esprit, il y a une bataille entre eux.

La religion est le levier pour comprendre comment se focaliser sur l’âme et parvenir à rejeter un corps à dévaloriser. Plotin résume cela ainsi :

« En un mot, il faut dire que la vie dans un corps est par elle-même un mal; mais, par la vertu, l’âme se place dans le bien, non en conservant l’union qui existe, mais en se séparant du corps. »

Écouter son corps, c’est faire pencher l’âme du mauvais côté :

« On dira peut-être que la méchanceté est la faiblesse de l’âme.

Car l’âme mauvaise est impressionnable, mobile, facile à entraîner au mal, portée à écouter ses passions, également prompte à se mettre en colère et à se réconcilier; elle cède inconsidérément à de vaines idées ; semblable aux ouvrages les plus faibles de l’art et de la nature, qui sont facilement détruits par les vents et par les tourbillons. »

Bien entendu, ce qui définit le « mal », c’est tout ce qui relève du contraire de Dieu qui est bon car auto-suffisant, entièrement en paix, sans division, harmonieux depuis le début et en tout, etc. Plotin insiste beaucoup sur cette approche opposant de manière manichéenne le bien et le mal :

« Pour mieux déterminer le Mal, on peut se le représenter comme le manque de mesure par rapport à la mesure, comme l’indétermination par rapport au terme, comme le manque de forme par rapport au principe créateur de la forme, comme le défaut par rapport à ce qui se suffit à soi-même, comme l’illimitation et la mutabilité perpétuelle, enfin comme la passivité, l’insatiabilité et l’indigence absolues. »

Le prophète Mani a, par ailleurs, vécu à la même époque que Plotin et même accompagné les troupes de Sapor Ier, chef perse qu’affrontait justement Gordien III qu’accompagnait Plotin.

On est dans une même dynamique mystique orientale, où l’âme cherche à « s’échapper » de la matière, avec une opposition formelle entre esprit et matière. Le rejet de la conception d’Aristote faisant des esprits des tablettes vides mais sensibles où les objets extérieurs viennent « écrire », est bien entendu formellement réfuté et cela au nom de « l’Un ».

Puisque, en effet, l’âme « sent » au fond d’elle qu’elle relève d’un « tout », qui est absolu, alors il n’est pas possible de faire de l’esprit un miroir de la réalité ambiante. En fait, le néo-platonisme tente de rejeter le matérialisme de l’époque, en affirmant que celui-ci n’est pas en mesure de concevoir la totalité, en le réduisant à une vision « vulgaire » et basse des choses.

La capacité à raisonner hors de cette bassesse serait la preuve de la liaison de l’âme avec l’âme suprême. Les animaux ne seraient que « sensations », l’être humain avec la raison en plus pourrait se tourner vers « l’Un ».

Naturellement, il se pose alors le problème de pourquoi l’âme est prisonnière du corps, sans compter qu’il faut expliquer pourquoi l’âme suprême aurait produit ces âmes dispersés. Le risque serait de dire que l’esprit aurait besoin de la matière.

Plotin invente pour contourner le problème le concept de « procession » : chaque entité procède de manière naturelle à une émanation, une sorte d’image amoindrie. L’Un donne l’intelligence, l’intelligence l’âme, l’âme le monde.

A chaque étape, l’émané se tourne vers l’émanant, voilà pourquoi l’âme qui donne le monde ne le regarde pas, n’est pas « inclinée » vers lui :

« Quant à nous, nous croyons que si l’Âme a créé le monde, ce n’est pas parce qu’elle a incliné [vers la matière], mais plutôt parce qu’elle n’a pas incliné.

Pour incliner ainsi, il aurait fallu que l’Âme eût oublié les intelligibles ; mais, si elle les avait oubliés, comment aurait-elle créé le monde? D’après quoi l’aurait-elle formé? Elle l’a formé sans doute d’après les intelligibles qu’elle avait contemplés là-haut. Si elle s’en est souvenue en formant le monde, elle n’avait pas incliné.

Elle n’avait donc pas une notion obscure des intelligibles ; sinon, elle aurait incliné vers eux pour en avoir une intuition claire : car, pourquoi n’aurait-elle pas voulu rentrer dans le monde intelligible, puisqu’elle en conservait quelque souvenir ? »

La Nature est donc pratiquement mécanique, l’âme pouvant « imaginer », ce que la Nature ne peut pas, n’étant que l’image de l’Âme :

« Comment la Sagesse propre à l’Âme universelle diffère-t-elle de la Nature?

C’est que la Sagesse occupe dans l’Âme le premier rang et la Nature le dernier, puisqu’elle n’est que l’image de la Sagesse ; or, si la Nature n’occupe que le dernier rang, elle doit aussi n’avoir que le dernier degré de la Raison qui éclaire l’Âme.

Qu’on se représente un morceau de cire où la figure imprimée sur une face pénètre jusqu’à l’autre, et dont les traits bien marqués sur la face supérieure n’apparaissent que d’une manière confuse sur la face inférieure : telle est la condition de la Nature ; elle ne connaît pas, elle produit seulement, elle transmet aveuglément à la matière la forme qu’elle possède, comme un objet chaud transmet à un autre, mais à un moindre degré, la chaleur qu’il a lui-même.

La Nature n’imagine même pas : car l’acte d’imaginer, inférieur à celui de penser, est cependant supérieur à celui d’imprimer une forme, comme le fait la Nature. La Nature ne peut rien saisir ni rien comprendre, tandis que l’Imagination saisit l’objet adventice, et permet à celui qui imagine de connaître. »

Il faut bien noter ici que ce n’est pas Dieu qui donne le monde, car lui-même en tant qu’unité primordiale n’a besoin de rien. L’intelligence qui est son image, son sous-produit, a abouti à l’âme et celle-ci à la matière.

Voilà pourquoi la quête de l’Un ne saurait passer par des mots :

« Pourquoi n’est-il [= l’Un] pas resté en lui-même, et a-t-il laissé ainsi découler de lui la multiplicité qu’on voit dans les êtres et que nous voulons ramener à lui?

Nous allons le dire. Invoquons d’abord Dieu même, non en prononçant des paroles, mais en élevant notre âme jusqu’à lui par la prière; or, la seule manière de le prier, c’est de nous avancer solitairement vers l’Un, qui est solitaire.

Pour contempler l’Un, il faut se recueillir dans son for intérieur, comme dans un temple, et y demeurer tranquille, en extase, puis considérer les statues qui sont pour ainsi dire placées dehors [l’Âme et l’Intelligence], et avant tout la statue qui brille au premier rang [l’Un], en la contemplant de la manière que sa nature exige. »

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