Parti Communiste d’Espagne: Le Parti sur le pied de la guerre (1939)

Résolution du 23 Février 1939

Le Parti Communiste déclare que ce serait une erreur gravissime que de chercher à cacher l’extrême gravité de la situation. La perte de la Catalogne, de l’Armée et du matériel de guerre qui s’y trouvait, constitue un coup très dur porté à la République, qui change   profondément,   en  les  aggravant,  les   conditions  de  notre lutte pour l’indépendance et la liberté de l’Espagne. 

Mais   la   situation   passerait   de   grave   à   catastrophique   si   les dirigeants des organisations et des partis, si le gouvernement, si les chefs  de l’Armée perdaient leur sérénité et leur confiance en la capacité   combative   et   en   l’esprit   de   sacrifice   des   soldats   et  du peuple, et s’ils s’orientaient non pas vers la résistance, mais vers l’abandon de la lutte, vers la capitulation. (…) 

Le triomphe du fascisme dans notre patrie ne signifierait pas une étape brève et transitoire de gouvernement réactionnaire, comme ce fut le cas avec la dictature de Primo de Rivera, ou avec les deux années noires (1934-­1936, années noires de domination des ultra-réactionnaires). Le   triomphe du fascisme sur la République n’aurait rien d’une défaite partielle et passagère. 

Ce serait la fin de tout ce que les ouvriers ont conquis pendant des dizaines d’années de travail et de durs combat, ce serait la fin de toute  liberté,  l’écrasement  de  la  dignité  humaine,  l’esclavage le plus douloureux.

Les paysans et ouvriers agricoles, qui ont reçu de la République la terre pour laquelle ont  lutté des générations de parias de la campagne, en seraient dépouillés, et tomberaient de nouveau sous le joug du propriétaire terrien et du cacique. (…) 

La  résistance  est  possible et sera un fait  qui  nous permettra de sauver la vie et la liberté de milliers et de milliers de nos frères. Les batailles et le retrait de la Catalogne ont fait apparaître toute une série d’erreurs, de fautes, etc. qui ont contribué à affaiblir la résistance de l’Armée et du peuple. Il est nécessaire de corriger rapidement ces faiblesses sous la direction de Gouvernement. L’expérience est suffisamment sanglante  pour que  les sacrifices nécessaires s’imposent à tous. (…) 

Si nous prenons en compte la tragique expérience de la Catalogne et   si   nous   nous   consacrons   tous,   de   façon   disciplinée   et   sans méfiances   partidaires,   à   corriger   rapidement   les   faiblesses   des organismes essentiels de l’Armée et de l’appareil civil d’Etat, alorsnotre résistance s’affirmera à un niveau plus élevé que tout ce qui a été   possible   jusque-­là,   et   sur   cette   résistance   pourront   voler   en éclats les desseins ennemis. (…) 

La   situation   internationale   n’a   jamais   été   aussi   instable qu’aujourd’hui. Et résister est non seulement nécessaire, mais aussi possible. Et nous soutenons que notre résistance, comme cela fut le cas en d’autres moments, où beaucoup croyaient déjà tout perdu (novembre 1936, mars-­avril 1938), peut une fois encore changer la situation et permettre la maturation de faits nouveaux tant en Espagne qu’à l’échelle internationale, et nous ouvrir la perspective de la victoire. (…) 

Le Parti Communiste réitère qu’il est en accord complet et sans réserves avec les Trois Points énoncés par le Président du Conseil, au nom du Gouvernement d’Union Nationale au cours de la session de Corte de Figuras : « indépendance de notre pays, libre disposition du peuple et refus de toutes représailles une fois liquidée la guerre ». (…) 

Sur le plan militaire, nous jugeons nécessaire et urgent que soit étudiée à fond l’expérience de ces derniers mois de combat. Ce qu’elle nous enseigne, encore une fois, c’est que notre armée est bonne, capable d’héroïsme, mais qu’il existe encore en elle de nombreuses  faiblesses qui peuvent être corrigées à  l’aide d’un rapide et intense travail de formation des commandants. 

Le Parti Communiste,   interprétant la  volonté  de  tout   le   peuple, s’adresse de manière particulièrement cordiale aux chefs de toutes les armes. 

Il est dans la tradition de l’armée espagnole d’affronter avec héroïsme, abnégation et esprit de sacrifice les situations les plus graves. Les chefs de l’Armée Républicaine, que le peuple entoure se son
admiration et de son affection, ne renieront pas cette tradition. Il est faux d’affirmer que par manque d’armes on ne saurait continuer le combat. Nous avons assez d’armes pour résister et défaire chaque attaque ennemie. 

Ce qu’il faut, c’est faire  fonctionner  l’industrie   de   guerre   à   un rythme plus intense, en brisant les résistances bureaucratiques qui s’y opposent. Nos ouvriers, et les femmes qui occupent les postes des mobilisés, savent très bien pourquoi ils travaillent, et ils veulent travailler à un rythme de guerre. 

Que l’appareil de direction de la production soit à la hauteur de la volonté et de l’héroïsme du peuple, et alors les moyens de lutter ne nous manqueront pas. La ligne de résistance tracée par le Gouvernement  exige   des sacrifices de la part de la population civile. 

Nous demandons qu’ils soient égaux pour tous, ce qui les rendra plus facile à supporter. 

Nous exigeons que l’organisme des approvisionnements soit débarrassé de toute ingérence bureaucratique ; que l’on donne aux paysans toute liberté de travailler la terre qui est la leur, et à leur guise,   que soit intensifiée la production agricole avec l’apport, dignement rémunéré, des femmes aux travaux des champs. 

Nous exigeons qu’on rende plus effective la lutte contre la « cinquième colonne », qu’on accroisse la vigilance de tous, au front comme à l’arrière, en écrasant sans pitié toute tentative factieuse. (…) 

L’existence et l’effectivité d’un « état de guerre » n’exclut pas, mais au contraire demande que nous développions un grand travail d’explication, d’agitation et de propagande politique. Voilà la tâche du Front Populaire, des partis antifascistes et des syndicats.  Et   les   autorités   civiles   et   militaires   doivent   aider   à l’accomplissement de cette tâche. (…) 

Le Parti Communiste adresse à tous les partis et organisations du Front Populaire, aux dirigeants et aux masses un appel pressant àl’unité et à la fraternité antifasciste. 

Le Front Populaire ne doit pas seulement continuer à exister et à fonctionner, mais il doit aussi être l’axe de la résistance de tout le peuple, en centuplant son activité. Les communistes n’abandonneront jamais la ligne d’unité étroite avec tous les partis, tous les dirigeants, avec tous les organismes syndicaux, politiques et militaires.  

Cela ne veut pas dire que nous renoncions à dénoncer et combattre les hésitations, les déserteurs les couards et autres agents   de l’ennemi. Cela veut dire que nous communistes, faisons la différence seulement entre ceux qui travaillent à l’unité du peuple et ceux qui sabotent cette unité. (…) 

Cette lutte contre les ennemis qui nous menacent de l’intérieur doit être menée à bien par le Front Populaire et ses organisations : c’est à cette tâche que nous les appelons. (…) 

L’unité de la classe ouvrière sera la garantie de l’unité de tout le peuple. 

LE PARTI SUR LE PIED DE GUERRE 

Le Bureau Politique s’adresse de façon particulièrement pressante et sérieuse à tout le Parti ; aux organisations locales, aux dirigeants et aux militants, en rappelant à tous la responsabilité qui incombe à notre Parti et à ses adhérents. En tous lieux où se manifeste une faiblesse, une erreur, une faute, les   communistes doivent   s’empresser avec leur effort et leur sacrifice de rétablir la situation. 

Et ceci vaut également au font et à l’arrière. Nous ne pouvons nous défausser de notre responsabilité en ne faisant que critiquer les autres. Nous devons critiquer quand c’est nécessaire et nous aider tous, réciproquement,  à bien faire notre travail, en appliquant les directives du gouvernement. 

Le Parti doit se considérer comme mobilisé en permanence. Dans chaque endroit, dans chaque village ou localité, les Comités du Parti doivent assurer l’orientation et le contact de tous les communistes entre  eux, chaque  jour, à chaque heure, à chaque minute. 

Dans tous les locaux du Parti, jour et nuit, des relèves doivent être prise par les camarades les plus qualifiés, toujours  en relation étroite avec les dirigeants de toutes les organisations, de façon à être toujours  prêts à résoudre tous les problèmes qui pourraient surgir. 

En particulier, dans les zones voisines des fronts, les organisations du  Parti, en   liaison avec les autorités militaires, doivent être disposées à prêter toute leur aide et à faire tous les sacrifices pour assurer la résistance. 

L’incorporation dans l’armée des dirigeants du Parti affectés par la mobilisation   doit   se   poursuivre,   ils   doivent   être   remplacés automatiquement   par   les   femmes   et   les   hommes   exemptés   du
service militaire. Dans toutes les provinces et localités, doivent être organisés, en plus des écoles, des cours brefs et simples, de jour ou de nuit, pour orienter les camarades à qui échoient les charges de direction.  

Le Parti sur le pied de guerre, uni à toutes les organisations et à tout le peuple pour assurer l’ordre, la discipline et l’unité, et grâce à eux, la résistance et la victoire !

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Dolores Ibarruri (La Pasionaria): Message d’adieu aux volontaires des Brigades Internationales (1938)

15 Novembre 1938

Dolores Ibarruri (La Pasionaria) exprimant son message d’adieu
à la tribune le 15 Novembre 1938

Il est très difficile de prononcer des mots d’adieu adressés aux héros des Brigades Internationales, par ce qu’ils sont et par ce qu’ils représentent.

Un sentiment d’angoisse, d’infinie douleur vous monte à la gorge vous la serrant comme des tenailles…

Angoisse pour ceux qui s’en vont, soldats de l’idéal le plus élevé de la Rédemption humaine, déracinés de leur patrie, poursuivis par la tyrannie de tous les peuples…

Douleur pour ceux qui restent ici pour toujours, se confondant avec notre terre et vivant dans le plus profond de notre cœur, auréolés par le sentiment de notre gratitude éternelle.

De tous les peuples et de toutes les races, vous êtes venus à nous comme des frères, comme des fils de l’Espagne immortelle, et dans les jours les plus durs de notre guerre, quand la capitale de notre République Espagnole se trouvait menacée, c’est vous, braves camarades des Brigades Internationales qui avez contribué à la sauver avec votre enthousiasme combatif et votre héroïsme et esprit de sacrifice.

Et JARAMA, et GUADALAJARA, et BRUNETE, et BELCHITE, et LEVANTE, et l’EBRO, chantent avec des strophes immortelles le courage, l’abnégation, la bravoure, la discipline des hommes des Brigades Internationales.

Pour la première fois dans l’histoire des luttes des peuples un spectacle a été donné, étonnant par sa grandeur, de la formation des Brigades Internationales, pour aider à sauver la liberté et l’indépendance d’un pays menacé.

Notre Espagne.

Communistes, socialistes, anarchistes, républicains, hommes de couleur différente, d’idéologie différente, de religions opposées, mais aimant tous profondément la liberté et la justice, sont venus nous offrir leur aide, inconditionnellement.

Ils nous offraient tout, leur jeunesse ou leur maturité ; leur science ou leur expérience ; leur sang et leur vie ; leurs espoirs et leurs souhaits.

Et ils ne nous demandaient rien. C’est-à-dire, oui : ils voulaient une place dans la lutte, ils rêvaient d’avoir l’honneur de mourir pour nous.

Drapeaux espagnols !

Saluez tous ces héros, inclinez vous devant tous ces martyrs.

MERES ! EPOUSES !

Quand les années passeront et les blessures de la guerre commenceront à cicatriser; quand le souvenir des jours douloureux et sanglants s’estompera en un présent de liberté, de paix et de bien-être; quand les rancœurs s’atténueront et l’orgueil de la patrie libre soit unanimement ressenti par tous les espagnols, parlez à vos enfants, parlez-leur de ces hommes des Brigades Internationales.

Racontez-leur comment, traversant mers et montagnes, franchissant des frontières hérissées de bayonettes, épiés par des chiens enragés, avides de déchirer leurs chairs de leurs crocs, sont arrivés dans notre patrie comme des croisés de la liberté, pour combattre et mourir pour la liberté et l’indépendance d’Espagne, menacée par le fascisme allemand et italien.

Ils ont tout abandonné: tendresse, patrie, foyer, fortune, mère, épouse, frères, enfants et vinrent à nous pour nous dire: nous sommes là! Votre cause, la cause de l’Espagne est notre même cause, c’est la cause commune à toute l’humanité avancée et progressive

Aujourd’hui beaucoup s’en vont, des milliers restent ayant pour linceul la terre d’Espagne, le souvenir saturé de la plus profonde émotion de tous les Espagnols.

Camarades des Brigades Internationales !

Des raisons politiques, des raisons d’Etat, la santé de cette même cause pour laquelle vous avez offert votre propre sang avec une générosité sans limites, vous font repartir dans votre patrie pour les uns, vers une émigration forcée pour d’autres.

C’est fiers que vous pouvez partir.

Vous êtes l’Histoire, la légende, vous êtes l’exemple héroïque de la solidarité et de l’universalité de la démocratie, face à l’esprit mesquin et attaché à ses privilèges de ceux qui interprètent les principes démocratiques en regardant leurs coffres-forts ou leurs actions en bourse, qu’ils veulent conserver à l’écart du risque.

NOUS NE VOUS OUBLIERONS PAS ; ET QUAND L’OLIVIER DE LA PAIX FLEURIRA, ENTRELACE AVEC LES LAURIERS DE LA VICTOIRE DE LA REPUBLIQUE ESPAGNOLE ! REVENEZ !

Revenez vers nous, vous y trouverez une patrie pour ceux qui n’ont pas de patrie, des amis pour ceux qui vivent privés d’amitié, et tous, tous, l’affection et la reconnaissance de tout le peuple espagnol, qui aujourd’hui et demain criera avec enthousiasme :

Vivent les héros des Brigades Internationales!!!!

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Programme d’unité d’action de l’U.G.T. et de la C.N.T. (1938)

Publié par le journal Frente Rojo le 18 mars 1938, rédigé à Barcelone.

La C.N.T. et l’U.G.T., pénétrées du souci constant de remporter la victoire, d’assurer la défense des conquêtes politiques et économiques obtenues par le prolétariat pendant la révolution, et de tendre de toute manière à leur extension, créent un Comité national de liaison, dont elles définissent les fonctions sur les bases suivantes : 

DEFENSE NATIONALE 

L’U.G.T. et la C.N.T. reconnaissent les énormes succès obtenus par la création de l’armée populaire, par la consolidation de sa combativité et le perfectionnement de la qualification de son commandement et sont décidées à renforcer tous les éléments susceptibles de faciliter la création de l’armée régulière combative qui sera la garantie de la victoire dans la guerre actuelle et dans tous les conflits armés avec l’extérieur qui pourraient éclater à la suite de cette victoire. 

Le maintien et le renforcement des liens fraternels dans les rangs de l’armée, sous le drapeau de l’antifascisme, doit être le souci permanent de la C.N.T. et de l’U.G.T. 

Les syndicats doivent par tous les moyens aider à la formation de fortes réserves qui permettront de compléter les cadres de l’armée populaire, qui assureront à l’armée les possibilités de mener sans interruption des opérations offensives et la relève régulière des troupes du front.

Dans ce but les syndicats veilleront à ce que leurs adhérents exécutent avec enthousiasme l’ordre de mobilisation. 

Ils mèneront parmi les ouvriers une campagne en faveur de la préparation militaire ; ils prendront part à la préparation prémilitaire ; ils prendront toutes mesures pour éviter les arrêts dans la production consécutifs au départ des ouvriers envoyés à l’armée et, pour cela, ils s’occuperont de la préparation professionnelle des femmes et des hommes que l’on dispense d’être mobilisés dans l’armée.

Les deux organisations (U. G.T. et C.N.T.) prévoient la conservation le renforcement de l’institution des commissaires politiques dans l’armée et se prononcent pour que dans le corps des commissaires soient représentées régulièrement, et avec équité, toutes les forces antifascistes. 

L’U.G.T. et la C.N.T. s’engagent à ce que cette participation régulière des forces antifascistes soit observée rigoureusement et infailliblement. 

Au même titre et avec les mêmes droits que les commissaires militaires des troupes du front, doit fonctionner l’institution des commissaires dans la marine, la flotte et dans l’aviation, ainsi que parmi les corps de troupes de l’arrière. 

Les deux organisations feront tous leurs efforts pour que les liens d’amitié qui unissent les officiers de l’ancienne armée aux nouveaux officiers issus du peuple se resserrent de plus en plus, sans pour autant permettre le retour des côtés négatifs qui régnaient avant le 19 juillet, dans l’ancienne armée. 

Les organisations de l’U.G.T. et de la C.N.T. s’efforceront d’obtenir du gouvernement les fonds nécessaires pour le développement intensif des travaux de fortification, de construction et de réfection des routes et voies ferrées, ainsi que la construction de refuges pour la population civile. 

Le contact étroit avec les combattants étant le souci constant des syndicats, ils les considèreront comme leurs adhérents, s’occupant de leurs besoins et des besoins de leurs familles, mais cela sans s’immiscer dans les fonctions ayant un caractère purement militaire. 

Les motifs qui poussent l’U.G.T. et la C.N.T. à donner une expression commune à ces revendications immédiates, sont le désir de vaincre rapidement et définitivement le fascisme, d’appliquer une démocratie authentique dans toutes les organisations et dans les domaines de l’activité militaire, d’utiliser l’institution des commissaires pour l’épuration et la consolidation de l’armée populaire et, par leur expérience, leur force, aider en fait les gouvernements [espagnol et catalan] en facilitant leurs tâches dans une grande mesure. 

L’INDUSTRIE 

La C.N.T. et l’U.G.T. reconnaissent la nécessité de l’accroissement de la production industrielle de notre pays, surtout de l’industrie de guerre, par la coordination et l’intensification des efforts des syndicats dans ce domaine. 

Les deux organisations s’efforceront d’assurer un arrière fort et discipliné et devront inculquer à tous les ouvriers, sans distinction de spécialité, un esprit d’abnégation et de sacrifice en accord avec les exigences du moment, afin que, sans ménager leurs forces, ils s’appliquent à satisfaire les besoins de la guerre. 

C’est dans cet esprit que l’U.G.T. et la C N.T. défendront les mesures suivantes :

L’INDUSTRIE DE GUERRE 

Le service du ravitaillement militaire doit mettre en vigueur l’unité de direction des usines de guerre en accord avec le Conseil national d’industrie de guerre qui sera créé avec la participation de la C.N.T, et de l’U.G.T.

Adaptation de toutes les usines et entreprises qui peuvent être utilisées pour la défense du pays, aux besoins de l’industrie de guerre. 

Centralisation de toutes les matières premières, en premier lieu de celles servant au ravitaillement de l’industrie de guerre. 

Les transports, qui par leur caractère sont appelés à répondre aux besoins de la guerre, doivent être réquisitionnés, militarisés et remis à la disposition des gouvernements en réservant la partie tout à fait indispensable pour éviter des interruptions dans l’industrie et le commerce à l’arrière. 

Les organisations syndicales de l’U.G.T. et de la C.N.T. collaboreront à la création rapide d’une puissante industrie de guerre.

Les syndicats doivent se poser comme tâche immédiate et obligatoire, l’éducation des ouvriers dans l’esprit de la vigilance aiguë envers toute sorte de sabotage et de négligence dans la production et de lutter contre de tels faits, en relevant le rendement du travail et en améliorant la qualité de la production. 

LA NATIONALISATION 

Il est indispensable de procéder de la manière la plus urgente à la nationalisation des mines, des chemins de fer, de l’industrie lourde, de la flotte marchande, des banques et de toutes les autres branches de l’industrie, indispensables au relèvement de l’économie nationale après les décisions conformes des organes d’Etat compétents. 

Les entreprises nationalisées doivent être centralisées et leur travail doit être systématisé. 

LES CONSEILS NATIONAUX D’INDUSTIE ET LE CONSEIL SUPERIEUR DE L’ECONOMIE 

Pour exécuter ce plan de nationalisation de l’industrie, ainsi que pour organiser la production d’après un plan général, l’U.G.T. et la C.N.T. proposent de créer immédiatement un Conseil supérieur économique de l’Etat avec la participation des deux organisations syndicales.

Le Conseil supérieur économique élaborera le plan de l’économie nationale avec l’aide des conseils nationaux d’industrie, auxquels participent aussi les syndicats ; il réglementera, en particulier dans les branches nationalisées de l’industrie, la production, la répartition, les crédits, les prix et la nomenclature des marchandises, l’importation et l’exportation des denrées, le taux de la plus-value, le commerce, etc. utilisant tous les moyens indispensables pour assurer son fonctionnement sans interruption. 

Le gouvernement promulguera les lois dans le domaine de l’économie nationale après accord avec le Conseil national économique.

Le Conseil national économique organisera l’inspection du travail dans toutes les branches de la production. 

LA PREPARATION PROFESSIONNELLE 

Outre les mesures réalisées et à réaliser par le gouvernement dans le domaine de l’éducation professionnelle, les syndicats contribueront à élever le niveau culturel technique et professionnel des ouvriers par l’organisation de cours spéciaux et d’écoles subventionnées par l’Etat. 

MUNICIPALISATION DES ENTREPRISES URBAINES 

La C.N.T. et l’U.G.T. reconnaissent comme indispensable la régularisation ou la réorganisation sur la base de la municipalisation de ceux des services communaux qui l’exigent, par leur importance et leur caractère. 

Estimant que les biens immobiliers sont propriété de l’Etat, les propriétés urbaines, à l’exception de celles qui ne rapportent qu’un petit revenu, doivent passer sous la gestion des municipalités sur la base des lois promulguées par le gouvernement à cet effet. 

LA COLLECTIVISATION 

L’U.G.T. et la C.N.T. estiment qu’il est indispensable de donner un statut légal aux entreprises collectivisées et qu’il est nécessaire dans ce but, de promulguer des lois qui établissent la nature des entreprises collectivisées qui doivent être conservées et les conditions dans lesquelles elles doivent travailler (leur structure leurs fonctions, le volume de leur production, etc.). 

Les entreprises collectivisées qui n’appliqueront pas ces lois devront être liquidées. 

L’Etat doit aider les entreprises collectivisées qui exécuteront ces lois et qui fourniront un bon rendement. 

Les lois sur les entreprises collectivisées doivent être élaborées et proposées au gouvernement par le Conseil supérieur économique de l’Etat. 

SALAIRE, PRIX ET RAVITAILLEMENT 

L’amélioration du niveau de vie des ouvriers et la lutte contre la cherté et la pénurie des denrées de consommation courante sont une nécessité pressante.

C’est pourquoi la C.N.T. et l’U.G.T. estiment qu’il est indispensable d’appliquer les mesures suivantes : 

Les syndicats doivent redoubler de vigilance dans la lutte contre les spéculateurs. Cette tâche incombe en premier lieu aux organisations syndicales des ouvriers et employés des hôtels et restaurants, des boulangeries et aux autres syndicats de l’alimentation et des travailleurs du commerce. 

Il faut encourager la formation de puissantes coopératives de consommation pour la vente au détail et l’organisation de coopératives. de production en appliquant à ces dernières des lois les plus strictes, de même que la création de centres coopératifs importants pour le commerce d’exportation sous le contrôle sévère de l’Etat et en conformité avec les instructions du Conseil économique.

D’autre part, il faut élaborer un plan d’importation des denrées alimentaires de première nécessité dans le but d’assurer aux ouvriers et à leurs familles la ration de vivres à des prix qui concordent avec leurs salaires. 

Le gouvernement doit de même contrôler et réglementer la consommation intérieure de tous les produits qui sont à la base de notre politique d’exportation. 

L’U.G.T. et la C.N.T. estiment qu’il est indispensable d’établir un salaire minimum en concordance avec le coût de la vie et en tenant compte, d’une part, de la qualification des ouvriers et, d’autre part, de la productivité de chacun d’eux. 

Dans ce sens, elles défendront le principe suivant « celui qui travaille plus et mieux, touche un salaire plus élevé » et cela indépendamment du sexe et de l’âge – et tant que l’exigeront les intérêts du relèvement de l’économie nationale. 

Dans ce but il est nécessaire de créer une Commission nationale de réglementation des salaires et des prix, avec la participation des centrales syndicales.

Il doit être fourni aux ingénieurs et aux techniciens, tant dans les entreprises collectivisées que dans celles de l’Etat, toutes les conditions matérielles indispensables à leurs travaux scientifiques et de production, qui faciliteront l’augmentation de la productivité du travail.

LE COMMERCE 

Les deux organisations sont unanimes à estimer qu’il est indispensable d’appliquer un contrôle sévère sur le commerce extérieur, en ce qui concerne l’importation et l’exportation, afin d’assurer au pays les matières premières et les fonds de devises étrangères. 

Le commerce extérieur doit se baser sur les conditions suivantes : 

Les ouvriers doivent de manière conforme être représentés dans les organismes du commerce qui seront créés sous la direction du Conseil supérieur économique. 

En ce qui concerne les bénéfices découlant du commerce extérieur, les lois en vigueur doivent être appliquées. 

LE CONTRÔLE OUVRIER 

Le Comité de coordination estime que le contrôle ouvrier représente en lui-même une des plus appréciables et des importantes conquêtes des ouvriers.

Le Comité de coordination considère qu’actuellement il est nécessaire de promulguer une loi sur le contrôle ouvrier, afin de définir les droits et les obligations des ouvriers. 

Dans ce but, il estime qu’il est indispensable d’appliquer les mesures suivantes :

Le gouvernement doit publier une loi sur le contrôle ouvrier en indiquant les fonctions des ouvriers dans le domaine du contrôle de la production et de son efficacité, sur la participation des ouvriers à la direction et aux bénéfices, sur les conditions de travail des ouvriers et les règlements de protection de la législation sociale.

Les organismes de contrôle ouvrier sont élus sur la base démocratique, par le vote direct, avec la participation de tous les ouvriers de l’entreprise intéressée, ce qui garantira l’application de la véritable démocratie ouvrière et la défense des intérêts des ouvriers.

L’AGRICULTURE 

L’U.G.T. et la C.N.T. se prononcent pour la nationalisation immédiate de la terre, qui doit être remise en jouissance de préférence aux collectivités et coopératives agricoles, en premier lieu aux collectivités et coopératives créées par l’U.G.T. et la C.N.T.,tout en respectant la volonté des paysans qui désireraient travailler la terre individuellement.

L’Etat doit mener une politique de soutien des collectivités déjà existantes donnant la préférence à celles de l’U.G.T. et de la C. N. T. ainsi qu’aux collectivités, créées d’après la loi, d’après les principes du volontariat, par des travailleurs de la terre appartenant aux syndicats.

En ce qui concerne les paysans qui travaillent individuellement leurs terres, on institue l’inviolabilité de la petite propriété terrienne sous condition que le paysan prouve que sa terre a été acquise légalement et s’il remplit les conditions requises par la loi.

Les deux centrales syndicales défendront toutes les conquêtes des paysans et tendront à élever la production agricole. Pour cela il est indispensable :

a) De réglementer la culture de la terre, en sorte que la culture individuelle ne gêne pas la culture collective. 

b) D’élever le niveau de vie des cultivateurs sur la base de la hausse des prix des denrées agricoles, afin que les paysans touchent pour leurs denrées des prix correspondants aux prix pratiqués pour les marchandises manufacturées qu’ils achètent, ce qu’il faut régulariser. 

c) Le gouvernement doit donner aux paysans, et de préférence aux collectivités et coopératives de l’U.G.T. et de la C.N.T., la possibilité d’acquérir des instruments aratoires, des semences, des engrais, etc. .., ainsi que des crédits par l’intermédiaire de la Banque agricole nationale dont l’existence est une nécessité. 

d) Il faut stimuler la création de fermes expérimentales (écoles agricoles), au moins une par région pour la préparation d’agronomes, de mécaniciens, d’organisateurs et d’administrateurs des collectivités et des coopératives. 

e) Développer l’industrialisation de l’agriculture et la rationalisation des cultures agricoles. 

MESURES SOCIALES 

L’U.G.T. et la C.N.T. considèrent qu’il est indispensable de procéder à la révision de la législation du pays dans le but d’affermir les conquêtes obtenues par le prolétariat et d’abolir les lois allant à l’encontre de ces conquêtes. 

De promulguer des lois sur la protection contre les accidents du travail et sur l’assistance sociale, qui évitent aux ouvriers toutes privations et souffrances en cas d’accident, de maladie et de vieillesse. 

Le gouvernement doit élaborer des lois pour assurer le sort des familles des ouvriers.

Il est indispensable de réviser toute la législation civile, criminelle, commerciale, etc. 

Les deux centrales syndicales estiment qu’il est indispensable de procéder au rachat des richesses nationales, des organisations économiques et à leur régularisation juridique, afin d’assurer l’indépendance totale du pays.

La C.N.T. et l’U.G.T. sont disposées à aider la production en facilitant dans tous les domaines : politique, syndical, commercial, l’application de tous les moyens et mesures capables de hâter la victoire.

Tous les organismes représentatifs, tant syndicaux que gouvernementaux, qui seront créés dans les buts sus-indiqués doivent en accord avec les deux organisations comprendre la participation de l’U.G.T. et de la C.N.T. sur la base de la représentation proportionnelle d’après les forces de chacune des organisations dans la localité intéressée.

Les deux organisations s’engagent à prendre toutes les mesures nécessaires pour que dès la fin de la guerre contre les fascistes, il soit garanti au peuple espagnol, et particulièrement à la classe ouvrière, le libre choix de la forme de gouvernement conforme aux sacrifices actuels et qui assurera à notre pays une véritable démocratie.

Le Comité national de coordination doit à chaque moment donné et dans chaque cas concret analyser les problèmes concernant la libre expression de l’opinion et l’application impartiale de la justice. 

SUPPLÉMENT 

L’U.G.T. et la C.N.T. ont examiné la proposition de la Confédération nationale du travail sur la participation des organisations syndicales au gouvernement. 

Après l’examen de cette question, elles adoptèrent les résolutions suivantes : 

1. L’U.G.T. qui a jusqu’ici considéré qu’elle était représentée au gouvernement par le Parti socialiste et maintenant par les Partis socialiste et communiste, estime que la solution définitive de cette question appartient aux autorités constitutionnelles compétentes du pays et aux partis politiques adhérant au Front populaire.

2. L’U.G.T. reconnaissant les particularités de la situation de la C.N.T. déclare ne pas s’opposer à la participation de la C.N.T. au gouvernement.

Les deux organisations examineront incessamment la question de leur adhésion au Front populaire. 

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PCE : Le trotskisme en Espagne, agent déclaré du fascisme international

Document de Francisco Anton publié dans le numéro spécial intitulé « Espana » de l’hebdomadaire « La Correspondance Internationale » N° 27, du 12 mai 1938

Vingt mois de guerre on suffit pour enseigner au monde que le peuple antifasciste espagnol combat avec une ardeur totale, avec un enthousiasme suprême sans que des revers partiels exercent une influence déprimante sur son moral, se préparant chaque fois avec un courage plus grand aux combats à venir, fermement résolu à ne déposer les armes que lorsqu’il aura définitivement écrasé le fascisme expulsé les envahisseurs de tout le territoire de l’Espagne.

Vingt mois de guerre ont également démontré que peuple antifasciste espagnol reste indissolublement uni sous le drapeau du Front populaire, conduit dans sa lutte par un gouvernement issu de ce Front populaire. Cette union et cette direction garantissent, en les augmentant constamment, l’enthousiasme des combattants et l’efficacité des armes républicaines. Aussi, la lutte sur les champs de bataille, qui risque de se prolonger longtemps encore, est-elle fort coûteuse pour le fascisme, sans compter que, de plus, nous en sommes certains elle est condamnée à rester infructueuse.

On peut être convaincu que les soldats républicains sauront opposer une résistance de fer à la nouvelle offensive ennemie, résistance contre laquelle se briseront les assauts désespérés des armées fascistes et qui, comme à Guadalajara, sera le prélude à destruction définitive ses divisions des envahisseurs.

Ce sont là des risques que le fascisme et la réaction mondiale préfèreraient beaucoup ne pas courir.

Ils veulent gagner la guerre, certes, le plus rapidement possible. Mais comme ils savent bien que, sur le champ de bataille, les soldats républicains leur opposent, et, continueront de leur opposer, une résistance inébranlable, ils ont recours à d’autres armes : d’une part, ils utilisent les faiblesses des démocraties européennes, et, d’autre part, ils ont recours à l’espionnage, la trahison, aux crimes, que ne cessent de réaliser leurs agents trotskistes et les provocateurs de toute espèce envoyés en territoire républicain.

Staline avait mille fois raison lorsqu’il disait :

« Le trotskisme actuel n’est pas un courant politique au sein de la classe ouvrière, mais une bande, sans principes et sans idées, de saboteurs, de diversants, d’agents informateurs, d’espions et d’assassins, une bande d’ennemis jurés de la classe agissant à la solde des services secrets d’États étrangers. »

Il y en a qui croient que les paroles de Staline se rapportaient uniquement à l’Union soviétique parce qu’aux procès de Moscou, il a été révélé en toute évidence que Trotski et ses complices étaient au service du fascisme allemand et de l’impérialisme japonais, qu’ils préparaient le terrain à une intervention armée et au démembrement du grand pays du socialisme victorieux.

Ceux qui pensent ainsi se trompent dangereusement. La caractéristique même du trotskisme et des trotskistes, c’est qu’ils sont prêts à vendre leur pays aux incendiaires et aux criminels fascistes : c’est là le but essentiel de la vie de ces canailles, c’est l’infâme objectif auquel ils vouent leur activité quotidienne.

En Espagne aussi, à l’heure où tout le peuple, les socialiste, les anarchistes, communistes, les républicains, ceux qui n’appartiennent à aucun parti mais aspirent à un avenir de justice et de liberté luttent avec acharnement, en dépit des plus grandes difficultés, versant à flots leur sang généreux pour sauver intégrité, la liberté et l’indépendance de l’Espagne, les trotskistes, au service de Franco, de Hitler et de Mussolini, travaillent, en territoire républicain, à la défaite de la République et cherchent à livrer le peuple espagnol, pieds et poings liés, au fascisme oppresseur.

Une longue liste de faits récents, en Espagne, est venue prouver que les trotskistes travaillent depuis longtemps dans le sens de cette abjecte et criminelle activité et montre comme quoi, à, mesure que les difficultés s’accroissent et qu’approchent les combats décisifs, ils passent toujours plus ouvertement au service de l’ennemi, dont ils répandent les consignes, semant le défaitisme, la méfiance et la désunion dans les masses et se livrant à un intense travail d’espionnage, de provocation, de sabotage et de crime organisé.

De cette interminable série de faits, il convient soumettre à la considération des travailleurs et des antifascistes de tous les pays quelques exemples particulièrement éloquents, qui constituent des preuves irréfutables. Le plus significatif, comme aussi le plus convaincant de ces exemples, c’est le « putsch » de mai 1937 à Barcelone.

Pour mener avec succès leur offensive sur le front du Nord, les fascistes avaient besoin de rompre le bloc des forces antifascistes et de provoquer un affaiblissement de l’arrière républicain.

La presse et les meetings, la propagande « ultra-révolutionnaire » ne suffisaient plus. Il fallait passer aux actes. Il fallait provoquer un soulèvement à l’arrière, inciter les soldats à abandonner les fronts et créer le désordre en Espagne républicaine. Le fascisme avait besoin d’une semblable situation pour justifier un débarquement massif de troupes en Catalogne et sur la côte orientale de l’Espagne et porter ainsi un dur coup au peuple espagnol.

Ce soulèvement éclata le 3 mai à Barcelone. Le gouvernement et le peuple espagnol sont en possession de preuves qui établissent que les instigateurs et les dirigeants du soulèvement étaient les trotskistes du P.O.U.M., exécuteurs des ordres des interventionnistes et de Franco.

Depuis plusieurs jours, on préparait l’ambiance et on s’employait à créer les conditions nécessaires.

En même temps, le P.O.U.M. se prépare activement à attaquer par derrière l’armée républicaine et le peuple espagnol. La Batalla devient l’organe du soulèvement. Elle attaque plus violemment que jamais le Front populaire, le gouvernement, le parti communiste, le P.S.U.C, et l’Union soviétique. Les provocateurs poumistes déploient leur activité dans les casernes et sur les fronts.

Le P.O.U.M. lève ouvertement le drapeau du soulevèrent armé contre le gouvernement de Front populaire. On peut lire, dans le manifeste que publie la Batalla le 1er mai :

« Le premier Mai de cette année, l’ambition du prolétariat espagnol doit être beaucoup plus vaste : le pouvoir. »

Les évènements se précipitent. Le fascisme, sans doute, presse les pressent les trotskistes de passer à l’action.

Mais il y a d’autres preuves de la participation active du P.O.U.M. aux criminels évènements de mai en Catalogne. La Batalla du 1er mai contenait cet avertissement de dernière heure :

« Tous les militants de notre parti appartenant à l’École populaire de guerre, qui ont été dépêchés dans diverses localités de Catalogne ou sur les fronts, sont instamment priés de se présenter le plus rapidement possible, pour une affaire urgente, au Comité exécutif militaire, Rambla de los Estudios, 10, bureau du Comité exécutif. »

Ainsi, le Comité exécutif militaire du P.O.U.M, mobilise ses hommes. Mais comment porter la provocation jusque sur le front même ?

Comment étouffer le véritable enthousiasme révolutionnaire, démoraliser l’armée et désorganiser les fronts ?

La Batalla du 1er mai toujours, écrit :

« Il y a des tanks, il y a des avions, des fusils et de l’argent en quantité suffisante. Mais on ne veut pas les donner à la Catalogne, on ne veut pas les donner au prolétariat révolutionnaire parce qu’il est révolutionnaire, parce que nous unissons la guerre sur le front aux transformations révolutionnaires à l’arrière, parce que nous ne nous considérons pas comme de simples soldats d’une armée incolore, inodore et insipide, mais comme des combattants du front militaire de la révolution. »

Et comment pousser les soldats à abandonner le front, à se livrer aux pires excès ?

« Nous ne pouvons tolérer plus longtemps que les miliciens du front d’Aragon se fassent estropier et n’aient pas assez à manger pendant qu’à l’arrière on vit dans une, débauche abrutissante. Si Valence ne nous donne pas de l’argent pour nous nourrir, si nous ne pouvons pas donner des vêtements et de quoi manger à ceux du front, nous sommes prêts à arracher aux bourgeois leurs habits en pleine rue et à piller. »

C’est dans cette atmosphère de provocations qu’éclate le soulèvement. Dès le début, les trotskistes attisent tant qu’ils peuvent l’incendie.

Il existe des preuves à ce sujet, fournies par les fascistes de l’intérieur et de l’extérieur eux-mêmes.

La presse réactionnaire et fasciste du monde entier parlait alors du « chaos » catalan, de la rébellion du peuple contre la « dictature soviétique », de l’« écroulement » du gouvernement de Valence, de l’« indépendance de la Catalogne ».

En même temps, les postes de radio factieux de Salamanque et de Saragosse répétaient jour et nuit, sans arrêt, des mots d’ordre de ce genre, identiques à ceux du P.O.U.M. :

« Restez l’arme à la main. » « N’abandonnez pas la lutte. » « Unissez-vous à vos frères du front. » « Etablissez votre propre gouvernement. »

De plus, on sait que l’ennemi, ces jours-là, suspendit ses opérations sur le front d’Aragon et qu’il tenait des avions prêts pour les envoyer à l’aide des putschistes.
Le Comité de Londres, d’accord avec les puissances fascistes, était prêt à accepter un débarquement de troupes en Catalogne et sur d’autres points de la côte méditerranéenne, quitte à le justifier sous prétexte qu’il fallait « rétablir l’ordre », On le savait, le gouvernement le savait. Voici ce que déclarait une information secrète :

« Selon des informations reçues de divers milieux officiels et officieux, nous avons été en mesure d’établir la participation d’agents de la Gestapo allemande et de l’Ovra italienne aux récents événements de Catalogne. Les agents de la Gestapo et de l’Ovra auprès des ambassades ont constamment tenu au courant les milieux officiels allemands et italiens, lesquels ont suivi d’heure en heure les événements de Catalogne. On a pu établir la liaison directe entre les agents de la Gestapo, les agents de l’Ovra et les agents de Franco, fixés à Fribourg, avec des trotskistes et des fascistes de Catalogne.

On sait qu’on a introduit et qu’on continue à introduire constamment en Espagne, par la frontière catalane, des armes et des mitrailleuses et que, de Catalogne, sortent des objets de valeur qui sont transmis à des personnes fascistes espagnoles fixées à l’étranger, en paiement des armes qu’elles envoient.

On sait que l’intention des agents fascistes était de faire tout leur possible pour que la rébellion en Catalogne dure quelques jours, afin de donner à la Commission de contrôle la possibilité d’intervenir. On sait que les délégués allemands et italiens au Comité de Londres avaient parlé à Lord Plymouth de la nécessité de débarquer des troupes en Catalogne et sur d’autres points de la côte méditerranéenne pour rétablir l’ordre au cas où la rébellion se prolongerait.

La rapide liquidation de la rébellion catalane a été considérée par les milieux fascistes comme un grand échec. On sait que l’un des agents de la Gestapo a déclaré que la mission confiée au général Pozas d’organiser les forces armées d’Aragon devait être considérée comme un coup très rude pour la continuation du travail de sabotage à l’arrière, mais qu’il fallait essayer d’autres moyens pour fournir en armes les groupes d’« incontrôlables », il se déclara également déçu de ce que le front d’Aragon n’ait pas été désorganisé, malgré le travail déployé dans ce sens, et il en rendait responsables les agents envoyés de l’étranger pour travailler dans les rangs extrémistes, leur reprochant de ne pas avoir su capter la confiance de tous les chefs du front d’Aragon. »

Mais, bien que l’infâme rébellion de Barcelone constitue une preuve combien concluante, il en existe d’autres, qui font ressortir dans toute son horreur le véritable visage ne cette bande de contre-révolutionnaires.

Durant les mois d’avril et de mai, la police de Madrid réussit à découvrir une vaste organisation d’espionnage et procéda à plus de deux cents arrestations.

Au nombre des personnes dont disposait cette organisation d’espionnage se trouvaient des éléments de l’état-major des forces qui opéraient sur les fronts du Centre. L’organisation avait réussi à étendre ses ramifications jusque dans la Garde nationale républicaine, la Santé de guerre, les services d’information du ministère de la Guerre, les services de D.C.A. des ministères de la Marine et de l’Air, la Croix-Rouge, etc.

Les activités de l’organisation étaient de diverses natures. Elle transmettait à l’ennemi des informations secrètes de caractère militaire, telles que des plans d’opérations, l’emplacement des batteries républicaines. Telles étaient les principales activités de cette organisation, activités typiques d’espionnage. Cependant, elle en avait d’autres encore. L’enquête de la police permit d’établir que :

« … Cette organisation non seulement déployait une activité d’espionnage en faveur de l’ennemi, mais encore, s’appuyant sur son groupe d’action et en parfaite liaison avec des groupements extrémistes, tels que le P.O.U.M., préparait pour le moment opportun un soulèvement armé. »

Voici clairement mise à nu l’origine du soulèvement de mai 1937 en Catalogne et de toute la campagne subversive du P.O.U.M. Comprend-on maintenant quels sont les chefs de cette bande de criminels ?

Les documents trouvés chez les fascistes arrêtés à Madrid fournissent des données encore plus concrètes :

Quel danger représentait cette organisation d’espionnage et quelles possibilités s’ouvraient à elle en raison de son extension, on peut s’en faire une idée en prenant connaissance de la communication suivante, adressée par l’organisation au « généralissime » Franco et rédigée à l’envers d’une carte de Madrid, millimétrée pour permettre à l’ennemi d’utiliser les données transmises. Donc, au revers de ce plan, écrits à l’encre sympathique et en caractères chiffrés (qu’est parvenu à déchiffrer le personnel spécialisé de L’état-major), on pouvait lire ces mots :

« Au généralissime, je communique personnellement ce qui suit : Nous sommes actuellement en mesure de vous communiquer tout ce que nous savons relativement à la situation et aux mouvements des troupes rouges. Les dernières informations données par notre poste émetteur accusent une profonde amélioration de nos services d’information. »

Grâce à ce document révélé par la police, le peuple de Madrid a compris pourquoi le tir des canons allemands et italiens augmentait d’efficacité. Avec l’aide de cette carte millimétrée et des indications transmises par la radio clandestine, les fascistes pouvaient concentrer avec une grande exactitude le feu de leur artillerie sur les points signalés par les espions trotskistes.

La suite de l’enquête de la police permit de voir quel danger sérieux représentait l’organisation d’un soulèvement armé à Madrid :

« Par contre, le groupement des forces en vue d’un mouvement à l’arrière se développe avec une certaine lenteur. Cependant, nous pouvons compter sur quatre cents hommes prêts à agir. Ils sont bien armés et dans des conditions favorables sur les fronts de Madrid ; l’infiltration de nos hommes dans les rangs extrémistes, anarchistes et poumistes se poursuit avec succès. Nous manquons d’un bon chef de propagande, qui mènerait son travail indépendamment de nous pour pouvoir agir avec plus de sûreté. (Suit la partie chiffrée.)

En accomplissement de vos ordres, je me suis rendu en personne à Barcelone pour avoir une entrevue avec le dirigeant du P.O.U.M., N… Je lui ai communiqué toutes vos indications.

Le manque de liaison entre vous et lui s’explique par les avaries dont a souffert l’émetteur, qui recommença cependant à fonctionner pendant que j’étais là-bas. Vous avez certainement déjà reçu la réponse relative au problème fondamental. N … vous demande expressément, ainsi qu’aux amis étrangers, que ce soit uniquement et exclusivement moi qui sois chargé de communiquer avec lui. Il m’a promis d’envoyer à Madrid de nouveaux hommes pour activer les différents travaux du P.O.U.M. Avec ces renforts le P.O.U.M. réussira à être, comme à Barcelone un ferme et efficace appui de notre mouvement. »

Voilà donc la preuve irréfutable de la liaison du P.O.U.M. avec Franco. Mais, qui est ce N… , à qui est-il fait allusion ?

Le chef de la bande, c’est Andres Nin en personne qui fut arrêté.

Et qu’Andres Nin ait disparu, ou mieux, qu’il ait été « séquestré » par les agents fascistes, c’est là une preuve de plus de sa culpabilité. Les fascistes ont voulu éviter ainsi que les autorités espagnoles n’obtiennent de nouvelles et plus vastes indications sur ces crimes.

Mais Nin n’est pas le seul à agir pour le compte de Franco au sein du P.O.U.M. C’est le P.O.U.M. tout entier qui, est au service du fascisme, en exceptant les ouvriers trompés par ces espions et ces traîtres.

Ils le reconnaissent eux-mêmes. Leur trahison est si éclatante, leurs crimes ont été si complètement mis à nu, les preuves qui les accablent sont si irréfutables que les misérables du P.O.U.M. avouent leur culpabilité.

La Batalla, dans son numéro clandestin du 19 juillet, écrivait sous le titre « Le caractère contre-révolutionnaire de la répression contre le P.O.U.M. » :

« En acceptant à titre d’hypothèse qu’auraient pu être fondées les accusations d’espionnage et de collusion avec Franco portées contre nos dirigeants, la chose la plus naturelle, en pareil cas, était d’appliquer de la façon la plus exemplaire et la plus rapide, publiquement, la peine encourue par les délinquants, mais non pas de sévir contre toute l’organisation. »

Un homme honnête, un révolutionnaire sincère, un combattant antifasciste, quelle que soit son idéologie, quelles que soient les erreurs qu’il ait pu commettre, n’accepterait jamais une pareille hypothèse. Pourquoi les poumistes, eux, l’acceptent-ils ? Parce que, en présence des preuves écrasantes de leurs crimes, ils ne veulent pas que la responsabilité retombe sur toute leur organisation et ils sacrifient tel ou tel bandit pour que la bande puisse continuer son œuvre criminelle.

Ce sont là des subterfuges bien connus. En Union soviétique aussi, chaque groupe de trotskistes découvert affirmait être l’unique responsable et n’avoir aucune relation avec quiconque d’autre. Ils tentaient ainsi d’empêcher que ne soit démasquée toute l’organisation contre-révolutionnaire et de permettre à ceux qui restaient en liberté de poursuivre leur travail criminel.

Le P.O.U.M. tout entier est au service du fascisme.

Le document des autorités madrilènes déjà cité souligne qu’il ne s’agit pas d’un noyau de caractère local, mais d’une organisation qui a des ramifications dans presque tous les centres et provinces de l’Espagne républicaine.

Plus récemment, la police populaire a réussi à démembrer en Catalogne une importante et extrêmement dangereuse organisation d’espionnage, de caractère militaire, dont les principaux agents étaient des éléments du P.O.U.M., qui étaient en relations directes avec l’état-major de Franco et qui, s’étant introduits dans les différents secteurs des troupes républicaines préparaient des attentats contre un ministre de la République et plusieurs chefs militaires éminents. Ils avaient également réalisé de graves actes de sabotage.

La note du chef supérieur de la police de Barcelone, communiquée à la presse le 23 octobre passé, rend compte de cette découverte et déclare entre autres :

« La perquisition effectuée au domicile de R…, l’un des principaux membres de l’organisation, a permis de découvrir cousus dans des matelas, des documents de la plus haute importance, qui, joints aux déclarations faites par ledit membre de l’organisation, établissent que l’un des noyaux les plus importants de cette organisation d’espionnage était représenté par un groupe nombreux et bien organisé d’espions, membres du P.O.U.M.

Ce groupe avait comme signe distinctif la lettre C et chacun des agents de ce réseau d’espions du P.O.U.M. était désigné de plus par un numéro individuel A la librairie que possède le père de R…, a été découverte, lors de la perquisition opérée le 16 septembre, une lettre qui communique ce qui suit à l’état-major de Franco :

1. Le groupe dirigé par l’agent C. 16 avait réussi, le 26 août, à rendre inutilisable trois pièces d’artillerie de la division N… et quatre de la division M., ceci à un moment décisif des opérations.

2. On se préparait à faire sauter les ponts de l’Ebre.

3. Données sur les armements transportés par un train militaire.

4. Données concernant l’artillerie sur le front d’Aragon.

5. On avait profité du nouveau régime d’approvisionnement pour inciter la population à des manifestations de protestation.

6. On pour suivait les préparatifs en vue d’attentats contre des personnalités éminentes de l’Armée populaire.

7. On poursuivait également l’organisation de l’attentat projeté contre un ministre de la République, et on pensait profiter à cet effet de son passage en auto en un lieu déterminé des environs.

Dans ce but, deux voitures, avec des hommes armés de grenades, étaient chargées de suivre l’auto du ministre. L’organisation de l’attentat avait été confiée à deux terroristes, membres du P.O.U.M., désignés par les chiffres C. 18 et C. 23.

A la lettre était joint un croquis d’un atelier du P.O.U.M. pour la fabrication de grenades.

Les investigations effectuées sur le front ont permis de confirmer l’exactitude des renseignements fournis.

La direction de l’organisation d’espionnage du P.O.U.M. se plaignait, dans la lettre citée plus haut, de ne pouvoir utiliser tout le réseau de ses agents du fait que la liste complète des militants de confiance du P.O.U.M. n’était connue que de deux membres dirigeants de celui-ci, qui sont actuellement à la prison de Valence en attendant de comparaître devant les tribunaux… »

Ce sont là de nouvelles preuves qui révèlent la participation du P.O.U.M. à l’espionnage et aux provocations pour le compte de Franco. Ces preuves établissent de plus, d’une manière irréfutable, que ces bandes terroristes non seulement attentent à la vie des communistes, mais cherchent aussi à éliminer les dirigeants les plus marquants de tout le mouvement ouvrier et populaire espagnol. Prieto, membre du parti socialiste, était visé par ces assassins en tant que ministre de la Défense nationale.

Les provocateurs du P.O.U.M. n’agissent pas seulement au service et sous la direction de Franco. On est aujourd’hui en possession d’un autre document important, une lettre trouvée au local même du P.O.U.M. et adressée à Andres Nin personnellement par les agents de la Gestapo allemande :

« Bayonne, le 12 juillet 1937.

Au Comité exécutif du P.O.U.M.,

Je confirme mes instructions antérieures. Enfin, se sont accentuées dans le groupe des Basses-Pyrénées, dont nous avons déjà parlé, des différences, qui nous conviennent, car elles sont le début, si nous y prêtons attention, de la création d’un groupe de notre parti. Les meilleurs du groupe, parmi eux Walter et Bobinof ; dont l’influence est décisive, sont entrés en conflit avec ceux de Saint-Jean-de-Luz, car ceux-ci refusent, tant qu’ils ne recevront pas d’instructions concrètes, de donner des gens pour un voyage éventuel.

Il faut se procurer une autorisation, bien que ceux de Bayonne vont faire par ailleurs des démarches sur le résultat desquelles ils ont confiance.

Il y a une chose particulièrement intéressante : l’on nous envoie du matériel de Barcelone et de nombreux moyens pour faire connaître les positions du parti : nous travaillerons alors ferme pour constituer un groupe décidé à tout. Tels sont, entre autres, les points de vue des dissidents. Mais il y a plus. La compagne du généralissime Franco, sa femme, se trouve en France.

Vous rappelez-vous que, dans une communication précédente l’on parlait de la faire aller pour un certain temps à Barcelone.

Quelles possibilités cela nous donnerait-ii en ce qui concerne ce dont Bonet parlait au sujet de Quim. J’insiste pour tout cela sur la nécessité de soutenir matériellement et idéologiquement ce groupe qui peut nous rapporter beaucoup de bénéfices, mais pour cela vous devez faire en sorte que Walter aille à Barcelone. Le camarade C … a déjà pris contact à Perpignan. Il est difficile d’avoir des nouvelles concrètes à l’endroit où je me rends aujourd’hui. J’ai besoin d’une réponse télégraphique dans laquelle vous m’accuserez réception de tout cela, et élirez si vous le mettez en pratique.

Salut et P.O.U.M.,

Signé IMA. »

Le P.O.U.M. est donc en relations directes avec l’officine de Saint-Jean-de-Luz. Et qu’est-ce que l’officine de Saint-Jean-de-Luz ? Tout le monde le sait, c’est une agence de la Gestapo, le centre d’espionnage de Hitler en France. Et les personnages cités élans la lettre sont des agents de l’espionnage allemand.

Ces documents sont connus des autorités. Toutes ces preuves sont récentes. Mais peut-en en déduire que les relations des trotskistes avec les ennemis de la République datent d’aujourd’hui ?

En aucune manière. De même que leur grand maître à tous, la canaille Trotski, les trotskistes d’Espagne entretiennent des relations avec le fascisme depuis plusieurs années déjà.

Une lettre découverte récemment et adressée par l’avocat Enrique de Angelo à Gil Robles, alors ministre de la Guerre, révèle ce qui suit :

« Mon cher ami,

Un ami de Barcelone, L’avocat Don José Maria Palles, que ses affaires et ses intérêts conduisent fréquemment à l’étranger ; où il est en relations avec des personnalités marquantes du monde international, m’a dit qu’il a l’intention de conclure un accord avec les organisations de Russes blancs et des trotskistes de Paris, qui pourront le mettre au courant des machinations des communistes en ce qui concerne l’Espagne… »

La lettre était accompagnée d’une énumération des questions sur lesquelles les gardes blancs et les trotskistes offraient de fournir des informations aux fascistes espagnols :

Informations sur l’activité de la section espagnole de la IIIe Internationale de Moscou, sur les dirigeants de cette section, leurs instructeurs et leurs voyages à l’étranger avec le détail de ces voyages.

Informations suit : le système de correspondance entre la IIIe Internationale et l’Espagne.

Informations sur l’activité illégale du Parti communiste espagnol.

Informations sur les tentatives pour créer le Front populaire des partis espagnols de gauche, sous la direction des communistes et de la IIIe Internationale, de même que sur le mouvement du Front populaire en France, qui peut avoir des conséquences politiques en Espagne, etc…

Le trotskisme est une organisation d’espionnage international. Quels étaient ses agents en Espagne ? Les Nin, les Andrade, les Gorkine, qui entretenaient avec leurs complices de France des relations ouvertes et connues de tout le monde.

Et les complices des Nin, Andrade et compagnie, les trotskistes de tous les pays, à l’heure où les travailleurs et les antifascistes du monde entier exigent avec plus de force chaque fois qu’une aide pratique soit apportée à l’Espagne républicaine et se rallient avec une ardeur sans cesse accrue à ce mouvement, pour vaincre la résistance de leurs gouvernements − en cette heure décisive, ces canailles évoluent dans les milieux ouvriers et les cercles socialistes et intellectuels de France, d’Angleterre, des États-Unis, en disant que « le gouvernement de Front populaire qui existe actuellement en Espagne n’est pas un gouvernement de Front populaire, mais un gouvernement contre-révolutionnaire », qui persécute des « révolutionnaires » tels que Nin et que, par conséquent, le prolétariat et les antifascistes du monde entier ne doivent pas aider ce gouvernement et la République espagnole.

C’est là, précisément, la préoccupation fondamentale de Hitler, de Mussolini, de Franco. Isoler la République espagnole, empêcher qu’elle ne reçoive une aide internationale dans la lutte qu’elle livre contre eux. C’est également la tâche que se sont assignée la réaction et le fascisme international, comme le démontre l’activité du Comité de « non-intervention ». A plus forte raison est-ce la tâche des trotskistes, les serviteurs les plus fidèles et les plus efficaces du fascisme dans tous les pays.

Cette canaille prend pour cible les syndicats et les partis politiques de la classe ouvrière. L’expérience d’autres pays nous enseigne suffisamment quels buts poursuivent les trotskistes en s’ infiltrant dans ces organisations du prolétariat : désunir, affaiblir, scinder, désarmer la classe ouvrière. Les Jeunes Gardes socialistes de Belgique, le Parti socialiste de l’Amérique du Nord, entre autres , peuvent encore montrer les blessures profondes qu’ont laissées dans leur chair les griffes de ces scélérats.

Pour mieux réaliser leur œuvre néfaste et parce que les intérêts du fascisme l’exigent ainsi, les dirigeants trotskistes, profitant de ce que certains d’entre eux sont sortis du camp anarcho-syndicaliste, ont tenté d’attirer sournoisement la C. N. T. de leur côté.
Le 2 mai, à. la veille même du « putsch » de Catalogne, la Batalla, organe du Comité exécutif du P.O.U.M., écrivait :

« Nous sommes d’accord avec l’un des groupes anarchistes, aujourd’hui en lutte avec les dirigeants gouvernementaux de la C.N.T. Ce groupe a publié les mots d’ordre suivants : « Tout le Pouvoir à la classe laborieuse, Tout le pouvoir économique aux syndicats ! »

Le groupe anarchiste auquel il était fait allusion était celui des « Amis de Durruti », qui prit une part active au soulèvement de mai en Catalogne. Infesté de provocateurs et d’agents du fascisme, ce groupe a été par la suite énergiquement répudié par la C.N.T. elle-même.

Le sens des paroles de Nin était clair. L’alliance qu’on cherchait à réaliser avec la C.N.T. n’était rien d’autre qu’un prétexte pour la scinder, compromettre son renom et sa tradition, comme ce fut le cas en mai avec certains groupe tels que les « Amis de Durruti », qu’on réussit à entrainer dans le soulèvement.

Tant que les éléments trotskistes purent poursuivre leurs menées dans les rangs des jeunes, l’unité ne put se réaliser, et la mentalité de notre héroïque jeunesse commençait à se déformer dangereusement. Il a suffi que les éléments trotskistes fussent expulsés, que l’idéologie trotskiste fût résolument combattue, pour que l’unité se développât de façon prodigieuse, en même temps que les jeunes acquéraient une formation idéologique authentique qui s’imposa rapidement. Et là nouvelle organisation de la jeunesse se prépare aujourd’hui avec une efficacité maxima aux luttes du présent et aux grandes tâches de l’avenir.

Dans le même sens, tant que les Jeunesses libertaires ne parvinrent pas à se soustraire aux influences trotskistes, l’Alliance nationale de la jeunesse, ne put se réaliser, cette vaste union des jeunes qui a apporté au peuple espagnol l’une des meilleures armes pour remporter la victoire sur le fascisme. Il est donc clair que la lutte pour l’unité doit s’accompagner d’une lutte implacable contre le trotskisme. Sans cette lutté, l’unité sera toujours en péril.

Ce qu’il y a de plus sain, de plus ardent et de plus héroïque dans notre peuple, c’est dans les rangs de la jeunesse qu’on le trouve. Les colonnes fascistes viennent se briser contre le rempart de dizaines de milliers de bâillonnâtes tenues par des mains juvéniles. Il serait de la plus grande importance pour le fascisme, de pouvoir décomposer les forces de la jeunesse, et il l’a tenté. Par bonheur ses manœuvres ont été mises à jour et l’unité des jeunes en Espagne une réalité victorieuse. L’un des dirigeants de la jeunesse espagnole, Santiago Carrillo, secrétaire de la J.S.U., a récemment dénoncé devant le peuple un nouveau crime des trotskistes.

La jeunesse espagnole − a-t-il dit − dénonce les provocateurs trotskistes comme étant les principaux responsables des échecs et de la rupture du front d’Aragon.

L’Espagne traverse les plus dures étapes de sa lutte, les étapes capitales qui décideront définitivement du destin du pays. Les vautours du fascisme international, tentent de dépecer, pour se la partager la belle et grande Espagne.

Pour empêcher cela, il faut que le peuple espagnol ait la certitude qu’on n’espionne pas dans ses rangs, qu’on ne se prépare pas à le trahir à quelque heure difficile, qu’on ne le poignardera pas dans le dos.

Mais cette certitude, ou ne pourra l’avait que si l’en enseigne à tous comment il faut frapper implacablement le trotskisme, principal promoteur, aux gages du fascisme, de ces révoltes, de ces assassinats, de ces trahisons.

Ce trotskisme qui est identique a celui qui, en Union soviétique, concertait sa trahison avec les fascistes allemands et les militaristes nippons pour les aider à asservir et à se partager la magnifique patrie du socialisme, qui se proposait d’assassiner les personnalités les plus éminentes au peuple soviétique et a assassiné nombre de ses meilleurs hommes, tels Kirov, Kouibychev, le grand écrivain Maxime Gorki, qui détruisait systématiquement, par un sabotage criminel, la vie et les richesses des ouvriers et des paysans du pays le plus heureux et le plus authentiquement libre du monde.

Ce trotskisme qui, en Espagne, comme on l’a vu, espionné pour le compte de Franco et du fascisme allemand et italien, qui provoqué des soulèvements criminels, comme celui de Catalogne, contre le peuple espagnol, à l’une des heures les plus difficiles qu’il ait traversées, qui fournit aux batteries de Franco les données exactes pour qu’elles puissent assassiner avec plus de sûreté des centaines d’héroïques antifascistes madrilènes, qui organise des assassinats contré les dirigeants du prolétariat et des masses antifascistes de L’Espagne, qui travaille à la défaite du peuple espagnol, pour que les criminels fascistes, allemands et italiens se répartissent son sol et que les masses populaires soient soumises au pire des esclavages et au plus sombre obscurantisme.

Toute la vigilance des masses espagnoles se porte sur cette bande de criminels et de bandits, sans scrupules et sans conscience, aussi infâmes que de véritables fascistes, afin que nulle part, dans tout le pays, ils ne puissent relever la tête et qu’ils soient jugés partout où on les trouve avec toute la rigueur des lois de la justice populaire.

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PCE : L’activité des trotskistes en Espagne

Irène Falcon, Parti Communiste d’Espagne
L’activité des trotskistes en Espagne, janvier 1937

L’intérêt principal du fascisme en Espagne républicaine est la destruction du Front populaire.

Dès le 16 février 1936, quand le Front populaire obtint la majorité écrasante aux élections parlementaires, il devint le pire ennemi du fascisme, le plus haï, précisément parce qu’il est le meilleur instrument pour empêcher que le fascisme s’empare du pouvoir dans un pays.

Chaque jour, à toute occasion, dans leurs discours et dans leur presse, les trotskistes attaquent violemment le Front populaire et ses représentants et tâchent de semer le désaccord entre les ouvriers et les autres couches antifascistes du Front populaire.

La Batalla, organe trotskiste, dans son numéro du 29 mai, que :

« La politique du Front Populaire conduit, comme nous l’avions prévu, à l’affaiblissement des partis et organisations ouvrières qui la pratiquent. »

Et plus loin, dans un article intitulé « Le Front populaire nous mène au fascisme », ils disent :

« On parle de fortifier le Front populaire avec lequel on affaiblit les énergies et paralyse les actions combatives des masses ouvrières et paysannes.

Au lieu de freiner la décomposition des partis républicains, on doit la précipiter le plus possible.

Il faut aussi précipiter l’expérience démocratique des masses.

Pour cela, une condition indispensable est la rupture de toute liaison organique avec la bourgeoisie républicaine.

Au lieu de Front populaire, Alliance ouvrière nationale. »

Maintenant, pendant la guerre civile, ils tentent encore par tous les moyens de rompre le Front populaire en lançant des revendications d’apparence radicale, et de semer la division entre les différentes forces qui le composent.

Ainsi, ils servent les bourreaux fascistes des travailleurs, les assassins des femmes et des enfants sans défense.

Contre le gouvernement de la République.

Ensuite, la tâche du fascisme est d’affaiblir par tous les moyens possibles le gouvernement de la République ainsi que le gouvernement de la Généralité de Catalogne.

Dans ce sens aussi, les trotskistes leur rendent des services merveilleux.
Voyons quelques exemples concrets.

Lorsque le gouvernement Largo Caballero fut constitué à Madrid, le parti trotskiste en Espagne, « Parti ouvrier d’unification marxiste » (P.O.U.M.) et son organe, la Batalla, dirigèrent de furieuses insultes contre ce qu’ils appelèrent « trahison des intérêts du prolétariat » en protestant contre le gouvernement, au cri de : « Dehors les ministres bourgeois ! »

Plus tard, après que fut constitué en Catalogne le gouvernement de la Généralité, avec la participation d’un conseiller trotskiste, le P.O.U.M. et son organe, la Batalla, attaquèrent durement chaque jour le gouvernement en le qualifiant de « contre-révolutionnaire ».

Quand les forces représentées dans ce conseil font des efforts pour faciliter la tâche d’unification de toutes les volontés du peuple catalan, les trotskistes qui sont représentés et ont participé à la rédaction de la déclaration du Conseil, attaquent dans leur presse la composition et la déclaration du Conseil.

Le 12 décembre, le Comité exécutif du P.O.U.M. s’est réuni et son secrétaire, Nin, y fit un compte rendu.

Il déclara que le gouvernement de Valence, malgré la participation d’organisations ouvrières, « défendait davantage les intérêts de la République bourgeoise que les intérêts de la révolution. »

En commentant la crise du gouvernement de Catalogne provoquée par les manœuvres criminelles du P.O.U.M. et au cours de laquelle le ministre trotskiste fut écarté du gouvernement, il ajouta, en tâchant toujours de séparer la C.N.T. (Centrale syndicale anarcho-syndicaliste) des autres forces représentées dans le gouvernement :

« La crise du gouvernement de Catalogne est motivée parce que notre parti et la C.N.T. ne veulent pas permettre la perte des conquêtes de la révolution. Il s’agit de deux tendances, la tendance révolutionnaire représentée par la C.N. T. et le P. O. U.M. et la tendance contre-révolutionnaire représentée par le Parti socialiste unifié et par les dirigeants de l’U.G.T. (Centrale syndicale socialiste), ainsi que par les républicains de gauche. »

Nin indiqua la banqueroute du Parlement bourgeois et déclara que :

« le P.O.U.M. défendra le mot d’ordre du remplacement du Parlement par une autre organisation composée de délégués des comités d’ouvriers et de représentants des syndicats et de la paysannerie. »

Dernièrement, les trotskistes menèrent une campagne effrénée sur la question du ravitaillement du peuple catalan en semant la panique parmi la population et en dirigeant de dures attaques contre le conseiller du ravitaillement, Comorera, secrétaire du Parti socialiste unifié, en l’accusant de spéculer sur la faim du peuple.

Contre l’unité prolétarienne

Le fascisme tâche par tous les moyens, en utilisant ses agents trotskistes, d’empêcher premièrement l’unité et, s’il n’y réussit pas, il utilise toutes les occasions pour rompre l’unité.

A l’occasion de la fusion des Jeunesses socialistes et communistes en avril 1936, les trotskistes ont mené une campagne acharnée contre cette unification ainsi que contre l’unification de l’U.G.T. et de la C.G.T.U. (syndicats rouges).

Ils ont déclaré à cette occasion :

« Dans le domaine de la jeunesse comme dans le domaine syndical, les socialistes absorbent les communistes officiels.

Un parti qui reste sans mouvement syndical et de jeunes n’est qu’une caricature de parti. Ses jours sont comptés. »

Utilisant le fait que toutes les organisations populaires et ouvrières sont occupées dans la lutte contre le soulèvement fasciste, les trotskistes ont créé ladite « Jeunesse communiste ibérique ».

Pendant que les prolétaires honnêtes et les antifascistes convaincus luttent sur le front, les trotskistes font un travail de désorganisation et de scission contre-révolutionnaire à l’arrière.

A l’occasion de la signature d’un accord d’unité d’action entre l’U.G.T., la C.N.T., la F.A.I. (Fédération anarchiste ibérique) et le Parti socialiste unifié de Catalogne, signature accueillie avec grand enthousiasme par tout le peuple catalan, la Batalla attaque violemment ce pacte d’unité tout en le cachant à ses lecteurs.

Contre l’Union soviétique

L’aide que le prolétariat international donne du dehors au peuple espagnol est un facteur très important pour le triomphe de l’Espagne antifasciste, en premier lieu la solidarité et l’amour des travailleurs de l’Union soviétique.

Partant de là le fascisme espagnol est très intéressé à discréditer l’Union soviétique et les chefs de son gouvernement.

En Union soviétique même, le fascisme utilise ses serviteurs, les trotskistes, pour attenter à la vie des dirigeants du gouvernement et du Parti de l’Union soviétique, pour faire des actes de sabotage, pour pratiquer l’espionnage.

En Espagne, le fascisme utilise les trotskistes pour réaliser une lutte féroce contre le pays du socialisme triomphant et contre ceux qui l’ont conduit, vers le triomphe.

Voyons quelques exemples.

Les chefs du P.O.U.M. écrivaient que les dirigeants de l’Union soviétique et de l’Internationale communiste ne s’intéressaient pas à la lutte du peuple espagnol.

Les actions diplomatiques de l’Union soviétique en faveur du peuple espagnol, toute la campagne de solidarité réalisée par les Partis communistes dans tous les pays seraient seulement l’expression du désir de ne pas intervenir directement et concrètement à côté des antifascistes.

A l’occasion de l’arrivée à Barcelone du bateau soviétique Sirianine qui a provoqué un enthousiasme délirant parmi la population catalane, les trotskistes écrivaient :

« Oui, ce sont les citoyens soviétiques qui nous aident, mais pas le gouvernement soviétique. »

Et ils ajoutaient, alors que la solidarité soviétique fait vibrer le peuple espagnol d’enthousiasme en le stimulant pour la lutte et en ranimant sa foi dans le triomphe et continuant en cela la campagne internationale menée par le fascisme :

« Si Staline a cédé et accorde sa solidarité, c’est parce que de cette façon il pense affaiblir les positions du fascisme nazi dans lequel Staline voit son principal ennemi. »

Selon la Batalla, il résulte que Staline aide l’Espagne républicaine pour affaiblir l’Allemagne son ennemie.

De cela, on tire la conclusion fasciste que les provocateurs de guerre sont les communistes.

Les attaques des trotskistes contre l’Union soviétique sont devenues si agressives et si calomnieuses que le consul général de l’U.R.S.S. à Barcelone a dû les dénoncer publiquement.

Dans une note, le consulat général de l’U.R.S.S. à Barcelone dit :

« Une des manœuvres de la presse fasciste internationale consiste à calomnier en déclarant que le représentant de l’Union soviétique accrédité devant le gouvernement dirige en fait la politique intérieure et extérieure de la République espagnole. Les buts des serviteurs du fascisme, en diffusant une pareille insinuation, sont bien clairs.

En premier lieu, ils veulent nuire au prestige du gouvernement de la République espagnole.

En deuxième lieu, affaiblir le sentiment de solidarité fraternelle qui devient chaque jour plus fort entre le peuple d’Espagne et celui de l’Union soviétique, base morale principale de la latte antifasciste.

En troisième lieu, aider et renforcer les tendances de désorganisation du front unique républicain de la part des différents groupes incontrôlés et irresponsables. Et voilà que, parmi les organes de la presse catalane, il s’en trouve un qui a entrepris la tâche d’aider cette campagne fasciste. Dans son numéro du 27 novembre, la Batalla tâche de fournir du matériel aux insinuations fascistes, mentionnées. »

Contre les brigades internationales

Dans la guerre, le rôle des trotskistes est d’utiliser les petits groupes qu’ils ont organisés pour trahir, pour se retirer dans les moments les plus décisifs de la lutte.
Ils dirigent en même temps des attaques contre la reconstruction de l’armée ouvrière, en exigeant une Armée rouge, mais pas une armée populaire.

Les glorieuses Brigades Internationales sont aussi l’objet des attaques des trotskistes.

Ils disent qu’elles sont au service du Parti communiste officiel et de l’U.R.S.S., qu’elles sont au service de Staline, qu’elles sont un grand danger pour l’Espagne antifasciste.

Et voilà ce qu’écrit en même temps le journal de Franco, Heraldo de Aragon :

« Staline se propose d’amplifier et consolider son influence à Madrid et Valence, après avoir assuré sa domination en Catalogne. A cet effet, Staline a chaque jour de longues conférences avec Rosenberg, son délégué auprès du gouvernement Largo Caballero, auquel il donne des instructions correspondantes.

Cette attitude a été clairement confirmée par le ministre rouge, Jésus Hemandez ; communiste, qui a dit : « Maintenant, nous devons commencer le travail définitif d’élimination du P.O. U.M. qui est une organisation traître et antisoviétique. Après, nous anéantirons la C.N.T. S’ils offrent une résistance, nous comptons sur l’appui inconditionnel de la Brigade internationale. » »

Pour qui les brigades internationales sont-elles un danger ?

Pour le fascisme.

C’est pour cela qu’elles sont attaquées par les trotskistes, ses alliés.

Les brigades internationales ne sont pas des brigades communistes.

Dans les rangs des brigades internationales luttent coude à coude, des socialistes, des anarchistes, des communistes, des démocrates, des intellectuels, des hommes de tous les courants antifascistes.

Les brigades internationales ont été formées précisément par le Front populaire mondial pour aider l’héroïque peuple de l’Espagne démocratique.

Elles sont en effet un grand danger pour le fascisme.

Voilà pourquoi les trotskistes les attaquent.

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PCE : Le rôle de la femme dans la lutte pour l’indépendance et la liberté de l’Espagne

Article d’Emilia Elias datant de 1938, publié dans le numéro spécial intitulé « Espana » de l’hebdomadaire « La Correspondance Internationale » N° 27, du 12 mai 1938

Au nombre de tous les éléments incorporés à la lutte que mène actuellement le peuple espagnol contre le fascisme, figurent les masses féminines d’Espagne qui, dès le premier moment de cette guerre pour notre liberté et notre indépendance, se sont mises sans restriction au service de la cause du peuple, Elles vouèrent à la lutte tous leurs efforts matériels, qui allèrent bien des fois jusqu’au sacrifice de leur vie.

Mais elles surent aussi exalter par leurs paroles, par leur sentiment élevé des nécessités de la guerre, l’ardeur de leurs fils, de leurs compagnons, les poussant à s’incorporer à la masse immense des hommes qui, saisissant les armes, se sont dressés pour défendre le sol de l’Espagne contre l’invasion fasciste.

Il ne faudrait pas croire cependant qu’avant le 18 juillet 1936 les femmes ne fussent pas intervenues activement dans la lutte révolutionnaire. Au contraire, en organisant des grèves de caractère économique et des manifestations féminines de masse, les femmes n’ont cessé de proclamée publiquement leur haine de la tyrannie et leur opposition à la tyrannie et à tous les ennemis du véritable peuple espagnol.

Lorsque en 1931, avec la proclamation de la République, on vit se déployer un mouvement de masse qui tendait à abattre complètement et définitivement un régime d’opprobre et de tyrannie, les femmes participèrent elles aussi à cet éveil des masses populaires et contribuèrent, dans une mesure importante, à secouer l’indifférence de certaines couches de la population.

Et lorsque la République, dans un élan de justice, accorda aux femmes une partie des revendications défendues par le mouvement pour l’émancipation féminine (droit d’élire et d’être élues, égalité de droits pour les enfants légitimes et naturels, reconnaissance de la personnalité civile, etc.), les femmes se sentirent renforcée et aidées par les pouvoirs publics, et cela suffit pour que, conscientes de leurs responsabilités et sûres de travailler à leur complète émancipation, elles se lancent dans la lutte politique.

C’est ainsi qu’en 1934, avec son tragique cortège d’iniquités, les femmes lutèrent vaillamment contre ta réaction, qu’elles constituèrent un élément puissant lors des héroïques journées de la révolution d’Octobre. Dans la rue, dans les syndicats, dans les partis, les femmes travaillèrent avec une ardeur pleine de foi pour écraser la réaction barbare qui, dans les rues d’Oviedo, mitraillait les femmes qui défendaient leur droit et celui de leurs enfants à une vie de liberté et de Justice. Aida Lafuente, l’héroïque jeune fille asturienne qui mourut à son poste de combat en octobre 1934, est le symbole de cette lutte magnifique, et son souvenir vivra éternellement dans le cœur de toutes les femmes.

Au mois d’août de la même année eut lieu à Madrid La Ire Conférence nationale des femmes antifascistes, où celles-ci déclarèrent publiquement leur opposition ouverte à la tyrannie. Quelques jours plus tard, les femmes organisèrent la grande manifestation présidée par la Pasionaria et dont le but était de protester contre le décret du gouvernement Samper relatif à la mobilisation des réservistes.

A l’aube de 1936, l’approche des élections qui devaient voir le triomphe du Front populaire donna aux femmes de nouvelles occasions de lutter. Elles surent les mettre à profit et la lutte électorale leur permit d’apporter de nouvelles preuves de leur sentiment des responsabilités et de leur maturité politique.

Des centaines de meetings, d’assemblées, de réunions furent organisés avec la collaboration des femmes et eurent pour effet de mobiliser et d’enthousiasmer les masses de la ville et des champs.

Et, le 16 février, Le triomphe dru Front populaire fut dû pour une bonne part à la vigilance des femmes qui, tant comme électrices que comme gardiennes spontanées de la régularité des opérations, surent rendre sans effet les innombrables illégalités auxquelles la réaction eut recours pour empêcher la victoire du Front populaire.

La date tragique du 18 juillet 1936 vint compléter la préparation politique des femmes et donner son plein essor à leur participation aux luttes révolutionnaires.

A cette heure, comme toujours, le souffle ardent de la Pasionaria vint nous animer, nous les femmes d’Espagne. Elle qui sait si bien trouver le mot d’ordre et le geste qu’exige chaque situation, face à l’insurrection fasciste et a l’assaut des troupes d’invasion, elle lança le défi à l’ennemi ce « No pasaran ! » que le monde entier, moins de vingt-quatre heures après qu’ait éclaté la rébellion, entendit sur les ondes de l’Union Radio, se cri qui est devenu depuis lors le cri de guerre des antifascistes espagnols et que les femmes, avec le peuple tout entier, ont fait leur, dont elles ont fait un mot d’ordre inébranlable, travaillant inlassablement à en faire une réalité. Il l’a été.

La foi de la Pasionaria pénétra, les âmes de toutes les femmes, qui s’incorporèrent à la lutte avec une ardeur combative. Aussi, la guerre que vit l‘Espagne a-t-elle été pour les masses féminines une gigantesque école, une immense source d’expériences, Et le résultat a été qu’à la guerre et à ses problèmes se sont intégrées non seulement les femmes placées à l’avant-garde du mouvement féminin, mais une grande quantité de femmes indifférentes aux problèmes politiques et sociaux.

Car toutes ont clairement vu qu’aujourd’hui, au prix du sang des masses populaires espagnoles, au prix du sacrifice quotidien des hommes venus de tous les pays se joindre au peuple espagnol dans sa lutte, se décide sur notre sol l’avenir de tous les opprimés, comme se décide aussi l’avenir des femmes, asservies et humiliées par la misère, l’inculture et l’injustice.

Et dès les premiers moments, elles luttèrent ; dès les premiers moments, leurs voix s’élevèrent pour réclamer leur part des tâches de la guerre et participer ainsi à la victoire.

L’effort déployé par les femmes a revêtu toutes les formes de l’activité. D’une façon générale, l’on peut dire que les femmes ont tout fait pour collaborer à la victoire. Elles ont créé des ateliers, elles y ont travaillé ; elles ont fondé des homes pour arracher les enfants aux tourments des villes sauvagement bombardées par l’aviation fasciste ; elles apportent leur aide sur les fronts ; elles travaillent dans les hôpitaux comme infirmières et comme visiteuses sociales ; durant les tragiques journées de siège de Madrid, elles ont collaboré à l’approvisionnement de la ville ; elles ont été miliciennes ; elles collaborent aux services culture sur les fronts ; enfin, elles mènent un travail qui prouve leur maturité politique et leur compréhension des questions syndicales en prenant une part directe à la direction des partis et des syndicats.

De plus, les femmes ont réalisé un intense travail de propagande et d’agitation et elles sont parvenues ainsi, jusque dans les régions de l’arrière moins éprouvées par la guerre, à élever magnifiquement le moral et à inculquer à tous la conscience de la nécessité de vivre en accord avec les exigences de la lutte.

Il convient de souligner également l’esprit de sacrifice et la haute conscience politique manifestés par les femmes dans l’accomplissement d’une tâche dont elles s’acquittent avec la plus grande simplicité et la plus émouvante modestie, nous voulons parler des services de transfusion de sang aux blessés. Dans ce domaine, ce sont les femmes qui ont apporté la collaboration la plus active et la plus dévouée.

Et elles le font non seulement dans un généreux sentiment d’humanité bien conforme à la nature spécifique de la femme, mais aussi pour des raisons plus complexes, qui donnent plus de prix encore à leur sacrifice.

Elles savent et elles le disent, que la vie d’un blessé est sacrée ; elles savant qu’arracher ses victimes à l’ennemi équivaut à gagner une bataille. Nous voudrions pouvoir citer toutes ces femmes, dire avec quelle abnégation elles s’acquittent de ce devoir sacré, mais trop nombreuses sont celles dont nous ne connaîtrons jamais le nom, tellement grande est la modestie dont elles font preuve en restant dans l’anonymat.

Mais nous connaissons le cas d’Eloïsa Cano, qui a donné son sang trente-deux fois ; nous connaissons celui de Catalina Mayoral, cette infirmière qui, elle aussi, a donné son sang à de nombreuses reprises, et celui d’une jeune femme, presque une adolescente, fille de service avant l’insurrection, qui a fourni neuf fois déjà son sang et est prête à continuer lorsque ce sera nécessaire. Elle est très fière de sa qualité de « donneuse universelle », qui lui permettra de prêter son concours dans un très grand nombre de cas.

Les femmes ont également joué un rôle actif dans l’aide aux évacués et aux réfugiés. Qu’elles collaborent à l’évacuation des enfants et des femmes de Madrid, de Malaga, d’Almeria et autres villes victimes de l’agression fasciste, pour les installer dans d’autres localités plus éloignées du front, ou qu’elles offrent leur maison, leurs services, leur aide pour améliorer la vie des réfugiés, les femmes ont tout fait pour mener à bien cette tâche. Nombreux sont les cas où des femmes ont cédé jusqu’à leur lit et leurs vêtements, jusqu’à leur maison tout entière, pour accueillir des femmes et des enfants maltraités par la guerre.

Nous connaissons une femme qui, bien qu’elle n’occupât qu’un petit logement, exigu même pour les besoins des siens, installa chez elle une famille composée de deux femmes et de trois enfants. Elle rayonnait en parlant de sa joie lorsque, la nuit, elle pouvait contempler le bien-être des petits couchés dans son lit, bien qu’elle même dormît sur le sol.

Cette aide aux enfants, les femmes l’apportent également dans des garderies et des homes où elles vivent auprès des enfants, les soignant et en prennent soin avec un zèle et une abnégation véritablement maternelle. On trouve dans ces services des éducatrices remarquables, et d’autres qui, avant le 18 juillet, étant à la retraite, ont repris leur professeur pour diriger des homes d’enfants évacués, travail d’ordinaire épuisant, mais qui apporte la satisfaction d’accomplir un devoir imposé par la guerre.

En octobre 1937 eut lieu, à Valence la IIème Conférence nationale des femmes antifascistes. Ouvrières, paysannes, intellectuelles vinrent rendre compte de leur activité et nous comprimes alors qu’il n’y en a pas, si spéciale soit-elle, à laquelle les femmes n’aient pas participé. Des paysannes des provinces de Cordoue, Guadalajara, Cuenca et Valence montèrent à la tribune. Presque toutes venaient de villages fout proches de la ligne de feu et nous apprîmes d’elles comment la récolte d’olives, et toutes les récoltes en général, avaient pu être sauvées en maints endroits, malgré l’absence des hommes, tous partis pour le front, grâce au travail intense des femmes. Nous nous souvenons d’une paysanne de la province de Cordoue qui nous disait, enthousiaste :

« A quelques kilomètres du front, nous avons sauvé la récolte d’olives, parce que nous savions qu’à chaque olive que nous cueillions, nous gagnions une bataille sur d’ennemi. »

Nous entendons aussi la voix des ouvrières de choc de plusieurs ateliers de Madrid, qui réalisent des prouesses semblables à celles des ouvrières Soler, qui a réussi à intensifier sa production dans une mesure telle qu’au lieu des cinq pantalons qu’elle confectionnait par jour, elle a atteint le chiffre de dix-huit. Et les ouvrières de l’atelier d’intendance « Pasionaria » (créé et organisé par le Comité national des femmes antifascistes) ont établi des journées de choc et certaines ouvrières, comme la camarade Maria Martinez Carton, arrivent à faire vingt-cinq uniformes par semaine. Les ouvrières de ces ateliers rivalisent d’ardeur au travail, ce qui a pour effet d’augmenter considérablement la production.

Dans l’industrie de guerre, les femmes réalisent également un magnifique effort, qui démontre combien les masses féminines ont raison de demander leur rapide et totale incorporation à la production. Car ces femmes, aujourd’hui ouvrières consommées, n’ont pas toujours travaillé à la fabrique. Nombre d’entre elles étaient des domestiques misérablement exploitées dans des milieux bourgeois et toutes souffraient de l’oppression et de l’obscurantisme auxquels la réaction a soumis la femme espagnole durant des siècles.

Leur activité présente est d’autant plus remarquable. Elles ont vu dans la guerre l’occasion de satisfaire leurs aspirations et celles de toutes les victimes de l‘oppression. Elles comprennent que prendre une part active à l‘élaboration de notre victoire est pour elles un devoir dont l’accomplissement leur permettra de conquérir leur liberté et celle de leurs enfants, en même temps que l’indépendance de leur patrie.

Citons à l’appui de cette affirmation le cas de Maria Acon, tourneuse à la fabrique Ferrobellum responsable de sa section de travail, qui fut bonne d’enfants jusqu’au 18 juillet ; l’exemple magnifique de Margarita Sanchez, de la fabrique Moreno, à Madrid, qui, au bout de deux semaines à peine de travail, était parvenue à dépasser de 100 % la norme de production. Il ne s’agit naturellement pas là de cas fortuits, d’une simple question d’habileté professionnelle, mais bien du résultat de toute une conception du problème politique que pose la guerre et que les femmes ont su comprendre : les héros de la production participent aussi activement que les héros du front à la victoire finale.

Dans leur ascension à cette maturité de conscience civique, les femmes n’ont pas lutté seules. Elles se sont senties aidées, soutenues par le parti communiste et ses dirigeants qui les ont constamment stimulées, qui les ont accompagnées dans la voie de leur développement, Aucune femme n’a oublié et n’a manqué de faire son profit des paroles de José Diaz dans son rapport à l’assemblée plénière élargie du Comité central du parti communiste :

« Il faut que les communistes intensifient et amplifient le travail parmi les femmes. Il faut consolider l’organisation des Femmes antifascistes, déjà existante, mais cela ne suffit pas. Il faut mobiliser toutes les femmes d’Espagne pour la défense de la patrie et de l’indépendance nationale ; il faut créer un mouvement des femmes de l’Espagne nouvelle, auquel s’incorporent toutes celles qui veulent contribuer à l‘écrasement du fascisme et se sacrifier, s’il le faut, pour que leurs enfants puissent vivre dans une Espagne cultivée, prospère et heureuse.

Il faut renforcer notre travail en ce qui concerne les femmes, car, si nous considérons la combativité et l’abnégation admirables dont font preuve les héroïques femmes de notre peuple, nous devons reconnaître que la proportion des femmes affiliées à notre parti n’est pas ce qu’elle devrait être et ce qu’elle pourrait être. »

Et non seulement dans ce document, guide et stimulant puissant pour notre travail, mais dans tous ses articles, dans tous ses rapports le secrétaire général du parti communiste trouve toujours l’expression exacte pour rendre compte de la situation des femmes.

Avec cet ardent appui, avec l’exemple merveilleux de la Pasionaria, les femmes d’Espagne sauront continuer à marcher de l’avant, à contribuer de toute leur énergie, au prix même de leur vie, s’il le fallait, à l’écrasement du fascisme barbare et au triomphe de la démocratie et de l’indépendance de l’Espagne.

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Georges Dimitrov: une année de lutte héroïque du peuple espagnol

Article écrit à l’occasion du premier anniversaire de la rébellion franquiste.

Une année s’est écoulée depuis que le peuple espagnol, aux avant-postes de la lutte contre la réaction mondiale et le fascisme, défend courageusement sa liberté et son indépendance, sauvegardant par là même les intérêts de la démocratie, de la civilisation et de la paix contre les barbares fascistes et les fauteurs de guerre.

On peut affirmer sans exagération qu’après la Grande Révolution d’Octobre, cette lutte héroïque est un des événements les plus considérables de l’histoire politique d’après-guerre de l’Europe.

Lorsque, le 18 juillet de l’année dernière, le télégraphe apportait la nouvelle de la rébellion des généraux fascistes contre la République espagnole, personne ne pouvait penser que la guerre civile provoquée par les scélérats fascistes en Espagne durerait aussi longtemps. Les amis aussi bien que Les ennemis du peuple espagnol, chacun à sa façon, comptaient que la guerre serait liquidée dans le plus bref délai.

La rébellion fasciste fut réprimée en quelques jours par les ouvriers espagnols et la milice populaire dans les centres les plus importants du pays.

Madrid et Valence, Barcelone et Bilbao, Tolède, Malaga, Alicante et Almeria, presque toutes les villes importantes d’Espagne se trouvèrent dans les mains du gouvernement républicain.

Les généraux rebelles, qui se dressaient contre les conquêtes démocratiques de la révolution espagnole et, au début de la rébellion, s’appuyaient principalement sur les officiers contre-révolutionnaires haïs du peuple, sur les troupes marocaines et sur les légionnaires étrangers, se heurtèrent à la résistance armée de toutes les forces de la révolution espagnole, de tout le peuple espagnol, groupé dans les rangs du Front populaire autour du gouvernement républicain.

Il est hors de doute que sans l’intervention des, Etats fascistes, sans les armes, les avions et les troupes régulières qui ont été mis à la disposition des généraux rebelles par Hitler et Mussolini, le peuple espagnol aurait depuis longtemps débarrassé son pays des brutes fascistes.

Les faits, déjà connus de chacun montrent que les généraux rebelles n’auraient pas osé entreprendre la guerre contre la République espagnole s’ils n’avaient pas reçu à cet effet les inspirations des Etats fascistes. En réalité, ce complot sanglant contre le peuple espagnol fut préparé et organisé à Berlin et à Rome.

Les fauteurs fascistes de guerre se sont servis des généraux contre-révolutionnaires pour mettre la main sur l’Espagne, sur ses richesses ; sur ses matières premières en vue de l’industrie de guerre, et pour se créer des positions dans la Méditerranée en vue de la nouvelle guerre impérialiste qu’ils préparent.

Hitler et Mussolini comptaient manifestement que les généraux Franco et Mola, servant d’instruments entre leurs mains, réussiraient en quelques jours à s’emparer de Madrid, à abolir le régime républicain et à leur offrir un riche butin sous la forme de l’Espagne dite « nationale ».

Ce qui les confirmait dans cette conviction, c’est certainement le fait que le gouvernement républicain d’alors, en dépit des avertissements répétés du Parti communiste espagnol, n’adoptait pas de mesures radicales contre le complot que préparaient les généraux contre-révolutionnaires et pouvait être pris à l’improviste.

Mussolini et Hitler espéraient que le fascisme pourrait vaincre l’Espagne sans rencontrer de résistance armée sérieuse de la part des masses du peuple, comme ce fut le cas en Italie en 1922 et en Allemagne en 1933.

Mais tous ces calculs étaient complètement erronés. La noix d’Espagne était trop dure pour les dents du fascisme. L’Espagne de 1936 n’était ni l’Italie de 1922, ni l‘Allemagne de 1913.

La rébellion fasciste en Espagne fut déclenchée après la première victoire de la révolution démocratique du peuple espagnol, à un moment où le prolétariat espagnol et les masses du peuple avaient déjà tiré les enseignements des événements d’Italie, d’Allemagne et d’Autriche, où les fondements du Front populaire antifasciste étaient déjà posés.

Du fait qu’elle avait renversé la monarchie moyenâgeuse et instauré la république parlementaire démocratique, la révolution espagnole avait fait jaillir en une inépuisable source les forces du peuple espagnol en lutte avec la contre-révolution, qui apportait le retour à l’ancien régime des propriétaires fonciers et des oligarchies financières.

Pour le peuple, la lutte contre la rébellion fasciste est, pour cette raison, indissolublement liée au maintien et au développement des conquêtes démocratiques de sa révolution contre le régime de moyen âge et d’obscurantisme, contre les propriétaires fonciers, l’aristocratie pourrie et le des officiers contre-révolutionnaires.

C’est quand ils ont constaté l’impuissance de Franco, en présence de la riposte énergique du peuple espagnol, à faire triompher le fascisme à l’aide des Marocains et de la Légion étrangère, que les Etats fascistes ont pris directement en mains la conduite de la guerre contre la République espagnole.

Ce sont, en fait, des détachements des armées allemandes et italiennes, leur artillerie, leurs tanks et leurs avions qui luttent sous Madrid et Guadalajara, sur les fronts nord et sud, contre la vaillante armée républicaine, détruisant les villes, anéantissant les villages, noyant sous des torrents de sang la terre du peuple espagnol. La flotte des Etats fascistes bloque les ports espagnols, les bombarde et les détruit. Madrid, Guernica et Almeria perpétueront à jamais dans la conscience de l’humanité progressive le sinistre souvenir de la barbarie fasciste.

Et plus le peuple espagnol montre d’énergie, d’enthousiasme et d’assurance dans la justice de la cause pour laquelle il lutte, plus il renforce l’année républicaine après chaque provocation nouvelle des envahisseurs fascistes, serrant ses rangs, supprimant les faiblesses et les défauts dans la conduite de la guerre, plus Hitler et Mussolini accentuent cyniquement leur interventions, en déclarant ouvertement qu’ils n’admettront pas l’existence d’une Espagne républicaine.

Traduits dans la langue ordinaire, les derniers articles de Mussolini se résument en cette formule cynique et éhontée : « l’Espagne doit être une colonie fasciste, ou bien elle sera réduite en ruines. »

A la lumière des faits, il est difficile de trouver dans l’histoire politique moderne des pages plus honteuses que la conduite des principaux Etats capitalistes d’Occident, qui se donnent fièrement le nom d’Etats démocratiques, à l’égard du peuple espagnol et de sa lutte pour la liberté et I ‘indépendance.

Au moment où, à la face du monde entier les envahisseurs fascistes font ouvertement une guerre de brigandage en Espagne, ces Etats, et en premier lieu l’Angleterre, jouent depuis près d’un an la farce de lia « non-intervention » dans les affaires d’Espagne et continuent à chercher, même après le rejet du contrôle dit international pat Hitler et Mussolini, des formules transactionnelles, d’accord avec les impudents envahisseurs fascistes.

La Société des nations, dont les statuts contiennent un paragraphe spécial sur les sanctions contre l’agresseur, paragraphe qui prévoit précisément les cas analogues à l’intervention armée faite actuellement par l’Allemagne et l’Italie contre le peuple espagnol, garde un silence obstiné.

Bien qu’il soit évident que les envahisseurs fascistes, s’ils réussissent à asservir l’Espagne, ne tarderont pas à manigancer des rébellions pareilles à celle de Franco en Tchécoslovaquie, en Autriche, au Danemark, en Belgique et dans d’autres pays, la S. d. N., sous la pression de l’Angleterre surtout, évite soigneusement de prendre dans la question espagnole des décisions qui garantissent les droits internationaux du gouvernement constitutionnel de l’Espagne.

De la sorte, elle encourage en fait les envahisseurs et les agresseurs fascistes. Les Etats-Unis démocratiques, avec Roosevelt à leur tête, ont adopté une attitude d’« observateurs impassibles ». Les efforts de l’Union soviétique, qui s’est rangée avec résolution et esprit de suite du côté du peuple espagnol, pour pousser les Etats non fascistes à pratiquer une politique ferme et énergique vis-à-vis des envahisseurs fascistes afin de garantir à l’Espagne républicaine les droits et les possibilités légitimes de défense contre l’ agression et d’exercice de son autorité souveraine sur son propre territoire, n’ont pas donné jusqu’à présent de résultats positifs.

Les intérêts égoïstes des grands capitalistes et des cliques financières d’Angleterre, de France et des Etats-Unis continuent à primer non seulement les intérêts du peuple espagnol de la sauvegarde de la paix, mais aussi les véritables intérêts et l’avenir de leurs propres peuples.

Tableau étrange, qui doit faire sérieusement réfléchir tout ouvrier et tout partisan de la démocratie et de la paix !

Au moment où les Etats fascistes agissent de concert contre la République espagnole, où Berlin Rome et Tokyo préparent méthodiquement, pas à pas, une nouvelle guerre mondiale de rapine, où le renforcement de l’intervention de Mussolini et de Hitler en Espagne s’accompagne d’une provocation de la clique militaire japonaise sur l’Amour et d’opérations militaires dans la Chine du Nord, les gouvernements des grands Etats d’Occident discutent sans fin, s’entretiennent sur le plan de « non-intervention » et de « contrôle » qui a fait fiasco, et pratiquent la politique de l’autruche vis-à-vis des envahisseurs, des fauteurs de guerre enragés et forcenés.

On ne saurait admettre que la politique des milieux dirigeants d’Angleterre, de France, des Etats-Unis dans la question espagnole et dans celle de la sauvegarde de la paix réponde aux dispositions, aux sentiments et a la volonté de l’immense majorité du peuple de ces pays. Voilà pourquoi, pour justifier leur politique.

Ils ne cessent d’agiter devant leurs peuples le spectre de la guerre, qui sera soi-disant déclenchée par les Etats fascistes, si les pays non-fascistes de la S. d. N. se dressent résolument contre les envahisseurs.

Mais il est évident, pour quiconque connaît la véritable situation internationale, la situation dans les pays fascistes eux-mêmes et le rapport des forces entre les partisans de la paix et les fauteurs de guerre, qu’il s’agit tout simplement d’une spéculation indigne sur les tendances antiguerrières des grandes masses.

La conquête de l’Espagne n’est-elle pas précisément, pour les Etats fascistes, une des principales conditions de la guerre mondiale qu’ils préparent ? Leur permettre de se consolider en Espagne, c’est les aider à accentuer leurs préparatifs de guerre, c’est transformer ce pays en base d’agression contre la France, c’est les laisser renforcer leurs positions militaires et stratégiques dans la Méditerranée.

La vérité authentique, dans cette question, est que la défaite du peuple espagnol centuplerait la menace de guerre et hâterait considérablement le déroulement de la guerre par les agresseurs fascistes.

La victoire du peuple espagnol, par contre, dresserait une nouvelle barrière contre le déclenchement de la guerre. Ceux qui veulent sérieusement le maintien de la paix doivent tout faire pour que les envahisseurs fascistes soient expulsés d’Espagne dans le plus bref délai possible et pour que le peuple espagnol puisse assurer sa liberté et son indépendance.

Lloyd George lui-même, bien qu’admirateur de Hitler, n’a pu nier cette vérité. Dans un discours qu’il a prononcé dernièrement sur la question espagnole à la Chambre des Communes, il a déclaré : « On dit que, si nous montrons de la fermeté à l’égard de Berlin et de Rome, ce sera la guerre. Je vous dis, moi : Si nous ne montrons pas cette fermeté, ce sera la guerre à coup sûr. »

Une des principales conditions qui permettra aux Etats non-fascistes d’occident d’adopter cette attitude de laisser-faire à l’égard des envahisseurs fascistes, de s’en laver les mains comme Pilate, c’est certainement le fait que, jusqu’à présent, le prolétariat mondial n’a pas réussi à agir en commun et dans la plénitude de ses moyens pour faire aboutir les revendications les plus importantes en faveur du peuple espagnol : « retrait immédiat des forces armées d’intervention, italiennes et allemandes, hors d’Espagne ; levée du blocus de La République espagnole ; reconnaissance de tous les droits internationaux du gouvernement légal de l’Espagne ; application des statuts de la S. d. N. aux agresseurs fascistes qui ont attaqué le peuple espagnol.

Ces revendications, posées, dans leurs lignes essentielles par l’Internationale communiste bientôt après le début de la rébellion fasciste en Espagne, ont été, par la suite, proclamées également par l’Internationale ouvrière socialiste. Ce sont incontestablement les revendications de tout ouvrier conscient, de tout honnête partisan de la paix.

Le prolétariat international est indéniablement aux côtés du peuple espagnol contre les rebelles et les, envahisseurs fascistes. Il a manifesté et continue à manifester sa solidarité avec les combattants espagnols. Il ne se borne pas à les aider matériellement, à leur envoyer des vivres et des ambulances. Une partie de ses meilleurs fils combat, sur les fronts de Madrid, de Guadalajara et ailleurs, dans les rangs de I ‘armée républicaine.

Mais tout cela est loin d’être suffisant. Le mouvement ouvrier international, ses organisations politiques et syndicales ne peuvent estimer avoir rempli leur devoir ir envers le peuple espagnol et la défense de la paix « avant d’avoir obtenu ; la garantie des droits internationaux de la République espagnole et la cessation de l’intervention fasciste en Espagne. »

A cet effet, il est nécessaire d’intensifier de toute façon une campagne effective de solidarité en faveur du peuple espagnol dans tous les pays.

Il faut mobiliser toutes les forces pour rendre impossible la politique de Laisser-faire à l’égard des envahisseurs fascistes. Il faut comprendre que l’Angleterre joue le rôle principal en Europe sous ce rapport, et que, de ce fait, la classe ouvrière d’Angleterre, le peuple Anglais sont particulièrement responsables des destinées du peuple espagnol et du maintien de la paix. On ne saurait tolérer certains actes scandaleux, comme celui du leader labouriste Lansbury qui, une « feuillé de vigne » à la main, va s’incliner devant Hitler et Mussolini, et celui du Secrétaire général des Trades-Unions, Citrine, qui reprend les refrains de Chamberlain et d’Eden pour endormir l’opinion publique anglaise au moment où les hordes fascistes d’Italie et d’Allemagne font couler le sang du peuple espagnol et détruisent les villes et les villages d’ Espagne.

Pour assurer une défense efficace du peuple espagnol et de la paix internationale, « il faut absolument une action commune et unanime de toutes les organisations internationales de la classe ouvrière. »

Qu’on ne dise pas que cette action unanime est impossible. Il est vrai que bien des obstacles se dressent sur ce chemin.

Il y a, au sein de l’International ouvrière socialiste et de la Fédération syndicale internationale, des leaders et des groupes qui, mus par des considérations qui n’ont rien à voir avec les intérêts du, prolétariat international et du peuple espagnol, se prononcent contre l’unité d’action des organisations ouvrières internationales et menacent même de quitter l’internationale socialiste en cas d’acceptation d’un pacte d’unité d’action avec l’Internationale communiste.

Mais faut-il vraiment considérer pareille situation « comme établie une fois pour toutes et non sujette à changements ? Il faut écarter les obstacles et non capituler devant eux. Il faut placer les intérêts du prolétariat international de la cause de la défense de la paix, qui coïncident avec les intérêts dit peuple espagnol, au-dessus des considérations de personnes et de groupe. »

Les entrevues des représentants de l’Internationale communiste et de l’Internationale socialiste Annemasse et à Paris ont montré que les deux parties sont d’accord pour les revendications essentielles visant à la défense du peuple espagnol et au maintien de la paix.

Pourquoi, dès lors, ne pas faire la seule chose qui puisse rapidement et sûrement à la réalisation de ces revendications : organiser une action commune des organisations ouvrières internationales sur toute la ligne et utiliser unanimement toutes les forces de réserves dont dispose le mouvement ouvrier mondial ?

Au jour anniversaire de la lutte héroïque du peuple espagnol, devant les progrès sinistres de l’intervention fasciste en Espagne et de la nouvelle agression japonaise dans la Chine du Nord, cette question se pose devant chaque organisation ouvrière, devant chaque militant du gouvernement ouvrier, devant tous les partisans de la démocratie et de la paix, « avec la plus grande acuité et demande une solution pratique ».

Au cours d’une année de combats continus et acharnés, le prolétariat espagnol a su sauvegarder les conquêtes de la révolution démocratique, consolidé l’unité dans les rangs du Front populaire, assurer la création d’une armée populaire républicaine qui compte un demi-million d’hommes et lutte héroïquement. Il fraye la voie à son parti politique unique et à la fusion de ses syndicats. Il travaille sans répit à assurer toutes les conditions intérieures nécessaires pour la victoire définitive sur le fascisme.

Le prolétariat espagnol qui, avec le parti communiste à sa tête, marche aux premiers rangs de son peuple, rempli à son honneur le devoir qui lui incombe aux avant-postes de la lutte contre la réaction mondiale et le fascisme. Le prolétariat mondial, de son côté, doit remplir « jusqu’au bout sont devoir » en vers son glorieux détachement espagnol.

C’est pourquoi les communistes, en intensifiant de toutes les façons leurs propres actions pour la défense du peuple espagnol et de la paix, « ne se lasseront pas d’indiquer encore plus opiniâtrement la nécessité impérieuse de l’unité d’action du mouvement ouvrier international et de lutter de, toutes leurs forces pour la réalisation de celte unité dans le plus bref délai.

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Dolores Ibarruri (La Pasionaria): Des milices à l’armée régulière

Notre Espagne, l’Espagne des romances et des légendes, est un pays singulier, qu’il est difficile de comparer à aucun autre.

La fierté de son peuple, son courage devant la souffrance, sa vaillance devant des ennemis supérieurs, sa confiance en lui-même, son mépris de la mort, unis à un profond sentiment d’indépendance et de liberté, ont fait qu’à toutes les époques, lorsque les guerres d’invasion et de conquête, ou les guerres civiles, ensanglantèrent le sol de l’Espagne, des entrailles mêmes du peu pile sont sortis des hommes qui, par leurs hauts faits, par leur courage, par leurs dons, par leur indomptable vaillance, sont passés à la postérité couvert de gloire et de popularité.

Des guérilleros, des francs-tireurs sans aucune formation militaire, deviennent, au feu des luttes quotidiennes, des généraux consommés et, avec des soldats aussi audacieux qu’eux-mêmes, défont les meilleures armées du monde.

Le peuple espagnol est une source inépuisable de courage et d’abnégation. Aux heures critiques pour la patrie, il s’est dressé pour lutter avec une vaillance admirable et offrir le sacrifice de sa vie avec une simplicité spartiate.

Ses navigateurs sillonnèrent l’océan Atlantique et découvrirent un monde nouveau. Ses soldats portèrent si haut le renom de l‘Espagne, ils la firent si grande et si puissante, que « le soleil ne se couchait jamais » dans son empire.

Ses écrivains, ses savants, ses artistes, la couvrirent de gloire. Ses fils et ses filles furent toujours un exemple magnifique d’héroïsme, de vaillance et d’abnégation.

De cette Espagne, de ce peuple admirable qui apporta au monde la science, la civilisation, l’art et la culture, les grands propriétaires féodaux, le clergé, la caste militaire aristocratique, les caciques, firent un peuple pauvre, triste et arriéré. Durant plusieurs siècles, vivant du souvenir de ses grandeurs passées, il alla en descendant l’échelle de la civilisation et du progrès.

Les héritiers, les descendants de ceux qui, ruinèrent l’Espagne, qui la disqualifièrent dans le concert des nations importantes du monde, pensèrent pouvoir continuer la politique esclavagiste de leurs ancêtres, Ils crurent que la domination et l’oppression auxquelles, durant des siècles, ils avaient soumis les masses populaires espagnoles, avaient ruiné leurs énergies, avaient fait d’elles un immense troupeau qu’il serait facile de domestiquer, de marquer au fer infamant de la domination fasciste.

Ils se trompaient. Les glorieuses traditions d’héroïsme du peuple restaient une réalité vivante sous les décombres de cette Espagne qui fut un jour reine du monde. Le soulèvement du groupe de généraux traîtres, alliés au fascisme étranger, fut comme le souffle qui dispersa les cendres sous lesquelles ardait la vaillance indomptable de l’âme populaire.

Et le monde stupéfait contempla un spectacle merveilleux. Un peuple pauvre, opprimé, arriéré, se dressa tel un géant et fit reculer ceux qui pensaient qu’il serait facile de lui imposer leur domination.

Les factieux avaient bien préparé le terrain. Deux années de gouvernements réactionnaires leur avaient permis d’occuper des positions maîtresses, de s’emparer des ressorts du pouvoir, d’avoir en main la majorité de l’armée.

Le 18 juillet 1936, tout l’appareil de l’Etat fut brisé. Le pouvoir fut dans la rue. Et c’est alors qu’on vit toute la grandeur de notre glorieux peuple, qui sut recréer l’appareil de l’Etat et donna ces légions d’hommes, ces légions de héros, qui défendent avec une si prodigieuse énergie le sol de leur patrie, leurs libertés, et le droit de la République espagnole que le fascisme tente d’étrangler…

C’était aux premiers jours de l’insurrection. Une part de l’Espagne saignait sous la sauvage emprise de la réaction triomphante. La surprise, la félonie des traîtres qui, au premier moment, se présentèrent en arborant le drapeau de la République, avaient semé le désarroi dans les masses populaires qui, indécises, avaient peine à comprendre de quoi il s’agissait. Les factieux profitèrent de cette confusion pour soumettre quelques provinces. Pourtant, ils n’y parvinrent pas sans que des groupes d’ouvriers, de paysans, d’intellectuels, de soldats, ne luttassent et ne mourussent en défendant la République, en défendant la démocratie.

Dans le reste de l’Espagne, en particulier là où l’éducation politique des masses était plus poussée, les travailleurs, attachés à la démocratie et à l’indépendance de l’Espagne, pleins de haine pour le fascisme, unis aux classes moyennes et à la petite bourgeoisie, se dressèrent en un élan de généreuse abnégation.

Les partis et les organisations syndicales appelèrent le peuple à la lutte, et le peuple répondit de manière unanime. Un groupe de militaires de métier, loyaux à la République, restés au côté du gouvernement, se mirent à la tête de des colonnes hétérogènes d’hommes et de femmes, d’enfants même, qui, brûlant d’Indignation, s’élancèrent à l’assaut des repaires des insurgés.

La caserne de la Montagne, le Campamento, Alcalda de Henares, furent les premières forteresses ennemies abattues par le peuple. Il y trouva des centaines de fusils qui servirent à armer les premières forces partant pour la Sierra de Guadarrama afin de contenir l’avance de l’ennemi qui, par les hauteurs de Leon et de Somosierra, tentait d’approcher de Madrid.

Tout était désorganisé. Le groupe de militaires loyaux ne suffisait pas pour encadrer les milliers de volontaires qui voulaient lutter, qui partaient sans armes pour les fronts, décidés à les arracher à l’ennemi ou à attendre qu’un camarade tombe et qu’ils puissent reprendre son fusil ou son escopette.

Durant plusieurs jours, la lutte resta indécise, confuse. Mais l’apparition d’avions italiens et allemands dans le ciel de l‘Espagne, l’aide délibérée de l’Italie et de l’Allemagne aux insurgés, apportèrent l’éclatante démonstration de ce qui l ne s’agissait pas d’un simple soulèvement réactionnaire, ni d’une mutinerie de caserne.

Il s’agissait de quelque chose de plus grave, de plus sérieux, de plus dangereux. Il s’agissait des pyrites de Huelva du mercure d’Almaden, du fer d’Euzkadi, des fruits et des huiles de Valence et d’Andalousie. C’étaient les Baléares, le Maroc, c’était la domination de la Méditerranée qui étaient en jeu !

C’est tout cela que convoitaient l’Allemagne et l’Italie, et il se trouva des hommes − qui se disent Espagnols − assez misérables et assez lâches pour ne pas hésiter à livrer ces richesses en échange de l’aide étrangère dans leur tentative pour soumettre le peuple espagnol au plus sombre des esclavages, à l ’esclavage fasciste. Les traîtres n’appartenaient pas au peuple. Ils constituaient une caste fermée. Ils étaient les descendants de ces militaires, de ces aristocrates qui, durant la guerre d’indépendance de 1808, trahirent et livrèrent l’Espagne en se soumettant à Napoléon, tandis qu’à Baylen et à Gérone, à Saragosse et à Madrid, le peuple conquérait au prix de flots de sang la liberté et l’indépendance de son pays.

Le parti communiste fut le premier à sonner l’alarme.

Ce n’est pas seulement une guerre contre les fascistes espagnols − écrivait le Mundo Obrero, 0rgane central du parti communiste, quelques jours après l’insurrection − mais une nouvelle guerre d’indépendance. Et pour faire face aux unités militaires que le fascisme international envoie contre notre peuple, il faut que nous organisions notre propre armée.

Cette nécessité impérieuse de la lutte, notre gouvernement ne la comprit pas, comme ne la comprirent pas non plus les autres organisations et partis. La C.N.T. combattit de longs mois durant notre mot d’ordre de création de l’armée régulière. « L’Espagne est le pays des francs-tireurs, déclarait-on, et nous n’avons pas besoin d’armée. »

Aussi bien les ministres républicains qui se succédèrent au gouvernement que le socialiste Largo Caballero perdirent, par leur incompréhension, un temps précieux, qui nous eût été fort nécessaire.

Mais le parti communiste ne se contenta pas de lancer le mot d’ordre de la création d’une armée régulière. Il commença à l‘organiser, dans la mesure de ses possibilités, en créant le Ve Régiment.

Aux derniers jours de juillet 1936, immédiatement après la prise de la caserne de la Montagne, le parti communiste commença à organiser les milices populaires, formations d’un type entièrement original. Ce n’était pas encore l’armée régulière, mais c’en était l’embryon, le commencement d’une organisation militaire uniformisée, disciplinée, dotée d’un commandement régulier.

Tous les partis et toutes les organisations constituèrent leurs propres milices. La C.N.T., l’U.G.T., le parti socialiste, les partis républicains. Tous rivalisèrent d’ardeur pour donner des soldats, des hommes et des femmes pour les fronts.

En différents points de Madrid, des casernes furent organisées. Cet exemple fut suivi dans le reste de L’Espagne. On y vît accourir des hommes et des femmes de toutes les tendances, de tous les âges. Ils voulaient se battre…

Ils voulaient apprendre le maniement des armes, ils désiraient ardemment recevoir une instruction militaire, ils demandaient avec ferveur qu’ont les envoyât sur les fronts. Les militaires de métier se rendirent dans ces casernes pour y éduquer et préparer militairement les travailleurs. Les premiers bataillons de milices s’organisèrent. Certains d’entre eux furent bientôt populaires pour leur héroïsme, pour leur vaillance dans les combats, vaillance et héroïsme que le peuple exalta en de belles chansons. Ils se rendirent célèbres par leur mépris de la mort. Dans les fabriques comme au champs, dans les rues et sur les places, les ouvriers et les paysans, les enfants et les jeunes gens, entonnaient l’hymne des miliciens…

Les bataillons d’acier
En chantant vont à la mort…

En quelques jours, les milices populaires croissent rapidement. Le Ve Régiment forme les bataillons suivants :

« Loyal », « Jeunesses ouvrières et paysannes », « Octobre », Thaelmann », « Fer », « Lions rouges », « Balles rouges », « Boulangers », « La Plume », « Fédération des étudiants », « Asturies », « Condes », « Benito », « Leningrad », « Commune de Paris », « Commune de Madrid » « Marins de Cronstadt », « Jaen », « Lister », « P. U. A. » − toutes les glorieuses « compagnies de fer », numéros 1 à 33.

En plus de ces bataillons, le parti communiste constitue la « Colonne Mangada », la « Colonne Galan », où combat le « Campesino », qui est aujourd’hui l’un des chefs militaires les plus populaires, et la « Colonne Perea ». Certains des bataillons cités plus haut sont créés par les Jeunesses.

Aux côtés de ces forces constituées au sein du Ve Régiment et des Jeunesses, luttaient les colonnes de la C.N.T., de la F.A.I. et les milices du parti socialiste.

Les organisateurs des milices populaires ne se bornèrent pas à les former en unités de caractère militaire. Ils organisèrent en même temps un travail d’éducation politique, publiant des journaux dont certains, comme la Milicia Popular, atteignit bientôt un tirage quotidien de 75.000 exemplaires.

Chaque bataillon eut son journal. Dans les casernes et dans les tranchées, des journaux muraux furent créés. Les milices populaires les plus importantes et les plus remarquables étaient celles du Ve Régiment, et elles servirent d’exemple à celles créées par tous les partis et organisations. Ces milices organisèrent un Service militaire de santé et une Intendance qui servirent plus tard de modèles pour Les services de l‘armée. Elles organisèrent les premières bases d’une industrie de guerre, qui se mit à fabriquer des bombes, des munitions diverses, des autos blindées. On créa des ateliers fixes et volants pour la réparation des armes.

Des hôpitaux modèles, des maisons de repos, des sanatoria, des homes pour les orphelins de miliciens, des ateliers de couture, des écoles de préparation militaire technique, des centres de lutte contre l’analphabétisme, furent également créés. Des groupes d’admirables artilleurs furent formés. On organisa les premiers bataillons de cavalerie. On prépara les ouvriers et les paysans à entrer dans les écoles techniques supérieures.

C’est des milices du Ve Régiment que sortirent les premiers aviateurs. Ces hommes, qui jusque-là ne connaissaient que le maniement de leur antique charrue, tiennent aujourd’hui les commandes des avions républicains avec une adresse consommée et une maîtrise qui ne le cède en rien à celle des aviateurs sortis des écoles de préparation aéronautique des pays capitalistes.

Les premiers tankistes, les groupes d’« antitankistes », les « dinamiteros » (création originale de la guerre du peuple espagnol), le premier bataillon de femmes, les premières Centuries internationales, les groupes de francs-tireurs qui, dans le camp ennemi , ont mené et continuent à mener un admirable travail, luttant les armes à la main et sabotant les mines, les centrales électriques, les ponts, les chemins de fer, les fabriques, etc. − toutes ces formations furent préparées, organisées, éduquées dans les casernes du Ve Régiment.

Les milices réalisèrent un intense travail d’agitation et de propagande. Elles publièrent des centaines de milliers de manifestes, d’affiches. Elles organisèrent le travail de propagande dans le camp ennemi.

Elles assurèrent leur union avec les populations de l’arrière en organisant d’innombrables manifestations de propagande, des représentations théâtrales, cinématographiques, des émissions radiophoniques. Elles formèrent des brigades de choc pour aider les paysans lors des semailles et des moissons. Elles établirent d’étroites relations avec les ouvriers des fabriques. Elles devinrent l’âme même du peuple, ses animatrices, prêtes à tout pour le défendre.

Quatre bataillons des milices, « Leningrad », « Cronstadt », « Commune de Paris » et « Madrid », arrêtèrent l’avance de l’ennemi aux portes mêmes de la capitale de la République.

La création des commissaires politiques (délégués, comme ils s’appelaient dans les milices) fut la conséquence logique des caractères politiques particuliers des milices.

Le parti communiste, défenseur enthousiaste et dévoué du Front populaire, donna aux milices qu’il organisait un caractère d’unité bien marqué. Cependant, chaque jour qui passait faisait apparaitre plus clairement la nécessité de la création d’une armée régulière, d’autant plus que l’absence d’un commandement centralisé et les différentes tendances idéologiques qui dirigeaient et inspiraient tout le travail et la vie des milices, provoquaient parfois des heurts et des frictions bien propres à diminuer l’efficacité combative de nos forces.

Nos hommes luttaient sans plan organisé, contre des années puissantes, des chefs militaires sachant organiser et diriger la guerre. C’est ainsi que nous subîmes les défaites du Nord, les déroutes de Malaga et de Tolède. Chez nos soldats, tout était enthousiasme, courage, esprit de sacrifice, abnégation, mais aussi absence de moyens techniques. Chez l’ennemi, il y avait la science militaire, une discipline de fer, une organisation, un abondant matériel de guerre.

Instruites par les dures leçons des luttes de chaque jour, grâce aussi au dévouement des militaires professionnels et à l’aide de tous les partis et organisations, particulièrement du parti communiste, nos milices se transformèrent, au feu même des combats, en organisations militaires de plus en jour plus disciplinées, plus conscientes.

En même temps que les milices populaires, les unités militaires qui avaient subsisté après l’insurrection, se développaient puissamment, grâce aux renforts et à l’incorporation de nombreux volontaires, venus des villes et des champs combattre pour la défense des libertés populaires, L’existence parallèle des milices et de des restes de l’armée constituait un obstacle à la réalisation systématique de grandes opérations.

Le 21 octobre 1936, répondant à l’ardent désir de la majorité des milices, qui voulaient être considérées comme des unités régulières de l’armée, Largo Caballero publiait un décret incorporant à l’armée régulière toutes les milices qui existaient alors. Leurs chefs furent, mis sur un pied d’égalité avec les officiers de métier de l’armée.

L’incorporation des milices aux formations régulières eut pour effet de créer une armée d’une nature foncièrement différente de celle de l’armée espagnole d’avant l’insurrection fasciste. Les milices apportèrent à l’armée toute la sève, la vigueur et l’enthousiasme du peuple.

Le corps des commissaires politiques qui avait été l’âme et l’esprit des milices populaires, fut également incorporé à l’armée régulière, où, comme au sein des milices, les commissaires, par leur travail dévoué, héroïque, inlassable, font de chaque soldait, de chaque chef, un ferme combattant de la liberté et de la démocratie.

Tous les chefs et les officiers de l’Armée populaire régulière de l’Espagne savent qu’ils luttent non seulement pour l’indépendance de leur pays, pour libérer notre patrie de l’Invasion fasciste, mais aussi pour jeter les bases d’une Espagne nouvelle.

Tous savent qu’ils luttent pour qu’en Espagne il n’y ait plus de paysans sans terre, pour qu’on ne voie pas ressusciter les caciques, pour que les ouvriers jouissent d’une vie de dignité et de culture, pour que les femmes ne soient pas les éternelles esclaves, pour que soient abolis les castes et les privilèges d’une minorité.

L’armée est en marche. Et l’armée de l’Espagne républicaine n’est plus la vieille armée où les hommes étaient, tout juste bons à servir de chair à canon, une armée avec laquelle personne ne comptait en cas de guerre. Aucune armée du monde capitaliste n’offre le merveilleux spectacle que donne la nôtre. Sur la ligne même du feu, les milices de la culture se dépensent, sans compter pour lutter contre l’analphabétisme, et les hommes qui ont appris à lire et à écrire au front se comptent par milliers.

Nos soldats ne sont plus les miliciens des premières semaines, déguenillés, mal armés, indisciplinés, pleins d’héroïsme et dénués de préparation militaire. Ce sont des soldats redoutables qui unissent à leur vaillance et à leur héroïsme une préparation militaire poussée, une connaissance technique de la guerre qui leur a permis d’anéantir les divisions allemandes à Jarama, d’écraser les unités italiennes à Guadalajara, de conquérir Brunete, Villanueva del Pardillo, Villanueva de la Canada et tant d’autres localités.

Ce sont les soldats de l’armée régulière qui ont conquis Belchite, Quinto et Codo ; ce sont eux, les braves qui remportèrent la victoire de Teruel et qui résistent aujourd’hui avec sérénité à la furieuse offensive des forces fascistes.

Nous avons une armée, et nous pouvons dire avec un légitime orgueil que c’est une armée sortie du peuple et au service du peuple. Une armée qui est l’expression même du Front populaire. Une armée résolue à poursuivre les glorieux exploits de ses premières grandes victoires, une armée qui a une âme, une armée qui vit, une armée qui se bat aujourd’hui avec un héroïsme exemplaire pour l’Espagne, pour la démocratie, pour la paix du monde.

Nous avons créé cette armée en luttant non seulement contre les fascistes espagnols et leurs alliés allemands et italiens, mais aussi, chose plus douloureuse, contre l’indifférence et la trahison des pays qui se disent démocratiques.

Nous avons plus d’un demi-million d’hommes sous les armes. Nous avons la possibilité d’atteindre le million, Nous disposons de réserves inépuisables. En même temps que nous nous défendons, que nous défendons notre sol, nous avons créé une industrie de guerre aujourd’hui en plein développement.

Nous n’avions pas de tanks ; aujourd’hui nous avons des régiments de tanks et de chars d’assaut. Nous n’avions pas d’aviation ; nous en avons une aujourd’hui, et des pilotes capables de rivaliser avec les meilleurs du monde. Nous n’avions pas de moyens de transport ; nous avons aujourd’hui des milliers de camions qui circulent sur tous les fronts et toutes les routes d’Espagne. Nous n’avions pas d’artillerie ; nos artilleurs et nos batteries jouent aujourd’hui un rôle décisif dans les combats.

Nous avons réorganisé notre cavalerie, et nous avons aujourd’hui d’importantes unités de cette arme. Nous n’avions pas assez d’officiers, et en une année et demie de guerre de nouveaux cadres ont été formés, qui n’ont rien à envier aux hommes sortis des anciennes académies militaires.

La tradition n’a pas été rompue. L’Espagne continue à être une source inépuisable de héros. Nous ressentons une profonde fierté à l’idée que nous avons des hommes tels que le général Miaja, défenseur de la capitale de la République ; tels que le général Rojo, artisan de la victoire de Teruel ; tels qu’Hernandez Sarabia, Pozas, Cordon, Estrada, Burillo, Marquez, les frères Galan, Vivancos, chefs et officiers loyaux de notre armée : tels que Lister, Modesto, El Campesino, Carton, Toral, Durutti, Mera, et tant d’autres, dont les noms formeraient une liste interminable. Nous sommes fiers de l’héroïsme obscur et silencieux de nos commissaires qui sont « les premiers à avancer, les derniers à reculer ».

Nous avons aujourd’hui plus confiance que jamais dans le triomphe de notre cause. Notre confiance s’appuie nom seulement sur le sentiment de la justice de la cause que noms défendons, mais aussi sur la force de notre armée, sur notre potentiel militaire. Nous combattons à l’avant-garde de la lutte de la démocratie mondiale contre le fascisme.

Les sacrifices ne nous importent pas. Nous souhaitons seulement que les pays qui se sont contentés jusqu’ici de nous témoigner une admiration platonique, comprennent la responsabilité historique qui pèse sur eux et se décident une fois pour toutes à mettre un terme à leur politique de concessions et de tergiversations face aux fanfaronnades du fascisme. Le fascisme n’est fort que pour autant que ses adversaires se montrent faibles.

L’Espagne donné l’exemple. Notre peuple montre aux démocraties le chemin qui conduit à la victoire.

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Dolores Ibarruri (La Pasionaria) – ¡No pasarán!

[Dolores Ibarruri (La Pasionaria), ¡No pasarán!, 19 juillet 1936, Appel effectué du balcon du ministère de l’intérieur à Madrid]

Ouvriers ! Paysans !

Antifascistes ! Espagnols patriotes !

Face au soulèvement militaire fasciste, tous debout ! Défendons la République ! Défendons les libertés populaires et les conquêtes démocratiques du peuple !

Par les communiqués du gouvernement et du Front populaire, le peuple connaît la gravité du moment actuel.

Au Maroc et aux Canaries, les travailleurs sont en lutte aux côtés des forces restées fidèles à la République, contre les militaires et les fascistes insurgés.

Au cri de :  » Le fascisme ne passera pas, les bourreaux d’octobre ne passeront pas ! »…

Les ouvriers et les paysans de diverses provinces d’Espagne s’incorporent à la lutte contre les ennemis de la République. Les communistes, les socialistes et les anarchistes, les républicains démocrates, les soldats et les forces demeurées loyales à la République ont infligé les premières défaites aux factieux qui traînent dans la boue de la trahison l’honneur militaire dont ils se glorifiaient tant.

Tout le pays vibre d’indignation devant ces misérables qui veulent plonger l’Espagne démocratique et populaire dans un enfer de terreur et de mort. Mais ils ne passeront pas ! 

L’Espagne entière s’apprête au combat. A Madrid, le peuple est dans la rue, soutenant le gouvernement et le stimulant avec son énergie et son esprit de lutte, pour que les militaires et les fascistes insurgés soient totalement écrasés. Jeunes, préparez-vous au combat !

Femmes, héroïques femmes du peuple ! Souvenez-vous de l’héroïsme des femmes des Asturies en 1934. Luttez vous aussi aux côtés des hommes pour défendre la vie et la liberté de vos enfants que le fascisme menace !

Soldats, fils du peuple ! Restez fidèles au gouvernement et à la République, luttez aux côtés des travailleurs, aux côtés des forces du Front populaire, aux côtés de vos parents, de vos frères et de vos camarades ! Luttez pour l’Espagne du 16 février, luttez pour la République, aidez-les à vaincre !

Travailleurs de toutes tendances ! Le gouvernement met entre vos mains des armes pour sauver l’Espagne et le peuple de l’horreur et de la honte que représenterait la victoire des bourreaux d’octobre couverts de sang. Que nul n’hésite ! Soyez tous prêts pour l’action ! Chaque ouvrier, chaque antifasciste doit se considérer comme un soldat en armes.

Peuples de Catalogne, du Pays basque et de Galice ! Espagnols de partout ! Défendons la République démocratique, consolidons la victoire obtenue par le peuple le 16 février.

Le Parti communiste vous appelle au combat. Il appelle tout spécialement les ouvriers, les paysans, les intellectuels à occuper un poste de combat pour écraser définitivement les ennemis de la République et des libertés populaires.

Vive le Front populaire ! Vive l’union de tous les antifascistes ! Vive la République du peuple ! Les fascistes ne passeront pas ! Ils ne passeront pas ! [¡No pasarán!]

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La guerre d’Espagne: trahison et déroute de la République

L’union UGT-CNT et le renforcement de l’unification des forces dans le régime républicain ne pouvaient pas aller sans contradictions, dont la première victime fut Francisco Largo Caballero. Son positionnement visant à placer le PSOE comme seul guide au-delà de la mêlée ne pouvait plus fonctionner après la crise de 1937, qui le voit être remplacé par Juan Negrín, également du PSOE.

Ce dernier était moins à gauche politiquement, mais il était un fervent partisan de l’unité républicaine, de l’unification des forces, de leur rationalisation.

Juan Negrín

Son nouveau gouvernement, en mai 1937, fut composé de trois membres du PSOE, deux de la Gauche Républicaine, un de la Gauche Républicaine de Catalogne, un du parti de l’Union Républicaine, deux du PCE, un du PSUC, un du Parti Nationaliste Basque, la CNT préférant rester à l’écart le temps en quelque sorte de « digérer » la situation, avant donc de revenir en avril 1938.

Ce gouvernement d’avril 1938 se composait comme suit : quatre ministres PSOE (Premier ministre ainsi que Défense nationale, État, Intérieur, Justice), un du PCE (Agriculture), un de la CNT (Santé publique et Éducation), trois de la Gauche Républicaine (Finances et Économie, Travaux publics et un sans portefeuille), un de la Gauche Républicaine de Catalogne (Travail et Assistance sociale), un du parti de l’Union Républicaine (Communications et Transports), un du Parti Nationaliste Basque (sans portefeuille).

Cette disposition reflétait l’esprit d’union, dans un esprit républicain, avec en arrière-plan la CNT et l’UGT formant le noyau dur du régime, ce qui devait s’accompagner pour ces syndicats, bien sûr, d’une avancée sociale formidable lorsque la victoire serait atteinte. Le PCE était le fer de lance de cette opération de modernisation de la République, afin d’en faire un bastion imprenable.

Le poing levé rapproché de la tête, symbole du Front populaire

Juan Negrín apparaissait ainsi comme celui qui tenta de sauver la mise coûte que coûte, en profitant de l’unification des forces politiques pour renforcer l’économie de guerre et se maintenir en considérant que la Seconde Guerre mondiale, qui ne pouvait être qu’imminente, modifierait les rapports de force ; la République sachant se maintenir, vaille que vaille, si l’Espagne n’avait plus le soutien germano-italien.

C’est la raison pour laquelle fut décidé le départ des Brigades Internationales, comme opération diplomatique internationale appelant au désengagement, et que son programme en Treize points, du 30 avril 1938, visait à l’unité la plus large et se voulait un programme d’accord faisant vaciller le camp de l’armée franquiste :

  1. Assurer l’indépendance absolue et la totale intégrité de l’Espagne
  2. Départ des troupes étrangères
  3. République démocratique avec un gouvernement jouissant de toute l’autorité
  4. Référendum pour déterminer la structure juridique et sociale de la République espagnole
  5. Libertés régionales sans nuire à l’unité espagnole.
  6. Liberté de conscience et de culte garantie par l’état
  7. Garantie de la propriété légitime et protection des moyens de production
  8. Démocratie paysanne et abrogation de la propriété semi-féodale
  9. Législation sociale qui garantit les droits du travailleur
  10. Amélioration culturelle, physique et morale de la race
  11. Armée au service de la nation, sans l’influence des partis
  12. La guerre n’est plus considérée comme instrument de la politique nationale
  13. Amnistie large pour les Espagnols qui veulent reconstruire et fortifier l’Espagne

L’armée de Franco, bien supérieure militairement, comptait toutefois aller jusqu’au bout ; Juan Negrín le savait et résumait par conséquent sa pensée ainsi :

« Continuer de se battre, parce qu’il n’y avait pas d’autres choix, même si vaincre n’était pas possible, sauver donc ce qui pouvait l’être – et au bout du compte notre respect de soi-même… Pourquoi continuer de résister ? Simplement parce que nous savions ce que la capitulation signifierait. »

En décembre 1938, le gouvernement fut obligé de quitter Barcelone pour Gérone, puis pour Figueras, les troupes franquistes envahissant en deux mois la Catalogne, provoquant une fuite de 400 000 personnes vers la France.

Dans la foulée, la Grande-Bretagne et la France, qui avaient pratiqué un blocus maritime de « non-intervention », reconnurent le régime. Le maréchal Pétain devint le nouvel ambassadeur de France en Espagne et les accords Bérard-Jordana franco-espagnols furent mis en place, établissant une sorte de bon voisinage diplomatique.

L’esprit de capitulation prédomina alors dans le reste du territoire républicain. Julián Besteiro, un socialiste tentant d’amener les Britanniques à promouvoir une sorte de compromis, et le militaire Segismundo Casado, organisèrent une junte militaire afin de renverser le régime.

Un Consejo de Defensa Nacional (Conseil de Défense National) fut érigé en mars 1939, appelant à la capitulation, ce que réfutaient Juan Negrín, tant qu’il n’y avait pas de garanties certaines, et bien sûr les communistes, qui furent alors les grandes cibles militaires du coup d’État, notamment à Madrid, où fut même exécuté Luis Barceló, dirigeant du premier corps d’armée du Centre.

Le coup de force réussit, au prix de 2000 morts, avec l’appui de la CNT (et notamment du militaire Cipriano Mera qui dirigea l’écrasement des communistes à Madrid), et de l’aile droite de l’UGT, nommant chef du gouvernement le général José Miaja. Mais Franco refusa quoique ce soit d’autre que la capitulation totale.

La zone républicaine en février 1939

Le 1er avril 1939, Franco put ensuite annoncer la victoire finale, alors que furent exécutés 50 000 personnes dans la foulée, 500 000 autres étant emprisonnées.

Quant au coup d’État, il eut tout de même le mérite du point de vue franquiste de dédramatiser la fin de la République, de la transformer en capitulation politique.

Il est significatif sur ce plan que le cénétiste Cipriano Mera fut par la suite gracié et expulsé par le régime fasciste de Franco en 1946, qu’un bateau anglais amena José Miaja au Mexique avec sa famille, tandis que Segismundo Casado exilé en Amérique latine put revenir sans soucis en Espagne dès 1961, tentant même sans succès de réintégrer l’armée.

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La guerre d’Espagne et l’unité CNT – UGT

Ce qui caractérise l’Espagne républicaine, c’est la prédominance de l’esprit révolutionnaire, les masses s’engouffrant dans les organisations de gauche, mais aussi dans les deux syndicats : l’Union General de Trabajadores (UGT) fondé en 1888 et lié au PSOE, la Confederacion National del Trabajo (CNT), fondée en 1910 et ayant comme objectif le communisme libertaire.

Affiche de la CNT :
Dans les champs et les usines, aux syndicats !

La lutte contre le fascisme avait galvanisé les masses, renforçant leur détermination, mais aussi leur conscience de la situation. Deux dynamiques s’entrecroisaient alors, se soutenant et se confrontant.

La CNT était extrêmement puissante en Catalogne, son bastion ; elle représentait, de par sa tradition, une force capable d’organiser. C’était d’une valeur inestimable alors que la société devait se réorganiser.

La décentralisation, source de faiblesse pour la CNT en raison de l’absence de ligne politique claire, s’avérait excellente pour prendre des initiatives à la base, par les milices tout d’abord, la gestion d’entreprises ensuite.

Affiche de la CNT-FAI :
Dans les champs et les usines, aux syndicats !

L’UGT était très faible en Catalogne, mais disposait d’une qualité que la CNT n’avait pas : la liaison avec le PSOE qui permettait une grande capacité politique et donc des choix pouvant être décisifs. Cela est d’autant plus vrai que le PCE participait à cet élan transformant tant l’UGT que le PSOE en organisations révolutionnaires.

En octobre 1937, le comité national de l’UGT avait nommé ses dirigeants, pratiquement tous du PSOE, avec une toute petite minorité du PCE, mais malgré tout avec une tendance essentielle à l’unité.

Camarade : pour l’alliance UGT CNT

C’est cela qui changeait tout, alors que la ligne ultra, avec le POUM et une partie de la CNT, avait été mise de côté. L’unification était inévitable, restait à savoir de quelle manière.

De fait, dès juillet 1937, le principe de systématiser à tous les niveaux du pays les comités UGT-CNT avait été mis en avant par les deux syndicats. Il semblait inconcevable qu’il y ait deux syndicats majeurs, avec tous deux plus d’un million de membres, prétendant avoir les mêmes objectifs révolutionnaires.

Reste que cela posait problème quant à l’unité à réaliser, à l’unification : s’agissait-il d’un saut qualitatif, ou simplement d’un moyen pour la CNT de phagocyter le gouvernement, qui était sous hégémonie du PSOE ?

UGT CNT
Unité ouvrière pour écraser le fascisme

La CNT voulait-elle réaliser un gouvernement syndical, ce que refusaient l’UGT, le PSOE et le PCE ? Inversement, ces dernières accepteraient-elles les exigences de la CNT concernant les initiatives à la base ?

L’unité d’action, décidée en 1938, montre qu’il s’agissait bien, chez tous, d’aller dans le sens de l’unification. L’UGT et la CNT reconnurent le gouvernement, tout en se présentant en quelque sorte comme la colonne vertébrale du régime. Toute une série de meetings fut menée sur le territoire républicain, afin de présenter l’alliance des travailleurs révolutionnaires comme une force essentielle de soutien au gouvernement.

Tant la CNT que la FAI adhérèrent de ce fait au Front populaire, la CNT ayant de nouveau un ministre au gouvernement.

Vers l’unité d’action de la classe ouvrière pour la victoire dans la guerre et dans la révolution des travailleurs d’Espagne, unissons-nous !

C’était une victoire historique pour le mouvement ouvrier, car cela témoignait de la capacité à s’unir face à l’adversité, de se lancer dans la bataille pour la production.

La CNT n’avait plus rien à voir avec une organisation excellente dans son organisation à la base, mais totalement velléitaire dans ses projets, voire franchement aventuriste. A partir du moment où elle avait accepté d’avoir des ministres, elle rompait avec sa culture, s’étant toujours vantée jusque-là de ne jamais avoir eu de permanents.

UGT CNT, une puissance qui en résulte

La CNT avait surtout compris que la situation catalane était particulière, que le reste de l’Espagne connaissait une situation totalement différente, sans parler évidemment des zones dominées par l’armée putschiste, où la terreur assassinait tous les cadres révolutionnaires.

Elle contribuait à la dynamique générale avec sa propre expérience, très riche, d’organisation ouvrière. Cela avait un prix toutefois. L’absence d’expérience politique faisait que la situation exigeait une centralisation que la CNT ne savait pas gérer.

Un comité national fut mis en place, ses décisions données aux comités régionaux tenues clandestines pour des raisons de sécurité, un comité exécutif se chargeant finalement des choix politiques, laissant à la base de simples aspects économiques.

Cela provoqua une cassure historique avec les courants ultras de l’anarchisme, ainsi qu’avec les forces anarcho-syndicalistes dans le monde.

Affiche de la CNT pour l’unité syndicale, avec un foulard rouge et un foulard rouge et noir.

Le PSOE avait de son côté également changé ; la ligne de Largo Caballero était remise en cause : il apparaissait clairement que le PSOE n’était pas en mesure d’agir seul. La conception d’un PSOE menant seul la révolution s’effondrait exactement comme s’était écroulée la social-démocratie autrichienne. Un « parti socialiste » pratiquement communiste sans l’assumer sombrait dans des contradictions fondamentales.

Quant au PCE, tout cela était finalement la clef de voûte de son travail politique : l’unification de toutes les organisations ouvrières, une unité complète des masses, voilà ce qui composait la ligne de l’Internationale Communiste comme base sur lequel devait s’élever un Front populaire (puis une Démocratie populaire).

C’était le sens de la fondation des Juventudes Socialistas Unificadas (JSU), en 1936, avec comme socle l’unification de la Unión de Juventudes Comunistas de España et des Juventudes Socialistas de España.

Il s’agissait d’une dynamique en deux temps : l’unité-unification devait former le noyau d’un régime ayant une démarche républicaine pour ne pas perdre la petite-bourgeoisie ni la bourgeoisie libérale.

Affiche de la Fédération ibérique des Jeunesses Libertaires en faveur de l’unité UGT CNT

Le problème était ici que la position unificatrice du PCE rentrait en conflit avec la ligne de la CNT, qui était de pousser l’UGT à ce que toute la société passe sous la coupe des syndicats. Cela ne posait pas en soi de problèmes au PCE, à part qu’il s’agissait de ne pas s’aliéner les classes non révolutionnaires pourtant alliées au régime pour des raisons historiques, ni non plus de basculer dans ce que le PCE considérait être un « égoïsme syndical ».

Nouvelle Espagne antifasciste

Le grand souci était celui de l’efficacité : dans le cas d’entreprises réduites au niveau familial, la productivité était faible. Dans tous les cas, les collectivisations tendaient à renforcer la décentralisation, ou un basculement vers le syndicat, au lieu de vers le gouvernement central en plein affrontement militaire avec l’armée putschiste disposant désormais d’un vaste territoire.

Le PCE était, pour cette raison, doté d’un grand prestige chez les officiers, chez les diplômés, apparaissant comme ferme militairement, mais temporisant socialement, ce qui rassurait la petite-bourgeoisie et faisait de l’aile droite du PSOE une alliée.

Tout dépendrait donc de la capacité de la CNT à ne pas vouloir aller trop vite, à l’opposé de ce qui avait été le plus souvent fait jusque-là. Le problème fut alors le manque de temps : l’armée putschiste n’avait pas attendu ce gigantesque éclaircissement au sein du camp républicain.

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La guerre d’Espagne et la crise de 1937

Au début de l’année 1937, l’Espagne républicaine est sur la défensive ; elle a su défendre Madrid, elle profitait de l’aide de l’U.R.S.S. et des Brigades Internationales, mais l’initiative restait dans le camp du putsch de Francisco Franco.

Affiche du PSU : Les nuits sont fraîches, travaille pour le front

Le 8 février, l’armée putschiste prenait ainsi l’importante ville de Málaga, pratiquant meurtres et viols en masse, au point d’horrifier l’armée italienne.

Lors de cette bataille, les milices, la plupart anarchistes, n’étaient pas réorganisées dans l’Armée Populaire Républicaine, et n’appliquaient pas des méthodes modernes : on ne trouvait ni tranchées, ni barrages. C’était un exemple, parmi tant d’autres, de l’esprit anarchiste refusant le centralisme et les grades, au profit de l’esprit milicien.

Les forces de l’armée populaire républicaine

L’urgence de la situation accéléra le processus de maturation des contradictions. En avril, la ville de l’indépendance basque, Guernica, fut bombardée par la légion Condor ; elle est prise dans la foulée, tout comme rapidement après Bilbao. C’est ensuite l’Aragon qui tombe, puis la ville de Santander.

L’offensive républicaine pour soulager Madrid dans la bataille de Brunete échoua également ; les Brigades Internationales y virent un tiers de leurs membres tués, un autre tiers blessé ; au total, cette bataille causa la mort de 20 000 personnes du côté républicain (contre 17 000 chez les « nationaux »), avec la perte également de la moitié de l’aviation, pour un gain de 5 km. Le Nord-Ouest de l’Espagne, qui résistait encore, tomba finalement aussi.

Nécrologie dans l’organe du 5e régiment de Buenaventura Durruti, grande figure communiste libertaire, salué ici comme un un héros du peuple

Par contre, la bataille du Jarama, au prix du sang, se termina par un statu quo, empêchant Madrid d’être coupé du Nord-Est encore libre, ce à quoi contribua également la victoire dans la bataille de Guadalajara. L’armée putschiste se rapprocha cependant tellement de Valence, la nouvelle capitale, que le gouvernement républicain dut être évacué en novembre à Barcelone.

Entre-temps, dans cette même ville, l’ultra-gauche avait profité de l’atmosphère de tension pour réaliser un coup de force. Elle profita pour cela du fait que, afin de pacifier cette dernière ville et d’éviter les tensions internes multiples entre la CNT et la République pour le contrôle des patrouilles, la manifestation du premier mai fut annulée.

Affiche du PSU : La cinquième colonne est un péril

En l’absence d’esprit unitaire, la moindre étincelle pouvait provoquer des troubles, qui partirent effectivement, le lendemain, de la prise de contrôle du central téléphonique par les gardes d’assauts républicains en raison du refus fréquent des téléphonistes CNT de faire suivre les messages gouvernementaux, n’hésitant pas à interrompre même le président de la République, le ministre de la marine et de l’Armée de l’air, le président de la Généralité de la Catalogne.

La CNT répondit à la visite des gardes d’assaut par des coups de feu et dans la foulée, sur la principale place, des barricades sont érigées à l’initiative de l’ultra-gauche, composée principalement des « Amis de Durruti », du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, des « léninistes-bolcheviques » et des jeunesses anarchistes.

Des affiches furent collées dans la ville, appelant à l’exécution des dirigeants socialistes et républicains, au nom de la révolution.

Dans les semaines qui précédèrent l’insurrection, les « Amis de Durruti » avaient collé des affiches avec cet appel :

« Agrupación de Los Amigos de Durruti. A la classe travailleuse :

1 – Constitution immédiate d’une Junte révolutionnaire formée par les ouvriers de la ville, de la campagne et par les combattants.

2 – Salaire familial. Carte de rationnement. Direction de l’économie et contrôle de la distribution par les syndicats.

3 – Liquidation de la contre-révolution.

4 – Création d’une armée révolutionnaire.

5 – Contrôle absolu de l’ordre public par la classe travailleuse.

6 – Opposition ferme à tout armistice.

7 – Justice prolétarienne.

8 – Abolition des échanges de personnalité. [N.D.T. : Echange entre Franco et la République de prisonniers antifascistes contre des prisonniers fascistes.]

Travailleurs, attention ! Notre regroupement s’oppose à l’avancée de la contre-révolution. Les décrets sur l’ordre public, soutenus par Aiguadé, ne seront pas appliqués. Nous exigeons la liberté de Maroto et des autres camarades détenus.

Tout le pouvoir à la classe travailleuse. Tout le pouvoir économique aux syndicats.

Contre la Généralité, la Junte révolutionnaire. »

Voici le contenu d’un tract des « Amis de Durruti » du début de mai 1936 :

« CNT – FAI Agrupación de Los Amigos de Durruti.

TRAVAILLEURS !

Une junte révolutionnaire. Exécution des coupables. Désarmement de tous les corps armés. Socialisation de l’économie. Dissolution des partis politiques qui ont agressé la classe des travailleurs.

Ne cédons pas la rue. La révolution avant tout. Nous saluons nos camarades du POUM qui ont fraternisé dans la rue avec nous.

VIVE LA REVOLUTION SOCIALE ! A BAS LA CONTRE-REVOLUTION ! »

Voici le texte d’un tract diffusé au même moment, dans le même esprit, par les bolcheviques-léninistes, c’est-à-dire les trotskystes :

« VIVE L’OFFENSIVE REVOLUTIONNAIRE ! Aucun compromis ! Désarmement de la Garde nationale républicaine et des gardes d’assaut réactionnaires.

C’est le moment décisif. Plus tard il sera trop tard.

Grève générale dans toutes les usines, sauf celles qui sont liées à la poursuite de la guerre, jusqu’à la démission du gouvernement réactionnaire.

Seul le pouvoir ouvrier peut assurer la victoire. Armement total de la classe ouvrière ! Vive l’unité d’action C.N.T.-F.A.I.-P.O.U.M. ! Vive le front révolutionnaire du prolétariat ! Comités de défense révolutionnaires dans les ateliers, les usines et les districts ! »

Cette ultra-gauche proposa à la CNT de renverser le régime, mais celle-ci refusa et appela à cesser tout combat, alors que le PCE fut aux premières loges pour s’affronter militairement au coup de force.

Finalement, la République parvint à pacifier les rues, au moyen de 6000 gardes d’assaut, dont une partie importante était anarchiste, saluant le drapeau noir et rouge de la CNT en passant devant son siège, alors que l’aviation annonce aux 28e division, ancienne colonne Ascaso, et 29e division du POUM qu’elles seront bombardées si elles continuent leur marche sur Madrid. La tentative de coup d’État aura fait 500 morts.

Les « Amis de Durruti » furent en conséquence exclus de la CNT. C’était un symbole déchirant pour la CNT : Buenaventura Durruti avait été la grande figure insurrectionnelle de la CNT, la grande figure de l’idéologie des milices, lui-même avait été tué à Madrid en 1936, reparti au combat alors que sa colonne avait été pratiquement anéantie quelques jours auparavant, 400 personnes survivant sur 3000.

Le groupe des « Amis de Durruti », rassemblant plusieurs milliers de personnes, possédait une véritable légitimité anarchiste, sa ligne étant celle de la CNT historiquement.

Voici ce que les « Amis de Durruti » reprochaient à la CNT, dans leur organe El Amigo del Pueblo (l’ami du peuple), en février 1938 :

« Lorsqu’une organisation a passé toute sa vie à défendre la révolution sociale, elle a l’obligation de la faire lorsque précisément l’occasion s’en présente. En juillet, la conjoncture y était favorable. La CNT devait se jucher jusqu’au sommet de la direction du pays, en donnant des coups de pieds qui en auraient fini avec tout ce qui était archaïque, avec tout ce qui était vétuste, et ainsi nous aurions gagné la guerre et nous aurions gagné la révolution.

Mais c’est tout le contraire qui se produisit. C’est la collaboration avec la bourgeoisie dans les sphères étatiques qui fut choisie, au moment précis où l’Etat éclatait en mille morceaux. »

C’était là un idéalisme le plus complet. Inversement, en choisissant de ne pas renverser la République, la CNT montrait qu’elle avait rompu avec sa perspective insurrectionnelle et compris la nature du nouveau régime, allant dans le sens de l’unification des forces révolutionnaires.

Quant au Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (Partido Obrero de Unificación Marxista), sa tentative d’appuyer les « Amis de Durruti » tant militairement que politiquement, ou encore pratiquement avec leur imprimerie, lui coûta très cher.

Affiche de la JSU dénonçant le POUM pour sa ligne anti-Front populaire

Dirigé par un ancien secrétaire national de la CNT, Andreu Nin qui fut retrouvé exécuté, le POUM a été la cible d’une offensive tout azimut de la part du PCE.

Aux yeux du PCE, la tentative d’insurrection à Barcelone montrait que le POUM était une cinquième colonne, terme utilisé par les franquistes pour désigner leurs partisans clandestins au sein du territoire républicain.

Affiche anti-POUM appelant à démasquer le masque du provocateur fasciste

Le PCE fit pression et obtient que le POUM, dont le positionnement était en fin de compte anti-antifasciste, dans l’esprit trotskyste, soit interdit pour ses activités anti-républicaines ; fort de quelques milliers de membres, il n’existait en tant que tel qu’en Catalogne.

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La guerre d’Espagne, Madrid invincible et le Parti Communiste d’Espagne

Deux forces principales existaient à gauche au moment du coup d’État militaire de Francisco Franco : le gouvernement, d’esprit libéral-démocratique et socialisant, ainsi que la CNT. Le premier entendait maintenir le régime, suivant une ligne de front antifasciste, sans armer les masses pour autant ; la seconde entendait armer les masses, mais sans se préoccuper du régime ni du front antifasciste.

Les deux furent obligés de composer, en raison de la situation : sans un régime centralisé, on ne pouvait faire face à l’armée de Franco et sans les masses, la lutte était impossible.

L’armée populaire est l’armée de la république

On comprend l’impact énorme que pouvait avoir le Parti Communiste d’Espagne (PCE), qui se positionnait à la fois pour le front antifasciste, ainsi que pour l’armement des masses.

Ouvriers, paysans, soldats, intellectuels,
renforcez les rangs du Parti Communiste

Cette combinaison s’avérait d’autant plus juste avec la situation de Madrid. La CNT y était peu présente et lorsque le gouvernement décida de quitter précipitamment la ville menacée pour s’installer à Valence, c’est le PCE qui assuma le combat.

D’abord gagner la guerre,
moins de discours vains !

Voici comment le journaliste soviétique Mikhail Koltzov raconte ce qu’il a vu le 6 novembre 1936 :

« Je me mis en route pour le ministère de la guerre, au commissariat pour la guerre. Il n’y avait pratiquement personne. J’allais aux bureaux du premier ministre. Le bâtiment était fermé. J’allais au ministère des affaires étrangères. C’était déserté.

Au bureau de censure de la presse étrangère un officiel me dit que le gouvernement, deux heures auparavant, avait reconnu que la situation à Madrid était désespérée et était déjà parti. Largo Caballero avait interdit la publication de la moindre information au sujet de l’évacuation « afin d’éviter la panique ».

J’allais au ministère de l’intérieur. Le bâtiment était pratiquement vide. J’allais au comité central du Parti Communiste. Une réunion plénière du Bureau Politique s’y tenait. Ils me dirent que ce même jour Largo Caballero avait subitement décidé d’évacuer.

Sa décision a été approuvée par la majorité du cabinet. Les ministres communistes voulaient rester, mais il leur avait été rendu clair qu’un tel pas discréditerait le gouvernement et qu’ils étaient obligés de partir comme tous les autres.

Même les plus connus dirigeants des différentes organisations, pas plus que les départements et agences d’État, avaient été informé du départ du gouvernement. Ce n’est qu’au dernier moment que le ministre dit au chef de l’équipe centrale générale que le gouvernement partait. »

Mikhail Koltzov raconte alors qu’il continue de visiter tous les bâtiments, sans trouver personne. Les portes étaient toutes ouvertes, tout était abandonné sur place. Le PCE s’est alors retrouvé en première ligne, formant le noyau dur des forces armées défendant Madrid, transformant cette ville en bastion inexpugnable de la révolution. Madrid était la forteresse, la ville invincible de l’antifascisme.

Appel du 5e régiment : Pour défendre Madrid
enrôle toi dans les 4 bataillons de choc

Le PCE était arrivé très difficilement à ce niveau d’organisation. Il est pourtant né très tôt, dès 1921, de la fusion du Parti Communiste Espagnol fondé en 1919 par des jeunes socialistes et du Parti Communiste Ouvrier Espagnol fondé en 1920 par des socialistes, notamment dans les régions de Bizkaye et des Asturies.

Son dirigeant, Antonio García Quejido (1856-1927), est une figure du PSOE, dont il avait été le rédacteur de son organe de presse, El Socialista, et pas moins que l’un des fondateurs de l’UGT, dont il fut le premier dirigeant.

Affiche antifasciste du syndicat national ferroviaire UGT durant la guerre civile

Comme la plupart des Partis Communistes au moment de leur création cependant, il existait de profondes divergences au sein de la direction, avec notamment des influences gauchistes. En 1925, il existait pas moins de trois lignes différentes, plus une s’étant établie à l’extérieur du PCE et en exil, à Paris, sous le nom de Groupe Communiste Espagnol.

De fait, lorsque la monarchie s’effondre en 1931, le PCE avait moins de 1500 membres et l’Unión de Juventudes Comunistas 400.

La nouvelle situation, marqué par un calme institutionnel et la légalisation, permit très rapidement une légère amélioration, avec 11000 membres et 6000 pour l’Unión de Juventudes Comunistas, obtenant 50 000 voix aux élections parlementaire.

Panneau durant la guerre civile avec un portrait de Staline soulignant l’appui soviétique

Le Parti Socialiste Unifié de Catalogne, quant à lui, issu de la fusion du PSOE et du PCE, formant la section relativement autonome de ce dernier en Catalogne, possédait 800 membres. Dans le même sens fut formé un PC d’Euzkadi. Le PCE intégra également la Izquierda Revolucionaria y Antiimperialista et le Partido Social Revolucionario ; sa tentative de fonder un syndicat, la Confederación General del Trabajo Unitario, échoua relativement, avec 37 000 membres en 1932.

Sa ligne politique était cependant la plus cohérente et la plus conséquente. Dès le départ, le PCE a posé une ligne anti-féodale, consisant à attaquer la persistance des grandes propriétés terriennes, à souligner la question des minorités nationales, à dénoncer la monarchie et la féodalité prédominant politiquement, à appeler à la formation d’un bloc populaire.

Ses exigences étaient la démission du gouvernement et de nouvelles élections avec libre-expression pour la gauche, la libération des prisonniers politiques et l’amnistie, la confiscation des terres des grands propriétaires et redistribution gratuites aux paysans et ouvriers agricoles, le rétablissement du statut spécial de la Catalogne et droit à l’auto-détermination de la Catalogne, du Pays Basque et de la Galice, la baisse des impôts des paysans, petits-commerçants, artisans et industriels, l’amélioration des conditions de vie, l’épuration de l’armée des éléments fascistes et dissolution des organisations fascistes.

Avec son positionnement de plus grand partisan du Front antifasciste sur la base du dénominateur commun du refus du coup d’État et de mobilisateur acharné dans les masses, le PCE apparaissait comme la force la plus conséquente. C’est la raison pour laquelle que la ligne du PCE fut politiquement la plus efficace : le 1er mai 1936, 600 000 personnes défilèrent à Madrid dans les comités du Front populaire lancés à l’initiative du PCE.

Le bonnet phrygien aux couleurs républicaines espagnoles, avec les drapeaux de la république, de la CNT, suivis de deux autres aux symboles communistes

Le PCE progressa alors de manière fulgurante, disposant d’une presse avec plusieurs journaux, dont le Mundo Obrero, d’une association ayant un grand impact comme l’Asociación de Amigos de la URSS et surtout d’un nouveau jeune dirigeant, José Díaz.

José Díaz

En novembre 1933, le PCE obtint son premier député, ayant obtenu 170 000 voix, avant d’en avoir 17 lors des élections de 1936 lors de la victoire du Front populaire. Le nombre d’adhérents explose alors : s’il y avait un peu plus de 19 000 membres en 1935, en février 1936 le PCE en a 30 000, un mois plus tard 50 000, en avril 60 000, en juin 84 000, début juillet 100 000. Début 1937, le chiffre sera de 200 000, puis rapidement de 300 000 et même de pratiquement 500 000.

En avril 1936 fusionnèrent également les jeunesses socialistes et communistes, devenant la Juventud Socialista Unificada, liée au PCE, qui avait pas moins que 350 000 membres en 1937.

Affiche de la JSU : L’alliance nationale de la jeunesse, garantie de la victoire

L’Armée Populaire Républicaine elle-même se constituait en s’appuyant sur le Parti Communiste d’Espagne et son école de cadres formant à la chaîne des responsables de haut niveau.

Sur les 7000 promotions dans l’armée en 1938, la grande majorité consiste en des communistes ; dans les six sections de l’armée républicaines, on avait 163 commandants de brigades étant communistes et 33 anarchistes, 61 commandants de divisions communistes et 9 anarchistes, 15 commandants de corps d’armées communistes et 6 anarchistes, tandis que pour les postes de commandants, on avait 3 communistes, 2 sympathisants communistes et un non-communiste.

Affiche du PSU et de la CGT : Plus d’hommes ! Plus d’armes ! Plus de munitions !

Ce succès communiste aboutissait inévitablement à des tensions avec les autres courants révolutionnaires, ce que tenteront d’utiliser les trotskystes par un soulèvement anti-républicain à Barcelone, en 1937.

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La guerre d’Espagne: terreur et contre-violence

Il n’est pas possible de comprendre la guerre d’Espagne sans saisir climat de terreur et de contre-violence systématiques qui ont régné. La situation était marquée par des urgences, des choix difficiles pour les républicains, alors que la ligne de l’armée de Francisco Franco était exterminatrice et justifiée idéologiquement, depuis 1937, par les Falange Española Tradicionalista y de las Juntas de Ofensiva Nacional Sindicalista, fusion idéologique des troupes d’extrême-droite pour mobiliser la population dans une orientation désormais fasciste.

Affiche de l’UGT : c’est l’alerte contre le fascisme

On a un exemple parlant de la violence régnant alors avec les troupes basques décidant en 1936 de capituler face à l’armée de Francisco Franco à San Sebastián, afin de préserver la ville de la destruction, et exécutant les miliciens anarchistes opposés à la reddition.

Dans un même esprit jusqu’au-boutiste, lors de la prise de Tolède la même année, une quarantaine d’anarchistes à cours de munitions préféra incendier le bâtiment où ils étaient plutôt que de se rendre, alors qu’en même temps les troupes nationalistes tuèrent à l’hôpital de la ville les docteurs, les infirmières et les blessés.

Appel du 5e régiment des milices populaires à rejoindre le première compagnie anti-tankiste

La ligne de l’armée putschiste était, en effet, très simple et correspondait aux intérêts de l’armée, des grands propriétaires terriens et de l’Église. Elle consistait en la liquidation pure et simple de tous les individus liés à une culture idéologique de gauche, ainsi que libérale ou franc-maçonne.

La prise de villes et les conquêtes territoriales s’accompagnaient par conséquent systématiquement par l’extermination en masse des responsables et cadres de la gauche, suivis d’une purge dans la société elle-même, le tout accompagné de viols.

8000 personnes furent exécutées à Séville, 10 000 à Cordoue, 4 000 à Badajoz. Des milliers de civils fuyant la ville de Málaga furent massacrés par l’aviation et des bombardements depuis les navires, alors que 3500 personnes seront assassinées la première semaine suivant la prise de la ville, puis 17 000 les années suivantes.

Affiche républicaine dénonçant le camp des nationaux

Le bombardement de la ville de Durango en mars 1937 par l’aviation allemande à la demande de l’armée de Francisco Franco visa même directement la population civile : d’abord, en bombardant l’église au moment de la messe, puis en repassant ensuite lorsque étaient arrivés les pompiers et les ambulances depuis Bilbao.

Affiche républicaine appelant à évacuer
Madrid devant les bombardements

Les exemples sont innombrables et toujours difficilement documentés de par la chape de plomb établi par le régime à ce sujet par la suite ; aujourd’hui encore, on trouve ainsi régulièrement des charniers datant de l’époque de la guerre civile. Les chiffres concernant les gens exécutés sommairement vont de 40 000 à 400 000.

Au cours de ce processus, l’Armée espagnole utilisa notamment comme troupes de chocs les « regulares », membres des Fuerzas Regulares Indígenas, volontaires marocains encadrés par des officiers pour des opérations de massacre. Au nombre de 30 000 dès le départ, ces troupes furent les plus décorées de toute l’armée.

L’Église approuva entièrement ces massacres, de manière ouverte, avec à la fois un soutien intérieur et extérieur. Le cardinal Isidro Gomá y Tomás (1869-1940) fut ici d’une aide précieuse sur le plan idéologique, légitimant la terreur la plus sanglante, au nom de l’affirmation d’un État assumant la confession catholique romaine.

Quant au Vatican, il émit des positions soutenant sans critique aucune les putschistes. Voici ce que dit la l’encyclique du pape Pie XI, Divini Redemptoris, en mars 1937 :

« Horreurs du communisme en Espagne.

20. Et là où, comme en Notre chère Espagne, le fléau communiste n’avait pas eu le temps encore de faire sentir tous les effets de ses théories, il s’est déchaîné, hélas ! avec une violence plus furieuse.

Ce n’est pas l’une ou l’autre église, tel ou tel couvent qu’on a abattus, mais quand ce fut possible, ce sont toutes les églises et tous les couvents et toute trace de la religion chrétienne qu’on a voulu détruire, même quand il s’agissait des monuments les plus remarquables de l’art et de la science !

La fureur communiste ne s’est pas contentée de tuer des évêques et des milliers de prêtres, de religieux et de religieuses, s’en prenant plus particulièrement à ceux et à celles qui justement s’occupaient avec plus de zèle des ouvriers et des pauvres, mais elle fit un nombre beaucoup plus grand de victimes parmi les laïques de toute classe, qui, encore maintenant, chaque jour, peut-on dire. sont massacrés en masse pour le seul fait d’être bons chrétiens ou du moins opposés à l’athéisme communiste.

Et cette épouvantable destruction est perpétrée avec une haine, une barbarie, une sauvagerie qu’on n’aurait pas cru possibles en notre temps. Aucun particulier de jugement sain, aucun homme d’État, conscient de sa responsabilité, ne peut, sans frémir d’horreur, penser que les événements d’Espagne pourraient se répéter demain en d’autres nations civilisées. »

Ce soutien aux massacres de l’armée de Francisco Franco par l’Église a traumatisé très profondément les principaux intellectuels catholiques français, auparavant pro-franquistes, qu’étaient François Mauriac, Georges Bernanos, Jacques Maritain.

Georges Bernanos racontera en 1938 dans Les Grands Cimetières sous la lune ce qu’il a vu, les massacres franquistes et le soutien de l’Église catholique. En voici un extrait significatif, où des républicains sont brûlés vifs :

« On conduisit le bétail jusqu’à la plage où on le fusilla sans se presser, bête par bête. Je ne mets nullement en cause l’évêque archevêque de Palma ! il se fit représenter, comme d’habitude, à la cérémonie, par un certain nombre de ses prêtres qui, sous la surveillance des militaires, offrirent leurs services à ces malheureux. On peut se représenter la scène : « Allons, padre, celui-là est-il prêt ? – Une minute, monsieur le capitaine, je vais vous le donner tout de suite. »

Leurs excellences affirment avoir obtenu, dans de pareilles conjonctures, des résultats satisfaisants, que m’importe !

Le travail achevé, les Croisés mirent les bestiaux par tas, absous et non absous, puis les arrosèrent d’essence que l’on appelle là-bas gazoline.

Il est bien possible que cette purification ait revêtu alors, en raison de la présence des prêtres de service, une signification liturgique.

Malheureusement je n’ai vu que le surlendemain ces hommes noirs et luisants, tordus par la flamme. Un goudron puant sortait d’eux, par rigoles, et fumait sous le soleil d’août. »

Voici également comment il décrit les purges menées :

« Dès lors, chaque nuit, des équipes recrutées par lui opérèrent dans les hameaux et jusque dans les faubourgs de Palma. Où que ces messieurs exerçassent leur zèle, la scène ne changeait guère.

C’était le même coup discret frappé à la porte de l’appartement confortable, ou à celle de la chaumière, le même piétinement dans le jardin plein d’ombre, ou sur le palier le même chuchotement funèbre, qu’un misérable écoute de l’autre côté de la muraille, l’oreille collée à la serrure, le cœur crispé d’angoisse. – « Suivez-nous ! » – … Les mêmes paroles à la femme affolée, les mains qui rassemblent en tremblant les hardes familières, jetées quelques heures plus tôt, et le bruit du moteur qui continue à ronfler, là-bas, dans la rue.

« Ne réveillez pas les gosses, à quoi bon ? Vous me menez en prison, n’est-ce pas señor ? – Perfectamente », répond le tueur, qui parfois n’a pas vingt ans.

Puis c’est l’escalade du camion où l’on retrouve deux ou trois camarades, aussi sombres, aussi résignés, le regard vague … Hombre ! La camionnette grince, s’ébranle. Encore un moment d’espoir, aussi longtemps qu’elle n’a pas quitté la grand-route.

Mais voilà déjà qu’elle ralentit, s’engage en cahotant au creux d’un chemin de terre. « Descendez ! » Ils descendent, s’alignent, baisent une médaille, ou seulement l’ongle du pouce.

Pan ! Pan ! Pan ! – Les cadavres sont rangés au bord du talus, où le fossoyeur les trouvera le lendemain, la tête éclatée, la nuque reposant sur un hideux coussin de sang noir coagulé.

Je dis fossoyeur, parce qu’on a pris soin de faire ce qu’il fallait non loin d’un cimetière. L’alcade écrira sur son registre : « Un tel, un tel, un tel, morts de congestion cérébrale ». »

Le philosophe espagnol Miguel de Unamuno (1864-1936), qui soutenait l’armée putschiste, fut mis de côté par le régime pour sa vive dénonciation des crimes de guerre, exprimant son dégoût devant les meurtres sans justification et le slogan « ¡Viva la muerte! » (« Vive la mort ! ») des insurgés :

« J’ai dit que l’Espagne serait sauvée par la civilisation chrétienne occidentale, mais les méthodes ne sont pas civilisées mais militarisées, non pas occidentales mais africaines, non pas chrétiennes, mais catholiques à la traditionnaliste espagnole, c’est-à-dire anti-chrétiennes. »

Une contre-violence implacable s’organisera également du côté républicain. A l’opposé de la répression sanglante organisée et méthodique du côté de l’armée putschiste, l’approche fut spontanée, relevant de l’esprit des sortes de comités de salut public qu’étaient les initiatives révolutionnaires locales, avec notamment les checas.

Chaque organisation mit en place rapidement sa Checa, terme repris à la Tchéka soviétique, c’est-à-dire d’une police secrète disposant de vastes locaux pour procéder à des interrogatoires et des exécutions.

Campagne d’agitation du 5e régiment

L’État central aurait aimé faire en sorte de respecter des processus légaux, mais les forces révolutionnaires considéraient que l’enjeu dépassait cela, à quoi s’ajoutait la colère de la population. Entre amener des prisonniers nationalistes depuis Madrid assiégée dans une prison dans l’arrière-pays ou les fusiller et partir au front, le choix était vite fait.

Les bombardements, notamment, provoquèrent des révoltes violentes dont les prisonniers « nationalistes » furent victimes. Témoignage de la force de cette vindicte, un exemple terrible fut le lynchage d’un pilote d’avion ayant sauté en parachute, que la foule avait pris pour un Allemand de la légion Condor aidant militairement Francisco Franco, alors qu’il s’agissait en réalité d’un soviétique au service de la République.

Journal du 5e régiment : Femme ! demande ton poste dans les 4 bataillons de choc

La philosophe Simone Weil (1909-1943), qui avait rejoint la CNT durant la guerre d’Espagne avant de plonger définitivement dans le mysticisme chrétien, participant d’ailleurs ensuite en France à un réseau « planiste » et corporatiste, écrivit une lettre à George Bernanos, comme pour se poser en équivalent catholique du côté républicain, dans une même réfutation de la « mort » :

« Mais les chiffres ne sont peut-être pas l’essentiel en pareille matière. L’essentiel, c’est l’attitude à l’égard du meurtre.

Je n’ai jamais vu, ni parmi les Espagnols, ni même parmi les Français venus soit pour se battre, soit pour se promener – ces derniers le plus souvent des intellectuels ternes et inoffensifs – je n’ai jamais vu personne exprimer même dans l’intimité de la répulsion, du dégoût ou seulement de la désapprobation à l’égard du sang inutilement versé.

Vous parlez de la peur. Oui, la peur a eu une part dans ces tueries ; mais là où j’étais, je ne lui ai pas vu la part que vous lui attribuez. Des hommes apparemment courageux – au milieu d’un repas plein de camaraderie, racontaient avec un bon sourire fraternel combien ils avaient tué de prêtres ou de « fascistes » – terme très large. »

Antoine de Saint-Exupéry, catholique qui fut correspondant de guerre en Espagne, ne prit pareillement pas partie, dénonçant les républicains :

« Ici on tue comme on déboise »

En réalité, les exécutions se faisaient ainsi par dizaines, et non par centaines et encore moins par milliers comme dans le camp « nationaliste » ; la seule exception consistait en les opérations, surtout anarchistes, contre le clergé, qui furent régulières et sanglantes, et la liquidation de 2000 prisonniers sur 10 000 au moment de la bataille de Madrid.

Au total, environ 40 000 personnes furent les victimes du camp républicain, le plus souvent de manière désordonnée, sans vision d’ensemble, dans l’urgence afin de faire face au coup d’État fasciste.

En arrière-plan, cela posait la question de la perspective générale, centralisée, de la question des priorités.

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La guerre d’Espagne et les Brigades Internationales

L’U.R.S.S. ne se contenta pas de fournir des armes, ainsi que de très nombreux conseillers militaires afin de suppléer à l’absence de cadres dans l’armée, ceux-ci état en écrasante majorité passés au coup d’État. Elle lança également, par l’intermédiaire de l’Internationale Communiste, à la mise en place de Brigades Internationales.

Une colonne des Brigades Internationales

Le 16 octobre 1936, Staline avait envoyé le télégramme suivant au secrétaire général du PCE, Jose Diaz, qui fut publié dans le Mundo Obrero (Monde ouvrier) et annonça l’esprit de l’initiative :

« Le peuple travailleur de l’Union Soviétique ne fait que remplir sa tâche quand il fait ce qu’il peut pour aider les masses révolutionnaires en Espagne. Il sait que la libération de l’Espagne de l’oppression de la réaction fasciste n’est pas une affaire privée des Espagnols, mais la cause commune de l’entière humanité progressiste. »

Tous les peuples du monde sont
dans les Brigades Internationales
aux côtés du peuple espagnol

Les Brigadas Internacionales furent constituées le 22 octobre 1936 ; elles étaient constituées de volontaires, initialement des Partis Communistes de nombreux pays du monde, devant rejoindre l’Armée républicaine. Le centre de recrutement était à Paris, supervisé par Karol « Walter » Świerczewski, l’un des principaux commandants de brigades par la suite (puis général de l’Armée rouge, général polonais lors de la bataille de Berlin).

Les premiers bataillons formés étaient regroupés dans la 11e Brigade, appartenant légalement à l’Armée républicaine ; très rapidement différentes brigades furent formées et leur composition enfin stabilisée dans la première partie de 1937, après des changements selon les langues parlées afin de faciliter les communications, la formation d’une presse interne, la questions des soins hospitaliers, etc.

Les Internationaux, unis aux Espagnols pour lutter contre l’envahisseur

Il st à noter que sur le plan de la santé, le communiste canadien Norman Béthune joua un rôle important, étant le premier à systématiser la transfusion sanguine lors des interventions sur les fronts militaires, rejoignant par la suite l’Armée rouge chinoise, Mao Zedong ayant porté une grande attention à saluer sa mémoire.

Le premier bataillon fut fondé le 19 octobre 1936, étant surtout composé de Polonais, mais également de gens de pratiquement tous les pays slaves. Il avait comme nom Dombrowski, du nom du révolutionnaire polonais Jarosław Dombrowski qui fut général de la Commune de Paris de 1871.

Le second fut le bataillon Commune de Paris, fondé un peu plus tôt, le 22 octobre 1936, principalement composé de Français et de Belges, mais également de gens de Grande-Bretagne et d’Amérique du Nord.

Le Front populaire de Madrid au Front populaire du monde – hommage aux Brigades Internationales

Le troisième bataillon formé fut celui d’Edgar André,formé en 28 octobre 1936. Le nom est celui de l’ouvrier portuaire Edgar André membre du Parti Communiste d’Allemagne en 1933, torturé à mort par les nazis pendant trois ans et demi puis exécuté en 1936. Sa dernière déclaration fut la suivante :

« Votre honneur n’est pas mon honneur, car des visions du monde nous séparent, des classes nous séparent, un profond gouffre. Si vous deviez rendre l’impossible possible et amener un combattant innocent au billot [pour avoir la tête tranchée à la hache], alors je suis prêt de faire ces pas difficiles. Je ne veux pas de grâce ! J’ai vécu en tant que combattant et je mourrai en tant que combattant, avec comme derniers mots : vive le communisme. »

Le quatrième bataillon fondé, le 29 octobre 1936, avait comme nom Garibaldi, républicain ayant joué un rôle historique dans l’unification de l’Italie ; il était surtout composé d’Italiens.

L’unité de l’armée et du peuple sera l’arme de la victoire [le drapeau républicain côtoie le drapeau des Brigades Internationales]

Le 10 novembre 1936 furent fondés deux bataillons, un s’appelant bataillon Thaelmann, du nom du secrétaire général du Parti Communiste d’Allemagne emprisonné par les nazis, l’autre le bataillon Franco-Belge, qui prit ensuite le nom d’André Marty, du nom du leader de la mutinerie de l’armée française de la mer Noire en 1919, lui même était membre des Brigades.

S’ensuivirent toute une série de bataillons fondés sur le même modèle. On a ainsi le bataillon Louise Michel, composé de Français et de Belges, du nom d’une des figures de la Commune de Paris, le bataillon Tchapaiev, composé de multiples nationalités de l’Est de l’Europe, du nom du commandant de l’Armée rouge russe en 1919.

Le Front populaire de Madrid au Front populaire du monde – hommage aux Brigades Internationales

On a le bataillon Henri Vuillemin, composé de Français (du nom d’une figure communiste française), ainsi que les bataillons Rakoski (du nom de Mathias Rakoski, chef historique communiste ukrainien) et Adam Miskiewicz (composé de Polonais et d’autres slaves, du nom du poète national polonais).

On a le Bataillon 12 février, composé uniquement d’Autrichiens, qui fut fondé en juin 1937 ; le 12 février 1934 fut la date d’un putsch austro-fasciste et de la résistance ouvrière s’ensuivant.

On a également le Bataillon Hans Beimler, enfin, qui était composé surtout de Scandinaves et de Néerlandais ; fondé en mars 1937, son nom est celui du commissaire politique du bataillon Thaelmann tombé lors de la bataille de Madrid, deux millions de personnes allant par la suite saluer son cercueil.

Avec surtout des Français, on a les bataillons La Marseillaise, Henri Barbusse, Vaillant-Couturier, Six Février ; d’Amérique du Nord principalement, on a les bataillons Abraham Lincoln, Georges Washington, Mackenzie-Papineau, d’Amérique du Sud, le bataillon Spagnolo. Furent également formés des bataillons Masaryk, Dimitrov, etc.

La raison de cette mobilité fut les importantes pertes des Brigades Internationales, qui formaient des bataillons de choc ; le nombre de brigadistes tués atteint, selon les sources, les 10 000 personnes au moins. Il fallait réorganiser les bataillons, tout en les inscrivant au mieux dans l’Armée Populaire de la République.

Les groupes et volontaires étrangers dans les rangs républicains

On considère que grosso modo pratiquement 60 000 personnes ont participé aux Brigades Internationales, avec une rotation faisant qu’il y avait à chaque fois 20 000 brigadistes présents. 53 nationalités étaient représentées, avec grosso modo 9000 Français, 5000 Allemands, 3350 Italiens, 3000 Polonais, 3000 Soviétiques, 2800 Américains, 2300 Britanniques, 1600 Belges, 1500 Autrichiens, 1500 Tchécoslovaques, 800 Cubains.

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