Bergson comme renouvellement de la démarche subjectiviste de Descartes

Le premier ouvrage d’Henri Bergson a un titre particulièrement évocateur : Essai sur les données immédiates de la conscience. Paru en 1889, cet ouvrage tente de maintenir l’équilibre qu’a réalisé René Descartes entre la religion et le matérialisme.

René Descartes avait tenté d’ouvrir un espace à la bourgeoisie pour qu’elle réalise la science, dans des conditions difficiles où le catholicisme prédominait. En Angleterre, Francis Bacon pouvait ouvertement revendiquer les cinq sens comme base de la connaissance, mais en France ce n’était pas possible. Cela permit à René Descartes d’émerger comme un penseur « radical » alors qu’il n’était en réalité qu’un penseur coincé entre deux eaux.

Henri Bergson va essayer de maintenir ce savant équilibre, qui tente de faire cohabiter le spiritualisme le plus intransigeant, avec une âme individuelle et un monde conçu par un Dieu tout puissant, et un matérialisme transformant la réalité.

Henri Bergson,
Essai sur les données immédiates
de la conscience

Bien entendu, le grand thème de René Descartes est l’espace. S’appuyant sur sa conscience, il remet en cause l’espace autour de lui, qui est peut-être une illusion. La seule chose dont il soit certain, c’est qu’il pense : c’est le fameux « cogito ergo sum », « je pense donc je suis ».

Là où le matérialisme anglais dit que la réalité est vraie (mettant ainsi Dieu de côté), René Descartes fait face à l’Église de manière plus prudente en disant que la réalité doit être remise en cause, ou plutôt mise en doute, pour être ainsi dire « recalculée » rationnellement.

La « conscience » de René Descartes pratique en effet le doute radical pour utiliser les mathématiques comme vérité, contournant la religion en affirmant que cette raison consiste justement en le libre-arbitre donné par Dieu. Comme il s’agit d’un idéalisme religieux, René Descartes raisonne en s’appuyant sur le néo-platonisme issu du pythagorisme, c’est-à-dire sur un Dieu (unique) ayant créé le monde en utilisant des chiffres pour créer le multiple alors que lui-même est « 1 » et seulement « 1 ».

Henri Bergson reprend directement ce schéma. Mais au lieu de procéder au recalcul rationnel de la réalité au moyen des mathématiques, il va rejeter l’espace pour n’accorder de l’attention qu’au temps, c’est-à-dire à la conscience elle-même.

Henri Bergson va donc tenter de montrer que l’esprit peut modifier le corps. Pour cela, il prend l’exemple des sensations : il dit d’abord que celles-ci connaissent différentes intensités, et que la gamme de cette intensité ne dépend pas que des sens. L’esprit agirait dans l’évaluation des sensations.

Voici ce que dit Henri Bergson :

« Essayons de démêler en quoi consiste une intensité croissante de joie ou de tristesse, dans les cas exceptionnels où aucun symptôme physique n’intervient. La joie intérieure n’est pas plus que la passion un fait psychologique isolé qui occuperait d’abord un coin de l’âme et gagnerait peu à peu de la place.

A son plus bas degré, elle ressemble assez à une orientation de nos états de conscience dans le sens de l’avenir.

Puis, comme si cette attraction diminuait leur pesanteur, nos idées et nos sensations se succèdent avec plus de rapidité ; nos mouvements ne nous coûtent plus le même effort.

Enfin, dans la joie extrême, nos perceptions et nos souvenirs acquièrent une indéfinissable qualité, comparable à une chaleur ou à une lumière, et si nouvelle, qu’à certains moments, en faisant retour sur nous-mêmes, nous éprouvons comme un étonnement d’être.

Ainsi, il y a plusieurs formes caractéristiques de la joie purement intérieure, autant d’étapes successives qui correspondent à des modifications qualitatives de la masse de nos états psychologiques. »

C’est là du subjectivisme. Ce qui se passe dans l’esprit devient non seulement indépendant, mais le moteur de la réalité individuelle. Marcel Proust ne dit pas autre chose dans l’exemple de sa fameuse « madeleine ».

Voici comment Henri Bergson reformule cette approche, cette fois non pas avec un gâteau, mais avec la danse :

« Si les mouvements saccadés manquent de grâce, c’est parce que chacun d’eux se suffit à lui-même et n’annonce pas ceux qui vont le suivre. Si la grâce préfère les courbes aux lignes brisées, c’est que la ligne courbe change de direction à tout moment, mais que chaque direction nouvelle était indiquée dans celle qui la précédait.

La perception d’une facilité à se mouvoir vient donc se fondre ici dans le plaisir d’arrêter en quelque sorte la marche du temps, et de tenir l’avenir dans le présent. Un troisième élément intervient quand les mouvements gracieux obéissent à un rythme, et que la musique les accompagne.

C’est que le rythme et la mesure, en nous permettant de prévoir encore mieux les mouvements de l’artiste, nous font croire cette fois que nous en sommes les maîtres.

Comme nous devinons presque l’attitude qu’il va prendre, il paraît nous obéir quand il la prend en effet ; la régularité du rythme établit entre lui et nous une espèce de communication, et les retours périodiques de la mesure sont comme autant de fils invisibles au moyen desquels nous faisons jouer cette marionnette imaginaire.

Même, si elle s’arrête un instant, notre main impatientée ne peut s’empêcher de se mouvoir comme pour la pousser, comme pour la replacer au sein de ce mouvement dont le rythme est devenu toute notre pensée et toute notre volonté. »

Ce qui se passerait dans l’esprit serait, parfois, tout ce qui compterait. C’est la toute puissance de la conscience individuelle, c’est la même méthode que René Descartes.

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Le subjectivisme français à la recherche de l’intuition

La France a connu de nombreux penseurs, et de grands auteurs de littérature. Leur grand point commun, c’est leur préoccupation pour le style et le mode de vie, c’est-à-dire, en fin de compte, pour une manière de vivre vertueuse, ou morale.

La France dite classique du XVIIe siècle, c’est celle des moralistes en quête de vertu, et celle des Lumières, c’est celle de la morale universaliste ; les auteurs réalistes, voire naturalistes, du XIXe siècle, se sont préoccupés de l’état d’esprit d’une époque où le capitalisme s’approprie toutes les initiatives.

Pour cette raison, la France n’a pas connu de philosophes en tant que tel. Les « philosophes des Lumières » sont des essayistes et des écrivains, nullement des philosophes en tant que tel. Aussi, l’élaboration de systèmes de pensée cohérents et complets est inconnue en France. Ni René Descartes ni Denis Diderot, ni Pierre-Joseph Proudhon ni Jean Jaurès n’ont cherché à systématiser leur pensée, à ériger une démarche complète, cohérente sur tous les plans.

Leurs œuvres, comme celle de Jean-Jacques Rousseau, furent nombreuses et denses, mais il n’y a pas de diderotisme ni de jauressisme, ou encore de cartésianisme ou de proudhonisme : ces termes, lorsqu’ils existent, désignent l’approche de chaque auteur, nullement son « système ».

Il y a ici un caractère propre à la culture française, qui a toujours été plus intéressée par le psychisme de l’individu dans sa manière de vivre, que les grands systèmes. On est ici toujours dans l’esprit des essais de Montaigne, des poètes de la Pléiade : une personne découvre, raconte, explique à sa manière, est prétexte à l’inspiration, à la réflexion.

Rares sont ceux qui ont su dépasser cela et atteindre l’universel à partir du particulier. Jean Racine et Honoré de Balzac sont ici les titans de notre culture, de par leur précision formidable dans leur description de l’âme humaine. Ces deux auteurs ont systématiquement souligné la dimension dialectique propre aux situations, avec le reflet dans l’esprit provoqué par la réalité.

De manière plus traditionnelle, il y a un certain « psychologisme » qui s’est développé, pour s’imposer dans l’idéologie dominante. Deux grands auteurs ont joué un rôle décisif ici : Marcel Proust (1871-1922) et Henri Bergson (1859-1941), qui ont tous deux travaillé sur la question du temps tel qu’il est ressenti.

Marcel Proust vers 1895

Ces deux auteurs ont, en pratique, posé les bases du subjectivisme à la française. S’ils y sont arrivés, c’est parce que Juifs, ils ont apporté au catholicisme dominant une dimension qui manquait et permettant l’existentialisme.

Dans le protestantisme, l’individu est livré à lui-même, tout comme dans le judaïsme et l’Islam. Mais dans le catholicisme, il y a l’Église dont l’individu reste une composante ; il n’est pas libre de s’épancher de manière existentielle, sauf au sein d’un mysticisme issu du baroque et de la contre-réforme. Charles Baudelaire (1821-1867) avait le premier tenté de valoriser un aventurisme existentialiste, avec ses Fleurs du mal, très proche du romantisme noir de Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889).

Ce sont cependant Marcel Proust et Henri Bergson qui vont parvenir à ouvrir la voie à un subjectivisme français : puisque le subjectivisme protestant, juif, musulman, s’appuyait sur l’espace où l’individu est livré à lui-même (ce qu’il n’est pas dans le catholicisme), alors le subjectivisme catholique va s’appuyer sur le temps.

C’est cela la clef de la profonde différence entre les romans modernes américains ou anglais et ceux d’Italie ou d’Amérique latine : les premiers sont subjectivistes dans un esprit de voyageur, les seconds accordent une importance démesurée à la durée, à la perception du temps qui passe.

Dans ce dernier cas, on joue sur la modification de la perception du temps, alors il n’y a plus rien à part l’individu : c’est le sens des romans de Marcel Proust et celle de la philosophie d’Henri Bergson. Dans cet « espace » qu’est le temps ressenti de manière personnelle, il n’y a rien à part la pensée pure, qui « saisit » les choses par intuition.

Bergson va être le grand concepteur de cette vision du monde. Là où le subjectivisme allemand va produire l’existentialisme des défilés en uniformes ou le romantisme d’une âme errante, le subjectivisme français va produire l’existentialisme d’une sorte de hippie de droite, d’homme frugal portant un béret symbole de sa quête nostalgique et de sa posture aristocratique.

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Friedrich Engels sur l’échec national de la France du Sud

L’échec du calvinisme est l’expression de l’échec du sud de la France à former une nation, malgré certains éléments constitutifs présents. Théodore Agrippa d’Aubigné lui-même vient de Pons, dans la région de Saintonge dans le Sud-Ouest de la France.

La localisation de Pons en France

Friedrich Engels le constate bien, en comparant la situation du Sud de la France à celle de la Pologne au XVIIIe siècle. La Pologne a réussi à se maintenir en tant que nation par la dimension anti-féodale de son action, là où la France du Sud, de par le maintien complet du féodalisme, n’a pas pu se développer.

La haute aristocratie française, non seulement n’était pas l’ennemi du calvinisme, mais une de ses fractions la dirigeait. Cela signifiait l’impossibilité d’une révolution agraire.

Les huguenots en France en 1562, avec les églises organisées,
et le fameux croissant formant leur bastion.

La nation tchèque s’est maintenue au contraire justement parce que le hussitisme a donné le taborisme, cette guerre des paysans ; la nation allemande a profité pareillement de la guerre des paysans, initiée par Thomas Münzer et à laquelle s’est opposée Martin Luther, ce qui a amené de terribles problèmes dans l’affirmation nationale.

Voici ce qu’il constate dans La Nouvelle Gazette Rhénane, en septembre 1848.

Au Moyen-Âge la nationalité de la France du Sud n’était pas plus proche de celle de la France du Nord que la nationalité polonaise ne l’est actuellement de la nationalité russe.

La nationalité de la France du Sud, vulgo la nation provençale, avait au Moyen-Âge non seulement un « précieux développement », mais elle était même à la tête du développement européen. Elle fut la première de toutes les nations modernes à avoir une langue littéraire.

Son art poétique servait à tous les peuples romans, et même aux Allemands et aux Anglais, de modèle alors inégalé.

Dans le perfectionnement de la civilisation courtoise féodale, elle rivalisait avec les Castillans, les Français du Nord et les Normands d’Angleterre ; dans l’industrie et le commerce, elle ne le cédait en rien aux Italiens.

Ce n’est pas seulement « une phase de la vie du Moyen-Âge… qui avait connu grâce à elle » un grand éclat, elle offrait même, au cœur du Moyen-Âge, un reflet de l’ancienne civilisation hellène.

La nation de la France du Sud n’avait donc pas « acquis » de grands, mais d’infinis « mérites envers la famille des peuples d’Europe ».

Pourtant, comme la Pologne, elle fut partagée entre la France du Nord et l’Angleterre et plus tard entièrement assujettie par les Français du Nord.

Depuis la guerre des Albigeois jusqu’à Louis XI, les Français du Nord, qui, dans le domaine de la culture, étaient aussi en retard sur leurs voisins du Sud que les Russes sur les Polonais, menèrent des guerres d’asservissement ininterrompues contre les Français du Sud, et finirent par soumettre tout le pays.

La « république des nobles du Midi de la France » (cette dénomination est tout à fait juste pour l’apogée) « a été empêchée par le despotisme de Louis XI d’accomplir sa propre suppression intérieure », qui, grâce au développement de la bourgeoisie des villes, aurait été au moins aussi possible que l’abolition de la république polonaise des nobles, grâce à la constitution de 1791.

Des siècles durant, les Français du Sud luttèrent contre leurs oppresseurs. Mais le développement historique était inexorable.

Après une lutte de trois cents ans, leur belle langue était ramenée au rang de patois, et ils étaient eux-mêmes devenus Français. Le despotisme de la France du Nord sur la France du Sud dura trois cents ans et c’est alors seulement que les Français du Nord réparèrent les torts causés par l’oppression en anéantissant les derniers restes de son autonomie.

La Constituante mit en pièces les provinces indépendantes ; le poing de fer de la Convention fit pour la première fois des habitants de la France du Sud des Français,et pour les dédommager de la perte de leur nationalité, elle leur donna la démocratie.

Mais ce que le citoyen Ruge dit de la Pologne s’applique mot pour mot à la France du Sud pendant les trois cents ans d’oppression : « Le despotisme de la Russie n’a pas libéré les Polonais; la destruction de la noblesse polonaise et le bannissement de tant de familles nobles de Pologne, tout cela n’a fondé en Russie aucune démocratie, aucun humanisme. »

Et pourtant, on n’a jamais traité l’oppression de la France du Sud par les Français du Nord «d’ignominieuse injustice ». Comment cela se fait-il, citoyen Ruge ? Ou bien l’oppression de la France du Sud est une ignominieuse injustice ou bien l’oppression de la Pologne n’est pas une ignominieuse injustice. Que le citoyen Ruge choisisse.

Mais où réside la différence entre les Polonais et les Français du Sud ? Pourquoi la France du Sud fut-elle prise en remorque par les Français du Nord, comme un poids mort jusqu’à son total anéantissement, tandis que la Pologne a toute perspective de se trouver très bientôt à la tête de tous les peuples slaves ?

La France du Sud constituait, par suite de rapports sociaux que nous ne pouvons expliquer plus amplement ici, la partie réactionnaire de la France.

Son opposition contre la France du Nord se transforma bientôt en opposition contre les classes progressives de toute la France.

Elle fut le soutien principal du féodalisme et elle est restée jusqu’à maintenant la force de la contre-révolution en France.

La Pologne en revanche fut, en raison de rapports sociaux que nous avons expliqués ci-dessus, la partie révolutionnaire de la Russie, de l’Autriche et de la Prusse.

Son opposition à ses oppresseurs était en même temps à l’intérieur une opposition à la haute aristocratie polonaise.

Même la noblesse qui se trouvait encore en partie sur un terrain féodal, se rallia avec un dévouement sans exemple à la révolution démocratique agraire. La Pologne était déjà devenue le foyer de la démocratie de l’Europe orientale alors que l’Allemagne tâtonnait encore dans l’idéologie constitutionnelle la plus banale, et l’idéologie philosophique la plus délirante.

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Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné – 5e partie : «l’âme extatique»

Le projet étant en échec, la perspective bloquée, Les Tragiques ne pouvaient exprimer le calvinisme français que par un ton chaotique, un fil décousu, une approche à la fois satirique et tragique, dans une impression de confusion générale.

Il s’agit d’une fuite en avant, propre par ailleurs à la faiblesse idéologique du calvinisme naissant.

Martin Luther, une fois qu’il aura soutenu la noblesse contre les paysans révoltés, se précipitera pareillement dans une fuite en avant dans une sorte d’anticapitalisme romantique avant l’heure, adoptant un ton forcené appelant au massacre des sorcières et des juifs, afin de trouver une « direction » à indiquer, une perspective communautaire donnant du sens en apparence.

C’est pourquoi Théodore Agrippa d’Aubigné appelle à accepter la défaite pour porter une forme de transcendance :

« A vous la vie, à vous qui pour Christ la perdez,

Et qui en la perdant très-sûre la rendez,

La mettez en lieu fort, imprenable, en bonn’ ombre,

N’attachant la victoire et le succès au nombre »

Il s’agit ici en effet d’une référence au psaume 91, dit psaume de la protection (« Celui qui demeure sous l’abri du Très-Haut Repose à l’ombre du Tout Puissant »). On est là dans un appel désespéré et voici justement comment se concluent les Tragiques :

« Chétif, je ne puis plus approcher de mon œil

L’œil du ciel; je ne puis supporter le soleil.

Encor tout ébloui, en raisons je me fonde

Pour de mon âme voir la grand’ âme du monde,

Savoir ce qu’on ne sait et qu’on ne peut savoir,

Ce que n’a ouï l’oreille et que l’œil n’a peu voir :

Mes sens n’ont plus de sens, l’esprit de moi s’envole,

Le cœur ravi se tait, ma bouche est sans parole :

Tout meurt, l’âme s’enfuit et, reprenant son lieu,

Extatique, se pâme au giron de son Dieu. »

On est là bien loin de tout rationalisme ; c’est ici une perspective mystique, propre à Saint Augustin (l’Église catholique romaine s’appuyant à la fois sur lui et sur Thomas d’Aquin, en un savant équilibre et un grand compromis).

C’est un mysticisme ainsi féodal et les commentateurs bourgeois n’ont pas perçu le caractère réel des Tragiques, l’œuvre n’ayant par ailleurs aucun impact historique, étant simplement redécouverte au XIXe siècle comme une sorte de curiosité baroque.

Il n’y a pourtant aucun rapport avec le baroque, cette forme culturelle agressive de catholicisme visant à la « reconquête » idéologique ; la base réelle, c’est la faiblesse de fond de la direction du calvinisme français, en raison de l’effondrement de l’aristocratie comme classe autonome par rapport à la monarchie, qui devient absolue.

Théodore Agrippa d’Aubigné témoigne, pour cette raison même, d’une incapacité à se concentrer sur un seul système de références, à se place dans une perspective cohérente.

Voici un exemple où il prend comme référence Skanderbeg (Georges Castriote) (1405-1468), qui enfant fut enlevé par l’Empire ottoman et devint un chef de guerre, avant de se retourner contre eux, devenant ainsi le héros national albanais et une figure de l’opposition aux conquêtes musulmanes en terres chrétiennes.

Skanderbeg, portrait gravé de 1660

Pourquoi Théodore Agrippa d’Aubigné est-il allé chercher une telle référence ? Quel rapport à la cause protestante ? Théodore Agrippa d’Aubigné est ici aveuglé par les images fortes ; de ce fait, il sort de la démarche culturelle française historiquement nationale.

« Ainsi de Scanderbeg l’enfance fut ravie

Sous de tels précepteurs, sa nature asservie

En un sérail coquin; de délices friand,

Il huma pour son lait la grandeur d’Orient;

Par la voix des muphtis on emplit ses oreilles

Des faits de Mahomet et miracles des vieilles;

Mais le bon sens vainquit l’illusion des sens,

Lui faisant méprisé tant d’arborer croissants

(Les armes qui faisaient courber toute la terre),

Pour au grand empereur oser faire la guerre

Par un petit troupeau ruiné et mal en point;

Se fit le chef de ceux qu’il ne connaissait point.

De là tant de combats, tant de faits, tant de gloire,

Que chacun les peut lire, et nul ne les peut croire. »

Voici un autre passage, tout à fait représentatif du flot de reproches et d’attaques, d’appels à Dieu et d’images tellement travaillées qu’on en perd le fil, de manière totalement à rebours tant de l’esprit français qui se forme et qui donnera le classicisme, que de la base rationaliste calviniste elle-même, qui a pourtant permis l’émergence du classicisme en tant que tel.

« Qui se cache ? qui fuit devant les yeux de Dieu ?
Vous, Caïns fugitifs, où trouverez-vous lieu ?

Quand vous auriez les vents collés sous vos aisselles
Ou quand l’aube du jour vous prêterait ses ailes,
Les monts vous ouvriraient le plus profond rocher,
Quand la nuit tâcherait en sa nuit vous cacher,
Vous enceindre la mer, vous enlever la nue,
Vous ne fuirez de Dieu ni le doigt ni la vue.

Or voici les lions de torches acculés,
Les ours à nez percés, les loups emmuselés :
Tout s’élève contre eux : les beautés de Nature,
Que leur rage troubla de venin et d’ordure,
Se confrontent en mire et se lèvent contre eux.

« Pourquoi, dira le Feu, avez-vous de mes feux,
Qui n’étaient ordonnés qu’à l’usage de vie,
Fait des bourreaux, valets de votre tyrannie ? »

L’air encore une fois contre eux se troublera,
Justice au juge saint, trouble, demandera,
Disant : « Pourquoi, tyrans et furieuses bestes,
M’empoisonnâtes-vous de charognes, de pestes,
Des corps de vos meurtris ? » – « Pourquoi, diront les eaux,
Changeâtes-vous en sang l’argent de nos ruisseaux ? »
Les monts, qui ont ridé le front à vos supplices :

« Pourquoi nous avez-vous rendu vos précipices ?
– Pourquoi nous avez-vous, diront les arbres, faits
D’arbres délicieux, exécrables gibets ? »

Nature, blanche, vive et belle de soi-même,
Présentera son front ridé, fâcheux et blême,
Aux peuples d’Italie et puis aux nations
Qui les ont enviés en leurs inventions,
Pour, de poison mêlé au milieu des viandes,
Tromper l’amère mort en ses liqueurs friandes,
Donner au meurtre faux le métier de nourrir,
Et sous les fleurs de vie embûcher le mourir. »

La forme même de l’œuvre était insupportable pour la culture française parvenant à une simplicité très élaborée ; la monarchie absolue l’emportait sur un calvinisme davantage décentralisateur qu’authentiquement capitaliste.

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Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné: des Misères au Jugement

Cette limitation historique du calvinisme en France qui s’exprime dans Les Tragiques se lit également dans la forme du recueil. L’œuvre est divisée en sept parties, appelées livres, avec chacune un titre : Misères, Princes, La chambre dorée, Les feux, Les fers, Vengeances, Jugement.

On peut y voir, dans sa structure, un parallèle avec les sept sceaux de l’Apocalypse de Jean ; on retrouve, pareillement, des descriptions de choses monstrueuses, avant que les justes soient sauvés.

Misères décrit la terrible situation d’alors, alors que Théodore Agrippa d’Aubigné se présente comme un nouveau Hannibal partant en guerre contre Rome.

Cela va naturellement de pair avec une obsession, propre aux monarchomaques : la dénonciation de Catherine de Médicis, considérée comme à l’origine de tous les maux, avec son activité d’empoisonneuse et de semeuses de troubles, elle qui est à l’origine du massacre de la Saint-Barthélémy.

Il y a ici une lecture bien trop unilatérale, témoignant d’un irrationnalisme qui coûta la victoire à la direction calviniste :

« En vain, Reine, tu as rempli une boutique
Des drogues du métier, et, ménage magique,
En vain fais-tu amas dans les tais des défunts
De poix noire, de camphre à faire tes parfums;

Tu y brûles en vain cyprès et mandragore,
La ciguë, la rue et le blanc hellébore,
La teste d’un chat roux, d’un céraste la peau,
De la chauve-souris le sang, et de la louve

Le lait chaudement pris sur le point qu’elle trouve
Sa tanière volée et son fruit emporté :

Le nombril frais-coupé à l’enfant avorté,
Le coeur d’un viel crapaud, le foie d’un dipsade,
Les yeux d’un basilic, la dent d’un chien malade
Et la bave qu’il rend en contemplant les flots;

La queue du poisson Ancre des matelots,
Contre lequel en vain vent et voile s’essaye;

Le vierge parchemin, le palais de fressaye [l’effraie, une chouette].
Tant d’étranges moyens tu recherches en vain,
Tu en as de plus prompts en ta fatale main :

Car, quand dans un corps mort un démon tu ingères,
Tu le vas menaçant d’un fouet de vipères »

Voici un autre passage, où Théodore Agrippa d’Aubigné décrit les punitions qu’ont connu ceux qui se sont mal comportés.

On est ici en plein mysticisme digne justement du catholicisme pourtant combattu et Théodore Agrippa d’Aubigné pensait même qu’on connaîtrait la fin des temps à court terme.

« Paul, pape incestueux, premier inquisiteur,

S’est vu mangé des vers, salle persécuteur.

Philippe, incestueux et meurtrier, cette peste

T’en veut, puis qu’elle en veut au parricide inceste.

Néron, tu mis en poudre et en cendre et en sang

Le vénérable front et la gloire et le flanc

De ton vieux précepteur, ta patrie et ta mère,

Trois que ton destin fit avorter en vipère,

Chasser le docte esprit par qui tu fus savant,

Mettre en cendre ta ville, et puis la cendre au vent;

Arracher la matrice à qui tu dois la vie.

Tu devais à ces trois la vie aux trois ravie,

Miroûer de cruauté, duquel l’infâme nom

Retentira cruel, quand on dira Néron.  »

Le second livre, Princes, dénonce Charles IX et Henri II (avec ses « mignons ») ainsi que les magistrats dans La chambre dorée, qui désigne en fait la grande chambre du Parlement de Paris, au Palais de Justice.

Voici un extrait de ce troisième livre du recueil :

« Encor fallut-il voir cette Chambre Dorée
De justice jadis, d’or maintenant parée
Par dons, non par raison : là se voit décider
La force et non le droit; là voit-on présider
Sur un trône élevé l’Injustice impudente.

Son parement était d’écarlate sanglante
Qui goutte sans repos; elle n’a plus aux yeux
Le bandeau des anciens, mais l’éclat furieux
Des regards fourvoyants; inconstamment se vire
En peine sur le bon, en loyer sur le pire;

Sa balance aux poids d’or trébuche faussement ;
Près d’elle sont assis au lit de jugement
Ceux qui peuvent monter par marchandise impure,
Qui peuvent commencer par notable parjure,
Qui d’âme et de salut ont quitté le souci. »

On trouve ensuite Les feux et Les fers, racontant comment les protestants furent brûlés, massacrés, mais triomphent dans les cieux ; voici un passage où Théodore Agrippa d’Aubigné mentionne le martyr de Jan Hus, à l’origine du hussitisme qui se prolongea en le taborisme, marquant l’émergence du protestantisme :

« Âmes dessous l’autel victimes des idoles,
Je prête à vos courroux le fiel de mes paroles,
En attendant le jour que l’ange délivrant
Vous aille les portaux du paradis ouvrant.
De qui puis-je choisir l’exemple et le courage ?

Tous courages de Dieu, j’honorerai votre âge,
Vieillard de qui le poil a donné lustre au sang,
Et de qui le sang fut décoré du poil blanc :

Hus, Jérôme de Prague, images bien connues
Des témoins que Sodome a traînés par les rues
Couronnées de papier, de gloire couronnés.

Par le siège qui a d’or mitrés et ornés
Ceux qui n’étaient pasteurs qu’en papier et en titres,
Et aux évêques d’or, fait de papier les mitres. »

L’œuvre se concluant par le livre militant Vengeances, où les méchants sont frappés par le courroux divin et enfin Jugement, racontant le rétablissement de la justice à la fin des temps.

Il s’agit d’un appel à « l’Eternel » à faire descendre ses « hauts cieux » :

« Dieu veut que son image en nos cœurs soit empreinte

Être craint par amour et non aimé par crainte ;

Il hait la pâle peur d’esclaves fugitifs,

Il aime ses enfants amoureux et craintifs. »

C’est, on le comprend, la clef de l’œuvre. Théodore Agrippa d’Aubigné appelle à croire en la victoire coûte que coûte ; il s’imagine représenter une victoire possible au-delà d’une défaite temporaire, alors qu’en réalité il exprime un effondrement général.

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Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné: défense de la royauté et charge anti-féodale

En tant que recueil poétique, Les Tragiques reflètent à la fois une démarche de rupture avec le féodalisme porté par le calvinisme, mais également l’échec du calvinisme français de par la base de sa direction largement soumise à des fractions aristocratiques.

C’est une œuvre significative de tout un processus historique ayant eu une importance capitale en France, puisque conditionnant les modalités de l’affirmation de la monarchie absolue.

Cela représente également la preuve que le calvinisme en français, dans sa charge anti-féodale, malgré sa correspondance aux attentes de la bourgeoisie et du capitalisme, a été porté, dans sa direction, par une partie de l’aristocratie.

Théodore Agrippa d’Aubigné lui-même est un aristocrate, dont l’histoire familiale témoigne de cette catastrophe que connut le calvinisme en France. Né en 1552, il a eu comme père un juge de la ville de Pons qui était de grande instruction humaniste ; sa mère mourut à sa naissance, ce qui lui valut son prénom, du latin aegre partus, accouchement difficile.

Pour l’anecdote, il est tout à fait possible, ce que les commentateurs bourgeois n’ont pas vu, que le nom fasse référence au Pons Agrippae, un pont à Rome en l’honneur de Marcus Agrippa – la famille d’Aubigné venant de Pons, dans le Sud-Ouest.

Théodore Agrippa d’Aubigné en 1622

Théodore Agrippa d’Aubigné apprit dès l’enfance le français, le latin, le grec, l’hébreu. S’il s’était converti tardivement au calvinisme, son père y prit part de manière décidée et fit jurer à son fils de venger les martyrs de la conjuration d’Amboise, alors que ceux-ci avaient leurs têtes coupées posées sur des pieux.

Mais cet engagement ne sera que l’épisode d’une génération. Son fils Constant sombra dans la décadence, devenant un débauché ayant tué sa première femme, sa petite-fille Françoise devint marquise de Maintenon, maîtresse de Louis XIV, avec qui elle finit par se marier secrètement à la fin de sa vie.

C’est tout à fait représentatif : la génération calviniste fut brillante, mais éphémère. Elle fut portée par l’humanisme et la bourgeoisie naissante, mais dominée par les fractions aristocratiques cherchant d’un côté à s’émanciper du clergé, de l’autre à refuser la centralisation inévitable du pays.

Théodore Agrippa d’Aubigné, dans Les Tragiques, oscille invariablement entre deux pôles. D’un côté, il développe une tonalité militante, de nature anti-féodale, de l’autre il bascule dans le pessimisme, la passivité, le chaos propre à une couche sociale en train de mourir.

La conséquence en est une œuvre donnant une terrible impression de fourre-tout, puisqu’on voit pas les contours, ni les lignes directrices. Le mélange des références à l’antiquité gréco-romaine et de celles à la Bible trouble, tout comme les constats d’échecs et d’impuissance accouplés à des appels à la révolte généralisée.

Cela produit une nostalgie absurde d’une royauté idéale, dans l’esprit des monarchomaques dénonçant le « tyran », sans voir que ce regard anti-féodal ne pouvait être porté que par la bourgeoisie, non pas par une aristocratie anti-centralisatrice.

Voici une dénonciation représentative de l’esprit de Théodore Agrippa d’Aubigné, que l’on trouve dans le troisième livre de son recueil :

« Jadis nos rois anciens, vrais pères et vrais rois,

Nourrissons de la France, en faisant quelquefois

Le tour de leur pays, en diverses contrées,

Faisaient par les cités de superbes entrées.

Chacun s’éjouissait : on savait bien pourquoi ;

Les enfants de quatre ans criaient : Vive le roi !

Les villes employaient mille et mille artifices

Pour faire comme font les Meilleures nourrices,

De qui le sein fécond se prodigue à s’ouvrir,

Veut montrer qu’il en a pour perdre et pour nourrir.

Il semble que le pis, quand il est ému, voie :

Il se jette en la main, dont ces mères de joie

Font rejaillir, aux yeux de leurs mignons enfants,

Du lait qui les regorge : à leurs Rois triomphants,

Triomphants par la paix, ces villes nourricières,

Prodiguaient leur substance, et, en toutes manières,

Montraient au ciel serein leurs trésors enfermés,

Et leur lait et leur joie à leurs Rois bien-aimés.

Nos tyrans aujourd’hui entrent d’une autre sorte ;

La ville qui les voit a visage de morte ;

Quand son prince la foule, il la voit de tels yeux

Que Néron voyait Rome en l’éclat de ses feux.

Quand le tyran s’égaie en la ville où il entre,

La ville est un corps mort, il passe sur son ventre,

Et ce n’est plus du lait qu’elle prodigue en l’air,

C’est du sang (…). »

Or, cette approche est contradictoire : soit le calvinisme veut aller de l’avant et donc dépasser le féodalisme – ce qu’il a fait par exemple aux Pays-Bas – soit il veut retourner vers une forme passée, mais cette forme était par définition liée à la féodalité.

Théodore Agrippa d’Aubigné exprime le point de vue des aristocrates refusant la centralisation et donc regardant en arrière, mais opposé au clergé et donc regardant en avant.

Mais le fait même de vouloir aller de l’avant annule la position aristocratique, tout comme le fait de vouloir retourner à une forme passée annule la charge anti-cléricale. La conséquence en est une incohérence qui a, davantage que la répression, fait s’effondrer le calvinisme français.

C’est la raison pour laquelle Les Tragiques n’eurent aucun écho historique, laissant seulement une trace.

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Les Tragiques d’Agrippa d’Aubigné et le «Désert»

Les Tragiques sont ainsi une œuvre exprimant une défaite, et c’est cela qui fait son intérêt, Théodore Agrippa d’Aubigné étant une figure historique d’une grande importance pour la France du XVIe siècle.

Il fut, en effet, un des principaux activistes de la cause protestante en France, tant sur le plan militaire que sur le plan intellectuel.

C’est en ce sens qu’ont une valeur historique les écrits de Théodore Agrippa d’Aubigné synthétisant cet épisode historique que furent les guerres de religion : Les Tragiques, écrits en vers et publiés en 1616), l’Histoire Universelle, publiés dans la période 1616-1620, en prose et d’une approche plus formelle.

Théodore Agrippa d’Aubigné en 1622

Pour cette raison, conformément à son interprétation de la situation – celle du Désert, c’est-à-dire d’une période d’exil face à la menace –Théodore Agrippa d’Aubigné signera Les Tragiques d’un pseudonyme, LBDD (le bouc du désert).

Les calvinistes se considéraient, après la révocation de l’Édit de Nantes, en 1685 comme les Hébreux à la sortie d’Égypte (Exode, 14-17), dans le « Désert ».

Mais le principe remonte à plus loin : dans Les Tragiques, Théodore Agrippe d’Aubigné utilise déjà cette référence, qui est également présente dans l’apocalypse, une femme se réfugiant dans le désert pour éviter d’être noyé par l’eau sortant massivement d’un dragon.

Le désert est aride, mais protecteur et il ne dure qu’un temps, telle est la vision qu’a Théodore Agrippa d’Aubigné de la situation qu’il connaît :

« O Désert, promesse des cieux,
Infertile mais bienheureux !
Tu as une seule abondance,
Tu produis les célestes dons,
Et la fertilité de France
Ne gît qu’en épineux chardons.
Tu es circuit, non surpris,
Et menacé sans être pris.
Le dragon ne peut et s’essaie :
Il ne peut nuire que des yeux. »

Il s’agit de porter la vérité, qui ne peut naître que dans l’adversité :

« La vérité a coutume
D’accoucher en un lieu secret »

Il faut donc assumer le bannissement qui a été imposé à la vérité, pour la porter :

« Voilà comment de nous la vérité bannie,
Meurtrie et déchirée, est aux prisons, aux fers,
Ou égare ses pas parmi les lieux déserts »

Cela fait des calvinistes le David des temps modernes, défendant la vérité avec une fronde :

« Je commençais à arracher
Des cailloux polis d’un rocher,
Et elle [la Vérité] tordait une fronde ;
Puis nous jetions par l’univers,
En forme d’une pierre ronde
Ses belles plaintes et mes vers.

(…)

Vous bienheureux les malheureux !
Separant des fanges du monde
Votre chrétienne liberté,
Vous défendez à coups de fronde
Les logis de la vérité »

Or, il y a là une contradiction essentielle. La France a été un pays marqué à la fois par l’humanisme (du Nord et de l’Est de l’Europe) et par la Renaissance italienne, au point qu’aujourd’hui les commentateurs bourgeois sont incapables de distinguer les deux.

Mais Agrippa d’Aubigné aurait dû représenter le calvinisme, dans une démarche parallèle à celle de l’humanisme : pourquoi trouve-t-on alors des éléments de la Renaissance ? C’est que son calvinisme n’a pas atteint un niveau suffisant de maturité pour ne pas utiliser des valeurs de la Renaissance.

Cela tient bien entendu à la base aristocratique de Théodore Agrippa d’Aubigné et de ce qu’il représente.

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«Je veux peindre la France une mère affligée»

Nous sommes en 1616 lorsque Les Tragiques sont publiées, alors que Henri IV s’est fait assassiné en 1610, malgré qu’il ait abjuré le protestantisme en 1593. Son auteur, Théodore Agrippa d’Aubigné, figure du protestantisme et historiquement très proche de Henri IV, ne peut plus alors faire qu’un constat désabusé :

« ce siècle n’est rien qu’une histoire tragique »

Son parti, celui du calvinisme qui s’est lancé dans une grande offensive anti-cléricale, n’a pas réussi sa percée, alors que son chef même, son proche ami qu’il a toujours valorisé comme le chef des protestants, a capitulé pour devenir Roi. L’Édit de Nantes qu’il a formulé est d’ailleurs terriblement bancal et un piège se refermant sur les calvinistes.

François Quesnel  (1542–1619),
Portrait dessiné du roi Henri IV, 1602

La situation est très mauvaise de par le rapport de force, et exprimée dans le passage le plus célèbre des Tragiques, sous la forme de deux bébés dont l’un, plus fort, prive l’autre de nourriture et provoque de terribles douleurs à sa mère.

Voici comment Théodore Agrippa d’Aubigné met cela en scène, dans le premier des sept livres que forme le recueil poétique des Tragiques (des espaces sont laissées pour faciliter la lecture) :

« Je veux peindre la France une mère affligée,
Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée.

Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts
Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups
D’ongles, de poings, de pieds, il brise le partage
Dont nature donnait à son besson l’usage ;

Ce voleur acharné, cet Esaü malheureux,
Fait dégât du doux lait qui doit nourrir les deux,
Si que, pour arracher à son frère la vie,
Il méprise la sienne et n’en a plus d’envie.

Mais son Jacob, pressé d’avoir jeûné meshui [aujourd’hui],
Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui,
À la fin se défend, et sa juste colère
Rend à l’autre un combat dont le champ et la mère.

Ni les soupirs ardents, les pitoyables cris,
Ni les pleurs réchauffés ne calment leurs esprits ;
Mais leur rage les guide et leur poison les trouble,
Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.

Leur conflit se rallume et fait si furieux
Que d’un gauche malheur ils se crèvent les yeux.
Cette femme éplorée, en sa douleur plus forte,
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;

Elle voit les mutins tout déchirés, sanglants,
Qui, ainsi que du cœur, des mains se vont cherchant.

Quand, pressant à son sein d’une amour maternelle
Celui qui a le droit et la juste querelle,
Elle veut le sauver, l’autre qui n’est pas las
Viole en poursuivant l’asile de ses bras.
Adonc se perd le lait, le suc de sa poitrine ;

Puis, aux derniers abois de sa proche ruine,
Elle dit : « Vous avez, félons, ensanglanté
Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ;
Or vivez de venin, sanglante géniture,
Je n’ai plus que du sang pour votre nourriture ! »

Ce panorama terrible de la guerre des religions, Pierre de Ronsard l’avait exprimé de manière similaire, du point de vue catholique en 1562, dans son Discours des misères de ce temps, à la reine mère du Roi.

On ne doit pas en être étonné, car Théodore Agrippa d’Aubigné s’est toujours réclamé de Pierre de Ronsard et a intitulé Misères le premier recueil des Tragiques d’où est tiré ce plus fameux passage.

Voici ce que dit Pierre de Ronsard, pour bien comprendre l’écho que représente la démarche de Théodore Agrippa d’Aubigné :

« Ce monstre (le Protestantisme) arme le fils contre son propre père 
Et le frère (ô malheur !) arme contre son frère,
La sœur contre la sœur, et les cousins germains
Au sang de leurs cousins veulent tremper leurs mains :
L’oncle hait son neveu, le serviteur son maître
La femme ne veut plus son mari reconnaître
Les enfants sans raison disputent de la foi 
Et tout à l’abandon va sans ordre et sans loi. »

La contradiction saute ici aux yeux à l’observateur averti. Théodore Agrippa d’Aubigné se revendique de Pierre de Ronsard et cherche à remettre la France dans le droit chemin, au-delà ce qui lui apparaît comme une déviation.

Il ne comprend pas ce que représente Pierre de Ronsard, il s’imagine qu’il peut le reconnaître culturellement, alors que son approche est celle de la synthèse Renaissance-humanisme propre à la France, avec sa monarchie pactisant avec le catholicisme pour devenir absolue.

Il ne comprend pas l’ampleur du calvinisme, la signification de rupture complète avec la féodalité, pas plus qu’il ne comprend pas pourquoi celui-ci ne triomphe pas en France.

Et son style s’en ressent : Les Tragiques sont une œuvre d’environ dix mille vers extrêmement difficile à lire, dans un français tortueux rempli de références à la Bible mais également à l’Antiquité gréco-romaine.

C’est le reflet d’un terrible problème de fond, montrant les limites historiques du calvinisme en France.

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OOA (MLM-pM):Le marxisme et la question nationale en Afghanistan

Dédié au Mouvement Communiste International

« Quelle est l’essence de cette révolution démocratique?

C’est une guerre paysanne dirigée par le Parti Communiste, elle entend créer un Etat nouveau constitué de quatre classes pour écraser l’impérialisme, la grande bourgeoisie, les propriétaires terriens et, ce faisant, accomplir ses quatre tâches.

C’est ainsi que la révolution démocratique a une forme principale de lutte: la guerre populaire et une forme principale d’organisation: la force armée;

cela représente, donc, la solution du problème de la terre, du problème national, de la destruction de l’État propriétaire terrien bureaucratique, des forces armées réactionnaires – cette colonne qui le soutient- pour réaliser l’objectif politique de construire un État nouveau, un État de Démocratie Nouvelle et de créer la République Populaire de Démocratie Nouvelle, pour ensuite, avancer immédiatement vers la révolution socialiste.

En synthèse: la révolution démocratique se concrétise dans la guerre paysanne dirigée par le Parti Communiste; toute autre modalité ne représente rien d’autre qu’un service à l’État propriétaire terrien bureaucratique. » Président Gonzalo [cité dans le document du Parti Communiste du Pérou : La révolution démocratique]

C’est à partir du point de vue de classe que les marxistes révolutionnaires d’Afghanistan ont vu la question nationale. Cela a été un point les différenciant de la « perspective nationale » des révisionnistes.

Ces cinq dernières décennies, les révisionnistes ont soit sous-estimé cette question, soit l’ont surestimé. De telles sous- et sur-estimation sont issues de leurs analyses non fondées sur les classes de la question nationale en Afghanistan.

La question nationale, comme le marxisme l’enseigne a été une question paysanne, dans les pays féodaux, semi-féodaux, semi-coloniaux / coloniaux. L’Afghanistan a été semi-coloniale ou une colonie lors des 150 dernières années.

Ce statut a commencé avec l’invasion anglaise en Afghanistan.

Le peuple d’Afghanistan a mené trois héroïques guerres contre les colonialistes britanniques.

Sous Amir Amanullah Khan, notre peuple a remporté la victoire politique et militaire sur la Grande-Bretagne, mais, cela n’a pas duré plus d’une décennie, et en bout de dix ans, d’abord Habibulah Kalakani, puis Nader Shah, ont de nouveau défait le courant progressiste.

Sous Nader Shah a eu lieu le processus d’émergence d’un capitalisme bureaucratique aux côtés des vestiges du féodalisme, et soumis à l’impérialisme. Ainsi, l’Afghanistan est apparu comme un pays semi-féodal et semi-colonial, dans lequel un capitalisme bureaucratique a émergé.

Mais le processus d’émergence de ce « capitalisme » était trop lent, et Nader régnait encore comme un monarque féodal plutôt qu’un monarque bureaucrate.

Ce document, traite principalement de la question nationale, qui est essentiellement une question des paysans en Afghanistan.

Notre organisation a cependant produit de nombreux documents analysant la question nationale en Afghanistan, mais en raison du fait que la quasi-totalité des analyses sont en persan, il est nécessaire de délivrer un document en anglais pour le Mouvement Communiste International.

Les révisionnistes et ceux ayant un faible niveau de connaissance idéologique ont largement, et de manière fausse, annoncé et fait valoir que le peuple d’Afghanistan est une nation.

Le slogan « nation afghane » était une arme de combat, par lequel le parti de la « Afghan Millat » (= la nation afghane), sous le règne du roi Zaher Shah (fils de Nader Shah), a supprimé les autres nationalités et les minorités nationales. La monarchie a également vu son intérêt tribal pour défendre un tel programme réactionnaire.

Mais, les maoïstes, opposés à un tel ordre du jour, et fondés sur la théorie marxiste de ce qu’est une nation, ont fait valoir que: le peuple de l’Afghanistan, non seulement ne fait pas une nation, mais, le slogan de « nation afghane » est une arme de combat, par lequel les réactionnaires ont toujours supprimé les masses révolutionnaires.

Certaines sections des militants soutenant la pensée Mao Zedong et qui avaient de faibles connaissances théoriques ont également été victimes du fait de parler du peuple d’Afghanistan comme nation afghane. Mais, pour la plupart des maoïstes en Afghanistan, il était clair que nous n’avons pas les conditions requises pour être une nation.

L’excellent travail du camarade Staline, le marxisme et la question nationale, a toujours été une source théorique solide des maoïstes qui discutent de la question nationale à partir d’une position de classe.

Pour étudier l’oppression nationale en Afghanistan, nous n’avons pas à sous-estimer les noires tentatives de la royauté, qui a toujours affirmé que la nationalité pachtoune, qui est aussi appelé les Afghans, constitue la majorité de la population.

Mais, ce n’est qu’une question politique, et elle n’a pas de réalité objective.

La domination pachtoune en Afghanistan, soutenue par les impérialistes et les colonialistes pendant la majeure partie du 20e siècle, n’a jamais autorisé les statistiques pour le calcul des nationalités et de la population.

Une des statistiques, que l’ONU cite également, et qui est pratiquement négligée par les politiciens pachtounes chauvins réactionnaires , est celle qui a été faite sous le régime du [Parti Démocratique Populaire d’Afghanistan] révisionniste.

Le régime du PDPA a estimé que la population de nationalité pachtoune composait seulement 39% de la population. Les révisionnistes ont abandonné le processus de statistiques concernant la population, et ils se sont opposés à la poursuite de l’affaire.

Cela parce que Taraki et Amin, deux dirigeants révisionnistes du PDPA, étaient pachtounes, et ils avaient aussi des conceptions chauvines qui ne permettaient pas de politiques réelles.

Pendant le règne Zaher Shah, il y a eu un homme politique non-pachtoune d’Afghanistan, Taher Badakhshi, qui a également prétendu être marxiste, et qui a proposé un scénario national pour l’Afghanistan. Son courant a été défini comme « courant anti-oppression nationale. »

Mais, il n’a pas proposé son scénario en le fondant sur le marxisme. Il était un petit-bourgeois nationaliste, qui avait une vision étroite d’esprit et sectaire de l’émancipation des nationalités. Il a donné la priorité aux droits des minorités nationales, à la place de la lutte des classes. Ainsi, son scénario a été condamné et rejeté par les forces révolutionnaires d’Afghanistan.

Les maoïstes ont fait valoir que pour autant que les Pachtounes ne semblent pas être la majorité, et que la création de la question de la « minorité » et de la « majorité » a été un piège politique de la classe dominante réactionnaire afin de supprimer les masses non-pachtounes, cela ne signifie pas qu’il soit juste et révolutionnaire d’imposer le nationalisme.

Le marxisme argumente seulement pour une analyse de classe de la question nationale. C’est une réalité que la couche dirigeante du peuple pachtoune a toujours supprimé les masses non-pachtounes, mais nous ne devons pas oublier que des millions de personnes du peuple pachtoune souffrent également de l’oppression de classe de la féodalité et du capitalisme bureaucratique.

Tout le monde sait que les dirigeants Pachtounes ont donné de nombreux privilèges aux Pachtounes dans la distribution des terres des zones peuplées de non-pachtounes, principalement sous Nader Shah, et Zaher Shah, mais nous ne devons pas oublier que il y a encore des millions de Pachtounes pauvres sans terre et qui sont des paysans pauvres qui sont les forces réelles pour une Révolutions de Nouvelle Démocratie.

Ainsi, les maoïstes révolutionnaires d’Afghanistan ont rejeté la thèse « anti-oppression nationale » de Taher Badakhshi. Cette thèse était une orientation sectaire, non fondée sur les classes, et qui était principalement en faveur des féodaux réactionnaires non-pachtounes.

Ainsi, le « courant anti-oppression » a été analysé en tant que tel et qualifié par les maoïstes comme étant un programme réactionnaire, qui voyait l’ensemble de la population pachtoune comme l’ennemi d’autres nationalités.

Les maoïstes ont fait valoir que: le peuple pachtoune n’est pas réactionnaire dans son ensemble, c’est seulement une mince couche au pouvoir, qui représente les intérêts du capital bureaucratique et des seigneurs des terres, qui est réactionnaire.

Mais, les maoïstes ont également souligné que: il y a les astuces de la strate gouvernante, qui tente de tromper les masses pauvres pachtounes et de les utiliser comme une arme de combat pour supprimer les autres masses.

Dans ce scénario, les Pachtounes pauvres, en raison du faible niveau de conscience politique, ont de nombreuses fois été instrumentalisé dans l’élimination des masses non pachtounes ; cependant, il n’est pas juste de cibler la nationalité pachtoune comme réactionnaire.

Nous devons cibler le véritable ennemi: l’impérialisme, le capitalisme bureaucratique et les propriétaires terriens.

Les djihadistes, les prétendus combattants de la liberté de Ronald Reagan [président des USA de 1980 à 1988], qui étaient en faveur de l’impérialisme mondial, principalement l’impérialisme yankee, en venant toutefois avec de faux slogans sur la fraternité islamique, étaient profondément enracinés dans les illusions nationalistes.

Gulbuddin Hekmatyar, comme comandant dhihadiste pachtoune, a été soutenu par les services de renseignement pakistanais, et avait des liens avec les États-Unis.

Son parti, le Parti islamique d’Afghanistan, avait principalement comme membres des Pachtounes.

De l’autre côté, Ahmad Shah Massoud, un autre comandant dhihadiste, qui était un non-Pachtoune et mettait en avant une nationalité tadjik, prétendant toutefois à une identité islamique, était organisé principalement à partir de combattants tadjiks.

Massoud était lié par un bout aux impérialistes français, et de l’autre il avait des liens avec le KGB.

En outre, après la défaite des djihadistes et pendant la domination d’Al-Qaida en Afghanistan, où le groupe taliban a dirigé en grande partie le pays, les relations de Massoud avec la Russie et la France était plus qu’un « mystère », et ces deux pays impérialistes ont appuyé le soi-disant « front uni national » sous la direction de Massoud.

Le voyage de Massoud en Europe, qui a eu lieu au cours de la dernière année de sa vie et qui a été chaleureusement félicité par les régimes impérialistes d’Europe occidentale, était une autre pose « démocratique », que ce comandant fasciste génocidaire a montré à la presse.

Le général Ab. Rashid Dostom, un chef de milice, qui provenait d’une nationalité ouzbèke d’Afghanistan, est également un chef de guerre, qui se déclarait faussement pour les droits du peuples ouzbek, mais il est en réalité en faveur des seigneurs fonciers réactionnaires ouzbeks, et maintient les intérêts des riches ouzbeks.

Il y avait Abdul Ali Mazari, d’ethnie Hazara et chef religieux des chiites, qui a aussi été un commandant djihadiste, toutefois affirmant les droits des Hazaras, mais avait jailli du régime théocratique des mollahs d’Iran, et était un ennemi des masses opprimées et pauvres.

C’était un seigneur de la guerre féodal, qui se battait pour le bénéfice des riches des Hazaras.

Il y a au moins des dizaines de dirigeants djihadistes et religieux encore en vie qui, après la défaite du social-impérialisme soviétique en Afghanistan, sont désormais en train d’abandonner les slogans religieux, et ont glissé vers le nationalisme de leurs propres ethnies.

En effet, ils jouent avec le scénario de l’oppression nationale, et sont tout simplement en train de gagner du prestige auprès des nationalités en les trompant.

Il y a maintenant des illusions parmi certaines sections de Pachtounes sans conscience comme quoi Gulbuddin Hekmatyar, un commandant pachtoune, combat l’invasion menée par les USA. Ce n’est pas vrai.

Gulbuddin est le même que Massoud auparavant. Massoud a tué des milliers de maoïstes. Gulbuddin est aussi un fondamentaliste extrémiste islamiste. En outre, il est un chauviniste pachtoune, et il est le même que le roi Zaher et le roi Nader sur le plan du chauvinisme.

Les révisionnistes, les djihadistes, les talibans et enfin l’équipe marionnette de « technocrates » de Karzaï, le président fantoche de la République islamique d’Afghanistan, sont toutes des forces réactionnaires, qui n’ont rien à dire sur la question nationale, et à la place, ont réussi un scénario de guerre des nationalités.

L’Afghanistan est un pays d’une mosaïque de nationalités. Au lieu d’une nation, nous avons au moins une trentaine de groupes ethniques, et quatre grandes nationalités.

Les Pachtounes, la nationalité largement dominante: sont parmi les personnes les plus grands individus traîtres d’ethnie pachtoune, qui ont trompé les Pachtounes et mené des guerres de suppression à l’égard d’autres nationalités, les traîtres comme Gulbuddin (leader islamiste), Sayyaf (leader islamiste), Karzaï (l’actuel président de l’Afghanistan), Taraki (chef du PDPA [Parti démocratique populaire d’Afghanistan] révisionniste – fraction Khalq [le peuple] et ancien président de l’Afghanistan), Hafizullah Amin (autre chef de file révisionniste du PDPA – fraction Khalq, qui a été président de l’Afghanistan pendant 90 jours), le mollah Omar (le chef du groupe réactionnaire taliban).

Ils ont tué des millions d’innocents en Afghanistan, et ils sont tous, avec leurs partis respectifs, des criminels de guerre.

Les Tadjiks: c’est une autre nationalité significative et importante d’Afghanistan.

Les traîtres et criminels musulmans comme Burhanuddin Rabbani (ancien président d’Afghanistan avant la domination des talibans), Ahmad Shah Massoud (un extrémiste islamiste qui a tué principalement les combattants maoïstes dans les zones non-pachtounes), Ustad Attah (gouverneur de la province de Balkh, et ​un des principaux dirigeants des djihadistes d’origine ethnique tadjik)…

De tels individus ne représentent pas les intérêts de l’ethnie tadjik de l’Afghanistan. Au contraire, ils sont les assassins des forces progressistes d’Afghanistan.

Les Ouzbeks: c’est une autre nationalité significative et importante d’Afghanistan.

Le général Dostum, d’une milice ouzbek, qui n’a même pas fini l’école d’une bonne manière, avait été « nommé » comme général militaire de l’ancien président du régime djihadiste, Sibghatullah Mujadidi. Il a été honoré pour sa contribution, avec les djihadistes, à renverser le régime du PDPA.

Les Hazaras: c’est une autre nationalité significative et importante d’Afghanistan.

Abdul Ali Mazari (fondateur du Parti de l’Unité islamique d’Afghanistan) est le dirigeant qui a ordonné le génocide de la population pachtoune et non Hazara. Il a agi à titre d’agent du régime chiite d’Iran. Mohaqiq est un autre chef fasciste religieux du Parti de l’Unité islamique d’Afghanistan.

Khalili est un autre fasciste d’ origine ethnique hazara, qui est maintenant le vice-président de Hamid Karzaï, et participe au régime fantoche des marionnettes sous l’occupation militaire.

Comme on le voit, les traîtres ci-dessus ont été les ennemis du peuple de l’Afghanistan.

Il y a d’autres organisations, clandestines ou semi-clandestines, qui prétendent toutefois être anti-djihadistes et non-islamistes, mais elles sont au service de l’impérialisme américain et d’autres puissances occidentales. Elles servent à la bourgeoisie bureaucratique compradore.

Elles n’ont pas condamné l’invasion de l’Afghanistan dirigée par l’OTAN, et ont pris le parti de Hamid Karzaï. RAWA (Organisation Révolutionnaire des Femmes d’Afghanistan) est l’une de ces forces.

RAWA a finalement renoncé, a abandonné la « lutte » clandestine et sous le pouvoir de Karzaï a célébré le « 8 mars » à Kaboul. Cette organisation a également participé aux élections des conseils provinciaux du régime fantoche.

RAWA est essentiellement la branche féminine de l’Organisation de Libération de l’Afghanistan ; l’ALO est une organisation suivant Deng Xiao Ping, qui avait émergé en se fondant sur la théorie des trois mondes.

Son dirigeant, Dr. Faiz Ahmad, a été le fondateur de l’économisme afghan. Il a renoncé à la lutte révolutionnaire et a rejeté la stratégie de la guerre populaire en faveur de la lutte armée. Aujourd’hui, l’Organisation de Libération de l’Afghanistan est aux côtés de l’impérialisme yankee, et n’a pas d’opposition aux élections présidentielles marionnettes en Afghanistan.

Notre organisation a toujours condamné RAWA et l’OLA. Ce sont les organisations qui servent pour le régime compradore bureaucratique de Hamid Karzaï, et ils ont vendu leur pays dans la lutte politique pour l’impérialisme.

Karzaï est un héros pour l’impérialisme américain. Ainsi, il a aussi été un héros pour l’ALO et sa branche féminine, RAWA.

Massoud est un héros pour l’impérialisme français, les djihadistes l’admirent aussi !

Gulbuddin est un héros pour les impérialistes et l’État réactionnaire du Pakistan, ainsi les chauvins parmi les Pachtounes le soutiennent, pas tous les Pachtounes.

Abdul Ali Mazari est un héros pour les islamistes d’Iran et les djihadistes chez les Hazaras. Mais pas pour les masses opprimées.

Dostum est un héros pour l’Ouzbékistan et les propriétaires terriens ouzbeks d’Afghanistan, et non pour les masses opprimées des Ouzbeks.

Le véritable héros d’Afghanistan, le héros des masses, qui a dirigé le processus révolutionnaire des masses laborieuses d’Afghanistan, est le camarade Akram Yari.

Akram Yari était, sur le plan ethnique, un Hazara. Il était issu d’une minorité hazara. Mais, il ne s’est jamais vu comme un Hazara. Il croyait au potentiel révolutionnaire des masses opprimées d’Afghanistan. Ainsi, il s’est tout d’abord opposé aux féodaux hazaras.

Il était l’ennemi des propriétaires terriens hazaras. Ce fut la raison pour laquelle ses oncles et ses proches, qui étaient tous des propriétaires fonciers, ont été parmi ses premiers opposants.

La principale forme de lutte en Afghanistan est la guerre populaire, et la principale forme d’organisation est l’Armée de Libération du Peuple, et ces deux armes ouvrent la voie à une émancipation nationale, pour la révolution démocratique, et pour mener une lutte prolongée pour une République de Nouvelle Démocratie d’Afghanistan.

Notre organisation a toujours célébré la riche culture de nos masses opprimées. Nous avons toujours salué Norouz (la fête persane du Nouvel An) seulement pour les masses laborieuses, et non pour les seigneurs de la guerre, et non pour les classes dominantes réactionnaires.

Ce document, qui coïncide avec la fête nationale du printemps et Norouz (le premier jour de l’année), est un prolongement de notre célébration de l’an dernier.

Nous avons déjà mis une félicitation pour Norouz en faveur des masses opprimées sur notre site Web. Chaque année, nous avons souhaité Norouz pour les opprimés.

Cette année, nous l’avons de nouveau souhaité pour les millions de paysans, qui affirment que: Norouz est le jour des paysans.

Il s’agit d’une journée qui annonce le début d’une nouvelle année, et le début du printemps. Donc, ce jour, est un symbole des masses laborieuses qui servent le pays. C’est pourquoi, Norouz, depuis presque une centaine d’années, a également été appelé le jour de la célébration de la paysannerie.

Que la question nationale, comme le marxisme l’a toujours enseigné, soit la lutte des paysans pour l’émancipation, et pour la Révolution de Nouvelle Démocratie.

Non à tous les « représentants » réactionnaires des groupes ethniques d’Afghanistan.

Non au chauvinisme des traîtres pachtounes (et non des masses pachtounes) et au nationalisme sectaire et étroit d’esprit des dirigeants traîtres non-pachtounes (et non des masses de non-Pachtounes).

Les peuple d’Afghanistan sont un poing uni!

Ne vous divisez pas ! Unissez-vous et mettez en déroute l’impérialisme, le capitalisme bureaucratique et le féodalisme!

Organisation des Ouvriers d’Afghanistan
(Marxiste-Léniniste-Maoïste, principalement Maoïste)
25 mars 2013

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Akrami Yari sur le capitalisme bureaucratique

Qu’est-ce que le capitalisme bureaucratique ? La compréhension de cette forme sociale est au plus profond du noyau du maoïsme. Selon le maoïsme, il y a deux types de pays : les pays impérialistes d’un côté, et les pays opprimés de l’autre. Ces pays opprimés sont semi-coloniaux, semi-féodaux.

Dans les pays capitalistes, le marché libre a triomphé et anéanti les restes féodaux. Cela n’est pas le cas dans les autres pays, où la bourgeoisie a été trop faible face à l’hégémonie impérialiste, et où le féodalisme n’existait pas dans une version développée, l’économie du pays étant fondée sur une économie traditionnelle d’auto-suffisance locale.

En raison de cela, le capitalisme a été d’un côté dans l’incapacité d’abolir le féodalisme organisé d’en haut par l’impérialisme, de l’autre côté incapable également de se développer franchement.

Cela amène à la situation où le capitalisme est une forme dégénérée, existant d’un côté en soumission à l’impérialisme, et de l’autre en rapport étroit avec le féodalisme. Il y a de fait une contradiction entre la bourgeoisie bureaucratique et la bourgeoisie nationale, et pour cette raison la bourgeoisie bureaucratique soutient le féodalisme contre la bourgeoisie nationale et sa volonté de généraliser le capitalisme.

Pour cette raison, aucune « modernisation » ne peut vraiment avoir lieu, parce que le féodalisme bloque chaque développement ; même s’il est apparemment faible, il se maintient par différentes formes. Voyons ce que nous enseigne Akram Yari avec l’exemple afghan :

« Est-ce que le développement d’un tel capitalisme corrompu et dégénéré [le capitalisme bureaucratique] qui vient de la situation de l’impérialisme mondial, triomphe de la féodalité sur le long terme ?

Est-ce que l’impérialisme est en mesure de développer son embryon (le capitalisme) sous cette forme dans ce pays (en Afghanistan)? [Sans s’appuyer sur une forme corrompue, qui est le capitalisme bureaucratique.]

La réponse à cette question, selon notre point de vue, est absolument négative!

Tout d’abord, le développement et la croissance du capitalisme de marché libre, qui joue un rôle secondaire dans une telle circonstance, est sujet à la défaite dans la situation internationale du capitalisme impérialiste.

Cela vient des tendances gloutonnes et de l’expansionnisme hégémonique de l’impérialisme, en particulier du social-impérialisme qui crée des obstacles et empêche le développement de cette classe capitaliste nationale [la bourgeoisie nationale].

Deuxièmement, il y a la croissance et le développement du capitalisme bureaucratique, qui est mélangé avec l’oppression, les troubles et les discriminations féodales, et contaminé par des corruptions, la hiérarchie des privilèges, et en même temps la dictature religieuse fasciste qui lui est aussi inséparablement annexée, et est la seule forme qui a vu le jour dans tous les pays sous la domination du capitalisme [impérialiste] ; dans une telle forme dégénérée [qu’est le capitalisme bureaucratique], non seulement ne se développe pas le capitalisme dans de tels pays, mais plutôt se renforcent et se fortifient les vestiges du féodalisme, et cela joue un rôle pour sauver le féodalisme dans ses frontières, et par cela [un tel développement dégénéré du capitalisme], se maintient la stabilité du marché mondial impérialiste.

Donc, la seule chose que le marché impérialiste apporte à de tels pays, et qu’il appelle « modernisation », est un capitalisme corrompu chétif, qui est pourri et dégénéré plutôt que progressiste, et est plus âgé que n’importe qui peut supposer [et celai est contraire aux allégations de ses apologistes qui argumentent pour son caractère moderne], et c’est plus que son caractère « moderne », cet appui sur le pourri et le vieux [les vieilles infrastructures et superstructures préalables]. »

C’est l’enseignement maoïste classique. Selon les révisionnistes (du type social-impérialiste soviétique ou de la variante hoxhaiste), la bourgeoisie nationale est en mesure de prendre le pouvoir ou au moins d’influencer la société.

Le maoïsme nous enseigne que ce n’est pas le cas. Il n’y a pas seulement une bourgeoisie bureaucratique, il y a aussi un capitalisme bureaucratique, il n’y a pas que des forces féodales, il y a le féodalisme. Un pays semi-colonial semi-féodal n’est pas qu’un pays où sont présent une classe capitaliste bureaucratique et le féodalisme, c’est un pays dont la réalité est façonné par eux.

Prétendre changer cette réalité de l’intérieur est, en fait, moderniser à la fois le capitalisme bureaucratique et le féodalisme, formes qui ne sont pas « du passé », mais produit par l’impérialisme ; il y a l’impérialisme d’un côté, la réalité semi-coloniale semi-féodale de l’autre : c’est la forme dialectique de cet aspect de la réalité.

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Akram Yari a-t-il fondé l’approche matérialiste dialectique de la psychologie?

Akram Yari, le grand maoïste historique de l’Afghanistan, a-t-il fondé l’approche matérialiste dialectique de la psychologie? Il s’agit d’une question très importante. Il y a de nombreux d’éléments qui peuvent nous laisser considérer que c’est le cas. Revenons à une phrase écrite par Akram Yari:

« La pérennité de l’individu est une cause de surplace et est un agent passif, mais le sacrifice pour la classe [ouvrière] est un agent dynamique et actif. »

Il est nécessaire de commenter davantage cette phrase, étant donné que sa luxuriance idéologique est extrême.

Pôles d’opposés

Comme nous pouvons le voir, en effet, il y a deux pôles d’opposés:

pérennité de l’individu <=====> sacrifice pour la classe [ouvrière]

cause de sur-place et est un agent passif <=====> un agent dynamique et actif

Si l’on regarde plus loin, nous pouvons voir encore des paires de contraires, les contraires:

individu <=====> classe [ouvrière]

pérennité <=====> sacrifice

et

cause de surplace <=====> agent dynamique

agent passif <=====> agent actif

Nous commençons à avoir une vision du luxe de la pensée d’Akram Yari. Allons plus loin et voyons quels mots il a utilisé.

L’étymologie des mots choisis

En particulier, nous devons voir quel vocabulaire il utilise pour actif / passif et cause de sur-place / dynamique.

Akram Yari dit:

« بقای فردی عامل سکون وپسیف است وازخودگذری درمقابل منافع طبقه عامل متحرک واکتیف »

Pour « surplace », il utilise « سکون”, prononcé « Sukoun », cela vient de la langue arabe, où cela signifie « calme » ; il est aussi employé par le grand maître de la falsafa, Avicenne, par exemple dans le « Danesh Namé », le « livre de la science. »

Pour dynamique, il emploie « متحرک », prononcé « Mutaharek », qui vient de l’arabe « حَرَكَة”.

Ici, il est à noter que le mot est à prendre au sens de « mobile », c’est-à-dire de dynamique dans le sens où il peut venir à être en mouvement.

L’opposition surplace / dynamique est à comprendre comme calme / mobile.

C’est directement en relation avec l’opposition passif / actif, pour lesquels Akram Yari utilise les mots empruntés à la langue anglaise (aktif / pasif).

Et maintenant, portons un dernier regard, sur le mot « agent ». Akram Yari utilise le mot « عامل », prononcé « aamel. » Cela vient de la langue arabe, et le dictionnaire en ligne wiktionnaire donne cette explication utile (dans la version anglaise)

« Nom

عَامِل‎ • 

(ʕāmil) , pluriel عَوَامِل

(ʕawāmil)‎

1. facteur, constituant, élément, agent causal
2. force motrice
3. (grammaire) mot qui régit un autre mot
 »

La Falsafa: Al-Fârâbî et Avicenne

Maintenant, jetons un regard sur les enseignements de la Falsafa. Trouvons-nous les mêmes pôles d’opposés?

Prenons l’opposition :

agent passif <=====> agent actif

Pour résumer, selon la tradition d’Aristote, du second maître (Al-Fârâbî) et d’Avicenne, il y a un Dieu qui est un « moteur ».

Parce qu’il est « bon », il produit la bonté qui est déjà séparée de Dieu, donnant naissance à un « ange » qui est un « intellect » (aql).

A la fin de ce processus, il y a la Terre, formée d’une fusion du faible niveau de « l’intellect » et de la matière. La matière est simplement « passive » et formée par l’intellect, qui est « actif. »

Par conséquent, ce qu’on appelle la « pensée » n’appartient pas à la matière. Elle appartient à l’intellect.

Voyons maintenant l’opposition :

cause de surplace <=====> dynamique

Selon la tradition d’Aristote – Al Farabi – Avicenne, la matière est « calme », au sens de « réceptive », tandis que l’intellect est « mobile », se mouvant jusqu’à la matière réceptive, la formant (= lui donne des formes).

Selon Aristote, le sage qui comprend cela devient heureux, selon Al-Fârâbî, quelqu’un comprenant cela deviennent le philosophe-roi. Et selon Avicenne, l’individu peut recevoir des « faisceaux de lumière » de « l’intellect » apportant des formes universelles de connaissance.

La Falsafa : Averroès

Dans les conceptions étonnantes d’Al-Fârâbî et d’Avicenne, les gens sont comme des ordinateurs recherchant les informations dans un grand centre de données, qui serait « Dieu », les câbles étant l’intellect mettant les informations sur les écrans (ici: les « âmes »).

Mais comme nous le savons, le « grand commentateur », Averroès, a modifié ce système. Dans le système d’Al-Fârâbî et Avicenne, tout vient d’en haut, de l’intellect. Les individus sont purement passifs.

Cependant, Averroès a vu la contradiction: comment l’esprit éternel et unique peut-il être en relation avec les individus non éternels et non uniques?

C’était un saut matérialiste majeur, qui a été rapidement et sévèrement écrasé par les représentants de l’Islam, alors qu’en Europe, c’est devenu l’arme pour les matérialistes dans la lutte contre l’Église, donnant l’impulsion centrale pour la Renaissance.

Comment Averroès a-t-il changé le système d’Al-Fârâbî – Avicenne?

Selon Averroès, « l’intellect » ne venait pas seulement de l’extérieur de la matière, il y avait aussi une partie de l’intellect directement reliée à la matière.

Les humains étaient de la matière, mais avec un « intellect », qui était ouvert à l’intelligence venant de l’extérieur (par le haut, de Dieu).

L’union matière – intelligence d’un être humain formait une union الاتحاد – al-ittihad, en quête d’une jonction إتصا –ittisal, avec le grand intellect.

C’était une étape importante, parce que c’était une reconnaissance de l’existence du cerveau.

Une compréhension matérialiste

Le système d’Aristote – Al-Fârâbî – Avicenne – Averroès est un système statique.

Mais pour nous, le monde est en mouvement, la matière est éternelle et suit un mouvement dialectique. Ainsi, l’aspect statique est opposé à l’aspect dynamique, comme le dit Mao Zedong, « l’arbre peut préférer le calme, mais le vent continue de souffler. »

Donc, maintenant, revenons à l’affirmation d’Akram Yari:

« La pérennité de l’individu est une cause de surplace et est un agent passif, mais le sacrifice pour la classe [ouvrière] est un agent dynamique et actif. »

Et comprenons cela correctement.

Qu’est-ce que la pérennité ? C’est le calme. Qu’est-ce que le sacrifice? C’est le vent. Les individus vivent dans une société donnée, mais cette société évolue. L’individu voit et ressent cette évolution, mais sans une bonne approche, il tombe dans la nostalgie.

Ici, Akram Yari a souligné quelques points très importants, atteignant un très haut niveau de compréhension de la psychologie ; si l’on prend sa citation, d’un côté, nous avons le côté non-mobile:

« la pérennité de l’individu est une cause de surplace et est un agent passif »

Et de l’autre côté, nous avons le côté mobile:

« le sacrifice pour la classe [ouvrière] est un agent dynamique et actif. »

Si nous étions avec Avicenne, nous dirions: l’intellect (aql) est actif et « écrit » sur l’agent passif.

Mais, comme nous n’utilisons pas le concept de Dieu, mais de la matière en mouvement dialectique éternel, alors le monde est dans un processus d’auto-transformation.

(C’est certainement pourquoi Akram Yari n’a pas utilisé les mots arabes pour actif / passif utilisés par Avicenne: cela aurait été comme si le système matérialiste était équivalent à celui d’Avicenne, ce qui n’est pas le cas. Akram Yari ne connaissant sans doute pas Averroès, titan de la falsafa mais largement inconnu dans le monde musulman).

Par conséquent, cette transformation est l’agent actif réel. Et avec Averroès, nous savons que les individus ne sont pas seulement comme un récepteur, ils peuvent émettre aussi: les humains sont tournés en direction de l’intellect venant du haut, mais aussi en direction de la matière à laquelle ils sont reliés.

Ainsi, Akram Yari explique ce qu’Averroès, Kant, Lénine ont observé: les gens ne pensent pas à un niveau supérieur à eux-mêmes, à l’exception des quelques personnes ayant la compréhension de l’ensemble du système qui a tout mis en mouvement.

La « pensée » des êtres humains est une réflexion, elle est tardive, parce que pas tournée dans la direction du mouvement général.

Pour bien le comprendre, nous allons revenir sur les oppositions présentées par Akram Yari.

Individu et sacrifice, un mouvement dialectique
et donc, interne

Nous avons dit que les contraires sont les suivants:

individu <=====> classe [ouvrière]

pérennité <=====> sacrifice

Mais en réalité ce n’est pas correct, cela devrait être :

individu <=====> sacrifice

pérennité <=====> classe [ouvrière]

Pourquoi cela? Parce que c’est la classe qui est contre la pérennité, la classe porte le communisme, qui est l’abolition de la vieille société.

La contradiction est interne: la classe appartient à la société.

Et l’autre contradiction est entre l’individu, tourné dans le sens de lui-même, tandis que le sacrifice montre qu’il s’est tourné vers le mouvement général de la matière.

La contradiction est interne: le sacrifice est celui de l’individu lui-même.

La base pour une compréhension de
la psychologie de l’individu

Ainsi, la contradiction est interne. Mais quelles sont les formes de cette contradiction?

Pour cela, comprenons ce qu’Akram Yari a dit juste avant la phrase que nous avons cité:

« Le principe de base de la vie d’un individu est, d’une manière superficielle, rien de plus que de conserver son existence matérielle jusqu’à la mort, mais la situation de la vie, de manière significative sa manière sociale, conduit la survie et la pérennité d’un individu en direction de la transformation à une contradiction : d’un côté, la survie matérielle est à la base du fait d’être en vie, mais d’un autre aspect, donner des sacrifices en faveur de la classe est l’initiative nécessaire pour la croissance individuelle et le développement de la société humaine. »

Quand Akram Yari parle de la « manière sociale », le fait de « conserver son existence matérielle jusqu’à la mort », c’est comme quand Averroès parle de « l’intellect » présent dans la matière et non pas tournée vers le grand intellect (Averroès l’appelle « l’intellect matériel »).

Et comme la contradiction est dans la société elle-même, dans la reproduction des moyens de vie (= le mode de production), la contradiction est dans l’humain directement aussi. Individu et sacrifice constituent une contradiction, mais une contradiction non pas entre l’humain et l’intellect comme dans la conception religieuse d’Aristote – Al-Fârâbî – Avicenne – Averroès.

C’est une contradiction dans l’humain lui-même. C’est pourquoi Karl Marx nous a expliqué, dans sa Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1843):

« Il est évident que l’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes ; la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle ; mais la théorie se change, elle aussi, en force matérielle, dès qu’elle pénètre les masses.

La théorie est capable de pénétrer les masses dès qu’elle procède par des démonstrations ad hominem, et elle fait des démonstrations ad hominem dès qu’elle devient radicale.

Être radical, c’est prendre les choses par la racine. Or, pour l’homme, la racine, c’est l’homme lui-même. »

Akram Yari a donné la base pour la psychologie

En expliquant que l’individu est dans une situation qui est passive et non-mobile, Akram Yari défend le point de vue matérialiste dialectique selon lequel la pensée individuelle est le reflet du mouvement de la matière.

Néanmoins, comme la pensée est la matière grise, elle est dans le cerveau, et comme le cerveau est matière, le cerveau est une partie du mouvement de la matière.

Par conséquent, l’individu est dans une contradiction. Cette contradiction est la base de l’approche matérialiste dialectique de la psychologie.

L’esprit des individus est en même temps l’outil pour comprendre la réalité directe de l’individu, mais aussi la réalité globale du monde. Cela vient de la réalité naturelle du cerveau.

Cela ouvre tout un champ de la compréhension des individus. Cela aide à comprendre la tension entre l’aspect global de la classe et la réalité des individus qui sont dans la classe, mais aussi tournés, d’une manière relative, dans une réalité directe, partie de la reproduction des moyens de vivre.

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Akram Yari sur la dialectique entre la vie d’un individu et le progrès de la société

Quand nous regardons l’histoire, quand on voit que la vie est matière en mouvement, il est alors inévitable que nous pouvons voir une contradiction entre la recherche par chaque vie de sa propre préservation et la nécessité de mettre sa propre vie en danger dans la lutte pour le progrès.

D’un côté, la tendance générale de la révolution pousse l’individu à l’action. De l’autre côté, l’individu vit déjà, il a une famille, il a des amis, une relation amoureuse peut avoir commencée, les enfants sont peut-être déjà là, etc.

Il y a ainsi une grande tension entre la vie d’un individu qui est propulsée dans une direction, avec une culture qui lui est propre, faisant des projets pour l’avenir, et la nécessité de la révolution.

Bien sûr, les révolutionnaires authentiques sont conscients de cela et toutes leurs vies sont gérées de manière à se conformer à la nécessité de la révolution: c’est le principe des révolutionnaires professionnels, comme Lénine l’a formulé.

Donc, nous devons nous poser la question de l’adéquation d’une vie d’un individu et son devoir. C’est une contradiction. Nous pouvons voir facilement cela dans le processus de construction et de développement du Parti Communiste, nous pouvons voir comment des gens échouent, parce qu’ils ne sont pas capables de se transformer. C’est aussi ce que signifiait Gonzalo avec la question de la nécessité et du hasard historique de ce qui fait agir un individu comme ceci ou comme cela.

Il y a une tension entre la tendance des individus à voir dans le communisme la seule voie du progrès en général, et leur tendance à l’auto-protection qui doit aller, si elle n’est pas transformée, dans le sens de la protection illusoire par le passé, la réaction, alors qu’en fait, la transformation ne peut être évitée.

Par conséquent, le Parti Communiste doit toujours élever son niveau, de sorte que les individus puissent directement voir que leur propre développement est lié à la progression du communisme. Aucune vie ne peut être améliorée dans un sens qui va contre le communisme.

Et la vie suivant la tendance générale au communisme ne peut que progresser, acquérant des éléments pour son avancée dans les domaines culturels, trouvant les éléments positifs dans la société, sa propre vie, étant en mesure de rester authentique, etc.

Donc, pour résumer, une partie de la matière ne peut de toutes manières pas aller dans une direction opposée au mouvement général de la matière ; c’est le principe de l’univers en oignon. Toutes les couches de l’univers sont en transformation.

Voici comment le grand maoïste d’Afghanistan, Akram Yari, nous explique cette contradiction:

« … Le principe de base de la vie d’un individu est, d’une manière superficielle, rien de plus que de conserver son existence matérielle jusqu’à la mort, mais la situation de la vie, de manière significative sa manière sociale, conduit la survie et la pérennité d’un individu en direction de la transformation à une contradiction : d’un côté, la survie matérielle est à la base du fait d’être en vie, mais d’un autre aspect, donner des sacrifices en faveur de la classe est l’initiative nécessaire pour la croissance individuelle et le développement de la société humaine.

La pérennité de l’individu est une cause de sur-place et est un agent passif, mais le sacrifice pour la classe [ouvrière] est un agent dynamique et actif. »

La compréhension grandiose par Akram Yari nous montre ici qu’il y a un aspect passif et un aspect dynamique, ce qui signifie que l’aspect principal est l’aspect général, pas l’aspect individuel. Cela signifie que la tendance qui gagne est l’aspect dynamique.

Ceci est dialectique: comme l’individu est une composante de la matière en général, si le système se déplace, il se déplace aussi. Et si l’individu comprend cela, il peut accompagner le mouvement général de la matière. En effet, il porte alors la pensée.

Et c’est pourquoi Akram Yari explique que:

« Il est crucial pour une meilleure existence et une vie meilleure que de faire des sacrifices, parce qu’on en arrive là que dans cette forme de travail, dans le cadre de sacrifice pour le bien de la classe, en étant pleinement engagé en faveur de la classe, et en négligeant son propre intérêt, et en étant en faveur de la classe qui mène à une vie meilleure.

Il est alors possible pour un individu de mener une lutte pour garantir sa vraie éternité. »

Cela ressemble à de la poésie pour les personnes non habitués aux lois du matérialisme dialectique. Mais si nous regardons Engels, n’a-t-il pas gagner son « éternité » en aidant Karl Marx et à la fondation du marxisme, au lieu de seulement « vivre » comme un bourgeois comme il aurait pu le faire?

Fondamentalement, c’est la question touchant chaque individu: faut-il essayer une « auto-protection », qui ne peut être qu’une illusion étant donné que le passé est toujours plus faible, ou faut-il oser le nouveau, qui est faible mais toujours plus fort, et conforme au mouvement général de la matière en transformation?

Nous connaissons tous des gens qui ont fait face à un choix, et qui ont suivi la ligne opportuniste, au lieu de la ligne révolutionnaire, pour une raison de confort, exactement comme quelqu’un peut prétendre nier son propre amour, parce que celui-ci n’est pas en adéquation avec son propre projet de carrière bourgeoise.

Mais concluons avec cette leçon magistrale d’Akram Yari sur la dialectique, ici sur la nature de la politique révolutionnaire:

« Quelle forme prend le travail principal dans la lutte pour l’émancipation des êtres humains dans une société de classe? La forme de travail qui est vraiment efficace pour la libération et l’émancipation des êtres humains.

Cette forme de travail est la politique révolutionnaire.

Cela signifie que la politique révolutionnaire des intérêts de la classe en ensemble, bien qu’en progrès, et dans la progression, peut briser les chaînes de l’esclavage des humains et conduit les êtres humains vers l’émancipation et la libération.

C’est la raison pour laquelle la politique vient avant toutes les autres questions.

Cela signifie que l’aide politique est la chose la plus non-privé et la plus impartiale qu’un individu peut offrir aux autres. Mais tous savent que dans une société de classe, il n’y a rien d’impartial, de sorte que la politique ne peut pas non plus être impartiale, et ne peut pas être trouvé impartiale dans une société de classe.

Mais quel est le parti pris politique? La partialité politique, c’est en soi une contradiction: d’un aspect, elle contient toutes les partialités privées et [représente] chacun d’entre eux, et d’un autre aspect, la partialité politique ne reflète pas la partialité privée et personnelle.

La partialité politique est une image, c’est une abstraction et elle contient trop de parties de partialités personnelles ou privées, et en même temps, elle ne représente pas la partialité privée d’un individu quel qu’il soit, et ne correspond nullement à une partialité privée quelle qu’elle soit.

Comme la politique révolutionnaire prolétarienne est la négation de la partialité privée de chaque individu de la classe, en même temps, c’est la forme abstraite et l’intégration de l’ensemble des partialités des individus [membres] d’une classe. »

Combien utiles sont les leçons de Akram Yari !

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Jaïnisme et capitalisme

Qu’est-il advenu du capitalisme indien? Il avait en fait déjà une idéologie extrêmement développée : le jaïnisme.

Mais Karl Marx n’a pas pu voir cela, pour deux raisons. Tout d’abord, le jaïnisme était moins connu, pour ne pas dire inconnu, ce qui est encore aujourd’hui le cas. Ensuite, Marx connaissait une forme avancée d’idéologie capitaliste, et le jaïnisme était « démocratique » dans une forme très élémentaire.

Le jaïnisme est apparu au même moment que le bouddhisme ; sa philosophie en était très proche. Mais si le bouddhisme était l’idéologie de la ville, du royaume, le jaïnisme était directement l’idéologie du capitalisme.

C’est pourquoi le jaïnisme est beaucoup plus exigeant : une personne qui offre à son insu de la nourriture empoisonnée est innocente selon le bouddhisme, coupable selon le jaïnisme.

Extrait du Kalpa Sūtra, qui contient les biographies des grandes figures jaines, 15e siècle

Si le mot jaïnisme vient en effet du verbe sanskrit jin, qui signifie se battre – ici la bataille contre les passions et la réalité de la matière -, le paradoxe est que le jaïnisme est une religion très pragmatique.

Sur le plan scientifique, c’est de l’empirisme dans la tradition bourgeoise primitive : les choses sont supposées avoir de multiples aspects, chaque personne prenant peut-être un aspect différent, et ainsi toute proposition est vraie de façon conditionnelle et non pas de façon absolue.

C’est un relativisme très utile au capitalisme ; en fait c’est ici une forme ouverte de libéralisme, un appel à la pratique autonome, sans avoir à être jugé par des « forces suprêmes ».

Un jaïn devait être austère et digne de confiance ; pour le jaïnisme, il n’y avait ni castes, ni possibilité d’être « parfait » en tant qu’être humain, seule la mort pouvait provoquer la libération finale. Et le jaïnisme des débuts refusait aussi le culte des images.

Il est évident que tout ceci a la même dynamique que le protestantisme.

Les 24 grandes figures jaines, vers 1850

Et nous voyons que du point de vue matérialiste, le jaïnisme rejette le concept de la création de l’univers ; dans la même perspective, le jaïnisme réfute le principe d’une « force suprême » qui « organiserait » le monde.

Ce qui est ici extraordinaire, c’est que cette ligne pré-bourgeoise était si progressiste qu’elle acceptait ouvertement la conception matérialiste de l’unité du monde.

Le jaïnisme était la religion la plus proche de considérer que la réincarnation était le développement éternel de la matière vivante par le mouvement des atomes.

Le jaïnisme allait si loin, qu’il considérait que tous les êtres vivants étaient liés ; comme l’a formulé le mathématicien jaïn Umā Svāti au deuxième siècle :

« Les âmes existent pour se rendre service les unes aux autres. »

Dans la lignée de cette reconnaissance de la matière vivante, il est interdit pour les jaïns de faire du mal à tout être vivant. Dans le livre sacré traditionnel appelé l’uttaradhyayana sutra, nous pouvons lire ceci :

« Des bâtons et des couteaux, des pieux et des massues, de mes membres brisés,

J’ai impitoyablement souffert à d’innombrables reprises.

Par des rasoirs, des couteaux, des lances bien affûtées, j’ai été si souvent

Traîné, écartelé, découpé et dépecé

Tel un cerf aux abois pris au collet, tombé dans un piège,

J’ai si souvent été attaché, ligoté et même tué.

Comme un poisson sans défense, j’ai été pris avec des hameçons et dans des filets,

Crocheté, écaillé, fendu et éviscéré, et tué un million de fois…

Né arbre, j’ai été abattu et débité, à coup de hache et de burin

Puis découpé en planche à l’infini.

Incarné dans le fer, j’ai subi le marteau et les pinces

Tellement de fois, pris en étau, frappé, tordu…

Toujours tremblant de peur ; dans une souffrance permanente,

J’ai ressenti la plus grandes tristesse, la plus grande agonie. »

De nos jours, le jaïnisme a encore quatre millions d’adeptes, la plupart en Inde où cette religion a toujours été associée aux marchands ; en Belgique, cette communauté est connue à Anvers pour sa présence dans le commerce des diamants.

Les jaïns ont donc pour ainsi dire été intégrés comme une caste de marchands au sein de l’hindouisme, après que ce dernier ait bien sûr triomphé du bouddhisme, qui était le grand concurrent du jaïnisme.

Sous la domination islamique, les jaïns ont conservé ce rôle de commerçants, pour lequel ils étaient protégés, et même tenus en grand respect par Akbar, le grand souverain qui a tenté d’unifier l’empire comme l’avait fait Ashoka.

Akbar, profondément influencé par Hiravijaya ji (1526-1595), a renoncé à la pêche et à la chasse, est devenu végétarien et a interdit le meurtre d’animaux pendant les festivals de Paryusana et Mahavir Jayanti, a fait interdire l’abattage des animaux pendant six mois dans le Gujarat, a abandonné certains impôts ; etc..

Mais ce n’est pas tout, même après la tentative d’Akbar de construire une nouvelle idéologie pacifique et universelle, le Sulh-e-Kul, les commerçants jaïns ont conservé la protection de l’empire Moghol, même sous Aurangzeb. Les jaïns avaient la liberté de culte, la protection des pèlerinages et la possibilité de les entreprendre comme ils le souhaitaient, etc.

Extrait du Kalpa Sūtra, 15e siècle

Symboles de cette liberté dans les affaires, les temples jaïns, dont la construction a débuté au 11e siècle, se trouvent par centaines sur le mont Shatrunjaya, dans le Gujarat.

Le fait que le jaïnisme se soit maintenu uniquement dans le nord-ouest de l’Inde est important. Sa dimension politique avait déjà disparu à l’époque de l’ascension du bouddhisme ; c’était uniquement l’idéologie capitaliste de l’ascension de la bourgeoisie à ses débuts.

Mais comme le jaïnisme avait déjà un niveau culturel très élevé, nous y trouvons beaucoup d’interdictions morales qui ont joué un grand rôle dans l’échec du capitalisme indien.

Parmi ces interdictions, on retrouve celles qui sont liées aux êtres vivants. Un jaïn ne peut pas participer à la production et à la vente de charbon de bois et de bois, tout comme il n’a pas le droit d’utiliser ou de vendre des animaux, et donc pas le droit de construire ou de vendre des chariots (à cause du bois et de l’utilisation des animaux).

Mahavira, fondateur du jainisme, 14e siècle

Étaient évidemment interdits le commerce des produits issus des animaux comme l’ivoire, les os, les coquillages, les peaux, mais aussi le commerce de l’alcool ou d’articles dangereux comme les armes, les poisons, et encore les outils agricoles qui représentaient une menace à la vie dans le sol (les jaïns évitent ainsi de manger de l’ail et des oignons, comme leur arrachage est un danger pour des êtres vivants).

Dans le même esprit, il était interdit d’assécher des lacs ou de défricher des forêts, notamment par le feu, ou d’opérer des moulins ou des presses à écraser le grain et la canne à sucre.

Les jaïns étaient donc usuriers, commerçants, prêteurs sur gages, etc. ; ils refusaient d’investir dans toute production opposée au principe de l’« Ahiṃsā », d’absence de souffrance. Les marchands du Gujarat profitaient des échanges maritimes internationaux, étant présents dans les ports de Goa, Chaul, Diu.

Mahavira, vers 1825

Nous tenons ici l’explication de l’échec du capitalisme dans l’Inde antique.

Comme le brahmanisme était un système de caste raciste, il s’opposait à la responsabilité et à l’initiative individuelles nécessaires aux marchands. Il était donc inévitable que ces derniers forgent leur propre idéologie.

Mais contrairement à la situation en Europe, les marchands ne pouvaient pas cohabiter avec la monarchie absolue. Par conséquent, le jaïnisme en tant qu’idéologie du capitalisme a décliné, pour devenir une religion locale ; cette défaite a empêché la construction d’une idéologie capitaliste forte présente dans tout le pays.

De plus, les artisans étant sous le joug du féodalisme, les marchands ne pouvaient pas établir de liens avec eux.

Mais ce n’était pas tout, et ce dernier point explique pourquoi Karl Marx n’a pas pu voir le jaïnisme. Le capitalisme est un mode de production, et donc de reproduction. Cela veut dire que l’argent doit circuler d’un côté, et que des travailleurs individuels doivent être prêts à travailler de l’autre côté.

Le problème n’était pas seulement que le féodalisme bloquait l’émergence de travailleurs libres. C’était aussi que le faible capitalisme indien n’avait pas de marché.

Comment le capitalisme européen s’est-il développé ? Par la vente de marchandises à la bourgeoisie.

Mais Rosa Luxembourg a posé cette question : comment le capital peut-il s’élargir si tout l’argent est dans les mains de la bourgeoisie ? Et elle pensait que la clé était l’intégration des secteurs non capitalistes.

La réponse est claire avec l’exemple indien : l’accumulation du capital s’est accélérée grâce à l’intensification du travail animal, et de la vente de produits entraînant des dépendances tels que l’alcool, l’opium, le sucre, le tabac, etc.

Ces ventes ont permis de s’emparer de tout l’argent et de le réinjecter dans le circuit capitaliste. Mais en Inde, le jaïnisme était déjà une idéologie hautement civilisée.

La base même de l’accumulation n’a pu être atteinte à cause de cela ; même le commerce le plus lucratif, celui des chevaux, était rejeté par les jaïns. Le résultat a été un faible développement de la bourgeoise.

Ainsi, le jaïnisme n’a jamais plus été en capacité de défier l’hindouisme, qui est devenu l’idéologie du féodalisme. Ce féodalisme a été pris d’assaut par les envahisseurs, qui n’ont eu qu’à maintenir les choses telles qu’elle étaient, bloquant la société indienne.

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Hindouisme, bouddhisme et jaïnisme en Inde: unification et glaciation de la société indienne

La Bhakti a permis au brahmanisme, puis à l’hindouisme, de bénéficier d’un bastion idéologique solide dans les masses, le prix à payer étant l’implication active des masses dans ce processus. Cela a permis au féodalisme de s’enraciner profondément dans la société.

Mais nous observons ici autre chose : ce processus a mené à l’unification de l’Inde. Comment cela a-t-il pu être possible ?

Après l’effondrement de l’empire Maurya, l’Inde antique était divisée en de nombreux royaumes qui se disputaient la suprématie. L’empire Gupta n’a été que le succès temporaire d’un royaume en particulier ; en pratique, le pays se divisait en une multitude de pouvoir locaux.

L’hindouisme était l’idéologie du système féodal en général, chaque instance de pouvoir local mettant en avant sa divinité, etc. Les masses étaient de cette façon impliquées dans les querelles intestines féodales.

Dans ce contexte, à chaque fois qu’un roi accédait à une position importante, il soutenait une religion en octroyant au clergé des terres et des temples. Un temple recevait de la terre et des paysans pour la travailler, avec pour résultat l’approfondissement du féodalisme.

Les rois ont commencé à octroyer également des terres aux forces féodales qui leur apportaient leur soutien, même si officiellement la propriété foncière n’a jamais été problématisée en Inde antique et féodale : les rapports de pouvoir, par l’intermédiaire des castes, étaient suffisants.

A travers ce processus, la partie sud de l’Inde a rejoint la partie nord. L’Inde du sud possédait déjà une culture forte, en particulier chez les Tamouls ; des royaumes entreprenaient déjà de créer des idéologies, en particulier au moyen du bouddhisme.

Représentation moderne de la déesse Sarasvati

Ce bouddhisme était cependant très différent de celui de l’époque d’Ashoka. C’était désormais une religion organisée, connue sous le nom de Mahāyāna (« Grand Véhicule » en sanskrit) et qui comportait de nombreux dieux, des rituels, un clergé, etc.

Le but n’était plus la libération, mais le culte des Bodhisattvas, des divinités qui pourraient devenir des bouddhas mais qui choisissent de repousser ce moment pour rester dans le monde, ce afin d’aider les masses (ce qui en fait des « modèles » pour les humains). C’était une variante féodale décadente du bouddhisme des origines, comme en témoignent les énormes statues couvertes d’or, de bijoux, etc.

Finalement, la vigueur idéologique de l’hindouisme a conduit les forces féodales du sud à rallier l’hindouisme, les seigneurs féodaux ont été intégrés dans la castes des kshatriya, des prêtres ont été formés, et toute une histoire a été « écrite » pour intégrer le sud à la culture du nord.

C’était une construction idéologique pure et simple, et dans les faits, le sud n’a jamais connu quatre castes, mais seulement un système traditionnel à deux niveaux, avec d’un côté les seigneurs féodaux et le clergé, et de l’autre des masses opprimées.

Une autre variante concernait les zones tribales intégrées ; dans ces cas, l’hindouisme devait s’adapter, ce qui a donné naissance au tantrisme et ses éléments de magie.

Comme R.S. Sharma le souligne dans « La société médiévale indienne à ses débuts »:

« Une enquête géographique des concessions foncières montrerait que, sauf dans le sud profond où les colonies brahmanes apparaissent en grand nombre à partir du huitième siècle, cela a été du cinquième au septième siècles que les concessions de terres à grande échelle ont été faites aux brahmanes dans les zones périphériques comme l’Assam, le Bengale, l’Orissa, l’Inde du centre et du sud. Les zones de l’Himalaya et le Népal ont également été ouverts aux brahmanes dans les périodes post-gupta par des concessions de terres. »

L’hindouisme a permis la généralisation d’un système dans lequel les seigneurs féodaux gouvernaient principalement un ensemble de villages, où la Bhakti, portée par les populations locales, a apporté les prémices de l’élément national.

Sans la Bhakti, la dévotion des masses, les souverains féodaux auraient gouverné des royaumes complètement disparates ; grâce à la Bhakti, les masses ont trouvé un point de rencontre malgré les barrières linguistiques et culturelles.

Le choc causé par les invasions islamiques a permis de mettre cela en perspective. Tout d’abord, les envahisseurs ont progressivement gagné la domination sur tous les royaumes, formant un nouvel empire et unifiant le pays sur le plan administratif, les forces féodales devenant une interface avec le pouvoir central.

De plus, les masses soutenant la Bhakti se retrouvaient confrontées à une autre religion, ce qui a renforcé l’unification, excepté dans les zones directement liées aux envahisseurs, comme l’Inde du nord-ouest, ou historiquement réticentes à la domination septentrionale, comme le Bengale qui était un bastion bouddhiste, et dont la partie orientale est devenue principalement musulmane.

La déesse de la destruction Kali sur le corps de Shiva, entre 1800 et 1825. Kali est historiquement particulièrement révéré au Bengale occidental.

L’empire Moghol a maintenu tel quel le système féodal sans abolir les castes, se contentant de coordonner les choses par le haut, comme une sorte d’antithèse de l’empire Maurya (à l’exception de l’idéologie progressiste Sulh-e-Kul de l’empereur Akbar, qui tenta d’unifier l’empire de façon similaire, tel un Ashoka moderne).

Les forces féodales étant dans l’incapacité d’évoluer vers une monarchie absolue, les envahisseurs ont pu former une monarchie tyrannique et parasitaire, et vivre des revenus de la collecte des impôts et de la propriété foncière directe (plus ou moins un cinquième de l’empire, selon la période).

C’est précisément cela que Marx avait vu, et qui l’a amené à penser que l’Inde n’était jamais parvenue à dépasser la dispersion féodale d’une part, et d’autre part à former un état central pour mettre de l’ordre dans ce chaos.

Dans un article de 1853 intitulé Les conséquences futures de la domination britannique en Inde, publié dans le New York Daily Tribune, Karl Marx écrit dans cet esprit :

« La société indienne n’a pas d’histoire du tout, du moins pas d’histoire connue.

Ce que nous appelons histoire, n’est que l’histoire des envahisseurs successifs qui ont fondé leurs empires sur les bases passives de cette société immuable et qui n’offrait pas de résistance.

La question, donc, n’est pas de savoir si les anglais avaient le droit de conquérir l’Inde, mais de savoir si nous préférons que l’Inde soit conquise pas les Turcs, les Perses, les Russes, ou les Britanniques.

L’Angleterre a une double mission à remplir en Inde : la mission de détruire, et la mission de régénérer l’anéantissement de l’ancienne société asiatique, et de jeter les bases matérielles de la société occidentale en Asie (…).

Les classes dirigeantes de Grande-Bretagne n’ont trouvé jusqu’à présent qu’un intérêt fortuit, transitoire et épisodique aux progrès de l’Inde. L’aristocratie voulait la conquérir, l’argentocratie voulait la piller, et la manufacturocratie voulait la brader. Mais à présent, c’est une autre affaire.

La manufacturocratie a découvert que la transformation de l’Inde en pays producteur a pris pour eux une importance vitale, et qu’à cette fin, il est nécessaire par dessus tout de la doter de moyens d’irrigation et de communication interne (…).

L’industrie moderne, résultante du système de chemins de fer, va dissoudre les divisions héréditaires du travail sur lesquelles reposent les castes indiennes, ces obstacles décisifs au progrès indien et au pouvoir indien.

Rien, parmi tout ce que la bourgeoisie anglaise sera contrainte de faire, n’émancipera ni n’améliorera la condition sociale de la masse du peuple, laquelle dépend non seulement du développement des forces productives mais aussi de leur appropriation par le peuple. Mais ce que la bourgeoisie ne manquera pas de faire, c’est de poser les bases matérielles de ces deux conditions.

La période bourgeoise de l’histoire doit créer les bases matérielles du nouveau monde – d’une part, les échanges universaux fondés sur la dépendance mutuelle de l’humanité, et les conditions de ces échanges ; d’autre part, le développement des forces productives de l’homme, et la transformation de la production matérielle en une domination scientifique des instances naturelles.

L’industrie et le commerce bourgeois créent les conditions matérielles d’un nouveau monde de la même façon que les révolutions géologiques ont créé la surface de la terre ».

Mais, comme nous l’avons vu, il y a une histoire complexe dont le bouddhisme et le jaïnisme sont les expressions conflictuelles par rapport à l’hindouisme. C’est là un aspect cependant secondaire par rapport à ce que constate Karl Marx avec justesse alors : l’Inde est d’une faiblesse complète au moment de la colonisation, elle n’a pas d’ossature.

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L’apparition des masses avec la Bhakti

L’hindouisme est parvenu à écraser le bouddhisme grâce à la Bhakti, mais le prix à payer a été élevé, car il a fallu intégrer la dévotion des masses dans la pratique religieuse. Voici comment Damodar Dharmananda Kosambi décrit ce processus dans Culture et Civilisation de l’Inde Antique :

« Les brahmanes ont peu à peu étendu leur influence aux tribus et aux castes corporatives qui y échappaient encore, un processus qui se poursuit aujourd’hui. Cela impliquait le culte de nouveaux dieux, y compris Krishna, qui avait supplanté le culte d’Indra dans plaine du Punjab avant l’invasion d’Alexandre.

Mais la spécificité des rituels et des cultes tribaux a été modifiée, les divinités tribales devenant des équivalents des dieux brahmaniques standard, et de nouvelles écritures brahmaniques ont rendu respectables les dieux qui ne pouvaient être assimilés tels quels.

Ces divinités nouvelles ou à l’identité redéfinie allaient de pair avec de nouveaux rituels, et des dates supplémentaires au calendrier lunaire pour les occasions particulières. De nouveaux lieux de pèlerinage sont apparus, ainsi que les mythes leur conférant une respectabilité suffisante, alors qu’ils n’étaient auparavant que des lieux de culte primitifs pré-brahmaniques.

Le Mahabharata, le Ramayana et surtout les Puranas regorgent de tels éléments.

Le mécanisme d’assimilation est particulièrement intéressant. Non seulement Krishna, mais aussi le Bouddha lui-même, ainsi que des divinités totémiques telles que les très anciens Poisson, Tortue et Ours furent transformés en incarnations de Vishnu-Narayana.

Le dieu Hanuman à tête de singe, populaire auprès des cultivateurs à tel point qu’il était le dieu associé à l’agriculture et faisait l’objet d’un culte particulier, est ainsi devenu le fidèle compagnon-serviteur de Rama, une autre incarnation de Vishnu. Vishnu-Narayana utilise le grand Cobra portant le monde comme un lit pour dormir sur les eaux ; et en même temps, ce même Cobra sert d’étole à Shiva, et d’arme à Ganesha.

Ganesha, dieu à la tête d’éléphant, est le fils de Shiva, ou plutôt de la femme de Shiva. Shiva lui-même est le maître des gobelins et des démons, beaucoup d’entre eux – comme le cacodémon [un esprit mauvais, démoniaque] Vétala – étant des dieux extrêmement primitifs et liés à l’origine aux cultes populaires des villages.

Nandi, le taureau de Shiva, faisait l’objet d’un culte dans l’Inde du sud à l’époque néolithique, où aucun maître humain ni aucune divinité ne le chevauchait ; il apparaît indépendamment sur d’innombrables sceaux datant de la civilisation de l’Indus.

Cette assimilation se poursuit à l’infini, et si l’on regroupe toutes les légendes on voit bien qu’elles ne sont qu’un agrégat informe.

Pourtant, l’importance de ce processus ne doit pas être sous-estimé. Le culte de ces divinités primitives ré-assimilées faisait partie d’un mécanisme d’acculturation, de concessions mutuelles.

Tout d’abord, ceux qui auparavant vouaient un culte au Cobra pouvaient encore le vénérer même en s’inclinant devant Shiva, et inversement ceux qui révéraient Shiva rendaient hommage au Cobra dans leurs propres pratiques rituelles. Plus tard, nombreux sont ceux qui allaient observer chaque année le jour du Cobra, pendant lequel il est interdit de travailler la terre et où de la nourriture est donnée en offrande aux serpents.

Des éléments matriarcaux ont été ajoutés, par assimilation de la déesse mère à l’ « épouse » d’un dieu masculin, comme par exemple Durga-Parvati (qui peut avoir des noms différents selon le lieu, comme Tukaï ou Kalubaï) l’épouse de Shiva, ou Lakshmi l’épouse de Vishnou.

Cette complexe généalogie divine conservait des éléments de syncrétisme : Skanda et Ganesha sont devenus les fils de Shiva. »

Ce processus comportait d’énormes risques, car il produisait des mouvements de masse mystiques rejetant les prêtres eux-mêmes au nom de l’amour mystique.

Des figures éminentes de la bhakti : Namdeva, Kabir, Raidas et Pipaji, 19e siècle

Kabir (1440-1518) est le meneur le plus célèbre de l’un de ces mouvement ; sa « voie » est théorisée dans le Bijak, une compilation de poèmes mystiques aujourd’hui encore très célèbre.

En voici un exemple :

« Oh servant, où Me cherches tu ?

Regarde ! Je suis près de toi.

Je ne suis ni au temple ni à la mosquée : ni à la Kaaba ni à Kailash :

Je ne suis ni dans les rites ni dans les cérémonies,

ni dans le Yoga ni dans la renonciation.

Si tu cherches vraiment, tu Me verras tout de suite :

Tu viendras en un instant à Ma rencontre. »

« Je ne suis pas Hindou,

Ni Musulman non plus!

Je suis ce corps, un théâtre

Des cinq éléments ; un spectacle

De l’esprit qui danse

Avec la joie et la tristesse ».

Un autre personnage important est Nanak (1469-1539), le fondateur du sikhisme, pareillement orienté vers le rejet de l’hindouisme et de l’islam, au nom de la dévotion et de la vérité éternelle.

Nanak enseignant à des ascètes, entre 1828 et 1830

Kabir et Nanak, entre autres, rejetaient le principe des prêtres, des textes sacrés, de la fonction de yogi, des dogmes : l’amour et la fusion avec le « un » était un « appel » mystique.

Dans de tels cas, il y avait une rupture avec l’hindouisme, avec les système des castes, avec une quelconque forme de clergé. La mobilisation de masse était au cœur de la démarche.

Même à l’intérieur de l’hindouisme, de telles tendances existaient, très fortes, et elles ont marqué leur époque. Le vaishnavisme de Chaitanya est par exemple allé très loin avec le culte de Krishna, tout comme le poète Surdas (1528- vers 1581) et la poétesse Mira Bai (vers 1498- vers 1546) dont voici un poème :

« Impérissable, O Seigneur,

Est l’amour

Qui me lie à Toi :

Comme un diamant,

Il brise le marteau qui le frappe.

Mon cœur s’imprègne dans le Tien

Comme la cire dans de l’or.

Tel que le lotus qui vit au sein de l’eau,

Je vis en Toi.

Comme l’oiseau

Qui toute la nuit

Contemple la lune décroissante,

Je me suis perdue en Ton sein.

Ô, reviens, mon Adoré ».

En voici un autre :

« Dans mes voyages j’ai passé du temps avec un grand yogi.

Un jour il m’a dit :

Deviens si immobile que tu puisses entendre

le sang couler dans tes veines. 

Une nuit alors que j’étais assise au calme,

Il m’a semblé être sur le point d’entrer dans un monde si vaste

Que je sais que c’est notre source à tous ».

Nous trouvons aussi des personnages comme Eknath (1533-1599), et le très important Tulsidas (1532-1623), qui ont formulé une « voie » où Dieu est considéré à la fois comme personnel et impersonnel, c’est-à-dire comme le but d’une quête mystique, mais aussi d’un culte personnel.

La Bhakti a permis à l’hindouisme de gagner les masses, mais cela signifiait l’irruption des masses dans la religion elle-même.

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